B. LE DÉPLOIEMENT DE SES MISSIONS A RÉCEMMENT CONNU PLUSIEURS « TEMPS FORTS »

1. La loi de modernisation de l'économie a redéfini le périmètre d'action de la DGCCRF

L'entrée en vigueur de la loi de modernisation de l'économie (LME) du 4 août 2008 a apporté des changements significatifs dans le secteur des relations commerciales et a directement impacté les missions de la DGCCRF, principalement dans deux domaines :

- une nouvelle répartition des compétences entre la DGCCRF et la nouvelle Autorité de la concurrence (ADLC) en matière de contrôle des concentrations et de respect du droit de la concurrence ;

- une plus grande marge de négociation laissée entre fournisseurs et distributeurs dans le cadre des relations commerciales .

Votre rapporteur pour avis relève que la première année de mise en place de ces nouvelles règles montre que les opérateurs économiques ont tenté de s'approprier ce nouveau cadre juridique. Sur ce point, le rapport d'information 17 ( * ) de notre collègue Mme Elisabeth Lamure avait ainsi salué le rôle essentiel de la DGCCRF : « La DGCCRF a mis en ligne sur son site des éléments de réponse, et la Commission d'examen des pratiques commerciales (CEPC) a émis de nombreux avis interprétant la LME, synthétisés dans une fiche pratique publiée en octobre 2009. »

a) La DGCCRF a redéfini certaines de ses compétences, en collaboration avec la nouvelle Autorité de la concurrence

Le chapitre III de la loi de modernisation de l'économie (articles 95, 96 et 97) instaure une nouvelle autorité administrative indépendante, l'Autorité de la concurrence - qui vient remplacer le Conseil de la Concurrence - aux pouvoirs renforcés . Le contentieux de la concurrence est ainsi partagé entre cette nouvelle autorité et la DGCCRF.

La LME a notamment transféré à cette nouvelle autorité le contrôle des concentrations, qui jusque là relevait de la DGCCRF (article L. 430-3 du code de commerce).

Cependant, le ministre chargé de l'économie conserve une marge de manoeuvre importante dans ce domaine. Il peut en effet :

- demander à l'Autorité de basculer en phase II de la procédure de contrôle, c'est-à-dire en phase d'examen approfondi de l'opération ;

- « évoquer » l'affaire et statuer en fonction de « motifs d'intérêt général ».

C'est à ce titre que la DGCCRF assure le suivi des décisions de l'Autorité de la concurrence en matière de contrôle des concentrations . Dans ce cadre, elle lui a transmis plus de 80 propositions d'enquêtes et près de 30 rapports.

La DGCCRF conserve par ailleurs une compétence de surveillance des marchés au niveau local : les brigades interrégionales d'enquête de concurrence (BIEC) assurent le maillage territorial du contrôle local. Ces services territoriaux agissent en synergie avec l'Autorité de la concurrence.

La DGCCRF peut adresser à l'ADLC des projets et des rapports d'enquêtes. Cette dernière peut également se saisir des résultats des investigations réalisées par la DGCCRF.

b) Le contrôle des relations commerciales

En application de la LME, la DGCCRF :

- contrôle désormais le respect du plafonnement des délais de paiement ;

- lutte de manière renforcée contre les pratiques restrictives de concurrence entre entreprises.

En cas de « déséquilibre significatif » dans les droits et obligations des parties, les contrôles opérés peuvent conduire à des assignations devant les tribunaux civils.

COMMENT APPRÉHENDER LA NOTION DE DÉSÉQUILIBRE SIGNIFICATIF ?

La notion nouvelle de déséquilibre significatif entre droits et obligations des parties a vocation à appréhender toute situation, qu'elle comporte ou non des pratiques décrites par un autre alinéa de l'article L. 442-6 du code de commerce. Elle pourra être appréciée au regard des effets de l'application de la convention sur les parties.

La caractérisation de la pratique consistant à soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif ne requiert pas d'établir au préalable que son auteur détient une puissance d'achat ou de vente, et est donc facilitée par rapport aux dispositions antérieures.

Source : Site de la DGCCRF.

A ce sujet, votre rapporteur pour avis souligne que la notion de « déséquilibre significatif » fait actuellement l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité. La Cour de cassation a en effet renvoyé au Conseil constitutionnel, le 15 octobre 2010, une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce , dans sa version résultant de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (LME).

ARTICLE L. 442-6

Modifié par LOI n° 2010-874 du 27 juillet 2010 - art. 14 (V)

I.-Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :

(...)

2° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ;

Le III du même article précise que « l'action est introduite devant la juridiction civile ou commerciale compétente par toute personne justifiant d'un intérêt, par le ministère public, par le ministre chargé de l'économie ou par le président de l'Autorité de la concurrence lorsque ce dernier constate, à l'occasion des affaires qui relèvent de sa compétence, une pratique mentionnée au présent article » et que « lors de cette action, le ministre chargé de l'économie et le ministère public peuvent demander à la juridiction saisie d'ordonner la cessation des pratiques mentionnées au présent article. Ils peuvent aussi, pour toutes ces pratiques, faire constater la nullité des clauses ou contrats illicites et demander la répétition de l'indu » ainsi que « le prononcé d'une amende civile dont le montant ne peut être supérieur à 2 millions d'euros », cette amende pouvant toutefois « être portée au triple du montant des sommes indûment versées » .

La notion de « déséquilibre significatif » contenue dans la disposition fait débat : elle semble appeler une interprétation subjective dont la difficulté justifie que soit posée la question de sa conformité au principe de légalité des délits et des peines, formulé à l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Votre rapporteur pour avis souligne qu'il faudra, sur ce sujet, être particulièrement attentif au jugement rendu par le Conseil constitutionnel, qui doit se prononcer dans un délai de trois mois.


* 17 Rapport d'information n° 174 (2009-2010) fait au nom du groupe de travail sur l'application de la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008, constitué par la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, Elisabeth Lamure.

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