B. UN DÉBAT À OUVRIR

1. Des objections qui méritent examen

Outre la difficulté de l'entreprise, qui est indéniable mais que votre commission ne saurait considérer comme dirimante, trois objections opposables à cette proposition de réforme avaient été examinées par le groupe de travail sur les délocalisations.

La première consiste à dénoncer la création d'un impôt indirect supplémentaire , considéré comme inéquitable car supposé frapper plus lourdement les plus bas revenus . Or, d'une part, tous les impôts et charges acquittés par les entreprises sont financés par leur chiffre d'affaires , et donc en définitive par les consommateurs . De ce fait, la substitution d'un canal de financement de l'assurance maladie et de la branche famille par un autre serait globalement neutre pour le consommateur , dont l'arbitrage ne porterait que sur le contenu de son « panier » de consommation, l'un des objectifs de la réforme étant en effet de l' inciter à acquérir davantage de produits français . D'autre part, le taux de cette taxe serait susceptible de ne pas être uniforme et pourrait être modulé selon la structure de consommation moyenne des bas et moyens revenus. Enfin, la diminution du chômage à laquelle contribuerait la réforme, et l'accroissement induit de la capacité de consommation des intéressés, pourraient compenser l'éventuelle pénalisation susceptible d'advenir. Il faut toutefois convenir que les estimations avancées notamment par votre Commission des Affaires sociales laissent à penser que l'importance des masses financières représentées par toutes les cotisations familiales et maladie interdisent un basculement brutal de leur financement sur la TVA.

La deuxième objection est de nature institutionnelle : le financement des branches maladie et famille par une TVA mettrait à mal l'organisation paritaire du système de protection sociale , fruit de bientôt soixante ans d'histoire. Or l'évolution même de ce système depuis qu'il est soumis à de graves déséquilibres financiers rend cette critique inopposable . D'ores et déjà, le financement de la protection sociale n'est plus un élément dépendant des seuls partenaires sociaux . La preuve est désormais faite que le paritarisme peut vivre tout en s'accommodant de modes de financement s'apparentant à l'impôt .

La dernière objection concerne la faisabilité du projet au regard des obligations communautaires et internationales de la France . Sur ce point, l'argument majeur est apporté par le cas danois : le Danemark a déjà adopté ce système et finance donc une partie de sa protection sociale par une TVA qui n'a pas suscité l'opposition des instances communautaires : le mécanisme n'est ainsi pas contraire dans son essence aux prescriptions européennes.

Restent alors les interrogations sur la compatibilité de ce système avec les règles adoptées dans le cadre de l'OMC : la TVA de compétitivité serait-elle une mesure protectionniste susceptible de sanctions ? Cela semble improbable : en assujettissant de la même manière à cette taxe les produits fabriqués localement et les produits importés, la France ne saurait être accusée d'introduire une discrimination contraire à ses engagements internationaux . Au demeurant, l'exemple danois vient là encore à l'appui de la démonstration.

Mais le débat sur les prélèvements obligatoires intervenu le 10 novembre 2004 au Sénat a permis de mettre au jour de nouvelles sources d'interrogations sur le bien-fondé de la réforme envisagée. Notamment, les travaux de notre collègue Alain Vasselle, rapporteur 35 ( * ) du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, rappellent que la TVA de compétitivité ne saurait être qu'une réponse partielle à la nécessité d'alléger les charges. Un transfert complet des cotisations de la branche maladie et de la branche famille vers la TVA est inenvisageable puisqu'il aboutirait à un quasi-doublement de cet impôt 36 ( * ) . Inversement, votre rapporteur pour avis souligne que 0,2 point supplémentaire de TVA permettrait déjà de transférer 1 milliard d'euros, ce qui serait supérieur au montant (800 M€) du plan gouvernemental contre les délocalisations et neutre pour le contribuable.

* 35 Rapport n°57 2004-2005 de M. Alain Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales.

* 36 En effet, d'après le rapport précité de M. Alain Vasselle, le produit estimé pour 2004 des cotisations d'assurance maladie (62,8 Md€) et d'allocations familiales (28,4 Md€) s'élève au total à 91,2 Md€, soit plus de 83 % du produit actuel de la TVA (109,7 Md€).

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