M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Amel Gacquerre, rapporteure. La commission a supprimé cette disposition, car elle soulève plus de difficultés et de questions qu’elle ne présente d’avantages.

Par exemple, aucune garantie n’est apportée quant à l’usage qui serait fait de fonds issus de la vente du terrain ; aucune précision n’est donnée quant au délai à l’échéance duquel le terrain devrait être rétrocédé aux propriétaires de l’immeuble ; on ne sait pas non plus précisément ce que recouvre le « droit réel de ré-accession » des copropriétaires.

Plus fondamentalement, il nous paraît dangereux d’essayer de contourner les difficultés budgétaires d’une copropriété en jouant sur le démembrement de propriété. Cela reviendrait à créer de facto une hypothèque sur les parties communes ou sur le terrain d’assise, ce qui pourrait aggraver les difficultés des copropriétaires en réduisant la valeur de leur bien.

Et je ne parle pas des difficultés qu’emporterait un tel dispositif pour les collectivités ou les opérateurs acquéreurs : ceux-ci pourraient se retrouver propriétaires du seul terrain, dont la valeur serait elle aussi fortement grevée.

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. Convaincu par l’argumentation de Mme la rapporteure, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour explication de vote.

Mme Audrey Linkenheld. Je veux faire part d’une forte déception et d’une grande incompréhension.

Le bail réel solidaire et les organismes de foncier solidaire sont des innovations qui font leurs preuves. Je comprends que l’on puisse se poser les questions que vous avez énoncées, madame la rapporteure, mais j’ai senti dans ces questions une forme de défiance qui me paraît injuste, car, je l’ai dit, ces outils sont plutôt plébiscités.

Faisons confiance à ceux qui ont formulé cette proposition ! J’aurais aimé que nous les aidions à préciser certains éléments, ce que nous aurions pu faire, mes chers collègues, en travaillant sur la base de vos questions, en sous-amendant l’amendement ou en profitant de la navette parlementaire pour l’améliorer.

À défaut, j’assiste au simple rejet d’une disposition pourtant demandée par ceux qui, sur le terrain, sont confrontés au problème des copropriétés qui se dégradent. Chacun ici le sait, si nous avons créé le bail réel solidaire et les organismes de foncier solidaire, ce n’est pas pour réduire la valeur de quoi que ce soit : il s’agit d’outils considérés comme utiles dans la lutte pour le logement abordable.

Je suis déçue non pas tant par les avis défavorables qui viennent d’être émis que par l’absence de main tendue et de travail technique ; nous aurions pu sortir collectivement par le haut de ce débat à propos de ce qui n’est, je le rappelle, qu’une proposition d’expérimentation et d’innovation.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 92.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 3 bis A.

(Larticle 3 bis A est adopté.)

Article 3 bis A
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Après l’article 3 bis

Article 3 bis B

(Non modifié)

À titre expérimental, pour une durée de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi, le représentant de l’État dans le département peut prévoir, par arrêté, que les propriétaires soumis à une obligation de travaux en application des articles L. 511-1 à L. 511-3 du code de la construction et de l’habitation peuvent conclure avec un organisme intéressé un bail à réhabilitation en vue de la rénovation du ou des logements concernés. Ce bail à réhabilitation vient remplacer l’obligation de travaux qui est faite au propriétaire.

Un décret fixe les modalités d’application du présent article. – (Adopté.)

Article 3 bis

L’article L. 481-1 du code de l’urbanisme est complété par un IV ainsi rédigé :

« IV. – Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, lorsque les travaux entrepris et exécutés mentionnés au I du présent article ont produit des installations qui présentent un risque certain pour la sécurité ou pour la santé et lorsque la mise en demeure est restée sans effet au terme du délai imparti, l’autorité compétente peut procéder d’office à la réalisation des mesures prescrites, aux frais de l’intéressé.

« Lorsque ces installations sont occupées, l’occupant défini au premier alinéa de l’article L. 521-1 du code de la construction et de l’habitation bénéficie du régime de protection des occupants défini aux articles L. 521-1 à L. 521-4 du même code.

« S’il n’existe aucun moyen technique permettant de régulariser les travaux entrepris ou exécutés en conformité avec les règlements, les obligations ou les prescriptions mentionnées au I du présent article, l’autorité compétente peut procéder à la démolition complète des installations qui présentent un risque certain pour la sécurité ou pour la santé, aux frais de l’intéressé, après y avoir été autorisée par un jugement du président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond. » – (Adopté.)

Article 3 bis B
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Organisation des travaux (début)

Après l’article 3 bis

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 8 rectifié est présenté par M. Féraud, Mme Brossel et M. Jomier.

L’amendement n° 74 est présenté par Mmes Margaté et Corbière Naminzo, M. Gay et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 3 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après l’article L. 126-15 du code de la construction et de l’habitation, il est inséré un article L. 126-15-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 126-15-1. – Le propriétaire, l’occupant ou, en cas de copropriété, le syndicat des copropriétaires représenté par le syndic, permet aux agents assermentés du service municipal du logement mentionnés à l’article L. 651-6 d’accéder, pour l’accomplissement de leurs missions, aux parties communes des immeubles d’habitation.

« Les propriétaires ou exploitants d’immeubles à usage d’habitation ou leurs représentants peuvent accorder à ces agents une autorisation permanente de pénétrer dans les parties communes de ces immeubles.

« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article. »

II. – Le II de l’article 24 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« …) L’autorisation permanente de pénétrer dans les parties communes des immeubles accordée aux agents assermentés du service municipal du logement mentionnée à l’article L. 126-15-1 du code de la construction et de l’habitation. »

La parole est à Mme Colombe Brossel, pour présenter l’amendement n° 8 rectifié.

Mme Colombe Brossel. Les agents assermentés du service municipal du logement disposent d’un droit de visite des locaux d’habitation, après accord du propriétaire ou du locataire, ou au besoin après autorisation judiciaire, pour en constater l’état d’occupation. Mais, paradoxalement, ils ne disposent pas d’un droit d’accès de principe aux parties communes des immeubles en copropriété.

Cet amendement a pour objet de rendre les contrôles sur place beaucoup plus efficaces, tout en les sécurisant juridiquement : actuellement, plusieurs visites sont nécessaires pour accéder à un immeuble, la sollicitation préalable des copropriétaires ou du syndic entraînant des délais considérables et préjudiciables.

L’explosion du phénomène de la location de meublés touristiques entraîne une dégradation des copropriétés, ce qui nécessite d’y renforcer les contrôles.

M. le président. La parole est à Mme Marianne Margaté, pour présenter l’amendement n° 74.

Mme Marianne Margaté. Ce projet de loi traite des copropriétés dégradées, donc du partage des responsabilités sur le bâti entre copropriétaires. Les parties communes sont souvent les endroits les plus négligés des copropriétés dégradées ; les interventions dont il faut décider collectivement sont en effet les plus difficiles à faire voter et à financer.

Par ailleurs, il apparaît que ces parties communes sont difficiles d’accès pour les agents assermentés des services municipaux, ce qui obère la production de rapports légaux, alors même qu’elles présentent des risques importants pour les résidents.

Notre amendement vise donc à faciliter l’accès aux parties communes : il s’agit d’autoriser les agents assermentés à y pénétrer pour réaliser leurs missions d’enquête via un simple accord d’un des résidents. L’absence d’une telle possibilité peut compliquer les interventions, des éléments d’insalubrité ou d’insécurité étant restés dissimulés ou simplement inconnus.

Voilà qui pose aussi, de manière incidente, la question des moyens humains dont disposent les collectivités pour mener de telles enquêtes. Bien souvent, on le sait, elles en sont dépourvues.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Amel Gacquerre, rapporteure. Les agents assermentés du service municipal du logement sont habilités à visiter les locaux à usage d’habitation, et non les parties communes. L’accès aux parties communes doit donc leur être ménagé uniquement en tant qu’il leur permet d’accéder aux locaux d’habitation visés.

Aussi, sur présentation de leur ordre de mission par les agents qui l’obligent à consentir à l’entrée dans le logement, l’occupant ou le gardien du logement qui doit être visité est tenu de leur donner accès aux parties communes.

L’amendement étant donc satisfait par le droit existant, la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. Une fois n’est pas coutume, mon appréciation diverge de celle de Mme la rapporteure. En effet, le Gouvernement considère que l’article L. 651-6 du code de la construction et de l’habitation permet aux agents assermentés, qui sont nommés par le maire et prêtent serment devant le juge du tribunal d’instance, de visiter les locaux à usage d’habitation pour constater les conditions dans lesquelles ils sont occupés.

Or, dans la pratique – cela a été justement relevé par Mmes les sénatrices Brossel et Margaté –, les agents du service municipal sont souvent confrontés à des difficultés d’accès aux parties communes des immeubles d’habitation.

Ces amendements sont de nature à remédier à ce problème, dans un souci de respect du droit de propriété des copropriétaires : avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 8 rectifié et 74.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 9 rectifié bis est présenté par M. Féraud, Mme Brossel, M. Jomier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 75 est présenté par Mmes Margaté et Corbière Naminzo, M. Gay et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 3 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la dernière phrase du premier alinéa de l’article L. 651-7 du code de la construction et de l’habitation, après les mots : « et leurs agents », sont insérés les mots : « , ainsi que les syndics de copropriété, ».

La parole est à Mme Colombe Brossel, pour présenter l’amendement n° 9 rectifié bis.

Mme Colombe Brossel. Lorsqu’un meublé de tourisme est situé dans un immeuble en copropriété, ce qui est le cas le plus fréquent dans les grandes villes touristiques, les agents du service municipal du logement doivent s’adresser au syndic de l’immeuble afin d’obtenir les renseignements dont ils ont absolument besoin pour effectuer leurs contrôles. On pense évidemment aux codes d’accès, aux plans ou encore au règlement de copropriété de l’immeuble.

L’explosion du phénomène de la location de meublés de tourisme aggrave la dégradation des copropriétés ; il est donc nécessaire d’y renforcer les contrôles. Or les agents se heurtent régulièrement à l’inertie des syndics, voire, dans certains cas, à leur refus de communiquer les informations. Ces résistances compromettent leurs contrôles et assurent de fait l’impunité de certains loueurs.

L’article L. 651-7 du code de la construction et de l’habitation précise déjà que, « [s]ans pouvoir opposer le secret professionnel, les administrations publiques compétentes et leurs agents sont tenus de communiquer aux agents du service municipal du logement tous renseignements nécessaires à l’accomplissement de leur mission de recherche et de contrôle ». Nous proposons d’ajouter que les syndics de copropriété sont également soumis à cette obligation.

M. le président. La parole est à Mme Marianne Margaté, pour présenter l’amendement n° 75.

Mme Marianne Margaté. Nous plaidons pour que les syndics soient tenus de transmettre un certain nombre d’informations aux administrations communales qui les sollicitent, notamment aux services municipaux du logement.

Cette obligation de transmission concernerait notamment le règlement de copropriété, les plans et tout ce qui permet de faciliter les enquêtes conduites par les services municipaux.

À l’heure actuelle, il est parfois difficile d’obtenir ces documents, les agents ne pouvant imposer leur communication aux syndics récalcitrants. De telles obligations de transmission s’appliquent pourtant déjà aux administrations publiques : notre droit est plus clément avec les syndics…

La collecte de ces informations permettra une meilleure connaissance des copropriétés en difficulté. Nos communes devront certes mobiliser des moyens supplémentaires pour traiter les documents recueillis, mais nous irions dans le bon sens en rendant effective la transmission des renseignements indispensables aux contrôles.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Amel Gacquerre, rapporteure. La mise en œuvre de ces dispositions permettrait d’accompagner les agents des services municipaux dans l’accomplissement de la mission qui leur est confiée : la transmission des informations ici visées leur serait bel et bien utile.

Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. Mesdames les sénatrices, je comptais initialement m’en remettre à la sagesse du Sénat. En effet, je redoutais la lourdeur de telles dispositions, qui risquaient d’ailleurs, à mon sens, de dépasser la compétence des syndics de copropriété.

Néanmoins, j’ai été convaincu par vos arguments ainsi que par l’avis émis par Mme la rapporteure : j’émets donc un avis favorable sur ces amendements.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 9 rectifié bis et 75.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 3 bis.

Organisation des travaux

Après l’article 3 bis
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Organisation des travaux (interruption de la discussion)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Mes chers collègues, la commission doit se réunir pour examiner un nouvel amendement du Gouvernement : nous nous retrouverons donc dans notre salle habituelle à vingt et une heures quinze, avant la reprise des débats en séance publique.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Sophie Primas.)

PRÉSIDENCE DE Mme Sophie Primas

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Organisation des travaux (début)
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Discussion générale

6

Modification de l’ordre du jour

Mme la présidente. Mes chers collègues, pour des raisons tenant à l’agenda du ministre chargé de l’Europe, et en accord avec les commissions concernées et avec le Gouvernement, nous pourrions inverser les deux derniers points inscrits à l’ordre du jour de notre séance du mardi 19 mars prochain.

Nous examinerions ainsi la proposition de loi rendant obligatoires les tests PME et créant un dispositif « impact entreprises » en troisième point de notre ordre du jour, en fin d’après-midi, et éventuellement le mercredi 20 mars, à l’issue de l’espace réservé au groupe Union Centriste et, éventuellement, le soir. Le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 21 et 22 mars 2024 aurait lieu, quant à lui, à la reprise du soir du mardi 19 mars.

Y a-t-il des observations ?…

Il en est ainsi décidé.

7

Organisation des travaux (interruption de la discussion)
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Article 3 ter

Rénovation de l’habitat dégradé

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement.

Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre Ier, à l’article 3 ter.

Discussion générale
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Après l’article 3 ter

Article 3 ter

(Non modifié)

Au II de l’article 11-1 de la loi n° 2011-725 du 23 juin 2011 portant dispositions particulières relatives aux quartiers d’habitat informel et à la lutte contre l’habitat indigne dans les départements et régions d’outre-mer, les mots : « est en cours d’édification » sont remplacés par les mots : « a été construit depuis moins de quatre-vingt-seize heures ».

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 22 est présenté par M. Gontard, Mme Guhl, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.

L’amendement n° 69 est présenté par Mmes Margaté et Corbière Naminzo, M. Gay et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Guillaume Gontard, pour présenter l’amendement n° 22.

M. Guillaume Gontard. Mes chers collègues, cet article simplifie les procédures de démolition des habitats informels à Mayotte et en Guyane en élargissant le régime dérogatoire des ordres préfectoraux. Concrètement, il instaure un délai de quatre-vingt-seize heures, soit quatre jours, pendant lequel le préfet peut ordonner la démolition d’une construction venant d’être édifiée sans autorisation, dans un secteur d’habitat informel.

Soyons clairs : nous ne nous satisfaisons évidemment pas du développement de l’habitat informel, qui pose des problèmes évidents d’urbanisme, de respect du droit de propriété et de qualité de vie au sein des logements. Néanmoins, nous ne pensons pas que la solution à ce problème consiste à multiplier les destructions de ces habitats.

En réduisant, outre-mer, les délais d’évacuation des personnes mal-logées, l’on ne fait que renforcer la violence de leur expulsion, pour les placer dans des situations encore plus complexes. Comment trouver un nouvel endroit où loger sa famille en quatre jours à peine ?

La mise en œuvre des dispositions de cet article risque surtout d’accroître, à Mayotte et en Guyane, le nombre de personnes à la rue, dont la situation est encore moins satisfaisante que celle des personnes vivant dans des habitats informels. À terme, il est d’ailleurs probable que les personnes expulsées par ces destructions construisent de nouveaux habitats informels encore plus précaires.

Dès lors, au lieu de conduire des expulsions en quelques jours à peine, mieux vaut rendre salubres ces logements informels et améliorer progressivement les conditions de vie de leurs habitants, notamment via le renforcement des toitures, la pose de dalles au sol, la construction de toilettes et la sécurisation des raccordements électriques.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, et comme le demandent notamment la Fondation Abbé Pierre et l’association Droit au logement, nous vous proposons de supprimer cet article.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marianne Margaté, pour présenter l’amendement n° 69.

Mme Marianne Margaté. Ce projet de loi vise à lutter contre l’habitat dégradé. Or, selon nous, l’article 3 ter a un autre but : il traite non pas de l’habitat dégradé, mais de la lutte contre les sans-abri. Il ne servira manifestement pas à loger les personnes à la rue ; au contraire, il aggravera la condition de celles et ceux qui survivent en construisant, pour leur famille, des abris de fortune.

En facilitant la démolition de ces bâtiments précaires à Mayotte et en Guyane sans prévoir de solution de relogement, vous condamnez des personnes à l’errance. Ce n’est pas ainsi que vous parviendrez à rassurer nos concitoyens, même si la présence de bidonvilles est insupportable et inacceptable dans la septième puissance économique mondiale.

Vous allez jusqu’à créer une disposition exceptionnelle pour que les démolitions puissent avoir lieu quatre jours après l’installation.

J’ai bien noté que le Gouvernement avait déposé un amendement visant à faciliter les constructions à Mayotte et en Guyane : il y a là sans aucun doute une urgence et nous soutiendrons ces dispositions. Mais, tant qu’il n’existe aucune autre solution de logement ou d’hébergement, il convient surtout de venir en aide aux populations mal logées, au lieu de leur enlever le bout de toit qu’elles se sont construit.

De telles habitations ont été édifiées en dehors de toute règle, certes, mais aussi à défaut de toute autre solution. Nous proposons donc de supprimer cet article, qui – j’y insiste – n’a pas vocation à lutter contre l’habitat dégradé.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Amel Gacquerre, rapporteure de la commission des affaires économiques. L’article 11-1 de la loi du 23 juin 2011, issu de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi Élan, renforce les moyens d’action dont dispose le préfet, en Guyane et à Mayotte uniquement, en matière d’évacuation et de démolition des bidonvilles.

Ainsi, lorsqu’un officier de police judiciaire (OPJ) constate par procès-verbal qu’un local ou une installation est en cours d’édification sans droit ni titre dans un secteur d’habitat informel, les préfets de ces deux départements peuvent, par arrêté, en ordonner la démolition sous vingt-quatre heures.

Toutefois, selon les retours d’expérience dont nous disposons – nous avons notamment auditionné le préfet de Mayotte –, cette disposition est privée d’effet par les stratégies de contournement qui sont mises en œuvre. Les locaux sont édifiés le week-end, à l’abri des regards, et le lundi matin ils ne sont plus « en cours d’édification » : ils ne peuvent donc plus être démolis.

L’article 3 ter du présent projet de loi vise justement à remédier à ce contournement de la loi en donnant aux pouvoirs publics un nouvel outil dans la lutte contre l’expansion de l’habitat informel, qui est aussi, bien souvent, un habitat indigne. Il remplace l’expression « en cours d’édification » par les mots « construit depuis moins de quatre-vingt-seize heures » afin de laisser aux autorités, notamment au maire et au préfet, le temps de détecter puis d’organiser la démolition d’un habitat informel nouvellement édifié sans droit ni titre.

Il s’agit là d’une mesure de bon sens. Nous devons mettre un coup d’arrêt à l’extension de ces bidonvilles, et ce dans l’intérêt des habitants comme des personnes, souvent en situation irrégulière, qui édifient ces installations.

En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur ces amendements de suppression.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement. J’abonde pleinement dans le sens de Mme la rapporteure : les territoires de Mayotte et de Guyane sont confrontés à une expansion rapide des constructions illicites. Ce phénomène est à l’origine de troubles graves à l’ordre public et de drames humains liés à l’insalubrité des logements.

La lutte contre cet habitat illégal, souvent indigne, est une priorité du Gouvernement, qui entend donner aux préfets de Guyane et de Mayotte les moyens de la mener.

La loi du 23 juin 2011 a permis de résorber des poches d’habitat informel résiduelles aux Antilles et à La Réunion. En revanche, elle est insuffisante contre des bidonvilles en pleine expansion. C’est pourquoi nous avions introduit dans la loi Élan un certain nombre de dispositions législatives consacrées aux départements de Mayotte et de Guyane, tout en garantissant des droits aux occupants. Une procédure de référé devant le juge, pour suspendre toute démolition, est ainsi prévue ; s’y ajoute l’obligation de proposer une solution de relogement ou d’hébergement aux occupants.

Il s’agit donc ici, à l’article 3 ter, d’une disposition importante qu’attendent les élus locaux et les habitants de ces territoires.

Madame la sénatrice Margaté, vous insistez sur la nécessité de construire des logements en Guyane comme à Mayotte : c’est tout le sens de l’amendement n° 136, déposé par le Gouvernement, que nous examinerons dans quelques instants et dont les dispositions nous permettront de construire de façon légale des logements décents à destination de ces populations qui sont dans le besoin.

Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements de suppression.

Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.

M. Thani Mohamed Soilihi. Je confirme que les dispositions de l’article 3 ter sont très attendues à Mayotte.

Le délai dont disposent les pouvoirs publics pour détruire ces habitats, qui se construisent en l’espace de quelques heures, est aujourd’hui insuffisant ; c’est pourquoi les autorités locales demandent qu’il soit porté à quatre-vingt-seize heures.

Les auteurs de ces amendements identiques semblent, au fond, raisonner à l’envers. Je rappelle que plus de la moitié de la population de Mayotte est désormais composée d’étrangers. Dans ces circonstances, il faut avant tout faire en sorte que ce département cesse d’être attractif pour les migrants en situation irrégulière : il faut donc détruire les bidonvilles. À Mayotte, toute la classe politique plaide en ce sens.

Au demeurant, le maintien de telles constructions n’est vraiment pas un service à rendre aux habitants de ces quartiers, qui – il faut le souligner – ne sont pas tous des migrants : les bidonvilles tuent, notamment pendant la saison des pluies. Il y a quatre ou cinq ans, une mère et ses quatre enfants ont perdu la vie, emportés par une coulée de boue qui a ravagé le bidonville où ils étaient installés. Régulièrement, dans ce genre de lieux, de jeunes enfants meurent électrocutés.

La bonne démarche réside dans la destruction accélérée et intensifiée de telles constructions sauvages au profit d’un habitat régulier.

Je m’oppose donc totalement à ces deux amendements de suppression.