Article additionnel après l'article 23 (art. 697-2 nouveau du code de procédure pénale) - Clarification des règles de compétence pour les infractions commises à bord des navires et des aéronefs militaires

Cet article additionnel a été introduit par un amendement déposé par votre rapporteur pour avis et adopté à l'unanimité par votre commission. Il vise à préciser les règles de compétence pour les infractions commises à bord des bâtiments de la marine nationale et des aéronefs militaires.

Le code pénal prévoit que la loi française est applicable à bord des navires de la marine nationale ou des aéronefs militaires. L'article 697-3 du code de procédure pénale dispose que sont compétentes les juridictions du lieu de l'affectation ou du débarquement. Mais cette compétence semble concurrente à celle du Tribunal aux armées de Paris, qui s'estime compétent lorsque les faits ont eu lieu en dehors des eaux territoriales. Il en résulte des conflits de compétence qui donnent lieu à de nombreuses difficultés procédurales et à des arbitrages du ministère de la justice.

Dans le souci de sécuriser les règles de compétence, cet article prévoit donc de rétablir un nouvel article 697-2 dans le code de procédure pénale précisant que la juridiction compétente pour statuer sur les infractions commises à l'encontre ou à bord des navires de la marine nationale ou des aéronefs militaires sera celle de leur lieu d'affectation.

Comme votre rapporteur pour avis a pu le constater lors de ses auditions, cette clarification, qui est conforme à la pratique, est accueillie très favorablement tant par les officiers et marins de la marine nationale, que par le ministère de la justice.

Cet article additionnel reprend d'ailleurs le I. de l'article 3 de la proposition de loi n° 303 relative à l'aménagement des compétences juridictionnelles en matière militaire et à la simplification de plusieurs dispositions du code de justice militaire, qui a été présentée par votre rapporteur pour avis et déposée au Sénat le 11 février 2011.

Votre commission vous proposer d'adopter cet article additionnel.

Article additionnel après l'article 23 (art. 698-1 du code de procédure pénale) - Avis du ministre de la défense en cas de poursuites pénales à l'encontre d'un militaire à la suite d'une plainte contre personne non dénommée, d'une plainte avec constitution de partie civile ou à l'occasion d'un réquisitoire supplétif

Cet article additionnel, introduit par un amendement proposé par votre rapporteur pour avis et adopté à l'unanimité, vise à préciser que l'avis préalable du ministre de la défense s'applique également dans le cas d'une plainte contre personne non dénommée, d'une plainte avec constitution de partie civile ou à l'occasion d'un réquisitoire supplétif.

Il s'inspire partiellement du II. de l'article 3 de la proposition de loi n° 303 relative à l'aménagement des compétences juridictionnelles en matière militaire et à la simplification de plusieurs dispositions du code de justice militaire, qui a été présentée par votre rapporteur pour avis et déposée le 11 février 2011.

1. La justification de l'avis du ministre de la défense en cas de poursuites à l'encontre d'un militaire

L'article 698-1 du code de procédure pénale prévoit que, à défaut de dénonciation du ministre de la défense ou de l'autorité militaire habilitée par lui, le procureur de la République doit demander préalablement à tout acte de poursuite à l'encontre d'un militaire, sauf en cas de crime ou de délit flagrant, l'avis du ministre de la défense ou de l'autorité militaire habilitée par lui.

Cet avis est formulé par écrit et signé soit par le ministre de la défense soit par l'autorité militaire habilitée.

L'avis explique et précise au cas par cas le contexte opérationnel des faits. Il permet d'éclairer le Parquet aussi complètement que possible sur les circonstances de l'affaire, le contexte opérationnel, la personnalité du militaire concerné. Il permet également de renseigner l'autorité judiciaire sur les impératifs et les risques encourus par les militaires dans les différentes missions qui leur sont assignées, notamment en opérations extérieures. Il informe aussi le juge de la mesure disciplinaire prononcée à l'encontre du militaire, cette mesure étant généralement déduite de la condamnation.

Dans cet avis, le ministre de la défense ou l'autorité militaire peuvent le cas échéant discuter tel ou tel élément constitutif de l'infraction pénale relevée, et proposer une qualification pénale mieux adaptée. Le ministre de la défense ou l'autorité militaire peuvent aussi proposer une suite à donner à l'affaire, comme un classement sans suite ou l'engagement de poursuites.

Il est rédigé par écrit et versé au dossier et donc connu de toutes les parties. Par ailleurs, il est encadré dans des délais stricts (un délai d'un mois est prévu, qui peut être réduit en cas d'urgence). L'absence de l'avis entraîne la nullité de la procédure.

En 1982, lors des débats parlementaires sur la réforme du code de justice militaire, le Garde des Sceaux de l'époque, notre collègue M. Robert Badinter, avait estimé qu'il était nécessaire que l'autorité militaire éclaire le parquet et fasse valoir son point de vue, notamment pour les raisons suivantes :

- dès lors qu'il relève des juridictions spécialisées et présente donc un lien suffisant et nécessaire avec l'institution militaire, tout comportement délictueux met en cause la discipline et l'ordre public au sein des armées. Cette mise en cause justifie que l'autorité militaire continue à faire connaître ses préoccupations ;

- en maintenant l'obligation de solliciter l'avis du ministre de la défense, le code de justice militaire organise un échange réciproque d'informations entre l'autorité militaire et le ministère public. Cet échange permet à l'autorité militaire d'être informée des faits reprochés et de tenir compte de l'exercice éventuel des poursuites pénales. En effet, ces éléments sont susceptibles d'avoir une incidence sur la manière de servir, la disponibilité et la capacité opérationnelle du militaire, surtout s'il s'agit d'un professionnel. L'avis permet également à l'autorité militaire de faire connaître son analyse des faits reprochés et de présenter les données relatives, d'une part aux contraintes de la mission militaire, d'autre part, à la personnalité du militaire concerné ;

- enfin, l'absence de représentation syndicale confère souvent au seul commandement la responsabilité d'assurer la défense et la sauvegarde des intérêts des personnels militaires, notamment au cours de la phase d'enquête préalable à l'engagement des poursuites pénales.

Il convient d'observer que cette procédure dérogatoire est entourée de garanties :

- le ministère public est expressément dispensé de solliciter cet avis en cas de crime ou de délit flagrant, de sorte que l'exercice de poursuites pénales peut alors être immédiat ;

- la procédure de l'avis est soumise à des conditions strictes de délais et ne saurait devenir le moyen pour le ministre de la défense ou l'autorité militaire de faire obstacle à l'engagement des poursuites ou de compromettre l'efficacité des investigations en en retardant le déclenchement. En effet, en cas d'urgence ou lorsque l'avis n'a pas été formulé dans le délai d'un mois, l'absence de l'avis au dossier n'emporte pas la nullité de la procédure ;

- Enfin, l'avis du ministre de la défense ou de l'autorité militaire est un simple avis consultatif qui ne lie pas le ministère public qui décide seul de l'engagement des poursuites.

Parallèlement, la possibilité pour la partie lésée de mettre en mouvement l'action publique a été progressivement reconnue en matière d'infractions commises par les militaires.

La reconnaissance par la réforme de 1982 du droit d'exercer une action civile ne s'était pas accompagnée par la possibilité pour la victime de mettre en mouvement l'action publique. La loi du 16 décembre 1992 relative à l'entrée en vigueur du nouveau code pénal avait prévu une telle possibilité mais uniquement dans des cas limitativement énumérés. En effet, c'est uniquement en « cas de décès, de mutilation ou d'infirmité permanente » que la partie lésée pouvait mettre en mouvement l'action publique.

Lors de la réforme de 1999, le Parlement a souhaité étendre la possibilité pour la partie lésée de mettre en mouvement l'action publique en prévoyant que celle-ci est possible par la voie de la plainte avec constitution de partie civile devant le juge d'instruction quel que soit le dommage subi. Toutefois, à la demande du Gouvernement, cette réforme a été reportée à la date du 1 er janvier 2002, qui correspondait à la fin de la conscription. En revanche, a été exclue la possibilité pour la partie lésée de mettre en mouvement l'action publique par la voie de la citation directe.

2. L'absence d'avis systématique en cas de plainte contre personne non dénommée, de plainte avec constitution de partie civile ou à l'occasion d'un réquisitoire supplétif

En vertu de l'article 698-1 du code de procédure pénale, le procureur de la République doit demander préalablement à tout acte de poursuite à l'encontre d'un militaire, hors cas de flagrance et sauf dénonciation, l'avis du ministre de la défense ou de l'autorité militaire habilitée par lui, sous peine de nullité. En principe, cette obligation s'impose au procureur de la République avant tout acte de poursuite.

Toutefois, il est apparu à plusieurs reprises que lorsque les premiers éléments de l'enquête ne font pas apparaître qu'un militaire précisément désigné est susceptible d'être poursuivi, la procédure judiciaire est ouverte contre personne non dénommée (c'est ce que l'on désigne dans le langage courant par « plainte contre X ») et aucun avis n'est alors demandé. Mais, dans la suite de la procédure, si un militaire est directement mis en cause et susceptible d'être poursuivi, aucun avis ne sera alors sollicité. C'est en particulier le cas dans les procédures ouvertes sur constitution de partie civile devant le juge d'instruction.

Certes, la rédaction de l'article 698-1 du code de procédure pénale aurait pu être interprétée comme induisant la demande d'avis du ministre de la défense même dans le cas d'une procédure judiciaire ouverte contre personne non dénommée, dès lors que l'instruction montrait qu'un militaire était en cause. Cependant, tel n'a pas été le sens de la jurisprudence de la Cour de cassation. Dans un arrêt du 16 juillet 1997 31 ( * ) , la chambre criminelle de la Cour de cassation a estimé, en effet, que l'article 698-1 ne régit que la mise en mouvement de l'action publique à l'encontre des militaires par le procureur de la République et que le juge d'instruction avait le pouvoir de mettre en examen toute personne ayant pris part aux faits dont il est saisi.

De même, dans un arrêt du 3 septembre 2003, la chambre criminelle de la Cour de cassation a écarté le moyen tenant à l'absence d'avis du ministre de la défense préalablement à un réquisitoire introductif ayant abouti à la mise en examen d'un médecin militaire à la suite d'une plainte avec constitution de partie civile contre personne non dénommée.

Ainsi, en cas de plainte avec constitution de partie civile, le juge d'instruction n'est pas tenu de solliciter l'avis du ministre de la défense, même si l'instruction débouche sur des faits susceptibles d'être commis par des militaires. Cette solution est assez logique dans la mesure où le juge d'instruction est saisi « in rem » et peut donc mettre en examen toute personne soupçonnée d'avoir commis les faits faisant l'objet du réquisitoire du procureur de la République. Prévoir pour le juge d'instruction l'obligation de recueillir un avis avant de mettre en examen la personne concernée aboutirait à revenir sur ce principe fondamental en matière d'instruction. Par ailleurs, on peut s'interroger sur le sens d'une telle disposition : l'action publique ayant déjà été engagée et le juge d'instruction ne disposant pas de l'opportunité des poursuites, quel serait donc le sens et la portée de cet avis ?

Toutefois, lorsque le juge d'instruction est saisi d'une plainte avec constitution de partie civile, le doyen des juges d'instruction saisit le procureur de la République aux fins de connaître ses réquisitions. On peut dès lors considérer que, si la plainte vise des infractions militaires ou des faits commis par un militaire dans l'exercice de ses fonctions, il appartient au procureur de la République de demander l'avis du ministre de la défense, conformément à l'article 698-1. Il conviendrait néanmoins de lever toute ambigüité sur ce point.

De même, en cas de plainte avec constitution de partie civile devant le juge d'instruction contre personne dénommée, qui serait un militaire, le procureur devrait saisir le ministre de la défense, mais il semblerait que cela ne soit pas systématique.

Enfin, dans l'hypothèse de la découverte au cours de l'instruction de faits nouveaux susceptibles de mettre en cause un militaire, le procureur de la République devrait en principe demander l'avis du ministre de la défense avant de délivrer son réquisitoire supplétif. Mais la pratique semble montrer que cette saisine n'est pas systématique.

3. La position de votre commission

L'avis préalable du ministre de la défense ou de l'autorité militaire à l'engagement de poursuites constitue un aspect essentiel de la prise en compte de la spécificité du contentieux mettant en cause les militaires.

Il permet d'apporter un éclairage à des situations opérationnelles parfois très complexes, notamment en opérations extérieures, à l'image de l'Afghanistan. En outre, cet avis ne lie en rien le Procureur de la République. Ce dispositif mérite donc, pour votre commission, d'être préservé et consacré.

Or, la situation actuelle est ambigüe, en particulier en cas de plainte contre personne non dénommée, de plainte avec constitution de partie civile ou de découverte de faits nouveaux.

Déjà, lors de l'examen de la réforme de 1999, le Gouvernement avait proposé d'étendre l'obligation de solliciter l'avis préalable du ministre de la défense en cas de poursuites contre un militaire à la suite d'une plainte avec constitution de partie civile. Toutefois, l'Assemblée nationale s'y était à l'époque opposée en première lecture au motif qu'elle n'entendait pas « maintenir des spécificités artificielles dont la portée est restreinte » 32 ( * ) .

Le Sénat, avait souhaité rétablir cette disposition, sur l'avis unanime de la commission des Lois et de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des Forces armées, mais l'Assemblée nationale s'y était à nouveau opposée en deuxième lecture. Comme le relevait le rapporteur de la commission des Lois du Sénat, notre collègue René Garrec : « l'inscription explicite dans la loi de l'avis du ministre de la défense en cas de mise en mouvement de l'action publique par la partie lésée avait surtout pour objectif de lever une ambigüité (...). Lorsque la partie lésée met en mouvement l'action publique, on peut légitimement estimer que les réquisitions que le procureur est appelé à prendre constituent un acte de poursuite de sorte que l'avis redevient nécessaire, même s'il n'est pas inscrit explicitement dans la loi ».

Estimant que la pratique avait démontré la pertinence de la position du Sénat, votre commission a souhaité lever toute ambigüité sur ce point.

La commission a donc, sur proposition du rapporteur pour avis, adopté à l'unanimité un amendement introduisant un article additionnel prévoyant de clarifier la rédaction de l'article 698-1 du code de procédure pénale, afin de préciser que l'avis du ministre de la défense ou de l'autorité militaire habilitée par lui doit aussi être demandé par le procureur de la République en cas de réquisitoire contre personne non dénommée, de réquisitoire supplétif ou de réquisitions faisant suite à une plainte avec constitution de partie civile.

Votre commission vous propose d'adopter cet article additionnel .


* 31 Cour de cassation, Crim. 16 juillet 1997, Bull. crim. n°275

* 32 Rapport n°1732 (Assemblée nationale, XIe législature) du 22 juin 1999 présenté par M. Jean Michel au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées, sur le projet de loi, modifié par le Sénat, portant réforme du code de justice militaire et du code de procédure pénale

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