III. VERS UNE TVA DE COMPÉTIVITÉ, TREMPLIN POTENTIEL POUR LE « MADE IN FRANCE » ?

Dans le rapport 33 ( * ) sur les délocalisations qu'elle a adopté en juin 2004, votre Commission des affaires économiques s'était notamment penchée sur les moyens susceptibles de favoriser un meilleur positionnement des entreprises françaises dans la nouvelle division internationale du travail .

A cet effet, elle a envisagé plusieurs pistes pour éviter la délocalisation des activités productives riches en valeur ajoutée, dont nulle logique économique ne peut justifier le transfert à l'étranger. Notamment, elle a proposé de mettre fin aux mécanismes, en particulier fiscaux, qui favorisent objectivement les mouvements de délocalisation.

Plus précisément, elle a suggéré de substituer une TVA de compétitivité aux charges sociales qui pèsent sur le prix des produits qu'exporte la France.

A. UNE TAXE AU SERVICE DE LA COMPÉTITIVITÉ !

1. Le poids de la fiscalité actuelle sur le coût du travail

Le coût du travail est relativement plus élevé en France que dans nombre des autres pays développés en raison de l' importance des charges sociales assises sur les salaires , lesquels s'inscrivent quant à eux dans la moyenne des salaires de membres de l'OCDE. Or, les différentes mesures d'exonération de cotisations sociales patronales instituées depuis une dizaine d'années pour les bas revenus ont eu, tous les économistes en conviennent, d'excellents résultats sur l'emploi des travailleurs non qualifiés. Pour votre commission, il convient désormais d'aller plus loin et de généraliser la baisse du coût du travail sans pour autant pénaliser les actifs , en transformant radicalement le dispositif actuel de financement des branches famille et maladie .

Dans le droit fil des préconisations avancées dès 1993 par notre collègue Jean Arthuis dans son rapport d'information, et reprises et développées depuis par des intervenants très divers 34 ( * ) , ce financement devrait être désormais assuré par une taxe sur la consommation , qui pourrait être qualifiée de TVA de compétitivité . Le principe en est simple, et les avantages très nombreux.

2. Un principe simple : financer les dépenses sociales en taxant la consommation et non le travail

Si le financement par l'activité professionnelle des dépenses sociales qui lui sont liées (chômage, retraite, accidents du travail, formation professionnelle) ne soulève aucune question de principe, il n'en est pas de même de l'assurance maladie, des prestations familiales ou encore du logement : nulle raison autre qu'historique n'explique que le financement de ces acquis sociaux, qui relèvent dans leur principe de la solidarité nationale, soit assis sur le travail. Or ces charges pénalisent directement l'activité productive nationale en renchérissant le prix des biens produits localement par rapport à celui des biens confectionnés dans des pays où le coût du travail est plus bas, notamment en raison d'un filet de protection sociale plus lâche . Cette altération des capacités concurrentielles de nos productions domestiques les affecte au demeurant tant sur le marché intérieur , où elles sont exposées à des importations évidemment attractives, qu' à l'export .

Ces charges sont loin d'être négligeables . On observe par exemple qu'en ce qui concerne les salariés relevant du régime général de sécurité sociale , elles représentent plus du quart du salaire brut .

La réforme suggérée par votre commission consisterait dès lors dans le basculement de ces prélèvements sur une taxe assise sur la consommation, c'est-à-dire une taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Pour assurer la neutralité comptable du transfert, le niveau de cette taxe devrait être calculé de manière à garantir la collecte d'un produit au moins identique au montant actuel des cotisations concernées.

Si le principe de cette réforme est simple, votre commission convient que sa mise en oeuvre sera évidemment très compliquée à engager , et devra nécessairement être précédée d'une analyse minutieuse des conditions de sa réussite. Cependant, les avantages qu'on peut en attendre sont tels qu'il serait très préjudiciable de la récuser au prétexte de la complexité indéniable que présente le basculement.

* 33 Rapport du Sénat 2003-2004 n°374 « Délocalisations : pour un néo-colbertisme européen », de M. Christian Gaudin, président, et M. Francis Grignon, rapporteur, au nom de la Commission des affaires économiques et du groupe de travail sur la délocalisation des industries de main d'oeuvre. Cf. pages 199 à 207 pour plus de détails.

* 34 Voir notamment la Lettre du Comité Pauvreté et Politique n° 21 de mars 2004 ( « Ralentir les délocalisations et recréer des emplois » ), l'éditorial du président Jean-Luc Cazette dans la Lettre confédérale de la CFE-CGC n° 1107 du 16 avril 2004 ( « Vers une cotisation sociale sur la consommation » ), la chronique de Henri Guaino, ancien commissaire général au Plan, du numéro des Echos du 27 avril 2004 ( « TVA sociale : le débat interdit » ) ou encore le point de vue de Christian Saint-Etienne, professeur d'université et président de l'Institut France Stratégie, paru dans le numéro des Echos du 1 er juin 2004 ( « Réforme de la santé et délocalisations : un lien révolutionnaire » ).

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