Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de loi visant à garantir un mode de calcul juste et équitable des pensions de retraite de base des travailleurs non salariés des professions agricoles.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 157 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 305
Pour l’adoption 305

Le Sénat a adopté. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et SER.)

La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Je tiens à remercier notre rapporteure Pascale Gruny (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.), qui s’investit sur ce dossier depuis de longs mois. En effet, même si ce texte a été examiné rapidement aujourd’hui, il est le fruit de dix-huit mois de travaux. Je remercie donc la rapporteure de sa mobilisation et de sa constance.

Monsieur le ministre, le résultat de ce vote vous oblige. Le Sénat envoie un message clair. Nous avons entendu votre volonté de parvenir au même but que nous, en empruntant un chemin différent. Pour ma part, j’estime qu’il y a urgence. Je me permets donc de vous donner un conseil pour vous aider : appliquez cette proposition de loi, vous gagnerez du temps ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Husson. Dites-le au Président de la République ! Et à Bruno Le Maire !

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à garantir un mode de calcul juste et équitable des pensions de retraite de base des travailleurs non salariés des professions agricoles
 

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Candidatures à des commissions mixtes paritaires

Mme la présidente. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein des commissions mixtes paritaires chargées d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique et de la proposition de loi visant à interdire les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à seize heures cinquante.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

9

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à pérenniser les jardins d'enfants gérés par une collectivité publique ou bénéficiant de financements publics
Discussion générale (suite)

Jardins d’enfants

Adoption définitive d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Républicains, de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à pérenniser les jardins d’enfants gérés par une collectivité publique ou bénéficiant de financements publics (proposition n° 311, texte de la commission n° 419, rapport n° 418).

Discussion générale

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à pérenniser les jardins d'enfants gérés par une collectivité publique ou bénéficiant de financements publics
Article 1er (Texte non modifié par la commission)

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de léducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, ministre de la justice, chargée de lenfance, de la jeunesse et des familles. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis particulièrement touchée de m’exprimer sur le sujet des jardins d’enfants, ces structures d’accueil de nos plus jeunes enfants.

Je profite de cette tribune pour remercier la députée Michèle Tabarot de s’être saisie de ce sujet à l’Assemblée nationale et Mme la rapporteure Agnès Evren d’avoir poursuivi ses travaux ici au Sénat.

Comme vous le savez, l’existence des jardins d’enfants a été remise en question lors de l’examen de la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, défendue par le ministre de l’éducation nationale de l’époque, Jean-Michel Blanquer. En effet, ce texte a rendu la scolarisation obligatoire à l’âge de 3 ans.

Cette mesure forte, souhaitée par le Gouvernement, visait à renforcer le rôle décisif de l’enseignement préélémentaire dans la réduction des inégalités et à consacrer l’importance pédagogique de l’école maternelle dans le système éducatif français.

Néanmoins, une telle évolution a posé la question du devenir des jardins d’enfants. Le débat parlementaire sur ce sujet avait d’ailleurs été intense, notamment ici au Sénat, signe de l’importance des jardins d’enfants dans les territoires. En effet, en raison de traditions locales, ces jardins ont toujours eu une existence forte dans l’accueil des plus petits dans certaines régions.

C’est pourquoi nous avons à l’époque tâché d’être à l’écoute des familles et des gestionnaires de ces structures, qui pouvaient constituer une chance de socialisation et d’épanouissement pour les enfants et permettaient une transition vers le premier degré.

C’est aussi pourquoi nous avions choisi de donner du temps avant tout aux familles, pour leur permettre d’adapter la prise en charge de leurs enfants à la nouvelle exigence d’instruction posée par la loi, mais également aux établissements, afin qu’ils puissent faire évoluer leur organisation conformément au nouveau cadre juridique.

Un moratoire a donc été intégré à la loi Blanquer pour permettre aux jardins d’enfants qui existaient avant l’entrée en vigueur de la loi de continuer d’accueillir des enfants de 3 ans à 6 ans, pour une période de cinq ans, dans le respect de l’obligation d’instruction et sous le contrôle de l’inspection de l’éducation nationale.

Ce moratoire expire à la fin de l’année scolaire 2023-2024. Vous souhaitez le prolonger en accordant, par cette proposition de loi, une dérogation permanente aux jardins d’enfants existants.

La période de transition a permis à plusieurs établissements de s’adapter. Par exemple, l’académie de Paris comptait encore, à la fin de l’année 2023, vingt-cinq jardins d’enfants accueillant environ 1 200 enfants, dont vingt relevaient de la gestion municipale et cinq d’une gestion associative. De même, il existe treize jardins d’enfants en Alsace, dont la moitié sont municipaux.

La fin du moratoire affecterait désormais un nombre réduit d’établissements et d’enfants. Nous souhaitons à présent que soit organisée une meilleure coordination entre la petite enfance et l’éducation nationale.

La nouvelle architecture gouvernementale plaçant le ministère de l’enfance, de la jeunesse et des familles à la fois auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités et de la ministre de l’éducation nationale tend à traduire cette priorité en actes : il s’agit de nouer des partenariats entre les temps scolaire et périscolaire ; d’œuvrer pour le bien-être des enfants et des familles, à l’école et en dehors, notamment au travers du soutien à la parentalité ; de toujours mieux accueillir les enfants ayant des vulnérabilités particulières ou en situation de handicap ; et, bien évidemment, de mettre en œuvre le service public de la petite enfance, dans lequel les jardins d’enfants auront un rôle à jouer, en particulier pour les enfants âgés de 2 ans à 3 ans.

L’examen de cette proposition de loi n’est pas pour moi l’occasion de détailler les priorités du Gouvernement en faveur de la petite enfance, mais je tiens à rappeler que l’essentiel, pour nous, est d’accompagner les familles. Or nous voyons bien que la question des jardins d’enfants touche des territoires spécifiques, notamment Paris et l’Alsace, où des traditions locales sont installées.

Le Gouvernement s’en remettra donc, sur ce texte précis, à la grande sagesse des sénateurs. Pour ma part, je reste à votre écoute sur tous les sujets relatifs à l’accompagnement de nos plus petits, des familles et des structures d’accueil des enfants, y compris celles qui répondent à des traditions spécifiques.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme Agnès Evren, rapporteure de la commission de la culture, de léducation, de la communication et du sport. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, en tant que sénatrice de Paris, c’est un véritable soulagement que d’examiner aujourd’hui cette proposition de loi de la députée Michèle Tabarot, adoptée le 1er février dernier à l’Assemblée nationale, visant à sauver les jardins d’enfants, en sursis depuis cinq ans.

Nous arrivons au terme d’un long combat mené avec force et de façon transpartisane sur toutes les travées de cet hémicycle. Je remercie les sénateurs de leur mobilisation constante aux côtés des familles : je pense notamment à Bruno Retailleau, à Max Brisson, à Laurent Lafon, à Catherine Morin-Desailly, à Elsa Schalck, à Marie-Pierre Monier, à Annick Billon et à Colombe Brossel.

Le vote du Sénat sur cette proposition de loi est attendu non seulement par les familles et les enfants qui fréquentent les jardins d’enfants, mais aussi par les professionnels de ces structures.

Il y a urgence, mes chers collègues ! Vous le savez, l’enjeu est important ; ce texte est notre dernière chance de garantir un avenir aux jardins d’enfants. Sans modification législative, ces structures presque centenaires, qui se caractérisent par une pédagogie alternative et assurent avec pertinence une mission de service public, sont tout bonnement condamnées à disparaître. Surtout, la France mettrait fin à un système complémentaire de l’école maternelle et qui a fait ses preuves.

Comment en sommes-nous arrivés à cette situation ? Plutôt, comment en sommes-nous venus à détricoter un système qui fonctionne parfaitement bien ?

La loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, dite loi Blanquer, a imposé la scolarisation des enfants dans les écoles maternelles dès l’âge de 3 ans. Cette obligation, présentée comme une mesure phare alors que 95 % des enfants de 3 ans étaient déjà scolarisés, a percuté de plein fouet les jardins d’enfants : ils sont devenus les victimes collatérales du projet de loi initial, par ailleurs totalement muet à leur sujet lorsqu’il a été examiné à l’Assemblée nationale.

C’est par un amendement de Bruno Studer, député du Bas-Rhin et président de la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale, que des dispositions relatives aux jardins d’enfants ont été introduites dans le texte. Notre collègue Max Brisson, rapporteur pour le Sénat du projet de loi, l’avait souligné en commission, puis en séance : la rue de Grenelle a donné l’impression de découvrir l’existence de ces établissements d’accueil, régis non par le code de l’éducation, mais par le code de la santé publique, lors du dépôt de cet amendement.

Aujourd’hui encore, les jardins d’enfants restent incompris par le ministère de l’éducation nationale,…

M. Max Brisson. Par la ministre, surtout !

Mme Agnès Evren, rapporteure. … comme j’ai pu, hélas ! le constater lors des auditions que j’ai menées.

À l’issue de la navette parlementaire, un compromis avait été trouvé : l’article 18 de la loi de 2019 prévoyait une dérogation sur cinq ans permettant de considérer comme satisfaite l’obligation d’instruction dès lors qu’un enfant fréquentait un jardin d’enfants.

Dans le même temps, le ministère s’était engagé à accompagner ces structures. Un rapport conjoint de l’inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR) présentait trois scénarios pour l’avenir des jardins d’enfants. Or, comme l’avait conclu notre commission, ces derniers s’apparentaient à de fausses solutions, difficiles à mettre en œuvre.

Surtout, la publication de ce rapport a marqué la fin de l’accompagnement promis par le ministère de l’éducation nationale, qui a sans doute considéré que les jardins d’enfants étaient une anomalie à supprimer. À l’inverse, plusieurs propositions de loi ont été déposées afin de les pérenniser – je pense en particulier à celle de notre collègue Elsa Schalck, en juin dernier.

Quelles sont les raisons qui nous poussent à vouloir conserver les jardins d’enfants, et que le ministère ne semble pas voir ?

Premièrement, ces structures s’adaptent – faut-il le redire ? – aux rythmes et aux besoins pédagogiques des enfants. Tous les acteurs concernés ont reconnu leur valeur ajoutée. Dans de très nombreux cas, ces établissements sont une véritable chance pour des enfants ayant des besoins particuliers, qu’ils souffrent de handicaps, de troubles du comportement ou de phobie scolaire. À Paris, sur les 588 enfants accueillis dans ces structures, 105 présentent des besoins éducatifs particuliers et 75 sont en situation de handicap.

Dès lors, la fermeture des jardins d’enfants ou leur transformation en crèches ou en haltes-garderies aurait de graves conséquences pour certains enfants en situation de handicap et en âge d’être scolarisés. En effet, les écoles maternelles ne sont pas en mesure de les accueillir en journée entière ou toute la semaine.

À la rentrée prochaine, à Paris, une centaine d’enfants devraient être confrontés à de graves difficultés pour trouver un nouvel établissement ou être accueillis à l’école. Or, comme nous l’avons dénoncé à plusieurs reprises dans cet hémicycle, l’école inclusive est en train de craquer. Dès lors, pourquoi supprimer une structure d’accueil inclusive qui fonctionne et permet à tous les enfants de s’épanouir à leur rythme ?

Deuxièmement, les jardins d’enfants se distinguent par leur vocation d’accompagnement à la parentalité. Les élèves sont accueillis par le même personnel et dans le même lieu, y compris à l’heure du repas : c’est extrêmement sécurisant et rassurant pour les enfants.

Troisièmement, les jardins d’enfants présentent une très forte dimension sociale et d’intégration. Ils sont historiquement liés aux cités ouvrières et la mixité sociale est l’essence même de leur modèle. À Paris, treize jardins d’enfants sont actuellement situés dans des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).

Certains pourraient s’inquiéter du niveau des élèves concernés lors de leur entrée au CP. Je tiens à les rassurer : forts d’un recul de près d’un siècle, nous pouvons affirmer qu’aucun retard scolaire particulier n’a été détecté chez les enfants ayant fréquenté un jardin d’enfants plutôt qu’une école maternelle.

Par ailleurs, depuis la loi de 2019, les inspecteurs de l’éducation nationale contrôlent le respect des programmes scolaires et l’assiduité. La direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco) m’a ainsi précisé que les jardins d’enfants étaient contrôlés annuellement. À ce contrôle pédagogique s’ajoute un contrôle par le département et la PMI au titre de la surveillance des établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE).

Mes chers collègues, nous sommes tous conscients de l’urgence de la situation. En l’absence d’un vote conforme cet après-midi, les jardins d’enfants fermeront leurs portes à la rentrée 2024. Il n’y a plus de temps pour une éventuelle navette parlementaire : en effet, les inscriptions en école maternelle ont déjà commencé ; les parents qui les auraient effectuées ne feront pas la démarche inverse dans quelques mois. Quant aux professionnels, ils doivent pouvoir envisager leur avenir sereinement.

Pour l’ensemble de ces raisons, la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport vous appelle à voter conforme cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées du groupe SER. – M. le président de la commission applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Elsa Schalck applaudit également.)

M. Claude Kern. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’instruction obligatoire dès l’âge de 3 ans instaurée par la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance a causé, sans l’avoir anticipé, un dommage qui pourrait être fatal aux jardins d’enfants, dont certains ont une existence séculaire.

Élu d’Alsace, je connais particulièrement bien ces structures qui, même s’il en existe ailleurs en France, constituent une particularité régionale importante. Elles sont d’ailleurs issues des Kindergärten allemands conçus par Friedrich Fröbel.

Lieux passerelles entre la France et l’Allemagne pour les familles binationales – elles sont nombreuses dans la ville de Strasbourg, cette dernière faisant office de capitale européenne –, les jardins d’enfants prônent un modèle dont la performance est aujourd’hui largement reconnue. Ils sont souvent plus inclusifs que l’école et proposent, grâce à une pédagogie réfléchie et adaptée à chaque enfant, une solution de substitution à l’école maternelle traditionnelle.

Les jardins d’enfants présentent de nombreux avantages, et je prendrai le temps de mettre en exergue les principaux d’entre eux. Tout d’abord, l’effectif réduit des groupes d’enfants permet aux encadrants d’assurer un accueil individualisé et de respecter le rythme et la personnalité de chaque enfant.

Ensuite, on ne peut que saluer le travail favorisant la collaboration entre enfants et l’ouverture culturelle. Les jardins d’enfants jouent également un rôle de socialisation, d’instruction et d’intégration. En outre, ils apportent un fort soutien à la parentalité et assurent une collaboration active avec les familles.

Enfin, certains jardins d’enfants se caractérisent par un multilinguisme, élément non négligeable permettant aux enfants étrangers, nombreux en Alsace, d’accéder à la langue et à la culture françaises, et aux enfants strasbourgeois de suivre un cursus bilingue à l’école primaire et ainsi d’avoir un très bon niveau en langues.

Ainsi, que ce soit en Alsace ou dans le reste du territoire, les jardins d’enfants offrent aux familles un réel choix et la possibilité de s’investir pleinement dans l’instruction de leurs enfants de moins de 6 ans.

Reconnaissant à la fois des résultats particulièrement satisfaisants, mais également la conformité totale des jardins d’enfants aux objectifs du ministère, à savoir la scolarisation et la socialisation des enfants avant l’école primaire, le Sénat s’est tout de suite mobilisé et a fortement contesté la remise en cause de ces structures lors de l’examen de la loi de 2019.

À cet égard, je rappellerai, en les saluant, l’ensemble des travaux et propositions de loi d’origine sénatoriale qui, très précocement, ont permis de sonner l’alerte et d’envisager des correctifs. Je pense notamment à l’amendement d’Hervé Marseille à la proposition de loi pour une école de la liberté, de l’égalité des chances et de la laïcité, présentée par Max Brisson.

Sans modification de la loi, les jardins d’enfants, notamment ceux qui dépendent des collectivités locales ou qui agissent par délégation de service public, ne pourront plus, à partir de la rentrée 2024, accueillir les enfants de 3 à 6 ans, sauf à opter pour l’une des insatisfaisantes perspectives d’évolution.

L’effet serait sans appel : on déplorerait une perte du nombre de places pour les enfants, alors que l’accueil des tout-petits est déjà déficitaire en France, et une réelle perte de chances pour nombre d’entre eux, notamment les enfants en situation de handicap, dont la socialisation serait malheureusement ruinée.

Nous mesurons donc toute l’importance que revêt la présente proposition de loi. Elle permettra de pérenniser les jardins d’enfants gérés ou financés par une collectivité publique qui existaient au moment de l’entrée en vigueur de la loi pour une école de la confiance et de considérer comme satisfaite l’obligation d’instruction dès l’âge de 3 ans.

Le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, lors de son audition en juillet 2022 par la commission de la culture du Sénat, reconnaissait sans équivoque devoir trouver une solution juridique pour que ces jardins puissent continuer d’accueillir des enfants.

Parce qu’il est important que les familles et le personnel des jardins d’enfants puissent envisager la rentrée prochaine sereinement, parce qu’il existe une volonté parlementaire transpartisane de sauver les jardins d’enfants, parce que le bilan de ces structures plaide pour que l’on reconnaisse leur action comme positive, parce qu’il faut remédier au mal français consistant à détruire ce qui fonctionne et parce qu’il convient de prendre acte du large consensus existant sur le sujet, le groupe Union Centriste, dont je porte la voix aujourd’hui, votera conforme cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et SER, ainsi quau banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Mathilde Ollivier. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Mathilde Ollivier. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous examinons ce jour la proposition de loi visant à pérenniser les jardins d’enfants gérés par une collectivité publique ou bénéficiant de financements publics, adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale.

L’examen de ce texte se fait dans un contexte particulier. En effet, la loi pour une école de la confiance de 2019 a remis en cause l’existence des jardins d’enfants, les privant de leur financement public et les condamnant à une disparition progressive. Depuis sa promulgation, plus de quinze jardins d’enfants ont déjà fermé leurs portes.

Alertés par des familles et des professionnels sur la situation de ces structures, nos collègues de l’Assemblée nationale se sont rapidement saisis de cette question ; je pense notamment à Éva Sas, députée écologiste de Paris. Je salue le travail transpartisan qui a été mené sur la base de plusieurs initiatives parlementaires.

Nous avons toutes et tous conscience de l’importance de légiférer sur cette question rapidement, afin que les enfants, les familles et les personnes qui font vivre ces structures ne se retrouvent pas sans solution dans quelques mois. Il s’agit non pas de remettre en cause l’instruction obligatoire dès l’âge de 3 ans, mais d’admettre la qualité, la spécificité et l’ancienneté des jardins d’enfants en France. Leur disparition n’est pas souhaitable et mettrait dans une difficulté évidente de nombreuses familles.

Rappelons le rôle crucial des jardins d’enfants, qui se caractérisent tout d’abord par une très grande diversité : en effet, ils accueillent tous les enfants, sans distinction d’origine sociale, de culture ou de handicap. En 2024, 20 % des enfants accueillis étaient issus de familles défavorisées et 15 % présentaient des besoins particuliers.

Ensuite, l’engagement des jardins d’enfants pour l’inclusion est réel. Ils permettent d’accueillir et de prendre en charge les enfants en situation de handicap, qui sont tout de même au nombre de 430 000 en France. À l’heure où l’éducation manque d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH), on ne peut que s’inquiéter de la disparition de ces structures. Pourtant – je ne saurais trop insister –, les jardins d’enfants peuvent jouer un rôle crucial dans la réduction des inégalités sociales et éducatives.

Enfin, les jardins d’enfants offrent une pédagogie unique, fondée sur le jeu, l’observation et l’expérimentation. Ce continuum éducatif permet aux enfants de se développer à leur rythme et d’explorer le monde qui les entoure dans un environnement rassurant.

Les jardins d’enfants n’ont pas vocation à se substituer à l’école : ils proposent une autre forme d’accueil, encadrée par des professionnels de la petite enfance, et permettent de satisfaire l’obligation d’instruction avant l’âge de 3 ans.

Ainsi, dans la continuité de l’engagement de la députée Éva Sas et des collègues écologistes de l’Assemblée nationale et du Sénat, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera en faveur de la pérennisation des jardins d’enfants et espère la promulgation de ce texte avant la rentrée de septembre. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER. – Mme Elsa Schalck et M. Claude Kern applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Lahellec.

M. Gérard Lahellec. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les jardins d’enfants sont un héritage de l’histoire. Les lois de 1901 ne sont pas étrangères à leur émergence : les jardins d’enfants sont nés d’une nécessité éprouvée d’organiser l’accueil de tous les jeunes enfants, quels que soient leur situation sociale, leurs aptitudes ou leur handicap. Ils ont été créés pour accueillir tout le monde.

C’est aussi parce que l’offre éducative et d’accueil des jeunes enfants n’existait pas qu’il a fallu l’inventer pour répondre au besoin et au souhait des populations.

Je ne résiste pas à l’envie de faire un parallèle entre ce sujet et celui de l’enseignement des langues régionales. C’est parce que l’éducation nationale a négligé l’enseignement des langues et des cultures régionales qu’au cours de l’histoire se sont constituées des écoles associatives. Certains les appellent « écoles privées » ; pour ma part, je les nomme « écoles associatives », y compris celles qui dispensent un enseignement immersif n’étant pas pleinement conforme à la Constitution.

Bien sûr, comme les besoins n’étaient pas exactement les mêmes partout, les jardins d’enfants se sont développés selon un modèle pluriel qui, de manière générale, reste très divers à l’échelle du territoire, dans les villes et les agglomérations, mais pas seulement.

Dès lors, il n’est pas anormal que se pose aujourd’hui la question d’une offre unifiée, publique et laïque, qui ne peut se concevoir qu’au travers de l’éducation nationale. Je tiens à le dire ici : les jardins d’enfants ne peuvent en aucun cas constituer le modèle de référence de l’école publique nationale. Mais faut-il pour autant, dans une perspective d’unification républicaine, interdire les jardins d’enfants comme solution de substitution à la scolarisation des enfants de plus de 3 ans ?

On ne peut répondre à cette question sans évoquer le contexte actuel de tensions dans nos départements sur la carte scolaire. À cet égard, la présente proposition de loi concerne chacun d’entre nous : que nous disposions ou non de jardins d’enfants dans nos circonscriptions, nous connaissons tous les tensions suscitées par les projets de fermeture de classes.

J’observe que l’éducation nationale ne comptabilise toujours pas les effectifs des toutes petites sections (TPS) dans les effectifs globaux, c’est-à-dire les enfants de 3 ans scolarisés. Or, dans nos territoires ruraux, tous les enfants de 3 ans et plus vont à l’école et y passent la journée entière. Lorsqu’une classe ferme, les familles se voient souvent contraintes d’inventer des solutions de substitution qui, parfois, ressemblent curieusement aux jardins d’enfants.

Je considère que la défaillance actuelle de la politique éducative nationale nous oblige à pérenniser l’existence des jardins d’enfants au-delà de 2024. Je ne prendrai pas le risque de faire disparaître ces structures alors que le Gouvernement n’est pas en mesure de proposer une offre permettant d’assurer le bon fonctionnement de l’école publique sur l’ensemble du territoire.

Nous voterons ce texte conforme afin qu’il puisse entrer en vigueur avant la rentrée prochaine. Mais je me dois de préciser que nous continuerons de défendre l’école publique nationale, qui doit être une priorité. À cet égard, il est absolument nécessaire qu’elle dispose de moyens suffisants pour répondre aux besoins dans l’ensemble de nos communes. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)