M. le président. Il faut conclure !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Nous sommes en train de dresser un bilan scientifique de cette production – émissions de CO2, recours aux OGM, consommation d’eau – afin de démontrer qu’elle n’est peut-être pas la meilleure façon de faire de l’agriculture responsable ou de l’élevage responsable.

Conclusion du débat

M. le président. En conclusion du débat, la parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens pour commencer à vous remercier, vous en particulier, monsieur le sénateur Duplomb, qui êtes à l’origine de ce débat, pour la qualité de nos échanges, et à saluer l’engagement constant du Sénat sur les enjeux agricoles et de souveraineté alimentaire.

J’ai d’ailleurs relevé un certain nombre de convergences de vue entre les différentes travées de votre assemblée sur l’enjeu de la souveraineté agricole, ainsi que sur la nécessité de maintenir une exigence en matière climatique et environnementale.

Le cap à tenir pour l’avenir de notre modèle agricole est celui de la souveraineté alimentaire. Cela sera affirmé avec force dans le projet de loi qui sera présenté avant le salon international de l’agriculture, que vos travaux enrichiront. À la souveraineté alimentaire, j’adjoins naturellement la souveraineté énergétique, qui contribue de manière stratégique, via la biomasse, à la fourniture d’énergie et à la transition énergétique. Dans les semaines et mois à venir, je serai mobilisée pour valoriser notamment cette dernière dimension.

Je voudrais plus particulièrement m’arrêter quelques instants sur quatre chantiers sur lesquels nous souhaitons, Marc Fesneau et moi-même, orienter prioritairement notre action.

Il nous faut, en tout premier lieu, relever le défi du renouvellement des générations – comme cela a été mentionné. D’ici à 2030, le besoin est immense, vous le savez. Y répondre exige en particulier d’accroître de 30 %, par rapport à 2022, le nombre d’apprenants dans les formations de l’enseignement agricole technique. Il s’agit de former plus, mais aussi de former différemment, à des métiers qui évoluent sans cesse et qui sont marqués par une forme d’hybridation des compétences requises.

Nous devons impérativement poursuivre notre investissement dans l’enseignement agricole. Ses moyens sont en hausse de 10 % cette année et nous allons mettre en œuvre les mesures du pacte d’orientation pour le renouvellement des générations en agriculture présenté par le ministre Marc Fesneau à la fin de l’année 2023. Vous aurez à vous saisir de certaines de ces mesures lors de l’examen du projet de loi : je pense à la rénovation des missions de l’enseignement agricole, à l’institution d’un bachelor agro ou à la création de contrats locaux qui permettront de relancer ou d’ouvrir des classes formant aux métiers de l’agriculture dans nos territoires.

Le deuxième défi, c’est celui des transitions agroécologique et climatique. Le Sénat a voté en décembre dernier des moyens inédits pour notre agriculture ; en particulier, cette année, 1,3 milliard d’euros supplémentaires sont dédiés à la planification écologique. Je le dis sans détour : il n’y aura pas de souveraineté alimentaire qui ne soit durable et résiliente. Le statu quo serait mortifère pour notre agriculture, qui ne sera plus en mesure de produire sous contrainte climatique si nous ne faisons pas évoluer progressivement, mais de manière importante, ces activités. Cela aussi a été mentionné dans le débat, lorsqu’a été évoquée la situation de certaines zones du sud de la France.

C’est pourquoi nous allons agir en faveur de la haie, du renouvellement forestier et de l’accompagnement de la transformation de nos exploitations, en nous dotant d’outils de diagnostic mieux adaptés. Nous allons également poursuivre nos efforts en matière de réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires, en gardant en tête ce principe essentiel, « pas d’interdiction sans solution », ce qui suppose évidemment des investissements importants dans la recherche et développement.

M. Loïc Hervé. Cela ne veut rien dire !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. La troisième direction, c’est celle de la compétitivité de notre agriculture. Il s’agit d’un sujet sur lequel le Sénat est tout particulièrement mobilisé : les trois quarts de vos interventions ont mentionné ce thème.

Le Premier ministre a pris une décision forte en annulant la hausse de la fiscalité prévue sur le GNR : celle de maintenir les dispositifs de compensation qui y étaient liés. Ceux-ci font écho à des propositions formulées ici même, comme le régime du microbénéfice agricole ou la déduction pour épargne de précaution.

Là encore, nous allons plus loin, en enrichissant le projet de loi qui vous sera présenté d’un volet de simplification visant, par exemple, les projets de stockage d’eau ou d’élevage. En effet, libérer les agriculteurs de normes devenues superflues ou contradictoires, c’est leur donner plus de compétitivité, comme vous avez été nombreux à le souligner.

Enfin, pour garantir la cohérence de notre action dans ces trois directions – renouvellement des générations, transitions, compétitivité – et permettre à nos producteurs de mener ces grandes transformations, nous avons besoin d’un cadre international et européen qui protège de la concurrence déloyale.

Le Premier ministre a réaffirmé la volonté de la France d’œuvrer en ce sens. À court terme, une clause de sauvegarde sera mise en place sur les produits agricoles contenant des résidus de thiaclopride et, sur le plus long terme, nous soutiendrons la création d’une force de contrôle sur la concurrence déloyale en agriculture aux frontières de l’Union européenne. Cela suppose une négociation vigilante de tous les traités internationaux. Le commerce agricole est aussi une force de notre pays, mais il ne le restera qu’à la condition de savoir lutter contre la concurrence déloyale.

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Vincent Louault applaudit également.)

M. Daniel Gremillet, pour le groupe Les Républicains. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat demandé par notre groupe Les Républicains, lancé par notre collègue Laurent Duplomb, est un débat essentiel pour toute société qui, comme la nôtre, est tournée vers l’avenir. Pourquoi ? Parce qu’il concerne le fondement même de la sécurité et du bien-être de la population sur notre territoire.

Permettez-moi de revenir sur deux dates.

La première est celle de la création de l’Union européenne. L’Europe, alors à six, avait faim. Et voici ce que disait le traité de Rome : « Paysans, produisez ; l’Europe vous garantira un revenu décent ! » (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Duplomb et Mme Sophie Primas. Exactement !

M. Daniel Gremillet. Deuxième date, aux alentours de 1962 : l’impulsion a été donnée pour toute une politique de renouvellement des générations et de modernisation de l’agriculture, un rôle essentiel étant dévolu, aux côtés de cette dernière, à l’État. À l’époque, via le fonds des calamités agricoles, l’État garantissait aux agriculteurs une prise en charge effective des risques auxquels ils étaient exposés, selon le principe du « un pour un ».

C’est sur cette base que nous avons assuré la sécurité alimentaire de nos territoires.

Et l’agriculture française ne se résume pas à un seul modèle. Nous avons la chance, en France, d’être riches d’une diversité d’exploitations à taille humaine qui, quoique relevant, jusqu’au sein d’un même village, de systèmes agricoles différents, remplissent toutes la même mission, celle de nourrir les femmes et les hommes de nos territoires, partout en Europe. Voilà qui mérite le plus grand respect : voilà qui mérite la confiance qui a été placée dans le travail quotidien de nos exploitants.

Mais voilà : au fil des ans, cette confiance a été perdue. (Protestations sur les travées du groupe GEST.) Les paysans ont si bien accompli leur mission que le souci alimentaire a disparu de nos sociétés. Et pourtant, la situation n’a jamais été aussi critique qu’aujourd’hui sur le plan de la sécurité alimentaire.

Comme Laurent Duplomb l’a très bien expliqué tout à l’heure, il faut sortir des carcans administratifs. Comme on dit en jargon paysan, madame la ministre, nous en sommes au point où une vache n’y retrouve plus son veau, tant il y a de contradictions entre les réglementations françaises, locales, européennes… Ce n’est pas possible !

M. Laurent Duplomb. Marre des technos !

M. Daniel Gremillet. Vous ne pouvez pas demander à des paysans de nourrir la population tout en les plongeant dans de telles contradictions, qui sont très mal vécues au quotidien dans les territoires.

Ce n’est pas un hasard si ce débat a lieu au Sénat, qui représente la France des territoires, cette France de la proximité où vivent ces populations qui, via des systèmes très différents, apportent des réponses économiques aux problèmes de l’agriculture et, surtout, garantissent la sécurité alimentaire de notre pays.

Madame la ministre, vous avez dit par ailleurs que la transition écologique était fondée sur la science. Mais l’agriculture a de tout temps été fondée sur la science : cela ne date pas d’aujourd’hui !

M. Guy Benarroche. En effet, les phytosanitaires, c’est la science !

M. Daniel Gremillet. C’est pourquoi à titre personnel je combats l’expression « développement durable », formule prétentieuse en ce qu’elle laisse penser qu’il n’y a que nous qui faisons bien. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Nous progressons au rythme de la connaissance, madame la ministre : ce qui était vrai hier ne l’est plus aujourd’hui, et ce qui sera vrai demain ne sera plus, peut-être, ce que l’on pense bon pour aujourd’hui.

Le désarroi actuel de l’agriculture, madame la ministre, vient de ce que nous devons aller au rythme de la science, mais non plus vite que la science. La science doit être capable d’apporter des réponses au quotidien, pour la sécurité alimentaire, à l’agriculture et aux agriculteurs, sans plonger ces derniers dans des contradictions insolubles.

Un dernier point me semble majeur : le respect du travail des femmes et des hommes. On ne saurait d’un côté imposer des exigences, tant à l’échelle française qu’à l’échelle européenne, et, de l’autre, au quotidien, les laisser bafouer.

Vous voulez renforcer les contrôles ? Mais arrêtons de mentir aux consommateurs : tout ne passe pas par le renforcement des contrôles. Ce qu’il faut, c’est avoir le courage de mettre en débat, y compris au Parlement, les accords internationaux de libre-échange ! Or, pour l’heure, pareil courage manque à l’appel.

Jamais le rendez-vous de la sécurité alimentaire n’a constitué un aussi grand défi. Pour notre part, nous avons pris nos responsabilités : le texte qui a été déposé par notre collègue Laurent Duplomb, avec ses quarante-deux propositions, représente un engagement en faveur de la sécurité alimentaire, porté par une vision pour les paysans, qui en ont tant besoin.

Je souhaite simplement, madame la ministre, que vous vous imprégniez de cette vision stratégique, et qu’en définitive vous suiviez ce cap que nous proposons de donner à l’agriculture française. Celle-ci a besoin d’un chemin ; elle ne saurait rester dans la broussaille. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – M. Jean-Luc Brault applaudit également.)

M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur l’avenir de notre modèle agricole.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures dix, est reprise à dix-huit heures douze.)

M. le président. La séance est reprise.

6

Mises au point au sujet de votes

M. le président. La parole est à M. Jean Hingray.

M. Jean Hingray. Lors du scrutin public n° 119 sur l’ensemble du projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, je souhaitais voter pour.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Lors du scrutin public n° 118 sur l’ensemble du projet de loi relatif à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire, M. Jérémy Bacchi souhaitait voter contre.

Lors du scrutin public n° 119, MM. Jérémy Bacchi et Ian Brossat souhaitaient voter contre.

M. le président. Acte est donné de ces mises au point, mes chers collègues. Elles figureront dans l’analyse politique des scrutins concernés.

7

 
Dossier législatif : proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports
Discussion générale (suite)

Sûreté dans les transports

Discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports
Article 1er (début)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Républicains, de la proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports, présentée par M. Philippe Tabarot et plusieurs de ses collègues (proposition n° 235, texte de la commission n° 319, rapport n° 318, avis n° 313).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte. (Mmes Sophie Primas et Marie-Claire Carrère-Gée applaudissent.)

Dans la discussion générale, la parole est à M. Philippe Tabarot, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

M. Philippe Tabarot, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 1er octobre 2017, sur le parvis de la gare Saint-Charles, Mauranne, 20 ans, étudiante en médecine, et Laura, 21 ans, élève infirmière, se voyaient ôter la vie par une terrible attaque islamiste à coups de couteau. Ce drame de Marseille a sans doute été pour moi, alors élu régional chargé des transports, celui de la prise de conscience, qui me conduit aujourd’hui à cette tribune pour y défendre la présente proposition de loi.

Malheureusement, l’assassinat du chauffeur de bus de Bayonne, l’attaque au couteau à la gare de Lyon, celle survenue à la station Stalingrad il y a quelques jours ou encore l’agression, le week-end dernier, d’une conductrice d’autobus à Nice n’ont fait que me conforter dans mes convictions : les transports n’échappent ni au terrorisme ni aux actes de délinquance. Bien au contraire, les transports en commun démultiplient ces dangers.

Nous le savons, le risque zéro n’existe pas ; à cet égard, je n’intenterai aucun procès en inaction – et surtout pas à vous, monsieur le ministre, qui venez de prendre la tête de ce beau ministère.

La loi relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs, votée en 2016 sur l’initiative des députés socialistes Bruno Leroux et Gilles Savary, était un texte pragmatique. Elle nous a apporté un socle solide, complété par les éléments nouveaux que nous devons à la loi pour une sécurité globale préservant les libertés, dite loi Sécurité globale.

Mais tout cela n’est plus suffisant. J’appelle à une sérieuse prise de conscience de la part de tous – et je tourne mon regard vers les collègues qui siègent du côté gauche de notre hémicycle. La réalité est implacable et ne saurait souffrir, mes chers collègues, que l’on se raccroche encore, malgré des faits de plus en plus nombreux et de plus en plus violents, à des espérances angéliques et à des clichés dépassés. Je vous propose plutôt que nous nous posions la question suivante : comment pouvons-nous, en tant que législateurs, inciter les usagers à privilégier de manière massive le recours aux transports en commun, si certains d’entre eux – je pense en particulier aux femmes – évitent ces réseaux en raison de l’insécurité, comme c’est le cas aujourd’hui ?

Mme Sophie Primas. Très bien !

M. Philippe Tabarot. Ne vous laissez pas aveugler par une certaine idéologie d’un autre temps ! Je vous propose simplement d’améliorer utilement l’arsenal de sécurité dans les transports, qui est aujourd’hui à bout de souffle.

C’est une urgence au regard du contexte, car la police nationale, dont je salue le dévouement, ne peut être partout. Et les transports sont par nature vulnérables à la menace terroriste, aux violences sexuelles, aux atteintes aux personnes et aux biens, à la fraude…

Pour que chacun prenne bien la mesure de la réalité, voici quelques chiffres : en 2022, on a dénombré 124 570 victimes de vols et de violences dans les transports, et une personne sur deux s’y sent en insécurité. (M. Guy Benarroche le conteste.) En un an, le nombre d’agressions sexuelles a augmenté de 13 %, un record ! Ces chiffres démontrent, s’il le fallait, la prégnance de l’insécurité, ainsi que la nécessité de franchir, en la matière, une nouvelle étape.

Il est de notre devoir d’améliorer la sûreté dans les transports collectifs par des actions de prévention et de répression. C’est là tout l’objet de la proposition de loi que nous discutons aujourd’hui ; je tiens d’ailleurs à remercier Bruno Retailleau, qui a souhaité l’inscrire à l’ordre du jour. Cosigné par près de 140 sénateurs issus de quatre groupes différents, ce texte ne constitue pas un vecteur idéologique ni ne procède d’un quelconque affichage démagogique.

Pour le rédiger, je suis parti du terrain, que j’ai arpenté avec des équipes d’agents. Il a été travaillé avec les acteurs du transport – l’enjeu était de répondre à leurs demandes –, qu’il s’agisse des opérateurs, des agents, dont j’ai pu observer le cycle de formation, des syndicats ou des autorités organisatrices de la mobilité (AOM).

Les constats ont été limpides, partagés. Sans que cela remette en cause les prérogatives des forces de sécurité intérieure, les agents de la surveillance générale de la SNCF (Suge) et du groupe de protection et de sécurité des réseaux de la RATP (GPSR) disposent d’un régime particulier ; ce régime leur permet notamment d’exercer un certain nombre de missions qui leur sont dévolues par la loi. Leur but n’est en aucun cas d’attenter aux libertés, mais, au contraire, de les préserver, en protégeant les usagers, les conducteurs et les agents – qui sont tous, je le rappelle, en première ligne.

Néanmoins, force est de constater que leur action se heurte, sur le terrain, à de trop nombreux obstacles, que l’on peut qualifier d’ubuesques. Ces agents ne peuvent procéder à la saisie d’objets dangereux tels des hachoirs de boucher, des pics à glace, des battes de baseball… Pis, à défaut que soit présent sur place un officier de police judiciaire, l’individu appréhendé doit être laissé libre avec ses objets. Ces mêmes agents ne peuvent interdire à une personne d’entrer en gare alors même qu’elle a un comportement dangereux à l’extérieur.

Ces aberrations nous ont été signalées conjointement par Jean Castex, pour la RATP, et Jean-Pierre Farandou, pour la SNCF, lors de leurs auditions respectives. On ne saurait leur prêter une volonté d’attenter à nos principes constitutionnels !

Pour toutes ces raisons, la proposition de loi prévoit un certain nombre d’évolutions, selon cinq principaux axes.

Elle vise, premièrement, à étendre les prérogatives des services internes de sécurité des opérateurs de transport que sont la Suge et le GPSR, en renforçant leur faculté à procéder à des palpations préventives et en créant une véritable interdiction d’entrée en gare.

Elle a pour objet, deuxièmement, d’améliorer le continuum de sécurité dans les transports en pérennisant l’utilisation des caméras-piétons sur la voie publique ou en permettant à la police municipale de mieux accéder aux réseaux de transport.

Le troisième axe consiste à recourir davantage à la technologie, notamment au traitement algorithmique, pour répondre aux réquisitions judiciaires.

Le quatrième est de lutter efficacement contre la fraude par un meilleur recouvrement. Sur 2,4 millions de procès-verbaux dressés par la SNCF, représentant un montant de 275 millions d’euros, seuls 22 millions d’euros ont été recouvrés dans les délais légaux. Voilà qui n’est plus acceptable !

Cinquièmement, enfin, nous devons mieux réprimer les délits. Je propose une extension du délit d’habitude afin de punir sévèrement aussi bien les récidivistes de la fraude que ceux qui récidivent dans la commission d’incivilités telles que cracher, uriner, souiller, détériorer, fumer…

Mme Sophie Primas. Très bien !

M. Philippe Tabarot. Soyons clairs sur ce que nous voulons mettre en place : tu menaces la quiétude ou la sécurité des voyageurs, tu seras désormais sanctionné !

Je propose également une interdiction de paraître, pour qu’enfin les multirécidivistes du harcèlement sexuel soient empêchés de pénétrer dans les réseaux de transport.

Mes chers collègues, tant que nombre de nos concitoyens éviteront les transports en commun pour des raisons d’insécurité, tous les financements que nous consacrerons au report modal resteront sans résultat, et aucun des trains, métros, tramways ou bus que nous ajouterons aux réseaux existants n’y changera quoi que ce soit.

Garantir la sécurité est une exigence que, je l’espère, nous partageons tous sur l’échiquier politique. Je forme ainsi le vœu que nous parvenions collectivement à dépasser nos clivages sur ce sujet. Ce sera – derechef je l’espère – tout le sens de l’arbitrage pris par le Gouvernement et entériné par la conférence des présidents consistant à retenir la procédure accélérée pour l’examen de cette proposition de loi.

La discussion du texte en commission, la semaine dernière, l’a fait évoluer, et je ne doute pas que notre débat du jour permettra des améliorations. J’ai d’ailleurs déposé un certain nombre d’amendements au texte adopté par la commission des lois, que je vous présenterai tout à l’heure. Il ne s’agit pas, j’y insiste, de nourrir la chimère du risque zéro par d’inutiles surenchères sécuritaires – ce serait illusoire. Il faut agir pour une sécurité concrète.

Mes chers collègues, en France, à bien des égards, l’histoire du transport en commun et des chemins de fer accompagne celle de la Nation. Traditionnellement, les professionnels du transport s’emparent de la sécurité, et les forces régaliennes de la sûreté. Mais cette séparation des tâches n’a pas résisté à l’épreuve du temps. La gravité de la situation impose un nouveau choc. Notre responsabilité est d’y répondre, non seulement pour endiguer ou réprimer le passage à l’acte délictueux, mais également pour protéger les citoyens usagers ; tel est notre devoir. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP. – Mme Nadège Havet applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Isabelle Florennes applaudit également.)

Mme Nadine Bellurot, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports, déposée par Philippe Tabarot et plusieurs de nos collègues en réponse aux récents drames qui se sont déroulés dans des gares à Paris ou Marseille, et encore dernièrement dans la gare de Lyon.

Ce texte vise à combler plusieurs lacunes de la législation pénale en vigueur et à octroyer aux agents des services internes de sécurité de la RATP et de la SNCF les moyens administratifs, judiciaires et opérationnels indispensables à la sécurisation efficace des transports en commun.

Sur le fond, la commission des lois ne pouvait qu’accueillir favorablement cette proposition de loi, qui reprend des dispositions déjà votées par le Sénat, notamment dans les lois dites Savary-Leroux et Sécurité globale.

Comme j’ai pu le constater au fil des auditions que j’ai menées, elle est le fruit d’une réflexion approfondie, nourrie des observations et propositions des acteurs de terrain que sont la Suge et le GPSR, qui sont en première ligne pour sécuriser nos gares et nos transports en commun.

Le législateur a régulièrement renforcé les moyens des acteurs du continuum de sécurité dans les transports, mais il s’est concentré sur la répression de la fraude tarifaire et la lutte contre le terrorisme, sans parvenir à une réponse globale en ce qui concerne la lutte contre les incivilités et la délinquance spécifique aux transports collectifs.

Les gares ferroviaires, les stations de métro et de bus, les réseaux ferrés ainsi que les véhicules de transport sont, par nature, vulnérables à différentes menaces : menace terroriste, violences sexuelles et sexistes, atteintes aux biens et aux personnes. Les gares, lieux de passages ouverts, dotés de multiples accès et concentrant une forte densité de population, comme les matériels roulants, espaces confinés et facilement accessibles, sont exposés à des risques de sûreté majeurs. Pour la seule année 2023, le ministère de l’intérieur a dénombré plus de 111 000 victimes de vols et de violences dans les transports en commun.

Pour faire face à ces spécificités, la SNCF et la RATP se sont dotées depuis longtemps de services internes de sécurité formés à des interventions et à des techniques ciblées pour ces lieux. Cependant, force est de constater que la situation actuelle reste peu satisfaisante, et même paradoxale à certains égards. Ces acteurs, qui sont essentiels au continuum de sécurité dans les transports publics, évoluent, du fait de prérogatives limitées, dans un cadre juridique inefficace. Ce cadre est source de difficultés opérationnelles et se révèle inadapté aux nouveaux modes opératoires des délinquants.

Comment expliquer que les agents de la Suge ou du GPSR doivent interrompre la poursuite d’un individu qui, pris sur le fait, s’échapperait en courant en dehors de la gare, où ils ne peuvent intervenir ? Comment expliquer que des défis consistant à monter sur le toit de rames de métro ou de bus en marche ne soient pas délictualisés ?

Enfin, je voudrais dire un mot du contexte particulier dans lequel nous légiférons : ces mesures sont rendues d’autant plus indispensables que notre pays s’apprête à accueillir, pendant près de deux mois, les jeux Olympiques et Paralympiques.

Cette proposition de loi ne tend pas à bouleverser les équilibres sur lesquels repose notre continuum de sécurité, ni remettre en cause le rôle de chacun. Son objectif principal est d’apporter des réponses concrètes et opérationnelles qui doivent permettre de renforcer la sécurité dans les transports et de remédier aux lacunes que je viens d’évoquer et que Philippe Tabarot a énumérées.

Nous avons approuvé l’économie générale du texte. La commission a toutefois porté une attention particulière à l’équilibre entre opérationnalité des mesures, garantie des droits et libertés constitutionnels et cohérence du continuum de sécurité dans lequel ces services internes de sûreté s’inscrivent.

Nous avons retenu un grand nombre de dispositions : interdiction d’entrée en gare ; peine d’interdiction de paraître dans les transports en commun ; intervention de la Suge dans les bus de substitution ; présence d’agents d’Île-de-France Mobilités (IDFM) au sein du centre de coopération opérationnelle de la sécurité (CCOS) ; pérennisation de l’usage des caméras-piétons pour les agents de la Suge et du GPSR ; élargissement du délit d’habitude aux infractions comportementales ; délictualisation de l’oubli involontaire de bagages, dès lors qu’un tel oubli aurait pour conséquence d’entraver la circulation des trains ; création d’un délit de bus surfing et de train surfing ; simplification des procédures administratives de recrutement et de contrôle des agents de ces services ; facilitation du recouvrement des amendes tarifaires.

Lorsque cela était nécessaire, la commission s’est attachée à assurer l’efficacité des outils et instruments proposés. Elle a notamment centralisé sous l’égide du préfet de police de Paris la procédure d’édiction des arrêtés permettant aux agents de la Suge et du GPSR de réaliser des palpations préventives de sécurité sur l’ensemble du territoire de la région Île-de-France, ou encore institué un droit de poursuite au bénéfice de ces mêmes agents lorsqu’un contrevenant se rend sur la voie publique après avoir commis une infraction à l’intérieur d’une emprise ou d’un véhicule.

À l’inverse, faute d’avoir pu clairement établir les gains opérationnels pour lesdits agents de certaines dispositions proposées, et dès lors que d’autres instruments ou techniques moins attentatoires aux droits et libertés existent, nous avons préféré supprimer quatre mesures : la faculté de procéder à des palpations de sécurité de manière inopinée ; la possibilité de collecter des données sensibles en dehors des cas de flagrance ; le déploiement d’instruments de captation du son au sein des véhicules ferroviaires ; l’intervention sans condition des équipes cynotechniques de la SNCF.

La commission des lois a introduit trois mesures additionnelles. Elle a ainsi prolongé la durée de validité des certifications des équipes cynotechniques, autorisé, à titre expérimental, l’usage des caméras-piétons par les conducteurs de bus, et donné la possibilité aux voyageurs de signaler rapidement des situations présentant un risque pour leur sécurité ou pour celle des autres voyageurs, via un numéro d’appel unique. Nous devons ces deux dernières initiatives au rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

Notre copie est encore perfectible sur certains points. Aussi, certaines propositions de nos collègues m’apparaissent-elles particulièrement pertinentes. Je pense notamment aux amendements de Louis Vogel et Marie-Claire Carrère-Gée, qui visent à prolonger d’un an l’expérimentation du recours aux traitements algorithmiques pour répondre aux réquisitions judiciaires, à l’amendement de Philippe Tabarot, qui vise à élargir le champ de l’interdiction de paraître dans les transports en commun et à l’amendement de Marie Mercier, qui tend à faciliter la consultation du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (Fijais) par les opérateurs de transports.

Ces initiatives permettant d’enrichir utilement le texte, j’y serai favorable.

Pour ma part, outre des amendements rédactionnels, je déposerai, comme je m’y étais engagée, un amendement visant à permettre aux agents de la Suge et du GPSR d’immobiliser des objets dangereux susceptibles de recevoir la qualification d’armes par destination. En cas de refus des personnes concernées, les agents pourront leur interdire l’accès aux véhicules ou les contraindre à en descendre.

Je me réjouis que nous ayons trouvé une voie juridiquement robuste sur ce sujet particulièrement important sans pour autant remettre en cause le transport d’objets licites dans les lieux publics que sont les gares.

À ce sujet, j’aimerais partager avec vous une réflexion plus générale que je tire des travaux que j’ai menés sur ce texte. Nous touchons ici aux limites de l’exercice. Nous pouvons nous contorsionner pour ajuster ou renforcer, ici ou là, les prérogatives des agents de la Suge et du GPSR, mais nous nous heurterons toujours au fait que les gares sont, en l’état du droit, des lieux publics. Cela limite considérablement, sur le plan juridique, nos possibilités d’agir. Je nous invite à poursuivre le travail amorcé, avec raison, par Philippe Tabarot, en menant une réflexion sur le statut de ces lieux, qui pourraient, comme cela a été fait en Espagne, devenir des lieux privés et sécurisés en conséquence.

Face à l’insécurité dans les transports, le Sénat a toujours fait preuve de responsabilité. C’est, je crois, ce même esprit qui doit aujourd’hui nous guider et nous amener, collectivement, à approuver ce texte. Doter les acteurs du continuum de sécurité de nouveaux moyens adaptés à la prise en charge des nouveaux visages de la délinquance dans les transports en commun constitue une priorité pour assurer la sécurité des Français, enjeu face auquel nous ne saurions rester passifs. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et RDSE.)