Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Delattre.

Mme Nathalie Delattre. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Olivier Rietmann, dont je suis également signataire, a le mérite de prendre à bras-le-corps le problème tant dénoncé par nos chefs d’entreprise de la complexité administrative et réglementaire à laquelle ils doivent quotidiennement faire face.

À la différence des grandes entreprises, les ETI et surtout les PME-TPE n’ont pas nécessairement les ressources internes suffisantes pour faire face à l’intrication de nos règles en matière de commerce, de consommation, d’environnement et autres thématiques. Quand bien même ils les auraient, la réglementation dans ces différents domaines s’est beaucoup trop accrue ces dernières décennies. Le code de la consommation et le code de commerce ont plus que triplé de volume depuis vingt ans, tandis que le nombre d’articles du code de l’environnement a été multiplié par six !

Cet empilement, et cela a été rappelé, a un coût élevé pour notre économie, de l’ordre de 3 % du PIB, ce qui finit par peser sur les performances de la France dans la compétition internationale, tant sur son attractivité que sur ses exportations.

Ce phénomène ne touche d’ailleurs pas que les entreprises : les collectivités locales, en particulier les plus petites d’entre elles, ne sont pas toujours armées pour faire face aux nombreuses réglementations – je pense notamment au code des marchés publics. C’était tout l’objet de la loi 3DS, qui n’a fait qu’effleurer le débat, sans aller assez loin.

Je regrette aussi une certaine léthargie depuis 2017 d’instances de simplification créées avant cette date. Par exemple, les travaux du Conseil de la simplification pour les entreprises auraient certainement davantage porté leurs fruits avec un portage politique plus déterminé sur le long terme. Je veux croire que tel sera l’objectif principal des assises de la simplification annoncées par le ministre Bruno Le Maire pour la fin de l’été prochain.

Un cadre de tests PME existe déjà à l’échelon européen, sur l’initiative de certains pays membres et de la Commission européenne. Elles ont déjà été évoquées, je n’y reviens pas.

Malgré cela, l’Europe reste encore une source de complexité, nous le savons. À titre d’exemple, l’application pleine et entière prévue en 2026 de la fameuse directive sur le développement durable des entreprises, laquelle a été transposée en droit français l’année dernière, risque de créer un nouveau choc de complexité pour les entreprises.

Près de cinq ans après la loi Pacte, qui avait notamment simplifié certains seuils de réglementation pour les entreprises, le temps est nécessairement venu de retrouver de l’élan pour faire face à cet enjeu difficile, mais ô combien important, pour notre économie. La colère agricole de ces dernières semaines est là pour le rappeler, s’il en était besoin.

Aussi, l’initiative de cette proposition de loi est bienvenue, même si le Gouvernement a annoncé l’examen d’un projet de loi de simplification au mois de juin.

Si la proposition de loi a été en partie réécrite lors de l’examen en commission la semaine dernière pour tenir compte d’exigences légistiques, je regrette la suppression de l’article 2, qui introduisait le principe de différenciation normative en fonction de la taille des entreprises, à l’instar de la loi 3DS, au motif que cette mesure serait inutile, voire inconstitutionnelle.

La suppression de l’article 3 paraît davantage compréhensible, même si l’idée de départ, qui allait bien dans le sens d’une simplification institutionnelle, était louable.

Je m’étonne cependant que la création d’une dotation pour couvrir les frais et les travaux du haut conseil à la simplification pour les entreprises, par voie d’amendement en commission, n’ait pas été déclarée irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution, mais je ne peux que m’en féliciter !

Pour le reste, les corrections apportées au fonctionnement du futur haut conseil me paraissent opérationnelles. Sa composition a été remaniée de façon que les PME et TPE y soient mieux représentées. Par ailleurs, la représentation des parlementaires a été équilibrée entre l’Assemblée nationale et le Sénat. La consultation du haut conseil sur l’ensemble des initiatives législatives, y compris les propositions de loi, permettra d’améliorer le travail normatif en amont, ce qui est très important.

Enfin, la consultation du haut conseil sur les études d’impact permettra de disposer systématiquement d’une évaluation des effets des textes sur le monde économique.

En conclusion, et après mes différentes remarques sur cette proposition de loi, que je soutiens, j’ai le plaisir de vous annoncer que les membres du groupe du RDSE sont favorables à l’adoption de cette proposition de loi. Nous voterons donc tous pour ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadège Havet. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Nadège Havet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, non sans une certaine ironie, monsieur le président Rietmann, on lit dans votre rapport de juin dernier : « Nul chef d’entreprise n’est censé ignorer les 11 176 articles du code du travail, les 7 008 articles du code de commerce ou encore les 6 898 articles du code de l’environnement ! » Ce rapport, remarqué et de qualité, réalisé avec les corapporteurs Jean-Pierre Moga et Gilbert-Luc Devinaz, s’intitule La sobriété normative pour renforcer la compétitivité des entreprises.

Oui, il nous faut simplifier, mais simplifier sans déréguler, simplifier sans recomplexifier, appliquer déjà les règles existantes de façon homogène, expliquer les règles que nous adoptons, former ceux à qui elles sont destinées avant de faire le procès de leur non-mise en œuvre ou de leur mauvaise mise en œuvre.

Aujourd’hui, comme cela a déjà été dit, le constat est le suivant : avec plus de 400 000 normes, la France se classe au deuxième rang des pays dans lesquels la bureaucratie est la plus complexe. Vous l’avez rappelé, madame la ministre, la palme d’or revient au code de l’environnement, qui s’est accru de 653 % en vingt ans. Le coût des normes est, quant à lui, estimé à 70 milliards d’euros par an, soit 3 % du PIB. L’excès de normes, leur imprévisibilité et leur complexité pèsent, il est vrai, négativement sur l’activité de nos entreprises.

C’est pour cela que 88 % des Français soutiennent la volonté du Président de la République, annoncée lors de ses vœux en 2024, de simplifier les normes et de réduire les délais et les procédures administratives. Il a notamment dénoncé « trop de normes inutiles qui découragent les entrepreneurs, les industriels, les commerçants, les agriculteurs, les artisans, les maires ».

Comme l’on s’est concentré sur l’aspect économique, un angle n’a pas été, selon moi, suffisamment abordé : l’inflation normative crée surtout de la désespérance et un sentiment d’inutilité. On casse littéralement des vocations. Ces dernières semaines, j’ai été frappée par les témoignages de personnes travaillant dans tous les secteurs, qu’il s’agisse de la restauration, du bâtiment, de la coiffure, de la gestion des paies… Elles disent : « Il faut arrêter de légiférer sans cesse, tout change en permanence, c’est trop dur pour nous. Ma directrice des affaires financières devient folle ! » Il faut relever ces conséquences sociales.

Je répète souvent cette phrase qui m’a été inspirée par mon expérience professionnelle : il est urgent de passer d’un management du contrôle à un management de la confiance. Il faut soigner la relation entre les administrations et les usagers, en prévoyant moins de documents et plus de proximité. La numérisation, c’est aussi et surtout la possibilité de libérer du temps – du temps d’échange, de conseil, d’accompagnement et d’explication.

Dans le rapport sur la commande publique de 2021 dont j’étais la coautrice, j’avais voulu rappeler que de simples rencontres, notamment dans le cadre du sourcing, peuvent changer les rapports entre les acheteurs et les prestataires locaux, non pas par la norme, mais tout simplement par la discussion.

Il y a un mois, Le Parisien titrait : « Ces normes qui rendent fous les Français ». Il soulignait que le Gouvernement relançait justement la bataille de la simplification. Mais simplifier dans un pays jacobin, c’est compliqué ; il faut du temps et de l’écoute.

Le 15 novembre dernier, les Rencontres de la simplification étaient lancées par vous, madame la ministre, et par Bruno Le Maire. Je me félicite de cette initiative. Des consultations auprès des représentants des fédérations professionnelles ont permis de recevoir près de 1 500 propositions. Un espace numérique spécifique a permis de recueillir 5 300 contributions et près de 730 000 votes.

À la suite de ces rencontres, nous avons travaillé sur un texte relatif à la simplification avec nos collègues députés, que je tiens à saluer aujourd’hui : Louis Margueritte, Alexis Izard, Philippe Bolo et Anne-Cécile Violland. Dans ce cadre, nous avons effectué cinquante déplacements et organisé trente réunions publiques avec des acteurs économiques, dont plusieurs dans mon département du Finistère. Tous constatent qu’ils doivent accomplir des formalités inutiles et redondantes, et nous disent : « S’il vous plaît, ne changez plus rien ! »

Simplifier la vie des entreprises doit devenir une réalité, et la proposition de loi dont nous discutons aujourd’hui doit être regardée comme la première étape de ce débat parlementaire.

Trois outils sont mis en avant dans la proposition de loi originelle : la réalisation de tests PME sur les textes ayant des conséquences sur les TPE-PME directement auprès des entreprises et de leurs dirigeants, l’évaluation des normes par une autorité indépendante et le pilotage de la simplification par un haut-commissaire.

Nous soutenons l’idée du test PME, abordé de façon transversale dans notre travail. L’objectif serait d’évaluer systématiquement la faisabilité de la mise en œuvre concrète de nouvelles mesures touchant les entreprises, ainsi que le coût associé.

Le groupe RDPI partage l’idée qu’il est important de mettre en place un mécanisme de test et de concertation nettement plus abouti qu’actuellement. Il faut également limiter le flux et mettre en place des règles et une gouvernance, afin de mettre un terme à la multiplication des normes.

Cela a été dit, en la matière, la France a pris beaucoup de retard par rapport aux pays scandinaves, au Benelux et à bien d’autres pays en Europe.

L’article 1er de la proposition de loi prévoit ainsi la création d’un haut conseil à la simplification pour les entreprises, initialement dénommé « Impact Entreprises ». En commission, ce conseil a été transformé en commission administrative consultative directement rattachée au Premier ministre. Des précisions sur sa composition et son champ d’action ont également été ajoutées.

Mon groupe soutient bien évidemment ces mesures et votera ce nouveau dispositif. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Gilbert-Luc Devinaz. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, dans le cadre du travail réalisé en 2023 par la délégation aux entreprises avec Olivier Rietmann et Jean-Pierre Moga, de nombreuses auditions ont été réalisées pour établir un état des lieux le plus complet de la situation normative des entreprises en France.

Ce travail nous a d’abord permis de constater la prolifération des normes et leur coût pour les entreprises. Si ce constat est largement partagé et connu depuis trente-cinq ans, il est resté sans solution, même si différentes méthodes ont été utilisées. Enfin, la démarche pragmatique empruntée depuis 2017 connaît certes quelques réussites, mais elle laisse largement les PME au bord du chemin.

Les chiffres sont éloquents : en vingt ans, le stock d’articles législatifs a augmenté de 76 %, celui des textes réglementaires de 56 %. La norme est surtout devenue plus bavarde. Le nombre de mots utilisés dans la loi et dans les décrets a augmenté respectivement de 165 % et de 114 % !

Comme l’a rappelé Nadège Havet, nul chef d’entreprise n’est censé ignorer les 11 176 articles du code du travail, les 7 008 du code de commerce ou encore les 6 898 du code de l’environnement ! L’adage « nul n’est censé ignorer la loi » est désormais une fiction juridique.

La délégation a effectué un travail de politique comparée très important, qui nous donne des pistes à explorer. À cet égard, l’exemple des Pays-Bas me semble particulièrement inspirant.

Ce pays a mis en œuvre depuis le début des années 2000 un système de « meilleure réglementation » qui s’appuie sur plusieurs dispositifs.

Une autorité d’évaluation de la charge réglementaire a été créée, dont l’approche est à la fois qualitative, sectorielle et transversale, afin d’évaluer l’impact des normes en amont. Un tableau de bord conçu en concertation avec les acteurs permet aussi de mieux appréhender la pression réglementaire. La clé du succès réside dans le dialogue constant avec les entreprises et dans la montée en puissance de l’autorité, dont le mandat a été étendu à la réglementation européenne.

En France, les travaux de Thierry Mandon montrent que la simplification ne peut être vue seulement comme un outil de productivité des entreprises.

Par ailleurs, la simplification ne peut s’effectuer par le biais de décisions suprêmes de la part d’administrations intelligentes qui sauraient ce qui est bon pour le pays ; elle doit être réalisée à partir de l’expérience de l’usager.

Le texte qu’il nous est proposé d’adopter est un pas, mais un pas insuffisant. Est-il vraiment utile de légiférer ?

Un conseil de la simplification pour les entreprises, placé sous l’autorité du Premier ministre avait déjà été créé par décret en 2014. Le dispositif proposé aujourd’hui s’inspire du Conseil national d’évaluation des normes applicables aux collectivités, qui montre malheureusement ses limites. Sommes-nous dès lors dans la bonne démarche ?

Je m’interroge également sur les moyens donnés à ce haut conseil : à mon sens, ils ne sont pas à la hauteur pour mener une politique opérationnelle de simplification.

Cette proposition de loi aborde le chantier de la simplification sous le seul prisme de l’activité des entreprises. Permettra-t-elle de faire de la simplification normative une véritable politique publique s’inscrivant dans la perspective de la nécessaire adaptation des activités au changement climatique et aux enjeux sociaux qui en découlent ?

La dimension citoyenne de ce chantier n’est pas prise en compte. Le Conseil économique, social et environnemental (Cese) aurait pu par exemple y siéger.

La stratégie politique reste à définir, de même que ses objectifs précis et les moyens correspondants. L’approche transversale est par ailleurs indispensable.

Si je salue le travail de la commission et de sa rapporteure, le dispositif que cette proposition de loi tend à mettre en place ne répond pas à ces questions préalables essentielles. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Rapin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Rapin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier le président Olivier Rietmann pour sa proposition de loi rendant obligatoires les « tests PME » et créant un dispositif « Impact Entreprises ».

À travers lui, je veux saluer le travail effectué par les membres de notre délégation aux entreprises pour soutenir les entreprises françaises et, singulièrement, les PME, qui sont au cœur de la vie économique de nos territoires.

Je veux également remercier notre collègue Elsa Schalck pour le travail qu’elle a mené sur cette proposition de loi au nom de la commission des lois.

Mon intervention sera pour l’essentiel centrée sur la dimension européenne des enjeux, que le rapport de nos collègues Olivier Rietmann, Gilbert-Luc Devinaz et Jean-Pierre Moga, à l’origine de ce texte, souligne à juste titre.

La récente montée de tension dans le monde agricole à travers toute l’Europe l’a rappelé : l’Union européenne est souvent perçue comme un facteur de complexité.

Ce qui est vrai pour le monde agricole vaut aussi pour les petites et moyennes entreprises. Et pourtant, l’Union européenne permet l’accès à un marché unique qui a constitué une extraordinaire simplification des règles pour les entreprises qui souhaitent exporter au sein de cette zone économique.

Et pourtant, l’Union européenne a décidé de prêter, et ce depuis longtemps, une réelle attention aux PME dans le cadre de sa production normative.

Dans le cadre de l’accord interinstitutionnel du 13 avril 2016 intitulé « Mieux légiférer », les institutions européennes s’étaient en effet accordées sur la nécessité de réaliser des études d’impact, d’évaluer les effets des mesures proposées sur la compétitivité des entreprises, ainsi que sur les charges administratives, et de tenir compte en particulier des PME.

La Commission européenne promettait également d’encourager la participation directe des PME aux consultations qu’elle lance régulièrement en amont de ses initiatives législatives.

Quant au « test PME » auquel la proposition de loi de nos collègues se réfère, il avait été impulsé par la Commission européenne dès 2009, concomitamment à une réflexion engagée par l’OCDE sur le thème « Mieux légiférer en Europe ».

Dans son dernier discours sur l’État de l’Union, la présidente de la Commission européenne a même fait de la prise en compte des PME une priorité.

Elle a annoncé la nomination d’un représentant de l’Union européenne pour les PME, qui lui serait directement rattaché, ainsi que de nouveaux textes en leur faveur.

Le train de mesures de soutien aux PME présenté par la Commission européenne le 12 septembre dernier vise ainsi à améliorer l’environnement réglementaire actuel des PME en consolidant le principe « un ajout, un retrait » cher à la délégation aux entreprises, mais aussi en améliorant l’application du « test PME » et en tenant compte de manière cohérente des besoins des PME dans l’ensemble de la future législation de l’Union européenne.

À l’échelon national, je rappelle que François Hollande, alors candidat à la présidence de la République, avait fait du « test PME » un argument de campagne. Ce n’était en fait qu’un vœu pieux et il aura fallu la détermination de la délégation aux entreprises pour que ce dernier voie le jour.

Déjà en 2017, Olivier Cadic et notre ancienne collègue Élisabeth Lamure proposaient, au nom de cette délégation, de rendre obligatoire la réalisation d’un « test PME », ainsi que la publication de ses résultats, pour tout projet de texte normatif applicable aux entreprises.

Nous espérons que cette proposition de loi pourra prospérer, car d’autres États membres de l’Union ou certains de nos voisins comme l’Allemagne, les Pays-Bas, le Royaume-Uni ou la Suisse ont mis en œuvre un tel test avec succès. Le rapport d’Elsa Schalck en détaille les différentes modalités.

Encore faut-il, pour que ces tests soient efficaces, que les structures mises en place soient crédibles et reconnues, et qu’elles disposent de moyens de fonctionnement adaptés.

Au-delà du texte que nous examinons, le Gouvernement devra prendre des engagements sur cet enjeu opérationnel.

Nous espérons une mise en œuvre rapide et efficace, car selon une étude publiée en septembre 2020, la charge administrative ou les obstacles réglementaires figurent – vous l’avez rappelé, madame la ministre – parmi les plus gros problèmes pour 55 % des PME.

Un environnement réglementaire prévisible et adapté constitue donc un enjeu majeur.

Si j’ai tenu à saluer les efforts en faveur des PME mis en avant par la Commission européenne, je sais la difficulté de passer des mots aux actes. Les textes déposés par l’Union européenne devraient être adaptés aux enjeux des PME. Or il y a parfois un gouffre entre les intentions et les effets concrets sur le terrain.

Monsieur le président Rietmann, je sais que nombre d’entreprises vous ont notamment fait part de critiques à l’encontre de la directive CSRD relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises.

M. Bruno Retailleau. C’est clair !

M. Jean-François Rapin. Le rapport de la commission des lois souligne en outre l’indigence de l’étude d’impact présentée cette fois par le gouvernement français lors de l’examen du projet de loi habilitant le Gouvernement à transposer cette directive.

Je veux à cet égard profiter de ce débat pour lancer un appel que, me semble-t-il, vous pourriez peut-être utilement relayer dans quarante-huit heures auprès des entrepreneurs que vous recevrez jeudi au Sénat dans le cadre de la Journée des entreprises.

Saisir le Parlement français une fois qu’un règlement ou une directive a été adopté par les institutions européennes, c’est trop tard. Si les entreprises veulent utilement nous alerter sur des initiatives de la Commission européenne, elles doivent le faire dès la phase de consultation ou, au plus tard, dès la publication de la proposition de texte qui les inquiète.

Si elles attendent la fin du processus législatif pour se manifester auprès du Sénat, il n’est plus temps pour lui de peser sur les équilibres qui se construisent dans les négociations interinstitutionnelles, qui sont souvent tendues et complexes – j’en sais quelque chose, monsieur le président Rietmann.

Le Sénat en a pourtant le pouvoir, comme il en a déjà apporté la preuve dans de nombreuses négociations.

Ce n’est certes pas à la portée de toutes les PME, mais c’est assurément à la portée de leurs fédérations. Il serait précieux qu’elles entendent ce message, très cohérent avec l’objet même de cette proposition de loi.

Je veux également relever qu’en dépit de la volonté affichée par la Commission européenne, certains textes soulèvent de réelles difficultés.

C’était le cas de celui sur le fameux devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité : la commission des affaires européennes avait été à l’initiative d’une résolution européenne critique sur le dispositif proposé.

Même si certaines fédérations, comme France Industrie ou le Medef, marquent aujourd’hui encore leur mécontentement, le dispositif finalement adopté par le Conseil de l’Union européenne après les critiques de la France se rapproche davantage des propositions du Sénat.

Les difficultés se retrouvent également dans le train de mesures présenté en faveur des PME en septembre dernier. Je pense notamment à la proposition de règlement visant à lutter contre les retards de paiement.

Voilà, monsieur le président de la délégation aux entreprises, les éléments que je souhaitais souligner. Je soutiendrai bien sûr votre proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Emmanuel Capus.

M. Emmanuel Capus. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, « Jouer au football, c’est simple ; mais jouer simple est la chose la plus difficile au monde. » Ce n’est pas moi qui le dis, mais feu Johan Cruyff, le légendaire meneur de jeu hollandais et grand tacticien du Barça. (Sourires.)

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. C’est pareil pour la danse classique ! (Mêmes mouvements.)

M. Emmanuel Capus. Pour marquer des buts comme pour écrire la loi, faire simple est souvent très compliqué.

En France, les tentatives de simplification ont été nombreuses. Elles sont manifestement restées inabouties.

Depuis que le Président Pompidou a demandé au jeune conseiller Chirac « d’arrêter d’emmerder les Français », on cherche à simplifier. Mais ce n’est pas parce que ce combat est ancien qu’il est dépassé. Tant s’en faut.

Le Gouvernement estime que le coût des réglementations pesant sur les entreprises représente au moins 3 % du PIB, soit 60 milliards d’euros par an. C’est colossal.

Je tiens donc à remercier très chaleureusement le président Olivier Rietmann de remettre l’ouvrage sur le métier. À la délégation aux entreprises comme dans nos circonscriptions, les entrepreneurs nous le répètent à l’envi : il y a trop de normes, trop de lois, trop de règlements.

Il faut donc simplifier : simplifier pour renforcer notre productivité ; simplifier pour améliorer notre compétitivité ; simplifier, accessoirement, pour ne pas « embêter » les entreprises si je veux rester poli, puisque M. le vice-président me le demande. (Sourires.)

Dans son discours de politique générale, le Premier ministre l’a dit lui aussi avec son propre verbe, certes moins percutant que celui de Pompidou, mais plus élégant : « Il faut débureaucratiser la France. »

Le chantier est immense, mais la volonté est, je le crois, largement partagée ici.

La proposition de loi du président Rietmann nous permet donc d’anticiper les projets législatifs du Gouvernement. C’est aussi le rôle du Sénat.

Ce texte innove en ce qu’il propose une nouvelle méthode, une nouvelle façon d’élaborer les lois et les règlements.

En généralisant le recours aux « tests PME », le président Rietmann nous propose de passer toutes les normes au tamis des entreprises.

L’objectif est simple : associer ces dernières avant de légiférer ou de réglementer, au lieu de tenter de corriger le tir une fois les dégâts constatés.

Je le dis donc très clairement : notre groupe partage tout à fait cet objectif – simplifier notre droit – et cette méthode – mieux associer les entreprises à l’élaboration des normes.

Cependant, comme je le disais en introduction, il s’avère souvent compliqué de simplifier. Car, pour simplifier notre droit, il faut bien légiférer ; pour identifier les obstacles, il faut bien concerter les acteurs concernés ; et pour gagner en efficacité, il ne faut pas multiplier les procédures.

C’est pourquoi j’avais quelques réserves sur le texte initial. En effet, il n’est pas évident, en première analyse, qu’ajouter six nouveaux articles au code des relations entre le public et l’administration soit le chemin le plus direct pour simplifier le droit existant.

De même – je sais que le président Rietmann est attaché à la diminution de la pression fiscale sur nos entreprises –, créer une nouvelle dépense pour le fonctionnement de ce haut conseil ne semble pas être la façon la plus efficace de réduire nos dépenses. (M. Olivier Rietmann hausse les épaules.)

Toute nouvelle dépense implique soit une nouvelle recette – c’est-à-dire un impôt supplémentaire –, soit une aggravation de notre dette. Dans tous les cas, cela augmente la pression qui pèse sur nos entreprises. Nous en rediscuterons.

Mes réserves portent donc non pas sur l’esprit de cette proposition de loi, que je partage entièrement, mais sur sa lettre.

Les amendements que je présenterai tout à l’heure visent ainsi à vérifier que le moyen retenu correspond bien à l’objectif du dispositif. Il s’agit pour ce dernier d’un premier test, à la manière de ce « test PME » que nous appelons de nos vœux.

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Vérien. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Dominique Vérien. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, simplifier la vie de nos entreprises est un objectif – je crois pouvoir le dire sans me tromper – que nous sommes nombreux ici à partager.

C’est le cas à la fois pour des raisons de compétitivité, de développement, de capacité d’innovation, mais aussi de simple bon sens.

L’inflation normative qui pèse sur nos entreprises est une réalité, à tel point que tout bon chef d’entreprise se devrait aujourd’hui de connaître et d’appliquer pas moins de 20 000 articles de loi dans la gestion quotidienne de sa structure.

Certes, les grandes entreprises peuvent faire face : même si l’impact sur leur compétitivité internationale n’est pas à négliger, leur puissance économique leur permet de déployer les outils adéquats.

En revanche, pour les entreprises de taille plus réduite, comme les TPE et PME, la tâche est bien plus difficile.

Ces structures qui forment le tissu économique de notre pays et qui contribuent à faire vivre beaucoup de nos territoires se voient malheureusement contraintes de consacrer une part croissante de leur temps de travail à des tâches administratives qui les détournent de leur objectif principal : créer de la valeur.

Je citerai à mon tour ce chiffre simple : le coût de cette complexité est évalué par le Gouvernement a minima à 3 % du PIB, soit 60 milliards d’euros par an.

Bien entendu, le Gouvernement comme nous, parlementaires, avons conscience de cette situation absurde et contre-productive et les travaux de la délégation sénatoriale aux entreprises et de son président Olivier Rietmann, auteur de ce texte, s’en font l’écho.

Il en est de même du ministre Bruno Le Maire, qui organisera prochainement les Assises de la simplification administrative.