II. UN BUDGET DE TRANSITION POUR UN SECTEUR EN SURSIS

Dans le projet de loi de finances pour 2010, les crédits alloués au programme 180 « Presse » de la mission « Médias » s'établissent au niveau historique de 419,3 millions d'euros, contre 277,7 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2009, soit une augmentation de 51 %.

Le programme 180 se décompose en deux actions :

- une action relative aux « Aides à la presse », dotée de 305,9 millions d'euros ;

- une action consacrée aux « Abonnements de l'État à l'AFP », dotée de 113,4 millions d'euros.

ÉVOLUTION DES AIDES BUDGÉTAIRES À LA PRESSE

LFI 2008

PLF 2009

PLF 2010

Programme 180 « Presse » de la mission « Médias »

Abonnements de l'État à l'AFP

109,41

111,38

113,4

Aides à la presse

175,15

173,17

305,92

Aides à la diffusion

99

99

200,75

Aide au transport postal de la presse IPG

83

83

83

Compensation au titre du report des accords État-Presse-La Poste

-

-

28

Réductions du tarif SNCF

5,8

5,8

5,8

Aide impression décentralisée

0

0

0

Distribution et promotion à l'étranger

1,95

1,95

1,95

Aide au portage

8,25

8,25

70

Exonération de charges sociales patronales pour les vendeurs-colporteurs de presse

-

-

12

Aides au pluralisme

9,97

9,97

11,97

Aide aux quotidiens nationaux IPG* à faibles ressources publicitaires

7,15

7,15

9,15

Aide aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux IPG* à faibles ressources de petites annonces

1,4

1,4

1,4

Aide à la presse hebdomadaire régionale (PHR)

1,42

1,42

1,42

LFI 2008

PLF 2009

PLF 2010

Aides à la modernisation

66,17

64,2

93,2

Aide à la modernisation sociale de la presse quotidienne IPG*

26,67

24,7

22,7

Aide à la modernisation de la distribution de la PQN**

12

12

12

Aide à la modernisation des diffuseurs de presse

2

2

13,3

Aide au développement des services en ligne des entreprises de presse

0,5

0,5

20,2

Aide à la modernisation de la presse quotidienne IPG

25

25

25

Total des aides inscrites au programme 180

284,56

284,56

419,32

Programme 134 « Développement des entreprises et de l'emploi » de la mission « Économie »

Aide au transport postal de la presse dans les zones peu denses

159

159

159

Total des aides budgétaires à la presse (abonnements de l'État à l'AFP inclus)

443,56

443,56

578,32

Source : ministère de la culture et de la communication.

A. LES AIDES À LA DIFFUSION

1. La question du prolongement en 2010 du moratoire sur l'augmentation des tarifs du transport postal de la presse

S'agissant des aides à la diffusion de la presse, la question centrale est assurément celle du prolongement en 2010 du moratoire sur l'application des accords État-Presse-La Poste qui prévoyaient une revalorisation progressive des tarifs du transport postal de la presse pour la période 2009-2015. En 2010, l'aide totale au transport postal de la presse s'élèvera à 242 millions d'euros, auxquels s'ajoute la compensation au titre du report d'un an en 2009 de la mise en oeuvre de ces accords, pour un montant de 28 millions d'euros.

Votre rapporteur pour avis relève que certains éditeurs de presse ont exprimé le souhait que le moratoire prononcé en 2009 sur l'augmentation des tarifs postaux soit reconduit en 2010 pour six mois ou un an. Interrogé sur cette possibilité, le ministre de la culture et de la communication a indiqué, lors de son audition devant la commission, que cette demande était encore à l'étude, sans plus de précisions.

L'analyse de votre rapporteur est la suivante : le prolongement de ce moratoire est, pour l'heure, essentiellement réclamé par les familles de presse dont les ventes s'appuient en grande partie sur l'abonnement postal, comme c'est le cas de la presse magazine et de la presse spécialisée . Les éditeurs de la presse quotidienne nationale paraissent, en revanche, plus hésitants : ils semblent redouter en effet que cela pose, à terme, la question d'une renégociation des accords « Schwartz » entre l'État, la presse et La Poste de juillet 2008, résultat d'une négociation de haute lutte entre les différentes familles de presse.

Le moratoire de 2009 se justifiait par la nécessité d'une intervention rapide dans un contexte économique exceptionnellement dégradé.

Concrètement, la fin normale du moratoire aboutit à appliquer en 2010 les tarifs initialement prévus pour 2009. Le Gouvernement a indiqué étudier, pour l'heure, l'opportunité d'une reconduction du moratoire et du maintien, en 2010, des tarifs qui devaient s'appliquer en 2008, en gardant à l'esprit la nécessité de préserver l'équilibre d'ensemble du protocole d'accord établi en 23 juillet 2008, à la suite du rapport de M. Marc Schwartz, conseiller référendaire à la Cour des comptes.

En effet, le ministre de la culture et de la communication a souligné que, au-delà des questions tarifaires et budgétaires, l'enjeu principal qui s'attache à un prolongement éventuel du moratoire est la crédibilité des signataires des accords de juillet 2008, et en particulier de l'État, mais aussi des éditeurs, ainsi que la cohérence d'ensemble des actions menées depuis la fin des États généraux de la presse écrite.

À cet égard, le Gouvernement a insisté sur le fait que les engagements pris par La Poste concernant l'amélioration de ses offres de service étaient d'ores et déjà largement mis en oeuvre. La contrepartie de cette meilleure offre de service était une augmentation tarifaire mesurée pour les éditeurs, et un soutien de l'État garanti sur toute la durée des accords.

Pour l'avenir, si le moratoire initial venait à être complété par un second volet en 2010 dans les conditions souhaitées par une partie seulement de la profession (essentiellement la presse magazine), le contexte dans lequel il serait mis en oeuvre serait radicalement différent de celui dans lequel il a été adopté. Se poserait alors la question de la viabilité des accords initialement conclus.

En tout état de cause, le ministre de la culture et de la communication a estimé plus opportun d'attendre les conclusions de la mission interministérielle confiée à M. Aldo Cardoso sur la bonne gouvernance des aides publiques à la presse avant de s'engager dans la voie d'une reconduction du moratoire.

LES ÉLÉMENTS À PRENDRE EN COMPTE DANS LA RÉFLEXION SUR UNE POSSIBLE RECONDUCTION DU MORATOIRE

Le Gouvernement a émis les réserves suivantes concernant une éventuelle reconduction du moratoire :

1) D'une part, il semble que les éditeurs ne soient pas unanimement favorables à la reconduction du moratoire en 2010. La presse quotidienne ne s'est pas jointe aux démarches de la presse magazine.

2) Une approche globale s'impose pour une bonne gestion des priorités. Il faut donc se montrer attentif à la cohérence du plan d'ensemble en faveur de la distribution de la presse. Un nouveau moratoire entraînerait des effets collatéraux défavorables à d'autres mesures incitatives, fortement structurantes, prises à l'issue des États généraux de la presse écrite.

3) Un nouveau gel des tarifs postaux relativise en effet la portée de l'aide au portage matérialisée au travers des mesures généreuses engagées dès le collectif budgétaire d'avril 2009 et renouvelées en 2010. Dans ces conditions, le choix est le suivant : aider le portage, avec les effets structurants qui en découlent (fidélisation des acheteurs, amélioration de la qualité de service, etc.), ou aider l'abonnement postal ?

4) Il importe de bien évaluer le coût additionnel global d'un prolongement d'une année du moratoire sur le budget du ministère de la culture et de la communication, dès lors que l'État s'est engagé à compenser intégralement ses effets sur les comptes de La Poste :

- la compensation du manque à gagner pour La Poste du moratoire en 2009 s'est traduite par l'inscription de 25,4 millions d'euros en loi de finances rectificative pour 2009 et de 28 millions d'euros dans le projet de budget pour 2010. Sur la durée de l'accord, de 2009 à 2015, la compensation du moratoire pour la seule année 2009 représente un surcoût prévisionnel pour le budget du ministère de la culture et de la communication évalué à 232,8 millions d'euros ;

- la compensation d'un nouveau moratoire pour l'année 2010 entraînerait un nouveau surcoût évalué entre 98 et 137 millions d'euros pour la période 2010-2015.

5) Un nouveau moratoire mettrait de fait en cause les accords de juillet 2008. Dans ces conditions, l'État devrait s'apprêter à ouvrir de nouveau des négociations ardues pour rebâtir de nouveaux accords. Le risque serait de ne plus disposer de la visibilité sur les six prochaines années induite par les précédents accords.

6) Le prolongement du moratoire consisterait à revenir sur les effets induits sur les objectifs de rationalisation et d'amélioration de la productivité fixés à La Poste elle-même dans le cadre de cet accord : fin du déficit structurel de la distribution de la presse, ouverture à la concurrence, etc. Le Gouvernement avance l'argument selon lequel la revalorisation progressive et maîtrisée des tarifs préférentiels accordés à la presse dans ces accords est nécessaire pour permettre à La Poste de consolider sa situation financière dans un contexte marqué par l'évolution de son environnement réglementaire, économique et concurrentiel.

Source : ministère de la culture et de la communication.

Votre rapporteur pour avis estime toutefois indispensable de prolonger le moratoire pour une période de six mois en 2010, étant donné les difficultés rencontrées par la presse en matière de diffusion. La crise du secteur perdure et les conditions qui ont prévalu à l'instauration de ce moratoire sont toujours d'actualité. Cette solution de compromis semble acceptable pour permettre au secteur de poursuivre les réformes nécessaires dans des conditions favorables en 2010, tout en préservant l'équilibre des accords « Schwartz ».

Il rappelle, en outre, que le service public du transport et de la distribution de la presse , dont le principe est posé à l'article 2 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation publique du service public de La Poste et des télécommunications , est régi par l'article R. 1-1-17 du code des postes et des télécommunications électroniques, qui précise que les conditions du service universel postal s'appliquent également aux envois de publications périodiques bénéficiant de l'agrément de la commission paritaire des publications et agences de presse. Cette mission de service public a vocation à demeurer inscrite dans le futur statut de La Poste en cours de discussion au Parlement.

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