Avis n° 367 (2010-2011) de M. Marcel-Pierre CLÉACH , fait au nom de la commission des affaires étrangères et de la défense, déposé le 23 mars 2011

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N° 367

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 mars 2011

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l' allègement de certaines procédures juridictionnelles (PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE ENGAGÉE) et sur la proposition de loi de M. Marcel-Pierre CLÉACH relative à l' aménagement des compétences juridictionnelles en matière militaire et à la simplification de plusieurs dispositions du code de justice militaire ,

Par M. Marcel-Pierre CLÉACH,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Josselin de Rohan , président ; MM. Jacques Blanc, Didier Boulaud, Jean-Louis Carrère, Jean-Pierre Chevènement, Robert del Picchia, Jean François-Poncet, Robert Hue, Joseph Kergueris , vice-présidents ; Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet , secrétaires ; MM. Jean-Étienne Antoinette, Robert Badinter, Jean-Michel Baylet, René Beaumont, Jean-Pierre Bel, Jacques Berthou, Jean Besson, Michel Billout, Didier Borotra, Michel Boutant, Christian Cambon, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Mme Michelle Demessine, M. André Dulait, Mmes Bernadette Dupont, Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Paul Fournier, Mme Gisèle Gautier, M. Jacques Gautier, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Robert Laufoaulu, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Rachel Mazuir, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean Milhau, Charles Pasqua, Philippe Paul, Xavier Pintat, Bernard Piras, Christian Poncelet, Yves Pozzo di Borgo, Jean-Pierre Raffarin, Daniel Reiner, Roger Romani, Mme Catherine Tasca.

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

344 (2009-2010) et 303 (2010-2011)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, réunie le mardi 29 mars 2011, sous la présidence de M. Josselin de Rohan, président, a examiné, sur le rapport pour avis de M. Marcel-Pierre Cléach, le projet de loi n° 344 (2009-2010) relatif à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles.

Si ce projet de loi, qui résulte des travaux de la commission présidée par le recteur Guinchard et qui vise à simplifier l'organisation judiciaire et la procédure, a été renvoyé au fond à la commission des Lois, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a souhaité se saisir pour avis de trois articles de ce projet de loi qui concernent la justice militaire (les articles 23 et 24 et pour partie l'article 26) et relèvent donc de ses attributions. Concernant ces articles, elle a reçu une délégation au fond : la rédaction adoptée par votre commission de ces articles devrait ainsi être reprise intégralement et faire partie intégrante du texte final établi par la commission des Lois.

L'article 23 de ce projet de loi propose de supprimer le Tribunal aux armées de Paris et de reconnaître la compétence pour connaître l'ensemble des infractions commises par les militaires ou à leur encontre hors du territoire de la République en temps de paix à la formation spécialisée en matière militaire du Tribunal de grande instance de Paris.

L'article 24 de ce projet de loi apporte, pour sa part, certains assouplissements aux sanctions pénales applicables aux militaires et participe également au processus de rapprochement du droit pénal et de la procédure pénale militaires au droit pénal et à la procédure pénale de droit commun, qui est déjà largement engagé aujourd'hui.

Enfin, le II de l'article 26 porte sur l'entrée en vigueur et les dispositions transitoires relatives à l'article 23.

Cette réforme conduirait ainsi à supprimer la dernière juridiction militaire et à achever l'intégration de la justice militaire dans la justice de droit commun en temps de paix, commencée par la loi du 21 juillet 1982, qui avait supprimé, en temps de paix et sur le territoire de la République, les tribunaux militaires.

La prise en compte de la spécificité militaire par les juridictions civiles serait toutefois préservée par cette réforme, d'une part, grâce à la spécialisation des juridictions et des magistrats au sein de formations spécialisées des tribunaux de grande instance, et d'autre part, grâce au maintien de règles procédurales particulières applicables aux militaires , en particulier l'avis préalable du ministre de la défense avant l'engagement de poursuites à l'encontre d'un militaire et l'impossibilité pour la victime d'une infraction commise par un militaire de faire citer directement ce militaire devant la juridiction de jugement.

Tout en approuvant l'esprit général de cette réforme, votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a souhaité préciser et compléter ces dispositions, en s'inspirant de la proposition de loi n° 303 (2010-2011) relative à l'aménagement des compétences juridictionnelles en matière militaire et à la simplification de plusieurs dispositions du code de justice militaire, qui a été déposée par votre rapporteur pour avis le 11 février 2011 et renvoyée au fond à votre commission.

Sur proposition du rapporteur pour avis, la commission a ainsi adopté, à l'unanimité, cinq amendements , dont deux de clarification et de simplification rédactionnelle et trois amendements tendant à insérer trois articles additionnels.

La commission a ainsi jugé utile de compléter ce projet de loi sur trois aspects en prévoyant de :

- renforcer la spécificité militaire , en prévoyant un avis préalable du ministre de la défense lorsqu'un militaire est susceptible d'être poursuivi à la suite d'une plainte contre personne non dénommée (« plainte contre X »), d'une plainte avec constitution de partie civile ou d'un réquisitoire supplétif ;

- clarifier la compétence juridictionnelle concernant les infractions commises à bord des navires de la marine nationale ou des aéronefs militaires ;

- simplifier et harmoniser la définition de la désertion , qu'elle intervienne sur le territoire ou à l'étranger ;

La commission a également donné un avis favorable à un amendement du Gouvernement tendant à préciser qu'en cas d'actes de terrorisme commis par ou à l'encontre de militaires en dehors du territoire, c'est le pôle anti-terroriste de Paris qui sera compétent et non la formation spécialisée du TGI de Paris.

Enfin, à l'initiative de votre rapporteur pour avis, la commission a souhaité formuler des observations supplémentaires , afin notamment de :

- lancer une réflexion sur le renforcement de la spécialisation des juridictions et des magistrats par le regroupement des formations spécialisées en deux ou trois pôles « affaires militaires » ;

- renforcer la formation des magistrats en matière militaire ;

- conforter le statut du corps des greffiers militaires ;

- s'assurer du transfert des moyens humains et financiers du ministère de la défense au ministère de la justice.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donné un avis favorable à l'adoption des articles 23 et 24 et du II de l'article 26 de ce projet de loi, tels que modifiés par les amendements qu'elle a adoptés, en tenant compte de l'insertion de trois articles additionnels.

En conséquence, la commission a constaté que la proposition de loi n°303 (2010-2011) relative à l'aménagement des compétences juridictionnelles en matière militaire et à la simplification de plusieurs dispositions du code de justice militaire était satisfaite par les articles 23, 24 et 26 du projet de loi, tels que modifiés par les amendements et complétés par les articles additionnels adoptés par la commission.

INTRODUCTION

Cedant arma togae 1 ( * )

Cicéron, De officiis (Des devoirs), I, 77.

Il faut « accorder les exigences de la discipline, sans laquelle il n'y a pas d'armée, avec les exigences du Droit, sans lequel il n'y a pas de justice ».

Pierre Hugueney, Traité théorique et pratique de droit pénal et de procédure pénale militaires, 1933 2 ( * ) .

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est appelé à examiner le projet de loi n° 344 (2009-2010) relatif à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles, qui a été déposé le 3 mars 2010.

Ce projet de loi est issu des travaux de la commission sur la répartition des contentieux présidée par le recteur Guinchard, qui a remis, le 30 juin 2008, son rapport au Garde des Sceaux. Il vise à simplifier l'organisation judiciaire et à alléger certaines procédures.

Les 27 articles de ce projet de loi portent sur des sujets très variés, comme la suppression de la justice de proximité, tout en maintenant les juges de proximité qui seront désormais rattachés au tribunal de grande instance, l'aménagement des compétences entre les tribunaux de grande instance et les tribunaux d'instance ou encore la constitution de pôles spécialisés, par exemple en matière de crimes contre l'humanité ou de crimes de guerre. Ce texte contient également des mesures visant à alléger la procédure civile et pénale.

Étant donné que ce projet de loi relève directement ses attributions, il a été renvoyé au fond à la commission des Lois du Sénat.

Trois articles de ce projet de loi portent toutefois sur la justice militaire et relèvent donc des compétences de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Il s'agit de :

- l' article 23 qui prévoit la suppression du Tribunal aux armées de Paris et le transfert de la compétence pour connaître les infractions commises par les militaires ou à leur encontre hors du territoire de la République en temps de paix à la formation spécialisée en matière militaire du Tribunal de Grande instance de Paris ;

- l' article 24 qui vise à supprimer le caractère automatique de la perte de grade en cas de condamnation pénale d'un militaire ;

- et, enfin, du II. de l'article 26 qui concerne l'entrée en vigueur et les dispositions transitoires relatives à l'article 23.

L'objet de ces articles est de poursuivre le processus de rapprochement du droit pénal militaire et du droit pénal général et d'achever l'intégration de la justice militaire dans la justice de droit commun en temps de paix. Ce projet de loi s'inscrit ainsi dans la logique de la loi du 21 juillet 1982 qui avait supprimé les tribunaux militaires en temps de paix et confié aux juridictions de droit commun le jugement des infractions commises sur le territoire de la République par des militaires.

Pour autant, le maintien de la discipline militaire et la spécificité du métier des armes ont conduit le législateur à prévoir une spécialisation des juridictions et des magistrats chargés de juger ces affaires et à maintenir certains règles procédurales particulières applicables aux militaires, que le présent projet de loi n'entend pas remettre en cause.

Votre commission a donc souhaité se saisir pour avis de ces articles pour lesquels elle a reçu une délégation au fond : la rédaction qu'elle adoptera de ces articles devrait ainsi être reprise intégralement et faire partie intégrante du texte final établi par la commission des Lois.

Par ailleurs, votre rapporteur pour avis a examiné ce projet de loi à l'aune de la proposition de loi n° 303 (2010-2011) relative à l'aménagement des compétences juridictionnelles en matière militaire et à la simplification de plusieurs dispositions du code de justice militaire, qu'il avait déposée le 11 février 2011 et qui avait été renvoyée au fond à votre commission 3 ( * ) .

En définitive, les dispositions du projet de loi, telles qu'elles ont été modifiées et complétées par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, ont abouti à faire des articles concernés du projet de loi un texte très similaire à celui de la proposition de loi, qui dès lors, serait satisfaite.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. LE RAPPROCHEMENT PROGRESSIF DE LA JUSTICE MILITAIRE DE LA JUSTICE DE DROIT COMMUN

A. L'ÉVOLUTION DE LA JUSTICE MILITAIRE ET L'ATTÉNUATION DE SES SPÉCIFICITÉS PAR RAPPORT À LA JUSTICE DE DROIT COMMUN

L'histoire de la justice militaire est marquée par une tendance régulière au rapprochement avec la justice de droit commun, avec toutefois le souci constant de garantir la discipline militaire et de protéger les spécificités du métier des armes par un régime dérogatoire, en temps de paix et surtout en temps de guerre.

1. La justice militaire, justice d'exception
a) L'origine de la justice militaire

L'origine de la justice militaire en France est traditionnellement attribuée à Philippe VI de Valois, qui, par le mandement de Montdidier au Sénéchal de Beaucaire du 1 er mai 1347, au début de la guerre de Cent ans, a soustrait aux juridictions ordinaires « les sergents et soldats employés à la garde des châteaux » .

Il s'agit là de la première institution d'un privilège de juridiction pour les militaires.

En 1467, Louis XI distingue les délits militaires et non militaires par l'ordonnance du Plessis-les-Tours.

Enfin, avec l'ordonnance du 25 juillet 1665 prise sous le règne de Louis XIV, on assiste à l'élaboration d'une première véritable procédure pénale militaire , avec notamment la création des « conseils de guerre ».

À la fin de l'Ancien Régime, la justice militaire relevait de trois types de juridictions :

- le tribunal de la connétablie était compétent pour juger des infractions militaires, des infractions de droit commun commises par les militaires, des différends civils des militaires et des actions intentées par des civils contre des militaires ;

- les prévôts jugeaient les « excès, oppressions et autres crimes » commis par les militaires ;

- les conseils de guerre , créés en 1665 sous Louis XIV, connaissaient des manquements à la discipline et des infractions commises par des militaires aux dépens d'autres militaires.

Devant ces conseils de guerre, composés de sept officiers « à jeun » et ayant « entendu la mess » du régiment auquel appartenait l'accusé, où aucun officier ne pouvait être déféré sans l'ordre du Roi, l'accusé comparaissait seul, la décision était prise «  sans appel ni sursis » après une instruction qui durait moins de deux jours.

Les rigueurs, voire l'arbitraire de la justice militaire, se traduisirent par la revendication, fréquemment exprimée par les cahiers de doléance, d'élaborer « une loi unique en matière pénale pour tout le Royaume et tous les citoyens ».

b) L'évolution de la justice militaire sous la Révolution

Les lois adoptées sous la Révolution des 22 septembre-29 octobre 1790 se caractérisent par une nouvelle organisation de la justice militaire fondée sur la distinction entre les délits de droit commun connus par les tribunaux ordinaires (sauf en temps de guerre lorsque l'armée est hors du territoire) et les délits de nature purement militaire connus par les cours martiales.

Ces cours martiales , qui étaient situées au sein de chaque division territoriale militaire, étaient composées de commissaires des guerres chargés de l'instruction et de jurys où figuraient des soldats aux côtés des officiers.

Les lois adoptées pendant la Révolution se caractérisaient également par l'instauration d'un droit d'appel.

Robespierre disait que « les défenseurs de la patrie ne doivent pas être soumis plus que les autres citoyens à une forme de jugement oppressive et arbitraire ».

Dès 1792 cependant les tribunaux révolutionnaires militaires , dont l'organisation était inspirée de celle des tribunaux révolutionnaires, prirent la place des cours martiales. Les jurys étaient composés de cinq militaires et de quatre civils.

Les lois du 16 mai 1793 et du 3 pluviôse An II (22 janvier 1794) mirent en place, pour le temps de guerre, des tribunaux criminels militaires ambulants et un premier code pénal militaire particulièrement rigoureux. La peine de mort et celle des fers figuraient sous chaque article.

Puis les conseils militaires , constitués exclusivement de militaires, dénués de jurys et aux compétences très étendues, se substituèrent, avec la loi du 18 septembre 1795, aux tribunaux révolutionnaires militaires. Ces conseils militaires furent eux-mêmes remplacés par les lois des 13 et 21 brumaire an V (3 et 11 novembre 1796) par les conseils de guerre permanents, composés également uniquement de militaires et compétents à l'égard de tous les militaires, des personnes attachées à l'armée et à sa suite, des espions et des populations du pays occupé par les armées de la République.

Malgré la création des conseils de révision, par la loi du 17 germinal an IV (6 avril 1796), modifiée par la loi du 18 vendémiaire an VI (9 octobre 1797), dont la mission était analogue à celle de la Cour de cassation, les abus commis par les Conseils militaires et les conseils de guerre furent tels que la volonté de banaliser la justice militaire resurgit à l'époque du Premier Empire.

Napoléon estimait : « La justice est une en France. On est citoyen français avant d'être soldat, et il est donc important de mettre en avant le droit commun » 4 ( * ) . L'Empire maintint cependant une justice militaire spécifique.

c) La rigueur du code de justice militaire de 1857

Le premier code de justice militaire pour l'armée de terre du 9 juin 1857, qui fut élaboré dans le contexte du coup d'Etat du 2 décembre de Napoléon III, relève de cette logique d'une justice militaire et d'un droit pénal militaire entièrement dérogatoires au droit commun. Il mit en place un conseil de guerre , constitué de militaires de carrière, et compétent pour juger toutes les infractions commises par les militaires, y compris les infractions de droit commun. Ce code fut assorti d'un code de justice maritime le 4 juin 1858.

L'inadaptation de cette organisation, conçue dans le cadre d'un régime autoritaire, apparut clairement à l'époque de la IIIe République. La démocratisation du régime et l'évolution de la société firent, en effet, apparaître la justice militaire comme incompatible avec l'importance croissante de la conscription, qui faisait dans le même temps de l'armée française une armée de citoyens.

L'affaire Dreyfus , qui fut condamné par le Conseil de guerre de Paris à la dégradation, avant d'être gracié, révéla la partialité et la sévérité de la justice militaire. On recense, entre 1894 et 1926 , une trentaine de propositions de loi ayant pour objet la suppression ou la réorganisation de la justice militaire, dont une proposée par Jean Jaurès.

C'est dans ce contexte que Georges Clemenceau aurait prononcé la célèbre formule : « la justice militaire est à la justice ce que la musique militaire est à la musique ».

La sévérité et l'impopularité des conseils de guerre spéciaux instaurés dès 1914 inspirèrent la loi du 9 mars 1928 , qui réforma le code de justice militaire (étendue en 1934 à l'armée de l'Air, puis en 1938 à la Marine), qui substitua aux conseils de guerre des tribunaux militaires . Ceux-ci étaient, en temps de paix, présidés par un magistrat civil, ce qui permettait un certain rapprochement par rapport à la justice pénale de droit commun, tout en maintenant d'importantes dérogations.

La loi du 9 mars 1928 résulte de la volonté du législateur de l'époque « d'accorder les exigences de la discipline sans laquelle il n'y a pas d'Armée avec les exigences du droit sans lequel il n'y a pas de justice ».

2. De la justice d'exception à la justice spécialisée : le rapprochement progressif de la justice militaire de la justice de droit commun
a) Le code de justice militaire de 1965

La volonté de ménager les contraintes propres au métier des armes en autorisant des procédures pénales spécifiques, tout en consacrant, dans des proportions certes encore modestes, un certain souci d'ouverture, caractérise la réforme du 8 juillet 1965 . Celle-ci mit en place des juridictions spécifiques, les tribunaux permanents des forces armées , et consacra le principe d'un code pénal particulier, le code de justice militaire , fondé sur des procédures dérogatoires, tout en intégrant des magistrats civils , appartenant au corps judiciaire et détachés auprès du ministre de la défense.

La compétence des huit tribunaux permanents des forces armées 5 ( * ) , dont le ressort correspondait aux huit grandes régions militaires, concernait les infractions d'ordre militaire et les infractions de droit commun commises par des militaires, soit dans l'exercice du service, soit à l'intérieur d'un établissement militaire.

Les infractions militaires relèvent de trois catégories : infractions tendant à souscrire leur auteur à ses obligations militaires (mutilation volontaire, désertion, insoumission), infractions contre l'honneur et le devoir (capitulation, trahison, pillage, complot, destruction, outrage au drapeau, etc.), infractions contre la discipline (refus d'obéissance, insubordination, abus d'autorité, voie de fait et outrage envers ses supérieurs ou des subordonnés, etc.).

Le haut tribunal permanent des forces armées avait pour vocation de juger les officiers généraux, les maréchaux de France et les membres des corps militaires de contrôle.

Des tribunaux militaires aux armées pouvaient être créés, en temps de paix , en cas de stationnement de forces en dehors du territoire national . En réalité, un seul tribunal militaire aux armées fut constitué à l'étranger : celui de Landau, en République fédérale d'Allemagne , auprès des Forces Françaises en Allemagne 6 ( * ) . La compétence des tribunaux militaires aux armées concernait les infractions de toute nature commises par des militaires ou par des personnes dites à la suite de l'armée (personnels civils et personnes à charge lorsqu'elles accompagnent le chef de famille hors du territoire).

Enfin, les tribunaux prévôtaux dépendent de la gendarmerie. Ils sont compétents pour juger les auteurs de contraventions de gravité mineure (quatre premières classes). Ils sont constitués, en dehors du territoire de la République, dans la zone de stationnement ou d'intervention des forces dont ils relèvent.

À bien des égards, le droit pénal militaire instauré en 1965 s'appuyait sur des procédures spécifiques dérogatoires au droit commun, comme :

- la faculté de délivrer des ordres d'incarcération provisoire dont la durée pouvait aller jusqu'à 60 jours ;

- la mise en mouvement de l'action publique relevait du seul ministre de la défense ;

- l'impossibilité, pour une personne lésée, de se constituer partie civile (la justice militaire ne se prononçant, en effet, que sur la culpabilité des prévenus, et non sur la réparation du préjudice résultant de l'infraction) ;

- l'inexistence d'un double degré de juridiction, l'appel étant exclu du code de justice militaire (les jugements rendus par les juridictions militaires pouvant cependant être attaqués par la voie du pourvoi en cassation) ;

- l'absence de jury populaire ;

- la faculté reconnue au ministre de la défense de suspendre l'exécution de la peine sans avoir à motiver sa décision ;

- la désignation des juges militaires selon le principe hiérarchique.

La réforme du 8 juillet 1965 a toutefois été marquée par un rapprochement de la justice militaire avec la justice de droit commun par l'instauration de composition mixte au sein des juridictions, grâce à l'intervention de magistrats de l'ordre judiciaire détachés par le ministre de la justice auprès du ministre de la défense pour exercer les fonctions de magistrat militaire.

Les tribunaux permanents des forces armées étaient composés de cinq membres, dont un président et un magistrat assesseur issus du corps judiciaire et trois juges militaires. Les tribunaux militaires aux armées ne comportaient eux que des juges militaires, au nombre de quatre.

La loi du 19 décembre 1966 relative à l'exercice des fonctions judiciaires militaires a fait du corps des magistrats militaires, recrutés au sein des armées, un corps en extinction.

Avant même la réforme de 1982, la justice militaire relevait donc, pour l'essentiel, de magistrats civils issus du corps judiciaire et non de juges militaires.

b) La « rupture » de 1982

La « grande réforme » de 1982, issue de la loi du 21 juillet 1982 et du décret du 19 novembre 1982, a été qualifiée de « rupture ». Cette réforme a, en effet, supprimé, pour le temps de paix, les tribunaux permanents des forces armées et a chargé des chambres spécialisées des juridictions de droit commun d'instruire et de juger, en appliquant désormais le code de procédure pénale, les infractions commises sur le territoire national.

Cette « banalisation » de la justice militaire a été considérée en 1982 comme un tournant historique mettant un terme, au nom de l'unité de la justice, à un système dérogatoire jugé inadapté au contexte ordinaire en temps de paix.

La loi du 21 juillet 1982 a supprimé les tribunaux permanents des forces armées et a confié, dans le ressort de chaque cour d'appel, à une chambre spécialisée d'un tribunal de grande instance l'instruction et le jugement des infractions militaires et des infractions de droit commun commises dans l'exercice du service par les militaires en temps de paix sur le territoire national.

La commission de l'infraction à l'intérieur d'un établissement militaire n'est donc plus un critère de compétence de ces juridictions spécialisées et les infractions de droit commun commises par les militaires en dehors de l'exécution du service relèvent des juridictions de droit commun.

Dans le même temps, ont été préservés, sous une nouvelle dénomination, les tribunaux militaires aux armées compétents pour les infractions commises, en temps de paix, en dehors du territoire de la République.

Les procédures applicables en matière d'instruction et de jugement devant les juridictions de droit commun spécialisées sont celles que définit le code de procédure pénale , sous réserve des spécificités prévues par les articles 698 à 698-8 de ce code.

Parmi ces règles dérogatoires, on peut citer notamment les réquisitions préalables à l'entrée des enquêteurs dans les établissements militaires, au nom du respect des prescriptions relatives au secret militaire ou le fait que ceux-ci doivent être détenus dans des locaux séparés, qu'ils soient prévenus ou condamnés.

Par ailleurs, la loi de 1982 a reconnu au procureur de la République le pouvoir de mettre en mouvement l'action publique, alors que cette prérogative appartenait auparavant au ministre de la défense .

Toutefois, la mise en oeuvre de l'action publique était assortie de deux réserves importantes :

- sauf en cas de crime ou délit flagrant, tout acte de poursuite doit être précédé d'une dénonciation de l'infraction par l'autorité militaire ou d'un avis du ministre de la défense ou de l'autorité militaire habilitée par lui ;

Cet avis explique au cas par cas le contexte opérationnel des faits. Il ne lie pas le Procureur de la République, qui décide seul des poursuites.

Le ministre de la justice de l'époque, notre collègue sénateur Robert Badinter, avait, en effet, estimé qu'il était nécessaire que l'autorité militaire éclaire le Parquet et fasse valoir son point de vue.

- l'impossibilité pour la partie civile de mettre en mouvement l'action publique.

En 1982, notre collègue Robert Badinter, alors Garde des Sceaux, avait ainsi justifié le maintien de cette deuxième particularité : « si l'on reconnaissait à tous ceux qui s'affirment victimes, non seulement le droit de provoquer l'ouverture d'une information, mais - ce qui est beaucoup plus saisissant encore - celui de citer en correctionnelle, à leur gré, tout officier ou tout soldat, on ouvrirait aux fausses victimes, aucunement préoccupées de la sanction de la dénonciation calomnieuse qui n'interviendrait que des mois ou des années plus tard, la possibilité d'entreprises de déstabilisation de l'armée républicaine » 7 ( * ) .

Tout en supprimant les tribunaux permanents des forces armées, la loi de 1982 avait maintenu la compétence des tribunaux aux armées pour connaître les infractions commises par les militaires en temps de paix en dehors du territoire national.

La mise en place de telles juridictions militaires n'était toutefois qu'une faculté reconnue à la France par certains traités internationaux.

En réalité, seules deux juridictions ont été constituées sur la base d'une convention internationale pour juger les infractions commises à l'étranger par des justiciables du code de justice militaire :

- d'une part, le tribunal militaire aux armées de Baden-Baden , créé sur la base de la convention de Londres du 19 juillet 1951 et de la convention du 3 août 1953 et dont le champ de compétence visait les infractions commises dans le cadre des forces françaises stationnées en Allemagne.

- d'autre part, le tribunal des forces armées siégeant à Paris (article 10 de la loi du 21 juillet 1982), dont la compétence concernait les infractions commises par des militaires dans les Etats liés à la France par les accords de défense et qui prévoyaient une attribution de compétence au profit des juridictions militaires françaises.

Tel était le cas des accords de défense conclus par la France avec huit Etats d'Afrique (Madagascar, Djibouti, Burkina-Faso, Côte d'Ivoire, Gabon, Sénégal, Togo, Centrafrique).

L'intervention de ces deux juridictions, liée à une stipulation explicite d'une convention internationale, entraînait l'application du code de justice militaire. Cette procédure pénale militaire était notamment caractérisée par l'absence de double degré de juridiction.

Les infractions commises par les militaires en dehors des territoires induisant la compétence de ces juridictions relevaient de la compétence des juridictions de droit commun spécialisées du lieu de stationnement.

Enfin, la loi de 1982 n'a pas apporté de modifications aux dispositions du code de justice militaire de 1965 applicable au temps de guerre , notamment concernant le rétablissement des pouvoirs judiciaires (pouvoir de poursuite) du ministre de la défense et le rétablissement des juridictions militaires, les tribunaux territoriaux des forces armées sur le territoire et les tribunaux militaires aux armées en dehors du territoire.

Devant l'Assemblée nationale, le Garde des Sceaux de l'époque, notre collègue Robert Badinter, avait fait valoir que « dans le temps de l'exception, l'impératif de survie de la collectivité nationale l'emporte sur toute autre considération ».

c) La réforme de 1999

La réforme issue de la loi du 10 novembre 1999 a principalement porté sur la simplification du jugement des infractions commises par les militaires en temps de paix et hors du territoire de la République .

Le dispositif issu de la loi de 1982 concernant le jugement des forces françaises stationnées ou opérant à l'étranger en temps de paix était particulièrement complexe, puisque la compétence relevait, selon les cas, de diverses juridictions des forces armées ou de plusieurs juridictions de droit commun spécialisées en matière militaire.

La réforme de 1999 a opéré une simplification en procédant à un regroupement devant une juridiction unique , le Tribunal aux armées de Paris , et en rapprochant la procédure pénale suivie devant cette juridiction avec celle des juridictions de droit commun spécialisées en matière militaire, notamment avec la création du double degré de juridiction pour le temps de paix avec une procédure d'appel des décisions rendues par le Tribunal aux armées devant la Cour d'appel de Paris.

Par ailleurs, la mise en mouvement de l'action publique peut, depuis le 1 er janvier 2002, résulter d'une plainte avec constitution de partie civile déposée devant le juge d'instruction du Tribunal aux armées de Paris, sous réserve de solliciter l'avis préalable du ministre de la défense, en vertu de l'article 698-1 du code de procédure pénale 8 ( * ) .

En revanche, le moyen relatif à la citation directe du militaire mis en cause devant une juridiction de jugement militaire ou spécialisée en matière militaire est impossible parce qu'il fait échec à l'obligation de l'avis préalable visé à l'article 698-1 du code de procédure pénale.

d) La refonte du code de justice militaire de 2006

La dernière réforme de la justice militaire date de 2006 et a été effectuée par ordonnance.

En effet, la loi du 9 décembre 2006 de simplification du droit a autorisé le Gouvernement, dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, à procéder par voie d'ordonnance à une refonte du code de justice militaire, conformément à la loi du 10 novembre 1999.

Cette réforme est issue de l'ordonnance du 1 er juin 2006 portant réforme du code de justice militaire, et est entrée en vigueur le 12 mai 2007, suite à la loi de ratification du 5 mars 2007 et à la publication au Journal officiel du 11 mai 2007 du décret portant partie législative du code de justice militaire.

En outre, le décret du 10 juillet 2008 portant partie réglementaire du code de justice militaire a été publié au journal officiel le 12 juillet 2008.

Réécrit à droit constant, le nouveau code de justice militaire se compose de quatre livres : le Livre premier est relatif à l'organisation et la compétence de la justice militaire, le Livre II décrit la procédure pénale militaire, le Livre III traite des peines applicables par les juridictions des forces armées et des infractions d'ordre militaire, le Livre IV traite des prévôtés et des tribunaux prévôtaux.

La terminologie du code de justice militaire a été harmonisée avec celle du code pénal et du code de procédure pénale : mise en examen au lieu d'inculpation, chambre de l'instruction au lieu de chambre de l'accusation, etc.

Les principales modifications apportées aux dispositions applicables en temps de paix ont porté sur :

- les conditions de nomination du juge d'instruction du Tribunal aux armées de Paris ;

- le magistrat assurant les fonctions du ministère public devant la chambre de l'instruction statuant en appel en matière militaire ;

- les conditions d'exercice des fonctions d'officier de police judiciaire des forces armées hors du territoire national ;

- les modalités d'appel et de jugement des décisions rendues par le Tribunal aux armées de Paris en matière criminelle.

Certaines dispositions du code de justice militaire portant sur le temps de guerre ont également été harmonisées pour tenir compte des exigences des normes juridiques internationales : motivation obligatoire des jugements rendus, possibilité d'interjeter appel des jugements, suppression de l'imprescriptibilité des peines prononcées par défaut pour désertion en bande armée, à l'ennemi ou en présence de l'ennemi.

B. UNE ÉVOLUTION COMPARABLE A CELLE OBSERVÉE DANS LA PLUPART DES PAYS ÉTRANGERS

La tendance observée en France au rapprochement de la justice militaire avec la justice de droit commun se retrouve dans la plupart des démocraties occidentales.

Selon une étude du Sénat, portant sur la justice militaire dans cinq pays (Allemagne, Espagne, Italie, Royaume-Uni, Suisse) de décembre 2000 9 ( * ) , « malgré leur diversité, les différents systèmes étudiés se caractérisent à la fois par leur intégration croissante à la justice pénale ordinaire et par leur fonctionnement de plus en plus proche de celui de la justice pénale ordinaire, ainsi que par la professionnalisation de leurs acteurs ».

1. L'Allemagne et la Belgique ont supprimé les juridictions militaires en temps de paix
a) En Allemagne

En Allemagne , les auteurs d'infractions pénales militaires sont jugés, en temps de paix, par les juridictions de droit commun.

En revanche, la Loi fondamentale prévoit l'institution de tribunaux pénaux militaires pour les forces armées en temps de guerre (article 96). Elle précise que ces tribunaux militaires relèvent du ministère de la justice et que les juges qui y siègent doivent « satisfaire aux conditions requises pour l'exercice de la fonction de juge » et que la Cour fédérale de justice, c'est-à-dire l'équivalent de notre Cour de cassation, fait fonction de cour militaire suprême.

b) En Belgique

De même, la Belgique a supprimé, par la loi du 10 avril 2003, les juridictions militaires en temps de paix 10 ( * ) et les infractions commises par les militaires relèvent des juridictions de droit commun.

Avant cette réforme, il existait une juridiction de première instance appelée conseil de guerre et une juridiction d'appel appelée cour militaire, qui étaient composées d'un juge civil et de quatre militaires. Les fonctions du ministère public étaient exercées par un corps de magistrats constituant un office spécialisé appelé auditorat militaire. L'auditeur militaire exerçait également, en cas d'instruction judiciaire, les fonctions de juge d'instruction.

Dans son arrêt Pauwels c/ Belgique de 1988 11 ( * ) , la Cour européenne des droits de l'homme avait condamné l'Etat belge pour violation de l'article 5§3 de la Convention, considérant que lorsqu'un même magistrat exerce des fonctions d'instruction et de poursuite, il n'est plus indépendant des parties et son impartialité peut être sujette à caution.

Depuis la loi du 10 avril 2003, ce sont les juridictions de droit commun qui connaissent des affaires militaires en temps de paix et ce sont les règles de droit commun qui trouvent à s'appliquer.

La loi belge prévoit, comme en Allemagne, le rétablissement des juridictions militaires en temps de guerre. La loi du 10 avril 2003 précise ainsi qu'en temps de guerre, peuvent être institués des tribunaux militaires permanents et une Cour militaire, dont le siège et le ressort sont fixés par le Roi. La loi précise qu'en temps de guerre, les infractions sont recherchées et leurs auteurs poursuivis et jugés selon le droit commun de la procédure pénale. Toutefois, la partie lésée ne peut pas se constituer partie civile et elle ne peut pas faire citer directement le prévenu devant la juridiction militaire. Il existe également des règles particulières concernant la détention provisoire.

2. La Suisse dispose d'une justice militaire totalement indépendante de la justice pénale ordinaire, mais qui fonctionne selon les mêmes principes

La Suisse dispose d'une justice militaire totalement indépendante de la justice pénale ordinaire 12 ( * ) .

La justice militaire est organisée par la loi de procédure pénale militaire du 23 mars 1979, qui fixe les règles principales et par l'ordonnance concernant la justice pénale militaire du 24 octobre 1979, qui précise notamment la compétence matérielle et géographique des différentes juridictions militaires.

Elle se compose de huit Tribunaux militaires (première instance), trois Tribunaux militaires d'appel et du Tribunal militaire de cassation , qui est au même niveau que le Tribunal fédéral.

L'armée suisse est presque exclusivement composée d'appelés, qui effectuent leur service militaire en plusieurs périodes jusqu'à l'âge de cinquante-deux ans ou de quarante-deux ans, selon qu'ils sont officiers ou non. La justice militaire est rendue par des militaires, pendant la durée d'accomplissement de leurs périodes.

Les fonctions considérées comme spécialisées, c'est-à-dire de président du tribunal, procureur, juge d'instruction et greffier, sont confiées à des militaires , qui, après avoir acquis une certaine expérience de l'armée dans des unités opérationnelles, justifient de leur compétence juridique. Si leur demande d'incorporation dans la justice militaire, qui constitue l'une des formations de l'armée suisse, est agréée, ils y accomplissent le reste de leurs périodes.

Tous les tribunaux sont présidés par un officier de la justice militaire, en règle générale un colonel. Les auditeurs (procureurs) revêtent le rang de lieutenant-colonel et de major. Les juges d'instruction sont des majors, des capitaines ou des officiers spécialistes, tandis que les greffiers sont en règle générale des officiers spécialistes.

En revanche, les juges des tribunaux militaires sont choisis parmi les officiers et les sous-officiers des unités opérationnelles.

L'ensemble du système est administré par l' « auditeur en chef », qui est placé sous l'autorité du ministère de la défense.

Si les juridictions militaires sont des juridictions spéciales , la loi de procédure pénale pose, dès l'article premier, le principe de l'indépendance de la justice militaire.

L'instruction est assurée par un magistrat instructeur militaire , que la loi de procédure pénale militaire protège de toute immixtion de la part des supérieurs de l'inculpé. Devant tous les tribunaux, les fonctions de procureur sont assurées par un auditeur , c'est-à-dire par un officier qui a été incorporé à la justice militaire.

Quant à l'accusé, il peut être assisté par un avocat du barreau à tous les stades de la procédure. Lors de débats, l'assistance d'un avocat est obligatoire.

3. Les justices militaires anglaise, espagnole et italienne sont plus ou moins intégrées à la justice ordinaire, mais ne fonctionnent pas nécessairement selon les mêmes principes

Dans ces trois pays, il existe une justice militaire , qui est plus ou moins intégrée à la justice ordinaire.

a) Le modèle britannique

Au Royaume-Uni , chacune des trois forces armées applique son propre code militaire. Ainsi, les militaires de l'armée de terre sont soumis au Army Act 1955, ceux de la Royal Air Force au Air Force Act 1955 et ceux de la marine au Naval Discipline Act 1957. Le système de la justice militaire a été réformé le 2 octobre 2000 avec l'entrée en vigueur de l'Armed Forces Discipline Act 2000. Ce texte a pour objet de veiller à ce que la justice militaire respecte les droits de l'homme tels que définis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales de 1950.

Chaque arme dispose de ses propres juridictions militaires du premier degré . En revanche, il n'y a qu' une juridiction militaire du second degré.

Les tribunaux militaires ne sont pas des tribunaux permanents . C'est le service de l'administration centrale chargé de l'administration de la justice militaire qui, en cas de besoin, se charge de réunir le tribunal. C'est un service indépendant qui ne dépend ni du parquet ni de la chaîne de commandement. Il est composé uniquement de civils et fait office de greffe.

Les juridictions militaires sont en principe les mêmes en temps de paix et en temps de guerre . Cependant, lorsque l'urgence le commande, un conseil de guerre de campagne peut être convoqué. En effet, les Service Discipline Acts prévoient qu'un officier peut ordonner que l'accusation soit portée devant un tel tribunal, lorsqu'il commande une troupe de l'armée régulière agissant en service actif sur un théâtre d'opérations et qu'il estime que l'accusation ne peut être portée devant les juridictions militaires existant en temps de paix.

Les juridictions du premier degré sont de deux sortes. Leur compétence respective est déterminée par le grade de l'accusé et la gravité de la faute.

Le conseil de guerre régional , composé d'un président, d'au moins deux officiers et d'un magistrat professionnel, est compétent sauf s'il s'agit d'un officier. Il ne peut pas prononcer de peine d'emprisonnement supérieure à deux ans.

Le conseil de guerre général , composé d'un président, d'au moins quatre officiers et d'un magistrat professionnel, juge les infractions qui ont été commises par les militaires les plus gradés. Comme il peut prononcer la peine maximale prévue par la loi militaire, il juge aussi les infractions les plus graves qui ont été commises par les militaires les moins gradés.

Les tribunaux militaires du premier degré sont donc composés de militaires qui doivent remplir certaines conditions d'état de service et de grade, eu égard notamment au grade de l'accusé, ainsi que d'un magistrat professionnel , spécialement désigné pour siéger dans les juridictions militaires par le magistrat responsable du service juridique du ministère de la défense.

Dans les deux cas, le magistrat professionnel est chargé d'éclairer le tribunal sur les points de droit et sur la procédure. Ses instructions ont force obligatoire. Il ne participe pas aux délibérations sur la culpabilité de l'accusé, mais prend part au vote sur la peine capitale.

La juridiction de second degré est le conseil de guerre d'appel , qui présente de très grandes similitudes avec la chambre criminelle de la Cour d'appel et qui n'est composée que de magistrats professionnels très expérimentés. Ils sont en nombre impair et sont au moins trois. C'est le président de la chambre criminelle de la Cour d'appel, en accord avec le ministre de la justice, qui les choisit. Le président de la Cour d'appel peut en faire partie. En principe, cette juridiction siège à Londres, mais le président de la Cour d'appel peut choisir un autre lieu.

La juridiction de cassation , qui est la même que celle pour les juridictions ordinaires, est la chambre des Lords.

La procédure pénale applicable devant les juridictions militaires est différente du droit commun.

L'enquête est menée par le supérieur immédiat de l'accusé . Il rassemble les preuves et procède à l'audition de l'accusé.

Chaque arme dispose d'un parquet militaire indépendant de la chaîne de commandement qui est dirigé par un magistrat possédant au moins dix ans d'expérience. Il doit s'agir d'un officier de l'arme en question.

Le militaire chargé de l'enquête doit, lorsqu'il conclut à la culpabilité de l'accusé, en référer à l'officier supérieur. Celui-ci saisit alors le parquet qui décide seul des charges retenues contre l'accusé et dirige le procès.

En matière de droits de la défense , dans l'armée de l'air et de terre, le supérieur immédiat de l'accusé, chargé de l'enquête, désigne un « officier chargé de la défense » , qui a pour mission d'aider l'accusé à préparer et conduire sa défense, sauf si ce dernier s'y oppose expressément. Toutefois, l'accusé peut choisir de désigner, en plus, un avocat pour le représenter.

Dans la marine, l'accusé peut nommer quelqu'un pour le représenter dans ses relations avec le tribunal, l' « ami de l'accusé ». Il peut également le représenter valablement aux audiences, s'il est avocat.

La personne condamnée peut faire appel de sa condamnation ou de la peine prononcée. Cependant, comme dans la procédure pénale ordinaire, l'autorisation de la juridiction d'appel est nécessaire.

Comme dans la procédure pénale ordinaire également, la personne condamnée en appel peut se pourvoir en cassation devant la Chambre des Lords, mais ceci n'est possible qu'avec l'autorisation du conseil de guerre d'appel ou, si celle-ci est refusée, avec l'autorisation de la Chambre des Lords elle-même.

b) Le modèle italien

En Italie 13 ( * ) , conformément à l'article 103 de la Constitution, « les tribunaux militaires, en temps de guerre, exercent la compétence fixée par la loi. En temps de paix, celle-ci se limite aux délits militaires commis par les membres des forces armées ».

La justice militaire est organisée par le décret royal du 9 septembre 1941, qui a été profondément modifié par la loi du 7 mai 1981. Cette dernière précise que le statut juridique des magistrats militaires est régi par les dispositions en vigueur pour les magistrats ordinaires. La loi de 1981 a également créé la Cour militaire d'appel et attribué les recours en cassation à la Cour de cassation.

De plus, la loi du 30 décembre 1988 a créé le Conseil de la magistrature militaire , sur le modèle du Conseil supérieur de la magistrature. Disposant à l'égard des magistrats militaires des mêmes attributions que le Conseil de la magistrature à l'égard des magistrats ordinaires, le Conseil de la magistrature militaire est présidé par le premier président de la Cour de cassation.

Les juridictions militaires italiennes sont des juridictions spéciales . Toutefois, la loi du 7 mai 1981 s'est efforcée, d'une part, de modifier l'organisation de la justice militaire pour la calquer sur celle de la justice ordinaire et, d'autre part, d'offrir aux magistrats militaires les mêmes garanties , d'indépendance notamment, qu'aux magistrats ordinaires . En outre, la juridiction militaire suprême est la Cour de cassation , c'est-à-dire la juridiction ordinaire la plus élevée.

Les juridictions militaires ne sont pas les mêmes en temps de paix et en temps de guerre . En temps de guerre, les tribunaux militaires sont remplacés par les tribunaux militaires de guerre. En outre, les compétences des tribunaux militaires et celles des tribunaux militaires de guerre diffèrent : les premiers ne jugent que des infractions au code pénal militaire de paix, c'est-à-dire les infractions de nature militaire, tandis que les seconds ont une compétence beaucoup plus étendue.

Les juridictions militaires ont une composition mixte : elles comprennent, d'une part, des militaires professionnels et, d'autre part, des magistrats militaires recrutés par concours et qui doivent détenir une maîtrise en droit.

La loi de 1981 précise que le statut juridique des magistrats militaires et leur avancement sont régis par les dispositions en vigueur pour les magistrats ordinaires.

En temps de paix, les tribunaux militaires , au nombre de neuf, constituent les juridictions pénales militaires du premier degré .

Ils comprennent un magistrat militaire d'appel, qui assure la fonction de président, et, en fonction de l'importance du tribunal, un ou deux magistrats militaires de tribunal.

En formation de jugement, les tribunaux militaires sont composés du président, d'un magistrat militaire et d'un militaire du même grade (mais pas nécessairement de la même arme) que l'inculpé, mais en aucun cas d'un grade inférieur à celui d'officier. Les juges des tribunaux militaires qui ne sont pas magistrats militaires occupent cette fonction pendant une période qui n'excède pas deux mois. Ils sont choisis par tirage au sort.

Les appels contre les décisions des tribunaux militaires sont soumis à la Cour militaire d'appel , créée par la loi de 1981. Elle siège à Rome. Il existe, en outre, deux sections détachées, l'une à Vérone, l'autre à Naples.

La Cour militaire d'appel comprend un magistrat militaire de cassation nommé à des fonctions supérieures, qui assure la fonction de président, un magistrat militaire de cassation et trois magistrats militaires d'appel.

Chacune des deux sections détachées comprend un magistrat militaire de cassation, qui préside, et trois magistrats militaires d'appel.

En formation de jugement, la Cour militaire d'appel est présidée par son président (ou par celui de la section détachée concernée). Elle comprend, en outre, deux magistrats militaires d'appel et deux militaires du même grade que celui de l'inculpé, mais en aucun cas d'un grade inférieur à celui de lieutenant-colonel. La désignation des juges militaires qui ne sont pas magistrats militaires se fait de la même façon que pour les tribunaux militaires.

La loi de 1981 a attribué les recours en cassation à la Cour de cassation, alors qu'ils étaient auparavant tranchés par le Tribunal suprême militaire.

En Italie, il n'existe pas de code de procédure pénale militaire, c'est le code de procédure pénale qui s'applique. En particulier, toutes les procédures simplifiées de la procédure pénale ordinaire s'appliquent devant les juridictions militaires.

Depuis l'entrée en vigueur, en 1989, du nouveau code de procédure pénale, qui a supprimé le juge d'instruction et la phase de l'instruction en tant que tels pour les remplacer respectivement par le juge « pour les investigations préliminaires » et par la phase d'« investigations préliminaires », il existe auprès de chaque tribunal militaire un ou deux magistrat(s) militaire(s) de tribunal, chargé(s) des investigations préliminaires.

Il existe un parquet militaire, composé de magistrats militaires. Le parquet militaire est représenté auprès de chacune des juridictions militaires. Ses membres sont plus ou moins gradés selon le niveau de la juridiction considérée.

Ainsi, le parquet militaire près la Cour de cassation comprend un magistrat militaire de cassation nommé à des fonctions supérieures, qui exerce les fonctions de procureur général militaire de la République, et trois magistrats militaires de cassation, qui exercent les fonctions de substitut du procureur général de la République. En revanche, le parquet militaire de chacun des tribunaux militaires comprend un magistrat militaire d'appel, qui exerce les fonctions de procureur militaire de la République et un nombre de magistrats militaires compris entre deux et six en fonction de l'importance du tribunal. Ces derniers exercent les fonctions de substitut.

A tous les stades de la procédure, l'inculpé a le droit d'être assisté. La personne qui l'assiste est nécessairement un avocat inscrit à l'ordre, car la loi de 1981 a abrogé la disposition du texte de 1941 qui prévoyait qu'un officier subalterne pouvait défendre l'inculpé.

c) Le modèle espagnol

En Espagne 14 ( * ) , l'article 117-5 de la Constitution de 1978 précise que « la loi règlementera l'exercice de la juridiction militaire dans le domaine strictement limité à l'armée et dans le cas d'un état de siège, conformément aux principes de la Constitution ».

L'entrée en vigueur de la Constitution de 1978 a été suivie d'une profonde réforme de la justice militaire , avec l'adoption de quatre lois organiques entre 1985 et 1989. Un nouveau régime disciplinaire des forces armées a ainsi été adopté, de même qu'un nouveau code pénal militaire et un nouveau code de procédure pénale militaire. C'est la loi organique du 15 juillet 1987 qui détermine la compétence et l'organisation de la justice militaire . Par ailleurs, la loi du 15 décembre 1998 établit la compétence territoriale de chacune des juridictions militaires. Enfin, la justice militaire a fait l'objet d'une modification par la loi organique du 15 juillet 2003, afin de l'adapter à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, qui avait condamné l'Etat espagnol pour violation de l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales 15 ( * ) .

Les juridictions militaires espagnoles sont des juridictions spéciales . Cependant, l'article 117-5 de la Constitution, qui leur est consacré, soumet la loi qui les organise au respect des principes constitutionnels. Cela signifie notamment que les juridictions militaires doivent être indépendantes et que les droits de la défense doivent y être respectés. De plus, l'article 1 er de la loi organique du 15 juillet 1987 énonce que la justice militaire fait partie intégrante du pouvoir judiciaire . Cette intégration se manifeste notamment par le fait que le Tribunal suprême, juridiction ordinaire la plus haute, est également la juridiction suprême de la justice militaire.

Les juridictions militaires sont les mêmes en temps de paix et en temps de guerre , mais leurs compétences diffèrent selon les circonstances. En temps de paix, la justice militaire est essentiellement compétente pour juger des infractions au code pénal militaire (trahison, espionnage, divulgation de secret, etc.). En temps de paix, si des troupes espagnoles stationnent à l'étranger, la compétence de la justice militaire est élargie aux infractions déterminées par les accords passés avec les pays en question.

En temps de guerre , sa compétence s'étend aux infractions prévues par le droit pénal ordinaire, à celles qui sont déterminées par des traités avec les puissances ou organisations alliées, à celles qui sont commises hors du sol national par un militaire, ainsi qu'à celles qui sont commises par des prisonniers de guerre.

Les juridictions militaires sont également compétentes pour trancher les recours contentieux relatifs aux sanctions disciplinaires.

A l'image des cours d'assises, les juridictions militaires ont une composition mixte . Elles comportent des militaires professionnels, tirés au sort pour chaque affaire, et des magistrats militaires, c'est-à-dire des membres du « corps juridique des armées ».

En effet, l'armée espagnole se subdivise en plusieurs corps, chaque corps regroupant les militaires appartenant à la même spécialité. Le corps juridique, au même titre que le corps sanitaire, constitue un corps commun à toutes les armes. On y accède par promotion interne ou par recrutement externe. Dans les deux cas, il faut être licencié en droit et réussir des épreuves de sélection. Ce corps est, comme tous les autres, divisé en plusieurs grades (de lieutenant à général de division). Les magistrats qui appartiennent aux grades situés entre ceux de lieutenant et ceux de colonel sont « auditeurs ». Les généraux de brigade sont « généraux auditeurs » et les généraux de division « généraux conseillers ».

Concernant les juridictions militaires en temps de paix du premier degré, le grade de l'accusé détermine la juridiction compétente .

Les tribunaux militaires territoriaux , au nombre de cinq, constituent les juridictions pénales militaires du premier degré pour les hommes de troupe, les sous-officiers et les officiers subalternes.

Chaque tribunal militaire territorial comprend cinq magistrats militaires nommés par le ministre de la défense, sur proposition de la chambre militaire du Tribunal suprême, dont le président, qui doit avoir le grade de colonel, un lieutenant colonel et trois commandants.

Lorsqu'ils jugent les infractions militaires commises dans leur ressort géographique 16 ( * ) , les tribunaux militaires territoriaux se composent de trois magistrats militaires, dont le président, et de deux militaires tirés au sort avant le procès à partir d'une liste établie annuellement. Ces militaires doivent, dans la mesure du possible, appartenir à la même arme que l'inculpé.

Par ailleurs, les tribunaux militaires territoriaux tranchent les recours contentieux contre les sanctions disciplinaires imposés par les militaires ayant un grade inférieur à celui de général.

Les infractions pénales militaires commises par les officiers supérieurs sont jugées en première instance par le Tribunal militaire central.

Sa composition est similaire à celle des tribunaux militaires territoriaux, mais les membres du Tribunal militaire central, qu'il s'agisse des magistrats militaires ou des militaires tirés au sort, ont des grades plus élevés.

En matière disciplinaire, le Tribunal militaire central tranche les recours relatifs aux décisions prises par les officiers généraux et par le sous-secrétaire de défense, c'est-à-dire le principal collaborateur du ministre dans le domaine du personnel.

Les infractions pénales militaires commises par les officiers généraux sont jugées par la chambre militaire du Tribunal suprême.

La chambre militaire constitue la cinquième chambre du Tribunal suprême, après la chambre civile, la chambre criminelle, la chambre administrative et la chambre sociale. Elle a été instituée par la loi organique du 15 juillet 1987.

La chambre militaire du Tribunal suprême est composée de huit juges, dont l'un préside. Quatre d'entre eux sont des magistrats professionnels issus des juridictions ordinaires et les quatre autres sont des magistrats militaires qui, dès leur nomination, deviennent des membres à part entière du Tribunal suprême. Le président est nécessairement un magistrat professionnel issu des juridictions ordinaires.

Il n'existe pas d'appel en matière militaire , mais la cassation est possible devant la chambre militaire du Tribunal suprême.

Par ailleurs, il est possible d'introduire un recours en révision devant la chambre militaire du Tribunal suprême lorsque certains faits, connus après la condamnation, remettent en cause la validité de la décision.

L'instruction devant les juridictions militaires est confiée à des magistrats militaires nommés par le ministre de la défense, sur proposition de la chambre militaire du Tribunal suprême. Le Tribunal militaire central en compte deux et les tribunaux militaires territoriaux dix-huit, chaque tribunal militaire territorial devant en compter au moins un.

Pour les officiers généraux, qui sont jugés en première et dernière instance par la chambre militaire du Tribunal suprême, cette dernière est à la fois juridiction de jugement et d'instruction. L'instruction est confiée à l'un des membres de la juridiction. Celui-ci ne peut participer aux étapes ultérieures de la procédure.

Il existe un parquet militaire auprès de chacune des juridictions militaires . Ce parquet est composé de magistrats militaires . Il fait partie du parquet général et doit respecter tous les principes (légalité, impartialité, etc.) qui s'imposent à ce dernier. Cependant, le ministre de la défense peut donner des instructions au procureur général militaire près la cinquième chambre du Tribunal suprême.

Les membres du parquet militaire sont nommés par décret en conseil des ministres contresigné par le ministre de la défense. En outre, le procureur général du royaume doit être informé préalablement à la nomination du procureur général militaire près la cinquième chambre du Tribunal suprême. Ce dernier peut donner des instructions aux autres membres du parquet militaire, de sa propre initiative ou de la part du procureur général du royaume. Il est assisté d'un magistrat militaire de haut rang et d'un membre du parquet civil du Tribunal suprême.

La loi organique du 15 juillet 1987 précise que tout accusé qui comparaît devant une juridiction militaire a le droit d'être défendu. De plus, la défense est nécessairement assurée par un avocat, alors que, avant cette réforme, l'accusé pouvait choisir par exemple d'être défendu par un officier.

Les magistrats militaires sont nommés par le ministre de la défense. Selon la loi organique du 15 juillet 1987, ils sont inamovibles et sont soumis au même régime d'incompatibilités que les magistrats ordinaires.

Bien que les principales compétences que le Conseil général du pouvoir judiciaire exerce à l'égard des magistrats ordinaires (en matière de nomination et de discipline) soient exercées par la chambre du conseil du Tribunal militaire central pour ce qui concerne les magistrats militaires, ces derniers peuvent, s'ils s'estiment victimes de pressions, prévenir le Conseil général du pouvoir judiciaire.

En outre, le Conseil supérieur de la magistrature, bien qu'il ne joue aucun rôle dans la nomination des magistrats militaires, dispose d'un pouvoir général d'inspection des juridictions militaires.

C. LE RÉGIME ACTUEL APPLICABLE AUX MILITAIRES EN FRANCE

Trois situations différentes doivent aujourd'hui être distinguées en ce qui concerne le droit applicable aux infractions commises par les militaires.

Si le droit applicable en temps de paix est très proche du droit commun en ce qui concerne les infractions commises sur le territoire de la République, des spécificités importantes demeurent en ce qui concerne les infractions commises hors du territoire, cependant que le droit applicable en temps de guerre reste très dérogatoire.

1. En temps de paix sur le territoire de la République

Depuis la loi de 1982, les juridictions de droit commun spécialisées en matière militaire sont compétentes pour connaître des infractions militaires et des infractions de droit commun commises par des militaires dans l'exercice du service sur le territoire de la République.

Il existe actuellement un tribunal correctionnel et une cour d'appel spécialisés en matière militaire dans le ressort de chaque Cour d'appel. Le tribunal correctionnel est chargé de l'instruction de toutes les affaires et du jugement des délits, tandis que la cour d'assises juge les crimes. Au total, on compte aujourd'hui 33 juridictions de droit commun spécialisées réparties sur l'ensemble du territoire national.

Les infractions de droit commun commises en dehors de l'exercice du service relèvent, pour leur part, des juridictions de droit commun.

La procédure applicable devant les juridictions de droit commun spécialisées est désormais très proche des règles du droit commun . Ainsi, le procureur de la République est compétent pour mettre en mouvement l'action publique. Aucun militaire ne participe au jugement des affaires portées devant les juridictions de droit commun spécialisées. Les jugements sont susceptibles d'appel.

La spécificité du contentieux militaire est prise en compte par la spécialisation des magistrats de l'ordre judiciaire appelés à connaître des infractions militaires ou des infractions commises par des militaires dans l'exercice du service.

Les magistrats qui siègent dans ces formations spécialisées appartiennent au tribunal de grande instance concerné et ont été désignés par l'assemblée générale de la juridiction pour s'occuper spécifiquement des affaires relatives aux militaires.

Le ministère de la défense met également des greffiers militaires à disposition de ces formations spécialisées afin d'assister les magistrats.

De plus, certaines particularités procédurales demeurent, dont les plus notables sont les suivantes :

- le procureur de la République doit demander l'avis du ministre de la défense ou de l'autorité militaire habilitée par lui préalablement à tout acte de poursuite à l'encontre d'un militaire, à moins de dénonciation par l'autorité militaire et sauf en cas de crime ou de délit flagrant 17 ( * ) ;

- si la mise en mouvement de l'action publique peut, depuis le 1 er janvier 2002, résulter d'une plainte avec constitution de partie civile, en revanche, la victime d'une infraction commise par un militaire ne peut faire citer directement ce militaire devant la juridiction de jugement 18 ( * ) ;

- les investigations au sein d'un établissement militaire doivent être précédées de réquisitions adressées à l'autorité militaire ; l'autorité militaire se fait représenter lors des opérations ;

- la composition spécifique (absence de jury populaire) de la cour d'assises en cas de risque de divulgation d'une information couverte par le secret de la défense nationale ;

- les militaires doivent être détenus dans des locaux séparés, qu'ils soient prévenus ou condamnés ;

- le contrôle judiciaire et le régime de la semi-liberté ne sont pas applicables aux militaires 19 ( * ) ;

- les décisions rendues en matière de désertion ou d'insoumission peuvent être annulées lorsqu'il est établi a posteriori que la personne n'était pas en état de désertion ou d'insoumission ;

- les mesures disciplinaires de privation de liberté sont imputables sur les peines d'emprisonnement ferme.

Ainsi, les infractions commises par les militaires sur le territoire de la République se voient aujourd'hui traitées dans des conditions très proches de celles du droit commun.

L'avis du ministre de la défense en cas de poursuites pénales à l'encontre d'un militaire (article 698-1 du code de procédure pénale) 20 ( * )

L'article 698-1 du code de procédure pénale prévoit que, à défaut de dénonciation du ministre de la défense ou de l'autorité militaire habilitée par lui, le procureur de la République doit demander préalablement à tout acte de poursuite à l'encontre d'un militaire, sauf en cas de crime ou de délit flagrant, l'avis du ministre de la défense ou de l'autorité militaire habilitée par lui . Hormis le cas d'urgence, cet avis est donné dans le délai d' un mois . L'avis est demandé par tout moyen dont il est fait mention au dossier de la procédure. La dénonciation ou l'avis figure au dossier de la procédure, à peine de nullité , sauf si cet avis n'a pas été formulé dans le délai précité ou en cas d'urgence.

Cette disposition a été introduite par la loi n°82-621 du 21 juillet 1982 relative à l'instruction et au jugement des infractions en matière militaire et de sûreté de l'Etat et modifiant les codes de procédure pénale et de justice militaire, qui avait supprimé les tribunaux permanents des forces armées sur le territoire de la République et confié la compétence aux juridictions de droit commun spécialisées pour juger les infractions militaires et les crimes et les délits commis par les militaires dans l'exercice du service en temps de paix.

Avant la réforme de 1982, l'engagement des poursuites relevait du seul ministre de la défense, qui était investi de pouvoirs judiciaires. Depuis le 1 er janvier 1983, la mise en oeuvre de l'action publique en temps de paix relève, sur le territoire de la République, du Procureur de la République de la juridiction de droit commun spécialisée territorialement compétente et, hors du territoire de la République, du Procureur près du Tribunal aux armées de Paris.

Le pouvoir du ministre de la défense d'engager des poursuites a donc été remplacé par une demande d'avis du Procureur de la République avant l'engagement de poursuites à l'encontre d'un militaire.

Cette particularité procédurale s'applique quelle que soit la juridiction compétente , aussi bien devant les juridictions de droit commun spécialisées que devant le Tribunal aux armées de Paris.

Cet avis est formulé par écrit et signé soit par le ministre de la défense, soit par l'autorité militaire habilitée par lui.

L'avis explique et précise au cas par cas le contexte opérationnel des faits. Il permet d'éclairer le Parquet aussi complètement que possible sur les circonstances de l'affaire, le contexte opérationnel, la personnalité du militaire concerné. Par exemple, dans une affaire d'accident d'avion militaire, le procureur de la République pourra avoir connaissance, grâce à cet avis, des enquêtes de commandement, des circonstances de l'affaire, de la personnalité du pilote et d'éventuelles sanctions disciplinaires.

Il permet également d'éclairer l'autorité judiciaire sur les impératifs et les risques encourus par les militaires dans les différentes missions qui leur sont assignées, notamment en opérations extérieures. Il informe aussi le juge de la mesure disciplinaire prononcée à l'encontre du militaire , cette mesure étant généralement déduite de la condamnation.

Cette demande d'avis informe également l'autorité militaire sur l'éventualité de poursuites à l'encontre d'un militaire, ce qui peut avoir des conséquences en matière de sanctions disciplinaires et sur la disponibilité de l'intéressé.

Dans cet avis, le ministre de la défense ou l'autorité militaire peuvent le cas échéant discuter tel ou tel élément constitutif de l'infraction pénale relevée, et proposer une qualification pénale mieux adaptée. Le ministre de la défense ou l'autorité militaire peuvent aussi proposer une suite à donner à l'affaire, comme un classement sans suite ou l'engagement de poursuites.

L'avis ne peut pas être considéré comme une entrave à la justice ou comme une intervention de l'autorité militaire tendant à orienter les poursuites. En effet, cet avis est un simple avis consultatif qui ne lie pas le procureur de la République, qui décide seul des poursuites.

Il est rédigé par écrit et versé au dossier et donc connu de toutes les parties. Par ailleurs, il est encadré dans des délais stricts (un délai d'un mois est prévu, qui peut être réduit en cas d'urgence).

Selon les données du ministère de la défense 21 ( * ) , plus de 3 040 avis ont été formulés en 2010 , dont près d'une centaine signés par le ministre de la défense. Dans plus de 400 avis, l'autorité militaire a souhaité l'engagement de poursuites contre environ 570 recommandations de classement sans suite. Le plus grand nombre d'avis a été formulé au parquet de la juridiction de droit commun spécialisée de Marseille (292), le Tribunal aux armées de Paris figurant en deuxième position avec 238 avis.

En 2010, les Parquets ont, au total, engagé des poursuites à l'encontre de militaires dans plus de 800 affaires, 680 ayant donné lieu à un classement sans suite. Plus de 800 condamnations ont été prononcées.

2. En temps de paix hors du territoire de la République

Hors du territoire de la République et sous réserve des engagements internationaux, le Tribunal aux armées de Paris est compétent pour connaître les infractions de toute nature commises par les membres des forces armées.

Le fonctionnement du Tribunal aux armées de Paris est régi par le code de justice militaire, notamment les articles L. 111-1 et suivants.

Le Tribunal aux armées de Paris reste organiquement une juridiction militaire rattachée à la direction des affaires juridiques du ministère de la défense. Son budget de fonctionnement est pris en charge par le ministère de la défense.

Toutefois, il présente aujourd'hui toutes les caractéristiques d'une juridiction spécialisée.

Le Tribunal aux armées de Paris est, en effet, composé uniquement de magistrats civils de l'ordre judiciaire.

Le Président et les assesseurs, les juges de la liberté et de la détention, ainsi que le juge d'instruction suppléant sont désignés parmi les magistrats de la Cour d'appel de Paris au sein de laquelle ils exercent leurs fonctions.

Le juge d'instruction titulaire est désigné, depuis 2007, après avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature. Il est détaché auprès du ministre de la défense.

Les magistrats du Parquet sont également des magistrats de l'ordre judiciaire, qui sont détachés par le ministère de la justice auprès du ministre de la défense et reçoivent un grade d'assimilation. Le procureur et le substitut sont toutefois nommés par le ministre de la défense sans avis préalable du Conseil supérieur de la magistrature, qui n'est consulté que sur l'aspect technique de la décision de détachement au regard des règles d'ancienneté prévues au statut de la magistrature. Ils restent cependant placés sous l'autorité hiérarchique du Procureur de la République près la cour d'appel de Paris.

Le greffe est assuré par des greffiers militaires.

La procédure pénale devant le Tribunal aux armées de Paris est similaire à celle prévue par le code de procédure pénale devant les juridictions de droit commun spécialisées, avec les mêmes règles particulières afin de tenir compte de la spécificité militaire, en particulier l'avis préalable du ministre de la défense avant l'engagement de poursuites à l'encontre d'un militaire.

Les jugements rendus par le Tribunal aux armées de Paris sont susceptibles d'appel devant la cour d'appel de Paris et d'un pourvoi en cassation devant la cour de cassation.

3. En temps de guerre

En temps de guerre, le code de justice militaire prévoit la mise en place de trois catégories de juridictions militaires :

- l'article L. 112-1 prévoit l'établissement sur le territoire de la République de tribunaux territoriaux des forces armées , composés de cinq membres dont trois juges militaires ;

- l'article L. 112-3 prévoit la mise en place d'un Haut tribunal des forces armées sur le territoire national pour le jugement des maréchaux et amiraux de France, des officiers généraux ou assimilés et des membres du contrôle général des armées ;

- enfin, l'article L. 112-27 prévoit la possibilité d'établir des tribunaux militaires aux armées , lorsque celles-ci stationnent ou opèrent hors du territoire de la République ou sur le territoire de celle-ci. Ces tribunaux sont composés d'un président, qui est un magistrat de l'ordre judiciaire, et de quatre juges militaires.

La procédure applicable devant les juridictions des forces armées en temps de guerre est fortement dérogatoire par rapport aux dispositions de droit commun définies par le code de procédure pénale. On ne mentionnera ici que quelques exemples illustrant la spécificité de la justice militaire en temps de guerre.

En temps de guerre, le commissaire du Gouvernement (qui exerce les attributions reconnues au Procureur de la République) se borne à donner son avis sur toutes les questions concernant la mise en mouvement de l'action publique , la décision étant prise par le ministre de la défense , qui est investi des pouvoirs judiciaires, ou l'autorité militaire habilitée par lui. La partie lésée ne peut mettre en mouvement l'action publique.

Le délai de garde à vue est de quarante-huit heures, et il peut être prolongé de vingt-quatre heures.

Enfin, on peut signaler qu'en ce qui concerne les débats, le tribunal peut interdire en tout ou partie le compte rendu des débats de l'affaire (article L. 222-19).

Il convient de noter qu'en cas de mobilisation ou de mise en garde, le Gouvernement peut décider par décret de rendre applicables les dispositions du code de justice militaire relatives au temps de guerre (article 699-1 du code de procédure pénale). En outre, des tribunaux territoriaux des forces armées peuvent être établis par décret en cas d'état de siège ou d'état d'urgence.

II. LA RÉFORME PROPOSÉE : ACHEVER L'INTÉGRATION DE LA JUSTICE MILITAIRE DANS LA JUSTICE DE DROIT COMMUN EN TEMPS DE PAIX

La saisine pour avis de votre commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées porte uniquement sur les articles 23 et 24 et, en partie seulement sur l'article 26 du présent projet de loi, qui concernent directement la justice militaire et relèvent donc de ses attributions.

Votre commission a examiné ces dispositions à l'aune de la proposition de loi, présentée par votre rapporteur pour avis, compte tenu du lien étroit existant entre ces deux textes.

A. L'ARTICLE 23 DU PROJET DE LOI : LA SUPPRESSION DU TRIBUNAL AUX ARMÉES DE PARIS ET LE TRANSFERT DE SES ATTRIBUTIONS AU PÔLE SPÉCIALISÉ DU TGI DE PARIS

1. La suppression du Tribunal aux armées de Paris et le transfert de ses attributions à la formation spécialisée en matière militaire du TGI de Paris

L'article 23 du projet de loi prévoit de supprimer le Tribunal aux armées de Paris et de reconnaître la compétence à la formation spécialisée en matière militaire du Tribunal de Grande instance de Paris pour connaître les infractions commises par ou à l'encontre des militaires en temps de paix hors du territoire de la République.

Ainsi, la formation spécialisée en matière militaire du Tribunal de Grande instance de Paris sera à l'avenir compétente à la fois pour juger les infractions militaires et les crimes et délits de droit commun commis par les militaires dans l'exercice du service dans le ressort de la Cour d'appel de Paris, ainsi que pour connaître les infractions commises par ou à l'encontre des militaires hors du territoire de la République.

2. Le maintien des règles procédurales particulières

La suppression du Tribunal aux armées de Paris et le transfert de ses attributions à la formation spécialisée du Tribunal de Grande instance de Paris n'entraînent pas la disparition des règles procédurales particulières applicables aux affaires relatives aux militaires.

En effet, ces règles dérogatoires, prévues par le code de procédure pénale ou le code de justice militaire et justifiées par la spécificité militaire, s'appliquent aux juridictions de droit commun spécialisées.

Parmi ces règles spécifiques, les plus notables sont les suivantes :

- l'avis du ministre de la défense ou de l'autorité militaire habilitée par lui préalablement à tout acte de poursuite à l'encontre d'un militaire, à moins de dénonciation et sauf en cas de crime ou de délit flagrant ;

- l'impossibilité pour la victime d'une infraction commise par un militaire de faire citer directement ce militaire devant la juridiction de jugement.

3. Le « statu quo » en ce qui concerne les juridictions militaires en temps de guerre

Si le projet de loi prévoit de rapprocher la justice militaire du droit commun en temps de paix, en revanche, il ne modifie pas les dispositions applicables en temps de guerre.

En temps de guerre, sont donc « immédiatement établis » (article 699 du code de procédure pénale) les tribunaux militaires .

Ceux-ci regroupent les tribunaux territoriaux des forces armées, le Haut tribunal des forces armées , ainsi que les tribunaux militaires aux armées , composés majoritairement de juges militaires.

La procédure applicable devant ces tribunaux militaires demeure fortement dérogatoire par rapport au droit commun. En particulier, la mise en mouvement de l'action publique relève du ministre de la défense, qui est investi des pouvoirs judiciaires en temps de guerre.

Rappelons que ces dispositions dérogatoires peuvent trouver à s'appliquer non seulement en temps de guerre , mais aussi en cas d'état de siège ou d'état d'urgence , de mobilisation ou de mise en garde .

Le choix du statu quo et du maintien d'un régime dérogatoire au droit commun en ce qui concerne le temps de guerre est motivé par l'impératif de survie de la collectivité nationale qui, dans ces circonstances exceptionnelles, doit l'emporter sur toute autre considération.

B. L'ARTICLE 24 DU PROJET DE LOI : LA SUPPRESSION DU CARACTÈRE AUTOMATIQUE DE LA PERTE DE GRADE ET DE LA POSSIBILITÉ DE SUBSTITUER UNE PEINE D'EMPRISONNEMENT À UNE AMENDE

L'article 24 du projet de loi propose d'aligner la situation des militaires sur celle des autres agents de la fonction publique en ce qui concerne les conséquences des condamnations pénales sur leur situation administrative.

Actuellement, la condamnation d'un militaire pour crime et pour certains délits à des peines d'emprisonnement avec ou sans sursis égales ou supérieures à trois mois entraîne de plein droit la perte du grade et donc la radiation des cadres de l'armée.

Le caractère automatique de cette sanction apparaît discutable au regard de l'article 4 du protocole additionnel, sinon à l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales de 1950. Le militaire peut en effet être frappé d'une perte de grade sans avoir pu faire valoir des observations sur cette mesure et en violation de la règle non bis in idem , consacrée à l'article 368 du code de procédure pénale, selon lequel « nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement à raison des mêmes faits » .

Cette automaticité semble également contraire au principe de nécessité des peines énoncé à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 que le Conseil constitutionnel a déclaré applicable aux sanctions infligées par des autorités administratives.

L'article 24 du projet de loi propose donc de supprimer le caractère automatique de cette sanction.

Le juge conservera cependant la possibilité de prononcer une condamnation à une peine d'interdiction des droits civiques lorsqu'il estimera que la condamnation pénale est incompatible avec la fonction militaire. Il pourra également prononcer une peine d'interdiction d'exercer une fonction publique. Dans ce cas, le militaire condamné perdra son grade et sera radié des cadres de l'armée.

En outre, l'autorité militaire conservera la possibilité d'engager une procédure disciplinaire à l'égard du militaire condamné.

L'article 24 du projet de loi prévoit aussi de supprimer la possibilité pour le tribunal de prononcer une peine d'emprisonnement à la place d'une peine d'amende.

Actuellement, le code de justice militaire prévoit que lorsqu'une peine d'amende est prononcée pour une infraction de droit commun contre des militaires ou assimilés n'ayant pas le rang d'officier, le tribunal peut décider, par une disposition spéciale, de substituer à cette peine un emprisonnement de six jours à six mois pour un délit et de deux à quinze jours pour une contravention, le condamné conservant la faculté de payer l'amende au lieu de subir l'emprisonnement.

Cette possibilité n'est pas prévue par le code pénal. En effet, le code pénal ne prévoit plus de peine d'emprisonnement en matière contraventionnelle et en matière délictuelle il prévoit un mécanisme de substitution à l'emprisonnement (jours-amende, sanction réparation, travail d'intérêt général).

L'article 24 du projet de loi prévoit donc de supprimer cette substitution qui paraît désuète et qui, d'après le ministère de la justice, semble d'ailleurs n'avoir jamais été mise en oeuvre par une juridiction.

C. LA PROPOSITION DE LOI PRÉSENTÉE PAR VOTRE RAPPORTEUR POUR AVIS

La réforme de la justice militaire a fait l'objet d' une proposition de loi présentée par votre rapporteur pour avis 22 ( * ) le 11 février 2011.

Cette proposition de loi reprend , sous réserve de modifications rédactionnelles, les articles 23 et 24 du projet de loi dit « Guinchard » , qui font l'objet des articles 1 er , 2 et 8 de la proposition de loi. En effet, compte tenu du retard dans l'examen de ce projet de loi, qui a été déposé au Sénat le 3 mars 2010 mais qui, jusqu'à une date récente, n'avait pas été inscrit à l'ordre du jour par le Gouvernement, il avait semblé utile à votre rapporteur pour avis de reprendre les éléments relatifs à la justice militaire au sein d'une proposition de loi, dans l'optique d'accélérer le calendrier d'examen de ce texte.

Par ailleurs, cette proposition de loi apporte plusieurs compléments à la réforme de la justice militaire et du code de justice militaire.

Les autres dispositions de cette proposition de loi portent sur :

- l'extension de l'avis du ministre de la défense lorsqu'un militaire est susceptible d'être poursuivi à la suite d'une plainte contre personne non dénommée ou d'un réquisitoire supplétif ( article 3 ) ;

- la clarification des règles de compétences concernant les infractions commises à bord des bâtiments de la marine nationale ou des aéronefs militaires ( article 3 ) ;

- enfin, l'harmonisation de la désertion , qu'elle intervienne sur le territoire national ou à l'étranger ( articles 5 à 7 ).

Compte tenu de l'accélération de l'examen du projet de loi, votre commission a estimé préférable de privilégier le texte présenté par le Gouvernement.

Votre rapporteur pour avis a toutefois examiné ce texte à la lumière de la proposition de loi qu'il avait présentée et qui a inspiré les amendements qu'il a présentés.

En définitive, les dispositions du projet de loi, telles qu'elles ont été modifiées et complétées par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, ont abouti à faire des articles concernés du projet de loi un texte très similaire à celui de la proposition de loi, qui dès lors, serait satisfaite.

Présentation schématique de la justice militaire

ACTUELLEMENT

Temps de paix

Temps de guerre

Juridictions de l'ordre judiciaire

Juridictions militaires

Sur le territoire de la République

Hors du territoire de la République

Sur le territoire de la République

Hors du territoire de la République

Juridiction de droit commun

Juridiction de droit commun spécialisée en matière militaire

Tribunal aux armées de Paris (TAP)

Tribunal territorial des forces armées (TTFA)

Tribunal militaire aux armées (TMA)

Ressort ou compétence territoriale (rationae loci)

Prévu par la carte judiciaire

Une par Cour d'appel (art. 697 CPP)

Sous réserve des engagements internationaux, partout dans le monde (art.L. 121-1 CJM).

Soit sur tout ou partie d'une ou plusieurs régions militaires, soit sur une ou plusieurs circonscription militaire d'outre mer, soit sur une ou plusieurs de ces régions et circonscriptions
(art.L. 112-1 CJM).

Territoire sur lequel stationnent ou opèrent les armées (y compris sur le territoire de la République)
(art. L. 112-27 CJM)

Compétence matérielle (rationae materiae)

Hors service

En service

En et hors service (art.L. 121-1 CJM)

En et hors service (art.L. 122-1 CJM)

Infractions de droit commun

Infractions de droit commun + Infractions militaires du livre III du CJM

Infractions de toutes natures

APRÈS LA RÉFORME

Temps de paix

Temps de guerre

Juridictions de l'ordre judiciaire

Juridictions militaires

Sur le territoire de la République

Hors du territoire de la République

Sur le territoire de la République

Hors du territoire de la République

Juridiction de droit commun

Juridiction de droit commun spécialisée en matière militaire

(JDCS)

Juridiction de droit commun spécialisée en matière militaire de Paris (JDCS OPEX)
(art.697-4 CPP & L. 111-1 CJM)

Tribunal territorial des forces armées (TTFA)

Tribunal militaire aux armées (TMA)

Ressort ou compétence territoriale (rationae loci)

Prévu par la carte judiciaire

Une par Cour d'appel (art. 697 CPP)

Sous réserve des engagements internationaux, partout dans le monde (art.L. 121-1 CJM).

Soit sur tout ou partie d'une ou plusieurs régions militaires, soit sur une ou plusieurs circonscription militaire d'outre mer, soit sur une ou plusieurs de ces régions et circonscriptions
(art.L. 112-1 CJM).

Territoire sur lequel stationnent ou opèrent les armées (y compris sur le territoire de la République)
(art. L. 112-27 CJM)

Compétence matérielle (rationae materiae)

Hors service

En service

En et hors service (art.L. 121-1 CJM)

En et hors service (art.L. 122-1 CJM)

Infractions de droit commun

Infractions de droit commun + Infractions militaires du livre III du CJM

Infractions de toutes natures

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION : APPROUVER LE RAPPROCHEMENT DE LA JUSTICE MILITAIRE DE LA JUSTICE DE DROIT COMMUN TOUT EN S'ASSURANT DE LA PRISE EN COMPTE DE LA SPÉCIFICITÉ MILITAIRE

Votre commission approuve l'économie générale de la réforme de la justice militaire proposée par le projet de loi, qui tend à achever l'intégration de la justice militaire dans la justice de droit commun en temps de paix.

En s'inspirant de la proposition de loi présentée par votre rapporteur pour avis, elle a souhaité toutefois compléter les articles du projet de loi par plusieurs dispositions, afin notamment de renforcer la prise en compte de la spécificité militaire.

Enfin, la commission a souhaité formuler quelques observations supplémentaires, concernant en particulier la formation des magistrats aux affaires militaires et l'avenir du corps des greffiers militaires, ainsi que les moyens humains et matériels.

A. APPROUVER L'INTÉGRATION DE LA JUSTICE MILITAIRE DANS LA JUSTICE DE DROIT COMMUN EN TEMPS DE PAIX TOUT EN TENANT COMPTE DE LA SPÉCIFICITÉ MILITAIRE

1. La suppression du Tribunal aux armées de Paris et le transfert de la compétence à la formation spécialisée en matière militaire du TGI de Paris

La suppression du Tribunal aux armées de Paris et le transfert de ses attributions à la formation spécialisée du Tribunal de Grande instance de Paris constituent l'achèvement du processus de rapprochement de la justice militaire avec la justice de droit commun en temps de paix .

Cette réforme représente ainsi l'aboutissement de la réforme du 21 juillet 1982, qui a supprimé les juridictions militaires en temps de paix sur le territoire de la République.

a) Les arguments juridiques

Le Tribunal aux armées de Paris, qui a été institué par la loi du 10 novembre 1999, est l'héritier des tribunaux aux armées créés par le code de justice militaire de 1965 et du tribunal des forces armées institué par la loi du 21 juillet 1982.

Depuis 1999, il est compétent pour connaître les infractions de toute nature commises par les militaires hors du territoire de la République en temps de paix, sous réserve des engagements internationaux.

Si le Tribunal aux armées de Paris, qui demeure une juridiction militaire, se caractérisait à l'origine par des règles de fonctionnement et de procédure fortement dérogatoires par rapport au droit commun, il a connu ces dernières années des évolutions importantes qui ont progressivement rapproché ces règles du droit commun.

Trois arguments juridiques plaident aujourd'hui pour la suppression de ce tribunal.

Le premier argument tient à l'évolution des accords de défense.

La compétence géographique du Tribunal aux armées de Paris pour connaître les infractions commises par les militaires à l'étranger reposait sur le fait qu'en 1999 certains accords de défense pouvaient encore prévoir que l'abandon de compétence de la juridiction locale ne pouvait se faire qu'au profit d'une juridiction militaire française.

Ainsi, les accords conclus à l'époque avec huit pays africains prévoyaient que « les juridictions militaires françaises connaîtront des infractions imputées à un membre des forces armées françaises lorsqu'elles auront été commises dans le service ou à l'intérieur des bases et installations de ces forces » 23 ( * ) .

Depuis cette date, certains de ces accords ont été revus ou sont tombés en désuétude en raison du départ des troupes françaises. Les nouveaux accords de défense font désormais référence à la compétence des « juridictions françaises » sans faire apparaître le terme « militaire » 24 ( * ) .

L'accord sur le statut des forces de l'OTAN (SOFA) fait référence de son côté « aux autorités militaires de l'Etat d'origine » qui sont ainsi définies : « autorités de l'Etat d'origine qui, en vertu de la législation de cet Etat, sont chargées d'appliquer les lois militaires dudit Etat aux membres de ses forces ou de ses éléments civils » 25 ( * ) .

Le deuxième argument résulte du fait que le rapprochement de la justice pénale militaire avec la justice pénale de droit commun en temps de paix est déjà largement effectué et donc qu'un transfert de la compétence du Tribunal aux armées de Paris à la formation spécialisée du TGI de Paris n'entraînerait pas de grands changements pour les justiciables.

Rappelons d'abord que, en temps de paix et sur le territoire national, ce sont déjà les juridictions de droit commun spécialisées qui sont compétentes pour connaître les infractions militaires ainsi que les délits et crimes de droit commun commis par les militaires dans l'exercice du service.

Le Tribunal aux armées de Paris n'est compétent que pour les infractions de toute nature commises par les militaires en temps de paix hors du territoire de la République.

Ainsi, les juridictions de droit commun spécialisées et les magistrats qui les composent disposent déjà d'une longue expérience en matière de contentieux militaire.

Ensuite, les magistrats qui composent le Tribunal aux armées de Paris sont déjà des magistrats civils issus du corps judiciaire. Les fonctions de président, d'assesseur et de juge des libertés et de la détention sont mêmes exercées ponctuellement par des magistrats du siège du Tribunal de grande instance de Paris ou de la cour d'appel de Paris désignés à cet effet par les chefs des juridictions. Depuis 2006, les conditions de nomination du juge d'instruction auprès du Tribunal aux armées de Paris ont été alignées sur le droit commun. En réalité, seuls les magistrats du Parquet disposent actuellement d'un statut dérogatoire. Ils sont néanmoins placés sous l'autorité hiérarchique du procureur général de Paris.

Enfin, le Tribunal aux armées de Paris applique les mêmes règles de droit pénal et de procédure pénale que les juridictions de droit commun. La constitution de partie civile devant le juge d'instruction y est recevable. Les jugements sont susceptibles d'appel. Les peines sont celles prévues par le code pénal et le code de justice militaire, comme devant les formations spécialisées de droit commun. Les jugements du tribunal sont susceptibles d'appel devant la cour d'appel de Paris et d'un pourvoi en cassation devant la Cour de cassation.

Dès lors, on voit mal les raisons qui pourraient justifier le maintien d'une juridiction militaire spécifique.

Le dernier argument , qui n'est pas contradictoire avec le précédent, tient au fait que les dernières particularités de cette juridiction semblent désormais anachroniques.

Le Tribunal aux armées de Paris reste une juridiction hybride , rattachée au ministère de la défense, qui se caractérise par des règles dérogatoires au droit commun, dont la justification n'apparaît plus évidente aujourd'hui.

Comme l'indique sa dénomination, le Tribunal aux armées de Paris est une formation rattachée à la direction des affaires juridiques du ministère de la défense. Il est d'ailleurs situé, non pas dans l'enceinte du Palais de justice, mais dans une caserne militaire.

Les magistrats du Parquet qui le composent (le procureur et le substitut) sont des magistrats nommés par le ministre de la défense sans avis préalable du Conseil supérieur de la magistrature, qui n'est consulté que sur l'aspect technique de la décision de détachement au regard des règles d'ancienneté prévues au statut de la magistrature.

Par ailleurs, les magistrats du Parquet, ainsi que le juge d'instruction, sont des magistrats détachés auprès du ministère de la défense. Ils sont soumis aux obligations de la discipline générale des armées mais le régime disciplinaire demeure celui de leur statut d'origine 26 ( * ) .

Ces règles dérogatoires alimentent les suspicions infondées de dépendance et de partialité de cette juridiction militaire, voire entretiennent le mythe d'une juridiction servant à assurer l'impunité de la hiérarchie militaire.

Elles ne tiennent pas compte, ni de l'évolution du statut de la magistrature, ni de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.

Le transfert des attributions de cette juridiction dans l'organisation judiciaire commune serait de nature à lui ôter tout aspect exceptionnel et à achever l'intégration de la justice militaire dans la justice de droit commun en temps de paix.

b) Les arguments pratiques

Trois arguments pratiques militent également en faveur de la suppression du Tribunal aux armées de Paris.

Tout d'abord, le volume d'activité de cette juridiction est faible : en moyenne annuelle, le Tribunal aux armées de Paris reçoit environ 1 600 à 1 700 procédures (contraventions, délits et crimes) et prononce entre 180 et 190 jugements par an.

Cela correspond à l'activité d'un tribunal d'instance d'une petite ville. À titre de comparaisons, la juridiction de droit commun spécialisée de Marseille rend davantage de jugements concernant des affaires militaires que le Tribunal aux armées de Paris.

Ensuite, les infractions spécifiquement militaires (désertions, violations de consignes, etc.) ne représentent que 10 % en moyenne du volume global des infractions visées dans les procédures transmises au tribunal, qui sont en majorité des infractions de droit commun (violences, stupéfiants, accidents de la route) 27 ( * ) .

Enfin, les affaires les plus graves ou les plus complexes sont traitées par le juge d'instruction, mais ne représentent qu'un nombre extrêmement réduit d'une trentaine d'affaires en moyenne, soit 2,5 % du volume global , affaires principalement ouvertes sur constitution de partie civile.

Ainsi, la suppression de ce tribunal apparaît opportune dans un souci de simplification de l'organisation judiciaire et de rationalisation.

Activité juridictionnelle du Tribunal aux armées de Paris

2006

2007

2008

Dossiers arrivés au Parquet

1 643

1 632

1 692

Jugements prononcés (contraventions et délits)

179

198

176

Arrêts criminels

3

1

0

Dossiers en cours à l'instruction

35

33

31

Dossiers en stock

448

553

828

Répartition par catégorie d'infractions

2006

2007

2008

Atteintes aux personnes (violences volontaires, agressions sexuelles, homicides et blessures involontaires

19,60 %

14,53 %

20,35 %

Atteintes aux biens (vols, destructions et détériorations, escroquerie, etc.)

41,20 %

41,18 %

45,32 %

Stupéfiants

3,5 %

3,8 %

2,62 %

Infractions diverses (délinquance routière, détention ou transport illégal d'armes

25,30 %

30, 57 %

19,16 %

Infractions militaires (désertion, violation de consignes, etc.)

10,40 %

9,92 %

12,54 %

Nombre de jugements rendus par les Juridictions de droit commun spécialisées
par catégorie d'infractions

2006

2007

2008

Infractions de droit commun

1 524

590

756

Infractions militaires

1 469

991

778

2. La prise en compte de la spécificité militaire

Comme devant les autres juridictions de droit commun spécialisées, la spécificité du contentieux militaire concernant les infractions commises à l'étranger, sera prise en compte par la spécialisation des magistrats de l'ordre judiciaire appelés à connaître des infractions militaires ou des infractions commises par des militaires dans l'exercice du service.

En outre, le choix a été fait de centraliser toutes les affaires concernant les infractions commises par ou à l'encontre des militaires à l'étranger au sein d' une seule juridiction de droit commun spécialisée, la formation spécialisée du Tribunal de grande instance de Paris.

De plus, la suppression du Tribunal aux armées de Paris et le transfert de ses attributions à la formation spécialisée du Tribunal de Grande instance de Paris n'entraîne pas la disparition des dispositions procédurales particulières prévues par le code de procédure pénale ou le code de justice militaire qui s'appliquent aux affaires relatives aux militaires devant les juridictions de droit commun spécialisées.

Il en va ainsi, en particulier, de l'avis préalable du ministre de la défense avant l'engagement de poursuites à l'encontre d'un militaire, en vertu de l'article 698-1 du code de procédure pénale, sauf en cas de dénonciation ou de crime ou délit flagrant ou encore l'impossibilité , pour la victime d'une infraction commise par un militaire, de faire citer directement ce militaire devant la juridiction de jugement.

Enfin, on peut rappeler que la mission de police judiciaire auprès des forces armées stationnées ou déployées à l'étranger, qui prend le nom de « prévôté », est exercée par des officiers et des militaires de la gendarmerie nationale , qui, en dépit de son rattachement au ministère de l'intérieur, demeure une force armée.

3. Une réforme très bien accueillie tant par les magistrats que par les militaires

Comme votre rapporteur pour avis a pu le constater lors de ses auditions, cette réforme est très bien accueillie tant du côté de la justice que du côté des militaires.

Le ministère de la justice est favorable à la suppression du Tribunal aux armées de Paris car il considère que cela va dans le sens de la simplification de l'organisation judiciaire et que cette réforme finalise l'intégration de la justice militaire dans la justice de droit commun en temps de paix. Par ailleurs, la chancellerie voit d'un bon oeil la suppression de cette juridiction spécifique avec des magistrats du parquet soumis à des règles de nomination dérogatoires au droit commun.

Le Procureur général près la Cour d'appel de Paris et le Procureur de la République de Paris accueillent également favorablement cette réforme.

C'est également le cas des avocats, des syndicats de magistrats et des représentants des associations de défense des droits de l'homme.

Du côté des militaires, le ministère de la défense et l'état-major des armées se prononcent également pour la suppression de ce tribunal.

L'important tient à la prise en compte de la spécificité militaire, qui repose moins, aux yeux de l'état-major des armées, sur l'existence d'une juridiction spécifique, dont la dimension « militaire » est surtout symbolique, que sur le maintien des règles procédurales particulières, notamment l'avis du ministre de la défense avant l'engagement de poursuites à l'encontre d'un militaire.

B. COMPLÉTER LES ARTICLES DU PROJET DE LOI, EN S'INSPIRANT DE LA PROPOSITION DE LOI, AFIN NOTAMMENT DE RENFORCER LA PRISE EN COMPTE DE LA SPÉCIFICITÉ MILITAIRE

En s'inspirant directement des dispositions figurant dans la proposition de loi présentée par votre rapporteur pour avis, votre commission a souhaité compléter les articles du projet de loi relatifs à la justice militaire sur plusieurs aspects.

1. Prévoir l'avis du ministre de la défense en cas de plainte contre personne non dénommée, de plainte avec constitution de partie civile ou d'un réquisitoire supplétif

En s'inspirant d'une disposition de la proposition de loi déposée par votre rapporteur pour avis, votre commission a jugé utile de renforcer la prise en compte de la spécificité militaire en précisant que l'avis préalable du ministre de la défense s'applique aussi lorsque, à la suite d'une plainte contre personne non dénommée, d'une plainte avec constitution de partie civile ou à l'occasion d'un réquisitoire supplétif, les poursuites engagées font apparaître que les faits sont susceptibles d'avoir été commis par un militaire.

En vertu de l'article 698-1 du code de procédure pénale, le Procureur de la République doit demander préalablement à tout acte de poursuite à l'encontre d'un militaire, hors cas de flagrance, l'avis du ministre de la défense ou de l'autorité militaire habilitée par lui, sous peine de nullité. Cette disposition s'applique devant toutes les juridictions et pas uniquement devant le Tribunal aux armées de Paris.

Or, il est apparu à plusieurs reprises que lorsque les premiers éléments de l'enquête ne font pas apparaître qu'un militaire précisément désigné est susceptible d'être poursuivi, la procédure judiciaire est ouverte contre personne non dénommée (c'est ce que l'on désigne dans le langage courant par « plainte contre X ») et aucun avis n'est alors demandé. Mais, dans la suite de la procédure, si un militaire est directement mis en cause et susceptible d'être poursuivi, aucun avis ne sera alors sollicité. C'est en particulier le cas dans les procédures ouvertes sur constitution de partie civile devant le juge d'instruction.

Certes, la rédaction de l'article 698-1 du code de procédure pénale aurait pu être interprétée comme induisant la demande d'avis du ministre de la défense même dans le cas d'une procédure judiciaire ouverte contre personne non dénommée, dès lors que l'instruction montrait qu'un militaire était en cause. Cependant, tel n'a pas été le sens de la jurisprudence de la Cour de cassation. Dans un arrêt du 16 juillet 1997 28 ( * ) , la chambre criminelle de la Cour de cassation a estimé, en effet, que l'article 698-1 ne régit que la mise en mouvement de l'action publique à l'encontre des militaires par le procureur de la République.

De même, dans un arrêt du 3 septembre 2003, la chambre criminelle de la Cour de cassation a écarté le moyen tenant à l'absence d'avis du ministre de la défense préalablement à un réquisitoire introductif ayant abouti à la mise en examen d'un médecin militaire à la suite d'une plainte avec constitution de partie civile contre personne non dénommée.

Par ailleurs, la pratique montre que l'avis du ministre de la défense n'est pas systématique en cas de plainte avec constitution de partie civile contre personne dénommée ou en cas de réquisitoire supplétif suite à la découverte de faits nouveaux découverts en cours d'instruction susceptibles de mettre en cause un militaire.

L'avis préalable du ministre de la défense ou de l'autorité militaire à l'engagement de poursuites constitue, aux yeux de votre commission, un aspect essentiel de la prise en compte de la spécificité du contentieux mettant en cause les militaires. Il permet notamment d'apporter un éclairage à des situations opérationnelles parfois très complexes, en particulier en opérations extérieures.

Le Sénat s'était d'ailleurs prononcé en faveur d'un avis du ministre de la défense en cas de mise en mouvement de l'action publique par la partie lésée lors de l'examen de la réforme de 1999, mais l'Assemblée nationale s'y était à l'époque opposée.

Votre commission a donc adopté, à l'unanimité, un amendement afin de préciser à l'article 698-1 du code de procédure pénale que l'obligation pour la procureur de la République de solliciter un avis du ministre de la défense avant tout acte de poursuite, s'applique également, lorsque, en cas de plainte contre personne non dénommée, de plainte avec constitution de partie civile ou d'un réquisitoire supplétif, un militaire est susceptible d'être poursuivi.

2. Clarifier la compétence concernant les infractions commises à bord des navires et aéronefs militaires

En s'inspirant là aussi d'une disposition figurant dans la proposition de loi présentée par votre rapporteur pour avis, votre commission a également souhaité compléter les articles du projet de loi relatifs à la justice militaire afin de préciser les règles de compétence pour les infractions commises à bord des bâtiments de la marine nationale et des aéronefs militaires.

Le code pénal prévoit que la loi française est applicable à bord des navires de la marine nationale ou des aéronefs militaires. L'article 697-3 du code de procédure pénale dispose que sont compétentes les juridictions du lieu de l'affectation ou du débarquement. Mais cette compétence semble concurrente à celle du Tribunal aux armées de Paris, qui s'estime compétent lorsque les faits ont eu lieu en dehors des eaux territoriales. Il en résulte des conflits de compétence qui donnent lieu à de nombreuses difficultés procédurales et à des arbitrages du ministère de la justice.

Dans le souci de sécuriser les règles de compétence, votre commission a adopté un amendement afin de préciser dans le code de procédure pénale que la juridiction compétente pour statuer sur les infractions commises à l'encontre ou à bord des navires de la marine nationale ou des aéronefs militaires sera celle de leur lieu d'affectation.

Comme votre rapporteur pour avis a pu le constater lors de ses auditions, cette clarification, qui est conforme à la pratique, serait accueillie très favorablement tant par les officiers et marins de la marine nationale, que par le ministère de la justice.

3. Simplifier et harmoniser la définition de la désertion sur le territoire et à l'étranger

Enfin, reprenant là encore des dispositions figurant dans la proposition de loi déposée par votre rapporteur pour avis, votre commission a souhaité introduire par un amendement un article additionnel afin de simplifier et harmoniser les définitions de la désertion à l'intérieur et à l'extérieur du territoire, en temps de paix comme en temps de guerre.

Contrairement à ce qu'on aurait pu penser, la suspension du service national et la professionnalisation des armées, de même que la diminution sensible des effectifs, n'ont pas entraîné une diminution des cas de désertion, bien au contraire.

En effet, d'après les données du ministère de la défense, depuis 2000, les cas de désertion ont augmenté de 500 % en dix ans . En 2006, on recensait près de 2 400 actes de désertion, contre moins de 500 en 1997.

Ce phénomène touche essentiellement les militaires du rang, mais commence également à concerner les sous-officiers.

La désertion, autrefois considérée comme infamante par les générations antérieures de conscrits, ne semble plus du tout perçue de la même manière par les jeunes ayant, de surcroît, fait acte de candidature pour servir sous les drapeaux dans le cadre d'un contrat et contre rémunération.

Depuis quelques années, les juridictions sont donc inondées de cas de désertions, alors qu'elles n'en avaient que très rarement auparavant.

Or, le cadre législatif actuel paraît inadapté car il a été bâti pour la conscription.

La désertion, qui est une infraction militaire, est définie par le code de justice militaire, datant de 1965, de manière différente selon qu'elle intervient à l'intérieur du territoire ou à l'étranger.

Ces définitions de la désertion à l'intérieur et à l'étranger sont complexes et ambigües. Cette complexité a été accrue par la jurisprudence qui a interprété les notions de désertion à l'intérieur et à l'étranger selon le lieu de découverte et non, comme les textes auraient pu pourtant y inciter, selon le régime auquel les militaires appartiennent (service en France ou en opération extérieure).

Ainsi, un militaire, dont le corps ou la formation de rattachement est basé sur le territoire national, mais qui s'absente et franchit sans autorisation les frontières et demeure à l'étranger sera considéré comme déserteur à l'étranger. En revanche, un militaire, dont la formation de rattachement est basée sur le territoire, qui bénéficie d'une permission pour l'étranger mais qui y demeure, sera considéré comme un déserteur à l'intérieur 29 ( * ) .

De même, un militaire engagé en opération extérieure ou dont la formation est basée à l'étranger, qui s'absente sans autorisation, même s'il revient ensuite sur le territoire national, sera considéré comme un déserteur à l'étranger. En revanche, un militaire engagé en opération extérieure ou dont la formation est basée à l'étranger, qui revient avec autorisation (par exemple une permission) sur le territoire national et qui y demeure sera considéré comme un déserteur à l'intérieur.

Or, les peines applicables sont plus sévères pour le déserteur à l'étranger que pour le déserteur à l'intérieur.

En outre, la juridiction compétente est différente selon la qualification de l'infraction de désertion, puisque, si elle intervient à l'intérieur du territoire, la juridiction compétente sera la juridiction du ressort de son corps ou du port de rattachement de son bâtiment, alors que si elle intervient à l'étranger elle sera de la compétence du Tribunal aux armées de Paris.

Ainsi, sans modifier les grands principes et les peines qui s'y attachent, votre commission a jugé utile de clarifier les éléments constitutifs de ces deux infractions dans le code de justice militaire, dans un souci de simplification et de sécurité juridique.

C. LES OBSERVATIONS SUPPLÉMENTAIRES DE VOTRE COMMISSION

1. Ouvrir la réflexion sur le renforcement de la spécialisation par la création de deux ou trois pôles spécialisés

Votre rapporteur pour avis juge positivement la mise en place par la réforme de 1982 de formations spécialisées en matière militaire au sein des juridictions de droit commun pour remplacer les huit tribunaux permanents des forces armées pour connaître des infractions militaires et des crimes et des délits de droit commun par les militaires dans l'exercice du service.

Cette spécialisation s'est traduite, d'une part, par la désignation d'un tribunal de grande instance et d'une cour d'assises au sein de chaque cour d'appel, et, d'autre part, par le fait qu'au sein de ce tribunal seuls certains magistrats désignés lors de l'assemblée générale peuvent instruire, poursuivre et juger ces infractions.

La spécialisation s'explique, en effet, par le caractère particulier des infractions militaires et la difficulté d'appréciation que pourraient rencontrer les magistrats de l'ordre judiciaire pour appréhender ces questions.

Elle n'est d'ailleurs pas propre aux affaires militaires, puisqu'on la retrouve en matière de lutte contre le terrorisme, de lutte contre le blanchiment d'argent ou encore en matière de pollution maritime.

Toutefois, en pratique, cette spécialisation n'est pas égale pour toutes les juridictions.

Une analyse des statistiques de l'année 2010 montre, en effet, que sur les trente trois juridictions de droit commun spécialisées, dix-sept ont traité moins de 50 affaires par an, dont huit ont eu moins de 20 affaires. Seules trois juridictions (Le Mans, Chambéry et Marseille) ont eu plus de 100 affaires par an, Marseille en ayant eu le plus, avec 220 affaires.

On peut également relever que sur ces 33 juridictions de droit commun spécialisées, sept n'ont procédé à aucune poursuite, se contentant de classer sans suite les affaires portées à leur connaissance, alors que trois d'entre elles avaient connaissance d'approximativement 30 affaires et deux autres de plus de 50 affaires.

ÉTAT COMPARATIF DES STATISTIQUES JUDICIAIRES EN MATIÈRE PÉNALE MILITAIRE (DÉCISIONS DES PARQUETS) DE 2010

Juridictions

Classements

Poursuites

Total

Agen

6

6

Amiens

2

71

73

Besançon

20

20

40

Bordeaux

11

21

32

Bourges

12

17

29

Caen

3

16

19

Chambéry

86

23

109

Clermont-Ferrand

29

29

Grenoble

45

4

49

Le Mans

58

52

110

Lille

9

26

35

Limoges

54

54

Lyon

50

9

59

Marseille

48

172

220

Metz

6

80

86

Montpellier

2

1

3

Nancy

21

9

30

Nîmes

1

51

52

Nouméa

28

28

Orléans

24

34

58

Papeete

1

1

Paris

11

8

19

Pau

34

34

Poitiers

2

22

24

Reims

4

5

9

Rennes

4

67

71

Saint Denis

1

1

Strasbourg

51

51

Tribunal aux armées de Paris

30

102

132

Toulouse

19

13

32

Versailles

9

3

12

Total

680

827

1 507

Source : Ministère de la défense

Votre rapporteur pour avis estime dès lors qu'une piste de réflexion intéressante pourrait consister à renforcer la spécialisation par le regroupement des juridictions de droit commun spécialisées en matière militaire au sein de quelques pôles « Affaires militaires ».

Ces pôles, dont le nombre serait plus réduit qu'aujourd'hui, de l'ordre de deux ou trois, auraient à connaître des infractions militaires et des crimes et des délits commis par les militaires dans l'exercice du service, soit en fonction d'un critère géographique (par exemple, Paris, Marseille, Brest et éventuellement Metz), soit d'autres critères (les affaires maritimes et concernant la Légion étrangère étant traitées par exemple à Marseille, les autres à Paris). Le pôle du Tribunal de Grande instance de Paris aurait également compétence pour connaître les infractions de toute nature commises par les militaires hors du territoire national.

Le regroupement au sein de pôles spécialisés pose néanmoins la question de la proximité avec le justiciable militaire.

Le regroupement au sein de deux ou trois pôles spécialisés aurait pour effet de contraindre les militaires devant être jugés à effectuer de longs déplacements, parfois de plusieurs centaines de kilomètres.

Cet éloignement du justiciable (qu'il soit auteur ou victime) poserait des difficultés en matière de contacts avec le conseil du militaire, qui s'il est proche de la juridiction sera éloigné de son client et inversement.

Cette situation, qui n'est pas sans rappeler celle de l'époque des tribunaux permanents des forces armées, pourrait avoir des conséquences non négligeables sur le fonctionnement de l'institution militaire, en raison de l'indisponibilité d'au moins une journée pour chaque acte que nécessitera le traitement judiciaire d'une affaire.

Ce système ne serait pas non plus sans conséquences sur le corps des greffiers militaires.

Tout en estimant qu'une telle réforme serait à ce stade prématurée, votre rapporteur pour avis considère qu' une réflexion pourrait utilement s'ouvrir sur ce point.

2. Renforcer la formation des magistrats en matière militaire

Depuis la suppression en 1982 des juridictions militaires en temps de paix et sur le territoire de la République, les affaires militaires sont traitées en majeure partie par des magistrats civils de l'ordre judiciaire au sein des formations spécialisées.

Toutefois, comme cela a été confirmé à votre rapporteur pour avis lors de ses auditions, de nombreux magistrats n'ont reçu aucune formation en matière de droit pénal militaire et peu ont une réelle connaissance des armées.

Par ailleurs, avec la suspension de la conscription et la professionnalisation des armées, mais aussi avec la forte féminisation de la magistrature constatée ces dernières années, le nombre de juges ayant effectué leur service national tend à se réduire.

Certaines initiatives ont certes été mises en place pour renforcer la formation des magistrats en matière militaire.

Ainsi, des magistrats participent aux sessions annuelles de l'Institut des Hautes études de la Défense nationale (IHEDN).

De plus, pour la deuxième année consécutive, la direction des affaires juridiques du ministère de la défense a organisé, du 7 au 11 juin 2010, un stage d'une semaine intitulé « Le militaire et le droit » et destiné à des magistrats du siège et du parquet, afin de mieux comprendre les problématiques juridiques des militaires et de la défense. Ces magistrats ont pu ainsi découvrir les sites opérationnels, ainsi que les spécificités juridiques liées aux missions en opérations extérieures : Secret Défense, droit des conflits armés internationaux, piraterie, etc.

Votre commission estime souhaitable d'encourager la formation initiale et continue des magistrats en matière de droit pénal militaire et de les sensibiliser aux questions de défense, en particulier en ce qui concerne les magistrats désignés pour traiter des affaires militaires au sein des formations spécialisées des juridictions de droit commun.

3. Conforter le statut du corps des greffiers militaires

Le statut des greffiers militaires est défini par un décret du ministre de la défense du 12 septembre 2008 30 ( * ) .

Les officiers greffiers et les commis greffiers du service de la justice militaire sont des militaires de carrière qui exercent des fonctions d'auxiliaires de justice. Ils assistent les juges dans les actes de sa juridiction et authentifient les actes juridictionnels. Ils rédigent notamment les projets de réquisitoires et de décisions.

Ce corps compte actuellement environ 120 membres , dont la moitié environ est affectée au greffe des juridictions de droit commun spécialisées en matière militair e et l'autre moitié est affectée à l'administration centrale (notamment à la division des affaires pénales militaires de la direction des affaires juridiques du ministère de la défense) ou au sein des états-majors des commandements régionaux des trois armées.

Sept greffiers militaires sont, en outre, affectés auprès du Tribunal aux armées de Paris.

Recrutés par concours parmi les militaires de carrière, ayant reçu une solide formation juridique, les greffiers militaires sont des auxiliaires particulièrement précieux tant pour les autorités militaires que pour les magistrats ayant à connaître des affaires relatives aux militaires.

En raison de leur connaissance théorique et pratique du droit pénal et de la procédure pénale, les greffiers militaires affectés à l'administration centrale ou dans les états-majors des commandements régionaux des trois armées, apportent un éclairage très utile à l'autorité militaire, notamment lorsque celle-ci est appelée à formuler un avis préalable aux poursuites visant un militaire.

Les greffiers militaires qui sont affectés dans les juridictions de droit commun compétentes en matière militaire se révèlent, quant à eux, particulièrement qualifiés, connaissant l'organisation des armées et les exigences de la discipline, ainsi que le code de justice militaire, pour fournir aux magistrats civils les éléments d'appréciation permettant de mener les procédures relatives aux affaires militaires.

Enfin, les greffiers militaires sont indispensables au fonctionnement des juridictions militaires (tribunaux territoriaux des forces armées, Haut Tribunal des forces armées et tribunaux militaires aux armées) prévues pour le temps de guerre.

Selon les informations recueillies par votre rapporteur pour avis, les dix greffiers militaires actuellement affectés auprès du Tribunal aux armées de Paris devraient se voir proposer une affectation prioritaire en tenant compte de leur souhait de mutation annuelle. Une affectation au greffe de la formation spécialisée du Tribunal de Grande instance de Paris sera privilégiée, s'ils le souhaitent. En tout état de cause, la suppression du Tribunal aux armées de Paris ne devrait avoir aucune conséquence sur le déroulement de leur carrière et n'entraînera aucune perte financière.

De manière plus générale, le ministère de la défense assure que la suppression du Tribunal aux armées de Paris ne devrait avoir aucune incidence sur le corps des greffiers militaires.

Pour autant, comme votre rapporteur pour avis a pu le constater lors de ses auditions, des interrogations demeurent sur l'avenir du corps des greffiers militaires, et celles-ci ne peuvent qu'être renforcées par la disparition de la dernière juridiction militaire en temps de paix.

Compte tenu de l'intérêt que représente la présence de greffiers militaires, tant au sein des juridictions de droit commun spécialisées, qu'auprès des autorités militaires, votre commission estime souhaitable de conserver le corps des officiers greffiers et commis greffiers militaires.

4. La question du transfert des moyens humains et financiers

Le Tribunal aux armées de Paris comprend actuellement quatorze personnels permanents, dont un procureur et un substitut, un juge d'instruction assistés de sept greffiers militaires et de trois secrétaires appartenant au personnel civil de la défense, ainsi qu'un militaire de l'armée de terre mis à disposition.

Le siège de ce tribunal est fixé par décret à Paris. Il est installé dans l'enceinte de la caserne Reuilly-Diderot, dans le XIIe arrondissement de Paris.

Le Tribunal aux armées de Paris est entièrement financé par le ministère de la défense qui, outre les salaires et les soldes des personnels, paie les frais de fonctionnement y compris les frais de justice.

Son budget de fonctionnement est de l'ordre de 20 000 euros. Ces frais comprennent les fournitures de bureau, l'entretien du matériel et du bâtiment, les travaux d'impression, les frais postaux et de représentation. S'y ajoutent environ 130 000 euros de frais de justice prévus par an. Les dépenses réalisées ont toutefois été inférieures ces dernières années (70 000 euros en 2010 contre 133 000 en 2007 en ce qui concerne les frais de justice).

Compte tenu du caractère relativement modeste des montants concernés et des difficultés rencontrées actuellement par la justice, votre rapporteur pour avis considère que la suppression du Tribunal aux armées de Paris et le transfert de ses attributions à la formation spécialisée du TGI de Paris devraient s'accompagner d'un transfert de moyens humains et financiers du ministère de la défense au ministère de la justice.

EXAMEN DES ARTICLES
CHAPITRE IX - AMÉNAGEMENT DES COMPÉTENCES JURIDICTIONNELLES EN MATIÈRE MILITAIRE

Article 23 - Suppression du Tribunal aux armées de Paris et reconnaissance d'une compétence au pôle spécialisé en matière militaire du TGI de Paris pour connaître les infractions commises par ou à l'encontre des militaires en temps de paix et hors du territoire de la République

Cet article a pour objet de supprimer le Tribunal aux armées de Paris et de transférer la compétence pour connaître les infractions commises par ou à l'encontre des militaires en temps de paix et hors du territoire de la République au pôle spécialisé en matière militaire du Tribunal de Grande instance de Paris.

Votre commission a adopté un amendement visant à modifier la rédaction d'un certain nombre des 40 paragraphes de cet article, dans un souci de simplification et de clarification rédactionnelle.

Le I. comporte des modifications au code de procédure pénale et le II. contient les modifications au code de justice militaire.

Le I. de cet article vise à modifier le code de procédure pénale afin de reconnaître une compétence à la juridiction de droit commun spécialisée en matière militaire du Tribunal de Grande instance de Paris concernant les infractions commises à l'encontre ou par les militaires hors du territoire de la République.

Le 1° tend à remplacer l'expression « des crimes et des délits en matière militaire » par les mots « des infractions en matière militaire » dans l'intitulé du titre XI du Livre IV du code de procédure pénale, ainsi que dans l'intitulé du chapitre Ier de ce même titre. Il s'agit de tirer les conséquences de la suppression du Tribunal aux armées de Paris et du transfert de ses attributions à la juridiction de droit commun spécialisée en matière militaire du Tribunal de Grande instance de Paris.

En effet, actuellement, les juridictions de droit commun spécialisées sont compétentes pour connaître des crimes et des délits en matière militaire commis par ou à l'encontre des militaires dans l'exercice du service sur le territoire national.

Pour sa part, le Tribunal aux armées de Paris est compétent pour connaître non seulement les crimes et délits commis par ou à l'encontre des militaires hors du territoire national, mais aussi les contraventions.

Étant donné qu'à l'avenir, la juridiction de droit commun spécialisée du Tribunal de Grande instance de Paris reprendra l'ensemble des attributions du Tribunal aux armées de Paris et qu'elle sera compétente pour connaître non seulement les crimes et délits mais également les contraventions commis par ou à l'encontre des militaires hors du territoire national, il convient donc de modifier ces intitulés.

Votre commission a apporté une modification à ce paragraphe visant à corriger une erreur rédactionnelle.

Le 2° de cet article vise à apporter une modification rédactionnelle au premier alinéa de l'article 697-1 du code de procédure pénale, qui porte sur la compétence des juridictions de droit commun spécialisées pour connaître les infractions commises par les militaires dans l'exercice du service sur le territoire national.

La rédaction du premier alinéa de l'article 697-1 du code de procédure pénale résulte de la loi n°82-621 du 21 juillet 1982 relative à l'instruction et au jugement des infractions en matière militaire et de sûreté de l'Etat et modifiant les codes de procédure pénale et de justice militaire, qui a supprimé les juridictions militaires en temps de paix sur le territoire de la République et a donné compétence aux juridictions de droit commun statuant en formations spécialisées pour juger les infractions militaires et les crimes et délits de droit commun commis par les militaires dans l'exercice du service.

À l'époque, il a semblé utile de distinguer, dans cet article, les infractions militaires, qui figurent dans le code de justice militaire (comme la désertion ou la violation de consignes), et les infractions de droit commun (comme le vol ou l'usage de stupéfiants), figurant dans le code pénal, afin de rappeler aux magistrats concernés l'existence de ces infractions militaires définies par le code de justice militaire.

Aujourd'hui, compte tenu de l'expérience acquise par les magistrats siégeant au sein des formations spécialisées en matière militaire, cette distinction parait superfétatoire et il peut sembler préférable de simplifier la rédaction.

Votre commission a apporté une légère modification rédactionnelle .

Le 3° constitue la disposition centrale de cet article. Il vise en effet à reconnaître la compétence au pôle spécialisé en matière militaire du Tribunal de Grande instance de Paris pour connaître les infractions commises à l'encontre ou par les militaires en temps de paix hors du territoire de la République .

Pour ce faire, il insère deux nouveaux articles 697-4 et 697-5 dans le code de procédure pénale.

Le nouvel article 697-4 introduit par cet article reconnaît à la juridiction de droit commun spécialisée du Tribunal de Grande instance de Paris la compétence pour connaître des crimes et des délits commis hors du territoire de la République par des militaires ou à l'encontre de ceux-ci.

Un ou plusieurs juges d'instruction et magistrats du parquet, désignés respectivement par le président du Tribunal de Grande instance de Paris et le Procureur de la République près ce tribunal, seront spécialement chargés de l'enquête, de la poursuite et de l'instruction.

En outre, un ou plusieurs magistrats affectés aux formations du Tribunal correctionnel de Paris spécialisé en matière militaire seront chargés, par ordonnance du Président du Tribunal de Grande instance, du jugement des contraventions.

Cette rédaction s'inspire de celle prévue par le code de procédure pénale pour les pôles spécialisés, comme le pôle financier ou le pôle anti-terroriste.

La particularité technique de certaines matières a déjà nécessité la spécialisation de certains magistrats regroupés au sein de pôles spécialisés. Ainsi, il existe actuellement des pôles spécialisés en matière de criminalité organisée, de terrorisme, de délinquance financière, de concurrence, de santé, d'environnement ou de pollution maritime.

La prise en compte de la spécificité du contentieux militaire justifie, aux yeux de votre rapporteur pour avis, cette spécialisation.

Par ailleurs, il est prévu de centraliser toutes les affaires concernant les infractions commises par ou à l'encontre des militaires hors du territoire national au sein d'une formation spécialisée unique du Tribunal de Grande instance de Paris.

Votre rapporteur pour avis avait d'ailleurs envisagé, au cours de ses auditions, d'aller encore un peu plus loin en prévoyant le regroupement de toutes les affaires relatives aux militaires au sein de deux ou trois pôles.

En effet, d'après les statistiques de l'année 2010, sur les 33 juridictions de droit commun spécialisées, dix-sept ont moins de 50 affaires relatives à des militaires par an et seules trois (Le Mans, Chambéry et Marseille) ont plus de 100 affaires par an. Le regroupement en deux ou trois pôles (dont Paris et Marseille) permettrait donc de centraliser ces affaires. Il présenterait toutefois des inconvénients en termes de proximité. C'est la raison pour laquelle votre rapporteur pour avis a préféré renoncer dans l'immédiat à cette idée, tout en souhaitant qu'une réflexion soit ouverte sur ce point.

Le nouvel article 697-5 du code de procédure pénale proposé par cet article prévoit que, pour le jugement des délits et des contraventions commis par ou à l'encontre des militaires en temps de paix hors du territoire national, une chambre détachée du Tribunal de Grande instance de Paris spécialisée en matière militaire peut être instituée, à titre temporaire, hors du territoire de la République par décret en Conseil d'Etat dans les conditions prévues par les traités et accords internationaux.

Il s'agit d'une disposition qui est inspirée de l'article L. 111-2 du code de justice militaire, qui prévoit la possibilité d'instituer par décret à titre temporaire des chambres détachées du Tribunal aux armées de Paris hors du territoire de la République.

En effet, pour certaines affaires particulièrement sensibles, notamment dans l'opinion publique du pays où elles se sont déroulées, il peut sembler judicieux de conserver le privilège de juridiction d'après lequel le militaire français sera jugé devant un tribunal français, mais de délocaliser à titre temporaire ce tribunal sur le territoire du pays où les faits se sont déroulés, naturellement sous réserve de l'accord du pays concerné et dans les conditions prévues par les traités ou accords internationaux, en particulier les accords de défense conclus entre la France et certains pays prévoyant le stationnement de forces françaises.

Toutefois, cette faculté ne peut jouer que pour les contraventions et délits et non pour les crimes, car autant il peut sembler relativement aisé de délocaliser temporairement des magistrats professionnels, autant il paraît difficile en pratique de délocaliser une cour d'assises composée de jurés.

Votre commission a procédé à une modification rédactionnelle .

Le 4° de cet article vise à ajouter, au premier alinéa de l'article 698 du code de procédure pénale, la mention selon laquelle la procédure devant la formation spécialisée en matière militaire du Tribunal de Grande instance de Paris doit tenir compte à la fois des règles particulières issues du code de procédure pénale, mais aussi, s'agissant des infractions commises hors du territoire de la République, des dispositions particulières du code de justice militaire.

Parmi ces règles spécifiques, les plus notables sont les suivantes :

- l'avis du ministre de la défense ou de l'autorité militaire habilitée par lui préalablement à tout acte de poursuite à l'encontre d'un militaire, à moins de dénonciation par l'autorité militaire et sauf en cas de crime ou de délit flagrant ;

- l'impossibilité pour la victime d'une infraction commise par un militaire de faire citer directement ce militaire devant une juridiction de jugement ;

- les investigations au sein d'un établissement militaire doivent être précédées de réquisitions adressées à l'autorité militaire ; l'autorité militaire se fait représenter lors des opérations ;

- la composition spécifique (absence de jury populaire) de la cour d'assises en cas de risque de divulgation d'une information couverte par le secret de la défense nationale ;

- les militaires doivent être détenus dans des locaux séparés, qu'ils soient prévenus ou condamnés ;

- le contrôle judiciaire et le régime de la semi-liberté ne sont pas applicables aux militaires ;

- les décisions rendues en matière de désertion ou d'insoumission peuvent être annulées lorsqu'il est établi a posteriori que la personne n'était pas en état de désertion ou d'insoumission ;

- les mesures disciplinaires de privation de liberté sont imputables sur les peines d'emprisonnement ferme.

Ces règles particulières, qui se justifient par la prise en compte de la spécificité militaire, s'appliquent d'ores et déjà aux juridictions de droit commun spécialisées.

Votre commission a apporté deux modifications rédactionnelles .

Elle a ensuite, sur proposition du rapporteur pour avis, introduit un paragraphe additionnel.

Ce nouveau paragraphe tend simplement à ajouter la référence au nouvel article 697-4 introduit par le 3° de cet article à l'article 698-6 du code de procédure pénale, qui concerne la cour d'assises.

Enfin, la commission a donné un avis favorable à un amendement du Gouvernement visant à introduire un paragraphe additionnel .

Ce paragraphe additionnel a pour objet de compléter l'article 706-16 du code de procédure pénale afin de préciser qu'en cas d'actes de terrorisme commis en dehors du territoire national par ou à l'encontre des forces armées françaises, c'est le pôle anti-terroriste de Paris qui serait compétent et non la formation spécialisée en matière militaire.

Le terrorisme est, en effet, un domaine très spécifique. Notre pays dispose d'une législation ancienne et de magistrats spécialisés dans ce domaine, qui sont regroupés au sein du pôle anti-terroriste de Paris.

En cas d'actes de terrorismes à l'étranger, y compris lorsque les auteurs ou les victimes sont des militaires, il ne paraît pas anormal que la spécificité du terrorisme l'emporte sur celle de la qualité de militaire.

Votre commission a donc donné un avis favorable à cet amendement du Gouvernement.

Le II. de cet article , qui contient plusieurs modifications au code de justice militaire , vise à supprimer le Tribunal aux armées de Paris et à transférer ses attributions à la formation spécialisée en matière militaire du Tribunal de Grande instance de Paris , qui sera désormais compétente pour connaître les infractions commises par ou à l'encontre des militaires en temps de paix hors du territoire national.

Le 1° tend à modifier l'article L. 1 du code de justice militaire afin de supprimer la mention du tribunal aux armées dans la liste des juridictions composant la justice militaire. Ainsi, ne subsisteront à l'avenir, parmi les juridictions militaires, que les tribunaux prévôtaux et, en temps de guerre, les tribunaux territoriaux des forces armées, le Haut Tribunal des forces armées et les tribunaux militaires aux armées.

Votre commission a apporté une modification à caractère rédactionnel .

Le 2° vise à modifier la rédaction de l'article L. 2 du code de justice militaire, qui concerne la compétence des juridictions concernant les infractions commises par les militaires en temps de paix et sur le territoire de la République, afin de tenir compte de la suppression du Tribunal aux armées de Paris et du transfert de ses attributions à la juridiction spécialisée en matière du Tribunal de Grande instance de Paris.

Comme actuellement, en temps de paix et sur le territoire de la République, les infractions commises par les militaires sur le territoire de la République relèveront des juridictions de droit commun lorsqu'elles sont commises hors service et des juridictions de droit commun spécialisées en matière militaire lorsqu'elles sont commises en service.

La nouvelle rédaction de cet article ne fait toutefois plus référence à l'expression « sur le territoire de la République » , puisque, en temps de paix, les infractions commises par les membres des forces armées ou à leur encontre hors du territoire de la République seront de la compétence de la juridiction spécialisée du Tribunal de Grande instance de Paris.

Le deuxième alinéa de l'article L. 2 proposé par le 2° reprend, sous réserve de modifications rédactionnelles, le premier alinéa de l'article L. 3 du code de justice militaire. Il précise que « les infractions relevant de la compétence des juridictions de droit commun spécialisées en matière militaire sont poursuivies, instruites et jugées selon les règles édictées par le code de procédure pénale, sous réserve des dispositions particulières prévues par les articles 698-1 à 698-9 de ce code et, lorsqu'elles sont commises hors du territoire de la République, des dispositions particulières prévues au présent code » .

Il paraît, en effet, important de rappeler que la suppression du Tribunal aux armées de Paris et le transfert de ses attributions à la juridiction de droit commun spécialisée du Tribunal de Grande instance de Paris n'entraîne pas la disparition des dispositions procédurales particulières issues du code de procédure pénale ou du code de justice militaire, qui s'appliquent en temps de paix non seulement hors du territoire de la République, mais aussi sur le territoire de la République devant les juridictions de droit commun spécialisées en matière militaire.

Il en va ainsi en particulier de l'avis préalable du ministre de la défense avant l'engagement de poursuites à l'encontre d'un militaire, en vertu de l'article 698-1 du code de procédure pénale, sauf en cas de dénonciation ou de crime ou de délit flagrant.

La commission a procédé à deux corrections rédactionnelles .

Le 3° a pour objet de supprimer les trois premiers alinéas de l'article L. 3 du code de justice militaire. Le premier alinéa porte sur les particularités procédurales applicables devant le Tribunal aux armées de Paris. Le deuxième alinéa concerne les attributions du Procureur de la République près le Tribunal aux armées, du juge d'instruction du Tribunal aux armées et du Président du Tribunal aux armées. Au troisième alinéa, il est indiqué que le Procureur général exerce vis-à-vis du Tribunal aux armées les attributions qui lui sont dévolues par le code de procédure pénale à l'égard des juridictions de droit commun. Ces dispositions n'ont plus lieu d'être compte tenu de la suppression du Tribunal aux armées de Paris et du transfert de ses attributions à la juridiction de droit commun spécialisée en matière militaire du Tribunal de Grande instance de Paris.

Le 4° vise à modifier l'intitulé du chapitre Ier du titre Ier du Livre Ier du code de justice militaire, afin de remplacer la mention « Du tribunal aux armées en temps de paix » par la mention suivante : « Des juridictions compétentes en matière militaire en temps de paix ».

Votre commission a introduit une modification rédactionnelle.

Le 5° constitue, avec le 3° du I., la disposition centrale de cet article. Il vise, en effet, à supprimer, dans le code de justice militaire, les dispositions relatives au Tribunal aux armées. Les articles L. 111-1 à L. 111-18 du chapitre Ier du titre Ier du Livre Ier du code de justice militaire seraient abrogés et remplacés par un nouvel article unique L. 111-1.

La nouvelle rédaction proposée pour l'article L. 111-1 contiendrait trois alinéas.

Le premier alinéa poserait le principe de la compétence des juridictions de droit commun spécialisées en matière militaire pour juger des crimes et des délits commis en temps de paix sur le territoire de la République par des militaires dans l'exercice du service. Ce n'est que la reprise de l'article 697-1 du code de procédure pénale.

Le deuxième alinéa reconnaît la compétence à la juridiction de droit commun spécialisée en matière militaire du Tribunal de Grande instance de Paris pour juger des crimes, délits et contraventions commis en temps de paix hors du territoire de la République par des militaires ou à leur encontre. Il s'agit là de la reprise du nouvel article 697-4 du code de procédure pénale, introduit au 3° du I. du présent article.

Enfin, le troisième alinéa poserait le principe selon lequel les règles relatives à l'institution, à l'organisation et au fonctionnement de ces juridictions sont définies par le code de procédure pénale.

Votre commission a apporté quatre modifications formelles.

Le 6° tend à modifier les intitulés des sections 4 à 7 du chapitre Ier du Titre Ier du Livre Ier et à abroger l'article L.111-18 du code de justice militaire.

Votre commission a supprimé cet alinéa, qui ne paraît pas utile, étant donné que l'ensemble des sections et des articles figurant dans le chapitre Ier seront automatiquement abrogés en vertu du 5°.

Le 7° tend à déplacer les articles L. 111-10 à L. 111-17, qui figurent actuellement au chapitre Ier, relatif au tribunal aux armées en temps de paix, au chapitre II, qui concerne les juridictions des forces armées en temps de guerre, du Titre Ier du Livre Ier du code de justice militaire. En conséquence, la numérotation de ces articles serait modifiée puisqu'ils deviendraient les articles L. 112-22-1 à L. 112-22-8.

En effet, les articles L. 111-10 à L. 111-17 traitent des personnels, des incompatibilités et du serment des magistrats, des greffiers et des personnels qui composent le Tribunal aux armées de Paris, qui est compétent pour connaître les infractions commises par ou à l'encontre des militaires en temps de paix et hors du territoire de la République.

Or, l'article L. 112-22 du code de justice militaire, qui figure dans la partie du code de justice militaire relative au temps de guerre, fait un renvoi à ces articles pour le fonctionnement et le service des tribunaux territoriaux des forces armées en temps de guerre.

Compte tenu de la suppression du Tribunal aux armées de Paris, il convient donc de reprendre ces dispositions dans la partie du code de justice militaire relative au temps de guerre.

Le 7° doit se lire en liaison avec les 8° et 9°, qui apportent des modifications de coordination à ces nouveaux articles L. 112-22-1 à L. 112-22-8, ainsi qu'avec le 10°, qui apporte des modifications à l'article L. 112-22.

Votre commission a procédé à une légère modification rédactionnelle .

Le 8° vise à supprimer le deuxième alinéa du nouvel article L.112-22-2, qui remplace l'article L.111-11 du code de justice militaire.

Cet alinéa prévoit que l'affectation des magistrats destinés à exercer des fonctions à l'instruction auprès du Tribunal aux armées de Paris est prononcée dans les formes et conditions prévues pour la nomination des magistrats du siège.

Il résulte de l'ordonnance n°2006-637 du 1 er juin 2006.

Auparavant, le juge d'instruction auprès du Tribunal aux armées de Paris était nommé par le ministre de la défense et ce dernier pouvait le décharger de cette fonction. Le juge d'instruction auprès du tribunal aux armées de Paris était donc placé dans une situation de subordination à l'autorité militaire, ce qui semblait peu compatible avec les exigences de l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en matière d'indépendance des fonctions juridictionnelles.

Les conditions de nomination du juge d'instruction ont donc été modifiées par l'ordonnance du 1 er juin 2006 et alignées sur le droit commun. Le juge d'instruction est désormais désigné après avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature. Il est cependant un magistrat détaché au ministère de la défense.

Actuellement, seuls les magistrats du Parquet du Tribunal aux armées de Paris disposent d'un statut dérogatoire au droit commun de la magistrature.

Étant donné que le présent article vise à supprimer le Tribunal aux armées de Paris et à transférer ses attributions à une formation spécialisée du Tribunal de Grande instance de Paris, il n'est pas nécessaire de conserver cet alinéa. En effet, les règles actuelles régissant le statut dérogatoire des magistrats qui composent le tribunal aux armées n'ont plus de raison d'être.

Votre commission a procédé à une modification de forme.

Le 9° de cet article vise, pour sa part, à remplacer, au sein de ces nouveaux articles, la référence au « tribunal aux armées » par celle de « tribunal territorial des forces armées », qui est la juridiction compétente pour juger des infractions commises à l'encontre et par les militaires en temps de guerre.

Là encore, la commission a apporté une précision rédactionnelle .

Ensuite, la commission a inséré un nouveau paragraphe visant à remplacer, dans ces mêmes articles, les termes de « procureur de la République » par ceux de « commissaire du gouvernement », étant donné qu'en temps de guerre, les attributions dévolues au procureur de la République sont exercées par le commissaire du Gouvernement près de la juridiction militaire.

Le 10° a pour objet de supprimer, à l'article L.112-22 du code de justice militaire, le renvoi aux dispositions régissant le fonctionnement et le service du tribunal aux armées de Paris.

Le 11° a pour objet de remplacer à l'article L. 121-1 du chapitre Ier du titre II du Livre Ier du code de justice militaire, qui traite de la compétence de la justice militaire en temps de paix et hors du territoire de la République, la référence au « tribunal aux armées » par celle de « juridictions de Paris spécialisées en matière militaire ».

Dans le même sens, le 12° modifie la référence au « tribunal aux armées », à l'article L. 121-6, qui pose le principe de l'incompétence des juridictions militaires à l'égard des mineurs. Les mineurs relèvent, en effet, de la justice des mineurs, sauf s'ils sont membres des forces armées ou en cas de conflit négatif de compétence.

La commission a procédé à un changement rédactionnel.

Le 13° de cet article modifie la rédaction de l'article L. 123-1, qui pose le principe de la compétence de la juridiction saisie à l'égard de l'auteur ou du complice, même s'ils ne sont pas membres des forces armées, en cas d'infractions commises à l'encontre ou par des militaires. Il remplace la référence aux « juridictions des forces armées » par celle de « juridiction saisie ».

Le 14° remplace à l'article L. 123-4 les termes : « une juridiction des forces armées » par ceux de : « la juridiction de Paris spécialisée en matière militaire ».

La commission a introduit une précision rédactionnelle .

Le 15° a pour objet de modifier certaines dispositions de l'article L. 211-1 du code de justice militaire, qui a trait à la police judiciaire et aux enquêtes concernant les infractions commises par ou à l'encontre des militaires en temps de paix et hors du territoire de la République. Il prévoit que dorénavant c'est le Procureur de la République près le Tribunal de Grande instance de Paris qui recevra les plaintes et les dénonciations, en lieu et place du Procureur de la République près le Tribunal aux armées de Paris, et qu'il dirigera l'activité des officiers de police judiciaire des forces armées.

Les officiers de police judiciaire des forces armées sont désignés à l'article L. 211-3 du code de justice militaire. Il s'agit en règle générale des officiers et gradés de la gendarmerie nationale, qui assurent la mission de prévôté, mais aussi de certains militaires assermentés pour l'exercice des missions particulières.

En outre, selon l'article L. 211-5 du même code, les commandants d'armes et majors de garnison, les majors généraux des ports, les commandants de formation administrative ont qualité pour faire personnellement, à l'intérieur des établissements militaires, tous les actes nécessaires à l'effet de constater les infractions relevant des juridictions des forces armées, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs.

Le 16° tend à modifier la rédaction de l'article L. 211-8 du code de justice militaire, relatif à la garde à vue, afin de prévoir la possibilité, pour le procureur de la République près du tribunal de Grande instance de Paris ou le juge d'instruction de ce tribunal spécialisé en matière militaire, de déléguer leurs pouvoirs respectivement au procureur de la République ou au juge d'instruction du tribunal de grande instance dans le ressort duquel la garde à vue est mise en oeuvre. Cette possibilité avait déjà été reconnue pour le Procureur de la République près le Tribunal aux armées de Paris et le juge d'instruction de ce tribunal. Elle présente l'intérêt d'éviter le recours aux commissions rogatoires, qui sont souvent des procédures assez lourdes à mettre en oeuvre.

Votre commission a procédé à une légère amélioration rédactionnelle.

Le 17° vise à modifier la rédaction de l'article L. 211-10, qui est relatif à la garde à vue.

Le 18° tend à supprimer les mots « devant les juridictions des forces armées » à l'article L. 211-12, relatif à la prescription.

Le 19° vise à compléter le chapitre Ier du titre Ier du Livre II du code de justice militaire, qui porte sur la procédure pénale applicable en temps de paix et hors du territoire de la République, par une nouvelle section 5 intitulée « De la Défense », qui comprendrait un nouvel article unique L. 211-24-1.

L'objet de ce nouvel article L. 211-24-1 est de prévoir la possibilité, pour les militaires ou les personnes mises en cause pour des infractions commises en temps de paix et hors du territoire de la République et relevant de la juridiction spécialisée en matière militaire du Tribunal de Grande instance de Paris, de faire assurer leur défense, par un avocat, ou si l'éloignement y fait obstacle, par un militaire choisi sur une liste établie par le Président du Tribunal de Grande instance de Paris.

En effet, il paraît difficilement envisageable de prévoir une intervention systématique d'un avocat, compte tenu de l'éloignement ou pour des raisons de sécurité, notamment si les faits sont survenus sur des théâtres d'opérations extérieures, comme par exemple en Afghanistan.

Afin de garantir l'exercice des droits de la défense, il peut sembler utile de prévoir la possibilité, si l'intéressé le souhaite, qu'il puisse se faire représenter par un militaire de son choix, qui aurait été préalablement agréé par le Président du tribunal de Grande instance de Paris.

On pense naturellement à l'actuelle réforme de la garde à vue et à la présence de l'avocat dès le début de la garde à vue.

Votre commission a apporté trois modifications , les deux premières à caractère rédactionnel, la troisième visant à modifier la numérotation de ce nouvel article, qui serait : L. 211-25.

Le 20° vise à remplacer la référence au « tribunal aux armées » par celle de « juridictions de Paris spécialisées en matière militaire » aux articles L. 121-7 et L. 121-8, relatifs à la compétence en temps de paix et hors du territoire de la République, aux articles L. 211-11 et L. 211-14, contenant les règles relatives à la mise en mouvement de l'action publique et l'exercice de l'action civile, ainsi qu'à l'article L. 211-15, relatif à l'instruction.

Le 21° supprime le mot « militaire » après celui de « juridictions » à l'article L. 211-17 relatif aux expertises.

Le 22° vise à remplacer la référence au « tribunal aux armées » par celle de « tribunal de grande instance de Paris » aux articles L. 211-3, L. 211-4 et L. 211-7 du code de justice militaire, qui contiennent des dispositions relatives à la police judiciaire et aux enquêtes, ainsi qu'à l'article L. 211-10, relatif à la garde à vue, et à l'article L. 211-24, relatif à la réouverture d'une information sur charges nouvelles.

Votre commission a souhaité modifier le 22° afin d'apporter des précisions rédactionnelles.

Le 23° a pour objet de modifier la rédaction de l'article L. 221-2 du code de justice militaire, qui est relatif à l'appel d'une condamnation devant la cour d'assises, et plus précisément, à la possibilité pour la chambre criminelle de la cour de cassation de désigner pour connaître l'appel soit la même cour d'assises autrement composée, soit une autre cour d'assises. Il s'agirait de transposer cette possibilité qui existe actuellement s'agissant du Tribunal aux armées de Paris à la juridiction de droit commun spécialisée du Tribunal de grande instance de Paris.

Dans un souci de simplification et de cohérence, votre commission a supprimé le 23°.

En effet, il semble inutile de modifier l'article L. 221-2 du code de justice militaire, étant donné que le dernier alinéa de l'article 698-6 du code de procédure pénale prévoit déjà la possibilité de désigner la même cour d'assises autrement composée pour connaître de l'appel et que la règle générale d'un renvoi devant une autre cour d'assises s'applique en ce qui concerne les juridictions de droit commun spécialisées.

Le 24° vise à abroger l'article L. 221-4 du code de justice militaire, qui est relatif à la composition de la formation de jugement du Tribunal aux armées de Paris, et notamment au jury de cour d'assises.

Votre commission a modifié ce paragraphe afin d'ajouter d'autres articles du code de justice militaire ayant vocation à être abrogés. Il s'agit, outre l'article 221-4, des articles L. 221-1 et L. 221-2, qui concernent la procédure devant le Tribunal aux armées de Paris, de l'article L. 231-1, qui est relatif au pourvoi en cassation des jugements rendus en dernier ressort par le tribunal aux armées, ainsi que de l'article L. 233-1 qui porte sur les demandes en révision.

Les 25° à 28° tendent à remplacer la référence au « Tribunal aux armées » par la référence aux « juridictions de Paris spécialisées en matière militaire » dans plusieurs dispositions du code de justice militaire.

Le 25° vise à modifier l'article L. 231-1 du code de justice militaire, relatif au pourvoi en cassation.

Le 26° tend à modifier l'article L. 232-1, relatif au pourvoi dans l'intérêt de la loi.

Votre commission a supprimé les 25° et 26° estimant qu'il n'est pas utile de modifier ces articles, étant donné qu'il va de soi que les dispositions du code de procédure pénale s'appliquent aux juridictions de droit commun spécialisées.

Le 27° a pour objet de modifier la rédaction de l'article L. 221-1, relatif à la procédure, et de l'article L. 241-1, qui traite des citations et notifications.

Votre commission a souhaité supprimer la référence à l'article L. 221-1, qui paraît superfétatoire, tout en conservant la modification proposée pour l'article L. 241-1, qui régit également le régime des citations et notifications devant les juridictions militaires en temps de guerre.

Le 28° propose de modifier la rédaction de l'article L. 233-1, relatif aux demandes de révision.

Votre commission a préféré supprimer le 28°. En effet, il paraît inutile de rappeler que les dispositions du code de procédure pénale en matière de demande en révision s'appliquent aux juridictions de droit commun spécialisées.

Le 29° vise à modifier la rédaction du premier alinéa de l'article L. 261-1 du code de justice militaire, qui est relatif à l'exécution des jugements rendus par les juridictions militaires en temps de paix comme en temps de guerre, afin d'y faire figurer les juridictions de Paris spécialisées en matière militaire.

La commission a souhaité supprimer purement et simplement le premier alinéa de l'article L. 261-1.

Le premier alinéa de l'article L. 261-1 avait pour seul objet de préciser que le Tribunal aux armées devait appliquer les règles du code de procédure pénale, sous réserve des dispositions de l'article L. 261-6. Dès lors, que ce sont les juridictions de droit commun spécialisées qui sont compétentes pour ces affaires, ce rappel est désormais inutile.

Le 30° vise à insérer, à l'article L. 262-1, relatif à l'exécution des peines, après les mots « des juridictions des forces armées », les mots « et des juridictions de Paris spécialisées en matière militaire ».

Votre commission a apporté une légère modification rédactionnelle .

Le 31° modifie, dans un souci de simplification, la rédaction de l'article L. 262-2, relatif à la détention provisoire, afin de supprimer, d'une part la référence au « tribunal aux armées » et aux « tribunaux de droit commun » et, d'autre part, le deuxième alinéa applicable en temps de guerre.

Le 32° remplace les mots « la juridiction des forces armées » par « la juridiction saisie » à l'article L. 265-1, relatif au sursis.

Dans le même sens, le 33° remplace l'expression « les juridictions des forces armées appliquent » par les mots « la juridiction saisie applique » à l'article L. 265-3, relatif à la récidive.

Votre commission a apporté une modification strictement rédactionnelle.

Le 34° propose de modifier la rédaction de l'article L. 266-1 du code de justice militaire relatif à la réhabilitation légale ou judiciaire, afin d'élargir le champ aux juridictions de droit commun spécialisées.

Sur proposition de son rapporteur pour avis, la commission a supprimé le 34°. Elle a estimé, en effet, que cette modification n'était pas utile étant donné que les règles de droit commun du code de procédure pénale s'appliquent devant les juridictions de droit commun spécialisées en matière militaire.

Le 35° tend également à modifier la rédaction des articles L. 267-1, relatif à la prescription, et L. 268-1, relatif au casier judiciaire, pour faire référence aux juridictions de droit commun spécialisées en matière militaire.

A l'image du paragraphe précédent, votre commission a, sur proposition de son rapporteur pour avis, supprimé le 35°, en estimant que cette modification était inutile dès lors que les règles de droit commun du code de procédure pénale s'appliquent devant les juridictions de droit commun spécialisées.

Enfin, le 36° vise à modifier la rédaction de l'article L. 271-1 du code de justice militaire. Cet article renvoie à l'article 11 du code de procédure pénale, qui vise à protéger le secret de l'enquête et de l'instruction.

Si les deux premiers alinéas de l'article 11 du code de procédure pénale visent à protéger le secret de l'enquête et de l'instruction, y compris à l'égard de toute personne qui concourt à cette procédure, comme les avocats par exemple, le troisième alinéa prévoit cependant une exception.

En effet, il est prévu, au troisième alinéa, qu' « afin d'éviter la propagation d'informations parcellaires ou inexactes ou pour mettre fin à un trouble à l'ordre public, le procureur de la République peut, d'office et à la demande de la juridiction d'instruction ou des parties, rendre publics des éléments objectifs tirés de la procédure ne comportant aucune appréciation sur le bien-fondé des charges retenues contre les personnes mises en cause » .

Comme actuellement, cette exception ne s'appliquerait cependant pas en temps de guerre devant les juridictions militaires.

La commission a apporté deux modifications rédactionnelles.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 23 ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 23 (art. 697-2 nouveau du code de procédure pénale) - Clarification des règles de compétence pour les infractions commises à bord des navires et des aéronefs militaires

Cet article additionnel a été introduit par un amendement déposé par votre rapporteur pour avis et adopté à l'unanimité par votre commission. Il vise à préciser les règles de compétence pour les infractions commises à bord des bâtiments de la marine nationale et des aéronefs militaires.

Le code pénal prévoit que la loi française est applicable à bord des navires de la marine nationale ou des aéronefs militaires. L'article 697-3 du code de procédure pénale dispose que sont compétentes les juridictions du lieu de l'affectation ou du débarquement. Mais cette compétence semble concurrente à celle du Tribunal aux armées de Paris, qui s'estime compétent lorsque les faits ont eu lieu en dehors des eaux territoriales. Il en résulte des conflits de compétence qui donnent lieu à de nombreuses difficultés procédurales et à des arbitrages du ministère de la justice.

Dans le souci de sécuriser les règles de compétence, cet article prévoit donc de rétablir un nouvel article 697-2 dans le code de procédure pénale précisant que la juridiction compétente pour statuer sur les infractions commises à l'encontre ou à bord des navires de la marine nationale ou des aéronefs militaires sera celle de leur lieu d'affectation.

Comme votre rapporteur pour avis a pu le constater lors de ses auditions, cette clarification, qui est conforme à la pratique, est accueillie très favorablement tant par les officiers et marins de la marine nationale, que par le ministère de la justice.

Cet article additionnel reprend d'ailleurs le I. de l'article 3 de la proposition de loi n° 303 relative à l'aménagement des compétences juridictionnelles en matière militaire et à la simplification de plusieurs dispositions du code de justice militaire, qui a été présentée par votre rapporteur pour avis et déposée au Sénat le 11 février 2011.

Votre commission vous proposer d'adopter cet article additionnel.

Article additionnel après l'article 23 (art. 698-1 du code de procédure pénale) - Avis du ministre de la défense en cas de poursuites pénales à l'encontre d'un militaire à la suite d'une plainte contre personne non dénommée, d'une plainte avec constitution de partie civile ou à l'occasion d'un réquisitoire supplétif

Cet article additionnel, introduit par un amendement proposé par votre rapporteur pour avis et adopté à l'unanimité, vise à préciser que l'avis préalable du ministre de la défense s'applique également dans le cas d'une plainte contre personne non dénommée, d'une plainte avec constitution de partie civile ou à l'occasion d'un réquisitoire supplétif.

Il s'inspire partiellement du II. de l'article 3 de la proposition de loi n° 303 relative à l'aménagement des compétences juridictionnelles en matière militaire et à la simplification de plusieurs dispositions du code de justice militaire, qui a été présentée par votre rapporteur pour avis et déposée le 11 février 2011.

1. La justification de l'avis du ministre de la défense en cas de poursuites à l'encontre d'un militaire

L'article 698-1 du code de procédure pénale prévoit que, à défaut de dénonciation du ministre de la défense ou de l'autorité militaire habilitée par lui, le procureur de la République doit demander préalablement à tout acte de poursuite à l'encontre d'un militaire, sauf en cas de crime ou de délit flagrant, l'avis du ministre de la défense ou de l'autorité militaire habilitée par lui.

Cet avis est formulé par écrit et signé soit par le ministre de la défense soit par l'autorité militaire habilitée.

L'avis explique et précise au cas par cas le contexte opérationnel des faits. Il permet d'éclairer le Parquet aussi complètement que possible sur les circonstances de l'affaire, le contexte opérationnel, la personnalité du militaire concerné. Il permet également de renseigner l'autorité judiciaire sur les impératifs et les risques encourus par les militaires dans les différentes missions qui leur sont assignées, notamment en opérations extérieures. Il informe aussi le juge de la mesure disciplinaire prononcée à l'encontre du militaire, cette mesure étant généralement déduite de la condamnation.

Dans cet avis, le ministre de la défense ou l'autorité militaire peuvent le cas échéant discuter tel ou tel élément constitutif de l'infraction pénale relevée, et proposer une qualification pénale mieux adaptée. Le ministre de la défense ou l'autorité militaire peuvent aussi proposer une suite à donner à l'affaire, comme un classement sans suite ou l'engagement de poursuites.

Il est rédigé par écrit et versé au dossier et donc connu de toutes les parties. Par ailleurs, il est encadré dans des délais stricts (un délai d'un mois est prévu, qui peut être réduit en cas d'urgence). L'absence de l'avis entraîne la nullité de la procédure.

En 1982, lors des débats parlementaires sur la réforme du code de justice militaire, le Garde des Sceaux de l'époque, notre collègue M. Robert Badinter, avait estimé qu'il était nécessaire que l'autorité militaire éclaire le parquet et fasse valoir son point de vue, notamment pour les raisons suivantes :

- dès lors qu'il relève des juridictions spécialisées et présente donc un lien suffisant et nécessaire avec l'institution militaire, tout comportement délictueux met en cause la discipline et l'ordre public au sein des armées. Cette mise en cause justifie que l'autorité militaire continue à faire connaître ses préoccupations ;

- en maintenant l'obligation de solliciter l'avis du ministre de la défense, le code de justice militaire organise un échange réciproque d'informations entre l'autorité militaire et le ministère public. Cet échange permet à l'autorité militaire d'être informée des faits reprochés et de tenir compte de l'exercice éventuel des poursuites pénales. En effet, ces éléments sont susceptibles d'avoir une incidence sur la manière de servir, la disponibilité et la capacité opérationnelle du militaire, surtout s'il s'agit d'un professionnel. L'avis permet également à l'autorité militaire de faire connaître son analyse des faits reprochés et de présenter les données relatives, d'une part aux contraintes de la mission militaire, d'autre part, à la personnalité du militaire concerné ;

- enfin, l'absence de représentation syndicale confère souvent au seul commandement la responsabilité d'assurer la défense et la sauvegarde des intérêts des personnels militaires, notamment au cours de la phase d'enquête préalable à l'engagement des poursuites pénales.

Il convient d'observer que cette procédure dérogatoire est entourée de garanties :

- le ministère public est expressément dispensé de solliciter cet avis en cas de crime ou de délit flagrant, de sorte que l'exercice de poursuites pénales peut alors être immédiat ;

- la procédure de l'avis est soumise à des conditions strictes de délais et ne saurait devenir le moyen pour le ministre de la défense ou l'autorité militaire de faire obstacle à l'engagement des poursuites ou de compromettre l'efficacité des investigations en en retardant le déclenchement. En effet, en cas d'urgence ou lorsque l'avis n'a pas été formulé dans le délai d'un mois, l'absence de l'avis au dossier n'emporte pas la nullité de la procédure ;

- Enfin, l'avis du ministre de la défense ou de l'autorité militaire est un simple avis consultatif qui ne lie pas le ministère public qui décide seul de l'engagement des poursuites.

Parallèlement, la possibilité pour la partie lésée de mettre en mouvement l'action publique a été progressivement reconnue en matière d'infractions commises par les militaires.

La reconnaissance par la réforme de 1982 du droit d'exercer une action civile ne s'était pas accompagnée par la possibilité pour la victime de mettre en mouvement l'action publique. La loi du 16 décembre 1992 relative à l'entrée en vigueur du nouveau code pénal avait prévu une telle possibilité mais uniquement dans des cas limitativement énumérés. En effet, c'est uniquement en « cas de décès, de mutilation ou d'infirmité permanente » que la partie lésée pouvait mettre en mouvement l'action publique.

Lors de la réforme de 1999, le Parlement a souhaité étendre la possibilité pour la partie lésée de mettre en mouvement l'action publique en prévoyant que celle-ci est possible par la voie de la plainte avec constitution de partie civile devant le juge d'instruction quel que soit le dommage subi. Toutefois, à la demande du Gouvernement, cette réforme a été reportée à la date du 1 er janvier 2002, qui correspondait à la fin de la conscription. En revanche, a été exclue la possibilité pour la partie lésée de mettre en mouvement l'action publique par la voie de la citation directe.

2. L'absence d'avis systématique en cas de plainte contre personne non dénommée, de plainte avec constitution de partie civile ou à l'occasion d'un réquisitoire supplétif

En vertu de l'article 698-1 du code de procédure pénale, le procureur de la République doit demander préalablement à tout acte de poursuite à l'encontre d'un militaire, hors cas de flagrance et sauf dénonciation, l'avis du ministre de la défense ou de l'autorité militaire habilitée par lui, sous peine de nullité. En principe, cette obligation s'impose au procureur de la République avant tout acte de poursuite.

Toutefois, il est apparu à plusieurs reprises que lorsque les premiers éléments de l'enquête ne font pas apparaître qu'un militaire précisément désigné est susceptible d'être poursuivi, la procédure judiciaire est ouverte contre personne non dénommée (c'est ce que l'on désigne dans le langage courant par « plainte contre X ») et aucun avis n'est alors demandé. Mais, dans la suite de la procédure, si un militaire est directement mis en cause et susceptible d'être poursuivi, aucun avis ne sera alors sollicité. C'est en particulier le cas dans les procédures ouvertes sur constitution de partie civile devant le juge d'instruction.

Certes, la rédaction de l'article 698-1 du code de procédure pénale aurait pu être interprétée comme induisant la demande d'avis du ministre de la défense même dans le cas d'une procédure judiciaire ouverte contre personne non dénommée, dès lors que l'instruction montrait qu'un militaire était en cause. Cependant, tel n'a pas été le sens de la jurisprudence de la Cour de cassation. Dans un arrêt du 16 juillet 1997 31 ( * ) , la chambre criminelle de la Cour de cassation a estimé, en effet, que l'article 698-1 ne régit que la mise en mouvement de l'action publique à l'encontre des militaires par le procureur de la République et que le juge d'instruction avait le pouvoir de mettre en examen toute personne ayant pris part aux faits dont il est saisi.

De même, dans un arrêt du 3 septembre 2003, la chambre criminelle de la Cour de cassation a écarté le moyen tenant à l'absence d'avis du ministre de la défense préalablement à un réquisitoire introductif ayant abouti à la mise en examen d'un médecin militaire à la suite d'une plainte avec constitution de partie civile contre personne non dénommée.

Ainsi, en cas de plainte avec constitution de partie civile, le juge d'instruction n'est pas tenu de solliciter l'avis du ministre de la défense, même si l'instruction débouche sur des faits susceptibles d'être commis par des militaires. Cette solution est assez logique dans la mesure où le juge d'instruction est saisi « in rem » et peut donc mettre en examen toute personne soupçonnée d'avoir commis les faits faisant l'objet du réquisitoire du procureur de la République. Prévoir pour le juge d'instruction l'obligation de recueillir un avis avant de mettre en examen la personne concernée aboutirait à revenir sur ce principe fondamental en matière d'instruction. Par ailleurs, on peut s'interroger sur le sens d'une telle disposition : l'action publique ayant déjà été engagée et le juge d'instruction ne disposant pas de l'opportunité des poursuites, quel serait donc le sens et la portée de cet avis ?

Toutefois, lorsque le juge d'instruction est saisi d'une plainte avec constitution de partie civile, le doyen des juges d'instruction saisit le procureur de la République aux fins de connaître ses réquisitions. On peut dès lors considérer que, si la plainte vise des infractions militaires ou des faits commis par un militaire dans l'exercice de ses fonctions, il appartient au procureur de la République de demander l'avis du ministre de la défense, conformément à l'article 698-1. Il conviendrait néanmoins de lever toute ambigüité sur ce point.

De même, en cas de plainte avec constitution de partie civile devant le juge d'instruction contre personne dénommée, qui serait un militaire, le procureur devrait saisir le ministre de la défense, mais il semblerait que cela ne soit pas systématique.

Enfin, dans l'hypothèse de la découverte au cours de l'instruction de faits nouveaux susceptibles de mettre en cause un militaire, le procureur de la République devrait en principe demander l'avis du ministre de la défense avant de délivrer son réquisitoire supplétif. Mais la pratique semble montrer que cette saisine n'est pas systématique.

3. La position de votre commission

L'avis préalable du ministre de la défense ou de l'autorité militaire à l'engagement de poursuites constitue un aspect essentiel de la prise en compte de la spécificité du contentieux mettant en cause les militaires.

Il permet d'apporter un éclairage à des situations opérationnelles parfois très complexes, notamment en opérations extérieures, à l'image de l'Afghanistan. En outre, cet avis ne lie en rien le Procureur de la République. Ce dispositif mérite donc, pour votre commission, d'être préservé et consacré.

Or, la situation actuelle est ambigüe, en particulier en cas de plainte contre personne non dénommée, de plainte avec constitution de partie civile ou de découverte de faits nouveaux.

Déjà, lors de l'examen de la réforme de 1999, le Gouvernement avait proposé d'étendre l'obligation de solliciter l'avis préalable du ministre de la défense en cas de poursuites contre un militaire à la suite d'une plainte avec constitution de partie civile. Toutefois, l'Assemblée nationale s'y était à l'époque opposée en première lecture au motif qu'elle n'entendait pas « maintenir des spécificités artificielles dont la portée est restreinte » 32 ( * ) .

Le Sénat, avait souhaité rétablir cette disposition, sur l'avis unanime de la commission des Lois et de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des Forces armées, mais l'Assemblée nationale s'y était à nouveau opposée en deuxième lecture. Comme le relevait le rapporteur de la commission des Lois du Sénat, notre collègue René Garrec : « l'inscription explicite dans la loi de l'avis du ministre de la défense en cas de mise en mouvement de l'action publique par la partie lésée avait surtout pour objectif de lever une ambigüité (...). Lorsque la partie lésée met en mouvement l'action publique, on peut légitimement estimer que les réquisitions que le procureur est appelé à prendre constituent un acte de poursuite de sorte que l'avis redevient nécessaire, même s'il n'est pas inscrit explicitement dans la loi ».

Estimant que la pratique avait démontré la pertinence de la position du Sénat, votre commission a souhaité lever toute ambigüité sur ce point.

La commission a donc, sur proposition du rapporteur pour avis, adopté à l'unanimité un amendement introduisant un article additionnel prévoyant de clarifier la rédaction de l'article 698-1 du code de procédure pénale, afin de préciser que l'avis du ministre de la défense ou de l'autorité militaire habilitée par lui doit aussi être demandé par le procureur de la République en cas de réquisitoire contre personne non dénommée, de réquisitoire supplétif ou de réquisitions faisant suite à une plainte avec constitution de partie civile.

Votre commission vous propose d'adopter cet article additionnel .

Article 24 (art. L. 311-7, L. 311-8 et L. 311-11 du code de justice militaire) - Suppression du caractère automatique de la perte de grade pour le militaire faisant l'objet d'une condamnation pénale et suppression de la substitution de la peine d'emprisonnement à une peine d'amende

Cet article a deux objets.

D'une part, cet article modifie la rédaction de l'article L. 311-7 du code de justice militaire afin d' aligner la situation des militaires sur celle des autres agents de la fonction publique en ce qui concerne les conséquences des condamnations pénales sur leur situation administrative .

Actuellement, en application des articles L. 311-7 à L. 311-9 du code de justice militaire, la condamnation d'un militaire pour crime et pour certains délits à des peines d'emprisonnement avec ou sans sursis égales ou supérieures à trois mois entraîne de plein droit la perte du grade et donc la radiation des cadres de l'armée.

Le caractère automatique de cette sanction apparaît discutable au regard de l'article 4 du protocole additionnel, sinon à l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le militaire peut en effet être frappé d'une perte de grade sans avoir pu faire valoir des observations sur cette mesure et en violation de la règle non bis in idem.

Cette automaticité semble également contraire au principe de nécessité des peines énoncé à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 que le Conseil constitutionnel a déclaré applicable aux sanctions infligées par des autorités administratives.

Cet article supprime donc le caractère automatique de cette sanction. Ainsi, seule une condamnation à une peine d'interdiction des droits civiques ou une interdiction d'exercer un emploi public entraînera la perte du grade. En effet, le juge aura toujours la possibilité de prononcer la déchéance des droits civiques, civils et de famille lorsqu'il estimera que la condamnation pénale est incompatible avec la fonction militaire. Il pourra également prononcer une peine d'interdiction d'exercer une fonction publique. En outre, l'autorité militaire conservera la possibilité d'engager une procédure disciplinaire.

Par ailleurs, reprenant la disposition figurant à l'article L. 311-8, la nouvelle rédaction de l'article L. 311-7 issue de cet article précise que, lorsque ces militaires sont commissionnés, toute condamnation entraînera la révocation. En conséquence, l'article L. 311-8 serait abrogé.

L'article L. 4132-10 du code de la défense précise ce qu'il faut entendre par l'expression « militaires commissionnés ».

D'après cet article « le militaire commissionné est admis par contrat à servir dans une armée ou une formation rattachée dans un grade d'officier ou de sous-officier en vue d'exercer des fonctions déterminées à caractère scientifique, technique ou pédagogique correspondant aux diplômes qu'il détient ou à son expérience professionnelle » .

Il s'agit donc de personnes disposant de compétences particulières, à caractère scientifique, technique ou pédagogique, qui sont recrutés par contrat pour servir dans une armée et qui se voient accorder un grade militaire dans le cadre de la fonction exercée. Il peut s'agir, par exemple, du chef d'orchestre de la garde républicaine de la gendarmerie nationale.

A la différence des autres militaires, ces personnes ne sont pas propriétaires de leur grade. Toute condamnation pénale entraînera donc, comme aujourd'hui, leur révocation.

D'autre part, cet article prévoit d'abroger l'article L. 311-11 du code de justice militaire afin de supprimer la possibilité pour la juridiction de substituer une peine d'emprisonnement à une peine d'amende pour les militaires.

En application de l'article L. 311-11 du code de justice militaire, lorsqu'une peine d'amende est prononcée pour une infraction de droit commun contre des militaires ou assimilés n'ayant pas le rang d'officier, le tribunal peut décider, par une disposition spéciale, de substituer à cette peine un emprisonnement de six jours à six mois pour un délit et de deux à quinze jours pour une contravention, le condamné conservant la faculté de payer l'amende au lieu de subir l'emprisonnement.

Cette disposition n'est pas prévue par le code pénal. En effet, le code pénal ne prévoit plus de peine d'emprisonnement en matière contraventionnelle et en matière délictuelle il prévoit un mécanisme de substitution à l'emprisonnement (jours-amende, sanction réparation, travail d'intérêt général).

L'article 144 de la proposition de loi relative à la simplification et à l'amélioration de la qualité de la loi prévoit d'ailleurs de modifier la rédaction du premier alinéa de l'article L. 311-1, de la manière suivante : « Lorsque la peine d'amende est prononcée pour une infraction de droit commun contre des militaires ou assimilés n'ayant pas rang d'officier, le tribunal peut décider, par une disposition spéciale, de substituer à cette peine un emprisonnement de six mois au plus pour un délit, le condamné conservant la faculté de payer l'amende au lieu de subir l'emprisonnement. » .

Cet article va plus loin en prévoyant de supprimer la substitution prévue à l'article L. 311-1 qui paraît désuète et qui, d'après le ministère de la justice, semble d'ailleurs n'avoir jamais été mise en oeuvre par une juridiction.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 24 sous réserve d'une légère modification rédactionnelle.

Article additionnel après l'article 24 (art. L. 321-2, art. L. 321-3, art. L. 321-4, art. L. 321-5, L. 321-6, L. 321-7, L. 321-8, L. 321-9 et L. 321-10 du code de justice militaire) - Clarification et harmonisation de la définition de la désertion sur le territoire national et à l'étranger

Cet article additionnel, introduit par voie d' amendement à l'initiative de votre rapporteur pour avis, vise à simplifier et à harmoniser les définitions de la désertion , qu'elle intervienne à l'intérieur du territoire de la République ou bien à l'étranger, en temps de paix comme en temps de guerre. Il reprend les articles 5, 6 et 7 de la proposition de loi n° 303 relative à l'aménagement des compétences juridictionnelles en matière militaire et à la simplification de plusieurs dispositions du code de justice militaire, déposée au Sénat par votre rapporteur pour avis le 11 février 2011.

1. La désertion : un phénomène en forte augmentation ces dernières années mais dont le cadre législatif paraît aujourd'hui inadapté

Contrairement à ce qu'on aurait pu penser, la suspension du service national et la professionnalisation des armées, de même que la diminution sensible des effectifs, n'ont pas entraîné une diminution des cas de désertion, bien au contraire.

En effet, d'après les données du ministère de la défense, depuis 2000, les cas de désertion ont augmenté de 500 % en dix ans . En 2006, on recensait près de 2 400 actes de désertion, contre moins de 500 en 1997.

Ce phénomène touche essentiellement les militaires du rang, mais commence également à concerner les sous-officiers.

Toutefois, les cas de désertions d'un militaire en opération extérieure à partir du théâtre d'affectation sont très rares.

La désertion, autrefois considérée comme infamante par les générations antérieures de conscrits, ne semble plus du tout perçue de la même manière par les jeunes ayant, de surcroît, fait acte de candidature pour servir sous les drapeaux dans le cadre d'un contrat et contre rémunération.

Depuis quelques années, les juridictions sont donc inondées de cas de désertions, alors qu'elles n'en avaient que très rarement auparavant.

Or, le cadre législatif actuel paraît inadapté car il a été bâti pour la conscription.

Le code de justice militaire définit la désertion, qui est une infraction d'ordre militaire, de manière différente selon qu'elle intervient à l'intérieur du territoire ou à l'étranger.

Par ailleurs, la désertion est punie plus sévèrement lorsqu'elle intervient à l'étranger, avec complot ou en temps de guerre.

Or, les définitions actuelles de la désertion à l'intérieur et à l'étranger dans le code de justice militaire, qui date de 1965, sont complexes et ambigües. Cette complexité a été accrue par la jurisprudence qui a interprété les notions de désertion à l'intérieur et à l'étranger selon le lieu de découverte et non, comme les textes auraient pu pourtant y inciter, selon le régime auquel les militaires appartiennent (service en France ou en opération extérieure).

Ainsi, un militaire, dont le corps ou la formation de rattachement est basé sur le territoire national, mais qui s'absente et franchit sans autorisation les frontières et demeure à l'étranger sera considéré comme déserteur à l'étranger. En revanche, un militaire, dont la formation de rattachement est basée sur le territoire, qui bénéficie d'une permission pour l'étranger mais qui y demeure, sera considéré comme un déserteur à l'intérieur 33 ( * ) .

De même, un militaire engagé en opération extérieure ou dont la formation est basée à l'étranger, qui s'absente sans autorisation, même s'il revient ensuite sur le territoire national, sera considéré comme un déserteur à l'étranger. En revanche, un militaire engagé en opération extérieure ou dont la formation est basée à l'étranger, qui revient avec autorisation (par exemple une permission) sur le territoire national et qui y demeure sera considéré comme un déserteur à l'intérieur.

Or, les peines applicables sont plus sévères pour le déserteur à l'étranger que pour le déserteur à l'intérieur.

En outre, la juridiction compétente est différente selon la qualification de l'infraction de désertion, puisque, si elle intervient à l'intérieur du territoire, la juridiction compétente sera la juridiction de droit commun du ressort de son corps de rattachement ou du port de rattachement de son bâtiment, alors que si elle intervient à l'étranger elle sera de la compétence du tribunal aux armées de Paris (ou bien de la formation spécialisée du Tribunal de Grande instance de Paris lorsque le présent projet de loi entrera en vigueur).

Ainsi, sans modifier les grands principes et les peines qui s'y attachent, il semble nécessaire de clarifier les éléments constitutifs de ces deux infractions dans le code de justice militaire, dans un souci de simplification et de sécurité juridique.

2. Malgré des peines relativement sévères, peu de déserteurs font aujourd'hui l'objet de poursuites et de condamnations à une peine d'emprisonnement

En temps de paix, la désertion est passible d'une peine maximale d'emprisonnement de trois ans lorsqu'elle survient à l'intérieur et de cinq ans si elle intervient à l'étranger ou de manière concertée.

Cette peine peut toutefois aller jusqu'à dix ans si la désertion intervient en temps de guerre, et même vingt ans de réclusion criminelle si la désertion a lieu avec complot et en temps de guerre.

Toutefois, en pratique, les sanctions prononcées par les juridictions sont beaucoup moins répressives que celles prévues par les textes.

D'après une enquête du ministère de la défense portant sur les jugements prononcés par les tribunaux pour les cas de désertions dénoncés par les régions terre et les régions aériennes en 2003 et 2004, dans leur grande majorité (63 %), les actes de désertion se concluent par une absence de peine, avec un classement sans suite, éventuellement assorti d'un simple rappel à la loi, sans inscription au casier judiciaire.

La plupart des sanctions prononcées par les juges sont des peines d'amendes ou des travaux d'intérêt général, qui ne sont pas prévues par le code de justice militaire et qui ne sont pas inscrites au casier judiciaire.

Les peines d'emprisonnement ferme sont assez rares et, dans 90 % des cas, sont prononcées par défaut. Moins de 1 % des affaires jugées en 2003 et 2004 ont conduit le déserteur en prison immédiatement après l'audience et pour une peine toujours inférieure à une année.

En définitive, on constate qu'une grande majorité des déserteurs ne souffre d'aucune punition et ne garde même aucune trace dans leur casier judiciaire.

Par ailleurs, l'analyse des jugements par tribunal montre que la sévérité est surtout concentrée sur quelques juridictions. Ainsi, six juridictions spécialisées (Nîmes, Bastia, Marseille, Orléans et Chambéry) regroupent 90 % de l'ensemble des condamnations à une peine de prison ferme, 73 % d'entre elles ayant été prononcées par le seul tribunal de Nîmes 34 ( * ) . A l'inverse, de nombreux parquets ont systématiquement classé sans suite les cas de désertion qui leur ont été présentés 35 ( * ) .

Il semblerait que certains magistrats aient tendance à considérer la désertion comme une simple absence injustifiée sur le lieu de travail et, lorsque la désertion est le seul délit reproché au militaire, à refuser de le considérer comme un véritable délinquant.

Or, cette banalisation de la désertion présente, aux yeux de votre rapporteur pour avis, un risque au regard du maintien de la discipline militaire sans laquelle il n'y a pas d'armée.

Votre rapporteur pour avis est donc opposé à une réduction des peines applicables à la désertion pour ne pas encourager la tendance actuelle de certains magistrats à « banaliser » ce type d'infraction.

3. Les modifications proposées par cet article additionnel

Le 1° de cet article vise à introduire une nouvelle définition de la désertion à l'intérieur du territoire de la République.

La définition actuelle de la désertion à l'intérieur, contenue à l'article L. 321-2 du code de justice militaire, est complexe et ambigüe puisqu'elle fait intervenir des éléments matériels (comme l'absence sans autorisation), mais aussi des délais et la localisation géographique.

Il existe, en effet, trois cas de désertion à l'intérieur prévus par l'article L. 321-2 du code de justice militaire :

- l'absence non autorisée au-delà d'un délai de six jours du militaire de son corps ou détachement, de sa base ou formation, de son bâtiment ou d'un hôpital militaire ou civil où il est en traitement, ou qui s'évade d'un établissement pénitentiaire où il était détenu provisoirement ;

- la non présentation du militaire voyageant isolément dont la mission, le congé ou la permission est expiré, dans les quinze jours suivant celui fixé pour son arrivée ou son retour, à un corps de détachement, à sa base ou formation ou à son bâtiment ;

- l'absence de tout militaire sur le territoire de la République au moment du départ pour une destination hors de ce territoire, du bâtiment ou de l'aéronef militaire auquel il appartient ou à bord duquel il est embarqué.

Il en résulte de nombreuses difficultés d'interprétation et des conflits potentiels de compétence.

Ainsi, à titre d'illustrations, sont notamment considérées actuellement comme des désertions à l'intérieur les cas suivants :

- la non présentation d'un militaire appartenant à une formation stationnée sur le territoire de la République, à l'unité stationnée à l'étranger à laquelle il est muté, s'il est demeuré sur le territoire de la République ;

- le non retour à la formation stationnée hors du territoire de la République à l'issue d'une permission pour la France, si le militaire reste en France ;

- le non retour à la formation stationnée sur le territoire de la République à l'issue d'une permission pour l'étranger si le militaire reste à l'étranger.

Le présent article vise donc à introduire une nouvelle définition de la désertion à l'intérieur du territoire, en remplaçant les cinq premiers alinéas de l'article L. 321-2 du code de justice militaire par huit nouveaux alinéas.

D'après cette nouvelle définition, une désertion sera considérée comme survenant à l'intérieur du territoire lorsque la formation de rattachement du militaire sera située sur le territoire de la République.

Cette formation de rattachement pourra être un corps, un détachement, une base, une formation, un bâtiment ou aéronef militaire, un établissement civil ou militaire de santé ou bien un établissement pénitentiaire.

Un militaire sera considéré comme déserteur dans trois cas de figure :

- s'il s'évade, s'absente sans autorisation, refuse de rejoindre sa formation de rattachement ou ne s'y présente pas à l'issue d'une mission, d'une permission ou d'un congé ;

- si, mis en route pour rejoindre une formation située hors du territoire national, il ne s'y présente pas ;

- s'il se trouve absent sans autorisation au moment du départ pour une destination hors du territoire du bâtiment ou de l'aéronef auquel il appartient ou à bord duquel il est embarqué.

La nouvelle rédaction proposée par cet article apporte également des changements en matière de délais de grâce.

Actuellement, l'article L. 321-2 du code de justice militaire prévoit un délai de grâce avant que l'infraction de « désertion » ne soit consommée. Pendant ce délai de grâce, le militaire est en absence irrégulière. Il ne risque qu'une sanction disciplinaire. Passé ce délai, il se trouve en absence illégale et devient un déserteur pouvant être l'objet de poursuites pénales.

Le délai de grâce accordé dans le cas de la désertion à l'intérieur et en temps de paix est de six jours en cas d'absence sans autorisation de son affectation et de quinze jours à l'issue d'une mission d'un congé ou d'une permission. Ce délai de grâce est d'un mois pour le militaire ayant moins de trois mois de service. En revanche, aucun délai de grâce n'est prévu en cas d'absence au moment du départ d'un bâtiment ou d'un aéronef.

Ainsi, un militaire sera déclaré déserteur à l'expiration d'un délai de six jours à compter du lendemain du jour où l'absence sans autorisation est constatée.

En temps de guerre, tous ces délais sont réduits des deux tiers.

DÉLAI DE GRÂCE LORS D'UNE DÉSERTION À L'INTÉRIEUR

Situation du militaire

Délai de grâce (en nombre de jours) en temps de paix

Délai de grâce (en nombre de jours) en temps de guerre

Absence sans autorisation de son affectation

6

2

Absence à l'issue d'une mission, d'un congé ou d'une permission

15

5

Absence sans permission au moment du départ d'un bâtiment ou d'un aéronef

0

0

Militaire ayant moins de trois mois de service

30

15

L'origine de ce délai de grâce résulte de plusieurs facteurs :

- on peut supposer que le délai de grâce a été institué par le législateur en raison de la gravité de l'acte de désertion et de ses conséquences pénales, tout en tenant compte des moyens de communication et de transport de l'époque ;

- des possibilités de répression sévères et immédiates - tels les arrêts de rigueur - étaient à la disposition des autorités militaires pour sanctionner les absences irrégulières, et la désertion était jugée par des tribunaux militaires ;

- les militaires du rang étaient essentiellement des appelés et ils étaient non rémunérés.

Aujourd'hui, la situation a sensiblement évolué :

- l'acte de désertion, jugé par le tribunal civil territorialement compétent est, en règle générale, peu sanctionné pénalement ;

- les moyens modernes de communication et de transport permettent aux militaires de prendre contact aisément avec la hiérarchie et de rejoindre rapidement leur garnison ;

- les militaires du rang sont des professionnels rémunérés.

Dès lors, le délai de grâce n'apparaît plus justifié aujourd'hui.

Tel que proposé par cet article additionnel, le nouvel article L. 321-2 maintiendrait uniquement un délai de grâce de six jours en cas d'absence sans autorisation ou de non présentation à l'issue d'une mission, d'un congé ou d'une permission. Ainsi, le délai de grâce de quinze jours en cas de non présentation du militaire à l'issue d'une mission, d'un congé ou d'une permission serait réduit et aligné sur le délai qui s'applique actuellement en cas d'absence sans autorisation.

Cette uniformisation du délai de grâce se justifie par le fait que les circonstances de commission de l'infraction sont, en pratique, très proches Il n'existe pas de différence notable entre celui qui profite de la permission du week-end pour déserter et celui qui décide, en cours de semaine de s'absenter du corps pour diverses raisons.

En outre, la disposition prévoyant l'allongement du délai de grâce à un mois pour le militaire n'ayant pas trois mois de service serait supprimée, compte tenu de la professionnalisation des armées et de la possibilité reconnue à tout militaire de résilier à tout moment son contrat d'engagement durant la période probatoire de six mois, en vertu de l'article 8 du décret n°2008-961 du 12 septembre 2008 relatif aux militaires engagés.

En cas de désertion à l'intérieur, la juridiction compétente sera celle dans le ressort de laquelle est située la formation de rattachement.

Le dernier alinéa de l'article L. 321-2, qui précise qu'en temps de guerre tous les délais sont réduits des deux tiers, resterait inchangé.

Le 2° de cet article porte sur les sanctions pénales relatives à l'infraction de désertion à l'intérieur du territoire . Il modifie la rédaction de l'article L. 321-3 du code de justice militaire, uniquement dans un souci de clarification rédactionnelle et de simplification. Il ne vise pas à changer la nature des peines applicables à la désertion.

Comme actuellement, la désertion à l'intérieur du territoire en temps de paix sera passible d'une peine maximale de trois ans d'emprisonnement.

Selon la nouvelle rédaction proposée par cet article, le fait de déserter à l'intérieur et de franchir les limites du territoire de la République ou de rester hors de ces limites sera passible d'une peine de cinq ans d'emprisonnement.

Même si cette aggravation de peine ne figure pas actuellement à l'article L. 321-3, il ne s'agit pas réellement d'une nouveauté. En effet, aujourd'hui, lorsqu'un militaire, dont le corps ou le bâtiment de rattachement se trouve sur le territoire, se rend à l'étranger et y demeure sans autorisation, il est considéré comme déserteur à l'étranger, et donc passible d'une peine de cinq ans d'emprisonnement.

Compte tenu de la nouvelle définition de la désertion à l'intérieur du territoire, introduite au I. de cet article, ce militaire sera considéré dorénavant comme déserteur à l'intérieur.

Toutefois, il sera passible de la même peine, car le fait de franchir les limites du territoire ou de rester à l'étranger, sera considéré comme une circonstance aggravante, passible d'une peine de cinq ans d'emprisonnement.

Cette aggravation de peine est justifiée par le fait qu'il est plus difficile d'appréhender le déserteur qui se trouve à l'étranger que celui qui demeure sur le territoire national.

Comme actuellement, si la désertion a lieu en temps de guerre ou bien sur un territoire sur lequel l'état de siège ou l'état d'urgence a été proclamé, la peine pourra être portée à dix ans d'emprisonnement.

En outre, selon l'article L. 321-4, la désertion avec complot, c'est-à dire effectuée de concert par plus de deux individus, est passible d'une peine de cinq ans d'emprisonnement si elle survient en temps de paix et de dix ans d'emprisonnement si elle intervient en temps de guerre. Ces dispositions demeurent inchangées.

Le 3° de cet article modifie en revanche la peine complémentaire applicable au déserteur lorsque celui-ci est officier. Il remplace, en effet, la destitution par la perte de grade.

Actuellement, les articles L. 321-3 et L. 321-4 du code de justice militaire prévoient que si le coupable de désertion est officier, la destitution peut également être prononcée.

La destitution, qui est une peine militaire complémentaire applicable aux officiers et aux sous-officiers de carrière, est définie à l'article L. 311-4 du code de justice militaire. La destitution entraîne la perte du grade et du droit d'en porter les insignes et l'uniforme.

D'après l'article L. 311-4, elle a également, sur le droit à l'obtention et à la jouissance d'une pension, les effets prévus par la législation des pensions. Cette dernière mention se référait à l'ancien article L. 59 du code des pensions civiles et militaires, en vigueur avant le 1 er janvier 2004. Celui-ci prévoyait que le droit à l'obtention ou à la jouissance de la pension et de la rente viagère d'invalidité pouvait être suspendu à l'égard de tout bénéficiaire qui aura été révoqué ou mis à la retraite d'office. Il s'agissait d'une peine qualifiée de « peine afflictive et infamante ». Lors de la réforme du code pénal, la notion de peines « afflictives et infamantes » a été supprimée et consécutivement l'article L. 59 du code des pensions civiles et militaires a été abrogé. Ainsi, la destitution entraîne uniquement aujourd'hui la perte de grade.

L'objet du présent article est donc de remplacer la destitution, qui apparaît désuète à l'image de l'ancienne peine de dégradation, par la perte de grade.

Le 4° de cet article établit une nouvelle définition de la désertion à l'extérieur du territoire et clarifie la rédaction du régime des sanctions pénales relatif à cette infraction.

Aujourd'hui, la définition de l'infraction de désertion à l'extérieur du territoire et le régime des sanctions pénales applicable à cette infraction sont contenus aux articles L. 321-5 à L. 321-11 du code de justice militaire.

Ainsi, il existe actuellement trois cas de désertion à l'étranger, prévus par les articles L. 321-5, L. 321-6 et L. 321-7 du code de justice militaire :

- le franchissement sans autorisation des limites du territoire de la République ou hors du territoire l'abandon du corps, du détachement, de la base ou de la formation à laquelle il appartient ou au bâtiment ou l'aéronef à bord duquel il est embarqué, à l'issue d'un délai de trois jours après l'absence constatée ;

- la non présentation, hors du territoire de la République, à l'expiration d'un délai de six jours, du militaire dont la permission, le congé, la mission ou le déplacement est expiré, à son corps, détachement, base ou formation à laquelle il appartient ou au bâtiment ou l'aéronef à bord duquel il est embarqué ;

- l'absence hors du territoire de la République du militaire sans permission au moment du départ du bâtiment ou de l'aéronef militaire à bord duquel il est embarqué.

A la différence de la désertion à l'intérieur, qui fait l'objet de trois articles de ce code, l'un pour la définition de l'infraction, l'autre pour les sanctions pénales et le troisième qui concerne la circonstance aggravante de la désertion avec complot, la désertion à l'étranger fait ainsi l'objet de pas moins de sept articles, dont quatre portant sur la définition de l'infraction et trois sur le régime des sanctions pénales.

Par ailleurs, à l'image de la désertion à l'intérieur, la définition de la désertion à l'extérieur est complexe, car elle fait également intervenir des éléments matériels, mais aussi des délais et une localisation géographique. Il en résulte des ambigüités et des conflits de compétence pour savoir si l'on se trouve face à un cas de désertion à l'intérieur ou bien de désertion à l'extérieur du territoire.

A titre d'illustrations, sont actuellement considérés comme des désertions à l'étranger :

- le franchissement sans autorisation par le déserteur des limites du territoire de la République ;

- l'abandon de la formation à laquelle appartient le déserteur lorsque cet abandon a lieu hors du territoire de la République ;

- le non retour à la formation à l'issue d'une permission, d'un congé, d'une mission ou d'un déplacement à l'étranger, lorsque cette formation est stationnée hors du territoire de la République.

Par ailleurs, la circulaire du ministre de la défense du 8 juin 1971 a défini de manière restrictive la notion de désertion à l'étranger dans le cas prévu à l'article L. 321-6 du code de justice militaire, l'admettant uniquement lorsque le titre de permission, de congé, de mission ou de déplacement a été accordé pour le pays étranger dans lequel stationne l'unité ou pour un autre pays étranger exclusivement.

Enfin, comme pour la désertion à l'intérieur, les délais de grâce n'apparaissent plus aujourd'hui réellement adaptés.

DÉLAI DE GRÂCE LORS D'UNE DÉSERTION À L'ÉTRANGER

Situation du militaire

Délai de grâce (en nombre de jours) en temps de paix

Délai de grâce (en nombre de jours) en temps de guerre

Absence sans autorisation de son affectation

3

1

Absence à l'issue d'une mission, d'un congé ou d'une permission

6

2

Absence sans permission au moment du départ d'un bâtiment ou d'un aéronef

0

0

Militaire ayant moins de trois mois de service

15

5

Dans un souci de clarification et de sécurité juridique, cet article additionnel propose donc de remplacer les articles L. 321-5 à L.321-10 par trois nouveaux articles L. 321-5 à L. 321-7, dont la rédaction est calquée sur celle des articles L. 321-2 à L. 321-3, qui sont relatifs à la désertion à l'intérieur.

Ainsi, la désertion sera considérée comme intervenant à l'étranger lorsque la formation de rattachement sera située hors du territoire de la République.

Comme pour la désertion à l'intérieur, la formation de rattachement pourra être un corps, un détachement, une base, une formation, un bâtiment ou aéronef militaire, un établissement civil ou militaire de santé ou bien un établissement pénitentiaire.

Un militaire sera considéré comme déserteur dans les mêmes trois cas de figure que pour ceux de la désertion à l'intérieur, c'est-à-dire :

- s'il s'évade, s'absente sans autorisation, refuse de rejoindre sa formation de rattachement ou ne s'y présente pas à l'issue d'une mission, d'une permission ou d'un congé ;

- si, mis en route pour rejoindre une autre formation de rattachement située sur tout territoire, y compris le territoire national, il ne s'y présente pas ;

- s'il se trouve absent sans autorisation au moment du départ pour une destination hors du territoire du bâtiment ou de l'aéronef auquel il appartient ou à bord duquel il est embarqué.

Dans ce premier cas de figure, le militaire sera déclaré déserteur à l'expiration d'un délai de trois jours à compter du lendemain du jour où l'absence sans autorisation est constatée ou du lendemain du terme prévu de la mission, de la permission ou du congé. Ce délai sera même réduit à un jour en temps de guerre.

Par ailleurs, à l'image de la désertion à l'intérieur, le délai de grâce de six jours en cas d'absence sans autorisation à l'issue d'une mission, d'une permission ou d'un congé serait réduit de moitié et harmonisé avec le délai qui s'applique en cas d'absence injustifiée, et l'allongement du délai de grâce à quinze jours pour le militaire n'ayant pas trois mois de service en temps de paix, serait supprimé.

Comme pour la désertion à l'intérieur, cette réduction du délai de grâce par rapport à la situation actuelle s'explique, d'une part, par les moyens modernes de communication et de transport, et, d'autre part, par la professionnalisation des armées et la possibilité reconnue à tout militaire de résilier à tout moment son contrat d'engagement durant la période probatoire de six mois, en vertu de l'article 8 du décret n°2008-961 du 12 septembre 2008 relatif aux militaires engagés.

En cas de désertion à l'étranger, la juridiction compétente sera la juridiction prévue à l'article 697-4 du code de procédure pénale, c'est-à-dire la formation spécialisée du Tribunal de Grande instance de Paris.

Comme actuellement, la désertion à l'étranger sera punie plus sévèrement que la désertion à l'intérieur, puisqu'elle sera passible d'une peine maximale de cinq ans d'emprisonnement, qui pourra être portée à dix ans si le militaire concerné est officier.

Toutefois, une nouvelle circonstance atténuante est prévue lorsque le militaire déserte à l'étranger et se maintient ou revient sur le territoire de la République. Dans ce cas, la peine encourue est réduite à trois ans d'emprisonnement. Il s'agit là encore de tenir compte du fait que ce type d'infraction est considéré aujourd'hui par la jurisprudence comme de la désertion à l'intérieur du territoire et donc passible d'une peine de trois ans d'emprisonnement.

Cette circonstance atténuante se justifie par le fait qu'il est plus aisé d'appréhender un déserteur qui se trouve sur le territoire national qu'un déserteur qui se trouve à l'étranger.

Enfin, comme actuellement, il est prévu plusieurs circonstances aggravantes. Ainsi la peine d'emprisonnement pourra être portée à dix ans, lorsque le militaire a déserté à l'étranger :

- en emportant son arme ou du matériel de l'Etat ;

- en étant de service ;

- avec complot.

L'article L. 321-11, qui prévoit que la peine est portée à dix ans d'emprisonnement lorsque la désertion à l'étranger survient en temps de guerre ou sur le territoire sur lequel l'état de siège ou l'état d'urgence a été proclamé, et que la peine est portée à vingt ans de réclusion criminelle si la désertion à l'étranger a lieu avec complot et en temps de guerre, resterait inchangé.

Il est légitime, en effet, de prévoir des sanctions plus sévères pour la désertion, en particulier en cas de conflit à l'étranger ou en cas d'action concertée, à la fois pour sanctionner mais aussi pour prévenir ce type de comportement et maintenir la discipline des armées.

En conséquence, le 5° de cet article prévoit d'abroger les articles L. 321-8 à L. 321-10.

Votre commission vous propose d'adopter cet article additionnel.

Article 26 - Entrée en vigueur, mesures transitoires et application sur le territoire

Le II. de cet article est relatif à l'entrée en vigueur et aux dispositions transitoires de l'article 23.

Il précise que l'article 23 entre en vigueur le premier jour du septième mois suivant celui de sa publication. Il prévoit donc un délai de sept mois pour le transfert des attributions du tribunal aux armées de Paris à la formation spécialisée en matière militaire du Tribunal de Grande instance de Paris.

Les mesures transitoires concernent les procédures en cours devant le Tribunal aux armées de Paris, qui seront transférées en l'état aux juridictions de droit commun spécialisées en matière militaire ayant leur siège à Paris.

Votre commission a adopté un amendement visant, d'une part, à assurer la cohérence des dispositions relatives au sort des procédures en cours devant le Tribunal aux armées de Paris avec les modifications récentes apportées au code de l'organisation judiciaire à l'occasion de la mise en oeuvre de la réforme de la carte judiciaire, et, d'autre part, à fixer la date d'entrée en vigueur de l'article 23 au 1 er janvier 2012.

Selon les informations recueillies par votre rapporteur pour avis, le ministère de la défense s'est engagé à céder à la ville de Paris, avant l'été 2012, la caserne Reuilly-Diderot, située dans le XIIe arrondissement de Paris, où siège actuellement le Tribunal aux armées de Paris. La mairie de Paris entend construire à cet emplacement des logements sociaux.

Compte tenu du retard dans l'examen de ce texte de loi, qui a été déposé le 3 mars 2010, il semble préférable de fixer une date d'entrée en vigueur de cette réforme afin de respecter l'échéance de l'été 2012.

Votre commission a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 26 ainsi amendé.

* *

*

Votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donné un avis favorable à l'adoption des articles 23, 24 et 26 de ce projet de loi, tels que modifiés par les amendements qu'elle a adoptés, et à l'insertion d'articles additionnels figurant dans le compte rendu ci-après.

En conséquence, la commission a constaté que la proposition de loi n°303 (2010-2011) relative à l'aménagement des compétences juridictionnelles en matière militaire et à la simplification de plusieurs dispositions du code de justice militaire était satisfaite par les articles 23, 24 et 26 du projet de loi, tels que modifiés par les amendements et complétés par les articles additionnels adoptés par la commission.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 29 mars 2011 sous la présidence de M. Josselin de Rohan, président, la commission a examiné le présent rapport.

A l'issue de l'exposé de M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur pour avis, un débat a précédé l'examen des amendements.

M. Josselin de Rohan, président . - Je remercie le rapporteur, qui s'est beaucoup investi, qui a beaucoup auditionné, et recueilli des avis concordants.

M. Robert Badinter . - Ce débat me ramène loin en arrière, il y a trente ans... « Le propre des notables vieillissants est de confondre leurs discours et leurs souvenirs » disait Churchill ; j'essaierai de vous épargner ! (Sourires)

Le débat à l'Assemblée nationale sur la réforme de 1982 fut d'une rare violence. Je revois M. Messmer m'accusant de commettre rien de moins qu'un crime contre la Nation ! Cela me semblait excessif... À l'époque de la conscription, en temps de paix, ceux que nous jugions étaient des civils habillés en militaires, n'attendant que le moment où ils quitteraient l'uniforme ! Je souhaitais en finir avec une institution qui n'a de sens qu'en temps de guerre.

L'autre raison, qui ne fut pas comprise à l'époque, tenait à la levée, le 3 octobre 1981, des réserves interdisant au justiciable français de saisir la Cour européenne des droits de l'homme. Avec l'abolition de la peine de mort, c'est la mesure la plus importante que j'ai à mon actif. La justice française a progressivement abandonné les règles et procédures contraires à la convention européenne des droits de l'homme. Ceci commandait cela. Si nous maintenions la justice militaire, juridiction d'exception, tous les militaires poursuivis auraient saisi la Cour européenne !

Restait le problème des militaires français stationnés en Allemagne. L'accord conclu entre les puissances occupantes en 1946 prévoyait une juridiction militaire dans chaque zone ; pour supprimer les tribunaux militaires jugeant en Allemagne les militaires français, il aurait fallu modifier le traité. En pleine crise des SS-20, le président Mitterrand s'y refusa, et le tribunal militaire de Landau eut un répit...

Il est normal de recourir à une juridiction de droit commun spécialisée. Le statut des membres du parquet, désignés par le ministre de la défense, était contraire à la fois à la Constitution et à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.

Je félicite le rapporteur. Cette réforme est positive. Elle met fin à une grande institution, qui ne correspondait plus à la France moderne et à l'état de droit républicain.

M. Josselin de Rohan, président . - Merci pour ce rappel historique. Il est vrai que l'évolution a pris du temps...

M. Robert Badinter . - Comme le disait Edgar Faure : « On a toujours tort en France d'avoir raison trop tôt ! » ( Sourires )

Mme Bernadette Dupont . - Je m'interroge sur l'impossibilité pour la victime d'une infraction commise par un militaire de faire citer directement ce militaire devant la juridiction de jugement. Quelle est la justification de cette dérogation ?

M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur . - A la différence de la plainte devant le parquet ou le juge d'instruction, la citation directe, qui ne joue qu'en matière de contraventions et de délits, permet de faire convoquer directement l'auteur présumé d'une infraction, par le biais d'une citation à comparaître, devant un tribunal, sans phase d'enquête préalable et sans qu'une instruction ait été ouverte.

On voit bien les dérives que cette procédure pourrait entraîner si elle était applicable aux militaires.

En outre, cela ferait échec à l'avis préalable du ministre de la défense.

En revanche, la victime ou la partie lésée peut porter plainte contre personne dénommée ou contre personne non dénommée et se constituer partie civile, selon les règles de droit commun.

M. Robert Badinter. - Il ne s'agit pas d'interdire à la victime l'accès à la juridiction militaire, mais sans le filtre de l'instruction, certains antimilitaristes viscéraux multiplieraient les citations directes dans le seul but de démoraliser ou désorganiser des unités ! C'est ce que les militaires redoutent. N'oublions pas que le code pénal est riche, et l'invention des avocats considérable ! (Sourires)

M. Didier Boulaud . - Les désertions ont-elles augmenté depuis la professionnalisation ? Quid de leur incidence en Opex ?

M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur pour avis . - La désertion a considérablement progressé depuis la fin de la conscription : le nombre d'actes de désertion a augmenté de 500% en dix ans ; il y en avait 2400 en 2006, contre moins de 500 en 1997. Cela tient à ce que nombre de militaires s'engagent, sur contrat de cinq ans, pour des raisons avant tout alimentaires. Ils ont tendance à considérer l'armée comme n'importe quel employeur ; ne pas rentrer au casernement ne leur paraît pas plus grave que de ne pas se présenter sur son lieu de travail ! Cette progression tient également à ce qu'au-delà d'un nombre donné de jours, tout retard est qualifié de désertion.

Examen des amendements

Article 23

M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur pour avis . - L'article 23 modifie de nombreuses dispositions du code de procédure pénale et du code de justice militaire. Mon amendement n°1 apporte des modifications de forme.

L'amendement n°1 est adopté à l'unanimité.

M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur pour avis . - L'amendement n°6 du gouvernement précise qu'en cas d'attentats terroristes commis par ou à l'encontre des forces armées en dehors du territoire, c'est le pôle anti-terroriste de Paris qui sera compétent. Cela me paraît logique, étant donné que le terrorisme est un domaine spécifique qui demande une forte spécialisation et des moyens importants. J'émets donc un avis favorable, tout en m'interrogeant sur la rédaction : « les actes de terrorisme commis par des forces armées françaises »...

M. Josselin de Rohan, président . - Nous interrogerons le gouvernement en séance publique sur cette formulation.

L'amendement n°6 est adopté.

L'article 23 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Articles additionnels après l'article 23

M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur . - Lorsque des infractions sont commises à bord des navires de la marine nationale ou des aéronefs militaires dans les eaux territoriales, la juridiction compétente sera celle du lieu d'affectation ou de débarquement - en pratique, les formations spécialisées du TGI de Marseille et du TGI de Brest. Toutefois, le Tribunal aux armées de Paris s'estime compétent pour les infractions commises à l'étranger, ce que contestent les formations spécialisées du lieu d'affectation. Ces conflits donnent lieu à des difficultés procédurales et à des arbitrages du ministère de la justice.

Mon amendement n°2 précise que la juridiction compétente sera celle du lieu d'affectation. Cette clarification est très bien accueillie tant par la marine nationale que par le ministère de la justice et les magistrats.

L'amendement n°2 est adopté à l'unanimité et devient un article additionnel.

M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur pour avis . - Depuis la loi du 21 juillet 1982, la mise en mouvement de l'action publique relève du procureur de la République. La loi prévoit toutefois un avis du ministre de la défense ou de l'autorité militaire habilitée, sauf en cas de dénonciation ou de flagrance. Cette dérogation avait alors été justifiée par la nécessité de tenir compte de la spécificité militaire. Or les juges ne sollicitent pas toujours l'avis du ministre de la défense lorsqu'il apparaît qu'un militaire est susceptible d'être poursuivi à la suite d'une plainte avec constitution de partie civile ou d'une plainte contre X. Dans un arrêt du 16 juillet 1997, la chambre criminelle de la cour de cassation a en effet estimé que l'article 698-1 du code de procédure pénale ne s'appliquait pas au juge d'instruction. Il en va de même en cas de découverte de faits nouveaux au cours de la procédure.

Mon amendement n°3 prévoit donc l'obligation de demander un avis du ministre de la défense en cas de poursuites contre un militaire, y compris à la suite d'une plainte contre X, d'une plainte avec constitution de partie civile ou d'un réquisitoire supplétif. Cet avis préalable, qui ne lie pas le procureur de la République, constitue un aspect essentiel de la prise en compte de la spécificité militaire. Il permet d'éclairer des situations opérationnelles parfois très complexes, en particulier en opérations extérieures. Le Sénat avait tenté en 1999 d'inscrire cette obligation dans la loi, mais l'Assemblée nationale s'y était opposée.

M. Robert Badinter . - L'autorité militaire risque, pour des raisons corporatistes, de différer très longtemps son avis...

M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur pour avis . - L'article 698-1 du code de procédure pénale prévoit que l'avis doit être rendu dans un délai d'un mois, qui peut être réduit en cas d'urgence.

M. Robert Badinter . - Alors il n'y a pas de problème.

M. Josselin de Rohan, président. - Cet avis devrait ainsi être l'occasion pour le ministère de la défense d'expliquer les circonstances de l'embuscade d'Ouzbine, en Afghanistan, affaire dans laquelle il y a constitution de parties civiles.

M. André Vantomme . - Que se passe-t-il si le ministère ne rend pas son avis ? La procédure en est-elle bloquée ?

M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur pour avis . - La procédure se poursuit. L'absence de l'avis dans le dossier est un motif de nullité sauf s'il n'a pas été rendu dans le délai d'un mois.

M. Josselin de Rohan, président . - L'avis n'est que consultatif ; le ministère a tout intérêt à le rendre !

L'amendement n°3 est adopté à l'unanimité et devient un article additionnel.

Article 24

M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur pour avis . - Actuellement, la condamnation à une peine d'emprisonnement avec ou sans sursis entraîne la perte du grade et donc la radiation des cadres de l'armée. L'automaticité de cette sanction apparaît discutable au regard de la convention européenne des droits de l'homme et de la règle non bis in idem . Elle est également contraire au principe de nécessité des peines, énoncé à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

L'article 24 supprime donc le caractère automatique de cette sanction. Le juge pourra toujours prononcer une peine d'interdiction des droits civiques ou une interdiction d'exercer un emploi public s'il estime la condamnation pénale incompatible avec la fonction militaire, et l'autorité militaire pourra toujours engager une procédure disciplinaire. D'autre part, il supprime la possibilité pour le juge de substituer une peine d'emprisonnement à une peine d'amende, disposition désuète qui semble n'avoir jamais été appliquée.

L'article 24 est adopté sans modification.

Article additionnel après l'article 24

M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur pour avis . - La désertion, je l'ai dit, a augmenté de 500 % en dix ans ; le phénomène touche essentiellement les militaires du rang, mais commence également à concerner les sous-officiers. Or, le cadre législatif actuel est inadapté.

Le code de justice militaire, qui date de 1965, distingue la désertion à l'intérieur du territoire et à l'étranger, et le régime des peines est différent en temps de paix et en temps de guerre. La peine maximale d'emprisonnement est de trois ans dans le cas d'une désertion à l'intérieur, de cinq ans si elle intervient à l'étranger ou est concertée, mais peut aller jusqu'à dix ans en temps de guerre.

Dans la pratique, les actes de désertion se concluent très majoritairement par un classement sans suite, éventuellement assorti d'un rappel à la loi, sans inscription au casier judiciaire. Les sanctions sont essentiellement des peines d'amendes ou des travaux d'intérêt général. Les peines d'emprisonnement ferme sont rares et, dans 90 % des cas, sont prononcées par défaut. Moins d'1 % des affaires conduisent le déserteur en prison et la peine est toujours inférieure à une année.

Il est par ailleurs difficile de distinguer désertion à l'intérieur et désertion à l'étranger. Quid d'un marin qui s'absente sans autorisation lors d'une escale, d'un militaire qui se réfugie à l'étranger, d'un militaire en opération extérieure qui demeure sans autorisation sur le territoire à l'issue d'une permission ?

Mon amendement n°4 clarifie les choses. La définition de la désertion sera fonction de la formation de rattachement, selon qu'elle est située ou non sur le territoire. Par ailleurs, le délai de grâce accordé au militaire sera réduit afin de tenir compte de l'évolution des moyens de communication et de transport. Le régime des peines n'est pas modifié pour ne pas banaliser l'acte de désertion, qui ne peut être assimilé à une simple absence injustifiée sur le lieu de travail.

L'amendement n°4 est adopté à l'unanimité et devient un article additionnel.

Article 26

M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur pour avis . - Il faut du temps pour opérer une opération de clarification, disait M. Badinter tout à l'heure... Pour la rendre possible, il a fallu une évolution des coeurs, des esprits et des conventions internationales. En outre, le Tribunal aux armées de Paris est installé dans la caserne de Reuilly-Diderot. Par parenthèse, je suis attaché à ce lieu pour y avoir passé un mois, avant mon départ en Algérie, à nettoyer le même camion ! (Sourires) Ce vaste territoire, quasiment vide, sera consacré à la construction de logements sociaux en vertu d'un accord entre la Défense et la ville de Paris. D'où mon amendement n°5 qui avance la date de suppression du Tribunal aux armées de Paris au 1er janvier 2012.

L'amendement n°5 est adopté à l'unanimité .

La commission donne un avis favorable à l'adoption des articles 23, 24 et 26 du projet de loi, tels que modifiés par les amendements qu'elle a adoptés et en tenant compte de l'insertion de trois articles additionnels.

En conséquence, la commission constate que la proposition de loi est satisfaite.

AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

Amendement n° 1

Présenté par M. Marcel-Pierre CLÉACH

Article 23

L'article 23 est modifié comme suit :

I. Après l'alinéa 10, insérer un alinéa ainsi rédigé :

d) (nouveau) À la première phrase du premier alinéa de l'article 698-6, la référence « l'article 697 » est remplacée par les références : « les articles 697 et 697-4 ».

II. Alinéa 20

Supprimer cet alinéa

III. Alinéa 21

Remplacer les mots :

dans le service

Par les mots :

dans l'exercice du service

IV. Alinéa 24

Supprimer cet alinéa

V. Alinéa 27

Rédiger ainsi cet alinéa :

b) Au premier alinéa de l'article L. 112-22-1, aux premier et second alinéas de l'article L. 112-22-3, au second alinéa de l'article L. 112-22-4, aux premier et dernier alinéas de l'article L. 112-22-6, à la seconde phrase du second alinéa de l'article L. 112-22-7 et à l'article L. 112-22-8, les mots : « tribunal aux armées » sont remplacés par les mots : « tribunal territorial des forces armées » ;

VI. Après l'alinéa 27, insérer un alinéa ainsi rédigé :

c) (nouveau) Aux premier et second alinéas de l'article L. 112-22-3, au second alinéa de l'article L. 112-22-4 et à la seconde phrase du second alinéa de l'article L. 112-22-7, les mots : « procureur de la République » sont remplacés par les mots : « commissaire du gouvernement » ;

VII. Alinéas 46 et 47

Supprimer ces alinéas

VIII. Alinéa 48

Rédiger ainsi cet alinéa :

19° Les articles L. 221-1, L. 221-2, L. 221-4, L. 231-1, L. 233-1 sont abrogés.

IX. Alinéa 49

Supprimer cet alinéa

X. Alinéa 50

Supprimer cet alinéa

XI. Alinéa 51

Cet alinéa est ainsi rédigé :

20° Au premier alinéa de l'article L. 241-1, les mots : « le tribunal aux armées » sont remplacés par les mots : « les juridictions de Paris spécialisées en matière militaire » ;

XII. Alinéa 52

Supprimer cet alinéa

XIII. Alinéa 53

Rédiger ainsi cet alinéa :

21° Le premier alinéa de l'article L. 261-1 est supprimé ;

XIV. Alinéa 60

Supprimer cet alinéa

XV. Alinéa 61

Supprimer cet alinéa

Objet

Amendement de simplification et de clarification rédactionnelle

Amendement n° 2

Présenté par M. Marcel-Pierre CLEACH

Article additionnel après l'article 23

Après l'article 23, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 697-2 du code de procédure pénale est ainsi rétabli :

« Art. 697-2 . - Les juridictions spécialisées en matière militaire mentionnées à l'article 697, dans le ressort desquelles est situé soit le port d'attache d'un navire de la marine nationale, soit l'aérodrome de rattachement d'un aéronef militaire, sont compétentes pour connaître de toute infraction commise à bord ou à l'encontre de ce navire ou de cet aéronef, en quelque lieu qu'il se trouve. » ;

Objet

Cet amendement a pour but de clarifier la répartition des compétences des juridictions en ce qui concerne les navires de la marine nationale ou les aéronefs militaires. Il reprend le 1° de l'article 3 de la proposition de loi n°303 relative à l'aménagement des compétences juridictionnelles en matière militaire et à la simplification de plusieurs dispositions du code de justice militaire déposée au Sénat le 11 février 2011.

Le code pénal prévoit que la loi française est applicable à bord des navires de la marine nationale ou des aéronefs militaires. L'article 697-3 du code de procédure pénale dispose que sont compétentes les juridictions du lieu de l'affectation ou du débarquement. Mais cette compétence semble concurrente à celle du tribunal aux armées de Paris, qui s'estime compétent lorsque les faits ont eu lieu en dehors des eaux territoriales. Il en résulte des conflits de compétence qui donnent lieu à de nombreuses difficultés procédurales et à des arbitrages du ministère de la justice.

Dans le souci de sécuriser les règles de compétence, cet amendement vise à introduire un article additionnel qui prévoit de rétablir un nouvel article 697-2 dans le code de procédure pénale précisant que la juridiction compétente pour statuer sur les infractions commises à l'encontre ou à bord des navires de la marine nationale ou des aéronefs militaires sera celle de leur lieu d'affectation.

Amendement n° 3

Présenté par M. Marcel-Pierre CLÉACH

Article additionnel après l'article 23

Après l'article 23, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

A la deuxième phrase du premier alinéa de l'article 698-1 du code de procédure pénale, après les mots :

« tout acte de poursuite, »

il est inséré les mots :

« y compris en cas de réquisitoire contre personne non dénommée, de réquisitoire supplétif ou de réquisitions faisant suite à une plainte avec constitution de partie civile, ».

Objet

Cet amendement vise à mieux tenir compte de la spécificité militaire en prévoyant un avis du ministre de la défense lorsque les faits font apparaître qu'un militaire est susceptible d'être mis en cause à la suite d'une plainte contre personne non dénommée (plainte contre X), d'une plainte avec constitution de partie civile ou d'un réquisitoire supplétif.

En vertu de l'article 698-1 du code de procédure pénale, le procureur de la République doit demander préalablement à tout acte de poursuite à l'encontre d'un militaire, hors cas de flagrance, l'avis du ministre de la défense ou de l'autorité militaire habilitée par lui, sous peine de nullité.

Or, il est apparu à plusieurs reprises que lorsque les premiers éléments de l'enquête ne font pas apparaître qu'un militaire précisément désigné est susceptible d'être poursuivi, la procédure judiciaire est ouverte contre personne non dénommée (c'est ce que l'on désigne dans le langage courant par « plainte contre X ») et aucun avis n'est alors demandé. Mais, dans la suite de la procédure, si un militaire est directement mis en cause et susceptible d'être poursuivi, aucun avis ne sera alors sollicité. C'est en particulier le cas dans les procédures ouvertes sur constitution de partie civile.

Certes, la rédaction de l'article 698-1 du code de procédure pénale aurait pu être interprétée comme induisant la demande d'avis du ministre de la défense même dans le cas d'une procédure judiciaire ouverte contre personne non dénommée, dès lors que l'instruction montrait qu'un militaire était en cause.

Cependant, tel n'a pas été le sens de la jurisprudence de la Cour de cassation. Dans un arrêt du 16 juillet 1997, la chambre criminelle de la Cour de cassation a estimé, en effet, que l'article 698-1 ne régit que la mise en mouvement de l'action publique à l'encontre des militaires par le procureur de la République.

De même, l'avis du ministre de la défense n'est pas systématiquement demandé en cas de découverte de faits nouveaux au cours de la procédure ou d'une plainte avec constitution de partie civile contre personne dénommée ou personne non dénommée.

Cet article vise donc à étendre le champ d'application de l'article 698-1 du code de procédure pénale en prévoyant que l'avis du ministre de la défense ou de l'autorité militaire habilitée par lui doit aussi être demandé lorsque, après ouverture de poursuites contre une personne non dénommée, à suite d'une plainte avec constitution de partie civile ou lorsqu'à l'occasion d'un réquisitoire supplétif, un militaire est susceptible d'être poursuivi.

L'avis préalable du ministre de la défense ou de l'autorité militaire à l'engagement de poursuites constitue, en effet, un aspect essentiel de la prise en compte de la spécificité du contentieux mettant en cause les militaires.

Il permet notamment d'apporter un éclairage à des situations opérationnelles parfois très complexes, en particulier en opérations extérieures, comme en Afghanistan.

Rappelons que cet avis du ministre de la défense ou de l'autorité militaire est un simple avis consultatif qui ne lie pas le ministère public qui décide seul de l'engagement des poursuites.

Cet amendement s'inspire du 2° de l'article 3 de la proposition de loi n° 303 relative à l'aménagement des compétences juridictionnelles en matière militaire et à la simplification de plusieurs dispositions du code de justice militaire déposée au Sénat le 11 février 2011.

Amendement n° 4

Présenté par M. Marcel-Pierre CLÉACH

Article additionnel après l'article 24

Après l'article 24, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de justice militaire est ainsi modifié :

1° Les cinq premiers alinéas de l'article L. 321-2 sont remplacés par huit alinéas ainsi rédigés :

« Est déclaré déserteur à l'intérieur, en temps de paix, tout militaire dont la formation de rattachement est située sur le territoire de la République et qui :

« 1° S'évade, s'absente sans autorisation, refuse de rejoindre sa formation de rattachement ou ne s'y présente pas à l'issue d'une mission, d'une permission ou d'un congé ;

« 2° Mis en route pour rejoindre une formation de rattachement située hors du territoire national, ne s'y présente pas ;

« 3° Se trouve absent sans autorisation au moment du départ pour une destination hors du territoire du bâtiment ou de l'aéronef auquel il appartient ou à bord duquel il est embarqué.

« Constitue une formation de rattachement : un corps, un détachement, une base, une formation, un bâtiment ou aéronef militaire, un établissement civil ou militaire de santé, un établissement pénitentiaire.

« Est compétente pour connaître des faits de désertion à l'intérieur la juridiction dans le ressort de laquelle est située la formation de rattachement de départ.

« Dans les cas prévus au 1°, le militaire est déclaré déserteur à l'expiration d'un délai de six jours à compter du lendemain du jour où l'absence sans autorisation est constatée ou du lendemain du terme prévu de la mission, de la permission ou du congé.

« Aucun délai de grâce ne bénéficie au militaire se trouvant dans les circonstances des 2° et 3°. » ;

2° L'article L. 321-3 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Le fait pour tout militaire de déserter à l'intérieur, en temps de paix, est puni de trois ans d'emprisonnement.

« Le fait de déserter à l'intérieur et de franchir les limites du territoire de la République ou de rester hors de ces limites est puni de cinq ans d'emprisonnement. » ;

b) Au dernier alinéa, le mot : « destitution » est remplacé par les mots : « perte du grade ».

3° A la seconde phrase du 1° de l'article L. 321-4, le mot : «  destitution » est remplacé par les mots : « perte du grade » ;

4° Les articles L. 321-5 à L. 321-7 sont ainsi rédigés :

« Art. L. 321-5. - Est déclaré déserteur à l'étranger, en temps de paix, tout militaire qui, affecté dans une formation de rattachement située hors du territoire de la République :

« 1° S'évade, s'absente sans autorisation, refuse de rejoindre sa formation de rattachement ou ne s'y présente pas à l'issue d'une mission, d'une permission ou d'un congé ;

« 2° Mis en route pour rejoindre une autre formation de rattachement située sur tout territoire, y compris le territoire national, ne s'y présente pas ;

« 3° Se trouve absent sans autorisation au moment du départ du bâtiment ou de l'aéronef auquel il appartient ou à bord duquel il est embarqué.

« Constitue une formation de rattachement : un corps, un détachement, une base, une formation, un bâtiment ou aéronef militaire, un établissement civil ou militaire de santé en cas d'hospitalisation, un établissement pénitentiaire en cas de détention.

« Est compétente pour connaître des faits de désertion à l'étranger la juridiction prévue à l'article 697-4 du code de procédure pénale.

« Dans les cas prévus au 1°, le militaire est déclaré déserteur à l'expiration d'un délai de trois jours à compter du lendemain du jour où l'absence sans autorisation est constatée ou du lendemain du terme prévu de la mission, de la permission ou du congé. Ce délai est réduit à un jour en temps de guerre.

« Aucun délai de grâce ne bénéficie au militaire se trouvant dans les circonstances des 2° et 3°.

« Art. L.321-6.- Le fait pour tout militaire de déserter à l'étranger en temps de paix est puni de cinq ans d'emprisonnement. S'il est officier, il encourt une peine de dix ans d'emprisonnement.

« Toutefois, lorsque le militaire déserte à l'étranger et se maintient ou revient sur le territoire de la République, la peine d'emprisonnement encourue est réduite à trois ans.

« Art. L. 321-7.- La peine d'emprisonnement encourue peut être portée à dix ans contre tout militaire qui a déserté à l'étranger :

« 1° En emportant une arme ou du matériel de l'état ;

« 2° En étant de service ;

« 3° Avec complot.

« Est réputée désertion avec complot toute désertion à l'étranger effectuée de concert par plus de deux individus. » ;

5° Les articles L. 321-8 à L. 321-10 sont abrogés.

Objet

Cet amendement vise à introduire un article additionnel ayant pour objet de clarifier et de simplifier la notion de désertion, qu'elle soit commise sur le territoire national ou à l'étranger.

Le code de justice militaire définit la désertion, qui est une infraction d'ordre militaire, de manière différente selon qu'elle intervient à l'intérieur du territoire ou à l'étranger. Par ailleurs, la désertion est définie et punie plus sévèrement lorsqu'elle intervient avec complot et/ou en temps de guerre.

Or, les définitions actuelles de la désertion à l'intérieur et à l'étranger dans le code de justice militaire, qui date de 1965, sont complexes et ambigües.

Cette complexité a été accrue par la jurisprudence qui a interprété les notions de désertion à l'intérieur et à l'étranger selon le lieu de découverte et non, comme les textes auraient pu pourtant y inciter, selon le régime auquel les militaires appartiennent (service en France ou en opération extérieure).

Ainsi, un militaire, dont le corps ou la formation de rattachement est basé sur le territoire national, mais qui s'absente et franchit sans autorisation les frontières et demeure à l'étranger sera considéré comme déserteur à l'étranger. En revanche, un militaire, dont la formation de rattachement est basée sur le territoire, qui bénéficie d'une permission pour l'étranger mais qui y demeure, sera considéré comme un déserteur à l'intérieur.

De même, un militaire engagé en opération extérieure ou dont la formation est basée à l'étranger, qui s'absente sans autorisation, même s'il revient ensuite sur le territoire national, sera considéré comme un déserteur à l'étranger. En revanche, un militaire engagé en opération extérieure ou dont la formation est basée à l'étranger, qui revient avec autorisation (par exemple une permission) sur le territoire national et qui y demeure sera considéré comme un déserteur à l'intérieur.

Or, les peines applicables sont plus sévères pour le déserteur à l'étranger que pour le déserteur à l'intérieur.

En outre, la juridiction compétente est différente selon la qualification de l'infraction de désertion, puisque, si elle intervient à l'intérieur du territoire, la juridiction compétente sera la juridiction de droit commun du ressort de son corps de rattachement ou du port de rattachement de son bâtiment, alors que si elle intervient à l'étranger elle sera de la compétence du tribunal aux armées de Paris.

Ainsi, sans modifier les grands principes et les peines qui s'y attachent, il semble nécessaire de clarifier les éléments constitutifs de ces deux infractions dans le code de justice militaire, dans un souci de simplification et de sécurité juridique.

Tel est précisément l'objet de cet article, qui reprend les articles 5, 6 et 7 de la proposition de loi n°303 relative à l'aménagement des compétences juridictionnelles en matière militaire et à la simplification de plusieurs dispositions du code de justice militaire déposée au Sénat le 11 février 2011.

Amendement n° 5

Présenté par M. Marcel-Pierre CLÉACH

Article 26

Alinéa 2

L'alinéa 2 est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :

« II. - L'article 23 entre en vigueur au 1 er janvier 2012. À cette date, les procédures en cours devant le tribunal aux armées sont transférées en l'état aux juridictions de droit commun spécialisées en matière militaire ayant leur siège à Paris sans qu'il y ait lieu de renouveler les actes, formalités et jugements régulièrement intervenus antérieurement à la date de sa suppression, à l'exception des convocations et citations données aux parties et aux témoins qui n'auraient pas été suivies d'une comparution devant la juridiction supprimée.

Les citations et convocations peuvent être délivrées avant l'entrée en vigueur de l'article 23 pour une comparution, devant les juridictions de droit commun spécialisées en matière militaire ayant leur siège à Paris, à une date postérieure à cette entrée en vigueur.

Les parties ayant comparu devant la juridiction supprimée sont informées par l'une ou l'autre des juridictions qu'il leur appartient d'accomplir les actes de la procédure devant les juridictions de droit commun spécialisées en matière militaire ayant leur siège à Paris auxquelles les procédures sont transférées.

Les archives et les minutes du greffe du tribunal aux armées supprimé sont transférées au greffe des juridictions de droit commun spécialisées en matière militaire ayant leur siège à Paris. Les frais de transfert de ces archives et minutes sont pris sur le crédit ouvert à cet effet au budget du ministère de la justice. »

Objet

Cet amendement tend à assurer la cohérence des dispositions relatives au sort des procédures en cours devant le Tribunal aux armées de Paris avec les modifications récentes apportées au code de l'organisation judiciaire à l'occasion de la mise en oeuvre de la réforme de la carte judiciaire.

Amendement n° 6 présenté par le Gouvernement

Article 23

Après le dixième alinéa, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« 4° bis - L'article 706-16 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Elles sont également applicables à la poursuite, à l'instruction et au jugement des actes de terrorisme commis hors du territoire de la République par les membres des forces armées françaises ou à l'encontre de celles-ci dans les cas prévus par les articles L. 121-1 à L. 121-8 du code de justice militaire. »

Objet

Cet amendement prévoit la compétence des juridictions spécialisées en matière de terrorisme pour connaître des actes de terrorisme commises hors du territoire de la République par ou à l'encontre des forces armées françaises.

Actuellement, ces infractions relèvent de la compétence du tribunal aux armées de Paris. Elles devraient relever avec le présent projet de loi des juridictions de droit commun de Paris spécialisées en matière militaire. Toutefois, il parait préférable que les juridictions spécialisées en matière de terrorisme soient compétentes pour de tels faits.

ANNEXE I -
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES


• Cabinet du ministre de la défense

- M. Jean-Paul BODIN, directeur-adjoint du cabinet du ministre de la défense ;


• Direction des Affaires juridiques du ministère de la défense

- Mme Monique LIEBERT-CHAMPAGNE, directrice des affaires juridiques au ministère de la défense ;

- M. Patrick MAIRE, magistrat général, chef de la division des affaires pénales militaires, Mme Sylvie DELACOURT, magistrat colonel, et M. Didier BAVART, chargé d'études ;


• Ministère de la justice

- M. François CAPIN-DULHOSTE, sous-directeur de la justice pénale générale, et M. Samuel GILLIS, adjoint au chef de bureau de la législation pénale générale à la direction des affaires criminelles et des grâces


• Tribunal de Grande instance et Cour d'Appel de Paris

- M. Jean-Claude MARIN, procureur de la République de Paris

- M. François FALETTI, procureur général près la Cour d'Appel de Paris  et M. Philippe LAGAUCHE, avocat général, adjoint du procureur général.


• Tribunal aux armées de Paris

- Mme Alexandra ONFRAY, magistrat colonel, procureur de la République auprès du Tribunal aux armées de Paris

- M. Alain OSMONT, conseiller à la Cour d'Appel de Paris, président du Tribunal aux armées de Paris

- M. Frédéric DIGNE, juge d'instruction du Tribunal aux armées

- Les greffiers militaires auprès du Tribunal aux armées de Paris


• État-major des armées

- Général Pierre de VILLIERS, major général des armées


• Gendarmerie nationale

- Général Jean-Régis VECHAMBRE, commandant de la gendarmerie outre-mer


• Avocats et autres personnalités

- Maître Alexis GUBLIN, avocat au Barreau de Paris.

- M. Robert BADINTER, sénateur, ancien ministre de la justice.

ANNEXE II -
STATISTIQUES JUDICIAIRES RELATIVES AUX AFFAIRES PÉNALES MILITAIRES

Répartition des avis par autorités militaires habilitées et orientations

2009

Autorité habilitée

Suites demandées

Classement

Incompétence

Information

Poursuites

Total

ANTILLES

16

68

84

CECLANT

10

1

37

48

CECMED

8

45

53

DJIBOUTI

17

3

20

DRHAA

15

1

72

88

FAZSOI

10

10

GUYANE

20

59

79

MINDEF

49

3

1

45

98

POLYNESIE

37

37

RT-IDF

33

52

85

RT-NE

231

10

539

780

RT-NO

44

4

115

163

RT-SE

83

586

669

RT-SO

35

209

244

Total

608

19

1

1 830

2 458

2010

Autorité habilitée

Suites demandées

Classement

Incompétence

Information

Poursuites

Total

ANTILLES

27

23

50

CECLANT

8

4

15

27

CECMED

4

58

62

DJIBOUTI

8

1

15

24

DRHAA

12

107

119

MINDEF

35

1

3

54

93

POLYNESIE

45

2

47

RT-IDF

8

53

61

RT-NE

222

30

725

977

RT-NO

36

155

191

RT-SE

96

665

761

RT-SO

75

554

629

Total

576

36

3

2426

3 041

Répartition des avis et dénonciations par juridiction (2009)

2009

Juridictions

Suites demandées

Classement

Incompétence

Information

Poursuites

Total

Agen

1

9

10

Amiens

24

2

38

64

Basse-Terre

6

22

28

Bastia

1

40

41

Besançon

20

60

80

Bordeaux

7

49

56

Bourges

8

11

19

Caen

3

1

7

11

Chambéry

21

142

163

Clermont-Ferrand

6

30

36

Dijon

5

1

38

44

Fort-de-France

30

105

135

Grenoble

10

92

102

Le Mans

20

1

44

65

Lille

12

29

41

Limoges

6

33

39

Lyon

7

41

48

Mamoudzou

1

1

Marseille

39

1

210

250

Metz

37

3

113

153

Montpellier

7

1

11

19

Nancy

36

4

70

110

Nîmes

11

90

101

Nouméa

37

37

Orléans

3

25

28

Paris

16

37

53

Pau

3

44

47

Poitiers

7

24

31

Reims

46

91

137

Rennes

24

3

74

101

Rouen

2

7

9

Saint-Denis

9

9

Strasbourg

20

49

69

TAAP

93

3

115

211

Toulouse

13

53

66

Versailles

17

27

44

Total

608

19

1

1 824

2 452

Répartition des avis et dénonciations par juridiction (2010)

2010

Juridictions

Suites demandées

Classement

Incompétence

Information

Poursuites

Total

Agen

10

24

34

Amiens

13

48

61

Basse-Terre

7

9

16

Bastia

7

40

47

Besançon

47

4

118

169

Bordeaux

13

115

128

Bourges

2

22

24

Caen

5

7

12

Chambéry

19

128

147

Clermont-Ferrand

8

62

70

Dijon

9

1

39

49

Fort-de-France

21

16

37

Grenoble

7

89

96

Le Mans

14

62

76

Lille

9

16

25

Limoges

11

84

95

Lyon

9

73

82

Marseille

43

3

246

292

Metz

30

14

128

172

Montpellier

6

12

18

Nancy

33

2

100

135

Nîmes

14

101

115

Nouméa

21

21

Orléans

11

44

55

Papeete

24

2

26

Paris

10

48

58

Pau

14

145

159

Poitiers

7

52

59

Reims

42

2

91

135

Rennes

15

4

55

74

Rouen

5

5

Strasbourg

21

1

89

111

TAAP

49

8

181

238

Toulouse

24

154

178

Versailles

1

27

28

Total

576

36

3

2 432

3 047

DECISIONS JUDICIAIRES36 ( * )

Décisions judiciaires : Parquets (2009)

2009

Juridictions

Suites ordonnées

Classement

Poursuites

Total

Agen

8

8

Amiens

2

51

53

Batia

1

1

Besançon

13

13

Bordeaux

45

22

67

Bourges

2

2

4

Caen

2

2

Chambéry

19

11

30

Clermont-Ferrand

1

1

Dijon

3

3

Grenoble

42

24

66

Le Mans

21

21

Lille

5

5

Limoges

40

40

Lyon

51

3

54

Marseille

45

80

125

Metz

1

4

5

Montpellier

2

2

Nancy

0

Nîmes

28

5

33

Nouméa

0

Orléans

1

1

Papeete

1

1

Paris

14

8

22

Pau

38

38

Poitiers

6

18

24

Reims

1

1

Rennes

23

54

77

Saint Denis

0

Strasbourg

1

1

2

TAAP

65

40

105

Toulouse

77

6

83

Versailles

6

6

12

Total

534

365

899

Décisions judiciaires : Parquets (2010)

2010

Juridictions

Suites ordonnées

Classement

Poursuites

Total

Agen

6

6

Amiens

2

71

73

Besançon

20

20

40

Bordeaux

11

21

32

Bourges

12

17

29

Caen

3

16

19

Chambéry

86

23

109

Clermont-Ferrand

29

29

Grenoble

45

4

49

Le Mans

58

52

110

Lille

9

26

35

Limoges

54

54

Lyon

50

9

59

Marseille

48

172

220

Metz

6

80

86

Montpellier

2

1

3

Nancy

21

9

30

Nîmes

1

51

52

Nouméa

28

28

Orléans

24

34

58

Papeete

1

1

Paris

11

8

19

Pau

34

34

Poitiers

2

22

24

Reims

4

5

9

Rennes

4

67

71

Saint Denis

1

1

Strasbourg

51

51

TAAP

30

102

132

Toulouse

19

13

32

Versailles

9

3

12

Total

680

827

1 507

Décisions judiciaires : Jugements (2009)

2009

Juridictions

Jugements

Condamnations

Dispenses peine

Nullités procédure

Poursuites

Relaxes

Total

Agen

0

Amiens

49

1

1

51

Bastia

1

Besançon

0

Bordeaux

21

1

22

Bourges

1

1

2

Caen

0

Chambéry

9

2

11

Clermont-Ferrand

0

Fort de France

0

Grenoble

21

3

24

Le Mans

21

21

Lille

4

1

5

Limoges

0

Lyon

3

3

Marseille

76

1

3

80

Metz

4

4

Montpellier

1

1

2

Nancy

0

Nîmes

4

1

5

Nouméa

0

Orléans

0

Papeete

0

Paris

7

1

8

Pau

0

Poitiers

17

1

18

Reims

1

1

Rennes

54

54

Saint Denis

0

Strasbourg

1

1

TAAP

37

1

2

40

Toulouse

6

6

Versailles

5

1

6

Total

343

6

1

0

15

365

Décisions judiciaires : Jugements (2010)

2010

Juridictions

Jugements

Condamnations

Dispenses peine

Nullités procédure

Poursuites

Relaxes

Total

Agen

0

Amiens

68

1

2

71

Besançon

20

20

Bordeaux

21

21

Bourges

16

1

17

Caen

16

16

Chambéry

23

23

Clermont-Ferrand

0

Fort de France

0

Grenoble

4

4

Le Mans

52

52

Lille

26

26

Limoges

0

Lyon

9

9

Marseille

164

2

6

172

Metz

82

82

Montpellier

1

1

Nancy

9

9

Nîmes

50

1

51

Nouméa

0

Orléans

34

34

Papeete

0

Paris

8

8

Pau

0

Poitiers

20

1

21

Reims

5

5

Rennes

67

67

Saint Denis

1

1

Strasbourg

0

TAAP

96

3

2

3

104

Toulouse

13

13

Versailles

3

3

(vide)

0

Total

806

4

1

2

14

827

Condamnations prononcées par le Tribunal militaire de Paris, selon l'infraction principale

2007

2008

2009

Crime

Faux criminel

1

Total crimes

1

Délit

Atteintes aux finances publiques

1

1

Atteintes aux moeurs

2

4

Autres atteintes à la personne

3

Blessures involontaires

7

11

4

Circulation routière

6

14

8

Coups et violences volontaires

22

21

14

Destructions, dégradations

3

1

2

Escroqueries, abus de confiance

2

1

3

Faux en écriture publique ou privée

7

2

Homicides involontaires

1

1

Infractions militaires

78

48

84

Infractions sur les stupéfiants

26

16

21

Ordre administratif et judiciaire

6

Vols, recels

12

8

6

Total délits

173

124

149

Contravention

Blessures involontaires

1

Coups et violences volontaires

5

1

Total contraventions

5

2

Ensemble

179

126

149


* 1 « L'épée le cède à la toge »

* 2 Hugueney, P., Traité théorique et pratique de droit pénal et de procédure pénale militaires, Paris, recueil Sirey, 1933, p. 22.

* 3 Le présent avis sur le projet de loi n°344 (2009-2010) relatif à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles vaut rapport au fond sur la proposition de loi n°303 (2010-2011) relative à l'aménagement des compétences juridictionnelles en matière militaire et à la simplification de plusieurs dispositions du code de justice militaire.

* 4 Cité par Pierre Hugueney dans son traité théorique et pratique de droit pénal et de procédure pénale militaires

* 5 Paris, Lyon, Bordeaux, Lille, Rennes, Marseille, Metz, Papeete

* 6 Le siège de ce tribunal fut transféré à partir du 1 er septembre 1995 à Baden-Baden

* 7 Journal Officiel Assemblée nationale, 2 ème séance du 14 avril 1982, p. 1129

* 8 La loi du 16 décembre 1992 relative à l'entrée en vigueur du nouveau code pénal était venue tempérer l'interdiction faite à la partie lésée de mettre en mouvement l'action publique en ouvrant cette possibilité mais uniquement « en cas de décès, de mutilation ou d'infirmité permanente ». La loi du 10 novembre 1999 a étendu les possibilités de mise en mouvement de l'action publique par la partie lésée mais en reportant son application, à la demande du gouvernement, à compter du 1 er janvier 2002, date de la fin de la conscription.

* 9 Sénat, Division des études de législation comparée du service des affaires européennes, « La justice militaire », Les documents de travail du Sénat, n°LC 83,5 décembre 2000.

* 10 Voir l'article de MM. Henri D. Bosly et Thierry Moreau, « Les tribunaux militaires en Belgique », dans l'ouvrage collectif « Les juridictions militaires et tribunaux d'exception en mutation, perspectives comparées et internationales » sous la direction de Mme Elisabeth Lambert Abdelgawad, Agence universitaire de la Francophonie, décembre 2007, pp. 33-48.

* 11 Cour européenne des droits de l'homme, 26 mai 1988, Pauwels c/Belgique.

* 12 Voir l'étude de législation comparée du Sénat précitée et les pages consacrées à la justice militaire sur le site Internet du département fédéral de la Défense, de la protection de la population et des sports de la Confédération helvétique à l'adresse suivante : http://www.vbs.admin.ch/internet/vbs/fr/home/departement/organisation/oa011/oa006.html

* 13 Voir l'étude de législation comparée du Sénat précitée

* 14 Voir l'étude de législation comparée du Sénat précitée ainsi que la contribution de M. Luis Jimena Quesada, « Les tribunaux militaires et juridictions d'exception en Espagne », dans l'ouvrage collectif « Les juridictions militaires et tribunaux d'exception en mutation, perspectives comparées et internationales » sous la direction de Mme Elisabeth Lambert Abdelgawad, Agence universitaire de la Francophonie, décembre 2007, pp. 233-263.

* 15 Cour européenne des droits de l'homme, Castillo Algar c/Espagne, 28 octobre 1998, Recueil 1998-VIII

* 16 La composition des tribunaux militaires territoriaux varie en fonction du rôle qu'ils jouent. Ils siègent en formation restreinte lorsqu'ils tranchent des questions de procédure.

* 17 Voir l'encadré plus loin

* 18 Comme le mentionnait en 1982 notre collègue Robert Badinter, alors Garde des Sceaux, cette particularité s'explique par la crainte de plaintes abusives et d'une déstabilisation de l'armée

* 19 Cette spécificité est justifiée par l'état major des armées par le fait qu'elles seraient incompatibles avec la disponibilité exigée de l'état militaire et par le fait que l'autorité militaire sur le personnel militaire est suffisante pour garantir sa représentation en justice. L'assignation à résidence avec surveillance électronique (« bracelet électronique ») est toutefois possible

* 20 Voir l'intervention du général Louis Champiot « Une spécificité militaire : l'avis du ministre au procureur » prononcée lors du colloque « Droit pénal et défense » organisé à l'école militaire les 27 et 28 mars 2001, dont les actes ont été publiés par le ministère de la défense

* 21 Voir les statistiques qui figurent à l'annexe II du présent rapport

* 22 Proposition de loi n°303 (2010-2011) relative à l'aménagement des compétences juridictionnelles en matière militaire et à la simplification de plusieurs dispositions du code de justice militaire, déposée le 11 février 2011 au Sénat et renvoyée au fond à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

* 23 Accords de défense avec la République de Centrafrique, la Côte d'Ivoire, Djibouti, le Gabon, le Burkina-Faso, Madagascar, le Sénégal et le Togo

* 24 Voir, par exemple, l'article 15 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République centrafricaine instituant un partenariat de défense, signé à Bangui le 8 avril 2010, dont le projet de loi autorisant l'approbation a été adopté par le Sénat le 1 er mars dernier.

* 25 Convention de Londres du 19 juin 1951

* 26 Articles 3 et 4 de la loi n°66-1037 du 29 décembre 1966

* 27 Voir les statistiques judiciaires qui figurent à l'annexe 2 au présent rapport

* 28 Cour de cassation, Crim. 16 juillet 1997, Bull. crim. n°275

* 29 Cour de cassation, 24 novembre 1910, B 578 p.1081.

* 30 Décret n°2008-930 du 12 septembre 2008 portant statuts particuliers des corps d'officiers greffiers et de commis greffiers du service de la justice militaire, publié au journal officiel du 16 septembre 2008.

* 31 Cour de cassation, Crim. 16 juillet 1997, Bull. crim. n°275

* 32 Rapport n°1732 (Assemblée nationale, XIe législature) du 22 juin 1999 présenté par M. Jean Michel au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées, sur le projet de loi, modifié par le Sénat, portant réforme du code de justice militaire et du code de procédure pénale

* 33 Cour de cassation, 24 novembre 1910, B 578 p.1081.

* 34 La sévérité des tribunaux de Nîmes, Bastia et Marseille n'est peut être pas sans rapport avec la présence d'unités de la légion étrangère dans leur zone de compétence

* 35 Il s'agit des juridictions de Pau, Montpellier, Bourges, Agen, Caen, Dijon, Rouen et Besançon

* 36 Nota : les données statistiques en matière pénale militaire sont communiquées à la division des affaires pénales militaires par les autorités militaires habilitées à dénoncer les infractions. Le mode de recueil des données statistiques ayant été refondu en 2009, les autorités militaires habilitées ont rencontré des difficultés pour obtenir des statistiques précises des juridictions. En conséquence, les données statistiques recueillies en 2009 n'offrent qu'un reflet approximatif de la réalité de l'activité des juridictions spécialisées en matière pénale militaire pour l'année 2009.

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