TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunie le mercredi 18 novembre 2009 , sous la présidence de Muguette Dini, présidente, la commission examiné le rapport pour avis de Gilbert Barbier sur le projet de loi de finances pour 2010 (action « Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt) » du programme « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement »).

Gilbert Barbier , rapporteur pour avis, a rappelé que, depuis l'année dernière, les crédits de la Mildt constituent une action rattachée à la mission « Direction de l'action du Gouvernement », cette nouvelle présentation budgétaire reflétant le recentrage opéré par cet organisme sur sa fonction de coordination.

En effet, avec un budget qui, en 2010, s'établira à 29,8 millions d'euros de crédits, la Mildt elle-même ne s'occupe directement que d'une infime partie de la lutte contre la drogue et la toxicomanie. Elle est cependant au coeur de cette politique. Rattachée au Premier ministre, elle a été chargée d'élaborer le plan gouvernemental 2008-2011 et elle en assure le pilotage national. Dans ce cadre, elle a élaboré, pour la première fois cette année et à la demande de la commission des affaires sociales, un document de politique transversale selon lequel le montant cumulé dédié à la lutte contre les drogues dans le budget de l'Etat s'élève à près de 932 millions d'euros. Ajoutés aux 267 millions consacrés à la prise en charge sanitaire des personnes, définie par la loi de financement de la sécurité sociale, ces crédits constituent une enveloppe totale de près de 1,2 milliard destinée, l'année prochaine, à lutter contre les drogues et la toxicomanie. Cette somme ne paraît pas disproportionnée au regard de l'impact des drogues sur la santé publique : on estime que 20 % des décès en France chaque année leur sont attribuables.

La part de financement consacrée à l'éducation et à la prise en charge sociale et sanitaire des personnes absorbe plus de la moitié du budget total, et dépasse donc celle se rapportant à la répression, l'essentiel relevant du budget de l'éducation nationale et de celui de l'enseignement supérieur et de la recherche, ce qui paraît légitime pour lutter contre la consommation précoce de substances addictives qui s'effectue parfois dès l'âge de dix ou onze ans. La politique française de lutte contre les drogues est donc clairement du côté de la prévention.

De nombreux cloisonnements demeurent néanmoins, qui nuisent à l'efficacité de la politique menée. Ainsi, l'action de l'éducation nationale est encore trop peu coordonnée avec celle des autres acteurs du système.

Plus généralement, la Mildt s'est nettement orientée, depuis la prise de fonction de son actuel président, vers une politique de responsabilisation des individus et de restauration de l'autorité. La campagne de communication menée en 2009 sur le statut juridique des substances avait ainsi clairement pour but de rompre avec les pratiques antérieures fondées sur la réduction des risques, ce qui pouvait aboutir à tolérer certains comportements concernant les drogues dites « douces », voire à envisager un « bon usage » du cannabis par exemple.

La Mildt a également souhaité mettre face à leurs responsabilités les employeurs et les parents auxquels elle estime qu'il appartient de faire respecter les interdits sociaux. En 2009, elle a organisé deux forums régionaux sur les addictions au travail qui déboucheront, l'an prochain, sur l'organisation d'états généraux ; elle a aussi commencé à préparer les états généraux de la parentalité prévus pour début 2010. La préfiguration de ceux-ci a été confiée par la Mildt au professeur Philippe Jeammet, que la commission des affaires sociales avait précédemment auditionné et qui avait à l'époque affirmé la nécessité « que la société donne un message clair et mette fin à sa promotion incessante de la destructivité ». Cette volonté de responsabilisation des porteurs d'autorité pour qu'ils exercent leur rôle de prescripteur de comportements s'inscrit dans une tendance européenne analogue en matière de lutte contre les drogues : la Norvège, la Suède et les Pays-Bas ont lancé, à ce titre, des programmes dont l'évaluation semble plutôt positive.

Plus globalement, la question fondamentale est celle de l'évaluation de l'action publique. Or, avec 193 mesures regroupées en 44 objectifs, le plan gouvernemental 2008-2011 risque fort de devenir un simple catalogue dont l'efficacité ne pourra réellement être mesurée à court terme ; d'où la nécessité d'une évaluation de fond, inscrite dans la durée, afin de saisir les tendances sociales en matière de consommation de drogues et, surtout, leurs déterminants. Obliger à respecter la loi est nécessaire, mais il est important aussi de savoir pourquoi elle ne s'impose pas d'elle-même. Ce devrait être le travail de l'observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) qui a mené l'évaluation du plan 1999-2002, mais n'a plus été sollicité depuis lors. La détermination des indicateurs permettant de mesurer l'efficacité de la politique publique devrait lui être confiée et donner lieu à une publication annuelle. On ne dispose à l'heure actuelle que d'un indicateur budgétaire se résumant au nombre de mesures prises, fourni par la Mildt, et d'une description précise de la situation des drogues en France, présentée par l'OFDT, mais sans lien avec l'efficacité potentielle de la législation.

Sous réserve de ces réflexions, Gilbert Barbier , rapporteur pour avis, a proposé de donner un avis favorable au budget attribué pour 2010 à la Mildt.

Muguette Dini , présidente, a déclaré que le sujet de ce rapport suscite légitimement, chaque année, de nombreuses questions sur l'évolution des pratiques addictives.

Alain Vasselle a souhaité connaître l'évolution des crédits alloués par l'assurance maladie à la lutte contre les drogues et la toxicomanie et s'est interrogé sur la pertinence d'un tel financement. Il n'y a certes pas de taxation possible des substances illicites mais on pourrait imaginer de ne faire financer qu'une petite partie de la prise en charge par les régimes de base et de faire supporter la majeure partie des coûts par des assurances complémentaires ou - pourquoi pas ? - par la personne consommatrice elle-même et sa famille.

Après avoir estimé qu'avec 193 mesures, le plan gouvernemental s'apparente à un inventaire à la Prévert, André Lardeux a souhaité connaître les mesures spécifiques relatives à la lutte contre le phénomène d'alcoolisation massive des jeunes.

Guy Fischer a critiqué l'orientation prise par la Mildt depuis 2007 vers le renforcement des sanctions et la responsabilisation des parents. Il faut prendre en compte l'évolution des conduites addictives qui touchent les enfants de plus en plus jeunes, spécialement au sein des populations défavorisées, même si la drogue touche tous les milieux. Or, un « plan catalogue » comme le plan gouvernemental 2008-2011 permet malheureusement de ne pas se poser la question des moyens financiers et humains nécessaires à la prévention. La répression ne peut être une solution.

Annie David a insisté sur la nécessité de contrôler les résultats des mesures du plan. On ne peut se contenter de vouloir mettre les parents face à leurs responsabilités alors que l'on ne s'attaque pas aux réseaux de distribution de drogues qui vont chercher les enfants à la sortie du collège. C'est dans ce domaine qu'on doit dénoncer le manque de volonté répressive. Il faut ensuite donner les moyens aux parents de réagir quand ils savent que leur enfant est confronté à ce problème, encore qu'ils ne soient pas toujours en mesure d'en être informés. Elle a manifesté son plein accord avec les propos du professeur Jeammet sur le caractère destructeur de la société actuelle, surtout sous l'angle du capitalisme libéral qui fait l'apologie du paraître et de la consommation à outrance. Donner aux jeunes une autre image de la réussite que celle véhiculée par la publicité, par exemple, pourrait faire évoluer les choses plus favorablement. Enfin, il ne faut pas négliger non plus l'impact des drogues sur les salariés.

Adrien Giraud a considéré qu'une part importante de la responsabilité en matière de drogue incombe à l'Etat qui, pendant longtemps, a détenu le monopole sur la vente de tabac et qui perçoit des taxes importantes sur ce produit et sur l'alcool. La consommation des drogues légales n'est souvent que la première étape vers l'abus de substances illicites.

Alain Milon a jugé que le recentrage de la Mildt sur son action de coordination est une bonne chose. Il a confirmé l'analyse d'Annie David selon laquelle les réseaux de distribution ne sont pas suffisamment réprimés. En tant qu'élu local, il a constaté que les services de l'Etat semblent ne pas vouloir s'attaquer aux différents réseaux pour garantir la paix sociale.

Alain Gournac s'est indigné du laxisme concernant les pratiques d'alcoolisation massive dans les grandes écoles et les universités, parfois avec la neutralité bienveillante des autorités. En appeler à la responsabilité parentale est en l'espèce insuffisant car ce phénomène concerne plutôt de jeunes adultes. Il a enfin suggéré que la politique de lutte contre les drogues soit financée grâce à l'argent des saisies.

Gilbert Barbier , rapporteur pour avis, a précisé qu'un fonds existe déjà à cet effet.

Anne-Marie Payet a considéré que vouloir restaurer l'autorité parentale relève du voeu pieu puisque des parents rencontrent désormais des problèmes d'autorité vis-à-vis de leurs enfants dès le plus jeune âge.

Françoise Henneron a confirmé ce phénomène inquiétant et a fait part de son expérience sur la difficulté de mobiliser les parents sur le problème des drogues.

Muguette Dini , présidente, a estimé que les parents sont d'autant plus difficiles à mobiliser sur ce point qu'ils ne pensent pas être concernés un jour.

Yves Daudigny a déclaré que la situation décrite fait froid dans le dos. La drogue concerne tous les milieux sociaux et les réseaux de distribution fonctionnent de manière visible. Il est nécessaire de faire de la lutte contre les drogues une grande cause nationale.

Muguette Dini , présidente, a signalé les conséquences désastreuses de la consommation de drogue sur longue période pour les futures mères : on observe, pour ce motif, la naissance de plus en plus fréquente d'enfants handicapés, les statistiques prouvant qu'elles ont été multipliées par 2,5 en dix ans.

A leur tour, Alain Vasselle et André Lardeux ont tous deux insisté sur la nécessité de lutter contre les réseaux de distribution qui touchent les zones tant urbaines que rurales.

En réponse, Gilbert Barbier , rapporteur pour avis, a signalé que les forces de police estiment souvent que s'en prendre à la distribution finale ne résout pas le problème de la dissémination des drogues. L'arsenal répressif demeure trop caricatural avec un simple rappel à la loi pour les mineurs ou des procédures judiciaires longues et compliquées aboutissant à des sanctions peu efficaces. Il paraît préférable de s'engager dans une politique contraventionnelle.

Il est légitime que l'assurance maladie contribue à la prise en charge sanitaire des usagers de drogues étant donné l'enjeu de santé publique que ce problème présente. On ne peut distinguer les actions contre les drogues et le traitement des addictions, c'est pourquoi la Mildt essaie de conduire des actions dans les deux directions.

L'alcoolisation massive est un phénomène d'autant plus inquiétant que les usagers de drogues en consomment en général plusieurs, dont l'alcool. Les mesures prises dans le cadre de la loi HPST sur l'interdiction de la vente d'alcool aux mineurs et des « open-bars » devraient permettre de rendre la position de l'Etat plus claire et de renforcer son engagement dans la lutte contre les addictions.

Les orientations de la Mildt ne sont pas purement répressives mais rompent avec un certain laxisme. Il faut trouver des sanctions intermédiaires et mener des évaluations qualitatives et sociales, et non uniquement financières, des mesures prises pour atteindre les racines du mal.

L'idée de déclarer la lutte contre les drogues « grande cause nationale » paraît d'autant plus pertinente que la situation demeure inquiétante, la baisse de la consommation de cannabis s'accompagnant d'une augmentation de la consommation de cocaïne.

Puis la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de l'action « Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie » pour 2010.

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