V. MODERNISER L'ASSEMBLÉE DES FRANÇAIS DE L'ÉTRANGER

L'Assemblée des Français de l'étranger (AFE) est une assemblée représentative des Français établis hors de France , placée sous la présidence du ministre des affaires étrangères. Elle comprend 12 sénateurs représentant les Français établis hors de France (membres de droit), 11 députés des Français de l'étranger nouvellement élus (membres de droit), 155 membres élus au suffrage universel pour 6 ans (assemblée renouvelable par moitié tous les 3 ans) et constituant le collège électoral des sénateurs, et 12 personnalités qualifiées désignées par le ministre des affaires étrangères. L'Assemblée tient annuellement 2 sessions plénières (en mars et septembre) et 2 bureaux (en mai et décembre). Le budget de cette Assemblée couvre les dépenses de fonctionnement, notamment les frais liés à l'organisation des quatre rencontres annuelles (6 %), et les indemnités versées aux conseillers élus de l'Assemblée (94 %). Un conseiller de l'AFE perçoit en moyenne 20 533 € d'indemnités par an, dont une partie dépend de sa localisation géographique.

Les crédits prévus pour l'Assemblée des Français de l'étranger dans le projet de loi de finances pour 2013 s'élèvent à 3 390 000 €. Seuls les crédits de fonctionnement de l'AFE sont en baisse, de 20 000 € sur 200 000€. Cette baisse ne porte pas sur les indemnités des conseillers.

Elle résulte d'économies bienvenues, qu'il faut saluer :

- une diminution du nombre des impressions (annuaire des membres, plaquette de présentation de l'AFE et impressions pendant les sessions ont été dématérialisées sur le site internet de l'AFE). Le mouvement pourrait se poursuivre l'an prochain avec la dématérialisation du rapport annuel du directeur des français à l'étranger ;

- une baisse des coûts de location puisque l'AFE bénéficie du centre de conférences ministériel du ministère des affaires étrangères pour l'organisation de ses sessions (cout évité : environ 6400€ l'an passé) ;

- un effort de sincérité budgétaire puisque bien souvent par le passé une partie de ces crédits de fonctionnement étaient restitués au programme 151 en exécution budgétaire.

Force est de constater qu'aujourd'hui, l'Assemblée des Français de l'étranger n'est pas ce qu'elle devrait être. Son fonctionnement est celui d'une structure constituée il y a plus de 60 ans pour et autour du chef de la diplomatie, pour lui apporter une expertise sur la diaspora française. Juridiquement et politiquement, c'est désormais une aberration. Il est temps de lui donner plus de poids et plus de cohérence.

Cette conviction, exprimée par votre co-rapporteur, M Robert del PICCHIA, depuis de nombreuses années, et formalisée dans une proposition de loi de juin 2011, est désormais largement partagée.

PROPOSITION DE LOI N°446 (2011-2012) DE M ROBERT DEL PICCHIA SUR LA RÉFORME ET LA MODERNISATION DE L'ASSEMBLÉE DES FRANÇAIS DE L'ÉTRANGER - Exposé des motifs

Si nous devions dessiner aujourd'hui l'Assemblée des Français de l'étranger, elle ne se ressemblerait pas.

Il ne viendrait à l'idée d'aucun juriste, ni d'aucun politique, de créer ex nihilo une assemblée composée d'élus locaux, présidée par un ministre.

Il ne viendrait pas non plus à l'idée de qui que ce soit que ces représentants, choisis au suffrage universel direct, doivent cohabiter avec les représentants d'associations, nommés arbitrairement par le ministre présidant cette enceinte.

L'importance accordée en France à l'expression du suffrage, essence de la souveraineté populaire, interdirait également que le rôle de cette assemblée soit non seulement consultatif, mais également facultatif.

Enfin, le rôle de ces élus auprès des citoyens qui les ont choisis, ne se résumerait pas à celui qu'ils occupent aujourd'hui à l'ombre des postes diplomatiques et consulaires.

L'Assemblée des Français de l'étranger n'est pas ce qu'elle devrait être.

Son fonctionnement est celui d'une structure constituée il y a plus de 60 ans pour et autour du chef de la diplomatie, pour lui apporter une expertise sur la diaspora française.

Pratiquement, c'est bien le rôle qu'elle a joué depuis lors. Juridiquement, c'est aujourd'hui une aberration. Elle doit être réformée pour établir des fondations saines, solides et cohérentes. Dessinons une nouvelle AFE.

La proposition de loi proposait notamment :

- une présidence élue ;

- une saisine pour avis obligatoire ;

- une reconnaissance de la fonction représentative des conseillers élus ;

- une suppression des personnalités qualifiées en son sein.

Plusieurs autres parlementaires, de toutes sensibilités politiques, ont déposé depuis des propositions de modification de l'AFE. Bien plus, le Gouvernement s'est rallié à cette idée qu'une modernisation était nécessaire , comme l'a exprimé le ministre Laurent Fabius en ouverture de dernière session de l'AFE le 3 septembre dernier, en dessinant les contours de ce que pourrait être un futur projet de loi :

« L'Assemblée des Français à l'étranger doit sans doute évoluer. Quand et comment ? (...) Je voudrais cependant vous livrer quelques éléments de réflexion.

« Sur le plan juridique et compte tenu des limites que nous impose notre norme suprême nous savons d'ores et déjà que la création d'une collectivité en quelque sorte « hors sol » n'est pas envisageable constitutionnellement.

« Il nous faut aussi avoir à l'esprit les données budgétaires : dans le contexte que chacun connait, une réforme de l'AFE, quelle qu'elle soit, ne doit pas aller à contre-courant des efforts entrepris.

« En outre, je suis, tout comme vous, attaché au renforcement de la légitimité démocratique de cette assemblée. Au niveau national, des députés ont rejoint les sénateurs pour permettre à nos communautés françaises à l'étranger d'être pleinement représentés dans les enceintes parlementaires. Le renforcement de la représentativité des sénateurs élus par vous pour représenter les Français de l'étranger devra être au coeur de votre réflexion.

« De la même manière, il faudra réfléchir sur le rôle des élus de l'AFE. Vous êtes avant tout des élus de proximité. Cette mission de terrain est parfois rendue difficile avec 155 conseillers pour 233 circonscriptions consulaires. Cette donnée devra aussi être prise en considération.

« J'ajoute une observation de calendrier. Un renouvellement partiel de votre Assemblée est prévu au printemps 2013 et il faut préparer cette échéance. Si les orientations d'une réforme le rendent nécessaire, nous verrons, avec Mme Conway-Mouret, s'il faut ou non modifier ce calendrier. »

La commission des Lois et règlements de l'AFE a exprimé lors de la session de septembre 2012, à l'unanimité, un avis qui pourrait servir de canevas à la modification législative envisagée.

L'ASSEMBLÉE DES FRANÇAIS DE L'ÉTRANGER,

vu la Constitution, notamment son article 34 créant la catégorie constitutionnelle des « instances représentatives des Français établis hors de France » et incluant dans le domaine de la loi les règles concernant leur régime électoral ; que l'Assemblée des Français de l'étranger fait partie de ces instances et que d'autres peuvent être créées par la loi ;

vu la loi n° 82-471 du 7 juin 1982 modifiée relative à l'Assemblée des Français de l'étranger ;

vu la demande d'avis du Ministre des affaires étrangères sur l'évolution de l'Assemblée des Français de l'étranger formulée dans son discours d'ouverture de la dix-septième session de cette Assemblée ;

considérant que l'Assemblée est un instrument démocratique essentiel, qu'elle apporte à l'Etat l'expérience du terrain, qu'elle transmet les requêtes des Français de l'étranger et fait mieux connaître leurs besoins ; qu'elle constitue par l'intermédiaire de ses élus un réseau essentiel pour nos compatriotes, en particulier dans les territoires où il n'y a pas ou plus de postes de plein exercice, elle est aussi la mémoire de la circonscription auprès des diplomates ;

considérant que l'Assemblée des Français de l'étranger a toujours souhaité une évolution démocratique de son statut ; que cette volonté s'est traduite dans les travaux de sa Commission de la réforme pendant plusieurs années ; que ces travaux ont abouti au projet d'une collectivité d' « outre frontière » adopté à l'unanimité le 9 mars 2006 ; que le Conseil économique et social avait qualifié ce projet de « cohérent et constructif » dans son avis du 27 janvier 2009 ; que plusieurs propositions de loi tendant à créer un établissement public ont été formulées à cet effet ; que le Gouvernement a opposé à cette réforme des arguments de constitutionnalité ; que le Gouvernement s'est déclaré ouvert à toute autre proposition en souhaitant une approche consensuelle ;

considérant que les objectifs à atteindre sont :

- une meilleure représentativité de l'Assemblée des Français de l'étranger, qui doit devenir une véritable assemblée dotée de compétences nouvelles tant délibératives que consultatives et élisant son président ; que cette représentativité passe également par une refonte de la carte des circonscriptions électorales ;

- un élargissement du collège électoral des sénateurs représentant les Français établis hors de France, par l'élection de délégués consulaires, élus en même temps et sur les mêmes listes que les conseillers à l'A.F.E. ;

- un développement de la démocratie de proximité, les délégués consulaires ainsi élus au suffrage universel devenant membres de tous les comités consulaires de la circonscription électorale, dotés des mêmes compétences que les comités consulaires spécialisés existant actuellement en matière de protection sociale, de bourses, d'emploi et de formation professionnelle et les Comités de sécurité. Leurs attributions pourraient être élargies dans l'avenir à la suite d'une réflexion approfondie de sa Commission des Lois et règlements et des délibérations consécutives en séance plénière ;

considérant que cette réforme doit se faire dans le cadre des contraintes budgétaires actuelles ; réaffirmant l'importance de son rôle en tant qu'instance représentative des Français établis hors de France au sens de l'article 34 de la Constitution, émet l'avis suivant :

I - en ce qui concerne l'Assemblée des Français de l'étranger : l'Assemblée des Français de l'étranger demande 1. la reconnaissance de ses compétences pour orienter les politiques publiques relatives aux Français de l'étranger ; 2. la consultation systématique de l'Assemblée dans les domaines de sa compétence, en remplaçant, à l'article 1er A de la loi du 7 juin 1982, les termes « peut être consultée » par « est consultée » ; 3. le pouvoir de fixer les critères d'attribution et la répartition des bourses, des allocations d'aide sociale, et des aides à l'emploi et à la formation professionnelle, dans la limite des dotations budgétaires ; 4. l'élection du président de l'Assemblée par les seuls membres élus et en leur sein ; 5. la suppression de la catégorie des personnalités qualifiées ; 6. la participation des membres de droit de l'Assemblée à ses travaux sans voix délibérative ; 7. le maintien de ses deux sessions plénières annuelles ; 8. la révision de la carte des circonscriptions électorales, dans le respect des critères fixés par le Conseil constitutionnel ; 9. la consultation systématique de l'Assemblée pour toute révision du réseau consulaire ; 10. l'extension du mode de scrutin proportionnel sauf dans les cas qui nécessitent un scrutin majoritaire à un siège ; 11. dans les circonscriptions où l'élection a lieu au scrutin proportionnel, l'augmentation du nombre minimal de candidats figurant sur une liste en le multipliant par deux ; 12. dans les circonscriptions où l'élection a lieu au scrutin majoritaire à un siège, l'augmentation du nombre des remplaçants de un à trois ; 13. l'information exhaustive nécessaire à l'exercice du mandat de ses membres et leur consultation, notamment lors des négociations de traités, conventions ou accords bilatéraux concernant les droits et obligations des Français de l'étranger, y compris en matière fiscale, comme l'avait prévu le décret n° 88-360 du 15 avril 1988 ;

II - en ce qui concerne le développement de la démocratie de proximité, l'Assemblée demande : 1. que des délégués consulaires élus soient membres des comités consulaires aux côtés des membres de droit que sont les conseillers à l'AFE :

que lors des élections à l'Assemblée des Français de l'étranger, dans les circonscriptions où les conseillers sont élus au scrutin proportionnel, les suivants de liste deviennent, en nombre égal au nombre de sièges obtenus par la liste, délégués consulaires, membres des comités consulaires de la circonscription électorale ;

que dans les circonscriptions où les conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger sont élus au scrutin majoritaire, le premier remplaçant devient membre des comités consulaires de la circonscription électorale ; 2. que les comités consulaires exercent les attributions actuelles des comités consulaires spécialisés et qu'une réflexion soit engagée sur l'extension éventuelle de leurs attributions et l'amélioration de leur fonctionnement en tenant compte de l'expérience des comités généralistes institués dans certains postes par les arrêtés du 29 mars 2005.

III - en ce qui concerne l'élargissement du collège électoral des sénateurs représentant les Français établis hors de France, l'Assemblée demande : 1. le doublement du nombre de membres du collège électoral, en conférant aux délégués consulaires en tant qu'élus, aux côtés des députés et des conseillers à l'AFE, la qualité de membres du collège électoral des sénateurs représentant les Français établis hors de France ; 2. que la possibilité de voter par correspondance électronique soit ouverte à cet effet dans les postes consulaires où cela s'avèrerait nécessaire.

Vos rapporteurs souhaitent que les grandes lignes définies par l'AFE et adoptées à l'unanimité par sa commission des lois soient prises en compte par le projet du gouvernement. En tout état de cause, une consultation de l'AFE sur le projet du Gouvernement parait indispensable.

En réponse aux questions de vos rapporteurs sur le calendrier envisagé de cette réforme et sur ses éventuelles incidences sur le renouvellement partiel à venir de l'AFE, prévu en juin 2013, la ministre déléguée a affirmé que les projets du Gouvernement seraient connus en novembre et qu'il n'était pas exclu que les élections puissent se tenir dans le courant de l'année 2013. Votre commission suivra naturellement ce dossier avec la plus grande attention.

Page mise à jour le

Partager cette page