Sommaire

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Sonia de La Provôté, M. Mickaël Vallet.

1. Procès-verbal

2. Hommage à Robert Badinter, ancien sénateur

M. le président

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

3. Gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection ; modification de la loi organique n° 2010-837. – Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi et d’un projet de loi organique dans les textes de la commission modifiés

Vote sur l’ensemble

M. Patrick Chaize

M. Aymeric Durox

M. Cédric Chevalier

M. Pascal Martin

Mme Antoinette Guhl

Mme Marie-Claude Varaillas

M. Jean-Yves Roux

Mme Nadège Havet

M. Sébastien Fagnen

projet de loi relatif à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire

Adoption, par scrutin public solennel n° 118, du projet de loi dans le texte de la commission, modifié.

projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la constitution

Adoption, par scrutin public solennel n° 119, du projet de loi organique dans le texte de la commission, modifié.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Suspension et reprise de la séance

4. Mise au point au sujet d’un vote

5. Avenir de notre modèle agricole. – Débat organisé à la demande du groupe Les Républicains

M. Laurent Duplomb, pour le groupe Les Républicains

M. Pierre Médevielle ; Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Franck Menonville ; Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Daniel Salmon ; Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Mme Marie-Claude Varaillas ; Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Henri Cabanel ; Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Bernard Buis ; Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Jean-Claude Tissot ; Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Christian Klinger

PRÉSIDENCE DE M. Mathieu Darnaud

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire

M. Jean-François Longeot ; Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Lucien Stanzione ; Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Olivier Rietmann ; Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Mme Laurence Garnier ; Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Stéphane Ravier ; Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Conclusion du débat

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire

M. Daniel Gremillet, pour le groupe Les Républicains

Suspension et reprise de la séance

6. Mises au point au sujet de votes

7. Sûreté dans les transports. – Discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale :

M. Philippe Tabarot, auteur de la proposition de loi

Mme Nadine Bellurot, rapporteure de la commission des lois

M. Hervé Reynaud, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable

M. Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports

M. Pierre Jean Rochette

Mme Isabelle Florennes

M. Guy Benarroche

M. Pierre Barros

Mme Véronique Guillotin

M. Olivier Bitz

M. Christophe Chaillou

Mme Marie-Claire Carrère-Gée

M. Joshua Hochart

M. Olivier Jacquin

Mme Else Joseph

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

M. Thomas Dossus

Amendements identiques nos 41 de M. Guy Benarroche et 61 de M. Pierre Barros. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 33 rectifié de Mme Isabelle Florennes. – Adoption de l’amendement rédigeant l’article.

Amendement n° 71 rectifié bis de M. Philippe Tabarot. – Devenu sans objet.

Amendement n° 53 rectifié de Mme Marie-Claire Carrère-Gée. – Devenu sans objet.

Amendement n° 79 de la commission. – Devenu sans objet.

Amendement n° 42 de M. Guy Benarroche. – Devenu sans objet.

Amendement n° 72 rectifié bis de M. Philippe Tabarot. – Devenu sans objet.

Amendement n° 80 de la commission. – Devenu sans objet.

Amendement n° 55 rectifié de Mme Marie-Claire Carrère-Gée. – Devenu sans objet.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Sophie Primas

8. Mises au point au sujet de votes

9. Sûreté dans les transports. – Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Article 2

M. Marc Laménie

Amendement n° 54 rectifié de Mme Marie-Claire Carrère-Gée. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 3

Amendement n° 56 rectifié de Mme Marie-Claire Carrère-Gée. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Après l’article 3

Amendement n° 21 rectifié bis de M. Pierre Jean Rochette. – Retrait.

Amendement n° 22 rectifié bis de M. Pierre Jean Rochette. – Retrait.

Amendement n° 23 rectifié bis de M. Pierre Jean Rochette. – Retrait.

Article 4 – Adoption.

Article 5

Amendement n° 7 rectifié ter de M. Pierre Jean Rochette. – Retrait.

Amendement n° 8 rectifié ter de M. Pierre Jean Rochette. – Retrait.

Adoption de l’article.

Après l’article 5

Amendement n° 9 rectifié ter de M. Pierre Jean Rochette. – Retrait.

Amendement n° 10 rectifié ter de M. Pierre Jean Rochette. – Retrait.

Amendement n° 19 rectifié ter de M. Pierre Jean Rochette. – Rejet.

Amendement n° 20 rectifié bis de M. Pierre Jean Rochette. – Rejet.

Amendement n° 28 rectifié bis de M. Pierre Jean Rochette. – Retrait.

Amendement n° 29 rectifié bis de M. Pierre Jean Rochette. – Retrait.

Article 6

Amendements identiques nos 40 de M. Guy Benarroche et 69 de M. Pierre Barros. – Rejet des deux amendements.

Adoption de l’article.

Article 7

Amendement n° 62 de M. Pierre Barros. – Rejet.

Adoption de l’article.

Après l’article 7

Amendement n° 52 rectifié bis de M. Philippe Bas. – Rejet.

Article 8

Amendement n° 63 de M. Pierre Barros. – Rejet.

Amendement n° 45 de M. Thomas Dossus. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 8 bis (nouveau)

Amendement n° 64 de M. Pierre Barros. – Retrait.

Amendement n° 46 de M. Thomas Dossus. – Retrait.

Adoption de l’article.

Après l’article 8 bis

Amendement n° 17 rectifié ter de M. Pierre Jean Rochette. – Retrait.

Article 8 ter (nouveau)

M. Marc Laménie

Adoption de l’article.

Article 9

Amendements identiques nos 47 de M. Thomas Dossus, 65 de M. Pierre Barros et 76 rectifié de M. Christophe Chaillou. – Rejet des trois amendements.

Amendement n° 81 de la commission. – Adoption.

Amendements identiques nos 1 rectifié septies de M. Louis Vogel et 59 rectifié de Mme Marie-Claire Carrère-Gée. – Adoption des deux amendements.

Adoption de l’article modifié.

Après l’article 9

Amendement n° 30 rectifié ter de M. Pierre Jean Rochette. – Retrait.

Article 10 (supprimé)

Amendement n° 34 rectifié de Mme Isabelle Florennes. – Adoption de l’amendement rétablissant l’article.

Amendements identiques nos 24 de Mme Lauriane Josende et 32 rectifié bis de M. Francis Szpiner. – Devenus sans objet.

Article 11 (supprimé)

Amendements identiques nos 4 rectifié sexies de M. Louis Vogel, 25 de Mme Lauriane Josende, 31 rectifié bis de M. Francis Szpiner et 35 rectifié de Mme Isabelle Florennes. – Retrait des quatre amendements.

Amendement n° 60 rectifié de Mme Marie-Claire Carrère-Gée. – Retrait.

Amendement n° 73 rectifié bis de M. Philippe Tabarot. – Adoption de l’amendement rétablissant l’article.

Article 12

Amendements identiques nos 36 de M. Guy Benarroche, 66 de M. Pierre Barros et 77 rectifié de M. Christophe Chaillou. – Rejet des trois amendements.

Amendement n° 37 de M. Guy Benarroche. – Rejet.

Amendements identiques nos 3 rectifié sexies de M. Louis Vogel et 74 rectifié bis de M. Philippe Tabarot. – Retrait des deux amendements.

Amendement n° 57 rectifié de Mme Marie-Claire Carrère-Gée. – Adoption.

Amendement n° 82 de la commission. – Adoption.

Amendements identiques nos 48 de M. Guy Benarroche et 67 de M. Pierre Barros. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 49 de M. Guy Benarroche. – Rejet.

Adoption de l’article modifié.

Article 13

Amendement n° 75 rectifié bis de M. Philippe Tabarot. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 14

M. Olivier Jacquin

Amendements identiques nos 43 de M. Jacques Fernique et 78 rectifié de M. Christophe Chaillou. – Rejet des deux amendements.

Amendements identiques nos 50 rectifié bis de Mme Véronique Guillotin et 68 de M. Pierre Barros. – Rejet des deux amendements.

Adoption de l’article.

Article 15 – Adoption.

Après l’article 15

Amendements identiques nos 5 rectifié de M. Emmanuel Capus et 51 rectifié bis de M. Étienne Blanc. – Retrait des deux amendements.

Amendement n° 6 rectifié de M. Emmanuel Capus. – Retrait.

Intitulé du chapitre V

Amendement n° 84 de la commission. – Adoption de l’amendement rédigeant l’intitulé.

Article 16 – Adoption.

Article 17

Amendement n° 83 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 18

Amendement n° 38 de M. Guy Benarroche. – Rejet.

Adoption de l’article.

Après l’article 18

Amendement n° 70 rectifié bis de Mme Marie Mercier. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Article 19

Amendement n° 39 de M. Guy Benarroche. – Rejet.

Adoption de l’article.

Après l’article 19

Amendements identiques nos 2 rectifié septies de M. Louis Vogel et 58 rectifié de Mme Marie-Claire Carrère-Gée. – Rejet des deux amendements.

Vote sur l’ensemble

M. Philippe Tabarot

Mme Maryse Carrère

M. Jacques Fernique

M. Christophe Chaillou

M. Jean-François Longeot

M. Guy Benarroche

M. Olivier Bitz

M. Pierre Jean Rochette

M. Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports

Adoption, par scrutin public n° 120, de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

10. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Sonia de La Provôté,

M. Mickaël Vallet.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente-cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Hommage à Robert Badinter, ancien sénateur

M. le président. Messieurs les ministres, mes chers collègues, chers anciens collègues, cher président Bel – que je distingue dans notre tribune d’honneur –, c’est avec une profonde émotion et une grande tristesse que nous avons appris, le 9 février dernier, la disparition de notre ancien collègue Robert Badinter. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et M. le ministre délégué chargé de lindustrie et de lénergie, se lèvent.)

Robert Badinter fut un homme d’État au parcours exceptionnel. Il marqua de son empreinte non seulement notre assemblée, mais notre histoire tout entière.

Chacun de nous sait ce que nous devons à cet homme à l’engagement sans faille.

Robert Badinter vécut la justice avec exaltation. Quand il l’évoquait, il vibrait de toute son âme. Les Français retiendront ses brillantes plaidoiries, la force de ses discours à l’Assemblée nationale et ici, au Sénat.

Robert Badinter connaissait la magie des mots, magie capable à elle seule de donner du souffle à son idéal républicain. Toute sa vie il s’en servit pour défendre les libertés publiques.

Son combat le plus emblématique fut, bien entendu, celui en faveur de l’abolition de la peine de mort.

En 2016, il avait souhaité remettre aux archives du Sénat l’exemplaire – que vous pouvez voir sur les écrans de l’hémicycle – corrigé de sa main du discours qu’il avait prononcé trente-cinq ans auparavant, le 28 septembre 1981, en qualité de garde des sceaux, à la tribune de notre assemblée, à quinze heures. Lors de cette cérémonie, il souligna que l’essentiel du débat ne s’était pas déroulé à l’Assemblée nationale, qui était alors de gauche, mais bien ici au Sénat.

Ce discours, qu’il nous a confié en dépôt, fut l’un des moments importants de l’histoire parlementaire française de la seconde moitié du XXe siècle. En cela, ce fut un moment politique, au sens le plus noble du terme.

Les Français restaient majoritairement attachés à la peine de mort en 1981. Elle avait été prononcée à huit reprises dans les années précédentes. Et pourtant, Robert Badinter savait que l’honneur du Parlement n’est pas le suivi systématique de l’opinion, mais au contraire qu’il devait l’éclairer.

Un propos à méditer, pour aujourd’hui et demain…

Il termina son discours dans notre hémicycle par ces mots : « [S]i vous considérez, en conscience, qu’aucun homme n’est totalement coupable, qu’il ne faut pas désespérer de lui pour toujours, que notre justice, comme toute justice humaine, est nécessairement faillible et que tout le progrès de cette justice a été de dépasser la vengeance privée et la loi du talion, alors vous voterez pour l’abolition de la peine de mort. »

Plusieurs sénateurs exprimèrent au cours de ce débat une véritable émotion et des sentiments personnels, presque intimes. Robert Badinter déclara alors : « J’ai entendu des propos qui traduisaient souvent des convictions, parfois aussi des émotions respectables et même profondes. »

Mais l’émotion réelle ne l’a pas emporté sur la réflexion et la détermination des votes. Et après trois jours de débat, c’est la responsabilité politique qui l’a emporté. Les sénateurs « ont eu pour conscience de voter en leur âme et conscience et ils ont aboli la peine de mort ».

Celui qui fit abolir la peine de mort, après un discours inscrit à jamais dans les annales du Parlement, plaida dans les prétoires, des années durant, jusqu’à la limite – vous le savez – de ses forces.

Il milita avec la même détermination aux côtés de François Mitterrand et de Pierre Mauroy.

Il fut aussi celui qui dépénalisa l’homosexualité.

Garde des sceaux exigeant, puis président du Conseil constitutionnel, il incarna une autorité morale et politique que nul n’a jamais songé à contester.

Il fut un républicain exigeant, vouant, au-delà de ses propres convictions, un respect sans faille à la loi, toujours attentif aux plus vulnérables.

Quatorze ans plus tard, Robert Badinter siégera dans cet hémicycle. Sénateur des Hauts-de-Seine, il fut un membre éminent du groupe socialiste et de la commission des lois.

Chacune de ses interventions était écoutée avec respect.

Avec Josselin de Rohan, Robert Badinter fut à l’origine de notre comité de déontologie parlementaire, qu’il me proposa à l’automne 2008. Il en fut d’ailleurs le premier président, de 2009 à 2011.

Il a construit l’indépendance et l’impartialité de cet organe pluraliste, dans lequel tous les groupes politiques du Sénat sont représentés. Il s’attacha à dégager les grands principes déontologiques – indépendance, laïcité, assiduité, dignité, probité, intégrité – qui forment le socle de nos valeurs.

En 2007, il fut naturellement désigné rapporteur du projet de loi constitutionnelle relatif à l’interdiction de la peine de mort. L’inscription, sur l’initiative du Président Jacques Chirac, de cette interdiction dans la Constitution ferma définitivement la porte à la peine capitale.

Jusqu’à son dernier souffle, Robert Badinter continua sans relâche de se battre en faveur de l’abolition universelle de la peine de mort avec la même conviction que dans l’hémicycle de notre Haute Assemblée.

En 2011, au cours d’une séance exceptionnelle consacrée ici même au trentième anniversaire du vote définitif par le Sénat du projet de loi portant abolition de la peine de mort, il déclarait ceci : « Ma conviction est absolue : comme la torture, dont elle est l’expression ultime, la peine de mort est vouée à disparaître de toutes les législations. Et les générations nouvelles verront un monde libéré de la peine de mort. »

En relisant l’original de son discours de 1981, chacune, chacun d’entre vous, mes chers collègues, se verra transmettre cette force qui l’a animé. Vous pourrez ainsi reprendre le flambeau, le flambeau de l’humanisme et de la liberté.

Conscient qu’il fallait dans certains cas aller au-delà de la simple coopération traditionnelle entre États, il défendit au nom de la commission des lois des textes instaurant notamment des tribunaux universels.

Il se prononça ainsi en faveur de la création d’un tribunal international en vue de juger les actes de génocide commis au Rwanda.

Il plaida ensuite pour la création de la Cour pénale internationale, estimant qu’une juridiction permanente serait « un progrès considérable dans la lutte contre l’impunité des criminels contre l’humanité ».

Il fut, enfin, le rapporteur de la proposition de loi proposant d’édifier, dans la Clairière des fusillés au mont Valérien, un monument qui porterait le nom des résistants et des otages fusillés dans ces lieux entre 1940 et 1944. Il s’agissait selon lui d’un « acte de piété, de mémoire », de lever un « voile de silence et d’oubli ».

Robert Badinter souhaitait ce faisant que les jeunes générations puissent se souvenir qu’étaient ainsi morts des femmes et des hommes aux « convictions politiques, philosophiques, religieuses différentes, mais qui, tous, étaient unis dans le même amour de la France et de la liberté et qui ont donné leur vie pour qu’elles-mêmes puissent vivre libres ».

Le 9 juin 2022, nous étions ensemble au Sénat, échangeant avec des élèves d’une école élémentaire de Schiltigheim à propos d’un ouvrage que Robert Badinter avait préfacé, intitulé Abécédaire républicain, à la suite du drame de l’assassinat de Samuel Paty. Il rappelait – je le cite – que « [l]a laïcité […], c’est d’abord l’expression de notre Liberté ».

Jusqu’au bout, il défendit les valeurs de la République, ces valeurs auxquelles sa grand-mère Idiss était si attachée. Dans le beau livre qu’il lui a consacré, il évoque le sentiment de trahison ressenti par sa famille, par son père surtout, si fier d’être devenu citoyen français, citoyen de la patrie des droits de l’homme, après avoir fui les pogroms d’Europe orientale, père qui mourut, comme tant d’autres membres de sa famille, exterminé par la barbarie nazie, avec la complicité du régime de l’État français.

Au fond, Robert Badinter restera sans doute cet éternel écorché vif qui aura gardé à jamais ses blessures d’enfant juif. Mais il restera cet infatigable combattant de la liberté !

Robert Badinter marquera à jamais notre assemblée et notre pays.

J’ai le souvenir de son discours d’adieu, ici, en septembre 2011. « La fonction qui, à mon sens, doit être celle de tout parlement dans une démocratie : être le phare qui éclaire les voies de l’avenir, et non le miroir qui reflète les passions de l’opinion publique. » Voilà, après quinze ans passés au Sénat, comment il résumait son action et ses grands combats.

À ses anciens collègues, j’exprime notre sympathie. À tous ceux qui l’ont connu, au-delà de cet hémicycle, j’adresse mes pensées.

À son épouse, Élisabeth Badinter, envers laquelle j’ai un immense respect et qui a rejoint notre marche le 12 novembre dernier, ici même au Sénat, à ses enfants, à toute sa famille et à tous ceux qui ont partagé ses engagements, je souhaite redire la part que le Sénat prend à leur tristesse et à leur chagrin. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre et M. le ministre délégué, observent une minute de silence.)

La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, sans être long, sans préempter les autres moments d’hommage prévus, je souhaite, en quelques mots, rendre hommage à mon tour à Robert Badinter, un honnête homme, un juste, un Mensch ; rendre hommage à l’avocat au sens le plus noble du terme ; rendre hommage à l’homme des grandes causes humanistes, à l’homme de l’abolition de la peine de mort, à l’homme de l’abrogation du délit d’homosexualité, au défenseur du droit des victimes, à la conscience des conditions carcérales.

Je souhaite rendre hommage au serviteur de l’État et au politique : au garde des sceaux qu’il a été, au président du Conseil constitutionnel et au sénateur qui a éclaboussé cet hémicycle de son talent oratoire.

Je souhaite rendre hommage à l’intellectuel, à l’enseignant engagé pour les Lumières, au biographe de Condorcet.

La France perd une conscience française : l’un de ces hommes pour qui le progrès n’est pas un mot vain, puisqu’il en a été un artisan actif et inébranlable ; l’un de ces hommes qui ont parlé au cœur de la France, patrie des droits de l’homme, avec les mots et les valeurs qui nous rassemblent ; l’un de ces hommes qui ont donné à la politique ses lettres de noblesse, car la politique est toujours noble quand elle défend la justice et quand elle fait avancer les causes humanistes.

Une conscience française, enfin, car Robert Badinter n’hésitait pas à nous mettre face à nos démons, à nos bassesses, à nos renoncements collectifs, passés et présents. C’était une vigie de la justice. On se souvient de son fameux : « Vous m’avez fait honte ! » À cet avertissement du grand homme, à ce rappel que le pire dans l’Histoire est toujours possible, la France ne peut que répondre : « Monsieur Badinter, vous nous avez rendus fiers. »

M. le président. Merci, monsieur le ministre.

3

Gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection ; modification de la loi organique n° 2010-837

Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi et d’un projet de loi organique dans les textes de la commission modifiés

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutins publics solennels sur le projet de loi relatif à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire (projet n° 229, texte de la commission n° 301, rapport n° 300, avis n° 296) et sur le projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution (projet n° 230, texte de la commission n° 302, rapport n° 300, avis n° 296).

La procédure accélérée a été engagée sur ces textes.

Mes chers collègues, je vous rappelle que ces deux scrutins s’effectueront depuis les terminaux de vote. Je vous invite donc à vous assurer que vous disposez bien de votre carte de vote et à vérifier que celle-ci fonctionne correctement en l’insérant dans votre terminal de vote. Vous pourrez vous rapprocher des huissiers pour toute difficulté.

Avant de passer au vote, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui ont été inscrits pour expliquer leur vote.

Vote sur l’ensemble

 
 
 

M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Patrick Chaize. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les projets de loi ordinaire et de loi organique proposent trois réformes techniques, destinées à accompagner la relance de la filière française du nucléaire, actée par la loi du 22 juin 2023 relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, dite loi Nouveau nucléaire.

La première réforme est la fusion de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) au sein d’une même autorité, l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR). La suivante est la simplification des règles de la commande publique pour les projets nucléaires. La dernière est le repositionnement du haut-commissaire à l’énergie atomique (HCEA).

Ce texte a mobilisé la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, saisie au fond de la première réforme, et la commission des affaires économiques, saisie pour avis de la première réforme et au fond des deux autres.

Je remercie MM. les présidents de commission et M. le rapporteur Pascal Martin.

Lors de l’examen de la loi Nouveau nucléaire, le Gouvernement avait déposé à l’Assemblée nationale deux amendements visant à fusionner l’ASN et l’IRSN. En commission mixte paritaire, le rapporteur de la commission des affaires économiques avait expurgé le texte de toute référence à la fusion. De plus, sa présidente avait saisi l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst). En rejetant les amendements présentés à la hâte par le Gouvernement, le Sénat, par un vote massif, avait refusé une réforme mal anticipée et mal évaluée. En saisissant l’Opecst, nous avions remis les parlementaires au cœur des enjeux.

Pour ce nouveau projet de réforme, le Gouvernement n’a pas vraiment changé de méthode : il a affiché un souverain mépris pour la représentation nationale. Entre la désignation du nouveau Premier ministre, le 8 janvier dernier, et l’examen du texte, mercredi dernier, il s’est écoulé un mois… Un mois de vacance du pouvoir ! En effet, nous n’avions ni ministre identifié ni direction compétente. Le Gouvernement a refusé d’être auditionné, à rebours de tous les usages. L’absence de cabinet a empêché des échanges en amont et des retours dans les temps ; cela a nui à nos travaux préalables et, plus généralement, à la clarté et à la sincérité des débats. Or le sujet sur lequel nous légiférons est bien trop sérieux pour une telle improvisation.

Monsieur le ministre, vous avez évoqué la semaine passée la simplification normative. Nous partageons tous ici cet objectif. Cependant, simplifier les normes ne signifie pas enjamber le Parlement. Les amendements parlementaires, a fortiori sénatoriaux, ne sont pas un obstacle à la mécanique bien huilée de vos projets de réforme. Ils sont au contraire un gage d’exigence juridique, d’expérience politique et d’acceptabilité sociale. Nous avons tout à gagner à accepter la délibération, à se frotter à la contradiction, à rechercher le compromis.

Sur le fond, cependant, le nouveau projet de réforme est plus abouti que le précédent : il est le fruit du rapport de l’Opecst, d’une dizaine de consultations et d’un an de concertations. Il arrive au moment crucial de la relance du nucléaire, le Gouvernement devant proposer de nouvelles régulation et programmation énergétiques, dans un projet de loi sur l’énergie et dans la programmation pluriannuelle de l’énergie.

Nous soutenons aujourd’hui, dans son principe, le nouveau projet de réforme. Parce qu’il vise à fluidifier les procédures d’instruction, à sûreté inchangée, il est indispensable à la relance du nucléaire. Certes, les modalités du projet posent des défis, en matière de continuité des procédures, de valorisation des compétences et de maintien des standards. Pour autant, à terme, le projet est de nature à renforcer la confiance du public, car la nouvelle autorité sera une autorité administrative indépendante (AAI).

Dans le cadre de mes travaux, en tant que rapporteur de la commission des affaires économiques, j’ai entendu une quarantaine de personnalités, lors d’une vingtaine d’auditions.

J’ai proposé à notre commission trente-sept amendements, répartis selon quatre axes : consolider la gouvernance de la filière du nucléaire, simplifier les règles de la commande publique, tirer les conséquences des travaux relatifs à la loi Nouveau nucléaire et conforter l’organisation de l’autorité de sûreté. Ainsi, vingt-cinq amendements ont été adoptés en commission et six en séance publique.

Le premier axe de mes travaux vise à consolider la gouvernance de la filière du nucléaire, en renforçant les attributions et le fonctionnement du haut-commissaire et en prévoyant que le Parlement puisse le saisir pour avis et se prononcer sur sa désignation.

Le recours à la procédure de l’article 13 de la Constitution n’a d’ailleurs rien d’inédit. Je sais, monsieur le ministre, que cela vous a agacé. Toutefois, elle a déjà été appliquée par voie d’amendements parlementaires, puis à des instances comparables au HCEA, et enfin au secteur du nucléaire. Soixante-dix-neuf ans après sa création par le général de Gaulle, l’objectif est de faire du HCEA la vigie de la relance du nucléaire.

Le deuxième axe tend à simplifier les règles de la commande publique des projets nucléaires, en confortant les dérogations prévues en matière d’allotissement, de durée des accords-cadres et de règles de publicité et de concurrence, et en ajoutant un critère de crédibilité et une possibilité d’avenant.

Ces souplesses sont nécessaires pour prévenir tout risque d’interface, de rupture et, in fine, de surcoût. Un retard d’un mois sur un réacteur peut engendrer 100 millions d’euros de surcoût, selon EDF.

Un autre axe consiste à tirer les conséquences de la loi Nouveau nucléaire, en proposant d’appliquer les recommandations du rapport de l’Opecst et de réintroduire des dispositions visant à appliquer une règle de parité dans le collège de l’autorité et une règle de publicité dans sa commission des sanctions. Voilà un gage de cohérence.

Grâce au dernier axe, nous proposons de conforter l’organisation de l’autorité de sûreté, notamment en matière de garantie d’indépendance et de déontologie, de séparation entre les processus d’expertise et de contrôle, de publication des rapports et des décisions ou d’association de l’Opecst et des commissions parlementaires permanentes. Nous avons aussi consacré l’indépendance de l’autorité, en complétant son intitulé, et sanctuarisé ses activités régaliennes, en prohibant le recours, pour ces dernières, aux personnels étrangers.

Pour conclure, le projet de réforme, tel qu’amendé, mérite d’être soutenu ; je vous invite donc à l’adopter. Quoi qu’il en soit, monsieur le ministre, le Gouvernement devra, dans d’autres véhicules législatifs et dans d’autres débats, concrétiser enfin la relance du nucléaire. Vous pourrez compter sur la vigilance du Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Aymeric Durox, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

M. Aymeric Durox. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce projet de fusion entre l’ASN et l’IRSN arrive à son terme, avec bien du retard, cet après-midi. Il y a une quinzaine d’années, le Président Sarkozy avait envisagé cette réforme, mais l’incident de Fukushima l’avait fait reculer, sur ce sujet comme sur tant d’autres. Il faut dire que l’IRSN s’était peu à peu transformé en jouant les Cassandre de l’apocalypse nucléaire, diffusant ici et là parmi le public des informations alarmistes, instillant le doute dans la population, outrepassant bien souvent ses prérogatives, par excès de sûreté voire de militantisme.

Nous pouvons par exemple évoquer le rôle de l’institut dans l’étude sur l’efficacité de la station de surveillance des rejets de la centrale de Chinon, après qu’il avait été interpellé par une association antinucléaire en 2019 – cette étude aura duré deux longues années et coûté 650 000 euros – ; ou bien son rôle dans l’arrêt de quatre réacteurs de la centrale du Tricastin en 2017 ; ou encore dans le retard considérable pris sur le chantier de l’EPR de Flamanville en 2018. Ce, chaque fois, pour des motifs fortement contestés par les autres acteurs de la filière nucléaire. Tous ces épisodes ont généré des pertes de dizaines de millions d’euros.

Cependant, le plus dommageable intervient en 2021, quand l’IRSN oblige EDF à fermer un grand nombre de réacteurs à cause de corrosions découvertes sur des circuits, alors que l’opérateur propose de faire les contrôles tout en continuant la production d’électricité. Cette obstination de l’IRSN aura pour conséquence directe la perte de plus de 30 milliards d’euros et un renchérissement considérable de notre facture d’électricité au moment où éclate la guerre en Ukraine, dont nous subissons encore les conséquences.

La majorité présidentielle n’est évidemment pas en reste dans cette succession de mauvaises décisions, elle qui aura commencé en 2017 en fermant Fessenheim, alors que tous les spécialistes affirmaient que cette centrale pouvait fonctionner encore pendant des années, cédant là aussi à un principe de précaution excessif, pour de basses considérations électoralistes.

Sept ans plus tard, cette même majorité présidentielle a une fois de plus retourné sa veste et est devenue pronucléaire, redécouvrant subitement l’un des seuls avantages comparatifs industriels de notre pays.

Que de temps perdu depuis sept ans ! Que dis-je ? Depuis vingt-sept ans déjà, et l’arrêt dramatique, en 1997, du programme Superphénix, qui nous aurait donné trente ans d’avance.

Pourtant, les défis ne manquent pas pour redonner à la France sa place de leader dans le nucléaire, afin d’avoir une énergie décarbonée, pilotable et sûre, tels que la construction de nouveaux réacteurs à eau pressurisée, les EPR2, le développement de petits réacteurs modulaires, les SMR, à sels fondus, au sodium, ou le soutien à différents programmes de recherche comme Jules Horowitz ou Iter, avec en ligne de mire la maîtrise de la fusion d’ici à la fin du siècle, énergie propre et quasi infinie, qui permettra de mettre définitivement au placard tous les décroissants antisciences de notre époque.

Nous voterons donc pour ce projet de loi, mais en espérant que la Macronie ne se reniera pas dans six mois et conservera ce cap pronucléaire dont notre pays a besoin. (M. Joshua Hochart applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Cédric Chevalier, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Cédric Chevalier. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, voilà deux ans quasiment jour pour jour, le Président de la République Emmanuel Macron déclinait la feuille de route de demain dans son discours de Belfort, afin de « reprendre en main notre destin énergétique ».

Le groupe Les Indépendants adhère totalement à ce véritable enjeu de souveraineté nationale. La France, l’Europe, et même la planète ont besoin d’énergies renouvelables puissantes, bien développées et bien implantées. La relance d’un nucléaire innovant, efficace et sûr y contribuera.

Cette vision équilibrée doit maintenant s’accompagner d’actes. Si le Président de la République nous a donné la direction, nous devons désormais élaborer un plan clair de navigation.

Depuis février 2022, les lois votées ont contribué à en former l’architecture et les contours. La prochaine étape est attendue rapidement et avec un intérêt tout particulier par la Chambre haute. Le projet de loi Souveraineté énergétique permettra à toute la structure de tenir pour les prochaines années.

Il ne faut pas se le cacher, cela représente un véritable effort financier pour notre pays sur des dizaines d’années à venir. Il nous faut développer des technologies nouvelles, tout en maintenant nos installations existantes le plus longtemps possible et dans la sécurité.

Ce dernier point est d’ailleurs particulièrement remis en question par le changement climatique, le manque d’eau ou encore les canicules.

Tous ces défis ne peuvent donc se passer de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, qui font partie intégrante de la relance. La déclinaison de ce programme ne doit pas nous faire oublier un point essentiel, à savoir l’approbation des populations. Pour que les habitants continuent à accepter la présence du nucléaire sur leur territoire, ils ont besoin d’être rassurés en termes de sécurité et de sûreté.

Je le dis d’autant plus facilement que mon département partage ses frontières avec plusieurs départements à enjeux nucléaires forts : je pense aux centrales de l’Aube et des Ardennes, mais aussi aux recherches menées dans le traitement des déchets en Haute-Marne.

Travailler à la gouvernance de cette sûreté fait donc partie des fondations de la relance du nucléaire, et ce projet de loi y contribue. Je salue, à ce titre, l’engagement du Gouvernement, les travaux menés par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, ainsi que nos débats en commission et en séance publique.

La nouvelle entité de sûreté nucléaire et de radioprotection aura une tâche immense face à elle. Avant d’envoyer ce texte devant l’Assemblée nationale, nous pouvons déjà relever des points de satisfaction.

Le premier volet que j’aborderai ici est le règlement intérieur. Les garanties qui sont désormais présentes dans le texte dessinent un cadre. Nous y sommes et y serons attentifs, tant il y va de la réussite de la fusion des deux entités. Le recours à des groupes permanents d’experts et la mise en place d’une commission d’éthique et de déontologie sont des éléments positifs.

Messieurs les ministres, mes chers collègues, ces structures sont composées de femmes et d’hommes. Permettez-moi à cet égard de citer un Angevin bien connu, Jean Bodin : « Il n’est de richesse que d’hommes. » Organiser une fusion, c’est d’abord réunir dans une nouvelle entité des professionnels qui, parfois, n’ont ni la même culture, ni la même histoire, ni la même approche du travail.

Si la stratégie développée ici est d’aller vite pour gagner en efficacité, il faut toutefois faire attention à ce que l’urgence du projet n’entraîne pas des difficultés pour les personnels en place. Ils jouent un rôle essentiel dans la stratégie nucléaire et dans la stratégie énergétique de notre pays. S’ils ne se retrouvent pas dans la nouvelle entité, la fusion échouera et nous perdrons du temps, de l’argent et des compétences.

Je le répète, les personnels des deux entités doivent donc trouver leurs places, afin de rester engagés, fidèles et professionnels, comme ils l’étaient dans leurs instances initiales.

Nous devrons également faire attention à l’attractivité des professions de la future agence. Comme le disait mon collègue Pierre Jean Rochette lors de la discussion générale, nous avons la chance de former des profils d’excellence. Ce sont eux qui font la force de notre nucléaire français. Tout l’enjeu est qu’ils veuillent bien demeurer chez nous afin de mettre leur cerveau au service de la France.

C’est grandiloquent, je vous l’accorde, mais, in fine, c’est la souveraineté de notre pays qui est en jeu.

Le second volet que je souhaite aborder est celui du fonctionnement externe et de la transparence, pan majeur en termes d’acceptation par la population. Certes, le nucléaire fait peur à nombre d’entre nous, alors même que nous savons à quel point il est nécessaire à notre pays.

Parler de transparence dans la sûreté, c’est surtout en faire une réalité, afin que les Français adhèrent à la relance du nucléaire.

Selon moi, la nouvelle agence sera un exemple du genre. La France est déjà un leader mondial dans ce domaine, et doit le rester. Rendre publics des rapports d’activité et permettre aux institutions d’y avoir accès est une bonne chose.

Le fonctionnement externe comprend aussi un lien privilégié avec la filière du nucléaire, afin de connaître les innovations, développer la recherche et s’assurer de l’effectivité des dispositifs de sûreté et de radioprotection.

Cependant, il convient de rester vigilant s’agissant des conflits d’intérêts - ce projet de loi traite cette question.

La mise en place de la nouvelle agence sera confrontée à de nombreux défis. Elle est toutefois nécessaire, dans la mesure où l’indépendance énergétique est devenue une question de survie dans un monde où les tensions s’accumulent. Il faut pouvoir offrir aux Français des énergies répondant aux objectifs bas carbone et sûres.

Parce que nous pensons que ce texte répond en grande partie à ces objectifs, dans le cadre d’ambitions clairement affichées et de dispositifs plutôt équilibrés, notre groupe votera en sa faveur. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Martin, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Pascal Martin. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, voilà quelques semaines, à l’amorce de l’examen du projet de loi et du projet de loi organique, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable s’était fixé une priorité essentielle : maintenir notre sûreté nucléaire au niveau d’exigence le plus élevé possible, en l’adaptant aux enjeux de notre décennie et de celles à venir.

L’excellence de notre système de sûreté nucléaire est reconnue par tous. Toutefois, vous le savez, il fait face à une charge sans précédent. Dans les années 1970, le plan Messmer avait conduit à la construction d’un parc nucléaire en quelques années. Aujourd’hui, le défi est tout autre : la sûreté nucléaire devra à la fois s’adapter au chantier inédit du programme nucléaire gouvernemental, poursuivre l’exploitation du parc nucléaire existant et prévenir les risques liés au changement climatique.

Face à ce flux de demandes, une réforme était nécessaire. Tout en garantissant un niveau d’exigence le plus élevé possible, la réforme de la gouvernance de la sûreté devra renforcer l’efficacité des procédures, s’adapter à l’évolution des acteurs du nucléaire, avec l’essor des start-up, améliorer la réponse en cas de crise, clarifier la communication auprès du public et, enfin, renforcer l’attractivité des métiers de la sûreté.

Le texte initial du Gouvernement permettait-il d’atteindre l’objectif que notre commission s’était fixé, à savoir le maintien de notre sûreté nucléaire au niveau d’exigence le plus élevé possible, en l’adaptant aux enjeux de notre décennie et de celles à venir ? Il nous a semblé que tel n’était pas le cas.

J’ai donc proposé, en tant que rapporteur de ce texte, des ajustements au projet du Gouvernement pour parvenir à un équilibre, qui me semble aujourd’hui satisfait, par une approche à charge et à décharge. Je nourris toutefois un regret majeur, celui de n’avoir pu auditionner en commission le ministre chargé de ce dossier.

Première amélioration notable : la distinction entre expertise et décision.

Le projet de loi introduisait, dans sa rédaction initiale, un recul, d’abord sur la méthode, en renvoyant le sujet au règlement intérieur de la future autorité, et surtout sur le fond, en prévoyant une distinction des « processus » d’expertise et de décision uniquement dans le cas d’une prise de décision par le collège, soit trente dossiers par an, contre trois cents dossiers à l’heure actuelle.

Un redémarrage de centrale nucléaire n’aurait ainsi plus fait l’objet d’une expertise distincte du reste de l’instruction ! La version que nous nous apprêtons - du moins l’espèré-je - à adopter préservera la fluidité permise par la fusion des deux entités, l’ASN et l’IRSN, tout en garantissant la confrontation des doutes, indispensable à la sûreté.

Notre texte étend tout d’abord le champ de la distinction entre expertise et décision à l’ensemble des dossiers à enjeux, et non pas seulement aux trente sujets annuels nécessitant une décision du collège.

Nous nous sommes également assurés que le signataire de l’expertise ne sera pas le signataire de la décision.

Par ailleurs, nous avons garanti, sur un dossier donné, que les personnels chargés de l’expertise, d’une part, et ceux qui seront chargés de la décision, d’autre part, soient bien identifiés, sans pour autant recréer au sein de la nouvelle autorité un pôle « expertise » distinct d’un pôle « décision ».

Enfin, nous avons renforcé l’expertise tierce, en donnant une assise juridique forte aux groupes permanents d’experts, les GPE, comme le proposait le rapport de l’Opecst.

Deuxième amélioration essentielle : le maintien d’un niveau exigeant de transparence.

En renvoyant au règlement intérieur les modalités de publication des résultats des activités d’expertise de la nouvelle autorité, le projet de loi initial comportait des risques de recul en la matière, puisqu’il n’était pas certain que l’exigence de publication soit conservée, et encore moins qu’elle soit renforcée.

Comme le proposait le rapport de l’Opecst, nous avons donc inscrit dans la loi un principe de publication des résultats d’expertise.

Troisième amélioration : nous avons contribué au maintien des activités de recherche au sein de la nouvelle autorité.

Le projet de loi initial comportait des risques pour la conduite de ces activités, qui sont le socle de l’expertise en matière de sûreté et de radioprotection.

Nous avons fort heureusement adopté plusieurs amendements visant à prévenir les conflits d’intérêts, en permettant au président de l’autorité de donner délégation de pouvoir aux services pour la signature de conventions, afin de faciliter son déport sur les conventions signées avec les industriels. Cela a été rappelé, nous avons aussi créé une commission d’éthique et de déontologie.

Le quatrième risque induit par le texte initial était relatif à l’association du Parlement et de la société civile. Nous avons, là aussi, redressé le projet de loi, en prévoyant d’associer à l’élaboration du règlement intérieur l’Opecst, le Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN), l’Association nationale des commissions et comités locaux d’informations (Anccli), et les commissions permanentes compétentes des deux assemblées.

Enfin, avec ce texte, nous améliorons sensiblement la gestion de crise et apportons une clarification indispensable dans le domaine de la communication.

Je tiens à remercier l’ensemble des membres de notre commission, en particulier son président, Jean-François Longeot, ainsi que le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, Patrick Chaize, et le président de l’Opecst, Stéphane Piednoir.

Je salue également le ministre Christophe Béchu, qui a dû s’approprier ce dossier complexe en un temps record – c’est un euphémisme !

M. Emmanuel Capus. Excellent ! (Sourires.)

M. Rachid Temal. Quel talent ! (Mêmes mouvements.)

M. Pascal Martin. Nous aurions préféré travailler davantage en amont sur ce dossier essentiel.

Je forme désormais le vœu que la version sénatoriale puisse rapidement prospérer à l’Assemblée nationale. En effet, faut-il le rappeler, le texte prévoit un début d’application de la réforme au 1er janvier 2025.

Vous l’aurez compris, le groupe UC votera le projet de loi et le projet de loi organique. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.  M. Emmanuel Capus applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Antoinette Guhl, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Antoinette Guhl. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, chacun se souvient du 11 mars 2011 et de son horreur absolue. Le Japon est alors frappé par un séisme et un tsunami dévastateur, qui provoquent une catastrophe nucléaire à la centrale de Fukushima.

Permettez-moi de vous rappeler quelques chiffres : 7, niveau d’accident le plus élevé sur l’échelle internationale des événements nucléaires, comparable au niveau de Tchernobyl ; 154 000, nombre de personnes évacuées de la zone entourant la centrale nucléaire ; des centaines de milliards de dollars, coût estimé de la catastrophe.

Je ne parle pas de l’impact de l’événement sur les populations et l’environnement, des contaminants radioactifs ayant été libérés dans l’air, l’eau et le sol. Il s’est agi d’une contamination étendue et d’une catastrophe aux conséquences irréversibles.

La sûreté nucléaire est une affaire sérieuse. En France, nous avons la chance extraordinaire de disposer de 1750 femmes et hommes ayant pour mission l’expertise, la recherche, la protection, l’anticipation et le partage d’informations au service des pouvoirs publics et de la population. Il s’agit d’un établissement public à caractère industriel et commercial singulier et d’une exception à la française.

C’est aussi une méthode à la française – je reviendrai sur ce point –, qui repose sur une sûreté nucléaire adaptative et non normative, sur un système dual préservant l’expertise de la décision.

Sa singularité réside dans la collaboration entre chercheurs et experts, pour anticiper les évolutions et maîtriser les risques nucléaires et radiologiques.

Cette force, monsieur le ministre, c’est celle des 1 750 femmes et hommes de l’IRSN, et vous avez décidé de la démanteler ! Vous muselez la recherche, qui vous met en garde contre vos coups d’accélérateur insensés au risque de compromettre notre sûreté et la sécurité des Françaises et des Français.

Vous accélérez, mais le débat parlementaire est entravé. L’examen de ce texte n’a pas bénéficié du temps nécessaire, aucun ministre n’a été auditionné en commission, et les débats ont été expédiés en six heures et trente minutes. Une telle situation justifie la question préalable présentée au nom de notre groupe par Ronan Dantec.

« Accélérer, toujours accélérer, quitte à réduire la sécurité » : ce constat a été annoncé à dix-huit heures quinze. Quelques heures plus tard, à une heure du matin, le débat s’est achevé.

Vous êtes prêts à abîmer la sécurité collective, au nom d’impératifs hors sol. Je pense notamment au calendrier serré dans lequel vous vous inscrivez. Qui peut imaginer une mise en œuvre sérieuse et sûre au 1er janvier 2025 ? En à peine dix mois, vous voulez fusionner deux organisations primordiales pour la sûreté nucléaire. Ce n’est pas sérieux, monsieur le ministre !

Vous voulez tout attaquer en même temps. Votre relance du nucléaire est risquée. Flamanville est d’ores et déjà un gouffre financier et une débâcle. Quant à la prolongation de la durée de vie de nos centrales vieillissantes, elle constitue, en elle-même, un véritable défi.

La situation exige donc de ne pas tergiverser et de faire preuve de prudence pour éviter la catastrophe. Il ne convient pas de passer en force !

Vous l’aurez compris, nous sommes profondément opposés à ce texte, qui est dangereux.

Toutefois, la commission des affaires économiques et la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable ont tenté d’améliorer cette réforme. Les risques ont été soulignés et des garde-fous identifiés par les rapporteurs Patrick Chaize et Pascal Martin.

Comme l’a dit Daniel Salmon, nous resterons attentifs au cours de la navette parlementaire, pour éviter tout recul, notamment sur le sujet primordial de la séparation des compétences entre expertise et prise de décision, sur l’obligation de publication des résultats d’expertise avant les décisions, sur le maintien des partenariats de recherche entre l’ASNR et les acteurs industriels du secteur, et, enfin, sur l’information du Parlement et des citoyens, qui est le fondement même de la confiance des citoyens envers la sûreté nucléaire.

Vous avez systématiquement renvoyé des dispositions importantes au règlement intérieur. Nous n’approuvons pas ces renvois, qui excluent de fait les parlementaires et la société civile. Mais vous n’écoutez pas, nous le savons bien.

L’Opecst, comme de nombreux organismes consultés, a averti que la transition vers une nouvelle organisation pourrait « poser des difficultés ».

Mais vous n’écoutez pas : peu importe ce que vous disent les experts, vous imposez, sans écouter. Au détriment de la sûreté nucléaire, la recherche est mise sous tutelle, les corps intermédiaires sont muselés, les associations, les syndicats, les organisations non gouvernementales (ONG), les élus locaux et même, parfois, le Parlement, sont piétinés.

C’est le cœur même de la pensée politique jupitérienne : pour avancer, écraser. Vous l’avez fait pour la réforme de l’âge de la retraite, que ni les Françaises ni les Français - ni nous-mêmes, d’ailleurs - n’avons digérée.

Vous avez remis en cause la gouvernance du Conseil d’orientation des retraites ; vous agissez de même avec la « mise en pause » du plan éco-phyto.

La semaine dernière, des chercheurs et scientifiques de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), et de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) ont dénoncé la « mise au placard » de leur travail, alors que la santé des populations est en jeu.

Vous faites le contraire de ce qui est préconisé par les scientifiques. Certes, vous l’assumez, mais c’est irresponsable.

Monsieur le ministre, oui, nous sommes contre le nucléaire, mais nous sommes pour la sûreté nucléaire. Écoutez toutes celles et ceux qui vous alertent. La relance nucléaire est une impasse financière et les risques associés demandent de la démocratie et du temps.

La souveraineté énergétique que vous appelez de vos vœux est un leurre ! Je le rappelle, la dernière mine française d’uranium a fermé ses portes en mai 2001.

J’ai commencé par vous rappeler la catastrophe de Fukushima, parce que toutes vos décisions, toutes nos décisions, devraient être construites autour de la maîtrise du risque d’accident nucléaire. (Marques dimpatience sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

Plus que jamais, notre opposition à ce texte persiste. Malgré les efforts faits pour atténuer certains risques, nous vous invitons à refuser la fin de notre modèle d’expertise…

M. le président. Il faut conclure.

Mme Antoinette Guhl. … et de contrôle et à ne pas voter en faveur de ce projet de loi aussi inachevé que dangereux. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme Marie-Claude Varaillas. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la relance et le développement de la filière nucléaire ne pourront se faire que dans la plus grande transparence et avec la confiance de nos concitoyens. L’efficacité et la crédibilité du système de contrôle de la sûreté nucléaire sont une condition indispensable à l’emploi de cette énergie. C’est une obligation morale, mais aussi légale. L’article 7 de la Charte de l’environnement et les conventions internationales dont nous sommes parties prenantes nous obligent.

Or, malgré des débats riches et de qualité, les oppositions à ce projet de loi sont renforcées et les doutes légitimes quant au bien-fondé de la fusion entre l’ASN et l’IRSN subsistent.

En effet, nous ne savons toujours pas pourquoi le Gouvernement veut remettre en cause un système de sûreté qui fonctionne et a fait ses preuves. L’IRSN mène des expertises en sûreté nucléaire et éclaire l’ASN, qui, de son côté, prend des décisions administratives. Ce modèle, qui repose, d’une part, sur une autorité administrative et, d’autre part, sur une expertise indépendante, est souvent cité en exemple à l’étranger.

Notre interrogation est partagée non seulement par les personnels des deux organisations, mais aussi par le HCTISN, qui regrette qu’il n’y ait pas eu d’analyse complète des forces et faiblesses de l’organisation actuelle avant toute modification et fusion.

Ce point constitue également un élément central de l’avis du comité d’éthique et de déontologie de l’IRSN, pour qui les objectifs de cette réorganisation restent, pour une large part, peu explicites.

Nous ne savons toujours pas pourquoi le Gouvernement prend le risque de déstabiliser profondément la gouvernance de la sûreté nucléaire, à l’heure où les chantiers sont énormes : poursuite de l’exploitation des réacteurs au-delà de quarante ans, voire soixante ans, construction de nouveaux réacteurs, d’installations d’entreposage du combustible et de stockage géologique. Je pense également à l’apparition de nouveaux acteurs privés, qui engagent la conception de petits réacteurs, les SMR, dans le cadre du programme France 2030.

Nous ne savons toujours pas quel sera le sort fait aux salariés de l’IRSN et aux fonctionnaires de l’ASN. Nos amendements sur ces sujets – l’un d’eux prévoyait le maintien d’une proportion de fonctionnaires au moins égale à l’existant dans la nouvelle autorité – ont été déclarés irrecevables ou balayés d’un revers de la main. Pourtant, la question est cruciale pour le maintien d’une culture administrative indispensable à l’exercice des missions régaliennes et des pouvoirs de police en matière de contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection.

S’agissant des salariés de l’IRSN, ce projet de loi entraîne une hémorragie de départs. Le Gouvernement n’a été capable ni d’instaurer un véritable dialogue avec les personnels ni de faire preuve d’une certaine clarté sur ses motivations.

Quels moyens, quels budgets sont prévus pour cette nouvelle entité ? Nous ne le savons pas, alors même que l’IRSN fonctionne depuis de nombreuses années avec un budget réduit et que la charge de travail à venir – tous les acteurs le reconnaissent – mettra le système de contrôle sous tension.

En revanche, nous savons que l’indépendance de l’expertise n’est pas assurée et que le renvoi au règlement intérieur n’est pas satisfaisant.

Vous avez refusé de préciser, comme nous vous invitions à le faire, que l’expertise ne sera pas soumise au dogme de la faisabilité industrielle et du bilan coût/avantage, tout comme vous refusez la mise en place d’un pilotage de la recherche, au travers d’un conseil scientifique et d’un comité d’orientation des recherches avec de nombreuses parties prenantes.

Nous savons également que la transparence n’est pas assurée. À cet égard ; comme le soulignent de nombreux avis, « la loi fait très peu de cas de la société civile », alors que, à l’aune d’une relance du nucléaire, il est temps de lui donner une place et de lui montrer qu’elle est considérée comme « partie prenante » de cette relance historique.

Or vous avez refusé de conforter le principe de publication des avis en amont de la décision, tout comme vous avez refusé la mention explicite de la charte d’ouverture à la société, que l’IRSN partage avec de nombreux organismes, dont l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), l’Inrae et Santé publique France, piliers du dialogue avec la société civile.

Nous savons aussi que le Gouvernement et la majorité sénatoriale ont refusé la prise en compte explicite des travailleurs sous-traitants, ces nomades du nucléaire, surexposés aux risques et au phénomène de « gestion de l’emploi par la dose ». Tout en reconnaissant leur caractère indispensable et leur exposition, vous refusez de les nommer. Or les nommer, c’est les reconnaître !

Enfin, le fait de séparer les expertises de sûreté des installations civiles de celles de défense présente le risque de voir diverger les approches de sûreté entre ces installations.

La transparence et la politique d’ouverture à la société sont des acquis institutionnels incontestables, fruits d’un long travail des acteurs de la sûreté nucléaire. La réforme pourrait les remettre en cause sans justification pertinente.

La sûreté nucléaire, c’est un contrat de confiance entre la société tout entière, les exploitants et les instances de contrôle. L’ASN et l’IRSN renforcent ce contrat de confiance, du fait même de la séparation claire de leurs rôles respectifs : d’une part, l’analyse scientifique des risques et, d’autre part, l’exercice de la prise de décision. Vous prenez le risque, monsieur le ministre, de rompre ce contrat.

C’est sans doute d’une véritable autorité publique indépendante que nous aurions eu besoin, une autorité qui veille à protéger les droits des citoyens sans être soumise à l’autorité de l’État, ce qui lui permettrait d’exercer ses missions de manière impartiale et libre de tout conflit d’intérêts. Or vous étiez réticent au simple ajout du mot « indépendance » pour désigner la future ARSN !

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, ce texte est à rebours de notre exigence d’une gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection au service de l’intérêt général et non pas du seul volet « relance de la filière nucléaire ». (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Jean-Yves Roux. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le Sénat est particulièrement chanceux d’avoir pu examiner le premier ce projet de loi, qui engage pour quelques décennies notre souveraineté énergétique, nos engagements de développement durable, mais aussi, car il convient d’être pragmatique, la vie quotidienne de nos administrés.

Comme vous le savez, le groupe RDSE apprécie, plus que tout, le débat, ainsi que les propos nuancés, et ce d’autant plus quand ils concernent le nucléaire.

Le débat qui nous anime aujourd’hui n’est d’ailleurs pas d’être pour ou contre la relance de notre filière nucléaire. Je le rappelle, le Sénat s’est déjà positionné sur ce point en votant en mai dernier, avec une large majorité, la loi relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires.

Il s’agit bien ici de la réforme de notre système de sûreté nucléaire. Ce système, dans sa configuration actuelle, duale, a acquis une reconnaissance nationale et internationale. Il agit en toute indépendance, transparence et impartialité, au service de l’intérêt général, et bénéficie de la confiance de nos concitoyens, pierre angulaire de l’acceptabilité sociale du nucléaire.

Cette transparence n’était pourtant pas tout à fait au rendez-vous quand, il y a tout juste un an, il a été proposé au sein du conseil de politique nucléaire, puis glissé dans un amendement à l’Assemblée nationale, de faire adopter cette réforme. Je suis heureux que le Parlement ait pu ainsi reprendre sa place, au côté de l’exécutif.

Car, si la relance historique de notre filière nucléaire exige de nous que nous repensions et adaptions l’organisation de notre sûreté nucléaire, les débats qu’elle suscite sont essentiels puisque, rappelons-le, faire la démonstration de la sûreté d’un système, c’est aussi le confronter au doute.

Nous comprenons l’ambition, l’intention, la volonté portées par cette réforme, dans un contexte où le nombre de dossiers à traiter sera appelé à croître de façon inédite.

Néanmoins, je dois avouer que j’ai eu bien du mal, et beaucoup de mes collègues avec moi, à me forger une conviction solide quant à la pertinence du projet de loi qui nous est soumis. Force est de reconnaître que beaucoup de questions demeurent, après analyse du texte, malgré le travail exigeant en commission ; le débat n’est sans doute pas clos, notamment sur le plan budgétaire.

Je souhaite vivement que nous gardions en tête l’objectif de ne pas ébranler un système qui, par sa dualité et sa fiabilité, a tissé un véritable lien de confiance avec les Français, condition sine qua non pour que cette relance historique de la filière se fasse de manière optimale.

À ce titre, il faut louer les travaux effectués par le Sénat, qui s’est efforcé d’ériger les garde-fous nécessaires au manque de transparence, en mettant en place les conditions d’une séparation nécessaire entre experts et décideurs. C’est un apport législatif majeur dont je salue la pertinence.

Nous avons atteint aujourd’hui une position d’équilibre, préservant la fluidité, l’optimisation et l’efficience des processus décisionnels – c’était l’objectif de cette fusion –, tout en garantissant la confrontation des doutes indispensables à la sûreté.

Toutefois, comme l’a rappelé mon collègue Raphaël Daubet lors de la discussion générale, le risque perdure, malgré l’engagement sincère des sénateurs, de créer tout simplement un nouveau système bicéphale au sein d’une entité fusionnée, recréant ainsi les risques de paralysie que cette réforme voulait outrepasser.

À rechercher un équilibre parfait entre, d’une part, l’amélioration de l’efficience des procédures et, d’autre part, le maintien de notre sûreté nucléaire au niveau d’exigence et de transparence le plus élevé possible, cette fusion prend le risque d’entraîner une désorganisation du fonctionnement de deux organismes qui ont appris au fil des années à travailler en bonne intelligence.

Il existe, nous le savons, quelques alternatives à la nécessité de refonte de la gouvernance de notre sûreté nucléaire. Je pense ici à une augmentation substantielle des ressources de l’IRSN et de l’ASN pour garantir leur soutenabilité sur le long terme, à la poursuite de l’effort d’augmentation des moyens humains pour ces deux entités, tout en revoyant leurs politiques de ressources humaines afin de renforcer l’attractivité de leurs métiers. Sans doute pouvons-nous aller plus loin, notamment par un engagement budgétaire constant. Nous y serons attentifs.

À l’inverse, avec la fusion, nous attendons des réponses quant à la perte du statut d’établissement public industriel et commercial (Épic) de l’IRSN, qui complexifiera l’obtention des financements issus des partenariats autorisés par ce statut, voire en privera la recherche en sûreté nucléaire.

Quid du problème de sous-traitance de la part des exploitants, qui engage la problématique de la sûreté nucléaire dans sa globalité ? L’ASN s’est déjà fendue d’un rapport très critique vis-à-vis d’EDF dans lequel elle a estimé que l’électricien public ne fait pas respecter les standards de construction de « haute qualité » par ses sous-traitants.

Nous entendons bien les partisans de la simplification et de l’efficacité ; leurs remarques, dans un contexte exceptionnel, ont du sens. Toutefois la mise en place d’une nouvelle architecture plus incertaine du contrôle de la sûreté nucléaire ne doit pas entraîner un bouleversement synonyme de perte de confiance de nos concitoyens.

Mes chers collègues, il ne s’agit pas ici de réduire le nombre de normes applicables aux haies, mais il s’agit bien de sûreté nucléaire.

Si nous nous rejoignons pleinement quant à la nécessaire évolution de notre système, nous n’avons toutefois pas l’assurance que la réponse apportée par la fusion soit la plus appropriée, qui plus est dans ce contexte d’urgence, avec la perspective d’un prochain EPR en 2035, alors que le travail administratif d’intégration peut perdurer quelques années.

Le nucléaire a un rôle clé à jouer dans notre politique énergétique, au même titre que la sobriété énergétique, l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables. Or notre mix énergétique doit répondre aux exigences d’une énergie décarbonée, pilotable, disponible et sûre.

Si le RDSE, vigilant, verra ses votes s’exprimer de manière hétérogène, soyez assuré, monsieur le ministre, qu’ils seront sous-tendus par la volonté commune d’une sûreté nucléaire renforcée, indépendante et transparente, et ce quelle qu’en soit son organisation, en vue d’affronter ce contexte hors norme lié à la relance de notre filière nucléaire. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme Nadège Havet, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Nadège Havet. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, faire de la France le premier grand pays industriel au monde à sortir de sa dépendance aux énergies fossiles alors que ces dernières représentent encore près de deux tiers de notre consommation d’énergie finale : tel est l’objectif.

Pour relever ce défi, nous n’avons pas le choix : il nous faudra accélérer massivement la production d’énergies décarbonées, nucléaires comme renouvelables. C’est tout le sens des deux lois d’accélération sur les énergies renouvelables et sur le nucléaire que nous avons votées l’année dernière.

C’est tout le sens aussi de la réforme du marché européen de l’électricité, qui permet de mettre ces énergies décarbonées, dont le nucléaire, au cœur des politiques européennes. Je salue d’ailleurs le travail d’Agnès Pannier-Runacher sur ces sujets.

Au Sénat, nous n’avons pas le nucléaire honteux. La création d’une délégation de programme interministérielle au nouveau nucléaire, les crédits d’investissement massifs des plans France Relance et France 2030 en faveur du nucléaire et la tenue de conseils de politique nucléaire sont des signaux très positifs pour notre filière.

Mais cette relance du nucléaire doit nous permettre de répondre à plusieurs enjeux : réduire nos émissions grâce à la production d’une énergie décarbonée ; baisser la facture pour les ménages ; tenir nos engagements de sortie des énergies fossiles ; participer à la réindustrialisation de la France puisque les chantiers EPR2 seront en effet les plus importants d’Europe ; renforcer la souveraineté énergétique de notre pays dans un contexte géopolitique de plus en plus instable.

Une France souveraine face aux instabilités géopolitiques est une France qui maîtrise sa production. Si l’histoire du nucléaire a été un véritable succès, bénéficiant d’un large niveau de confiance, c’est avant tout grâce au cadre de sûreté mis en place, un cadre de sûreté qui repose d’abord sur la responsabilité des exploitants ainsi que sur une organisation permettant un contrôle indépendant.

Toutefois, comme l’ont souligné de nombreux collègues lors de l’examen du texte, le contexte que nous avons devant nous est complètement hors norme, en termes tant de volumes que de complexité.

Durant les prochaines années et les prochaines décennies, nous devrons faire face à plusieurs défis : la prolongation du parc existant ; le développement du nouveau nucléaire français avec les EPR2 et les SMR ; la construction de nouvelles solutions de stockage des déchets.

Alors que nous n’avons lancé qu’un chantier d’EPR2 en France depuis vingt ans, c’est un changement de paradigme complet qui requiert un niveau de sûreté optimal et inchangé pour être réussi et accepté par nos concitoyens. Il s’agit aussi d’un enjeu industriel clé, avec 100 000 emplois à créer en dix ans.

Pour toutes ces raisons, réformer la gouvernance de notre sûreté nucléaire apparaît aujourd’hui nécessaire. Après la loi relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, ce texte est tout aussi important pour remettre notre pays sur la bonne trajectoire énergétique.

Ce projet de loi fait suite à un premier débat qui s’est tenu en début d’année dernière lors de l’examen du texte d’accélération du nucléaire, sur la base d’un amendement gouvernemental qui n’avait malheureusement pas été présenté au Sénat. Le groupe RDPI se félicite qu’une réflexion de plus long terme sur un enjeu aussi important ait pu avoir lieu avec un rapport parlementaire de grande qualité de notre collègue Stéphane Piednoir (Ah ! sur des travées du groupe Les Républicains.) et du député Jean-Luc Fugit, pour le compte de l’Opecst.

De nombreuses consultations publiques ont également pu être menées avant la présentation du projet de loi en Conseil des ministres.

Afin d’assurer une pleine maîtrise industrielle, et des standards de qualité et de sûreté au plus haut niveau imaginable dans ce contexte, le Gouvernement a fixé quatre objectifs qui sont autant de principes ayant guidé l’examen de ce texte : l’amélioration de l’efficience des procédures ; l’indépendance de l’autorité par rapport aux exploitants nucléaires et au Gouvernement ; une transparence renforcée vis-à-vis du public ; l’amélioration de l’attractivité des métiers.

Le 31 janvier dernier, nous avons entamé en commission l’examen du projet de loi. La plupart des cinquante-sept amendements adoptés concernent les articles 1er à 5 sur l’organisation de la nouvelle autorité.

Une grande partie de ces modifications visent à apporter des précisions afin de répondre aux inquiétudes exprimées, notamment concernant la séparation entre les activités d’expertise et de décision au sein de la future autorité, ainsi que sur la publication des avis d’expertise.

Notre commission a également introduit au sein de la future autorité une commission d’éthique et de déontologie composée de personnes extérieures qualifiées, comme cela existe actuellement pour l’IRSN. Elle sera chargée de conseiller le collège pour la rédaction du règlement intérieur, d’en suivre l’application et de prévenir les conflits d’intérêts.

Suivant encore une recommandation de l’Opecst, un amendement déposé par les deux rapporteurs, dont je salue le travail, vise à pérenniser l’existence de groupes permanents d’experts, nommés en raison de leurs compétences, dont les modalités de nomination resteront précisées dans le règlement intérieur. En séance, cette version du texte a été largement reconduite.

Au regard du calendrier, trois points nécessitent une attention particulière dans le contexte d’une activité démultipliée : le respect de l’engagement d’un rattrapage des salaires des salariés et contractuels publics ; l’accompagnement des changements majeurs dans les procédures de travail, pour les 500 fonctionnaires et contractuels de droit public de l’ASN et les plus de 1 600 salariés de droit privé de l’IRSN, dans une configuration inédite pour une autorité administrative indépendante ; la mise en œuvre claire des dispositions sociales qui figurent dans le projet de loi.

Le groupe RDPI salue la plupart des évolutions intervenues par voie d’amendements et se prononcera majoritairement en faveur du projet de loi et du projet de loi organique. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Sébastien Fagnen, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Sébastien Fagnen. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, un an après une tentative avortée de fusion brutale et cavalière de l’Autorité de sûreté nucléaire et de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire menée à l’Assemblée nationale par le Gouvernement, nous sommes réunis aujourd’hui afin de nous prononcer sur la réforme de la gouvernance de la sûreté nucléaire dans notre pays. Durant cette année, que s’est-il passé ?

L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques a remis un rapport dont la qualité est indéniable, mais où l’examen d’un scénario d’un renforcement du système dual actuel demeure insuffisant pour un examen complet et une décision claire sur l’avenir de la gouvernance de la sûreté nucléaire.

À cela s’ajoute l’absence totale d’audition ministérielle au sein de nos commissions respectives de l’aménagement du territoire et du développement durable, et des affaires économiques. Cela a d’ailleurs été rappelé avec conviction et justesse par la présidente Dominique Estrosi Sassone en ouverture des débats, mercredi dernier. (Excellent ! sur des travées du groupe Les Républicains.)

Les lacunes évoquées ont motivé le dépôt puis le vote d’une question préalable et d’une motion de renvoi en commission avec nos collègues du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky et du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires. Cette démarche peu commune est le symbole parmi d’autres du parcours législatif chaotique et précipité de ce texte.

Je tiens tout particulièrement à rappeler en cet instant que notre opposition à cette réforme ne traduit pas un rejet du nucléaire et de sa relance, contrairement à ce qu’a pu dire ici même le Gouvernement la semaine dernière. C’est un parlementaire qui est né, qui a grandi et qui vit dans un département façonné par l’industrie nucléaire comme aucun autre en France qui vous le dit aujourd’hui. De la production d’électricité au retraitement des déchets, les milliers d’ouvriers de la presqu’île du Cotentin ont toujours cultivé une haute opinion de cette filière d’excellence.

C’est bien là le cœur de notre opposition. Loin d’être raisonnée, cette réforme est à rebours de l’histoire du nucléaire français. Elle est marquée du sceau de la précipitation, une précipitation nécessairement mauvaise conseillère lorsqu’il s’agit de la sûreté d’une industrie non conventionnelle, plus encore quand celle-ci est à la croisée des chemins d’une relance sans précédent.

Cette précipitation, puisque la fusion doit impérativement être effective au 1er janvier 2025, serait justifiée par la quête d’une fluidité présentée comme indispensable à la réussite de la relance de la filière nucléaire. Or à aucun moment du débat parlementaire, y compris lors de l’audition du président de l’ASN, pourtant lui-même favorable à la réforme, cette fluidité ne sera apparue comme garantie par la fusion. Elle est et demeure un vœu pieux. C’est même le contraire qui paraît en découler, avec un aveu presque unanime jusque dans les rangs des partisans de la fusion d’une désorganisation annoncée de la sûreté, au moment où notre pays en a le plus besoin.

Alors que le système dual actuel a fait toutes ses preuves, est internationalement reconnu et ne demande qu’à être conforté, alors que nous entrons dans une décennie décisive pour la filière nucléaire avec le développement des EPR2 et des SMR, pouvons-nous nous offrir le luxe et courir le risque d’une désorganisation profonde et durable de la sûreté nucléaire ? La réponse est assurément non !

Nous le disons ici solennellement : il ne peut y avoir de relance de la filière nucléaire sans la confiance de nos concitoyens, et cette confiance ne saurait être possible sans la garantie de la transparence.

Nous n’ignorons pas la défiance qui peut habiter l’esprit de nos concitoyens et la façon dont le doute sur la véracité des faits peut s’insinuer en eux quand il s’agit de nos institutions, qu’elles soient politiques, scientifiques ou industrielles. Il nous appartient donc de fatiguer ce même doute par une exigence de transparence sans cesse réaffirmée.

Or, avec cette réforme, le compte n’y est pas. Le rejet de nos amendements sur la publication des expertises en amont de la prise de décision ou le refus d’une garantie d’indépendance fonctionnelle pour les personnes chargées de l’expertise dans la future ASNR sont autant de mauvais signaux sur le modèle de gouvernance de la sûreté défendu par le Gouvernement.

C’est le sens de l’avis formulé par l’Anccli, qui craint en effet une remise en cause de la stabilité et de la confiance acquises au fil des ans, et sur lesquelles repose l’adhésion de nos concitoyens à la filière.

La Cour des comptes, l’Anccli, le HCTISN, la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d’environnement (CNDASPE) ou de nombreux experts de la filière se sont émus et ont fait part de leurs réserves, si ce n’est de leur opposition franche au projet de loi.

Mes chers collègues, nous sommes donc appelés à nous prononcer aujourd’hui sur une réforme dont personne ne perçoit les bénéfices, mais dont chacun identifie les méfaits. Cela a été souligné avec force et à maintes reprises par mes collègues Gilbert-Luc Devinaz et Franck Montaugé durant la discussion générale et lors de la défense de nos amendements.

Soyons à l’écoute des premiers concernés, les salariés de l’IRSN et de l’ASN. Ils ne s’opposent pas à la fusion par conservatisme, par inertie ou par souci de défendre coûte que coûte le statu quo. Leur rejet trouve sa source dans leur travail quotidien au service de la recherche, de l’expertise et de la sûreté nucléaire.

Ces femmes et ces hommes sont engagés dans une filière exigeante ; et c’est au nom de cette même exigence qu’ils refusent de voir un modèle de gouvernance efficace être démantelé du jour au lendemain.

La multitude des avis négatifs formulés à l’égard de ce projet de loi et ses conséquences non maîtrisées doivent nous interroger. La seule voie envisageable pour la gouvernance de la sûreté est celle d’une décision nourrie par l’apport d’un temps de réflexion long et concerté.

Ne cédons pas à l’urgence. Donnons à l’IRSN et à l’ASN les moyens budgétaires de l’ambition d’une relance réussie de la filière nucléaire. Confortons leurs missions pour que la triangulation avec l’exploitant, le premier garant de la sûreté, soit maintenue et renforcée. Confions aux deux entités les ressources financières nécessaires pour attirer et conserver en leur sein les compétences rares. Bref, garantissons-leur les moyens adéquats et proportionnés pour faire face à la montée en charge programmée.

Mes chers collègues, il n’y aurait pas, d’un côté, l’impérieuse nécessité de la fusion et, de l’autre, la faiblesse du statu quo. La seule certitude à ce jour est la désorganisation consécutive d’une fusion menée à marche forcée.

Fidèle à son exigence d’un nucléaire sûr, fondé sur l’indépendance de l’expertise, la transparence des instances, le respect des salariés et la confiance de nos concitoyens, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera donc résolument contre cette réforme, non seulement inutile, mais aussi néfaste ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE-K. – M. Jean-Luc Brault applaudit également.)

projet de loi relatif à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire

M. le président. Mes chers collègues, il va être procédé, dans les conditions prévues par l’article 56 du règlement au scrutin public solennel sur l’ensemble du projet de loi relatif à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire dans le texte de la commission, modifié.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 118 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 326
Pour l’adoption 228
Contre 98

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la constitution

M. le président. Mes chers collègues, il va être procédé, dans les conditions prévues par l’article 56 du règlement au scrutin public solennel sur l’ensemble du projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution dans le texte de la commission, modifié.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 119 :

Nombre de votants 333
Nombre de suffrages exprimés 319
Pour l’adoption 222
Contre 97

Le Sénat a adopté.

La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avant toute chose, je remercie le président Longeot, la présidente Estrosi Sassone, le rapporteur Pascal Martin et le rapporteur pour avis Patrick Chaize.

Le Sénat vient d’adopter un texte important. Vous l’avez voté en votre âme et conscience. Vous avez su remettre droit un processus qui – je le dis sans pratiquer la langue de bois – n’avait pas été initié dans de bonnes conditions par le Gouvernement.

M. Stéphane Piednoir. Là, nous sommes d’accord !

M. Christophe Béchu, ministre. À la suite du rejet par le Parlement, un nouveau travail a commencé. Je salue à la fois Sophie Primas (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.), le président de l’Opecst, Stéphane Piednoir (Mêmes mouvements.), ainsi que toutes celles et tous ceux qui ont pris le temps d’examiner de manière transpartisane un projet qui va bien au-delà d’une question de statut entre deux structures.

Oui, le nucléaire dans notre pays est à la fois un objet de fierté et d’indépendance.

M. Mickaël Vallet. C’est bien récent !

M. Christophe Béchu, ministre. Les conditions de son examen, de son contrôle, de sa sûreté, nécessitent d’avoir un regard qui soit à la fois le plus large et le plus transpartisan possible.

J’ai entendu, au cours des heures de débats qui ont eu lieu au sein de cette assemblée sénatoriale dont on connaît la liberté et l’exigence – et dont j’ai eu un avant-goût dès l’entame des discussions –, des arguments de fond ; j’ai entendu aussi d’autres explications de la part de ceux qui avaient déjà, dans une première vie, refusé la création de l’ASN en avançant des arguments similaires à ceux qu’ils utilisent aujourd’hui pour défendre le statu quo et s’opposer à la fusion.

À partir du moment où notre pays est engagé dans un programme de relance du nucléaire, nous ne saurions, compte tenu de l’ampleur de la tâche qui nous attend, avoir des instances de sûreté uniquement façonnées par l’existant.

Quand on assume la poursuite de l’exploitation de cinquante-six réacteurs nucléaires, quand on relance la construction d’EPR2, quand on relance des programmes de recherche autour des SMR, quand on a comme ambition la consolidation de l’amont et de l’aval du cycle du combustible, il importe de mettre à niveau notre modèle et de le réinterroger.

La dualité entraînait des complexités d’interface inévitables, un risque de partage des compétences au moment où nous en avons besoin, des processus et des outils distincts, sources de lourdeur.

Je salue la façon dont vous avez amélioré ce texte. Le travail conduit par Pascal Martin et Patrick Chaize a permis des avancées sur la question de l’articulation et de la distinction entre expertise et décision. Vous avez su trouver une rédaction permettant de couvrir un champ équivalent à celui du travail d’expertise de l’IRSN, soit plus de 300 avis rendus par an.

Je salue également les garanties en matière de transparence sur l’activité d’expertise interne qui se poursuivra au sein de la future autorité indépendante de sûreté nucléaire et de radioprotection. Je salue aussi l’amélioration des règles de parité au sein du collège de l’ASNR, ainsi que la clarification des termes entre agents et salariés.

Il demeure, bien sûr, des points de divergence, en particulier sur la place du règlement intérieur. Le Gouvernement est en effet attaché à ce que l’ASNR conserve la souplesse qui avait été accordée à l’ASN au moment de sa création en 2006. Des questions subsistent également sur le statut du haut-commissaire à l’énergie.

Quoi qu’il en soit, la qualité de nos échanges la semaine dernière me rend confiant dans le fait que nous saurons trouver un chemin dans le cadre de la navette parlementaire. Nous le devons eu égard aux ambitions énergétiques et climatiques de notre pays, mais nous le devons aussi aux milliers de personnes qui travaillent aujourd’hui pour l’ASN et pour l’IRSN.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte témoigne, comme celui que vous avez voté l’année dernière, de la détermination du Gouvernement et de la Haute Assemblée de donner à notre pays les moyens de réussir la relance de la filière nucléaire, tout en maintenant l’excellence de la sûreté et de la sécurité de nos installations. C’est une relance qui est plébiscitée par nos concitoyens et qui nous est rappelée par l’urgence climatique.

Je terminerai mon propos par la demande que vous avez formulée, les uns et des autres, de manière insistante, et même parfois presque touchante (Sourires.), au début de nos débats : vous avez réclamé qu’un ministre se tienne à vos côtés durant tout le processus parlementaire. En ayant fait amende honorable sur les circonstances m’ayant empêché d’être cet interlocuteur gouvernemental au cours de la phase précédente, je ne suis pas venu seul cet après-midi devant vous. (Ah !)

Je suis accompagné au banc du ministre chargé de l’industrie et de l’énergie, Roland Lescure. Voyez à quel point vous avez été entendus ! Vous voilà exaucés. (Exclamations.)

M. Christophe Béchu, ministre. Je vous indique que mon collègue sera votre interlocuteur lors de la navette qui commence. Il y aura désormais deux portes que vous pourrez pousser pour poursuivre le travail ! (Nouvelles exclamations.)

M. Yannick Jadot. Mille mercis !

M. Christophe Béchu, ministre. Je ne doute pas que les choses se passeront ainsi.

C’est bien le signe non pas d’un désengagement, mais d’un réarmement du Gouvernement (Sourires. - Exclamations ironiques sur les travées du groupe GEST.) pour être à vos côtés afin d’avancer sur le sujet ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI ainsi que sur des travées des groupes INDEP et UC.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures dix.)

 
 
 

M. le président. La séance est reprise.

4

Mise au point au sujet d’un vote

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Lors du scrutin n° 118 sur l’ensemble du projet de loi relatif à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire, je voulais voter pour.

J’étais bien présente en séance au moment du vote, mais j’ai dû avoir un moment d’absence… Je ne voudrais pas tomber sous le coup de l’article 23 bis de notre règlement… (Sourires.)

M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle figurera dans l’analyse politique du scrutin.

5

Avenir de notre modèle agricole

Débat organisé à la demande du groupe Les Républicains

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Les Républicains, sur l’avenir de notre modèle agricole.

J’en profite pour saluer la nouvelle ministre déléguée à l’agriculture, dont c’est la première intervention au Sénat dans le cadre de ses nouvelles fonctions.

Il serait inapproprié de lui souhaiter la bienvenue, compte tenu de sa présence régulière ici. En revanche, nous lui souhaitons le meilleur sur ces nouveaux sujets !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Merci, monsieur le président !

M. le président. Je vous rappelle que, dans ce débat, le Gouvernement aura la faculté, s’il le juge nécessaire, de prendre la parole immédiatement après chaque orateur, pour une durée de deux minutes ; l’orateur disposera alors à son tour du droit de répartie, pour une minute.

Madame la ministre, vous pourrez donc, si vous le souhaitez, répondre après chaque orateur, une fois que celui-ci aura retrouvé sa place dans l’hémicycle.

Dans le débat, la parole est à M. Laurent Duplomb, pour le groupe auteur de la demande. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Menonville applaudit également.)

M. Laurent Duplomb, pour le groupe Les Républicains. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne suis pas d’accord avec le ministre de l’agriculture quand il dit que les problèmes de l’agriculture remontent à plus de trente ans.

Si l’on peut s’accorder sur le fait que les agriculteurs ont connu des situations difficiles depuis la nuit des temps, il n’en reste pas moins vrai que cela s’est démultiplié depuis 2015.

La loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, avec la décision de laisser l’Anses seule juge des homologations, et la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages ont été les caisses de résonance du triptyque « peur, culpabilité, interdit ».

Ces deux textes ont eu une portée énorme sur la situation d’aujourd’hui.

Tout cela a été amplifié, madame la ministre, par les mesures prises depuis 2017 : loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (Égalim 1), zones de non-traitement, bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE), Office français de la biodiversité (OFB), etc. Votre politique a conduit les agriculteurs dans la rue.

La gauche a beau crier que c’est un problème de revenu et de charge de travail, la réalité, même si cela lui déplaît, est que les agriculteurs ne demandent pas à travailler moins ! Au contraire, ils souhaitent retrouver de la liberté pour continuer de travailler plus ! (M. Daniel Salmon le conteste.)

M. Jean-Claude Tissot. On ne vit pas dans le même pays !

M. Laurent Duplomb. Madame la ministre, dans un « en même temps » schizophrène, vous avez fait mine de comprendre leur problème. Vous avez dressé le bon diagnostic. En revanche, vous vous êtes refusée à trouver les solutions pour y remédier.

C’est une marque de fabrique de la Macronie : on nomme les problèmes et les erreurs commises – concurrence déloyale, suradministration, injonctions contradictoires, normes abusives, etc. –, mais, « en même temps », on s’acharne scrupuleusement à ne pas les résoudre.

Le Premier ministre fait des annonces tonitruantes. « On a décidé de mettre l’agriculture au-dessus de tout », a-t-il dit, flattant à souhait son public, les plus avertis pouvant même, quelques instants, se laisser envoûter par ses sirènes.

Mais chassez le naturel, il revient au galop ! Dès les barrages levés, les mêmes ministres qui ont accompagné le Premier ministre et soutenu ses déclarations et fait leurs ses constats se relaient tour à tour sur les médias pour apaiser la minorité qui les terrorise. Rien ne va changer ! Rassurez-vous : nous ne reviendrons pas en arrière…

Au-delà d’être schizophrène, cette méthode est mortifère.

Comment nommer parfaitement l’erreur d’une surtransposition exclusivement française, en citant les conséquences de l’impasse à laquelle elle conduit, en comprenant les risques majeurs de concurrence déloyale qu’elle provoque pour nos agriculteurs et les risques de perte de souveraineté alimentaire qu’elle fait courir au peuple français et finir, par lâcheté, à ne rien vouloir changer ?

Ne pas vouloir revenir en arrière se paiera cash dans les années à venir. Vous en serez comptable !

Je vous le dis, les annonces ne calmeront pas la colère, qui reviendra tôt ou tard. Le mal n’est pas guéri, bien au contraire !

Les solutions sournoises qui n’ont d’effet qu’un temps limité, comme la mise sous délégation du préfet de l’OFB, laquelle, votée dans la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (3DS), aurait déjà dû être effective depuis deux ans, ne charmeront les paysans que peu de temps ! Le réveil sera dangereux !

Ce que cette crise nous dit, c’est que les agriculteurs ne comprennent pas et ne supportent plus cette stigmatisation, ce harcèlement, cette vindicte qui les accablent et qui ne cessent de s’intensifier.

Pour répondre à ce malaise, il faut agir vite et fort autour de trois axes prioritaires : arrêter la stigmatisation, mettre un terme à la suradministration et revenir sur les erreurs de surtranspositions normatives.

Arrêter la stigmatisation, c’est arrêter cette folie française qui consiste à contrôler les faits et gestes des agriculteurs plus que ceux des dealers !

C’est arrêter définitivement cette plateforme de délation phytovigilance, qui finit par être la source déguisée de revenus de ces ONG bien-pensantes qui dénoncent le moindre écart, la moindre maladresse de l’agriculteur, et instrumentalisent l’OFB en police religieuse de l’environnement. (M. Jacques Fernique sexclame.) Toute constatation de cette dernière consécutive à une délation relèvera du pénal, donc sera envoyée au procureur.

Lui-même, pour éviter l’engorgement des tribunaux, demandera à l’agriculteur censément coupable d’accepter un compromis avec les parties civiles, qui ne sont ni plus ni moins que les ONG elles-mêmes ou leurs partenaires, et de payer des dommages et intérêts à celles-ci, et tout sera réglé.

On voit bien que cela sera sans fin… sauf pour les paysans !

Arrêter la suradministration, c’est arrêter cette nouvelle méthode de l’Agence de services et de paiement (ASP), le système de suivi des surfaces agricoles en temps réel (3 STR), qui permet d’interpréter en temps réel la prise de deux photos satellite par semaine pour vérifier les pratiques culturales des agriculteurs.

Pour l’application de la BCAE 7, par exemple, l’agriculteur qui laboure sur terre très argileuse, où les couverts végétaux doivent être labourés le plus tôt possible en hiver pour que le gel et le dégel travaillent la terre et l’ameublissent, sera pénalisé s’il le fait avant le 15 février, le satellite l’ayant épié tous les trois jours, alors qu’il n’agit que par bon sens et parce que l’expérience le lui a appris…

M. Michel Savin. Très bien !

M. Laurent Duplomb. Enfin, revenir sur les surtranspositions, c’est accepter de corriger ses erreurs en revenant en arrière. Oui ! Si vous ne revenez pas sur l’interdiction de la cinquième famille des néonicotinoïdes, vous ferez disparaître la betterave en France (Protestations sur les travées du groupe GEST.), car ceux-là mêmes qui nous expliquaient disposer de méthodes alternatives – l’Inrae, pour ne pas le citer – ont été incapables de les mettre en pratique.

M. Laurent Duplomb. Et, après les betteraves que l’on a poussées dans le corner, dès 2026, ce sera le tour de la pomme et de la poire : lorsque le spirotétramate sera interdit en Europe, elles aussi seront dans l’impasse.

Les Polonais, eux, continueront de produire et d’inonder notre marché, car l’acétamipride, interdit chez nous, restera autorisé chez eux, leur permettant de lutter contre le puceron cendré, qui fait des trous noirs à la surface des pommes.

M. François Bonhomme. Et le balanin des noisettes !

M. Laurent Duplomb. Madame la ministre, vous nous opposerez, comme solution à tous les maux, les magiques « clauses miroirs ». Vous devriez plutôt parler de « miroirs aux alouettes » : comment, avec si peu de moyens humains, allez-vous contrôler aux frontières le respect de tous vos interdits par les produits importés ?

Lisez mon rapport d’information de 2020 sur les graines de sésame bio provenant d’Inde : elles contenaient plus de 5 000 fois la dose d’oxyde d’éthylène autorisée en Europe ! Vous comprendrez alors que nous réglementons ou interdisons 1 498 molécules et que, par autocontrôle des entreprises agroalimentaires, nous n’en contrôlons, le plus souvent, que 250 et, au mieux, 450 ! Plus de 1 000 substances passent donc totalement sous les radars…

Votre administration ne fait pas mieux : combien de semaines aura-t-il fallu pour retrouver la simple méthode d’analyse dans vos laboratoires de l’oxyde d’éthylène, interdit en France depuis 1992 ?

Vos contrôles aux frontières se cantonneront quasi systématiquement à un contrôle administratif des certificats d’accompagnement de la denrée et d’un contrôle visuel de celle-ci. Pensez-vous, en toute honnêteté, pouvoir vendre aux Français que les clauses miroirs vont les protéger ?

M. Laurent Duplomb. Et même si, par miracle, vous arriviez à démultiplier les contrôles sur tous les produits importés, le sucre ukrainien, dont les importations sont passées de 20 000 tonnes il y a deux ans à 700 000 tonnes cette année et qui est produit avec des betteraves traitées avec les cinq familles de néonicotinoïdes autorisées chez eux et interdites chez nous, passera la barre du contrôle, car il est impossible aujourd’hui de retrouver et de mesurer la moindre trace de ces substances dans le produit fini !

Mettons donc fin à cette fumisterie et à cette naïveté coupable qui consiste à détourner le regard, à ne pas vouloir revenir en arrière et à laisser entrer toujours plus de produits étrangers qui ne respectent pas nos normes !

M. Michel Savin. Très bien !

M. Laurent Duplomb. Arrêtons de vouloir courir après un hypothétique changement de modèle qui sape les paysans et conduit le pays tout entier à sa faim - F.A.I.M. Au contraire, madame la ministre, redonnons de la liberté à nos paysans !

Acceptez tout simplement de faire machine arrière ! La mise en œuvre des quarante-deux propositions que je vous ai adressées le permettrait.

Ayez le courage de le faire, car c’est à ce prix que vous comprendrez, enfin, le mal-être des paysans ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes RDPI et UC. – M. Stéphane Ravier applaudit également.)

M. le président. Dans la suite du débat, la parole est à M. Pierre Médevielle.

M. Pierre Médevielle. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 25 octobre dernier, j’alertais M. le ministre Marc Fesneau sur l’épidémie de maladie hémorragique épizootique (MHE) qui commençait à sévir dans le sud-ouest de notre pays et sur ses conséquences désastreuses pour nos éleveurs.

Après la grippe aviaire, le manque d’eau, le gel et la sécheresse, cette crise de trop a été à l’origine du grand mouvement de protestation de la profession agricole, qui a démarré dans mon département. Ce malaise général qui s’est exprimé dans notre pays couvait depuis un bon moment déjà.

Dans le contexte de la crise ukrainienne et de ses conséquences sur le prix de l’énergie, comment faire face ?

Depuis de nombreuses années déjà, l’agriculture française doit supporter un bashing permanent et une multiplication de normes, de surtranspositions et de réglementations en tout genre, qui rendent l’exercice de la profession de plus en plus complexe.

Face à cette situation, le Gouvernement a dévoilé une panoplie de mesures de compensation financière destinées à aider les éleveurs les plus touchés, comme le gel du gazole non routier (GNR), ainsi que de nombreuses mesures de simplification administrative.

Tout cela va, bien sûr, dans le bon sens, mais je suis certain qu’il faut aller plus loin et amorcer un nouveau virage dans la transformation de notre modèle agricole.

Le projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles doit être un excellent véhicule pour changer de cap et donner à notre politique agricole les moyens de retrouver sa première place européenne. Arrêtons le démantèlement de la « ferme France » !

Après quelques années d’observation, nous avons pu constater les dégâts causés par certaines mesures dites « vertes », qui partent parfois d’un bon sentiment, mais s’avèrent, à la sortie, mortifères pour nos exploitants.

Oui, il faut diminuer nos épandages de pesticides et optimiser la gestion de l’eau, mais il serait souhaitable que l’on parle plus souvent des progrès réalisés dans ces domaines.

L’écologie punitive, qui n’a à la bouche que les mots « interdire » ou « supprimer », n’a plus sa place autour des tables de discussions. Cessons d’écouter les Khmers verts et les adeptes de la décroissance ou de la lampe à huile ! La France a besoin d’une agriculture puissante, qui produit et procure un revenu décent à ses acteurs.

L’écologie pragmatique nous enseigne que rendements et objectifs environnementaux ne sont pas incompatibles, à condition d’avoir de l’ambition et de faire confiance à la science, qui va nous ouvrir de nouvelles voies de progrès.

J’en profite pour saluer la décision du Parlement européen, qui, le 7 février dernier, a enfin décidé l’autorisation encadrée de l’utilisation des nouvelles variétés de plantes, dites NBT, ou New Breeding Techniques. Ce vote reflète une reconnaissance des moyens que l’innovation propose pour relever les enjeux agricoles de demain.

Certains hauts fonctionnaires français ou européens, par trop déconnectés, vont aussi devoir cesser d’empiler les réglementations et les surtranspositions qui ont pénalisé nos producteurs en créant des distorsions de concurrence au sein même de l’Union européenne, tout en empoisonnant la vie des agriculteurs à grands coups de tracasseries administratives. Quand l’Europe parlera d’une même voix, nous serons plus crédibles sur les marchés internationaux !

Que dire des programmes Écophyto ou Farm To Fork ? L’agriculture « zéro phyto » relève du fantasme d’incompétents notoires ou de rêveurs ! La diminution de nos consommations de phytos ne relève pas de règles arithmétiques. Il faut d’abord trouver des solutions de remplacement et s’adapter.

Cette crise structurelle a aussi révélé, s’il en était besoin, les grandes disparités géographiques de notre agriculture, qu’il s’agisse de la taille des exploitations ou du revenu moyen.

Dans un tel contexte, il paraît très difficile d’adapter des textes de loi sans observer un principe de différenciation territoriale. On a bien vu que l’augmentation programmée du GNR n’avait pas les mêmes conséquences financières pour tout le monde !

Il semble souhaitable de revenir à un pragmatisme écologique et administratif, afin d’accompagner de manière efficace la transformation de nos exploitations.

Il faudra également revoir la copie en matière de formation et d’installation de jeunes agriculteurs. La profession n’échappe pas à la règle qui touche toutes les entreprises sur notre territoire. Les seuils de rentabilité augmentant, il faudra – plus particulièrement dans notre beau Sud-Ouest – procéder à des regroupements de propriétés, afin de pouvoir dégager des bénéfices suffisants et faire face à des investissements de plus en plus lourds.

Même si ce modèle n’est pas encore ancré dans les mentalités, il devra être porté par les chambres, qui ont été beaucoup trop timides dans ce domaine.

Continuons à agir pour une meilleure répartition de la valeur ajoutée, dans la suite d’Égalim !

D’ici à dix ans, un tiers des agriculteurs sera parti à la retraite. Facilitons la transmission et le regroupement des exploitations afin de donner aux jeunes qui démarrent l’espoir et les moyens de vivre leur passion pleinement.

La France sans ses paysans ne serait plus la France. Agissons ! Il y a urgence.

Notre souveraineté alimentaire doit redevenir une priorité nationale. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Franck Menonville applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux d’abord vous dire tout le plaisir que j’ai à vous retrouver dans cet hémicycle, où j’interviens désormais sur le sujet de l’agriculture.

Je veux reprendre à mon compte un certain nombre d’éléments de l’intervention de M. le sénateur Médevielle - M. le sénateur Duplomb me permettra de répondre plus globalement à son propos introductif en conclusion du débat.

Je partage, monsieur le sénateur, un grand nombre des constats que vous mettez en avant. Oui, vous avez raison, il n’est plus question de faire de l’écologie punitive. Ce n’est d’ailleurs pas notre ligne !

Notre ligne est de ne pas opposer souveraineté alimentaire et transition écologique et de trouver des solutions pour suivre ce chemin, au service non seulement de la qualité de notre nourriture, mais aussi de la santé de nos agriculteurs, en s’assignant des objectifs ambitieux pour le bien-être de l’ensemble de la population française.

M. François Bonhomme. Une fois qu’on a dit ça, on est bien avancé…

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. La ligne que nous tenons est, d’abord, une politique qui soit fondée sur la science, donc qui investit dans la recherche, dans l’innovation et dans le transfert vers les agriculteurs.

Le deuxième enjeu a trait à la dimension européenne. Vous l’avez dit, les règles doivent être aussi proches que possible au niveau européen, et l’Europe doit savoir se défendre par rapport à des productions extraeuropéennes qui ne sont pas soumises aux mêmes contraintes environnementales.

Notre troisième ambition est la simplification. Il s’agit non pas de baisser notre niveau d’exigence, mais tout simplement de permettre aux agriculteurs de se concentrer sur ce qu’ils savent bien faire – produire –, sans se perdre dans le maquis de réglementations complexes. Ils nous ont suffisamment exprimé ce besoin ces dernières semaines !

Cette simplification, comme l’ont dit le Premier ministre et le ministre de l’agriculture, Marc Fesneau, passera par un projet de loi qui vous sera présenté prochainement, mais aussi par la voie réglementaire.

Enfin, vous l’avez dit, le grand enjeu est le renouvellement des générations.

M. le président. Il faut conclure.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Nous allons lancer un service, France service agriculture, qui facilitera les installations dans toute leur diversité – diversité des cultures, des élevages et des territoires.

M. le président. Madame la ministre déléguée, vous pourrez répondre à l’intervention de M. Duplomb dans les cinq minutes de temps de parole dont vous disposerez à la fin du débat.

La parole est à M. Franck Menonville. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe INDEP.)

M. Franck Menonville. Monsieur le président, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord, madame la ministre, de vous féliciter pour vos nouvelles fonctions gouvernementales. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)

Traiter du modèle agricole n’est pas chose facile. En effet, l’agriculture est plurielle : il existe différents modèles, en fonction des filières, des territoires – je ne souhaite d’ailleurs pas les opposer entre eux.

Il y a néanmoins des fondamentaux, que sont la compétitivité, la souveraineté et la nécessité de produire pour des marchés et des consommateurs.

Depuis des années, notre agriculture perd des positions, tant à l’échelle nationale qu’à l’échelle internationale. Ainsi, nous importons 2,2 fois plus qu’en 2000. À cette date, nous étions le deuxième exportateur mondial ; nous occupons désormais le sixième rang, situation accentuée par la stratégie du « tout-montée en gamme ». Notre déficit commercial général s’est creusé pour atteindre près de 100 milliards d’euros en 2023, soit le deuxième plus important de notre histoire. En matière de capacités productives, nous décrochons : c’est là le résultat de nos dépendances accrues et de la baisse de notre compétitivité.

Nous sommes donc aujourd’hui au pied du mur ; il nous faut au plus vite donner un nouvel élan à notre agriculture, qui a besoin d’un vrai choc de compétitivité et de simplification.

Trois chantiers prioritaires doivent selon nous guider notre action.

Premièrement, nous devons œuvrer à faciliter la transmission des exploitations agricoles, car il n’y a pas d’avenir sans renouvellement des générations. Un dispositif d’accompagnement des agriculteurs en fin de carrière doit être mis en place pour simplifier l’installation, via notamment des incitations fiscales et des prêts bonifiés, tout en favorisant l’accès au foncier.

Le deuxième chantier crucial est celui de la souveraineté alimentaire. Celle-ci doit être élevée au rang d’intérêt fondamental de la Nation, afin que l’agriculture ne soit pas soumise aux injonctions contradictoires permanentes ni sacrifiée au profit d’autres politiques publiques. J’avais d’ailleurs présenté un amendement en ce sens dans le cadre des débats sur la proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France.

Par ailleurs, nous devons veiller à la stricte application des lois Égalim. Il nous faut également renforcer les contrôles des pratiques de la grande distribution.

Enfin, le troisième chantier – qui n’est pas des moindres – est celui de la compétitivité. Depuis vingt ans, l’agriculture s’est attachée à répondre à de nombreuses attentes sociétales et environnementales, sans qu’on lui donne en parallèle les moyens de demeurer compétitive. Un choc de simplification et une pause dans la prolifération normative s’imposent aujourd’hui.

Depuis de trop nombreuses années, la multiplication des normes franco-françaises a engendré une forme de distorsion dans la concurrence intra-européenne, ce qui a fragilisé notre compétitivité. Nous devons nous en tenir à des règles et à des normes purement européennes.

Je souhaite, avant de conclure, évoquer la nécessité d’une complémentarité, fondée sur un juste partage de la valeur, entre les énergies renouvelables et l’agriculture : les premières représentent pour la seconde un véritable atout et un levier de résilience économique.

Voilà pour vous une belle feuille de route, madame la ministre !

Je conclus en disant que nous devons ambitionner de faire de notre agriculture un outil de souveraineté alimentaire national et européen, mais aussi une force exportatrice et créatrice de richesses qui soit à la tête de toute une chaîne de valeur sur notre territoire.

Madame la ministre, votre prochaine loi d’orientation et d’avenir agricoles devra porter l’ambition du redressement de notre agriculture pour que celle-ci redevienne une priorité nationale. Nous serons à vos côtés pour y parvenir. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe INDEP. – M. Ludovic Haye applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Menonville, je veux commencer par évoquer spécifiquement la question de la transmission des exploitations agricoles.

Le pacte d’orientation pour le renouvellement des générations en agriculture, qui a été présenté par le ministre de l’agriculture, Marc Fesneau, le 15 décembre 2023, comporte des mesures fortes que nous allons mettre en œuvre et approfondir.

Un fonds de garantie de l’État, tout d’abord, permettra de déployer jusqu’à 2 milliards d’euros de prêts en direction des jeunes qui souhaitent s’installer. Vous le savez, nous sommes en train d’expertiser la création d’un dispositif de prêts bonifiés – cette suggestion émane du syndicat Jeunes agriculteurs.

Ensuite, le pacte prévoit une mesure d’incitation fiscale visant à faciliter la transmission à un jeune, qui pourra prendre la forme d’une exonération supplémentaire d’impôt sur les plus-values de cession. Une proposition précise sera élaborée en vue de l’examen du projet de loi de finances pour 2025.

Comme l’a annoncé le Premier ministre, nous voulons aller plus loin, en relevant le seuil d’exonération des plus-values réalisées lors de la transmission d’une entreprise individuelle en cas de reprise par un jeune agriculteur. Le seuil d’exonération des droits de succession et de donation sera également rehaussé en cas de transmission de biens ruraux donnés à bail à long terme et de parts de groupements fonciers agricoles. Enfin, le régime d’exonération des plus-values en cas de départ à la retraite sera revu. Il y a là divers freins à l’installation : nous entendons les lever.

Enfin, l’augmentation de l’affectation de taxe au programme d’accompagnement à l’installation et à la transmission en agriculture (AITA), dont le budget atteindra 20 millions d’euros au moins en 2025, permettra de faciliter la future montée en charge du réseau France service agriculture.

Vous avez mentionné également le besoin de simplification, monsieur le sénateur. Je n’y reviens pas : c’est l’un des objets du prochain projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles ainsi que de plusieurs textes réglementaires qui vous seront très bientôt présentés. Notre volonté est de faire de cet esprit de simplification une véritable méthode, sans nous arrêter au salon de l’agriculture.

Pour ce qui est de la compétitivité de la ferme France, nous partageons très largement l’objectif d’une concurrence loyale : si cette orientation doit se traduire dans l’instauration de clauses miroirs, nous devons aussi veiller à éviter les surtranspositions.

Je dis quelques mots, pour finir, à propos du juste partage de la valeur, dont nous avons beaucoup parlé dans cet hémicycle lorsque j’étais – ironie de l’histoire – ministre de la transition énergétique. Désormais chargée de ce dossier, je remets l’ouvrage sur le métier en vue du projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles, qui traitera notamment du bail rural. Il s’agit certes d’un sujet complexe, mais je ne doute pas que nous parviendrons ensemble à trouver les bonnes rédactions.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Daniel Salmon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, alors que les mobilisations se poursuivent, et à dix jours de l’ouverture du salon de l’agriculture, nous voici réunis pour débattre de l’avenir de notre modèle agricole.

Si la colère des agriculteurs ne nous a pas surpris, elle a révélé au grand jour à l’ensemble de nos concitoyens l’ampleur de l’impasse dans laquelle le système actuel nous a conduits.

La question du revenu agricole s’est rapidement imposée comme centrale dans le débat. Et pour cause : en 2022, plus de 11 000 agriculteurs percevaient le revenu de solidarité active (RSA) et 40 000 d’entre eux la prime d’activité, sachant que le taux de non-recours à ces aides est estimé à plus de 50 %.

L’avenir de notre modèle agricole dépend de notre capacité à analyser et à agir sur les causes et les impacts de la trop faible rémunération de celles et de ceux qui nous nourrissent.

Pour cela, il nous faut regarder en face les dysfonctionnements de notre modèle agricole et de notre système alimentaire, et notamment les fortes inégalités qui le caractérisent : ces injustices sont un obstacle à la transition vers un système équitable et durable.

Ces inégalités sont, tout d’abord, extrêmement présentes dans le partage de la valeur. Les lois du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs et du 30 mars 2023 tendant à renforcer l’équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, ou lois Égalim 1, 2 et 3, n’y ont rien fait. Les profits de l’industrie agroalimentaire ont augmenté de 132 % en un an, son taux de marge ayant atteint un niveau historique de 48 % en 2023.

L’amont agricole, bien que rarement évoqué, n’est pas en reste. Selon la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur les causes de l’incapacité de la France à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale, « tout laisse à penser que, par différents biais, [l]e secteur [de l’agro-fourniture] n’est pas exempt de marges indécentes et de profits d’opportunité. »

Les politiques publiques doivent donc contraindre ces acteurs à jouer leur juste part dans la transition, alors qu’ils en sont aujourd’hui largement absents, la plupart des efforts étant demandés aux seuls producteurs.

Autre inégalité structurante, celle qui concerne les revenus des agriculteurs entre eux : dans une chronique publiée voilà quelques jours dans le journal Le Monde, Thomas Piketty révèle que « le monde paysan constitue aujourd’hui le plus inégal des univers professionnels ». Cette situation s’explique principalement par des politiques fiscales et de soutien public, tant européennes que nationales, profondément inégalitaires.

Les statistiques du ministère de l’agriculture sont éclairantes : 10 % des agriculteurs gagnent moins de 15 000 euros par an, alors que les 10 % les mieux rémunérés – dont beaucoup de dirigeants de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) – dépassent les 150 000 euros. De même, la moyenne des revenus s’établit à environ 19 000 euros pour les éleveurs bovins, contre plus de 124 000 euros pour les éleveurs porcins.

Ce système inéquitable prive bon nombre de paysans des moyens de se rémunérer ; voilà qui est profondément injuste et inacceptable. Il y a là, de surcroît, un frein majeur à la transition agroécologique : comment changer de pratiques, voire de système, quand on ne gagne pas sa vie ? En la matière, le revenu agricole est un préalable nécessaire.

Le dernier niveau d’inégalité, tout aussi destructeur pour notre système agricole et alimentaire, est celui qui a trait aux revenus de l’ensemble de nos concitoyens. Quelque 16 % des Français déclarent ne pas manger à leur faim et la consommation alimentaire des ménages a chuté de 17 % en un an et demi, la décrue étant particulièrement prononcée chez les plus précaires. Ces inégalités, qui explosent depuis quelques années, conduisent une partie toujours plus grande des consommateurs à se tourner vers des produits de faible qualité, pour partie issus de l’importation, et qui ne contribuent ni à la rémunération des producteurs ni à la protection de l’environnement et de la santé.

Le remède à ces inégalités structurantes, madame la ministre, ce n’est pas plus de libre-échange, plus de compétition internationale, donc de produits issus du moins-disant social et environnemental, plus de pesticides, moins de protection de notre santé et de notre environnement !

Nous n’avons de cesse de le répéter : pesticides, engrais, industrialisation de l’agriculture, tout cela provoque un effondrement des écosystèmes dont dépend l’avenir de notre agriculture, c’est-à-dire notre avenir. (Une sénatrice du groupe Les Républicains proteste.)

Mme Sophie Primas. Ce n’est pas vrai !

M. Daniel Salmon. Miser sur ces fuites en avant revient à nier la réalité.

La pause dans le plan Écophyto, les attaques envers l’Anses, le mépris de l’agriculture biologique ne répondront en rien à la question du revenu agricole.

Pour garantir l’avenir de notre système et la rémunération de nos producteurs, il nous faut plus de régulation des relations commerciales et des marchés, plus de protection face aux importations de produits ne respectant pas nos normes, plus d’équité dans la distribution des aides, plus d’accompagnement des paysans face aux défis environnementaux. Ce n’est aucunement de l’écologie punitive ! Il nous faut construire l’accès de toutes et tous à une alimentation de qualité, conformément à la voie tracée par les expérimentations, sans cesse plus nombreuses sur les territoires, de sécurité sociale de l’alimentation.

Aussi, madame la ministre, quand votre gouvernement cessera-t-il d’accélérer dans la mise en œuvre de ce système qui appauvrit la grande majorité des agriculteurs aux dépens de notre environnement et de notre santé ? Attendrez-vous l’extinction du dernier insecte et du dernier oiseau des champs ? Attendrez-vous l’implosion de notre système de santé ? Changer d’indicateur ne change pas la réalité ! Quand cesserez-vous de tendre l’oreille à la fabrique du doute ?

Les agriculteurs ne veulent pas travailler plus, mes chers collègues,…

M. Laurent Duplomb. Parle pour tes agriculteurs, ceux que tu représentes !

M. Daniel Salmon. … ils veulent être rémunérés au juste prix et ne pas tomber malades à cause des pesticides au moment de la retraite.

Voilà ce qu’ils veulent : ils ne veulent pas des printemps silencieux, ils veulent des printemps bruissant de vie ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)

M. Christian Klinger. Complètement déconnecté !

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Salmon, nous nous rejoignons sur la nécessité de mener une politique ambitieuse en matière de préservation de la biodiversité. Vous l’avez très bien dit : les premières victimes d’un certain nombre de produits phytosanitaires, ce sont les agriculteurs eux-mêmes. Néanmoins et précisément, le risque que présente l’utilisation de ces produits doit être évalué au regard de leur innocuité ou de leur absence d’innocuité.

La consommation de produits phytosanitaires dont il est prouvé qu’ils ont un impact sur l’incidence de pathologies telles que le cancer a diminué de 93 % : un mouvement a donc bel et bien été engagé, et nous devons désormais le prolonger. (M. Laurent Duplomb sexclame.) C’est très exactement ce que nous faisons, en nous dotant du bon thermomètre et en fondant notre approche sur la science. (M. Guillaume Gontard proteste.)

Je le redis très simplement : nous concilierons souveraineté alimentaire, défense du revenu des agriculteurs et ambitions écologiques et climatiques, non pour le bien de l’Europe ou de la planète, mais pour le bien des agriculteurs et des Français ! Telle est notre ligne depuis maintenant plusieurs années.

M. Laurent Duplomb. Avec ça, on va aller loin !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Pour ce qui est d’accompagner la transition écologique des agriculteurs, nous agissons en y consacrant 1,3 milliard d’euros supplémentaires.

Quant au soutien à l’agriculture biologique, nous le poursuivons. À charge pour nous de faire en sorte que le pouvoir d’achat des Français leur donne accès à des produits bio de qualité, que toutes les cantines soient en mesure de proposer de tels produits (M. Guillaume Gontard proteste.), que le code des marchés publics valorise l’achat en circuit court. Nous y travaillons, vous le savez, mais il y va d’un effort collectif.

Enfin, pour ce qui est de la régulation des relations commerciales, les chiffres que vous mentionnez concernant les marges ne sont pas tout à fait ceux dont je dispose, mais je ne suis pas l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires… Des travaux existent sur ce sujet.

M. le président. Madame la ministre déléguée, il faut conclure.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. En tout état de cause, notre objectif est que les lois Égalim soient appliquées et strictement appliquées ; c’est pourquoi nous multiplions les contrôles – et ce sujet fera l’objet d’un point très précis.

M. le président. Madame la ministre déléguée, mes chers collègues, soyons attentifs au respect du temps de parole : pas trop de TVA ! (Sourires.)

La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.

Mme Marie-Claude Varaillas. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nos paysans lancent actuellement un cri de détresse qui est révélateur d’une profonde inquiétude ; celle-ci doit nous amener à traiter ce qui constitue le cœur du problème, à savoir le prix payé aux producteurs et le poids des normes qui s’appliquent au monde agricole.

Voilà plusieurs années que nous assistons à des mutations profondes de notre modèle agricole – de nos modèles agricoles.

Ces mutations sont aussi le reflet des attentes parfois contradictoires que l’on adresse aux acteurs de la terre : agriculteurs gardiens des paysages et animateurs de la ruralité, agriculteurs chefs d’entreprise, agriculteurs 2.0, administrateurs, comptables, ingénieurs, gardiens de la biodiversité et de la sécurité alimentaire : la liste n’est pas exhaustive.

Ces mutations sont connues et documentées. Ainsi de l’évolution de la politique agricole commune (PAC) et de la banalisation de l’agriculture, qui ont eu un impact sur le revenu agricole, devenu très hétérogène et dépendant des fluctuations des marchés.

Dans le même temps, la concentration des autres maillons de la filière agroalimentaire a exercé une pression insoutenable sur le revenu de l’ensemble des agriculteurs, qui bientôt vivent davantage des aides que de leur travail.

L’agrandissement des exploitations et l’augmentation de l’intensité capitalistique qui en découle posent la question de la transmission : un agriculteur souhaitant s’installer doit investir bien davantage qu’il y a trente ans pour reprendre une ferme.

De même, la prépondérance des formes sociétaires en lieu et place de l’exploitation individuelle et l’apparition d’une agriculture de firme ont généré une augmentation du travail salarié permanent non familial ainsi que l’apparition de nouvelles formes de travail.

Le vieillissement de la population agricole risque de compromettre notre sécurité alimentaire, alors même que nous avons perdu 100 000 exploitations en dix ans.

Le changement climatique et le stress hydrique nous interdisent aujourd’hui d’opposer l’agriculture et la transition écologique. Les agriculteurs, premières victimes du réchauffement climatique, travaillent déjà à faire évoluer leurs pratiques. Ils doivent être accompagnés dans cet objectif ; mais, dans le même temps, la multiplication des traités de libre-échange permet l’importation de produits régis par des normes inférieures aux standards européens…

Face aux défis que doit relever notre agriculture, la question n’est pas tant de déterminer quel modèle agricole il faut promouvoir, l’idée sous-jacente à un tel débat étant celle d’une opposition entre agriculteurs, que de savoir comment garantir la pérennité de l’ensemble des exploitations, qui sont confrontées aux aléas climatiques, aux risques environnementaux et sanitaires, à la concurrence déloyale et au dumping social.

Comment réussir la transition vers un modèle agroécologique permettant à chacun de se nourrir sainement ? Comment garantir un juste niveau de rémunération, un juste partage de la valeur ?

Ces questions se posent alors que, dans le même temps, l’Union européenne s’est engagée dans un processus de négociation de traités de libre-échange qui ne répondent ni à nos exigences sanitaires ni à nos exigences sociales, et ce sans ratification par les parlements nationaux.

Dans le même temps, 80 % des fonds de la PAC sont alloués aux 20 % des agriculteurs les plus riches, qui pratiquent l’agriculture intensive.

Dans le même temps, la stratégie européenne « de la ferme à la table » et la PAC n’incluent aucune dimension sociale qui garantisse le respect des droits sociaux et la santé des travailleurs de la terre.

Dans le même temps, enfin, les avancées contractuelles permises par les lois Égalim 1 et 2 ont déçu les agriculteurs et eu pour seul mérite d’avoir fait connaître davantage les coûts de production, sans faire respecter pour autant l’exigence de leur prise en compte.

Nous le redisons avec force : seule une remise en cause profonde des rapports de force dans la chaîne de valeur peut véritablement changer la donne.

Il faut, à cet effet, que l’État et les agriculteurs eux-mêmes interviennent directement dans la formation des prix et des marges ; cela passe par l’instauration d’un prix plancher d’achat au producteur.

L’agriculture doit échapper aux règles de la concurrence intra-européenne : oui, en ce sens, il faut une exception agricole !

Pour autant, nous ne remettons pas en cause la PAC. Il faut au contraire davantage de politique agricole commune, car sacrifier cette politique aboutirait à une distorsion de concurrence. Nous avons besoin d’une politique européenne qui soit protectrice des agriculteurs et d’une bonne alimentation. Il faut par conséquent sortir la PAC de la course actuelle à la compétitivité et au prix le plus bas.

Enfin, un véritable accompagnement des agriculteurs au quotidien est nécessaire. À cette fin, nous devons, en complément de la dotation jeunes agriculteurs (DJA), rétablir les prêts bonifiés. Ceux-ci ont été supprimés quand les taux étaient négatifs, mais ils sont aujourd’hui indispensables pour aider à l’installation des jeunes.

Cet accompagnement passe aussi par une simplification des procédures, à rebours de la complexification du droit qui prévaut trop souvent.

Pour ce faire, il faut renforcer les moyens humains des chambres d’agriculture afin de leur permettre d’exercer pleinement et sereinement leur mission de relais territorial et d’appui de proximité pour la mise en œuvre des politiques publiques agricoles. Il importe, dans le même temps, de restaurer une administration déconcentrée dotée de moyens au service des agriculteurs.

Nos propositions sont un préalable indispensable pour freiner les stratégies de délocalisation agricole et agir contre la fragmentation du monde paysan et le développement accéléré d’une agriculture à deux vitesses. Il est urgent de donner de l’espoir et des perspectives au monde agricole, qui sera sans nul doute très attentif au projet de loi d’orientation et d’avenir du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la sénatrice Varaillas, les questions que vous avez soulevées à propos de notre filière agricole font écho à ce qui a été dit par plusieurs de vos collègues depuis le début de notre discussion : je pense notamment aux questions du revenu des agriculteurs, de la concurrence déloyale en Europe et à l’extérieur, de la simplification des normes ou encore de l’installation.

Vous n’êtes pas contre la PAC, avez-vous dit ; je ne reviens pas sur les grands principes que j’ai précédemment mentionnés, sinon pour dire je salue cette position, tout en entendant l’exigence que vous avez exprimée à l’endroit de cette politique comme de l’Europe en général.

La PAC 2023-2027 prévoit bien une conditionnalité sociale, je le rappelle ; surtout, nous avons actuellement une occasion historique de discuter de l’évolution des règles européennes. La présidente de la Commission européenne a ainsi bougé sur la question de la jachère ou encore retiré, constatant qu’elle n’était pas mûre, une directive qui aurait renforcé un certain nombre de normes. On le voit, les sujets de la souveraineté alimentaire et de la souveraineté européenne sont clairement à l’agenda. La France peut se féliciter d’avoir permis une partie de ces « bougés ».

Pour ce qui est de l’installation des jeunes agriculteurs, je l’ai dit, il faut des mesures. Nous débloquons 2 milliards d’euros pour financer des prêts garantis ; quant aux prêts bonifiés, ils font en ce moment même l’objet d’une expertise : pour des raisons techniques, ils ne seront peut-être pas la solution miracle. Surtout, le projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles qui vous sera prochainement présenté permettra la création du guichet France service agriculture, c’est-à-dire d’un point d’accueil unique et d’une offre d’accompagnement qui s’adaptera à la diversité des territoires et des projets tout en favorisant l’émergence de ceux qui ne sont pas encore matures – je sais que vous y êtes attachée, madame la sénatrice.

Enfin, nous devons nous assurer de la viabilité économique, sociale et humaine de notre modèle agricole, ce qui veut dire nous donner les moyens de concilier projets d’entrepreneurs et transition climatique. Le changement climatique n’est pas dans nos têtes : c’est une réalité. Il est essentiel que les agriculteurs dont nous allons favoriser l’installation puissent générer un revenu ; c’est pourquoi nous leur proposerons un stress test climatique.

M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Henri Cabanel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si leur colère a été enfin entendue, les agriculteurs n’ont toujours pas été tout à fait écoutés. Pourquoi a-t-il fallu que les tracteurs sortent des champs pour que l’on comprenne enfin la détresse des paysans ? Pourquoi, dans ce pays, faut-il toujours attendre que la fronde gronde ?

Nous ne découvrons pas les bas revenus, la disparition des exploitations, la baisse des transmissions, la lourdeur administrative, les crises climatiques, sanitaires, économiques ; et, surtout, nous ne découvrons pas les suicides : tout cela est connu depuis des décennies.

La question posée, qui a trait à la nature de notre modèle agricole, me semble totalement dépassée. Il faut arrêter d’opposer les modèles – les uns accusent l’agriculture conventionnelle de tous les maux, les autres pointent du doigt les agricultures bio ou de niche, considérées comme vouées à l’échec.

Défaisons-nous de ces visières qui nous empêchent d’avancer et abandonnons ces réponses qui nous font tourner en rond !

Réjouissons-nous de cette agriculture plurielle et attaquons-nous à la vraie question : quel avenir pour notre agriculture ?

Partons d’un constat positif : nous avons l’agriculture la plus saine du monde et nos agriculteurs se sont engagés dans des modèles vertueux, car ils sont responsables – et les Français l’ont bien compris.

Pourtant, ils ne bénéficient pas de revenus qui soient à la hauteur des services rendus à notre nation et à notre souveraineté.

Ces problèmes ont été pointés par nos agriculteurs. Voilà, madame la ministre, votre feuille de route pour votre pacte et votre loi d’orientation et d’avenir agricoles !

Espérons que leurs 120 propositions vous aideront à étoffer votre texte initial, qui, il faut le dire, est bien léger, le dossier de l’agriculture étant passé au seul filtre des questions de l’orientation et de la transmission.

Comment transmettre l’outil, en effet, quand le revenu n’y est pas, quand le fruit du travail ne permet pas de vivre, quand le partage de la valeur ne se fait pas ?

Madame la ministre, par les réponses qu’il apporte dans l’urgence, le Gouvernement prend le risque de sombrer dans une politique de la rustine qui verrait diverger productivité et transition vers l’agroécologie.

Ne confondez pas vitesse et précipitation ! Si nous ne pouvons raisonnablement pas continuer à faire appliquer à nos agriculteurs des normes sanitaires plus contraignantes que celles qui prévalent chez nos voisins européens, quel message envoyez-vous, néanmoins, en mettant à l’arrêt le plan Écophyto 2030 ?

Le signal est désastreux tant pour la protection de l’environnement que pour celle de la santé publique ; il va à rebours de nos politiques agricoles et de la transition écologique à laquelle notre agriculture ne pourra se soustraire.

Les mesures environnementales doivent être non pas un obstacle, mais la réponse aux difficultés ; et, cette réponse, il faudra que nos agriculteurs la choisissent au lieu de la subir. Donner le choix, c’est s’assurer de l’acceptabilité, pour le monde agricole, des orientations que l’on souhaite lui donner.

Allez-vous enfin comprendre que, pour réussir notre transition, il faut encourager les agriculteurs à s’engager dans la démarche des paiements pour services environnementaux (PSE) ? Ces services devraient être sélectionnés par les principaux concernés parmi un panel de solutions et de possibilités qui, une fois mises en place, seraient valorisées par une rémunération au minimum équivalente au coût lié à la perte de productivité induite par ces mesures.

Telle est la seule façon de répondre à la particularité de chaque territoire et au besoin d’une agroécologie cohérente, tout en permettant à nos agriculteurs de tirer un revenu décent de leur activité.

Coupe-feux, haies, irrigation raisonnée, restructuration du sol, cépages résistants… : si nos modèles de production doivent évoluer, cela ne pourra se faire de manière uniforme, nos territoires étant marqués par des différences structurelles et climatiques notables.

L’enjeu environnemental mérite que les PSE soient élaborés et mis en place sur la base d’un diagnostic de territoire posé en tenant compte d’enjeux qui ne sont pas partout les mêmes. Nous devons concentrer l’ensemble de nos efforts sur la réalisation de l’objectif de prix justes pour une transition juste, du champ à l’assiette, et ne pas prendre pour cibles les mesures environnementales que Bruxelles et Paris élèvent en variable d’ajustement de la colère qui s’est exprimée. Faisons le pari du consensus et de la vision de long terme afin de redonner de l’attractivité aux métiers de l’agriculture, d’accompagner et de revaloriser les actifs du monde agricole et agroalimentaire français, d’assurer notre souveraineté alimentaire et de mener la transition agroécologique. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Cabanel, je concentrerai ma réponse sur le sujet des paiements pour services environnementaux.

Vous avez raison de mentionner ce dispositif, dont vous avez très justement parlé. Nous partageons votre constat : il faut davantage valoriser ce que font nos agriculteurs dans leur exploitation en matière environnementale. L’un des objets des initiatives du type PSE est précisément de mieux faire comprendre l’apport essentiel qui peut être celui de nos agriculteurs dans la transition agroécologique et climatique et dans la préservation de la biodiversité.

Vous le savez, la PAC 2023-2027 permet la rémunération des services environnementaux via cette nouveauté qu’est l’écorégime. Il s’agit, très concrètement, d’un paiement direct aux exploitants agricoles qui s’engagent volontairement à mettre en place sur leur exploitation des pratiques agronomiques favorables au climat. Ce paiement est découplé, uniforme et versé annuellement sur tous les hectares admissibles de l’exploitation.

Tel est par exemple le cas du bonus « haies ». Vous connaissez l’importance des haies : dans le cadre de la planification écologique, nous avons l’ambition de déployer 1,5 million de kilomètres de haies à l’horizon 2050. Pour lancer le mouvement, des mesures de simplification sont indispensables – cet enjeu comptera parmi ceux du projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles –, mais nous devons également nous appuyer sur les mécanismes d’incitation des écorégimes.

Au total, une enveloppe d’un montant – significatif – de 1,7 milliard d’euros est consacrée aux écorégimes. Bien entendu, il s’agit d’un dispositif relativement récent que nous pourrons travailler à améliorer ; c’est en tout cas un très bon support pour répondre aux problèmes que vous soulevez, monsieur le sénateur.

Pour ce qui est du projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles, je rappelle qu’il inclut, outre les questions de la formation et de la transmission, des volets relatifs à la souveraineté et à la simplification, qui devraient largement répondre à vos attentes.

M. le président. La parole est à M. Bernard Buis. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Bernard Buis. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si tout n’est pas à jeter dans le modèle actuel, il faut bien reconnaître que les manifestations du monde agricole nous obligent. Elles nous obligent à réajuster ce modèle, sur notre sol comme à l’échelle européenne.

Si nous voulons demain une France fière de ses paysans et souveraine d’un point de vue alimentaire, nous devons affronter plusieurs défis, du juste revenu à la transmission des exploitations, en passant évidemment par la question des transitions face au dérèglement climatique.

Commençons par la question essentielle des revenus. Le constat est sans appel : une partie importante des agriculteurs travaillent pour nous nourrir sans pouvoir eux-mêmes vivre de ce travail.

Depuis 2017, avec les lois Égalim, la majorité présidentielle a apporté des réponses. Nous constatons aujourd’hui que le problème vient non pas de la loi, mais de son application, voire de son détournement. Alors, que faire ?

Nous devons agir pour lutter contre les fraudes en matière de prix, mais aussi en matière d’étiquetage, en garantissant l’origine des produits. Doubler les contrôles en organisant le recrutement par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) de 150 agents supplémentaires est ainsi une mesure nécessaire.

M. Bernard Buis. Madame la ministre, avez-vous des précisions à nous donner quant au calendrier de la mise en œuvre de cette annonce, très attendue sur le terrain ?

Comment légiférer à l’échelle européenne pour encadrer l’activité des centrales d’achat implantées hors de France ? Faut-il harmoniser les règles en vigueur dans l’Union en prenant pour référence les principes des lois Égalim et créer des réseaux de contrôle européens ?

Par ailleurs, pour que les revenus soient décents, il faut rééquilibrer les négociations commerciales. Nous avons commencé à le faire, mais nous devons travailler sur la question de la concurrence, voire sur notre rapport au libre-échange.

Comment préserverons-nous notre agriculture si nous continuons de laisser proposer à la vente, à des prix défiant toute concurrence, des fruits et légumes produits hors de l’Union européenne, dont les coûts de production et les exigences environnementales sont inférieurs à ceux qui sont imposés sur notre sol ? Jusqu’à quel point la souveraineté alimentaire et le libre-échange sont-ils compatibles ?

La France s’oppose au traité entre l’Union européenne et le Mercosur ; notre groupe s’en réjouit. En l’état, cet accord fragiliserait nos agriculteurs, qui sont soumis à davantage de normes sanitaires et environnementales que leurs homologues des pays sud-américains.

Ne faudrait-il pas, en toute cohérence, renforcer les clauses miroirs dans les autres traités actuellement en vigueur, comme cela a été fait avec les mesures récemment adoptées à l’égard de l’Ukraine pour les secteurs de la volaille, des œufs et du sucre ?

Pour ce qui est de l’Union européenne, il ne faut pas se tromper de combat. À quelques mois des élections européennes, ne cédons pas aux sirènes populistes et europhobes !

La politique agricole commune et ses 9 milliards d’euros sont des acquis que nous devons préserver. C’est à l’échelle européenne que nous parviendrons à développer une agriculture résiliente et souveraine ; c’est en harmonisant les règles que nous encouragerons la coopération européenne et empêcherons les concurrences déloyales.

Si l’échelle européenne est décisive, nous devons d’ores et déjà agir en France pour assurer à nos agriculteurs un meilleur revenu. L’État et les collectivités doivent être exemplaires, par exemple en privilégiant l’achat de produits français en circuit court dans le cadre de la restauration collective. Cet effort est indispensable à la mise en place du patriotisme agricole et alimentaire que nous appelons de nos vœux. Et c’est à cette condition que nous pourrons appeler les Français qui le peuvent à participer à leur tour audit effort.

Mes chers collègues, si ce patriotisme devait un jour se concrétiser, encore faudrait-il que notre pays puisse compter sur le renouvellement des agriculteurs : c’est le défi de la transmission et de l’attractivité.

Le nombre de professionnels dans l’agriculture fond comme neige au soleil ! Selon Agreste, l’organisme de statistique, d’évaluation et de prospective du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire – le vôtre, madame la ministre –, en 1988, on dénombrait 1 million d’exploitations agricoles en France. En 2022, ce nombre a chuté à 380 000.

Ce phénomène touche particulièrement l’élevage. En dix ans, la Drôme a ainsi perdu 18 % de ses exploitations, notamment dans les secteurs bovin, porcin et caprin. Dans mon canton du Diois, le nombre d’ovins a diminué de 30 % en dix ans !

Au-delà des questions liées à la fiscalité et au foncier, auxquelles nous apporterons des réponses – je l’espère – avec le projet de loi à venir, il nous revient de poser une question simple : qu’est-ce qu’un métier attractif ?

En tout état de cause, ce n’est sans doute pas un métier qui suppose de travailler soixante-dix heures par semaine dans des conditions physiques éprouvantes, pour des revenus modestes, en subissant une inflation d’injonctions administratives et environnementales ! En réalité, la question de l’attractivité est liée à toutes les autres : revenus, considération, concurrence, simplification des normes.

En fait de simplification, permettez-moi d’évoquer deux exemples drômois dont je viens de prendre connaissance en échangeant avec des éleveurs.

Le premier exemple concerne le versement d’aides financières pour les embauches de bergers et d’aides-bergers. La période d’embauche s’étend de juin à septembre. L’agriculteur fait l’avance et la subvention compensatrice est versée non pas dans les semaines suivantes, mais douze mois plus tard. Pourquoi un tel décalage ? Les professionnels ont du mal à le comprendre et une telle situation n’incite pas à poursuivre cette activité.

Le second exemple, toujours relatif aux éleveurs, concerne l’indemnisation des pertes de brebis en cas de prédation.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, une attaque de loup n’est pas toujours synonyme de carnage. Il est souvent des attaques qui, plus discrètes et plus pernicieuses, ne causent qu’une ou deux pertes par nuit. En fonction de la taille du troupeau, il n’est pas toujours facile de les recenser. Le groupement pastoral de Villaret La Pare, à cheval sur la Drôme et les Hautes-Alpes, dont le troupeau rassemble 1 300 brebis, en a perdu 97 sur une saison ; mais 6 seulement ont donné lieu à indemnisation, faute de pouvoir compter les pertes chaque nuit…

Alors que l’élevage décline, comment repenser le système d’accompagnement des éleveurs ovins pour qu’aucune perte ne se retrouve dans un angle mort de l’indemnisation ?

Je pense également aux louvetiers, dont les conditions de travail et l’indemnisation des déplacements pourraient être améliorées.

Tous ces exemples montrent, parmi tant d’autres, que les normes ne facilitent pas toujours le quotidien de nos agriculteurs.

Enfin, il reste à relever un défi majeur, pour lequel les agriculteurs seront des alliés irremplaçables : celui des transitions face au dérèglement climatique.

Comme l’écrivent Erik Orsenna et Julien Denormandie dans leur récent ouvrage, la question de fond est la suivante : comment nourrir sans dévaster ? Comment nourrir 68 millions de Français sans détruire les sols, la biodiversité, notre santé, mais également notre patrimoine, notre savoir-faire et ce qui fait de la France le pays de la gastronomie ?

M. Bernard Buis. Des irrigateurs de Mésopotamie aux éleveurs porcins d’Ausson, dans le secteur de Die, les agriculteurs sont l’une des professions les plus anciennes de notre civilisation. Ils ont démontré leur capacité à s’adapter ; mais nous devons les accompagner plutôt que les accuser et les délaisser.

N’opposons pas les modèles d’agriculture et favorisons la coopération ! C’est ainsi que nous pourrons créer un modèle agricole souverain et plus juste.

Madame la ministre, à la veille de la Saint-Valentin, la politique devrait peut-être s’inspirer de la symbolique de cette fête : dire que l’on aime nos agriculteurs, c’est bien, mais le leur prouver, c’est mieux !

M. Laurent Duplomb. Eh bah mon vieux, il y a du travail !

Mme Nathalie Goulet. Il n’y a que des preuves d’amour ! (Sourires.)

M. Bernard Buis. À onze jours du lancement du salon qui leur est dédié, prouvons à nos agriculteurs qu’ils peuvent compter sur nous ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Patrick Chauvet et Mme Frédérique Puissat applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Buis, vous le savez, la question des contrôles me tient à cœur. J’étais secrétaire d’État, à Bercy, lorsque nous avons instruit, via la DGCCRF, un dossier de francisation de kiwis. Et j’étais ministre déléguée chargée de l’industrie quand nous nous sommes emparés du sujet des centrales d’achat ; c’est sous mon impulsion que la DGCCRF a prononcé une amende de plus de 100 millions d’euros à l’encontre de la centrale d’achat de l’un des grands distributeurs français.

Nous allons poursuivre et renforcer ces contrôles. Le ministre de l’économie a énoncé son objectif : 10 000 contrôles devront être effectués par la DGCCRF sur l’ensemble de l’année 2024.

Nous renforçons également les contrôles dans le domaine de l’agriculture : plus de 1 000 contrôles ont d’ores et déjà été engagés.

Ces contrôles donnent lieu à une procédure contradictoire, procédure classique, technique, qui implique de tenir compte des réponses des personnes contrôlées. Ils portent en particulier sur le respect des règles d’étiquetage, notamment relatives à l’origine des produits, à la véracité des publicités et à la loyauté des ventes promotionnelles.

Des contrôles sont également diligentés dans les établissements de restauration hors domicile, notamment pour vérifier les allégations d’origine de la viande bovine et, depuis 2022, le respect de l’obligation d’information sur les viandes porcines, ovines et de volaille.

Nous avons aussi demandé que soit exercée une vigilance particulière pour tout ce qui a trait à la francisation. En effet et malheureusement, les fruits et légumes – j’ai mentionné le cas des kiwis – et le vin sont souvent l’objet de pratiques trompeuses, qui doivent cesser.

Vous l’avez souligné, il faut agir à l’échelle européenne, c’est-à-dire promouvoir la vision des lois Égalim en matière de régulation de l’activité des centrales d’achat, mais aussi de nos relations commerciales. Vous avez mentionné l’Ukraine : je rappelle qu’en la matière nous avons obtenu des avancées sur les œufs, les volailles et le sucre…

Mme Nathalie Goulet. Cela nous console !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. … et que nous allons défendre les mêmes avancées dans le secteur des céréales.

M. le président. Il faut conclure, madame la ministre déléguée !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Pour ce qui est de l’attractivité, des mesures figureront dans le projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles.

M. le président. Veuillez conclure !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Ainsi, quand il sera question d’agriculture, parlera-t-on non plus seulement de sueur et de souffrance, mais aussi de vivant et de désir.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Jean-Claude Tissot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, souveraineté et autonomie alimentaire des territoires, renouvellement des générations, agriculture rémunératrice et adaptée au dérèglement climatique, transition agroécologique : au sein du groupe socialiste du Sénat, nous sommes parfaitement conscients des nombreux enjeux auxquels doit faire face notre modèle agricole.

Nous débattons aujourd’hui de l’avenir de ce modèle, et nous aurons certainement à examiner dans quelques semaines une loi d’orientation agricole, car – oui ! – il est indispensable de fixer un cap clair et précis pour les années à venir.

L’avenir, madame la ministre, passera par une formation agricole à la hauteur des nouveaux enjeux.

Au-delà de la création d’un bachelor agricole, qui viendra directement concurrencer des licences professionnelles existantes, il est indispensable d’améliorer et de valoriser les qualifications des enseignants par la création d’une agrégation propre, de garantir la pluralité au sein des équipes pédagogiques comme parmi les experts associés, et, bien sûr, de mobiliser des moyens supplémentaires pour favoriser les expérimentations.

Nous serons très attentifs à ces questions lors de l’examen du futur projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles, dont l’intitulé semble encore susceptible d’évoluer…

L’enjeu de l’enseignement conduit naturellement à celui de l’installation, dans un contexte de renouvellement des générations. L’idée d’un guichet unique par département peut être positive, mais elle nécessitera une grande coordination avec les autres instances – tout particulièrement les chambres d’agriculture –, et surtout un cadre ouvert donnant la priorité à l’installation, y compris des personnes non issues du monde agricole.

Il est bien sûr impossible de traiter de ce sujet sans évoquer le foncier agricole.

Avec mes collègues du groupe socialiste, nous appelons depuis de nombreuses années à une grande loi sur le foncier agricole. (M. Laurent Duplomb ironise.) Dans ce cadre, il est indispensable de redonner des moyens d’agir aux sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer), qui devront en retour renforcer leur impartialité et leur transparence quant aux données.

Il apparaît également indispensable de lutter contre les agrandissements excessifs et contre la mainmise de certaines sociétés privées sur le foncier agricole.

Vient ensuite, cher collègue Duplomb, l’incontournable question du revenu agricole. Je réitère, au nom du groupe SER, la demande de création d’une commission d’enquête sur ce sujet : il faut qu’à cet égard lumière soit faite et que nous puissions enfin agir sur la base de données actualisées.

Les agriculteurs veulent avant tout vivre de leur production sans dépendre d’un système de compensation permanente et de réaction aux différentes crises. En dépit des lois Égalim, l’éternelle question de la répartition de la valeur entre les industriels, la grande distribution et les agriculteurs demeure bien, hélas ! pendante.

À titre d’exemple, je citerai les difficultés que traverse l’agriculture biologique : on répète à l’envi qu’elle décroche parce que la demande ne suit pas. La question des « surmarges » réalisées par les distributeurs, estimées à 46 % du « surcoût du bio » par l’UFC-Que Choisir, est bien moins souvent évoquée – comme par hasard ! Elle devrait pourtant être davantage approfondie si l’on veut aider les agriculteurs qui ont fait le choix courageux de la conversion.

L’idée d’une législation Égalim européenne pour encadrer les activités des centrales d’achat européennes est intéressante, mais elle impliquera de mettre en place une véritable coordination pour assurer l’effectivité du contrôle et des sanctions.

Pour ce qui concerne les aides PAC, nous considérons que le logiciel est également à revoir, et ce d’autant plus si l’élargissement de l’Union européenne se confirme.

La France doit avoir le courage politique de défendre un plafonnement des aides PAC pour induire davantage de justice sociale dans ce système, comme l’a fait l’Espagne. Surtout, elle doit proposer une véritable modulation des aides entre les filières en fonction de l’évolution des cours, comme c’est le cas aux États-Unis avec les aides contracycliques.

Ce sujet me conduit à évoquer la nécessité d’accompagner les agriculteurs pour assurer la transition de notre modèle.

Ayant été agriculteur pendant plus de vingt ans, j’ai bien conscience que les injonctions ne sont pas toujours faciles à accepter. C’est la raison pour laquelle les pouvoirs publics doivent se positionner comme des accompagnateurs de la transition agroécologique. Un tel accompagnement est indispensable pour la santé des agriculteurs, pour leur activité, qui est très fortement affectée par le dérèglement climatique, et pour la préservation de la biodiversité.

Le succès des mesures agroenvironnementales et le nombre d’installations en bio attestent cette volonté de changement, mais il faut que l’État suive, en y mettant les moyens. La réaction, certes tardive, qui a conduit à rehausser l’enveloppe des mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec) montre que cela est possible.

Il est tout aussi essentiel de rémunérer l’ensemble des services environnementaux rendus par les agriculteurs, via une véritable politique de relance des paiements pour services environnementaux, les fameux PSE.

La question du bien-être des paysans est également centrale. Bien que le dispositif du crédit d’impôt en faveur du remplacement temporaire ait été amélioré ces dernières années, nous appelons de nos vœux une prise en charge à 100 %, qui paraît pleinement justifiée au regard du rôle nourricier joué par les agriculteurs.

Enfin, les accords de libre-échange, pour lesquels nous demandons collectivement des clauses miroirs portant sur les aspects environnementaux et sociaux, seront également au cœur des débats.

Comme nous l’avions demandé lors de l’examen de la proposition de résolution relative aux négociations en cours en vue d’un accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur, nous voulons de la clarté sur l’évolution des discussions qui ont lieu à l’échelle européenne et de la fermeté de la part de la France, afin que ne soit pas accepté un accord dangereux pour nos agriculteurs et pour les consommateurs français et européens.

Mes chers collègues, l’avenir de notre modèle agricole passera par une prise en compte des considérations que j’ai évoquées : il passera par des exploitations à taille plus humaine, plus facilement transmissibles, permettant une juste rémunération et favorisant le bien-être des agriculteurs, par une révision de la PAC dans le sens de davantage d’équité, et surtout par un accompagnement des agriculteurs vers une indispensable transition.

Madame la ministre, j’espère que vous entendrez avec sérieux nos différentes propositions. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Tissot, vous me permettrez, dans ma réponse, de sélectionner certains points de votre intervention, car vous avez abordé beaucoup de sujets.

Premier point : la question des marges, et en particulier de celles qui sont réalisées sur les produits biologiques.

Vous le savez, la loi tendant à renforcer l’équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, dite Descrozaille ou Égalim 3, dispose que le ministère de l’agriculture et celui de l’économie rendent sur ce sujet un rapport, qui est en cours de rédaction. Les premiers travaux effectués à cet égard indiquent qu’il n’y a pas de surmarges sur les produits sous signes de qualité et d’origine : le taux est le même que sur les produits de l’agriculture conventionnelle et la valeur est plus élevée, car le prix de base est plus élevé. Le rapport que nous attendons permettra d’éclairer, et peut-être de contrebalancer, les travaux que vous avez mentionnés.

Deuxième point : l’orientation et la formation sont l’un des enjeux de l’attractivité des métiers et de la politique que nous voulons mener pour favoriser l’installation de nouveaux agriculteurs. Il s’agit en particulier de faire connaître ces métiers qui, riches de perspectives, sont plus porteurs et plus intéressants que ce qu’en présente le journal de 20 heures…

Nous sommes prêts à travailler à la fois sur l’attractivité et sur le cursus de ces formations. Je rappelle que le budget consacré à la formation agricole est en hausse de 10 % en 2024.

Troisième point : le foncier. Si, à ce stade, aucune loi foncière n’est envisagée, nous créons néanmoins des groupements fonciers agricoles d’investissement (GFAI) et mettons en place un fonds pour la formation des entrepreneurs du vivant, doté de 400 millions d’euros, et dont une première tranche de 70 millions d’euros sera déployée prochainement.

Pour ce qui concerne vos remarques sur les paiements pour services environnementaux, monsieur le sénateur, j’y ai répondu par avance en évoquant les écorégimes de la PAC 2023-2027.

M. le président. La parole est à M. Christian Klinger. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Christian Klinger. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre nation a une longue histoire d’agriculture prospère. Qui a oublié la phrase : « Labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France » ? Elle date un peu et, malheureusement, les temps ont bien changé. La France n’est plus ni le grenier à blé de l’Europe ni le deuxième exportateur mondial… Il y a cinquante ans, nous comptions plus de 1,2 million d’exploitations agricoles ; il y en a aujourd’hui un peu moins de 440 000.

Sénateur depuis trois ans, j’ai déjà assisté à de nombreux débats relatifs à l’agriculture, voté un certain nombre de textes, entendu de grandes annonces dont la concrétisation allait changer le monde agricole ; et pourtant, ce secteur demeure durablement en crise. Je vous le rappelle, mes chers collègues, 20 % des agriculteurs français vivent sous le seuil de pauvreté. Leurs revendications ne semblent pas irréalistes : ils souhaitent juste pouvoir vivre correctement de leur travail !

Le Sénat a donné l’alerte, et identifié les problèmes. L’année dernière, quasiment jour pour jour, nous avions un débat très similaire à celui qui nous réunit aujourd’hui ; le ministre de l’agriculture nous avait répondu qu’il avait dans ses cartons un grand projet de loi d’orientation. Finalement, le Gouvernement a attendu que la marmite déborde pour proposer un avant-projet quasi vide et prendre des décisions sous la pression. L’annulation de la hausse du GNR est-elle vraiment la réponse aux attentes du secteur ? Ce n’est pas certain du tout, et vous le savez, madame la ministre.

La réponse que nous devons apporter aux problèmes de l’agriculture est multiple. L’avenir de notre modèle agricole est lié à des défis tels que le renouvellement des générations, la fiscalité des transmissions, les charges et la fiscalité qui pèsent sur les agriculteurs, la compétitivité internationale, la transition écologique.

Le vieillissement de la population agricole en France est un défi majeur. Et la transmission des exploitations se heurte souvent à des problèmes fiscaux qui peuvent décourager les jeunes agriculteurs. Les droits de succession sont un frein important à la transmission des exploitations agricoles : les héritiers, souvent des membres de la famille, ont parfois du mal à assumer les coûts fiscaux élevés associés à la transmission. Une telle situation peut conduire à des ventes ou à des situations financières difficiles. La question de la fiscalité des transmissions est donc cruciale pour assurer le renouvellement des générations et la pérennité des exploitations.

Les agriculteurs font aussi face à des charges importantes liées aux coûts de production, à l’achat de matériel ou aux coûts salariaux. De surcroît, la fiscalité agricole, qui est complexe, les soumet à une multitude de taxes et autres prélèvements. La dernière source de compétitivité de nos agriculteurs est malheureusement la baisse de leurs revenus, à défaut de celle de leurs coûts de production… Les revenus ne doivent pas être la variable d’ajustement de la compétitivité !

Le secteur agricole doit également faire face à la compétitivité internationale.

Depuis plusieurs décennies – nous y sommes désormais habitués –, certains font entendre une « petite musique » qui consiste à vitupérer notre modèle agricole, pourtant l’un des plus vertueux.

En 2017, le Président de la République plaidait pour « la montée en qualité, la montée du bio » : les produits français moins compétitifs devaient monter en gamme pour atteindre des marchés de niche qui seraient plus rémunérateurs. Et, « en même temps », il allait ouvrir le marché aux produits étrangers de milieu de gamme, mais beaucoup moins chers. Cette politique agricole à deux faces se révélerait une impasse !

Tels Perrette et son pot au lait, ces décideurs, ces gouvernements successifs, rêvaient ; telle Perrette, ils ont trébuché sur la réalité : ce modèle était déconnecté des attentes des Français et les contraintes qui pèsent sur lui sont autant de boulets qui l’ont entravé.

Les agriculteurs français doivent être en mesure de produire de manière compétitive sur le marché mondial, tout en respectant les normes environnementales et de qualité. Oui, il est possible de protéger notre agriculture des distorsions de concurrence qui ont cours au sein de l’Union européenne et avec le reste du monde ! Un texte a été adopté au Sénat, l’année dernière, en ce sens ; depuis, il semble s’être perdu dans la tuyauterie de l’Assemblée nationale…

Enfin, la transition écologique vers des pratiques agricoles plus durables et respectueuses de l’environnement est un véritable enjeu. Les incitations fiscales visant à encourager les agriculteurs à adopter de telles pratiques peuvent jouer un rôle crucial dans cette transition. Préférons l’usage de la carotte à celui du bâton !

L’avenir du modèle agricole français dépend de notre capacité à relever ces défis avec détermination, en délaissant les postures politiciennes. Vous avez eu de nombreuses possibilités, ces dernières années, d’améliorer le quotidien de nos agriculteurs ; pourtant, madame la ministre, vous n’avez jamais utilisé les véhicules législatifs qui étaient à votre disposition. Espérons que vous saurez, cette fois, vous en inspirer ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

(M. Mathieu Darnaud remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Mathieu Darnaud

vice-président

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Klinger, vous avez raison, il est nécessaire d’assurer la compétitivité de la ferme France, et vous ne devez pas douter de l’engagement du Gouvernement en ce sens.

Puisque vous avez insisté sur l’enjeu fiscal, permettez-moi de rappeler que de nombreuses mesures fiscales visant spécifiquement le monde agricole et les agriculteurs ont été adoptées dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2024. Je l’ai dit, nous souhaitons en particulier faciliter la transmission des exploitations aux jeunes agriculteurs, et prévoyons à cet égard de nouvelles incitations fiscales qui font en ce moment même l’objet de travaux préparatoires en vue du prochain projet de loi de finances.

Je reviens sur les mesures applicables en 2024.

La compensation de la réduction de l’avantage fiscal appliqué au GNR est maintenue, alors même que ledit avantage fiscal est lui-même maintenu.

Le plafond de la déduction pour épargne de précaution a été relevé, passant de 41 000 à 50 000 euros, afin d’accroître la résilience de nos exploitations face aux aléas. Du reste, depuis l’entrée en vigueur du projet de loi de finances pour 2023, ce plafond est indexé sur l’inflation.

Le seuil du régime du microbénéfice agricole a également été rehaussé, passant de 91 900 à 120 000 euros. Ce régime autorise non seulement une fiscalité allégée, mais surtout une simplification majeure des démarches.

Le seuil d’exonération des plus-values a augmenté, passant de 250 000 à 350 000 euros, pour l’exonération totale, et jusqu’à 450 000 euros, pour l’exonération partielle.

Enfin, le Premier ministre a récemment annoncé la pérennisation du dispositif travailleurs occasionnels-demandeurs d’emploi (TO-DE) et le rehaussement du seuil de dégressivité de 1,2 à 1,25 fois le Smic. (M. Laurent Duplomb sexclame.)

Je ne peux donc pas vous laisser dire que rien n’a été fait sur le plan fiscal pour soutenir les agriculteurs !

M. Laurent Duplomb. S’il en reste !

M. le président. Il faut conclure.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Les agriculteurs plébiscitent ces mesures concrètes. Et nous travaillons, pour 2025, à des mesures spécifiquement destinées à faciliter les transmissions.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)

M. Jean-François Longeot. Permettez-moi pour commencer, madame la ministre, de vous féliciter pour votre nomination. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) Ce débat sur l’avenir du monde agricole, qui est au cœur de l’actualité, vous permet de préciser certaines mesures que le Gouvernement a annoncées en réponse à la colère légitime des agriculteurs.

La profession traverse d’importantes difficultés. Mon collègue Franck Menonville en a fait état dans son propos, dont je partage chaque mot ; je n’y reviens donc pas.

Je veux remercier le groupe Les Républicains d’avoir pris l’initiative de ce débat.

Je souhaite tout d’abord revenir sur l’usage des produits phytosanitaires.

Nos agriculteurs travaillent dur pour nous nourrir, sans obtenir la reconnaissance qu’ils méritent. Au contraire, ils sont bien trop souvent accusés de tous les maux de notre planète, ce qui n’est pas juste !

M. Laurent Duplomb. Très bien !

M. Jean-François Longeot. J’en ai la ferme conviction, partagée, me semble-t-il, par le Président de la République : il nous faut appliquer le droit européen sans nous égarer dans des surtranspositions mortifères qui, si elles peuvent apparaître louables sur le plan écologique, conduiront à une baisse de notre production et à une augmentation de nos importations en provenance de pays qui ne sont pas aussi vertueux que le nôtre.

M. Laurent Duplomb. Il y a du travail !

M. Jean-François Longeot. À ce jeu-là, ni l’écologie ni nos agriculteurs ne seront gagnants sur le long terme.

La suspension du plan Écophyto, afin de mener un travail de concertation avec les différents acteurs concernés, va dans le bon sens.

M. Laurent Duplomb. Très bien !

M. Jean-François Longeot. Il nous faut mieux travailler avec nos partenaires européens et procéder à une réelle harmonisation de nos règles, sans nous livrer à une foire d’empoigne au niveau national. Il convient certes de ne pas méconnaître les enjeux de santé publique, mais de ne pas méconnaître non plus le travail de nos agriculteurs !

Au chapitre des contraintes, toujours, il convient d’aborder le sujet du plan Eau. Là aussi, madame la ministre, il faut agir et sortir des carcans administratifs ! Le réchauffement climatique nous met devant le fait accompli : certaines zones de notre pays ne pourront plus être cultivées comme elles le sont aujourd’hui. Il faut apprendre à vivre avec cette réalité, sans déni, et faire en conséquence des choix stratégiques.

Alors que certains territoires sont de plus en plus dépendants de l’irrigation, il ne faut pas avoir peur d’accompagner les agriculteurs vers des cultures moins gourmandes en eau. En premier lieu, dans le sud de la France – c’est inévitable –, il ne sera pas possible de fournir suffisamment d’eau aux cultures qui en ont besoin en grande quantité. En revanche, la solution du stockage d’eau dans des bassines peut s’étudier au cas par cas ; j’y crois vraiment. Il conviendra de toute façon d’adapter nos cultures aux nouveaux cumuls de pluie, qui ne cessent de battre des records à la baisse.

Il nous faudra, là aussi, être imaginatifs et particulièrement innovants. Je pense par exemple à la méthode de captation de l’eau atmosphérique utilisée à Grimaud, dans le Var ; notre collègue Jean Bacci vous y invitera, madame la ministre, à venir découvrir ce nouveau procédé.

J’en viens maintenant aux zones de non-traitement (ZNT), dont le respect constitue une obligation nouvelle pour la profession. Tandis que l’urbanisation grimpe en flèche, ces zones de non-traitement prolifèrent, ce qui représente autant de terres non cultivées par nos agriculteurs. Il nous faut donc, en ce domaine également, alléger les contraintes et introduire un peu de souplesse.

MM. Laurent Duplomb et Michel Savin. Très bien !

M. Jean-François Longeot. En zone industrielle ou artisanale, par exemple, la présence d’un parking ou d’un espace trop peu fréquenté engendre à elle seule l’application d’une distance de non-traitement, alors même que le risque sanitaire est inexistant. Ne serait-il pas opportun de mettre en place une nouvelle classification pour répondre à ce problème concret et rendre ainsi des terres à l’agriculture ?

Sur tous ces sujets, et à quelques jours de l’ouverture du salon de l’agriculture, je suis persuadé que nous pouvons, dans un esprit de responsabilité, faire confiance à la profession. Mes chers collègues, soyons concrets, ouverts à la discussion, pratiques et pragmatiques : en un mot, retrouvons le bon sens paysan ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur Longeot, je suis tout à fait d’accord avec vous : il faut retrouver le bon sens paysan !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Vous l’avez dit, il n’y a pas d’agriculture sans eau. L’eau a d’ailleurs fait l’objet d’un travail en profondeur au cours du Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique, organisé en son temps par mon ancien collègue Julien Denormandie, à l’issue duquel vingt-quatre mesures ont été décidées. À ce jour, vingt-trois d’entre elles ont été lancées, dont quatorze sont effectivement mises en œuvre. (M. Laurent Duplomb sexclame de nouveau.)

Permettez-moi de revenir sur certains des éléments que vous avez mentionnés, à commencer par la réutilisation des eaux traitées.

M. Laurent Duplomb. L’Arlésienne !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Vous le savez, l’arrêté relatif aux conditions de production et d’utilisation des eaux usées traitées pour l’irrigation de cultures et le décret relatif aux eaux réutilisées dans les entreprises du secteur alimentaire ont enfin été publiés – ils étaient attendus. Ils permettront de la souplesse dans les usages.

Avec le plan Eau, nous avons fait reconnaître l’importance singulière de l’eau en agriculture. Ce plan prévoit la création d’un fonds hydraulique agricole doté de 20 millions d’euros à partir de 2024. Il sera financé par le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire à hauteur de 30 millions d’euros à partir de 2025.

Ce fonds, destiné à l’entretien d’un certain nombre d’ouvrages, permettra la création, l’agrandissement, la réhabilitation et la modernisation d’ouvrages de stockage d’eau, ainsi que la réalimentation des nappes phréatiques ; il permettra également de favoriser l’accès à l’eau.

Vous avez par ailleurs évoqué la question de la simplification. Je veux le dire ici très clairement, le projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles que M. le ministre de l’agriculture, Marc Fesneau, et moi-même porterons comprendra spécifiquement des mesures de simplification des procédures afin de faciliter l’installation d’ouvrages de stockage d’eau, mais aussi de bâtiments d’élevage. Tel sera l’un des objets de ce projet de loi, que je sais attendu.

M. Laurent Duplomb. Avec impatience !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Je dis pour conclure un mot des zonages : il en existe une multiplicité, vous le savez ; un travail a été entamé afin de remettre à plat cette question et de rechercher, là aussi, les voies et moyens d’une simplification.

M. le président. La parole est à M. Lucien Stanzione. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Lucien Stanzione. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le monde agricole français et européen traverse une crise profonde. Le mécontentement des agriculteurs est immense.

Pour leur part, les viticulteurs nous ont alertés sur l’ampleur de la crise viticole et sur l’urgence qu’il y a à déployer des mesures d’accompagnement pour ceux d’entre eux qui sont en difficulté.

Durant des mois, les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain n’ont eu de cesse d’interpeller le Gouvernement en multipliant les interventions à cette tribune. Les échanges ont même parfois été très tendus… Hélas ! le Gouvernement a rejeté chacune de nos propositions.

Alors qu’il était jusqu’à présent resté sourd aux demandes des viticulteurs, le ministre de l’agriculture, confronté à leur mouvement de revendication, change désormais de paradigme et multiplie les annonces pour éteindre les braises de la colère.

Ainsi un fonds d’urgence doté de 80 millions d’euros a-t-il été subitement mis en place pour accompagner les viticulteurs en difficulté. Nous prenons acte de ce geste, même s’il vient bien tardivement et s’il reste insuffisant.

Par exemple, seuls 4,8 millions d’euros sont annoncés pour mon département de Vaucluse pour indemniser les producteurs de 1,2 million d’hectolitres de côtes-du-rhône, sur un total de 3 millions d’hectolitres en cuve à l’échelon national, malgré trois distillations successives. Nous demandons que tous les besoins de distillation soient totalement et immédiatement pris en compte.

Nous prenons également acte de la volonté du Gouvernement en matière de restructuration du vignoble, mais quelles perspectives nous offre-t-il ? Espérons que les démarches entreprises auprès de la Commission européenne permettront de sortir très vite du carcan des règles de minimis et de la moyenne olympique.

Nous attendons encore des réponses concernant l’aide au stockage privé, le déploiement de l’année blanche bancaire et le rééchelonnement des prêts garantis par l’État (PGE) pour les caves coopératives.

Nous réclamons des actes très forts et courageux pour nos viticulteurs en détresse.

Autre source de mécontentement : la lavandiculture. Comment comprendre que le reliquat de 4 millions d’euros, sur les 10 millions d’aides votées par le Sénat, n’ait toujours pas été versé aux lavandiculteurs ?

Quant à la filière française de cerises de bouche et d’industrie, elle est en péril absolu ! La protection par filet n’est pas une véritable méthode alternative pour lutter contre les ravageurs, comme vous le savez, madame la ministre. Il faut agir vite, car la filière se meurt : un savoir-faire va disparaître.

M. Laurent Duplomb. C’est vrai, mais apparemment tout le monde s’en fout !

M. Lucien Stanzione. Par ailleurs, le Vaucluse est le premier département producteur de truffes. Cette culture est aléatoire, capricieuse et peu structurée. Pourquoi ne pas soutenir son développement, notamment en promouvant un projet de statut des exploitants ?

La filière du pastoralisme, quant à elle, manque de moyens – sa survie est en jeu – et le nouveau plan Loup ne répond pas pleinement aux attentes de nos éleveurs en matière de lutte contre les prédations.

Madame la ministre, je suis à l’écoute des organismes de recherche dans mon territoire : tous mettent en avant la nécessité de développer la recherche de solutions de remplacement des produits phytosanitaires qui ont été retirés trop rapidement du marché, qu’il s’agisse de l’Institut technique interprofessionnel des plantes à parfum, médicinales, aromatiques et industrielles (Iteipmai) ou des centres de l’Inrae, à Avignon-Montfavet comme à Sophia-Antipolis.

Aussi, madame la ministre, je me permets de vous demander une nouvelle fois de débloquer des crédits massifs de recherche pour nos filières agricoles, comme le réclament ces instituts de recherche et le monde agricole.

Une politique agricole beaucoup plus ambitieuse est nécessaire dans tous ces domaines !

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Stanzione, permettez-moi de revenir un instant sur la viticulture, dont le Gouvernement ne découvre pas la situation.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Du reste, Jean Castex, alors Premier ministre, s’était fortement impliqué lors d’un épisode de gel en œuvrant pour le déploiement de 600 millions d’euros de soutien à la viticulture.

Ce sujet n’est donc pas nouveau, il est traité depuis plusieurs années. Nous ne restons pas les bras croisés à regarder ce secteur se transformer et faire face au dérèglement climatique.

Récemment encore, en 2023, je le rappelle, 200 millions d’euros ont été déployés pour la distillation et 38 millions d’euros pour l’arrachage. En outre, nous venons d’annoncer la création d’un fonds d’urgence doté de 80 millions d’euros, ainsi qu’un appui structurel de l’État, à hauteur de 150 millions d’euros, en complément des 250 millions d’euros de crédits du programme national vitivinicole.

Nous prenons donc à la fois des mesures d’urgence et des mesures structurelles pour accompagner la profession et lui apporter des solutions. Nous mesurons les effets du dérèglement climatique sur ce secteur et nous prenons en compte la nécessité pour les viticulteurs de transformer leur activité et de diversifier l’utilisation de leurs surfaces agricoles ; nous les projetons ainsi dans le futur.

Enfin, monsieur le sénateur, vous demandez que des crédits importants soient alloués à la recherche de solutions permettant de remplacer les produits phytosanitaires. Or de tels crédits sont bel et bien inscrits dans le plan Écophyto : 250 millions d’euros vont ainsi être déployés pour financer la recherche et développement de l’Inrae et pour trouver des solutions autres que les molécules dont il est désormais établi qu’elles ont des effets sur la santé humaine et sur la biodiversité.

Je rappelle que l’effondrement de la biodiversité est aussi un problème pour les agriculteurs.

M. Laurent Duplomb. C’est pour cela que nous mangeons des cerises turques !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. C’est pour cela que nous déployons ces financements importants.

M. le président. La parole est à M. Olivier Rietmann. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Olivier Rietmann. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « on marche sur la tête ! » : le mot d’ordre du mouvement de protestation du monde agricole que notre pays vient de connaître est à mon avis loin d’être un slogan anecdotique.

Une partie non négligeable des revendications des agriculteurs a tourné autour de l’idée de simplification administrative, une nouveauté marquante de ce mouvement. Autant vous le dire d’emblée : en tant que président de la délégation sénatoriale aux entreprises, cela ne m’a pas réellement surpris !

Le secteur agricole est le plus touché par cette frénésie normative, ce réflexe de tout régler par la loi, le décret et l’arrêté, ce même réflexe qui obère notre potentiel productif.

Quel secteur, madame la ministre, connaît des contrôles aussi fréquents que la profession agricole ? Le respect des critères d’éligibilité aux dispositifs surfaciques de la PAC, tels que la vérification du couvert déclaré sur les parcelles, fait l’objet d’observations par relevé satellitaire tous les trois jours : tous les trois jours, vous ne rêvez pas !

Quelle profession, madame la ministre, est ainsi sommée de ne jamais revenir en arrière, de ne pas même faire un pas de côté, y compris lorsqu’on s’aperçoit que la direction choisie n’était pas la bonne ? C’est l’histoire du fameux ratio de prairies permanentes ou des règles applicables aux haies, qui pénalisent les bons élèves pour s’être engagés dans des pratiques vertueuses. À force de sanctuariser ces dernières, les agriculteurs vont-ils bientôt devoir se cacher quand ils les mettent en œuvre ?

Instaurer de la conditionnalité pour s’assurer du bon emploi des deniers publics est une chose, et même une très bonne chose, mais créer des usines à gaz qui coûtent parfois plus à la société qu’elles ne lui rapportent en est une autre.

Parce que les normes sont en apparence non coûteuses, elles sont souvent préférées aux subventions ou aux taxations. Pourtant, leurs effets distorsifs sur l’économie sont nombreux et souvent pires que ceux de la fiscalité : parce que les normes favorisent la recherche de rente, parce qu’à force de tout faire reposer sur la norme et sur la contrainte, on décourage les motivations intrinsèques et la volonté de bien faire.

Soyons clairs : la simplification administrative et le toilettage normatif ne signifient pas l’abandon de toute ambition en matière environnementale ni l’imposition d’un modèle agricole unique ; mais il est temps de faire un peu de ménage dans nos codes.

À cet égard, reconnaissons-le, les annonces du Premier ministre vont plutôt dans le bon sens, notamment sur le curage des cours d’eau, les délais de recours contre les projets agricoles ou les projets de gestion de l’eau et les seuils d’évaluation environnementale dans l’élevage.

Mais force est d’admettre que certaines zones d’ombre subsistent. Par exemple, on ne comprend pas très bien en quoi pourra consister concrètement l’unification du régime applicable aux haies. Plus inquiétant encore, les syndicats se sont plaints, ces derniers jours, du fait que les dossiers de simplification qui devaient être réglés d’ici au salon de l’agriculture n’avançaient pas au rythme attendu.

Quant à nous, parlementaires, nous devrons nous montrer vigilants lors de l’examen des textes à venir sur la simplification et sur le renouvellement des générations, car il n’est pas rare que des intentions de simplification se traduisent par des réalisations en définitive encore plus complexes que l’existant.

Or je suis persuadé que l’avenir de notre modèle agricole dépend avant tout de notre capacité à libérer les initiatives individuelles et à faire confiance à nos 400 000 agriculteurs, notamment aux plus jeunes d’entre eux, pour qu’ils inventent leur propre avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Rietmann, je vous sais particulièrement attentif à l’exigence de simplification, en tant que président de la délégation sénatoriale aux entreprises et, vous l’avez rappelé, en tant qu’auteur d’une proposition de loi visant à s’assurer que les normes sont pensées, conçues et évaluées en tenant compte des impératifs de compétitivité de nos entreprises. Je dois dire que je considère avec beaucoup de bienveillance cette approche, non seulement à l’échelon national, mais également à l’échelon européen.

M. Laurent Duplomb. Là encore, il y a du travail !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. La simplification est aussi une attente qu’ont distinctement exprimée les agriculteurs lors de leur mobilisation. Vous le savez, à ce sujet, nous avons un programme de travail, sur lequel le Premier ministre a été extrêmement clair.

M. Laurent Duplomb. L’agriculture au-dessus de tout !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Les simplifications attendues figureront dans le projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles ; je pense en particulier à la simplification du cadre juridique applicable à la gestion des haies ou au traitement des contentieux relatifs aux projets d’ouvrage hydraulique agricole et d’installation d’élevage, ou encore à la sécurisation juridique des travaux agricoles et forestiers.

Il arrive parfois que deux réglementations se contredisent,…

M. Laurent Duplomb. Allons, ce n’est pas bien grave… (Sourires.)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. … que l’une prévoie l’obligation de débroussailler quand une autre interdit d’attenter aux nids de telle ou telle espèce protégée.

M. Laurent Duplomb. Ça, l’OFB s’en charge !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Tout ce qui relève du réglementaire est également important : un travail est en cours dans ce domaine afin de traduire les annonces faites par le Premier ministre en Haute-Garonne, notamment sur la simplification du contentieux, la suppression de degrés de juridiction dans certains types de contentieux et la réduction des délais de recours contre les projets agricoles, afin d’aller plus vite.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous annonce que nous venons de transmettre les projets de texte aux parties prenantes agricoles ; ainsi allons-nous pouvoir continuer de travailler et faire en sorte que tout soit prêt avant l’ouverture du salon international de l’agriculture,…

M. Laurent Duplomb. C’est la semaine prochaine !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. … conformément au calendrier fixé par le Premier ministre.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Enfin, la démarche que j’ai décrite s’inscrit dans la durée. Cela signifie, d’un point de vue méthodologique, qu’il nous faut éviter, dans la fabrique de la loi, de compliquer en cherchant à simplifier. En défendant la loi d’accélération et de simplification de l’action publique, j’ai eu l’occasion de constater qu’il n’était pas si simple de simplifier la loi.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Garnier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Duplomb. Pour Notre-Dame-des-Landes ! (Sourires.)

Mme Laurence Garnier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les agriculteurs ne sont plus sur les routes, ils sont retournés travailler, mais nous savons tous ici que rien n’est réglé. Les paysans français restent enserrés dans le double corset de réglementations nationales contraignantes et de stratégies européennes décroissantes.

À l’échelon national, l’empilement des lois, des normes et des décrets contraint notre pays, pourtant premier pays agricole d’Europe, à importer la moitié de ses fruits et légumes.

À titre d’exemple, dans mon département, en Loire-Atlantique, terre de maraîchage, les producteurs de radis subissent les atermoiements liés à l’application de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (Agec).

En 2021, un premier décret a formalisé l’interdiction des emballages en plastique ; ce décret a été invalidé par le Conseil d’État. L’administration française a ensuite publié un deuxième décret ; la Commission européenne est alors intervenue pour demander sa suspension, dans l’attente de la mise en œuvre d’une loi à l’échelon européen. Et l’administration française a donc publié un troisième décret, en juin dernier ! (M. Laurent Duplomb sesclaffe.) Trois décrets, trois changements de pied : tout cela pour attendre une réglementation européenne à venir.

M. Laurent Duplomb. Et encore : tous ces décrets, ce n’est pas la loi !

Mme Laurence Garnier. Ladite réglementation européenne s’inscrira vraisemblablement dans la stratégie Farm to Fork, qui s’apparente de plus en plus à un suicide annoncé pour notre agriculture.

En moins de cinq ans, quatre études ont été menées pour évaluer les conséquences de cette stratégie agricole : une étude du département américain de l’agriculture, deux études universitaires – l’une allemande, l’autre néerlandaise – et une étude du Centre commun de recherche (JRC, Joint Research Centre), qui dépend de la Commission européenne elle-même. Notre collègue François-Xavier Bellamy a obtenu la publication de ce dernier document, malgré les réticences de la Commission.

Toutes ces études résonnent comme autant de signaux d’alerte que vous avez ignorés. Elles convergent pour souligner trois risques majeurs de la stratégie Farm to Fork à l’horizon 2050.

Le premier risque, c’est une baisse globale de la production agricole européenne, de l’ordre de 12 % à 15 % selon les études. Le deuxième, c’est une forte hausse des prix des produits agricoles, évaluée entre 12 % et 17 %. Le troisième, c’est une division par presque deux du volume de nos exportations.

La mise en œuvre de cette stratégie aura trois conséquences.

Elle aura tout d’abord des conséquences pour nos agriculteurs : beaucoup d’exploitations ne survivront pas à la paupérisation annoncée qui les guette. Je rappelle que 125 000 exploitations agricoles en France réalisent moins de 25 000 euros de chiffre d’affaires par an.

Elle aura ensuite des conséquences pour les consommateurs français. Nous allons tout droit vers « une alimentation à deux vitesses, avec du local pour les riches, et des produits importés pour les pauvres », selon les termes du think tank bruxellois FarmEurope.

Enfin, cette stratégie aura des conséquences pour la population mondiale dans son ensemble : selon l’étude américaine que j’ai précédemment mentionnée, l’insécurité alimentaire pourrait toucher près de 200 millions de personnes supplémentaires.

Tout cela, madame la ministre, n’est pas tenable.

Nous ne ferons pas la transition écologique contre les agriculteurs ; nous ne la ferons pas contre les Français les plus modestes ; nous ne la ferons pas non plus contre les plus pauvres des pays d’Afrique ou d’Asie.

Une voix sur les travées du groupe SER. En gros, il ne faut pas la faire !

Mme Laurence Garnier. Il est encore temps d’agir ! Battons-nous pour l’avenir de notre agriculture, battons-nous pour l’avenir de nos agriculteurs. Tous les chiffres sont sur la table, nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la sénatrice Garnier, vous avez évoqué la stratégie de la ferme à la table. Cette stratégie a pour objet de répondre à la question du juste équilibre entre la nécessité de produire, pour les Français, mais aussi – et c’est très important, en effet – pour le reste du monde, et la nécessité d’accompagner la transition.

Nous savons que l’alimentation peut être une arme de guerre, comme l’est l’énergie, on l’a vu ; à cet égard, je pense évidemment à l’Afrique et au Maghreb.

Mais nous savons aussi que les questions de l’effondrement de la biodiversité et du dérèglement climatique ne sont pas des questions théoriques : elles font peser sur nos populations et sur nos agriculteurs une menace certaine. Je l’ai d’ailleurs entendu dans votre propos, madame la sénatrice : vous-même recherchez ce juste équilibre entre accompagnement de la transition écologique – il y va en réalité de transitions multiples – et défense du revenu et de la production des agriculteurs.

Il me semble que nous nous sommes pleinement emparés de ce sujet. À cet égard, je le rappelle, la France, par la voix de son ministre Fesneau, vient de remporter un succès auprès de la Commission européenne en obtenant une dérogation aux obligations de jachères pour la campagne 2024. Je le rappelle également, la présidente de la Commission européenne a reconnu que le règlement sur l’utilisation durable des pesticides (SUR) n’était pas mature, qu’il ne correspondait pas à l’état de la situation en Europe, et elle l’a retiré pour le retravailler.

M. Laurent Duplomb. Et nous, on continue !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Nous continuons…

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. … de travailler à l’échelon européen pour que les États membres puissent à la fois poursuivre ce processus d’accompagnement des filières agricoles dans leur transition, mais également lutter contre la concurrence déloyale d’autres pays. Tel est l’enjeu des clauses miroirs et des différentes négociations que nous menons avec l’Ukraine. Tel est aussi le sens de la création d’une force européenne de contrôle sanitaire et agricole pour éviter la concurrence déloyale en agriculture aux frontières de l’Union européenne.

Enfin, j’en viens au cas particulier de la filière maraîchère. Oui, les décrets ont été modifiés, mais nous faisons tout pour que ce que nous avons fait se reflète dans le droit européen.

M. le président. Il faut conclure.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. J’indique par ailleurs que cinq guichets d’accompagnement de la filière fruits et légumes, dotés de 100 millions d’euros, ont été ouverts le 21 décembre.

Il s’agit là de mesures concrètes permettant d’accompagner nos agriculteurs.

M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier.

M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si rien ne change, nos agriculteurs auront pour prochains interlocuteurs les huissiers de justice.

Si vous faisiez campagne autre qu’électorale, vous auriez senti venir le mouvement de contestation, le ras-le-bol actuel. Ce mouvement n’est pas le fruit d’un sentiment ni ne procède de la défense de privilèges, il est le dernier cri du cœur de la paysannerie française, qui ne veut pas mourir.

Il n’y a plus de trésorerie dans les caisses des fermes. La propriété réelle se réduit comme peau de chagrin : les matériels appartiennent à la banque, tandis que l’État applique une imposition abusive sur les transmissions d’exploitation.

En France, l’agriculture est nourrie par la générosité de ses nappes phréatiques, mais elle est asséchée par une chape de plomb administrative et pseudo-environnementale.

Notre pays a tout ce qu’il faut pour produire, mais vous faites le choix, madame la ministre, par la voix de vos députés européens et aux côtés de la Commission européenne, de la déproduction !

En trente ans, l’écolo-gauchisme, systématiquement suspicieux à l’égard de nos entrepreneurs, a eu raison de notre civilisation paysanne.

À Bruxelles comme à Paris, nos gouvernants ont ligoté les paysans à grand renfort de normes, de restrictions, de contrôles satellitaires et, désormais, de quotas de jachères et de hausse de la taxe sur le GNR, tout cela pour donner libre cours aux traités de libre-échange avec l’extérieur de l’Union européenne, à la concurrence déloyale à l’intérieur par la surtransposition et à la dépossession des petits fermiers par les agro-industriels.

L’agriculture a connu le plus grand plan social de ces trente dernières années. Nous sommes passés de 1,6 million d’agriculteurs dans les années 1980 à moins de 400 000 aujourd’hui. Parmi ces dépossédés, combien ont perdu la vie au champ, au champ d’honneur de la détresse et de l’épuisement ?

Pour faire face à l’urgence, il faut impérativement reporter les échéances bancaires des agriculteurs sur l’année en cours et refuser la hausse de la redevance pour pollutions diffuses et de la redevance pour prélèvement sur la ressource en eau.

Appliquons la politique de la chaise vide à Bruxelles pour récupérer les 11 milliards d’euros que nous versons à la Commission sans en revoir la couleur. Il y a des milliards pour l’Ukraine ;…

Mme Sophie Primas. Parlez-en à Jordan Bardella…

M. Stéphane Ravier. … il en faut d’abord pour la survie de nos paysans !

Madame la ministre, depuis mai 2022, l’intitulé du ministère de l’agriculture s’est vu adjoindre l’objectif de « souveraineté alimentaire ». En même temps, le nouveau chef du Gouvernement prône la souveraineté européenne à Berlin. Doxa et paradoxe : aucune cohérence, aucune émancipation à l’égard de la doxa ! Vous jouez la montre électorale, mais les paysans sont de retour, car ils ont compris que vous les aviez trompés.

Et pourtant, s’il existait une vision pour l’avenir de notre modèle agricole, elle anticiperait les formidables défis de souveraineté, de prospérité et d’influence que représente la maîtrise des big data agricoles. Or cette bataille, dont les enjeux sont colossaux, est en train de nous échapper.

Parlons d’avenir, madame la ministre : que pensez-vous, sur les plans sanitaire et environnemental, des viandes de synthèse, dont le ministre de l’économie a fait la publicité ?

Madame la ministre, vous qui faites partie d’un gouvernement en marche permanente et qui n’êtes donc attachée à aucun territoire, vous qui, où que vous soyez, en Corrèze ou au Zambèze, ne considérez la terre des hommes que comme une simple parcelle du marché mondialisé, soyez convaincue qu’une large majorité de Français enracinés restent très attachés au triptyque « pays, paysans, paysages », indissociable de la devise « liberté, égalité, fraternité »… à laquelle j’ajoute « souveraineté ».

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Ravier, j’ai relevé dans votre propos un certain nombre d’énoncés faux.

Vous dites que la redevance pour pollutions diffuses est en augmentation. C’est faux : la perspective d’une telle augmentation a été bloquée.

M. Laurent Duplomb. Une hausse de 47 millions était bien prévue…

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Votre demande est donc satisfaite ; vous mentionnez des choses qui n’existent pas, mais ce n’est pas la première fois.

Vous plaidez par ailleurs pour que nous pratiquions la politique de la chaise vide à Bruxelles. Or la France, je l’ai dit, vient de remporter des victoires auprès de l’Union européenne, notamment sur la question des jachères. (Mme Sophie Primas sexclame.) Je ne reviens pas sur les autres exemples que j’ai donnés.

Dans un autre registre, je me souviens de la force avec laquelle vous disiez que nous ne serions pas capables d’obtenir un accord sur la réforme du marché de l’énergie. Or nous y avons bel et bien réussi, quand bien même nous n’avons pas donné à cet accord tout l’écho qu’il eût mérité. Malheureusement pour vous, nous sommes donc une force de proposition en Europe !

Je tiens à dire ici qu’il ne faut pas croire que la France sera forte dans une Europe faible. Elle sera forte dans une Europe forte, qui sache s’imposer aussi aux autres zones géographiques, aux États-Unis, à la Chine et à d’autres. Dire le contraire, c’est mentir aux Français. En l’occurrence, c’est mentir aux agriculteurs !

Dans le domaine agricole, nous avons contribué à la réforme de la PAC, à la création des écorégimes et à la mise en place des paiements pour services environnementaux. Des choses peuvent certainement être améliorées, et nous sommes à votre écoute à cet égard, mais je ne peux pas laisser dire le faux.

Enfin, vous m’interrogez sur la viande cellulaire. Sur ce sujet également, nous avons pris position, dans le sens d’une opposition de principe, récemment réaffirmée par Marc Fesneau, ministre de l’agriculture, lors du Conseil agriculture et pêche du 23 janvier 2024. Nous nous sommes associés à ce propos, aux côtés de l’Italie, au document présenté par l’Autriche.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Nous sommes en train de dresser un bilan scientifique de cette production – émissions de CO2, recours aux OGM, consommation d’eau – afin de démontrer qu’elle n’est peut-être pas la meilleure façon de faire de l’agriculture responsable ou de l’élevage responsable.

Conclusion du débat

M. le président. En conclusion du débat, la parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens pour commencer à vous remercier, vous en particulier, monsieur le sénateur Duplomb, qui êtes à l’origine de ce débat, pour la qualité de nos échanges, et à saluer l’engagement constant du Sénat sur les enjeux agricoles et de souveraineté alimentaire.

J’ai d’ailleurs relevé un certain nombre de convergences de vue entre les différentes travées de votre assemblée sur l’enjeu de la souveraineté agricole, ainsi que sur la nécessité de maintenir une exigence en matière climatique et environnementale.

Le cap à tenir pour l’avenir de notre modèle agricole est celui de la souveraineté alimentaire. Cela sera affirmé avec force dans le projet de loi qui sera présenté avant le salon international de l’agriculture, que vos travaux enrichiront. À la souveraineté alimentaire, j’adjoins naturellement la souveraineté énergétique, qui contribue de manière stratégique, via la biomasse, à la fourniture d’énergie et à la transition énergétique. Dans les semaines et mois à venir, je serai mobilisée pour valoriser notamment cette dernière dimension.

Je voudrais plus particulièrement m’arrêter quelques instants sur quatre chantiers sur lesquels nous souhaitons, Marc Fesneau et moi-même, orienter prioritairement notre action.

Il nous faut, en tout premier lieu, relever le défi du renouvellement des générations – comme cela a été mentionné. D’ici à 2030, le besoin est immense, vous le savez. Y répondre exige en particulier d’accroître de 30 %, par rapport à 2022, le nombre d’apprenants dans les formations de l’enseignement agricole technique. Il s’agit de former plus, mais aussi de former différemment, à des métiers qui évoluent sans cesse et qui sont marqués par une forme d’hybridation des compétences requises.

Nous devons impérativement poursuivre notre investissement dans l’enseignement agricole. Ses moyens sont en hausse de 10 % cette année et nous allons mettre en œuvre les mesures du pacte d’orientation pour le renouvellement des générations en agriculture présenté par le ministre Marc Fesneau à la fin de l’année 2023. Vous aurez à vous saisir de certaines de ces mesures lors de l’examen du projet de loi : je pense à la rénovation des missions de l’enseignement agricole, à l’institution d’un bachelor agro ou à la création de contrats locaux qui permettront de relancer ou d’ouvrir des classes formant aux métiers de l’agriculture dans nos territoires.

Le deuxième défi, c’est celui des transitions agroécologique et climatique. Le Sénat a voté en décembre dernier des moyens inédits pour notre agriculture ; en particulier, cette année, 1,3 milliard d’euros supplémentaires sont dédiés à la planification écologique. Je le dis sans détour : il n’y aura pas de souveraineté alimentaire qui ne soit durable et résiliente. Le statu quo serait mortifère pour notre agriculture, qui ne sera plus en mesure de produire sous contrainte climatique si nous ne faisons pas évoluer progressivement, mais de manière importante, ces activités. Cela aussi a été mentionné dans le débat, lorsqu’a été évoquée la situation de certaines zones du sud de la France.

C’est pourquoi nous allons agir en faveur de la haie, du renouvellement forestier et de l’accompagnement de la transformation de nos exploitations, en nous dotant d’outils de diagnostic mieux adaptés. Nous allons également poursuivre nos efforts en matière de réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires, en gardant en tête ce principe essentiel, « pas d’interdiction sans solution », ce qui suppose évidemment des investissements importants dans la recherche et développement.

M. Loïc Hervé. Cela ne veut rien dire !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. La troisième direction, c’est celle de la compétitivité de notre agriculture. Il s’agit d’un sujet sur lequel le Sénat est tout particulièrement mobilisé : les trois quarts de vos interventions ont mentionné ce thème.

Le Premier ministre a pris une décision forte en annulant la hausse de la fiscalité prévue sur le GNR : celle de maintenir les dispositifs de compensation qui y étaient liés. Ceux-ci font écho à des propositions formulées ici même, comme le régime du microbénéfice agricole ou la déduction pour épargne de précaution.

Là encore, nous allons plus loin, en enrichissant le projet de loi qui vous sera présenté d’un volet de simplification visant, par exemple, les projets de stockage d’eau ou d’élevage. En effet, libérer les agriculteurs de normes devenues superflues ou contradictoires, c’est leur donner plus de compétitivité, comme vous avez été nombreux à le souligner.

Enfin, pour garantir la cohérence de notre action dans ces trois directions – renouvellement des générations, transitions, compétitivité – et permettre à nos producteurs de mener ces grandes transformations, nous avons besoin d’un cadre international et européen qui protège de la concurrence déloyale.

Le Premier ministre a réaffirmé la volonté de la France d’œuvrer en ce sens. À court terme, une clause de sauvegarde sera mise en place sur les produits agricoles contenant des résidus de thiaclopride et, sur le plus long terme, nous soutiendrons la création d’une force de contrôle sur la concurrence déloyale en agriculture aux frontières de l’Union européenne. Cela suppose une négociation vigilante de tous les traités internationaux. Le commerce agricole est aussi une force de notre pays, mais il ne le restera qu’à la condition de savoir lutter contre la concurrence déloyale.

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Vincent Louault applaudit également.)

M. Daniel Gremillet, pour le groupe Les Républicains. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat demandé par notre groupe Les Républicains, lancé par notre collègue Laurent Duplomb, est un débat essentiel pour toute société qui, comme la nôtre, est tournée vers l’avenir. Pourquoi ? Parce qu’il concerne le fondement même de la sécurité et du bien-être de la population sur notre territoire.

Permettez-moi de revenir sur deux dates.

La première est celle de la création de l’Union européenne. L’Europe, alors à six, avait faim. Et voici ce que disait le traité de Rome : « Paysans, produisez ; l’Europe vous garantira un revenu décent ! » (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Duplomb et Mme Sophie Primas. Exactement !

M. Daniel Gremillet. Deuxième date, aux alentours de 1962 : l’impulsion a été donnée pour toute une politique de renouvellement des générations et de modernisation de l’agriculture, un rôle essentiel étant dévolu, aux côtés de cette dernière, à l’État. À l’époque, via le fonds des calamités agricoles, l’État garantissait aux agriculteurs une prise en charge effective des risques auxquels ils étaient exposés, selon le principe du « un pour un ».

C’est sur cette base que nous avons assuré la sécurité alimentaire de nos territoires.

Et l’agriculture française ne se résume pas à un seul modèle. Nous avons la chance, en France, d’être riches d’une diversité d’exploitations à taille humaine qui, quoique relevant, jusqu’au sein d’un même village, de systèmes agricoles différents, remplissent toutes la même mission, celle de nourrir les femmes et les hommes de nos territoires, partout en Europe. Voilà qui mérite le plus grand respect : voilà qui mérite la confiance qui a été placée dans le travail quotidien de nos exploitants.

Mais voilà : au fil des ans, cette confiance a été perdue. (Protestations sur les travées du groupe GEST.) Les paysans ont si bien accompli leur mission que le souci alimentaire a disparu de nos sociétés. Et pourtant, la situation n’a jamais été aussi critique qu’aujourd’hui sur le plan de la sécurité alimentaire.

Comme Laurent Duplomb l’a très bien expliqué tout à l’heure, il faut sortir des carcans administratifs. Comme on dit en jargon paysan, madame la ministre, nous en sommes au point où une vache n’y retrouve plus son veau, tant il y a de contradictions entre les réglementations françaises, locales, européennes… Ce n’est pas possible !

M. Laurent Duplomb. Marre des technos !

M. Daniel Gremillet. Vous ne pouvez pas demander à des paysans de nourrir la population tout en les plongeant dans de telles contradictions, qui sont très mal vécues au quotidien dans les territoires.

Ce n’est pas un hasard si ce débat a lieu au Sénat, qui représente la France des territoires, cette France de la proximité où vivent ces populations qui, via des systèmes très différents, apportent des réponses économiques aux problèmes de l’agriculture et, surtout, garantissent la sécurité alimentaire de notre pays.

Madame la ministre, vous avez dit par ailleurs que la transition écologique était fondée sur la science. Mais l’agriculture a de tout temps été fondée sur la science : cela ne date pas d’aujourd’hui !

M. Guy Benarroche. En effet, les phytosanitaires, c’est la science !

M. Daniel Gremillet. C’est pourquoi à titre personnel je combats l’expression « développement durable », formule prétentieuse en ce qu’elle laisse penser qu’il n’y a que nous qui faisons bien. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Nous progressons au rythme de la connaissance, madame la ministre : ce qui était vrai hier ne l’est plus aujourd’hui, et ce qui sera vrai demain ne sera plus, peut-être, ce que l’on pense bon pour aujourd’hui.

Le désarroi actuel de l’agriculture, madame la ministre, vient de ce que nous devons aller au rythme de la science, mais non plus vite que la science. La science doit être capable d’apporter des réponses au quotidien, pour la sécurité alimentaire, à l’agriculture et aux agriculteurs, sans plonger ces derniers dans des contradictions insolubles.

Un dernier point me semble majeur : le respect du travail des femmes et des hommes. On ne saurait d’un côté imposer des exigences, tant à l’échelle française qu’à l’échelle européenne, et, de l’autre, au quotidien, les laisser bafouer.

Vous voulez renforcer les contrôles ? Mais arrêtons de mentir aux consommateurs : tout ne passe pas par le renforcement des contrôles. Ce qu’il faut, c’est avoir le courage de mettre en débat, y compris au Parlement, les accords internationaux de libre-échange ! Or, pour l’heure, pareil courage manque à l’appel.

Jamais le rendez-vous de la sécurité alimentaire n’a constitué un aussi grand défi. Pour notre part, nous avons pris nos responsabilités : le texte qui a été déposé par notre collègue Laurent Duplomb, avec ses quarante-deux propositions, représente un engagement en faveur de la sécurité alimentaire, porté par une vision pour les paysans, qui en ont tant besoin.

Je souhaite simplement, madame la ministre, que vous vous imprégniez de cette vision stratégique, et qu’en définitive vous suiviez ce cap que nous proposons de donner à l’agriculture française. Celle-ci a besoin d’un chemin ; elle ne saurait rester dans la broussaille. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – M. Jean-Luc Brault applaudit également.)

M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur l’avenir de notre modèle agricole.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures dix, est reprise à dix-huit heures douze.)

M. le président. La séance est reprise.

6

Mises au point au sujet de votes

M. le président. La parole est à M. Jean Hingray.

M. Jean Hingray. Lors du scrutin public n° 119 sur l’ensemble du projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, je souhaitais voter pour.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Lors du scrutin public n° 118 sur l’ensemble du projet de loi relatif à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire, M. Jérémy Bacchi souhaitait voter contre.

Lors du scrutin public n° 119, MM. Jérémy Bacchi et Ian Brossat souhaitaient voter contre.

M. le président. Acte est donné de ces mises au point, mes chers collègues. Elles figureront dans l’analyse politique des scrutins concernés.

7

 
Dossier législatif : proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports
Discussion générale (suite)

Sûreté dans les transports

Discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports
Article 1er (début)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Républicains, de la proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports, présentée par M. Philippe Tabarot et plusieurs de ses collègues (proposition n° 235, texte de la commission n° 319, rapport n° 318, avis n° 313).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte. (Mmes Sophie Primas et Marie-Claire Carrère-Gée applaudissent.)

Dans la discussion générale, la parole est à M. Philippe Tabarot, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

M. Philippe Tabarot, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 1er octobre 2017, sur le parvis de la gare Saint-Charles, Mauranne, 20 ans, étudiante en médecine, et Laura, 21 ans, élève infirmière, se voyaient ôter la vie par une terrible attaque islamiste à coups de couteau. Ce drame de Marseille a sans doute été pour moi, alors élu régional chargé des transports, celui de la prise de conscience, qui me conduit aujourd’hui à cette tribune pour y défendre la présente proposition de loi.

Malheureusement, l’assassinat du chauffeur de bus de Bayonne, l’attaque au couteau à la gare de Lyon, celle survenue à la station Stalingrad il y a quelques jours ou encore l’agression, le week-end dernier, d’une conductrice d’autobus à Nice n’ont fait que me conforter dans mes convictions : les transports n’échappent ni au terrorisme ni aux actes de délinquance. Bien au contraire, les transports en commun démultiplient ces dangers.

Nous le savons, le risque zéro n’existe pas ; à cet égard, je n’intenterai aucun procès en inaction – et surtout pas à vous, monsieur le ministre, qui venez de prendre la tête de ce beau ministère.

La loi relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs, votée en 2016 sur l’initiative des députés socialistes Bruno Leroux et Gilles Savary, était un texte pragmatique. Elle nous a apporté un socle solide, complété par les éléments nouveaux que nous devons à la loi pour une sécurité globale préservant les libertés, dite loi Sécurité globale.

Mais tout cela n’est plus suffisant. J’appelle à une sérieuse prise de conscience de la part de tous – et je tourne mon regard vers les collègues qui siègent du côté gauche de notre hémicycle. La réalité est implacable et ne saurait souffrir, mes chers collègues, que l’on se raccroche encore, malgré des faits de plus en plus nombreux et de plus en plus violents, à des espérances angéliques et à des clichés dépassés. Je vous propose plutôt que nous nous posions la question suivante : comment pouvons-nous, en tant que législateurs, inciter les usagers à privilégier de manière massive le recours aux transports en commun, si certains d’entre eux – je pense en particulier aux femmes – évitent ces réseaux en raison de l’insécurité, comme c’est le cas aujourd’hui ?

Mme Sophie Primas. Très bien !

M. Philippe Tabarot. Ne vous laissez pas aveugler par une certaine idéologie d’un autre temps ! Je vous propose simplement d’améliorer utilement l’arsenal de sécurité dans les transports, qui est aujourd’hui à bout de souffle.

C’est une urgence au regard du contexte, car la police nationale, dont je salue le dévouement, ne peut être partout. Et les transports sont par nature vulnérables à la menace terroriste, aux violences sexuelles, aux atteintes aux personnes et aux biens, à la fraude…

Pour que chacun prenne bien la mesure de la réalité, voici quelques chiffres : en 2022, on a dénombré 124 570 victimes de vols et de violences dans les transports, et une personne sur deux s’y sent en insécurité. (M. Guy Benarroche le conteste.) En un an, le nombre d’agressions sexuelles a augmenté de 13 %, un record ! Ces chiffres démontrent, s’il le fallait, la prégnance de l’insécurité, ainsi que la nécessité de franchir, en la matière, une nouvelle étape.

Il est de notre devoir d’améliorer la sûreté dans les transports collectifs par des actions de prévention et de répression. C’est là tout l’objet de la proposition de loi que nous discutons aujourd’hui ; je tiens d’ailleurs à remercier Bruno Retailleau, qui a souhaité l’inscrire à l’ordre du jour. Cosigné par près de 140 sénateurs issus de quatre groupes différents, ce texte ne constitue pas un vecteur idéologique ni ne procède d’un quelconque affichage démagogique.

Pour le rédiger, je suis parti du terrain, que j’ai arpenté avec des équipes d’agents. Il a été travaillé avec les acteurs du transport – l’enjeu était de répondre à leurs demandes –, qu’il s’agisse des opérateurs, des agents, dont j’ai pu observer le cycle de formation, des syndicats ou des autorités organisatrices de la mobilité (AOM).

Les constats ont été limpides, partagés. Sans que cela remette en cause les prérogatives des forces de sécurité intérieure, les agents de la surveillance générale de la SNCF (Suge) et du groupe de protection et de sécurité des réseaux de la RATP (GPSR) disposent d’un régime particulier ; ce régime leur permet notamment d’exercer un certain nombre de missions qui leur sont dévolues par la loi. Leur but n’est en aucun cas d’attenter aux libertés, mais, au contraire, de les préserver, en protégeant les usagers, les conducteurs et les agents – qui sont tous, je le rappelle, en première ligne.

Néanmoins, force est de constater que leur action se heurte, sur le terrain, à de trop nombreux obstacles, que l’on peut qualifier d’ubuesques. Ces agents ne peuvent procéder à la saisie d’objets dangereux tels des hachoirs de boucher, des pics à glace, des battes de baseball… Pis, à défaut que soit présent sur place un officier de police judiciaire, l’individu appréhendé doit être laissé libre avec ses objets. Ces mêmes agents ne peuvent interdire à une personne d’entrer en gare alors même qu’elle a un comportement dangereux à l’extérieur.

Ces aberrations nous ont été signalées conjointement par Jean Castex, pour la RATP, et Jean-Pierre Farandou, pour la SNCF, lors de leurs auditions respectives. On ne saurait leur prêter une volonté d’attenter à nos principes constitutionnels !

Pour toutes ces raisons, la proposition de loi prévoit un certain nombre d’évolutions, selon cinq principaux axes.

Elle vise, premièrement, à étendre les prérogatives des services internes de sécurité des opérateurs de transport que sont la Suge et le GPSR, en renforçant leur faculté à procéder à des palpations préventives et en créant une véritable interdiction d’entrée en gare.

Elle a pour objet, deuxièmement, d’améliorer le continuum de sécurité dans les transports en pérennisant l’utilisation des caméras-piétons sur la voie publique ou en permettant à la police municipale de mieux accéder aux réseaux de transport.

Le troisième axe consiste à recourir davantage à la technologie, notamment au traitement algorithmique, pour répondre aux réquisitions judiciaires.

Le quatrième est de lutter efficacement contre la fraude par un meilleur recouvrement. Sur 2,4 millions de procès-verbaux dressés par la SNCF, représentant un montant de 275 millions d’euros, seuls 22 millions d’euros ont été recouvrés dans les délais légaux. Voilà qui n’est plus acceptable !

Cinquièmement, enfin, nous devons mieux réprimer les délits. Je propose une extension du délit d’habitude afin de punir sévèrement aussi bien les récidivistes de la fraude que ceux qui récidivent dans la commission d’incivilités telles que cracher, uriner, souiller, détériorer, fumer…

Mme Sophie Primas. Très bien !

M. Philippe Tabarot. Soyons clairs sur ce que nous voulons mettre en place : tu menaces la quiétude ou la sécurité des voyageurs, tu seras désormais sanctionné !

Je propose également une interdiction de paraître, pour qu’enfin les multirécidivistes du harcèlement sexuel soient empêchés de pénétrer dans les réseaux de transport.

Mes chers collègues, tant que nombre de nos concitoyens éviteront les transports en commun pour des raisons d’insécurité, tous les financements que nous consacrerons au report modal resteront sans résultat, et aucun des trains, métros, tramways ou bus que nous ajouterons aux réseaux existants n’y changera quoi que ce soit.

Garantir la sécurité est une exigence que, je l’espère, nous partageons tous sur l’échiquier politique. Je forme ainsi le vœu que nous parvenions collectivement à dépasser nos clivages sur ce sujet. Ce sera – derechef je l’espère – tout le sens de l’arbitrage pris par le Gouvernement et entériné par la conférence des présidents consistant à retenir la procédure accélérée pour l’examen de cette proposition de loi.

La discussion du texte en commission, la semaine dernière, l’a fait évoluer, et je ne doute pas que notre débat du jour permettra des améliorations. J’ai d’ailleurs déposé un certain nombre d’amendements au texte adopté par la commission des lois, que je vous présenterai tout à l’heure. Il ne s’agit pas, j’y insiste, de nourrir la chimère du risque zéro par d’inutiles surenchères sécuritaires – ce serait illusoire. Il faut agir pour une sécurité concrète.

Mes chers collègues, en France, à bien des égards, l’histoire du transport en commun et des chemins de fer accompagne celle de la Nation. Traditionnellement, les professionnels du transport s’emparent de la sécurité, et les forces régaliennes de la sûreté. Mais cette séparation des tâches n’a pas résisté à l’épreuve du temps. La gravité de la situation impose un nouveau choc. Notre responsabilité est d’y répondre, non seulement pour endiguer ou réprimer le passage à l’acte délictueux, mais également pour protéger les citoyens usagers ; tel est notre devoir. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP. – Mme Nadège Havet applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Isabelle Florennes applaudit également.)

Mme Nadine Bellurot, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports, déposée par Philippe Tabarot et plusieurs de nos collègues en réponse aux récents drames qui se sont déroulés dans des gares à Paris ou Marseille, et encore dernièrement dans la gare de Lyon.

Ce texte vise à combler plusieurs lacunes de la législation pénale en vigueur et à octroyer aux agents des services internes de sécurité de la RATP et de la SNCF les moyens administratifs, judiciaires et opérationnels indispensables à la sécurisation efficace des transports en commun.

Sur le fond, la commission des lois ne pouvait qu’accueillir favorablement cette proposition de loi, qui reprend des dispositions déjà votées par le Sénat, notamment dans les lois dites Savary-Leroux et Sécurité globale.

Comme j’ai pu le constater au fil des auditions que j’ai menées, elle est le fruit d’une réflexion approfondie, nourrie des observations et propositions des acteurs de terrain que sont la Suge et le GPSR, qui sont en première ligne pour sécuriser nos gares et nos transports en commun.

Le législateur a régulièrement renforcé les moyens des acteurs du continuum de sécurité dans les transports, mais il s’est concentré sur la répression de la fraude tarifaire et la lutte contre le terrorisme, sans parvenir à une réponse globale en ce qui concerne la lutte contre les incivilités et la délinquance spécifique aux transports collectifs.

Les gares ferroviaires, les stations de métro et de bus, les réseaux ferrés ainsi que les véhicules de transport sont, par nature, vulnérables à différentes menaces : menace terroriste, violences sexuelles et sexistes, atteintes aux biens et aux personnes. Les gares, lieux de passages ouverts, dotés de multiples accès et concentrant une forte densité de population, comme les matériels roulants, espaces confinés et facilement accessibles, sont exposés à des risques de sûreté majeurs. Pour la seule année 2023, le ministère de l’intérieur a dénombré plus de 111 000 victimes de vols et de violences dans les transports en commun.

Pour faire face à ces spécificités, la SNCF et la RATP se sont dotées depuis longtemps de services internes de sécurité formés à des interventions et à des techniques ciblées pour ces lieux. Cependant, force est de constater que la situation actuelle reste peu satisfaisante, et même paradoxale à certains égards. Ces acteurs, qui sont essentiels au continuum de sécurité dans les transports publics, évoluent, du fait de prérogatives limitées, dans un cadre juridique inefficace. Ce cadre est source de difficultés opérationnelles et se révèle inadapté aux nouveaux modes opératoires des délinquants.

Comment expliquer que les agents de la Suge ou du GPSR doivent interrompre la poursuite d’un individu qui, pris sur le fait, s’échapperait en courant en dehors de la gare, où ils ne peuvent intervenir ? Comment expliquer que des défis consistant à monter sur le toit de rames de métro ou de bus en marche ne soient pas délictualisés ?

Enfin, je voudrais dire un mot du contexte particulier dans lequel nous légiférons : ces mesures sont rendues d’autant plus indispensables que notre pays s’apprête à accueillir, pendant près de deux mois, les jeux Olympiques et Paralympiques.

Cette proposition de loi ne tend pas à bouleverser les équilibres sur lesquels repose notre continuum de sécurité, ni remettre en cause le rôle de chacun. Son objectif principal est d’apporter des réponses concrètes et opérationnelles qui doivent permettre de renforcer la sécurité dans les transports et de remédier aux lacunes que je viens d’évoquer et que Philippe Tabarot a énumérées.

Nous avons approuvé l’économie générale du texte. La commission a toutefois porté une attention particulière à l’équilibre entre opérationnalité des mesures, garantie des droits et libertés constitutionnels et cohérence du continuum de sécurité dans lequel ces services internes de sûreté s’inscrivent.

Nous avons retenu un grand nombre de dispositions : interdiction d’entrée en gare ; peine d’interdiction de paraître dans les transports en commun ; intervention de la Suge dans les bus de substitution ; présence d’agents d’Île-de-France Mobilités (IDFM) au sein du centre de coopération opérationnelle de la sécurité (CCOS) ; pérennisation de l’usage des caméras-piétons pour les agents de la Suge et du GPSR ; élargissement du délit d’habitude aux infractions comportementales ; délictualisation de l’oubli involontaire de bagages, dès lors qu’un tel oubli aurait pour conséquence d’entraver la circulation des trains ; création d’un délit de bus surfing et de train surfing ; simplification des procédures administratives de recrutement et de contrôle des agents de ces services ; facilitation du recouvrement des amendes tarifaires.

Lorsque cela était nécessaire, la commission s’est attachée à assurer l’efficacité des outils et instruments proposés. Elle a notamment centralisé sous l’égide du préfet de police de Paris la procédure d’édiction des arrêtés permettant aux agents de la Suge et du GPSR de réaliser des palpations préventives de sécurité sur l’ensemble du territoire de la région Île-de-France, ou encore institué un droit de poursuite au bénéfice de ces mêmes agents lorsqu’un contrevenant se rend sur la voie publique après avoir commis une infraction à l’intérieur d’une emprise ou d’un véhicule.

À l’inverse, faute d’avoir pu clairement établir les gains opérationnels pour lesdits agents de certaines dispositions proposées, et dès lors que d’autres instruments ou techniques moins attentatoires aux droits et libertés existent, nous avons préféré supprimer quatre mesures : la faculté de procéder à des palpations de sécurité de manière inopinée ; la possibilité de collecter des données sensibles en dehors des cas de flagrance ; le déploiement d’instruments de captation du son au sein des véhicules ferroviaires ; l’intervention sans condition des équipes cynotechniques de la SNCF.

La commission des lois a introduit trois mesures additionnelles. Elle a ainsi prolongé la durée de validité des certifications des équipes cynotechniques, autorisé, à titre expérimental, l’usage des caméras-piétons par les conducteurs de bus, et donné la possibilité aux voyageurs de signaler rapidement des situations présentant un risque pour leur sécurité ou pour celle des autres voyageurs, via un numéro d’appel unique. Nous devons ces deux dernières initiatives au rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

Notre copie est encore perfectible sur certains points. Aussi, certaines propositions de nos collègues m’apparaissent-elles particulièrement pertinentes. Je pense notamment aux amendements de Louis Vogel et Marie-Claire Carrère-Gée, qui visent à prolonger d’un an l’expérimentation du recours aux traitements algorithmiques pour répondre aux réquisitions judiciaires, à l’amendement de Philippe Tabarot, qui vise à élargir le champ de l’interdiction de paraître dans les transports en commun et à l’amendement de Marie Mercier, qui tend à faciliter la consultation du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (Fijais) par les opérateurs de transports.

Ces initiatives permettant d’enrichir utilement le texte, j’y serai favorable.

Pour ma part, outre des amendements rédactionnels, je déposerai, comme je m’y étais engagée, un amendement visant à permettre aux agents de la Suge et du GPSR d’immobiliser des objets dangereux susceptibles de recevoir la qualification d’armes par destination. En cas de refus des personnes concernées, les agents pourront leur interdire l’accès aux véhicules ou les contraindre à en descendre.

Je me réjouis que nous ayons trouvé une voie juridiquement robuste sur ce sujet particulièrement important sans pour autant remettre en cause le transport d’objets licites dans les lieux publics que sont les gares.

À ce sujet, j’aimerais partager avec vous une réflexion plus générale que je tire des travaux que j’ai menés sur ce texte. Nous touchons ici aux limites de l’exercice. Nous pouvons nous contorsionner pour ajuster ou renforcer, ici ou là, les prérogatives des agents de la Suge et du GPSR, mais nous nous heurterons toujours au fait que les gares sont, en l’état du droit, des lieux publics. Cela limite considérablement, sur le plan juridique, nos possibilités d’agir. Je nous invite à poursuivre le travail amorcé, avec raison, par Philippe Tabarot, en menant une réflexion sur le statut de ces lieux, qui pourraient, comme cela a été fait en Espagne, devenir des lieux privés et sécurisés en conséquence.

Face à l’insécurité dans les transports, le Sénat a toujours fait preuve de responsabilité. C’est, je crois, ce même esprit qui doit aujourd’hui nous guider et nous amener, collectivement, à approuver ce texte. Doter les acteurs du continuum de sécurité de nouveaux moyens adaptés à la prise en charge des nouveaux visages de la délinquance dans les transports en commun constitue une priorité pour assurer la sécurité des Français, enjeu face auquel nous ne saurions rester passifs. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Hervé Reynaud, rapporteur pour avis de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports vise à compléter l’arsenal législatif existant et à renforcer, notamment, la loi Savary-Le Roux de mars 2016, dont Gilles Savary lui-même dressait en mars 2020, dans La Gazette des communes, un bilan mitigé, compte tenu des difficultés rencontrées pour faire appliquer son article relatif à la fiabilisation de l’identité des fraudeurs.

Je tiens à remercier, avant toute chose, l’auteur du texte, qui en est aussi rapporteur pour avis, Philippe Tabarot, pour sa force de conviction et pour sa volonté d’avancer sur le sujet en levant plusieurs blocages opérationnels qui conduisent, sur le terrain, à des situations pour le moins aberrantes dans un contexte d’augmentation de certains types de violences dans les transports en commun, notamment les violences sexistes et sexuelles. On comptabilise ainsi 2 407 victimes à ce titre en 2023, dont 62 % en Île-de-France.

Parallèlement, ainsi que le relève la SNCF sur son réseau, on observe une croissance exponentielle des cas de transport d’objets dangereux : 1 342 personnes ont été signalées pour port et transport illégal d’armes.

Les auditions de Jean Castex et de Jean-Pierre Farandou, PDG respectivement de la RATP et de la SNCF, ont été à cet égard particulièrement instructives. Selon eux, « l’utilité de cette loi ne fait aucun doute ».

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, au nom de laquelle je m’exprime devant vous aujourd’hui, a émis un avis favorable sur l’adoption de cette proposition de loi, sous réserve de l’adoption des amendements de son rapporteur pour avis.

Nos débats en commission ont été particulièrement riches. À l’aune de ces échanges, il me semble que nous devons garder une chose en tête : la plus grande des restrictions de liberté, c’est lorsque nos concitoyens renoncent à utiliser les transports en commun à certaines plages horaires ou sur certaines lignes. Comme l’a souligné Philippe Tabarot, en Île-de-France, plus d’une femme sur deux – précisément 51,5 % – redoute d’être agressée ou volée dans les transports en commun.

Laisser s’installer l’idée que les transports en commun figurent en tête des espaces les plus criminogènes, c’est renoncer aux évolutions nécessaires pour améliorer l’attractivité des transports collectifs et pour accentuer le report modal vers le système de transport le plus décarboné.

Ainsi, il ne me semble pas particulièrement saugrenu de permettre aux agents de la Suge et du GPSR, sous certaines conditions, d’interdire à un individu d’entrer en gare. À l’heure actuelle, ceux-ci ne disposent que d’un pouvoir d’éviction : s’ils peuvent enjoindre à une personne ayant commis une infraction de sortir de la gare, ils sont contraints, si cette personne souhaite rentrer de nouveau dans la gare, d’attendre qu’elle commette une nouvelle infraction pour lui enjoindre de nouveau d’en sortir…

M. Hervé Reynaud, rapporteur pour avis. Il est nécessaire d’adapter nos moyens juridiques de répression, qui ne sont plus adaptés aux évolutions des modes opératoires des contrevenants.

Ce texte, inspiré par ces situations très concrètes et quotidiennes, a été élaboré en lien étroit avec les acteurs de terrain. Il apporte les évolutions strictement nécessaires à la sécurisation de nos réseaux de transport selon trois volets prioritaires.

Premièrement, protéger davantage ceux qui se trouvent en première ligne – durant la pandémie de covid-19, il a été beaucoup question d’eux –, c’est-à-dire les agents des entreprises de transport, notamment par l’élargissement du recours à des caméras-piétons.

Deuxièmement, améliorer l’efficacité du continuum de sécurité en veillant plus spécifiquement à ne pas multiplier les plateformes de signalement de sûreté par les voyageurs, quelle que soit, à l’heure de l’ouverture à la concurrence, l’entreprise de transport concernée.

Troisièmement, veiller à réprimer plus efficacement les délits relatifs aux transports, notamment le train surfing ou bus surfing, mais aussi les oublis de bagages : ces derniers ont, comme nous l’ont montré nos auditions, des conséquences désastreuses pour les voyageurs et les entreprises de transport.

Ce texte répond, j’en suis convaincu, à une demande forte de nos concitoyens, de nos opérateurs de transport et de ceux qui y travaillent au quotidien.

Son ambition dépasse bien entendu l’émotion réelle provoquée par les dernières attaques. Elle va également au-delà des jeux Olympiques et Paralympiques. En définitive, ainsi que l’a résumé Jean-Pierre Farandou lors de son audition, cette proposition de loi contribue à apporter un « supplément d’efficacité dans l’action ». (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les sénateurs, je salue l’initiative de cette proposition de loi, dont je remercie l’auteur, Philippe Tabarot. L’objectif est de renforcer la sécurité des usagers et des personnels des transports publics face aux incivilités, aux actes de malveillance et aux menaces terroristes.

L’actualité vient malheureusement nous rappeler que ces dispositions sont nécessaires pour permettre à nos concitoyens de voyager en sécurité dans nos transports publics. C’est l’une des conditions pour accentuer le report modal vers les transports publics décarbonés, raison pour laquelle le Gouvernement est très attentif à cette question.

Le récent attentat survenu à la gare de Lyon nous rappelle, si besoin était, que nos trains et nos gares ne sont pas à l’abri des tentatives les plus désespérées et les plus violentes. Il nous invite à rechercher en permanence les mesures juridiques et opérationnelles susceptibles de garantir un maximum de sécurité aux usagers et aux personnels des entreprises publiques de transport, notamment en ce qui concerne les moyens des agents des services de sécurité internes de nos opérateurs de transport, SNCF et RATP, afin de leur permettre d’intervenir le plus rapidement possible, en étroite coopération avec les forces de l’ordre et dans le respect des libertés publiques.

Le nombre de victimes de vols ou de violences dans les transports en commun enregistré par les services de police et de gendarmerie diminue globalement : il baisse de 10 % par rapport à 2022 et de 15 % par rapport à 2016. Les décisions prises ces dernières années pour améliorer la sécurité dans les transports ne sont sans doute pas étrangères à cette amélioration de la tendance. Cela doit nous conduire à poursuivre ce travail de consolidation de notre dispositif de sûreté.

Cette proposition de loi s’inscrit ainsi dans la continuité des mesures déjà prises par les gouvernements depuis 2017, notamment au travers de la loi d’orientation des mobilités, de la loi pour une sécurité globale préservant les libertés de 2021 ou encore de la loi relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.

Je rappellerai, pour mémoire, quelques mesures emblématiques, concrètes et efficaces : la généralisation des arrêts à la demande pour les bus nocturnes, l’obligation d’étiquetage des bagages présents à bord des cars express, l’expérimentation du port de caméras individuelles par les agents assermentés des entreprises de transport ou encore la possibilité pour les agents des services de sécurité de la SNCF et de la RATP de visionner des images de vidéoprotection transmises en temps réel lorsque lorsqu’ils sont affectés au centre de commandement de la préfecture de police.

La présente proposition de loi a le mérite de rappeler de manière très claire les grands enjeux de la sûreté dans les transports publics. Son architecture générale permet de rendre intelligibles les différentes mesures proposées, dans le souci d’être au plus proche du besoin opérationnel.

Elle vise ainsi à accroître les pouvoirs des agents des services internes de sécurité des opérateurs, à renforcer le continuum de sécurité pour une meilleure sécurisation des transports, à utiliser les nouvelles technologies, notamment en matière de vidéoprotection – le Gouvernement souhaitera d’ailleurs introduire une mesure en matière de cybersécurité pour le Grand Paris Express –, à introduire de nouveaux dispositifs pénaux pour réprimer les délits relatifs aux transports et à accentuer le dispositif antifraude.

Le Gouvernement tient à saluer le travail réalisé en commission, qui a permis d’enrichir le texte et d’améliorer la rédaction de certains articles.

Cette proposition de loi a toute son importance pour améliorer la sécurité de nos concitoyens, qui utilisent chaque jour les transports publics pour leur travail ou leurs loisirs. Elle est d’autant plus nécessaire que nous allons accueillir, dans quelques mois, les jeux Olympiques et Paralympiques à Paris – un événement exceptionnel qui nécessite une mobilisation et une coordination sans précédent de tous les acteurs qui concourent à la sécurité de chacune et de chacun.

Certaines dispositions de ce texte visent directement à nous aider à faire face aux enjeux propres à l’organisation d’un tel événement. Je pense notamment à la possibilité donnée à de nouvelles catégories d’agents d’Île-de-France Mobilités de visionner les images de vidéoprotection au centre de commandement de la préfecture de police pour améliorer notre capacité à répondre très rapidement aux événements mettant en jeu la sécurité. Je pense également aux dispositions qui nous permettront de disposer du plus grand nombre possible d’équipes cynophiles opérationnelles durant la période des Jeux.

C’est pour ces raisons que le Gouvernement a décidé de compléter ces dispositions en déposant des amendements et d’engager la procédure accélérée pour que les effets attendus de ce texte puissent se manifester concrètement au moment des jeux Olympiques.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Le Gouvernement a par ailleurs travaillé, en lien avec les opérateurs, à l’élaboration de mesures réglementaires pour que les Jeux se déroulent bien.

Je compte sur le débat parlementaire pour enrichir encore cette proposition de loi, dont l’objet – l’amélioration de la protection de nos concitoyens – mérite toute notre attention. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Jean Rochette.

M. Pierre Jean Rochette. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nos concitoyens sont toujours plus nombreux à emprunter les transports en commun. Ils participent ainsi activement à la lutte contre le dérèglement climatique.

Toutefois, les retards et les capacités insuffisantes, notamment dans les transports du quotidien, freinent encore cette dynamique ; il nous appartient de la soutenir.

Nos collectivités, en lien avec l’État, travaillent à rendre les Français plus mobiles. Le développement de ces transports ne dépend pas seulement de la construction de nouvelles infrastructures ou de l’offre.

En effet, près de la moitié de nos concitoyens disent ne pas se sentir en sécurité dans les transports. Nous ne pouvons et ne devons pas nous satisfaire de cette situation.

La tenue des jeux Olympiques et Paralympiques constitue une formidable opportunité pour notre pays. Ces Jeux seront également une véritable épreuve, tant pour nos opérateurs de transport que pour nos services de sécurité. Nous devons leur donner les moyens de relever le défi.

Plus de 15 millions de touristes sont attendus dans la capitale à cette occasion. Outre l’enjeu logistique qu’il représente, cet événement médiatique renforce le risque d’attaque terroriste qui reste, hélas, omniprésent dans notre pays.

Beaucoup a déjà été fait ces dernières années pour renforcer la sécurité, mais c’est loin d’être suffisant.

Le présent texte vise à aggraver les peines applicables aux infractions commises dans les transports. Il est le fruit de l’excellent travail de son auteur, notre collègue Philippe Tabarot. Ses propositions sont précises et correspondent aux attentes du terrain – croyez-moi, j’en sais quelque chose !

Nous considérons que ce message de fermeté est essentiel. Nous ne devons pas accepter que les transports publics soient dégradés par les actes de quelques-uns.

Les auteurs de fraudes et d’incivilités doivent être sanctionnés rapidement et efficacement. Les usagers doivent pouvoir constater que les règles sont les mêmes pour tous. Ce n’est pas le cas actuellement, alors que le sentiment d’impunité peut parfois régner.

Le texte renforce les peines à l’encontre de ceux qui troublent régulièrement la tranquillité des voyageurs. Ces actes, comme le fait de fumer, d’être en état d’ivresse ou encore de tirer sans motif légitime le signal d’alarme, constituent déjà des infractions. Les récidivistes doivent être plus sévèrement punis. C’est ce que prévoit le texte, tout comme certains amendements que nous aurons le plaisir de vous soumettre.

À cet égard, je tiens à souligner la création de la peine complémentaire d’interdiction de paraître dans les transports en commun. Ce nouveau dispositif nous semble pertinent pour sécuriser les transports. Il nous apparaît particulièrement adapté et nécessaire pour lutter plus efficacement contre les agressions sexuelles.

Il suffit de prendre les transports en commun après vingt-deux heures pour constater le peu de femmes seules ou avec enfants. N’auraient-elles pas besoin de mobilité ? Absolument pas, c’est simplement par crainte, par peur de faire de mauvaises rencontres…

Il est de notre responsabilité de protéger nos concitoyens et nos concitoyennes contre les auteurs de ces actes et de rendre aux femmes et aux familles leur liberté de déplacement.

La commission a fait le choix de supprimer deux articles du texte : l’un portait sur le traitement de données personnelles sensibles ; l’autre, sur la captation du son dans les transports collectifs. Ces dispositions avaient pour objectif d’améliorer la sécurité. Nous suivrons l’avis de la commission. Toutefois, ces éléments, notamment ceux qui proviennent de captations de sons, peuvent être importants en cas d’enquête. Peut-être faudra-t-il reparler de ces sujets, qui me semblent importants.

Le texte aborde également la question des difficultés posées par les bagages ou les effets personnels des voyageurs. La disposition visant à pénaliser plus sévèrement l’oubli de bagages dans les transports est lourde, mais il est vrai que celui-ci provoque des troubles coûteux et importants pour nos réseaux de transport. Nous allons certainement débattre plus en détail de cette mesure : il faut réellement distinguer l’abandon volontaire du simple oubli. Nous soutenons le renforcement des peines encourues en cas d’abandon volontaire de bagages ou de matériaux qui entravent la circulation des trains. Il faut punir sévèrement ces actes qui ne sont rien d’autre que du sabotage.

Les transports en commun sont l’un des meilleurs moyens de lutter contre le dérèglement climatique. Ils sont également essentiels au développement de nos territoires et au dynamisme économique de notre pays. Il nous revient de les rendre plus sûrs et de recréer des espaces qui correspondent aux besoins de déplacement de nos concitoyens.

Cette proposition de loi vise à les protéger plus efficacement. Le groupe Les Indépendants – République et Territoires soutiendra donc pleinement son adoption. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Florennes. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Isabelle Florennes. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, face à la multiplication des actes violents et des incivilités quotidiennes dans les transports en commun et, de façon plus large, dans notre société, faut-il faire preuve d’angélisme en pensant que ce phénomène va baisser naturellement ou faut-il ajuster le cadre juridique actuel qui régit la sécurité dans les transports publics, afin de réprimer l’ensemble des comportements qui remettent en cause la sécurité et le bien-être des usagers ?

Nous devons être conscients, d’une part, que la réponse à la multiplication de ces actes, et notamment des attaques au couteau dans les gares, passe par une évolution des mesures susceptibles d’être prises par les services de sécurité et, d’autre part, que ces nouvelles mesures doivent être encadrées. Comme pour chaque débat sur la sécurité, tout est question de proportionnalité et d’équilibre entre mesures de sécurité et respect des libertés publiques.

C’est dans l’encadrement des mesures de sécurité que se situe la frontière entre ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas.

Nous pouvons compter sur le contrôle opéré par le Conseil constitutionnel et par le Conseil d’État, qui veillent au respect de nos libertés, comme le démontre la jurisprudence de ces deux institutions – d’ailleurs, respecter leurs décisions devrait aller de soi.

Outre ces institutions, les autorités administratives indépendantes comme la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) veillent également au respect de nos libertés.

Notre ancien collègue Robert Badinter, dont je salue ici la mémoire ainsi que les combats pour un monde plus juste, a évoqué ce dilemme entre exigence de sécurité et demande de liberté en 2007 dans un long entretien à la revue Le Débat. Fidèle à lui-même, il développa son propos de manière particulièrement argumentée. Pour synthétiser son raisonnement, il employa une anecdote bien choisie, comme il aimait à le faire. Il évoqua ainsi l’attitude de Felix Frankfurter, juge à la Cour suprême des États-Unis de 1939 à 1962. Celui-ci avait été souvent confronté aux responsables du FBI, qui réclamaient sans cesse de nouveaux pouvoirs. À chaque fois, il leur répondait de regarder si les textes existants ne permettaient pas déjà d’obtenir les résultats recherchés.

Je ne doute pas que notre collègue Philippe Tabarot ait entrepris cette démarche avant de déposer la présente proposition de loi, le 28 décembre dernier. Je ne doute pas non plus que la rédaction de ce texte veille à répondre à ce nécessaire équilibre entre liberté et sécurité.

N’est-il pas mentionné que les modalités d’application des nouvelles mesures proposées seront précisées dans un décret en Conseil d’État ou après avis de la Cnil ?

Ce texte s’inscrit dans le prolongement de la loi Savary-Le Roux de 2016, qui a établi un socle juridique en matière de prévention de l’insécurité dans les transports, et de la loi Sécurité globale de 2021. Il ne bouleverse pas donc un ordre juridique établi ; il s’inscrit plutôt dans la continuité.

En dix-neuf articles, le texte de notre collègue, soutenu par nombre d’entre nous, vise à répondre tant à différentes lacunes de la loi en matière de sécurité dans les transports qu’à de nouvelles formes de délinquance et d’incivisme.

Ainsi, combien de fois par jour les lignes de métro parisiennes sont-elles bloquées par des oublis de bagages ? Voilà quelques années, ce phénomène était rarissime. Aujourd’hui, il est quotidien, qu’il résulte d’actes intentionnels ou non.

Le code des transports, qui a été édicté en 2010 pour rassembler, dans un souci de simplification, plus de 2 000 textes législatifs, ne mentionne nullement le bus surfing, le train surfing ou encore le metro surfing. Ces pratiques, nées en Indonésie et en Russie, n’avaient pas encore cours en France ou en Europe. Or ces défis, qui consistent à se mettre en scène en montant sur le toit d’un train ou d’un métro en marche, ce qui peut conduire à la mort du ou des jeunes qui les pratiquent et qui mettent en danger les autres usagers, se développent sous l’effet des réseaux sociaux.

En ce qui concerne la mise en place et l’usage de fichiers, il est proposé que le dispositif soit encadré par un contrôle de la Cnil, que je considère comme un garant majeur de nos libertés.

Pour relativiser les conséquences des évolutions soumises à notre approbation, je me permets de vous rappeler qu’en Chine l’accès aux transports en commun se fait via la reconnaissance faciale. Ce système a été mis en place prétendument afin de fluidifier les entrées dans les transports. En réalité, il s’agit bien entendu de contrôler les déplacements des usagers et non de penser à leur bien-être ou à leur sécurité physique.

Je n’entrerai pas dans la bataille des chiffres sur la hausse ou la baisse de la délinquance dans les transports en commun. Il faut être réaliste : celle-ci progresse tant en raison de l’augmentation du nombre d’usagers que de l’apparition de nouvelles formes de violences et d’actes d’incivilité, à l’image de ceux que je viens de décrire. Les chiffres continueront d’augmenter si aucune mesure n’est prise dès à présent.

Enfin, je salue l’engagement de la procédure accélérée que vient d’annoncer le ministre : c’est une excellente chose, notamment en prévision des jeux Olympiques.

Vous l’avez compris, mes chers collègues, le groupe Union Centriste votera en faveur de cet excellent texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Guy Benarroche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’exposé des motifs du présent texte rappelle que « le report modal a un rôle clé à jouer dans la transition écologique de notre pays ».

Si je constate avec un plaisir non feint l’engagement de notre hémicycle en faveur du bon développement des transports collectifs, sujet essentiel pour le groupe écologiste, je dois néanmoins souligner que cette proposition de loi présente certains écueils. (On feint la déception sur les travées du groupe Les Républicains.)

Le choix d’une proposition de loi permet d’apporter une réponse rapide et précise aux problématiques soulevées sur le terrain. Cependant, si je salue les travaux et la plupart des constats et des diagnostics de l’auteur de ce texte, je note qu’il ne s’appuie sur aucune évaluation des mesures existantes ni sur aucune étude d’impact, comme l’a rappelé mon collègue Jacques Fernique lors des travaux de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. (Mme Sophie Primas proteste.)

Vous connaissez notre réticence au désengagement progressif de l’État en matière de sécurité publique, compétence éminemment régalienne. Ce transfert, cette délégation de compétences, ce que vous appelez le « continuum de sécurité », devient trop souvent un « continuum sécuritaire ». Mon collègue Thomas Dossus avait déjà défendu cette position lors de l’examen de la loi Sécurité globale. Il avait alerté sur cette tendance à la confusion des genres.

La temporalité de ce texte est également problématique. Nous avons toujours souhaité que les débats puissent se dérouler de manière apaisée. Contextualiser les lois est une chose, mais la frontière est ténue entre opportunité et opportunisme.

Certes, les attaques récentes que notre pays a connues doivent nous faire réfléchir à de possibles améliorations du cadre législatif. L’organisation prochaine de grands événements comme les jeux Olympiques alimente le questionnement sur les enjeux de sécurité de notre pays. Toutefois, cela ne doit pas servir de justification à des mesures dont la plupart ont déjà fait l’objet de réserves d’interprétation de la part du Conseil constitutionnel, ce si dangereux garant, aux yeux de certains d’entre vous, mes chers collègues, du respect des droits et des libertés de notre texte fondamental.

Sur le fond, cette proposition de loi a été largement modifiée par les travaux des rapporteurs, qui ont tenté, à juste titre, de limiter les risques de censure en procédant à un toilettage juridique des mesures les plus problématiques.

Les auteurs de ce texte ambitionnent de renforcer les prérogatives des forces de sécurité dans les transports en commun, les gares et leurs abords. Cette proposition de loi crée de nouveaux délits et renforce de manière massive les dispositifs de surveillance dans l’espace public.

Ces éléments reviennent à intervalles réguliers. Ils constituent un marronnier sécuritaire qui néglige les aspects de prévention et de dissuasion et qui dilue l’autorité régalienne auprès de forces de sécurité hors de son contrôle, alors qu’il conviendrait plutôt de recruter plus d’agents des forces de l’ordre, de mieux les former et de bien les rémunérer.

On nous oppose toujours le pragmatisme ; mais le pragmatisme, c’est mettre les moyens là où ils sont utiles. Le pragmatisme ne doit pas se faire au prix d’une course vers la société de surveillance, de l’emploi de technologies d’enregistrement sans contrôle, de la multiplication des fichiers, etc.

Je m’attarderai sur la question des fouilles et des palpations, ainsi que sur celle des saisies.

Notre commission, dans sa grande sagesse, a su rectifier le tir concernant l’article 1er sur les saisies, dont le dispositif était juridiquement bien trop bancal. Désormais, les autorisations de palpations sont placées sous le régime d’autorisation du préfet, ce qui est déjà mieux, mais pas tout à fait satisfaisant non plus.

La question des fouilles est présente dans plusieurs articles. Nous proposerons des mesures de bon sens, comme les aime cette assemblée : par exemple, le fait d’enjoindre aux agents de rappeler aux personnes ciblées que la fouille ne peut s’effectuer sans leur consentement.

Que dire aussi de l’article 12 et de son catalogue à la Prévert de nouvelles incriminations allant du transport d’une arme à feu à la détention d’un mauvais titre de transport, en passant par le fait de troubler la tranquillité d’autrui par des bruits ou des tapages dans les espaces et véhicules affectés au transport public de voyageurs ou de marchandises, sans parler de l’alinéa criminalisant la mendicité !

Un ronfleur, un passager ayant un clavier trop bruyant et une personne transportant une arme à feu risqueront désormais les mêmes peines : six mois d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende – moi qui oublie souvent ma casquette…

Nous voyons bien l’absurdité de cet article que nous tenterons de modifier. Au-delà, nous n’avons pas été convaincus sur la question de la perception de l’intentionnalité dans ces incriminations. Qu’est-ce qui sera considéré comme intentionnel ? Selon quels critères objectifs ? Le risque d’arbitraire nous paraît bien trop important.

Cet article ne répond même pas à l’objet de la proposition de loi : la sûreté dans les transports.

Mes collègues Dossus et Fernique auront l’occasion de défendre des modifications nécessaires sur l’utilisation des algorithmes ou des caméras et sur bien d’autres aspects problématiques de ce texte.

Mes chers collègues, les gares ferroviaires, les stations de métro et de bus, les réseaux ferrés ainsi que les véhicules de transport sont, par nature, comme le rappelait la rapporteure, vulnérables à différentes menaces existantes et identifiées.

Pour autant, ce texte, quoique amélioré par les travaux de la commission, ne permettrait de prévenir délits ou attaques que très partiellement. Nous tenterons encore, au travers de différents amendements, de le rééquilibrer ; si ces derniers n’étaient pas adoptés, nous serions contraints de nous opposer à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Barros.

M. Pierre Barros. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons une proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports. Il s’agit de la troisième en quelques années, après la loi Savary de 2016 et la loi dite Sécurité globale de 2021.

Je regrette le choix de ce véhicule législatif, qui ne nous permet d’appuyer nos débats ni sur une étude d’impact ni sur un avis du Conseil d’État. Ce n’est pas un détail tant les multiples dispositions de ce texte risquent de bouleverser le quotidien de millions d’usagers des transports en commun et du rail.

Nous débattons dans un contexte sécuritaire tendu, quelques jours après l’attaque au couteau en gare de Lyon, qui a fait – malheureusement – plusieurs blessés. À cela s’ajoute l’ouverture prochaine des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris, au cours desquels la région Île-de-France accueillera 15 millions de visiteurs. Les transports en commun seront particulièrement scrutés. Toutefois, cette réalité ne peut pas tout justifier.

Je regrette que ce texte soit moins une proposition de loi qu’un catalogue de mesures à objectifs distincts : prévention du risque terroriste, lutte contre les incivilités ou encore contre la fraude. On passe d’un article à l’autre sans cohérence globale. Ces sujets auraient pourtant mérité davantage de considération.

De plus, sous couvert d’efficacité, cette proposition de loi acte une nouvelle fois le désengagement de l’État du domaine de la sécurité, un secteur pourtant régalien par excellence.

Désormais, sur décision du préfet de police, les agents de la Suge ou du GPSR pourront réaliser des palpations préventives de sécurité et se verront attribuer un droit de poursuite des contrevenants.

Les agents de sécurité privée ne sont pas des policiers ou des gendarmes. De quelles formations bénéficieront-ils pour appréhender ces nouvelles missions ? Sur quelles données objectives un préfet prendra-t-il la décision d’autoriser ces mesures de palpation préventive ?

De plus, comme l’avait si bien dit notre ancienne collègue Éliane Assassi lors du débat sur la loi Savary : « Cette proposition de loi oublie la spécificité de la mission de sûreté, […] à savoir la sécurité des infrastructures et la nécessité d’assurer la fluidité et la continuité de la circulation. » Ces mots n’ont pas perdu leur actualité ; or, sur ce point, votre texte reste muet.

Vous proposez aussi que le renforcement du continuum de sécurité repose sur les agents des polices municipales, qui seraient désormais autorisés par convention à accéder aux véhicules et aux espaces de transport.

Instaurée au détour d’un texte, voilà une drôle de prérogative nouvelle pour nos communes ! Avez-vous bien conscience, mes chers collègues, que nos polices municipales sont diverses et territorialisées ? Comment sera appliqué le pouvoir de police du maire dans les transports en commun ? À moins que vous ne partiez déjà du principe que les trains resteront en gare – les usagers retenus à quai apprécieront…

Je suis également inquiet de constater que ce texte autorise, sous couvert de placer la technologie au service de la sûreté dans les transports, le recours à un traitement algorithmique des images issues des systèmes de vidéoprotection ainsi que la captation du son dans les véhicules.

Cela participe d’un mouvement vers une forme de sécurité prédictive, fondée sur les seuls indicateurs de risques. Il est connu que ces dispositifs présentent des limites et des biais discutables. Il en va de même pour le fichage des auteurs d’infraction dans les transports, retoqué par le Conseil d’État en 2016, mais réintroduit ici sous une nouvelle rédaction.

De plus, votre texte ne fait que durcir les sanctions applicables à des délits déjà sanctionnés par la loi.

Je m’interroge aussi sur votre vision du service public. Depuis plusieurs années, les politiques de réduction du personnel ont limité la présence en gare : la plupart des guichets sont fermés, quand ce ne sont pas les gares elles-mêmes… Et que dire des conditions de transport, qui se sont largement dégradées.

Aussi, la première agression subie chaque matin par les usagers des transports en commun, c’est l’état lamentable de saleté des rames, la promiscuité, les trains supprimés, les gens coincés dans les portiques, etc. Et que dire encore du parcours du combattant que vivent les voyageurs avec leurs valises ou les parents avec leurs poussettes ? Cette situation crée un climat de tension propice à exacerber le sentiment d’insécurité.

La priorité est donc de réintroduire de l’humain dans nos gares et nos trains, au service du public, dans une approche positive et accueillante, et d’investir pour nos transports afin de les rendre eux aussi positifs et accueillants.

Nous sommes tous persuadés que la sécurité et la tranquillité publiques dans les transports sont des sujets de société sensibles et importants. Ils sont aussi le gage de la transition nécessaire vers des modes de transport décarbonés.

Il nous faut donc prendre le temps de débattre largement et avec sérieux et éviter de créer des spécificités sécuritaires d’un espace public à l’autre.

Pour toutes ces raisons, le groupe CRCE-K votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin.

Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi, déposée en décembre dernier, rencontre l’actualité de façon dramatique après l’attaque au couteau de la gare de Lyon, qui a fait trois blessés le 3 février. Cet événement, malheureusement loin d’être inédit, ravive le sujet de préoccupation constant qu’est l’insécurité dans les transports, enjeu d’autant plus important à l’approche des jeux Olympiques et Paralympiques.

En sus de la menace terroriste, qui reste à un niveau élevé, 111 531 personnes ont été victimes de vols et violences dans les transports en commun en 2023, dont 62 % en Île-de-France. Une réalité qui a poussé la RATP à mettre en place l’arrêt à la demande dans les bus de son réseau, après vingt-deux heures. Et une réalité d’autant plus forte pour les femmes : 87 % d’entre elles déclarent avoir été victimes de violences sexuelles et sexistes dans les transports.

Cette proposition de loi part de ce constat de vulnérabilité et du manque d’efficacité du cadre juridique de répression aujourd’hui en place. Son objectif est d’octroyer aux agents les moyens nécessaires à la sécurisation des transports en commun et de combler les lacunes de la législation pénale en vigueur. Le groupe RDSE souscrit à cette ambition.

Pour faciliter leur mobilité, d’abord, il est proposé d’élargir le périmètre d’intervention des agents de sécurité des transports aux abords immédiats des gares, si l’infraction a été commise dans la gare et si le caractère inopiné ou urgent de la situation le justifie. Une mesure de bon sens, tout comme celle leur permettant d’intervenir dans les réseaux de transport urbains connectés aux gares.

Nous souscrivons aussi à la possibilité offerte aux maires et présidents d’EPCI de conclure une convention avec un exploitant de service de transport public afin de permettre l’accès libre des policiers municipaux et des gardes champêtres aux gares et aux trains en circulation sur leur territoire.

Toutes ces mesures permettront de renforcer le continuum de sécurité.

La création d’une interdiction d’entrée en gare nous apparaît également opportune pour les personnes troublant l’ordre public, compromettant la sécurité ou refusant de se soumettre à des palpations de sécurité. Nous espérons toutefois qu’une forme de retenue sera appliquée concernant la fouille des bagages.

De la même manière, bien qu’il s’agisse d’une infraction rarement sanctionnée, une amende de 7 500 euros pour mendicité, même répétée, nous semble au mieux inapplicable.

L’article 12 dresse la liste d’un grand nombre d’incivilités ouvrant la porte à une sanction pour délit d’habitude. Si ces espaces publics nécessitent des comportements adaptés, priorité doit être donnée au traitement des comportements dangereux.

Pour ce qui concerne le recours aux caméras-piétons, nous aurions préféré attendre le bilan de l’expérience qui est en cours avant toute pérennisation. Nous saluons toutefois la mise en place de l’expérimentation permettant aux chauffeurs de bus et de car d’utiliser un tel dispositif. Le drame survenu à Bayonne en 2020, avec la mort d’un conducteur, nous rappelle que les chauffeurs sont en première ligne face à des usagers de plus en plus violents. Le nombre d’agressions sur le personnel ayant donné lieu à un arrêt de travail était ainsi en hausse de 14 % en 2022. Ces outils permettent de dissuader, de capter les situations à risque et d’avertir les services de sécurité en cas de danger imminent.

Je tiens à rappeler ici que le groupe RDSE est attaché à préserver l’équilibre entre sécurité et libertés publiques, mais qu’il regarde le sujet avec beaucoup de pragmatisme.

D’autres mesures, qui risquaient de remettre en cause certaines libertés individuelles, ont été modifiées ou supprimées en commission. Nous soutenons ainsi le travail d’équilibre de la rapporteure, qui a proposé la suppression de plusieurs mesures que nous jugions excessives : la saisie d’objets licites sans caractère de dangerosité ; la collecte et le traitement de données sensibles par les agents de sûreté de la SNCF et de la RATP ; ou encore la captation sonore dans les transports.

Enfin, nous proposerons un amendement visant à supprimer l’amende de 2 500 euros à l’encontre des voyageurs oubliant leur valise, qui nous paraît disproportionnée. Je pense, par exemple, à la mère de famille chargée de ses enfants et de ses bagages, qui descend du train en oubliant l’un d’eux – je parle des bagages et non, bien sûr, des enfants ! (Sourires.) Elle ne peut décemment pas être sanctionnée pour cette inattention, bien que fâcheuse.

Pour conclure, de nombreuses mesures auraient mieux trouvé leur place dans un projet de loi auquel auraient été joints un avis du Conseil d’État et une étude d’impact, mais le groupe RDSE partage l’objectif des auteurs de ce texte et cette vision plus globale de la sécurité, qui est indispensable pour mieux voyager et dont la prise en charge est aujourd’hui trop morcelée entre les différents acteurs impliqués.

Vous l’aurez compris, le groupe RDSE est favorable à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe UC. – Mme Sophie Primas applaudit également.)

M. Pascal Martin. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Olivier Bitz. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC.)

M. Olivier Bitz. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les transports collectifs concernent chaque jour plusieurs millions de nos compatriotes.

Le développement, l’accessibilité et la sécurité des transports en commun sont au cœur des enjeux visant à faire de ces derniers des leviers pour la transition écologique et énergétique.

Mais si les usagers ne s’y sentent pas en sécurité, les transports en commun perdent toute attractivité. L’État et les opérateurs doivent donc garantir non seulement le bon fonctionnement des réseaux, mais également la sécurité des biens et des personnes.

Les agents de sûreté des transports en commun ont des responsabilités importantes pour la protection des usagers. Aux côtés des forces de la police nationale et de la gendarmerie nationale, les polices spéciales de la Suge et du GPSR sont des vigies opérationnelles œuvrant à notre sûreté.

Gardons aussi à l’esprit que notre pays est une destination touristique reconnue. Or une grande majorité des visiteurs, en tout cas en région parisienne, sont amenés à emprunter les transports collectifs.

La proposition de loi déposée par notre collègue Philippe Tabarot a le mérite d’ouvrir le débat sur les améliorations à apporter afin de mieux répondre aux défis contemporains et à venir. La persistance des violences sexistes et sexuelles, des vols, des fraudes et de la menace terroriste vient en effet alourdir un climat déjà dégradé.

Le statut particulier de la SNCF et de la RATP a conduit le législateur à leur accorder des prérogatives spécifiques, consacrées par la loi du 12 juillet 1983. Certains des articles de cette proposition de loi enrichissent leur capacité à exercer leurs missions. À l’avenir, il nous faudra aussi réfléchir à étendre certaines de ces prérogatives au-delà de la région parisienne et du réseau SNCF. En effet, de nombreux opérateurs de transport attendent des améliorations législatives et réglementaires afin de développer leurs interventions en la matière.

Je tiens à saluer le travail minutieux mené par la rapporteure, Nadine Bellurot, pour améliorer les dispositions de cette proposition de loi. Ce travail était nécessaire tant – il faut bien le dire – la rédaction initiale pouvait susciter quelques réserves, notamment sur les processus de captation des sons dans les véhicules ferroviaires.

Le travail mené par Mme la rapporteure a également permis d’enrichir et de compléter la proposition de loi. Nous tenons sincèrement à saluer son travail.

Ce texte, résolument tourné vers le renforcement du continuum de sécurité et l’approfondissement de notre arsenal pénal, apporte sur certains points des avancées extrêmement pertinentes.

L’usage à titre expérimental d’une caméra-piéton par les conducteurs de bus est une bonne mesure. Ces agents ne sont pas seulement la cible de comportements vexatoires ou intimidants, mais parfois l’objet d’une violence non contenue et revendiquée. De tels agissements ne sont en aucun cas acceptables. Cette expérimentation peut contribuer à quantifier cette délinquance plus correctement pour mieux la prévenir et la réprimer plus efficacement. La pérennisation de ce dispositif pour les agents de contrôle des transports concourt utilement à promouvoir la sûreté.

Nous saluons également les prérogatives supplémentaires qui seraient attribuées aux agents de contrôle et de sûreté, en particulier la création d’un droit de communication de données fiscales en vue de fiabiliser encore le recouvrement des amendes.

En revanche, plusieurs articles de ce texte peuvent poser question quant à la proportionnalité du dispositif au regard de son objectif.

Il en est ainsi de l’article 14, consistant notamment à « délictualiser » l’abandon de tout bagage par un voyageur, au regard des différentes situations qui peuvent se présenter. Nous avons eu le débat en commission : s’il n’est pas négligeable de mieux appréhender et de faire reculer le phénomène des oublis de bagages, qui entrave la circulation sur les réseaux, en faire un délit ne nous paraît pas la solution législative la plus évidente ni la solution opérationnelle la plus adaptée.

L’extension du périmètre d’intervention des agents de la Suge et du GPSR en dehors des emprises et véhicules de transport part d’une intention louable, celle de desserrer un étau parfois trop restrictif. Toutefois, jusqu’où cette extension est-elle fixée ? La difficulté est qu’un élargissement géographique imprécis ou trop vaste viendrait fragiliser les équilibres et altérer la répartition des pouvoirs entre police spéciale, d’une part, et police générale, d’autre part. Nous avons eu des débats en commission sur ce sujet.

Au-delà des enjeux du moment, la question principale à laquelle nous devons répondre est bien celle de l’amélioration des moyens juridiques et opérationnels en direction de ceux qui nous protègent chaque jour et dans la durée. Nos intentions ne suffisent pas ; il nous faut aussi assurer l’opérationnalité des mesures que nous votons.

Au travers de cette proposition de loi, il nous est proposé de mieux accompagner les forces de sécurité. C’est une intention que nous saluons et que nous soutenons, mais nous sommes arrivés au bout de ce que nous pouvions faire sans un vrai travail de refonte du droit existant.

Encore une fois, cette proposition de loi apporte un certain nombre de changements, par petites touches, mais il faudra une réflexion beaucoup plus profonde et globale si l’on veut véritablement répondre aux besoins des forces de sécurité et à ceux des usagers.

Pour conclure, mes chers collègues, le groupe RDPI salue le travail de la rapporteure et de l’auteur de cette proposition de loi. Pour les raisons que j’ai évoquées, notre groupe soutiendra ce texte qui va dans le bon sens, même si des amendements donneront légitimement lieu à discussion. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Chaillou. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Christophe Chaillou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre cadre législatif concernant la sécurité dans les transports en commun a fortement évolué pour nous permettre de faire face aux dangers qui pèsent sur nos concitoyens et sur les utilisateurs des systèmes de transport.

La loi Savary-Leroux et la loi Sécurité globale de 2021 sont venues renforcer le dispositif en allant plus loin à chaque fois, en octroyant de nouvelles prérogatives aux acteurs de la sécurité et en articulant au mieux les attributions de chacun.

Les terribles drames survenus ces derniers mois montrent que nous ne sommes pas à l’abri, que nous devons toujours veiller à renforcer l’ensemble des moyens disponibles et redoubler de vigilance pour répondre à ces défis, qui nous concernent tous.

La proposition de loi de notre collègue, largement amendée par la commission des lois, vise à aller encore beaucoup plus loin et à attribuer des prérogatives supplémentaires, en renforçant notamment le continuum de sécurité et en étendant la surveillance par le recours à de nouvelles technologies. L’engagement de M. Tabarot est connu et il faut le saluer.

Je veux également saluer la grande qualité du travail réalisé en commission : les propositions de Mme la rapporteure ont largement contribué à rééquilibrer un certain nombre de dispositions. Il est en effet important, comme plusieurs de nos collègues l’ont souligné, de toujours raison garder, dans ce domaine comme dans d’autres. La sécurité des citoyens et le respect de l’État de droit doivent être notre boussole commune.

Nous sommes tous, sur l’ensemble des travées de cet hémicycle, profondément attachés à la sécurité dans les transports, d’autant que beaucoup d’entre nous ont eu des responsabilités locales, parfois en tant que gestionnaire d’un réseau de transport. Monsieur le ministre, j’ai eu l’occasion de venir voir les très belles réalisations de Dunkerque en la matière et je ne doute pas que l’ensemble de mes collègues veilleront à faire en sorte que nos transports publics soient attractifs et attrayants et que les citoyens y soient en sécurité.

Nous partageons tous cet objectif de sécurité. Il n’y a pas d’idéologie dans ce domaine, pas d’angélisme, comme on a pu l’entendre ce soir. Pour nous, c’est essentiel.

Pour autant, les dispositions proposées doivent être et compatibles avec les libertés publiques et équilibrées. La rédaction initiale du texte nous semblait aller beaucoup trop loin ; le flou juridique entourant certaines dispositions faisait même peser des doutes sur leur efficacité juridique. La nouvelle rédaction, issue des travaux de la commission des lois, nous paraît plus équilibrée : elle permet une avancée, que nous saluons, en termes de sécurisation des espaces de transport, d’amélioration du continuum de sécurité et d’augmentation des prérogatives des agents de la Suge et du GPSR – Olivier Jacquin y reviendra.

Je souhaite évoquer les dispositions contenues dans le chapitre Ier, qui tend à renforcer les pouvoirs des agents des services internes de sécurité des opérateurs de transport.

Je veux aussi dire combien il nous semble nécessaire de donner aux policiers municipaux les moyens d’accéder aux véhicules et espaces de transport, dans le cadre de conventions. Il nous faut en effet renforcer le continuum de sécurité entre les différentes forces.

Nous accueillons favorablement la pérennisation de l’usage des caméras-piétons pour les agents de contrôle. Cette disposition permet de répondre aux demandes des agents concernés.

Le nouvel article 8 ter permet la mise en place d’un numéro téléphonique unique, ce qui nous paraît aller dans le bon sens.

Enfin, il faut donner des outils aux sociétés de transport pour lutter contre les personnes malveillantes qui ne respectent pas les règles – là aussi, nous sommes d’accord.

Nous saluons ces dispositions, mais nous tenons à exprimer nos doutes sur d’autres mesures qui posent question au regard des libertés publiques et qui ne nous paraissent pas équilibrées.

Il en est ainsi de l’introduction à l’article 9 de l’utilisation de traitements algorithmiques. Il nous semble que nous devons d’abord prendre en compte les expérimentations en cours.

Selon nous, l’article 12, qui tend à créer un délit d’incivilité d’habitude, va beaucoup trop loin et n’est pas proportionné.

L’article 13 souffre d’un certain paradoxe : l’établissement d’une peine complémentaire d’interdiction de paraître ne nous semble ni adapté ni réaliste en termes humains, financiers ou logistiques.

Enfin, nous demandons la suppression de l’article 14, qui nous paraît assez baroque, notamment en termes de mise en œuvre.

Même si nous saluons les progrès réalisés en commission, nombre d’éléments ne nous paraissent pas encore suffisamment équilibrés, raison pour laquelle nous demandons la suppression des articles 9, 12 et 14. Nous réservons donc notre vote final en fonction des amendements qui seront adoptés. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – MM. Pierre Barros et Jacques Fernique applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Dhersin applaudit également.)

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si j’ai souhaité cosigner cette proposition de loi, ce n’est pas seulement comme rapporteure spéciale chargée des transports à la commission des finances, c’est aussi comme élue d’Île-de-France, comme femme et comme mère.

On pourrait multiplier les chiffres, mais je n’en retiendrai qu’un : à elle seule, l’Île-de-France représente deux tiers des victimes des vols et violences dans les transports en commun.

Je suis une femme et comme toutes les femmes je revendique l’égalité du droit à emprunter les transports en commun en toute sécurité pour le travail, la vie quotidienne, les loisirs, tôt le matin et jusque tard le soir.

Je comprends le sentiment d’insécurité et parfois la terreur de tant de femmes, en particulier parmi les plus modestes, qui empruntent les transports en commun à des heures très matinales ou très tardives, non pas, à titre principal, parce qu’elles souhaitent contribuer à l’indispensable décarbonation des transports, mais parce qu’elles n’ont tout simplement pas d’autre choix.

Beaucoup de femmes hésitent d’ailleurs à les emprunter. Les femmes sont moins nombreuses que les hommes à utiliser les transports vers Paris. Elles sont moins nombreuses que les hommes à utiliser les transports dans les zones sensibles. Plus la fin de journée avance, moins les femmes y sont présentes : leur proportion diminue de moitié.

Et les femmes ont raison d’avoir peur : elles représentent 60 % des victimes de violences.

Enfin, je suis une mère et je partage la colère de tant de mères, parisiennes ou franciliennes, dont l’enfant ou l’adolescent a été suivi, agressé ou racketté dans le métro ou à ses abords. C’est très traumatisant pour les enfants ; ça l’est également pour les parents, car se sentir impuissant à protéger les siens nous met en colère.

Il est très inquiétant pour notre société que les adolescents, parce qu’ils vivent en milieu urbain, soient des proies aussi faciles pour de petits délinquants ou des bandes agressives, qui font tant de mal et restent si souvent impunis.

Si la situation est aussi grave, ce n’est pas faute d’actions, et même d’actions très vigoureuses, de la part de Valérie Pécresse, de la région Île-de-France, d’IDFM, de la RATP ou de la SNCF. Je pense aussi à la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut), qui porte avec tant de constance et d’efficacité la voix des usagers. Je pense enfin à tout le professionnalisme et au dévouement des agents de sécurité dans les transports.

Pour faire face à cette montée inquiétante de la violence et à la diversification toujours plus grande des modes opératoires, pour restaurer la confiance, il faut donner aux opérateurs tous les moyens juridiques de s’adapter et d’aller plus loin.

Je remercie donc vivement Philippe Tabarot, qui est à l’origine de cette proposition de loi, ainsi que la centaine de sénatrices et sénateurs qui l’ont cosignée. Ce texte vient directement du terrain et de ceux qui ont la charge de protéger tous les voyageurs sans toujours disposer des moyens juridiques idoines.

Si ce texte est adopté, les quelque 4 000 agents de sûreté pourront effectuer des palpations et intervenir aux abords des gares et stations : un délinquant en fuite pourra être poursuivi une fois la porte de la gare franchie.

Les policiers municipaux pourront circuler et intervenir dans les gares et les trains.

Le texte permettra également de faciliter le recours aux caméras-piétons : ce sera très utile pour la sécurité des agents comme pour le traitement des dossiers a posteriori.

Enfin, il est bien entendu nécessaire d’adapter la réponse pénale.

La création d’un délit d’incivilité d’habitude est très attendue par les acteurs du secteur, mais plus largement par tous ceux qui trouvent insupportables ces comportements nuisibles et non sanctionnés qui pourrissent la vie de tous au quotidien. J’apprécie aussi la création d’une peine complémentaire d’interdiction de paraître dans les transports ; cela a été fait pour les stades, il est indispensable d’étendre cette mesure aux transports.

Je présenterai des amendements visant à étoffer encore notre arsenal juridique en tenant compte, bien évidemment, des légitimes préoccupations de la commission, qui a su faire évoluer sa position par rapport au début de nos travaux – et je l’en remercie.

Non, nous ne pouvons conditionner des palpations de sécurité dans les transports aux seuls cas où le préfet de police aurait pris, en amont, un arrêté spécifique, parce qu’il y a une manifestation ou une menace à l’ordre public sur un certain périmètre. Il est des situations d’urgence, avec un risque immédiat pour la sécurité des personnes, où il faut intervenir et où seuls les agents de la sûreté des transports sont à même de le faire.

Nous ne pouvons non plus priver les agents de sécurité d’écouter ce qui se passe dans une rame ou un bus, alors que la sécurité des personnes est immédiatement menacée par un accident ou par des personnes violentes ou lorsque cela répond aux besoins d’une enquête.

Je veux aussi dire très simplement que la liberté d’aller et venir s’applique aux voyageurs, non aux objets qu’ils transportent. Certains objets, qui ne sont pas des armes, peuvent en certaines circonstances se révéler dangereux pour les autres voyageurs. Ils ne sauraient donc avoir leur place dans les transports publics.

La sécurité desdits transports est essentielle à la qualité de vie des Français, comme à celle des millions de touristes que nous accueillons chaque année – et je ne pense pas seulement à cette année olympique.

C’est pourquoi nous devons vraiment aller aussi loin que possible. Pour les agents de sécurité, rien n’est pire que l’impuissance. Pour les voyageurs, rien n’est pire que le sentiment d’insécurité permanent, rien n’est pire que des agressions, de surcroît impunies faute de moyens juridiques idoines. Il n’y a pas de liberté d’aller et venir sans transports sûrs.

Pour l’ensemble de ces raisons, je voterai ce texte, amendé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Joshua Hochart.

M. Joshua Hochart. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons aujourd’hui un sujet qui nous concerne tous et qui peut tous nous toucher : l’insécurité dans les transports en commun. Qu’ils soient des voyageurs quotidiens ou occasionnels, les Français ont déjà tous été confrontés, directement ou indirectement, à des actes de violence.

En 2021, plus de 8 000 vols violents et 905 actes d’agression sexuelle ont été recensés dans les transports en commun en Île-de-France. Mais cette région n’est pas la seule à connaître une recrudescence de ce phénomène : partout sur le territoire, la violence est devenue une habitude. Chez moi, à Lille, le nombre d’agressions a augmenté de 17 % cette même année, avec plus de 1 000 victimes.

À la veille des jeux Olympiques et Paralympiques, les gares, les métros sont des lieux où des milliers de personnes se croisent chaque jour, chacune avec son propre itinéraire, ses propres préoccupations. Pourtant, au milieu de cette diversité, il y a une constante : l’insécurité, la peur de devenir la cible d’agresseurs, la peur de se retrouver pris dans une bagarre, la peur de ne pas rentrer chez soi sain et sauf pour un simple regard.

La violence dans les transports en commun revêt de nombreuses formes. Il y a bien sûr les agressions physiques, ces actes lâches qui laissent des cicatrices sur les victimes, mais il y a aussi la violence verbale, les insultes, les propos racistes, sexistes ou homophobes, qui empoisonnent l’atmosphère et augmentent l’insécurité.

Mme Audrey Linkenheld. Surtout les propos racistes !

M. Joshua Hochart. Et n’oublions pas la violence psychologique, cette pression constante qui pèse sur les voyageurs, qui regardent par-dessus leur épaule à chaque bruit suspect, se demandant si ce sera leur arrêt ou celui de l’agresseur.

Certains diront que la violence dans les transports en commun est un phénomène de société inévitable, mais ce n’est pas vrai. Nous ne devrions jamais accepter la violence comme une norme sociale. Nous avons le droit de nous déplacer en toute sécurité, sans craindre pour notre intégrité physique.

En 2019, 13 % des vols dans les transports en commun se sont finis par des actes violents. En 2022, souvenez-vous, c’est un bus de la RATP qui avait été caillassé, mais je pourrais multiplier les exemples. Telle est la réalité de nos services de transport.

Pour résoudre ce fléau, et c’est l’objet de cette proposition de loi, il faut tout d’abord donner plus de pouvoir aux autorités de sûreté des compagnies de transport. Nous devons aussi garantir la sécurité permanente des usagers face à n’importe quelle sorte violence grâce à des interventions rapides. Cela passera inévitablement par le recrutement massif d’agents de sûreté ferroviaire ou de la RATP.

Une réflexion est aussi à mener sur les compétences des policiers municipaux, troisième force de sécurité publique au contact permanent de nos concitoyens. Ce texte aborde d’ailleurs le sujet.

La violence dans les transports en commun est un problème urgent, qui nécessite une réponse collective. En refusant de rester silencieux, en demandant des comptes aux autorités, nous pouvons faire de nos bus et de nos rames des espaces sûrs et accueillants pour tous. Ne restons pas les témoins passifs de cette injustice : il faut agir. Nous soutiendrons bien évidemment cette proposition de loi.

M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Jacques Fernique applaudit également.)

M. Olivier Jacquin. Monsieur le président, monsieur le ministre – je suis heureux que vous étrenniez avec nous vos nouvelles fonctions –, mes chers collègues, ce texte est intéressant. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Comme d’autres avant moi, je veux remercier chaleureusement Philippe Tabarot, qui est bien souvent mon complice dans les affaires ferroviaires (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.), mais qui ne le sera peut-être pas aujourd’hui… (Sourires.)

Ce texte est intéressant, disais-je, parce qu’il nous ramène à la dichotomie que nous devons appréhender en tant que législateurs. En effet, le spécialiste des transports que je suis pourrait presque valider cette proposition de loi, dès lors que je ne sors pas de mon champ d’expertise. Cependant, comme mon collègue Christophe Chaillou, si je me place du point de vue des libertés publiques, ce texte me pose un certain nombre de problèmes qui ne sont pas sans gravité, soit dit sans verser dans l’angélisme ni être aveuglé par une idéologie d’un autre temps.

Loin de nous l’idée de minimiser les questions de sécurité et d’incivilité dans les transports collectifs. Je suis et nous en sommes des usagers fréquents, même quotidiens pour nombre d’entre nous. Et parce que le groupe socialiste ne les minimise pas, je veux concentrer mon propos sur le travail des agents dont la mission est justement de protéger et d’assurer la tranquillité des usagers.

Je veux saluer les personnels de la Suge et du GPSR, dotés de qualités opérationnelles remarquables. Ils font preuve d’un professionnalisme reconnu dans les missions délicates qu’ils ont à mener dans les lieux publics sensibles.

Si je comprends et puis partager un certain nombre des intentions de Philippe Tabarot, je ne voudrais pas que ce texte apporte plus de questions que de réponses. Prenons garde à ne pas déshabiller les uns pour habiller les autres. La Suge et le GPSR ont fait depuis des années la preuve de leur pertinence et de leur efficacité. Attention à ne pas ouvrir sans condition les capacités d’intervention des polices municipales, par exemple, dans ces nouveaux espaces.

Dans la même veine, nous devons éviter de trop faciliter la compensation du manque d’effectifs de la Suge et du GPSR par l’extension des possibilités de recours à des agents privés, sans se soucier de leurs conditions d’exercice, tant au niveau de la formation que du continuum de sécurité – et je ne parle pas des aspects financiers. Certes, il est parfois moins onéreux de recourir à des opérateurs privés qu’à la Suge, mais il importe tout de même de mettre les moyens de ce service en adéquation avec ses missions.

Ayons garde de ne pas introduire du mal-être parmi les agents de nos entreprises publiques, surtout à quelques semaines des jeux Olympiques et Paralympiques et à l’heure de l’ouverture à la concurrence des réseaux franciliens et ferroviaires partout en France.

Après différents échanges avec les syndicats, il apparaît que l’État délègue d’ores et déjà à ces services de sécurité internes une partie de ses responsabilités sans contractualisation ni transfert des moyens économiques ou humains correspondants.

Je souhaite également attirer votre attention, mes chers collègues, sur les risques de dumping social que comporte ce texte, d’autant que l’ouverture à la concurrence complexifie la lisibilité des responsabilités de chacun et affecte donc l’efficacité du continuum de sécurité.

La dispersion des effectifs de contrôle et de lutte antifraude entre différents lots, et donc potentiellement différents opérateurs, rendra par définition plus difficile la constitution de brigades travaillant en bonne intelligence dès le départ. Elle accentuera le phénomène de « frontières », alors même que le but de ce texte est de mettre fin à ces entraves qui peuvent empêcher l’action des agents de sécurité.

Alors que d’aucuns parlent en ce moment de réarmement, même si nous n’avons pas entendu ce terme aujourd’hui, vous voudriez réarmer la Suge et le GPSR. Mais je peux vous assurer, mes chers collègues, qu’ils sont déjà armés !

Comme à chaque fois que nous légiférons, nous devons prendre toutes les précautions nécessaires, a fortiori lorsqu’il s’agit de la sécurité de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Else Joseph. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Else Joseph. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent texte illustre la capacité d’initiative et de réaction de notre assemblée face à certains problèmes d’actualité.

Alors que les jeux Olympiques et Paralympiques approchent, nous avons besoin d’un cadre approprié pour la sécurité de nos transports publics, à Paris et sur tout le territoire.

Nos transports publics prennent en charge 10 millions de voyageurs chaque jour. Ils répondent aux exigences de la transition énergétique et satisfont aux besoins de mobilité des salariés, des étudiants et de tant d’autres.

Je veux saluer le travail d’écoute que mon collègue Philippe Tabarot a mené sur le terrain avec tous les acteurs concernés et qui a permis de déboucher sur ce texte important, cosigné par un grand nombre des membres du groupe Les Républicains.

Je salue également le travail de la rapporteure, notre collègue Nadine Bellurot.

Au cours de ces derniers mois, nous avons constaté des agressions et des situations délictueuses, voire criminelles, qui nous font douter de l’efficacité de nos dispositifs. Limiter le nombre d’actes de malveillance dans les transports en commun est devenu un enjeu crucial.

Nos gares, nos stations et nos rames restent des lieux attractifs qui favorisent différentes violences, incivilités et menaces. La sécurité reste une exigence primordiale, mais il est difficile de mobiliser en tout temps et en tout point de nos réseaux une police nationale déjà abondamment sollicitée. Dans certains cas, elle ne peut intervenir qu’en dernier recours.

Pour assurer le continuum de sécurité, il faut donc s’appuyer sur celles et ceux qui garantissent la sûreté dans nos transports. Les agents de la Suge ou du GPSR, s’il s’agit de la RATP, disposent d’une connaissance précieuse de ce terrain fluide et mouvant. Ils se heurtent pourtant aux contraintes d’un cadre limité, alors qu’ils sont formés et compétents.

Il existe des trous dans la raquette, alors que nous disposons d’agents performants, dont le travail pourrait même soulager celui des forces de l’ordre. Rappelons que, lors de la récente attaque qui a eu lieu à la Gare de Lyon, c’est d’abord un agent privé qui s’est interposé avant que n’interviennent les agents du Suge et du GPSR, puis la police.

Si les délinquants méprisent la loi, ils en connaissent très bien les insuffisances et les lacunes. Ils ont beau la bafouer, ils savent habilement invoquer la moindre de ses faiblesses dans les prétoires. Ne leur offrons pas un moyen de défense supplémentaire en maintenant une législation incomplète et inadaptée.

À cet égard, la reconnaissance de la compétence des agents de la Suge et du GPSR pour constater et poursuivre les infractions sur les seules emprises immobilières et véhicules de transport soulève inévitablement le problème du périmètre d’intervention.

Philippe Tabarot a cherché à répondre au cas du contrevenant qui se réfugie au sein d’une emprise extérieure pour échapper aux agents. C’est un sujet certes complexe, mais qui ne doit pas déboucher sur une absence de poursuite. N’encourageons pas les délinquants et les criminels avec de bien picrocholines querelles de territoires administratifs.

Aussi, pour rester fidèle à la jurisprudence constitutionnelle qui interdit le transfert à des personnes privées des compétences de police générale, la commission des lois a précisé que l’intervention aux abords immédiats est bien un « droit de poursuite ». Dans cette optique, des caméras-piétons pourront aussi être utilisées sur la voie publique pour permettre l’enregistrement des interventions des agents des services internes de sécurité.

Il importe également d’améliorer l’arsenal répressif.

Les pratiques de bus surfing ou de train surfing n’ont rien de ludique : ce sont peut-être des jeux, mais ils peuvent faire des victimes, comme ce fut le cas voilà quelques années. Je me réjouis donc de la création d’un nouveau délit spécifique pour réprimer ces pratiques.

L’accumulation de retards dus à des colis perdus ou abandonnés est une véritable nuisance. La négligence supposée ne doit pas servir d’excuse à ces comportements, qui peuvent avoir des conséquences néfastes sur l’exploitation de nos réseaux. Pour des voyageurs qui n’avaient rien demandé, ce sont parfois des heures gâchées ou des demi-journées perdues. Aussi, je me réjouis que soit institué un nouveau délit d’oubli des bagages. Après tout, l’imprudence et la négligence sont bien déjà prises en compte dans notre code pénal et peuvent être sanctionnées.

Enfin, les auteurs de faits répréhensibles ne sont le plus souvent pas véritablement sanctionnés. Nous constatons en effet un taux catastrophique de recouvrement des amendes. Désormais, les adresses données par les contrevenants pourront être vérifiées.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons un texte important et attendu par les opérateurs de transport collectif. Il aidera surtout les usagers, qui ont plus que jamais droit à la sécurité quand ils voyagent et se déplacent. Je pense plus particulièrement aux femmes.

Je voterai donc en faveur de cette proposition de loi de Philippe Tabarot, telle que modifiée par la commission des lois. Il est essentiel d’encourager toujours plus la coopération entre les forces de sécurité intérieure de l’État et les forces de sécurité internes des opérateurs de transport. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Dhersin et Mme Isabelle Florennes applaudissent également.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports

Chapitre Ier

Renforcer les pouvoirs des agents des services internes de sécurité des opérateurs de transport

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports
Article 1er (interruption de la discussion)

Article 1er

I. – (Supprimé)

II (nouveau). – L’article L. 613-2 du code de la sécurité intérieure est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation à l’article L. 122-1, dans les départements de la région Île-de-France, la constatation de circonstances particulières liées à l’existence de menaces graves pour la sécurité publique ou l’institution d’un périmètre de protection autorisant les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens à procéder, dans les conditions prévues au deuxième alinéa du présent article, à des palpations de sécurité, relève de la compétence du préfet de police. »

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, sur l’article.

M. Thomas Dossus. Avant d’entamer l’examen des articles, je voudrais revenir sur les propos inutilement clivants de l’auteur de la proposition de loi et de la rapporteure, selon qui il y aurait, à gauche, des angéliques, et à droite, des pragmatiques. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Notre collègue Chaillou l’a rappelé, nous sommes un certain nombre ici à être élus dans des collectivités locales. En ce qui me concerne, j’écoutais ce matin même la préfète du Rhône, qui donnait les chiffres de la sécurité. Elle se félicitait notamment d’une baisse de 28 % de la délinquance dans les transports de la métropole de Lyon, une collectivité dirigée par un écologiste. Elle a même précisé que ce résultat était le meilleur de France.

Je souhaite non pas fanfaronner, mais souligner que nous pourrions peut-être légiférer parfois en sortant de nos clivages partisans.

M. Thomas Dossus. Nous allons ainsi, sur les travées de gauche, étudier ce texte avec pragmatisme, en ayant néanmoins à l’esprit, comme toujours, cette boussole qu’est pour nous le nécessaire équilibre entre libertés publiques et sécurité. Nous entamons en tout cas cette discussion avec enthousiasme. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 41 est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. Fernique, Gontard, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, M. Dossus, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

L’amendement n° 61 est présenté par M. Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 41.

M. Guy Benarroche. L’article 1er tend, d’une part, à assouplir les conditions dans lesquelles les agents de la Suge et du GPSR peuvent procéder à des palpations de sécurité et au retrait d’objets dangereux et, d’autre part, à placer ces agents directement sous l’autorité du préfet de police.

L’État doit conserver le monopole de la sécurité, qui est une de ses missions régaliennes.

Autoriser les fouilles et palpations par un spectre large d’agents risque d’exacerber les tensions et les délits de faciès, tant les motivations de ces pratiques sont imprécises. Seul un officier de police judiciaire, policier ou gendarme, a compétence pour effectuer ces gestes dans les cas de flagrant délit, de commission rogatoire ou d’enquête préliminaire. Les agents de transport peuvent seulement inspecter visuellement des bagages à main avec le consentement de la personne. L’exigence de l’article 66 de la Constitution ne serait pas respectée si des pouvoirs généraux d’enquête criminelle ou délictuelle étaient confiés à des agents qui ne sont pas mis à la disposition d’officiers de police judiciaire ou de personnes présentant des garanties équivalentes.

Enfin, selon les dispositions de l’article R. 434-16 du code de la sécurité intérieure, la palpation de sécurité est exclusivement une mesure de sûreté et ne revêt pas un caractère systématique. Elle est réservée aux cas dans lesquels elle apparaît nécessaire à la garantie de la sécurité de l’agent qui l’accomplit ou de celle d’autrui. En ouvrant la possibilité d’accomplir une palpation à un large spectre de personnes, notamment dans le cadre des jeux Olympiques, sans prévoir de garanties sur la formation de ces agents ni aucune précision sur la fréquence de ces opérations, cet article fait courir un risque de dérive sécuritaire. C’est pourquoi nous demandons sa suppression.

M. le président. La parole est à M. Pierre Barros, pour présenter l’amendement n° 61.

M. Pierre Barros. Comme vient de le relever M. Benarroche, ce texte introduit un mélange des genres dans les opérations de sécurité, qui représente un danger. Cette mesure serait même difficilement opérationnelle.

Pour nous, les choses sont claires : chacun doit faire son travail et seulement son travail, et ce de manière coordonnée. Il n’est pas nécessaire d’étendre les compétences des uns aux autres. La commission d’enquête qui s’est tenue ici même sur le traitement des émeutes de l’été dernier a bien montré que ce sont les dysfonctionnements de la coordination qui ont créé le plus de problèmes pour le maintien de l’ordre.

À chacun son boulot, ses compétences, ses outils et la sécurité sera garantie pour tous.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. Vous ne serez pas étonnés que la commission ait donné un avis défavorable sur la suppression de cet article, qui concerne les prérogatives des agents de la Suge et du GPSR en matière de palpations de sécurité.

Je rappelle que, en l’état du droit, de telles palpations sont systématiquement subordonnées à la prise d’un arrêté préfectoral instituant un périmètre de sécurité ou constatant des circonstances particulières liées à l’existence de menaces graves pour la sécurité publique.

Dans sa version initiale, l’article 1er visait à autoriser ces agents à procéder à des palpations de façon inopinée, en l’absence d’autorisation préfectorale. Si je me réfère aux objets de ces amendements, c’est bien ce dispositif que leurs auteurs entendent supprimer. Or ces amendements me paraissent satisfaits, puisque la commission a substitué au dispositif initial une procédure d’autorisation des agents de la Suge et du GPSR au niveau de la préfecture de police de Paris pour procéder à des palpations.

La mesure que nous proposons est une mesure d’efficacité et de simplicité pour les acteurs concernés, qui ne remet pas en cause la nécessité d’une autorisation préfectorale. Je vous invite à conserver cet article.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements de suppression et sera favorable à l’amendement n° 33 rectifié, qui sera présenté dans quelques instants et qui vise justement à rétablir la rédaction de l’article 1er dans sa version initiale, avec deux conséquences.

La première est de permettre aux agents de la Suge et du GPSR de procéder à des palpations de sécurité si des éléments laissent à penser qu’une personne pourrait détenir des objets dangereux. Le Gouvernement est favorable à une telle mesure, qui vise à simplifier la mission des agents de ces deux services, qui sont, je le rappelle, assermentés.

La seconde est de permettre à ces mêmes agents de saisir des objets dangereux, gênants ou incommodants, susceptibles d’être introduits dans les véhicules de transport.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 41 et 61.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 33 rectifié, présenté par Mmes Florennes et Gatel et MM. Marseille et Longeot, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le chapitre Ier du titre V du livre II de la deuxième partie du code des transports est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa de l’article L. 2251-9 est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

« Les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens peuvent procéder à l’inspection visuelle des bagages et, avec le consentement de leur propriétaire, à leur fouille.

« Les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens peuvent, en cas de circonstances particulières liées à l’existence de menaces graves pour la sécurité publique ou lorsqu’un périmètre de protection a été institué en application de l’article L. 226-1 du code de la sécurité intérieure, procéder, avec le consentement exprès des personnes, à des palpations de sécurité. Dans ce cas, la palpation de sécurité doit être faite par une personne de même sexe que la personne qui en fait l’objet. En l’absence d’arrêté instituant un périmètre de protection, ces circonstances particulières sont constatées par un arrêté du représentant de l’État dans le département ou, à Paris, du préfet de police, qui en fixe la durée et détermine les lieux ou catégories de lieux dans lesquels les contrôles peuvent être effectués. Cet arrêté est communiqué au procureur de la République.

« Si des éléments objectifs laissent à penser qu’une personne pourrait détenir des objets susceptibles de présenter un risque pour la sécurité des personnes ou des biens, les agents mentionnés à l’alinéa précédent peuvent procéder, avec le consentement exprès de la personne, à des palpations de sécurité en l’absence de circonstances particulières liées à l’existence de menaces graves pour la sécurité publique ou de périmètre de protection. » ;

2° Il est ajouté un article L. 2251-10 ainsi rédigé :

« Art. L. 2251-10. – Lorsque des objets autres que des armes qui, par leur nature, leur quantité ou l’insuffisance de leur emballage, peuvent être dangereux, gêner ou incommoder les voyageurs sont découverts à l’occasion des mesures de contrôles réalisées en application de l’article L. 613-2 du code de la sécurité intérieure ou dans le cadre des missions de prévention des agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens, ces agents peuvent retirer lesdits objets avec le consentement de leur propriétaire.

« En cas de refus, les agents mentionnés au 5° du I de l’article L. 2241-1 du présent code peuvent mettre en œuvre les mesures prévues à l’article L. 2241-6. Il est rendu compte à l’officier de police judiciaire compétent de la saisie des objets mentionnés au premier alinéa du présent article.

« Les modalités d’application du présent article sont définies dans un décret en Conseil d’État. »

La parole est à Mme Isabelle Florennes.

Mme Isabelle Florennes. Cet amendement vise à rétablir le texte initial de la proposition de loi en autorisant les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP à réaliser des palpations administratives de sécurité lorsqu’il existe des éléments objectifs laissant à penser qu’une personne pourrait détenir des objets susceptibles de présenter un risque pour la sécurité des voyageurs.

Cet article permet à ces mêmes agents de se saisir des objets dangereux susceptibles d’être introduits dans les véhicules de transport.

Le danger pouvant survenir de manière inattendue, le fait de subordonner la réalisation de telles palpations à une décision administrative préalable ne répond qu’imparfaitement à la réalité du risque qui menace chaque jour les voyageurs, les personnels et les usagers des gares.

Il s’agit de permettre aux agents des services internes de sécurité, à savoir la Suge et le GPSR, de saisir les objets dangereux susceptibles d’être introduits dans les véhicules de transport.

Les agents sont autorisés à retirer et remettre aux forces de sécurité intérieure des armes classifiées qu’ils découvrent lors des fouilles, mais ne peuvent saisir d’autres objets dangereux pourtant susceptibles de constituer des armes par destination, tels que couteaux de boucher, pics à glace, cutters, battes de baseball et j’en passe… Lorsqu’un officier de police judiciaire, appelé par les agents de la Suge ou du GPSR, n’est pas en mesure de se déplacer, l’individu est laissé libre avec les objets dangereux en sa possession.

Ces dispositions sont importantes pour assurer la sûreté des voyageurs dans les trains et dans les gares.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. Il peut être tentant de rétablir le texte de l’article dans sa version initiale, mais cela présente un certain nombre de difficultés.

Tout d’abord, s’agissant de l’autorisation de réaliser des palpations de façon inopinée, la commission des lois a constaté que le dispositif proposé ne répondait pas aux exigences constitutionnelles applicables aux prérogatives des acteurs de la sûreté dans les transports. Il est, en particulier, attentatoire à la liberté d’aller et venir, au droit à la vie privée et à l’interdiction de déléguer à des personnes privées des compétences de police administrative générale inhérentes à l’exercice de la force publique.

Pour cette raison, la commission leur a substitué un dispositif dans lequel le préfet de police de Paris délivre une autorisation générale de palpation sur l’ensemble du territoire de la région Île-de-France.

En ce qui concerne la saisie d’objets dangereux, je présenterai un amendement plus conforme au droit.

Il faut savoir que la saisie et la confiscation d’objets sont des prérogatives exclusives de l’autorité judiciaire. Il convient donc de prévoir l’intervention d’un magistrat à la suite d’un officier de police judiciaire.

Pour autant, je m’étais engagée devant la commission à proposer en séance publique un dispositif alternatif, que je présenterai tout à l’heure, qui permettra aux agents de sécurité d’immobiliser de façon temporaire des objets dangereux découverts lors des contrôles. Cette proposition est plus conforme au droit, tout en restant fidèle à l’esprit de la proposition de loi.

Aussi, ma chère collègue, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement au profit de mon amendement à venir. À défaut, je me verrai contrainte d’émettre un avis défavorable.

M. le président. Je rappelle que le Gouvernement a précédemment émis un avis favorable sur cet amendement.

La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, pour explication de vote.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Je voterai l’amendement n° 33 rectifié, qui vise à rétablir le texte initial. Mon amendement est de repli.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour explication de vote.

M. Jean-François Longeot. Je voterai l’amendement de ma collègue Isabelle Florennes visant à rétablir la rédaction initiale.

Le texte élaboré par Philippe Tabarot est important. Nous saluons toutes et tous la démarche qu’il a entreprise, mais nous devons aller au bout de celle-ci. N’ayons pas de doutes à ce sujet. Il est toujours difficile de s’entendre dire après coup, lorsqu’il y a eu un problème, qu’il aurait fallu faire ceci ou cela. Pour une fois, nous avons l’occasion d’anticiper, ou plutôt de mettre les choses dans le bon ordre. Aussi, l’ensemble du groupe Union Centriste soutiendra cet amendement, qui va dans le bon sens. Pour preuve, les présidents de la RATP et de la SNCF, que nous avons auditionnés, n’ont émis aucune réserve sur cet article initial ; au contraire, ils y étaient même très favorables.

Je disais, dans le débat précédent, que le bon sens paysan devait nous permettre de nous retrouver. Mettons ce souhait à l’épreuve sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Christophe Chaillou, pour explication de vote.

M. Christophe Chaillou. Nous sommes extrêmement défavorables à l’adoption de cet amendement. En effet, les agents concernés seraient autorisés à faire des palpations sans encadrement judiciaire ou administratif, ni dans le temps ni dans l’espace. Enfin, la confiscation et la saisie d’objets sont de la compétence exclusive de l’autorité judiciaire.

M. le président. La parole est à M. Philippe Tabarot, pour explication de vote.

M. Philippe Tabarot. Vous comprendrez que je ne puisse m’opposer à cet amendement, qui vise à revenir à la version initiale de mon texte, même si son adoption doit faire tomber deux autres amendements que j’ai déposés.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. Et le mien !

M. Philippe Tabarot. Mais je m’en remettrai ! (Sourires.)

Le dispositif de Mme la rapporteure traite bien de la saisie des armes dans les véhicules, mais pas dans les gares.

Enfin, je reste convaincu que les agents de sécurité doivent pouvoir, sans arrêté préalable, procéder à des palpations, avec l’accord de la personne concernée, face à un danger imminent. C’est possible aujourd’hui dans les stades de football ou les enceintes culturelles par des personnes qui n’ont pas la même formation ni le même agrément que les agents de la Suge ou du GPSR.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. J’entends les arguments des uns et des autres, mais je voudrais rappeler à chacun le contexte dans lequel nous légiférons.

Si vous votez cet amendement, auquel la commission des lois est défavorable, vous autoriserez les palpations de toute personne, quelles que soient les circonstances, sans arrêté préfectoral, donc sans cadre juridique. Faisons attention aux conséquences qu’un tel vote pourrait avoir dans beaucoup d’autres domaines.

J’aimerais que la position de la commission des lois soit respectée, dans la mesure où cette dernière prévoit un arrêté préfectoral général, ce qui permet de régler la situation sur le plan juridique, notamment en Île-de-France.

J’y insiste, nous sommes très défavorables à l’adoption de l’amendement n° 33 rectifié.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 33 rectifié.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte lamendement.)

M. le président. En conséquence, l’article 1er est ainsi rédigé, et les amendements nos 71 rectifié bis, 53 rectifié, 79, 42, 72 rectifié bis, 80 et 55 rectifié n’ont plus d’objet.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Sophie Primas.)

PRÉSIDENCE DE Mme Sophie Primas

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Article 1er (début)
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Discussion générale

8

Mises au point au sujet de votes

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Burgoa.

M. Laurent Burgoa. Madame la présidente, lors des scrutins publics nos 118 et 119, mes collègues Sylvie Goy-Chavent et Philippe Tabarot souhaitaient voter pour.

Mme la présidente. Acte est donné de ces mises au point, mon cher collègue. Elles figureront dans l’analyse politique des scrutins concernés.

9

Article 1er (interruption de la discussion)
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Article 2

Sûreté dans les transports

Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports.

Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus à l’article 2.

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports
Article 3

Article 2

Après l’article L. 2251-1-3 du code des transports, il est inséré un article L. 2251-1-4 ainsi rédigé :

« Art. L. 2251-1-4. – Pour assurer la mission prévue au deuxième alinéa de l’article L. 2251-1, les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens peuvent intervenir momentanément sur la voie publique, aux abords immédiats des emprises immobilières mentionnées aux articles L. 2251-1-1 et L. 2251-1-2 dès lors que l’une des infractions mentionnées à l’article 446-1 du code pénal, au premier alinéa du I de l’article L. 2241-1 ou au chapitre VI du titre Ier du livre Ier de la troisième partie du présent code a été commise au sein desdites emprises et que le caractère inopiné ou urgent de la situation justifie leur poursuite immédiate. »

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.

M. Marc Laménie. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens avant tout à saluer le travail de l’auteur de cette proposition de loi, notre collègue Philippe Tabarot, qui est, comme bon nombre d’entre nous, passionné par le rail et le transport ferroviaire, ainsi que par tous les sujets, particulièrement importants, liés à la sécurité.

Beaucoup de personnes, malheureusement, n’utilisent pas les transports en commun aussi souvent qu’elles le pourraient – cela a été rappelé par plusieurs orateurs, notamment Mme Carrère-Gée, sénatrice de Paris –, et ce pour des raisons de sécurité ; c’est en particulier le cas de nombreuses dames. Dès lors, c’est aussi la recherche de l’égalité entre femmes et hommes qui doit nous inciter à prendre des mesures importantes en la matière, même si l’on sait bien que la tâche est immense.

L’article 2 donne aux agents de sécurité de la Suge, la surveillance générale de la SNCF, ainsi qu’à ceux du GPSR, entité correspondante pour la RATP, la faculté d’intervenir sur la voie publique, aux abords immédiats des emprises immobilières de ces deux entreprises. La disposition qu’il nous est proposé d’inscrire à cette fin dans le code des transports me paraît pertinente, en tant que modeste usager du métro, du RER et du train, car la sécurité doit être assurée, non seulement dans les transports, mais aussi aux abords des gares.

Toutefois, la commission a souligné les problèmes juridiques que susciterait une extension trop large de cette faculté. Je soutiendrai, bien entendu, sa rédaction de l’article 2.

Mme la présidente. L’amendement n° 54 rectifié, présenté par Mmes Carrère-Gée et Aeschlimann, MM. Anglars et Belin, Mmes Belrhiti et Berthet, MM. Bouchet et Burgoa, Mmes Dumas, Evren, Goy-Chavent et Imbert, MM. Karoutchi et Klinger, Mmes Lassarade et Lavarde, M. Meignen, Mme M. Mercier, MM. Pellevat et Piednoir, Mme Primas et MM. Sautarel et Somon, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Ils peuvent également intervenir momentanément aux abords immédiats de ces emprises immobilières pour prévenir en urgence la réalisation d’un acte terroriste, jusqu’à l’arrivée des forces de sécurité. »

La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Je remercie la commission pour son travail de réécriture de cet article : elle a institué un droit de poursuite des personnes qui auraient commis une infraction à l’intérieur d’une gare ou d’un véhicule de transport, prévoyant que les agents de sécurité de la SNCF et de la RATP pourraient, dans de tels cas, poursuivre le délinquant jusqu’aux abords immédiats de la gare, ce qui est très satisfaisant.

Le présent amendement a pour objet de prévoir une situation qui s’est, hélas ! produite par le passé, même si elle reste heureusement assez rare, en permettant aux agents de sécurité des transports d’intervenir aux abords immédiats de la gare, alors même qu’aucune infraction n’a été commise à l’intérieur de celle-ci, afin de prévenir la survenue d’un acte terroriste, dans l’attente de l’arrivée des forces de l’ordre.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. En l’état du droit, l’article L. 613-1 du code de la sécurité intérieure dispose déjà qu’à titre exceptionnel ces agents peuvent, sur autorisation préfectorale – je reconnais que ce n’est peut-être pas le plus pratique, mais c’est ainsi fait –, « exercer sur la voie publique des missions, même itinérantes, de surveillance contre les […] actes de terrorisme visant les biens dont ils ont la garde ».

En adoptant cet amendement, nous franchirions un palier supplémentaire en conférant à ces agents une mission de prévention d’actes terroristes aux abords immédiats des gares, y compris en l’absence d’autorisation préfectorale.

Il ne fait guère de doute qu’une telle faculté constitue une prérogative de police administrative générale et serait regardée comme telle par le Conseil constitutionnel. Ainsi, une telle mesure est très clairement contraire à l’interdiction de la délégation à une personne privée des compétences de police administrative générale inhérentes à l’exercice de la force publique.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué. L’article 73 du code de procédure pénale dispose déjà que, « dans les cas de crime flagrant ou de délit flagrant puni d’une peine d’emprisonnement, toute personne a qualité pour en appréhender l’auteur et le conduire devant l’officier de police judiciaire le plus proche ».

Le Gouvernement considère donc que cet amendement est satisfait et en demande le rejet.

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. M. le ministre a devancé le rappel que je voulais faire. On nous répète systématiquement, depuis quelque temps, qu’il y a trop de normes, qu’on est étouffés par les normes, que ce sont les normes qui font crever les paysans, ceux qui veulent construire des logements, et j’en passe.

Or voici que, en dépit de l’article 73 du code de procédure pénale, on veut ajouter un certain nombre de normes en la matière, tout simplement parce que cela correspond à une certaine idéologie sécuritaire… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bonhomme. Rien que ça ? Quelle caricature !

M. Guy Benarroche. L’article 73 est clair, M. le ministre vient de le citer. Selon moi, il faut arrêter de chercher en permanence à ajouter des normes sécuritaires, d’autant que notre arsenal juridique comporte déjà un certain nombre de dispositions qui nous permettent d’intervenir.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.

M. Olivier Jacquin. Je veux ajouter un argument à ceux de M. le ministre et de Mme la rapporteure, tout en saluant la clarté de leurs explications.

Cher Philippe Tabarot, moi aussi, j’ai déjà fait le tour de la gare de l’Est et de la gare du Nord avec les équipes de sécurité. C’est une expérience riche et passionnante ! Hier soir, je suis allé voir les agents de la Suge de la gare de l’Est, à côté du salon Grand Voyageur, et je leur ai posé cette question : « Avez-vous, actuellement, le droit de sortir de la gare ? » Ils m’ont confirmé ce qui vient d’être dit : ils peuvent sortir et poursuivre un délinquant en cas de délit commis dans la gare. Dès lors, et au vu des arguments précédents, nous ne voterons pas cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, pour explication de vote.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Bien sûr, dans des situations exceptionnelles, toute personne qui voit, par exemple, quelqu’un affublé d’un gilet explosif a le droit d’intervenir…

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Mais personne n’intervient dans ces circonstances !

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. La différence, c’est que les agents de sécurité de la SNCF et de la RATP peuvent être munis d’armes létales. C’est pourquoi il faut déterminer si, oui ou non, ils ont le droit d’intervenir en dehors de l’emprise de la gare.

M. François-Noël Buffet, président de la commission. La réponse est oui !

M. Olivier Jacquin. C’est superfétatoire !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 54 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2.

(Larticle 2 est adopté.)

Article 2
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Après l’article 3

Article 3

L’article L. 2241-6 du code des transports est ainsi modifié :

1° Au début, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Toute personne se trouvant au seuil des emprises des espaces, gares et stations gérés par l’exploitant qui trouble l’ordre public et dont le comportement est de nature à compromettre la sécurité des personnes ou la régularité des circulations, ainsi que toute personne qui refuse de se soumettre à l’inspection visuelle ou à la fouille de ses bagages ou aux palpations de sécurité peut se voir interdire par les agents mentionnés au I de l’article L. 2241-1 l’accès aux espaces, gares ou stations gérés par l’exploitant. » ;

2° Après le mot : « accès », la fin du deuxième alinéa est ainsi rédigée : « aux espaces, gares ou stations ou aux véhicules ou le contraindre à quitter sans délai lesdits espaces, gares ou stations ou à descendre desdits véhicules. En tant que de besoin, ils peuvent requérir l’assistance de la force publique. »

Mme la présidente. L’amendement n° 56 rectifié, présenté par Mmes Carrère-Gée et Aeschlimann, MM. Anglars et Belin, Mmes Belrhiti et Berthet, MM. Bouchet et Burgoa, Mmes Dumas, Evren, Goy-Chavent et Imbert, MM. Karoutchi et Klinger, Mmes Lassarade et Lavarde, M. Meignen, Mme M. Mercier, MM. Pellevat et Piednoir, Mme Primas et MM. Sautarel et Somon, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer la seconde occurrence du mot :

et

par le mot :

ou

La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Cet amendement peut sembler de nature rédactionnelle, mais sa portée est un peu plus grande : en remplaçant un « et » par un « ou », il vise en fait à préciser que les conditions susceptibles de donner lieu à une fouille de bagages ne sauraient être cumulatives, mais bien alternatives.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. Dans la rédaction initiale de la proposition de loi, non modifiée sur ce point par la commission, deux conditions cumulatives ont été posées pour l’interdiction d’accès aux gares : la personne doit à la fois troubler l’ordre public et avoir un comportement compromettant la sécurité des personnes ou la régularité de la circulation.

Le présent amendement vise à rendre ces conditions alternatives. Je n’y suis pas opposée : une telle mesure va dans le sens d’un alignement sur les conditions posées dans le droit existant en matière d’éviction des emprises.

La commission s’en remet donc sur cet amendement à la sagesse de notre assemblée.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Le Gouvernement n’est pas favorable à un élargissement disproportionné des motifs permettant d’interdire l’accès aux espaces, gares et stations gérés par l’exploitant : avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Chaillou, pour explication de vote.

M. Christophe Chaillou. Nous sommes défavorables à cet amendement. À l’instar de M. le ministre, nous considérons qu’il est tout à fait légitime que les conditions du refus d’accès aux gares et aux stations soient plus exigeantes que celles qui permettent de refuser l’accès aux trains.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 56 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 3, modifié.

(Larticle 3 est adopté.)

Article 3
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Article 4

Après l’article 3

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 21 rectifié bis, présenté par M. Rochette, Mmes Lermytte, N. Delattre et Herzog, MM. Houpert, Brault et V. Louault, Mme Paoli-Gagin, M. Wattebled, Mme Bourcier, M. Capus, Mme L. Darcos et MM. Verzelen et Chasseing, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 2241-11 du code des transports est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Afin de faciliter les contrôles, les entreprises de transport ferroviaire subordonnant le voyage de leurs passagers à la détention d’un titre de transport nominatif assurent la mise en place d’un système de portiques de contrôle pour l’accès aux zones dont l’accès est réservé aux personnes munies d’un titre de transport ».

La parole est à M. Pierre Jean Rochette.

M. Pierre Jean Rochette. Cet amendement vise à systématiser l’installation de portiques d’accès dans les gares. Dans celui-ci, je ne fais pas de distinguo : je demande que les portiques soient installés, de manière homogène, dans toutes les gares.

Mme la présidente. L’amendement n° 22 rectifié bis, présenté par M. Rochette, Mmes Lermytte, N. Delattre et Herzog, MM. Houpert, Brault et V. Louault, Mme Paoli-Gagin, M. Wattebled, Mme Bourcier, M. Capus, Mme L. Darcos et MM. Verzelen et Chasseing, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 2241-11 du code des transports est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Afin de faciliter les contrôles, les entreprises de transport ferroviaire subordonnant le voyage de leurs passagers à la détention d’un titre de transport nominatif assurent la mise en place d’un système de portiques de contrôle pour l’accès aux zones dont l’accès est réservé aux personnes munies d’un titre de transport dans les emprises immobilières correspondant aux dix principaux nœuds ferroviaires de chaque département ».

La parole est à M. Pierre Jean Rochette.

M. Pierre Jean Rochette. Dans cet amendement de repli, je formule exactement la même demande d’installation de portiques de contrôle, mais seulement pour les dix principaux nœuds ferroviaires de chaque département.

Mme la présidente. L’amendement n° 23 rectifié bis, présenté par M. Rochette, Mmes Lermytte, N. Delattre et Herzog, MM. Houpert, Brault et V. Louault, Mme Paoli-Gagin, M. Wattebled, Mme Bourcier, MM. Daubet et Capus, Mme L. Darcos et MM. Verzelen et Chasseing, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 2241-11 du code des transports est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Afin de faciliter les contrôles, les entreprises de transport ferroviaire subordonnant le voyage de leurs passagers à la détention d’un titre de transport nominatif assurent la mise en place d’un système de portiques de contrôle pour l’accès aux zones dont l’accès est réservé aux personnes munies d’un titre de transport dans les emprises immobilières correspondant aux cinq principaux nœuds ferroviaires de chaque département »

La parole est à M. Pierre Jean Rochette.

M. Pierre Jean Rochette. Enfin, dans ce dernier amendement de repli – celui, j’imagine, que notre assemblée votera à l’unanimité ! –, je restreins ma demande aux cinq principaux nœuds ferroviaires de chaque département.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. Par ces amendements, M. Rochette propose de rendre obligatoire la mise en place d’un système de portiques de contrôle pour l’accès aux zones réservées aux personnes munies d’un titre de transport.

Une telle solution, outre ses difficultés pratiques de mise en œuvre, a été rejetée par la commission des lois.

En effet, cela aurait pour effet de déplacer le risque soit à l’intérieur de la gare, si ces portiques engendrent d’importantes files d’attente, soit sur les autres modes de transport, aggravant l’affluence dans les bus ou suscitant des embouteillages routiers.

Par ailleurs, cela conduirait à allonger de façon considérable le temps de trajet et, par conséquent, à réduire l’intérêt des transports en commun par rapport à d’autres modes de déplacement, alors même que le renforcement de leur attractivité, dans une logique de report modal, constitue l’un des objectifs cardinaux de la proposition de loi.

J’ajoute enfin que ce serait faire peser une charge importante sur les opérateurs. Il convient de leur laisser de la souplesse dans la mise en place de leurs dispositifs de sûreté et de lutte contre la fraude.

La commission a donc émis un avis défavorable sur ces trois amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué. L’installation de portes d’embarquement vise à lutter contre la fraude. Ces dispositifs sont mis en place par SNCF Gares & Connexions à la demande des entreprises ferroviaires ou des autorités organisatrices de la mobilité (AOM), sous réserve que l’architecture de la gare le permette. Ces installations se justifient dans les gares à fort flux de voyageurs, pour garantir que leur coût sera rentabilisé. Elles doivent donc, à notre avis, rester à la libre appréciation des régions. C’est un élément clé de la décentralisation : faisons confiance aux élus locaux et régionaux.

Le Gouvernement est défavorable à ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Jean Rochette, pour explication de vote.

M. Pierre Jean Rochette. Il y a un réel paradoxe, d’une part, à arguer que l’installation de portiques pourrait générer des embouteillages et, d’autre part, à affirmer que ces portiques devraient être installés dans les gares connaissant la plus forte affluence. Or c’est bien ce que vous faites, monsieur le ministre, madame la rapporteure, même si je respecte vos points de vue.

Je tiens simplement à vous rappeler que ces solutions sont déjà partiellement mises en place, dans les grandes gares, et ce, la plupart du temps, avec des moyens humains, parce que le contrôle d’accès est maintenant quasiment obligatoire. La réalisation technique de ces installations est simple, comme on l’a prouvé dans toutes les gares principales.

Dès lors, ce ne serait pas un gros problème que de le généraliser, à tout le moins aux cinq principaux nœuds ferroviaires de chaque département, sachant que SNCF Gares & Connexions dispose, me semble-t-il, des moyens suffisants pour ce faire, comme il l’a prouvé en installant ces portiques dans les gares principales. (M. le ministre délégué le conteste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Chaillou, pour explication de vote.

M. Christophe Chaillou. Les membres du groupe SER sont très défavorables à ces amendements.

Au-delà du coût de ces installations, qui est considérable, les imposer supposerait un minimum de concertation. Je m’étonne donc de cette proposition, d’autant que l’on regrette souvent, dans cet hémicycle, que nombre d’acteurs, les collectivités au premier chef, se voient imposer des charges importantes sans aucune concertation. En voilà un exemple très concret ; on ne peut donc qu’être défavorable à une telle proposition.

M. Pierre Jean Rochette. Ce ne sont pas les collectivités qui paieront !

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Fernique, pour explication de vote.

M. Jacques Fernique. On ne peut pas encourager les trains du quotidien, gérer le passage dans nos gares de millions d’usagers, particulièrement en Île-de-France, si l’on y appréhende les questions de sécurité de la même façon qu’on le fait dans les aéroports. Il y a quand même une différence nette entre ces lieux !

M. Pierre Jean Rochette. Il faut des contrôles !

M. Jacques Fernique. L’installation de portiques d’accès pose des soucis d’organisation dans le métro. Regardons ce que font nos voisins européens qui ont adopté des fonctionnements quelque peu différents ; celui-ci a des limites. Ainsi, du point de vue de la sécurité, comme Mme la rapporteure l’a relevé, les regroupements de personnes en amont de ces portiques représentent aussi une vulnérabilité. Enfin, le propre des trains du quotidien est quand même de pouvoir sauter rapidement d’un train à l’autre.

Pour toutes ces raisons, la proposition de notre collègue est une fausse bonne idée.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Tabarot, pour explication de vote.

M. Philippe Tabarot. Je veux dire deux mots dans le sens des propos de Mme la rapporteure.

Les portiques de sécurité peuvent sembler une bonne idée ; elle a d’ailleurs été expérimentée, il y a six ans, dans ma région, notamment pour les trains express régionaux (TER). Eh bien, toutes les remarques qui ont été faites sur les difficultés liées à la mise en place de tels portiques, pour la sécurisation des emprises, se sont révélées juste, notamment au vu des risques d’attentat visant les files d’attente qui s’y forment, risques qui se sont concrétisés, par exemple, en Russie en 2013. Ces considérations nous ont conduits à ne pas donner suite à cette expérimentation.

Mme la rapporteure a eu des remarques très justes en conclusion de son intervention en discussion générale : oui, il faudra se demander si les gares pourront rester des espaces totalement publics. Il me semble que, dans certains endroits, des restrictions d’accès seront peut-être malheureusement nécessaires, mais il n’en reste pas moins que l’installation de tels portiques dans toutes les principales gares de notre pays serait particulièrement compliquée.

M. Pierre Jean Rochette. Je retire les trois amendements, madame la présidente !

Mme la présidente. Les amendements nos 21 rectifié bis, 22 rectifié bis et 23 rectifié bis sont retirés.

Après l’article 3
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Article 5

Article 4

Afin de garantir la sécurité des jeux Olympiques et Paralympiques, lorsqu’elle a été obtenue avant le 1er mai 2023, la certification technique mentionnée à l’article L. 1632-3 du code des transports est réputée valide jusqu’au 30 septembre 2024. – (Adopté.)

Article 4
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Après l’article 5

Article 5

L’article L. 2251-1-1 du code des transports est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après le mot : « infrastructure, », sont insérés les mots : « des exploitants d’aménagements de transport public routier accueillant les services organisés en application du 2° de l’article L. 2121-3, » ;

2° Le deuxième alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

« Cette mission s’exerce :

« 1° Dans les emprises immobilières nécessaires à l’exploitation des services de transport ferroviaire de personnes et de marchandises et des services de transport routier mentionnés au même 2° et dans les véhicules de transport public de personnes qui y sont affectés ;

« 2° Dans les emprises immobilières nécessaires à l’exploitation des services de transport routier interurbains interconnectés avec les services mentionnés au 1° et dans les véhicules de transport public de personnes qui y sont affectés. »

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 7 rectifié ter, présenté par MM. Rochette et Malhuret, Mmes Lermytte, N. Delattre et Herzog, MM. L. Vogel, Houpert, Chevalier, Brault et V. Louault, Mme Paoli-Gagin, M. Wattebled, Mme Bourcier, M. Capus, Mme L. Darcos et MM. Verzelen et Chasseing, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 6, au début

Remplacer les mots :

Dans les

par les mots :

Sur décision du gestionnaire SNCF Gares & Connexions, dans les

II. – Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« SNCF Gares & Connexions doit être le maître d’œuvre dans la délimitation du périmètre de sécurité autour des gares, y compris si celui-ci compte de la voie publique sans limite de distance autour des gares afin que Gares et Connexions puisse définir le périmètre le plus efficace pour un fonctionnement sûr des gares. »

La parole est à M. Pierre Jean Rochette.

M. Pierre Jean Rochette. Avec votre permission, madame la présidente, je présenterai également l’amendement n° 8 rectifié ter.

Mme la présidente. Volontiers, mon cher collègue.

L’amendement n° 8 rectifié ter, présenté par MM. Rochette et Malhuret, Mmes Lermytte, N. Delattre et Herzog, MM. L. Vogel, Houpert, Chevalier, Brault et V. Louault, Mme Paoli-Gagin, M. Wattebled, Mme Bourcier, M. Capus, Mme L. Darcos et MM. Verzelen et Chasseing, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 6, au début

Remplacer les mots :

Dans les

Par les mots :

Sur demande du gestionnaire SNCF Gares & Connexions et en concertation avec les gestionnaires concernés, dans les

II. – Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« SNCF Gares & Connexions doit être le maître d’œuvre dans la délimitation du périmètre de sécurité autour des gares, y compris si celui-ci compte de la voie publique sans limite de distance autour des gares afin que Gares et Connexions puisse définir le périmètre le plus efficace pour un fonctionnement sûr des gares. »

Veuillez poursuivre, monsieur Rochette.

M. Pierre Jean Rochette. J’espère que nous pourrons trouver un consensus sur ces amendements-ci… (Mme la rapporteure se montre dubitative.) Non ? Sachez que les espoirs déçus peuvent engendrer des risques affectifs et psychologiques de long terme ! Je pensais que nous allions partager un moment délicieux en votant de concert mes amendements ; n’oubliez pas que, à quelques heures près, c’est la Saint-Valentin… (Sourires.)

Ces deux amendements sont presque identiques. Aux termes du premier, l’amendement n° 7 rectifié ter, SNCF Gares & Connexions serait chargé de définir le périmètre d’intervention des forces de sécurité ferroviaire, à savoir de la Suge concernant la SNCF. Quant au second, l’amendement n° 8 rectifié ter, il tend simplement à imposer l’association de SNCF Gares & Connexions à la démarche de délimitation de ce périmètre.

Ces demandes se justifient, car SNCF Gares & Connexions est tout de même le gestionnaire de ces emprises, le seul à même de dire si le périmètre retenu est le bon.

Aujourd’hui, les gares routières voisines des gares ferroviaires, qui sont rattachées à ce périmètre, en sont toutefois séparées par des espaces publics qui n’y sont pas inclus. Il faut donc parvenir à une définition correcte du périmètre d’intervention de la Suge, pour que ses agents puissent directement gérer la sécurité des connexions entre les trains, les futurs services express régionaux métropolitains (Serm) et les autocars interurbains.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. Il reste encore quelques heures avant la Saint-Valentin, mon cher collègue ; vous me pardonnerez par conséquent l’avis défavorable que je vais émettre sur ces deux amendements, qui visent à octroyer à SNCF Gares & Connexions la faculté de délimiter le périmètre géographique de compétence des agents de sûreté des transports.

Bien que je comprenne votre intention et que je partage le souhait de ne pas limiter stricto sensu les pouvoirs d’intervention des agents de la Suge et du GPSR aux seules emprises de la RATP et de la SNCF, comme nous l’avons déjà dit, il ne m’apparaît pas souhaitable de confier à une filiale de la SNCF le droit de définir elle-même son périmètre de compétence, ne serait-ce que pour les emprises routières interconnectées et les véhicules qui y sont affectés.

En effet, en premier lieu, une telle évolution nous ferait prendre le risque d’une censure du Conseil constitutionnel pour incompétence négative, car il revient au législateur de fixer le périmètre d’intervention des différents acteurs du continuum de sécurité.

En deuxième lieu, ces amendements tendraient à créer une différence de traitement entre agents de la Suge en fonction de la filiale à laquelle ils sont rattachés, sans que cette différence soit justifiée par des différences objectives de situation.

En dernier lieu, cette évolution reviendrait à confier à certains agents de la Suge, qui – je le rappelle – sont des agents de sécurité privée, les mêmes prérogatives que les forces de sécurité intérieure sur la voie publique, ce qui est à l’évidence en rupture avec la cohérence du continuum de sécurité dans les transports. Il importe de préserver une hiérarchie entre les acteurs étatiques et les autres.

Pour l’ensemble de ces raisons, j’émets un avis défavorable sur les amendements nos 7 rectifié ter et 8 rectifié ter.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Même avis, madame la présidente.

M. Pierre Jean Rochette. Je retire les deux amendements, madame la présidente !

Mme la présidente. Les amendements nos 7rectifié ter et 8 rectifié ter sont retirés.

Je mets aux voix l’article 5.

(Larticle 5 est adopté.)

Article 5
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Article 6

Après l’article 5

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 9 rectifié ter, présenté par MM. Rochette et Malhuret, Mmes Lermytte, N. Delattre et Herzog, MM. L. Vogel, Houpert, Chevalier, Brault et V. Louault, Mme Paoli-Gagin, M. Wattebled, Mme Bourcier, M. Capus, Mme L. Darcos et MM. Verzelen et Chasseing, est ainsi libellé :

Après l’article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le troisième alinéa de l’article L. 2251-1-2 du code des transports, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« …° Sur décision de la Régie autonome des transports parisiens ou d’Île-de-France Mobilités, dans les emprises immobilières nécessaires à l’exploitation des services de transport routier interurbains interconnectés avec les réseaux et infrastructures mentionnés au 1° du présent article, et dans les véhicules de transport public de personnes qui y sont affectés.

« La Régie autonome des transports parisiens ou Île-de-France Mobilités doivent être maîtres d’œuvre dans la délimitation du périmètre de sécurité autour des gares, y compris si celui-ci compte de la voie publique sans limite de distance autour des gares afin qu’elles puissent définir le périmètre le plus efficace pour un fonctionnement sûr des gares. »

La parole est à M. Pierre Jean Rochette.

M. Pierre Jean Rochette. L’objet de cet amendement est identique à celui de ceux que je viens de présenter, mais adapté à l’Île-de-France ; comme il est promis aux mêmes avis, donc au même destin, je le retire également, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 9 rectifié ter est retiré.

L’amendement n° 10 rectifié ter, présenté par MM. Rochette et Malhuret, Mmes Lermytte, N. Delattre et Herzog, MM. L. Vogel, Houpert, Chevalier, Brault et V. Louault, Mme Paoli-Gagin, M. Wattebled, Mme Bourcier, M. Capus, Mme L. Darcos et MM. Verzelen et Chasseing, est ainsi libellé :

Après l’article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le troisième alinéa de l’article L. 2251-1-2 du code des transports, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« …° Sur demande de la Régie autonome des transports parisiens ou d’Île-de-France Mobilités et en concertation avec les gestionnaires concernés, dans les emprises immobilières nécessaires à l’exploitation des services de transport routier interurbains interconnectés avec les réseaux et infrastructures mentionnés au 1° du présent article, et dans les véhicules de transport public de personnes qui y sont affectés.

« La Régie autonome des transports parisiens ou Île-de-France Mobilités doivent être maîtres d’œuvre dans la délimitation du périmètre de sécurité autour des gares, y compris si celui-ci compte de la voie publique sans limite de distance autour des gares afin qu’elles puissent définir le périmètre le plus efficace pour un fonctionnement sûr des gares. »

La parole est à M. Pierre Jean Rochette.

M. Pierre Jean Rochette. Pour les mêmes raisons, je retire également cet amendement.

Mme la présidente. L’amendement n° 10 rectifié ter est retiré.

Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 19 rectifié ter, présenté par MM. Rochette et Malhuret, Mmes Lermytte, N. Delattre et Herzog, MM. Houpert, Brault et V. Louault, Mme Paoli-Gagin, M. Wattebled, Mme Bourcier, M. Capus, Mme L. Darcos et MM. Verzelen et Chasseing, est ainsi libellé :

Après l’article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les quatrième, cinquième et sixième alinéas de l’article L. 2241-1 du code des transports, sont complétés les mots : « et jusqu’à cinq agents non assermentés placés sous l’autorité d’un agent assermenté ».

La parole est à M. Pierre Jean Rochette.

M. Pierre Jean Rochette. Cet amendement vise à créer une subdélégation d’assermentation pour permettre le renforcement des forces de contrôle : un agent assermenté pourra encadrer, pour la vérification des titres, des agents non assermentés ; si une verbalisation est nécessaire, elle se fera sous le contrôle de l’agent assermenté. L’objectif est de pouvoir décupler les forces.

Mme la présidente. L’amendement n° 20 rectifié bis, présenté par M. Rochette, Mmes Lermytte, N. Delattre et Herzog, MM. Houpert, Brault et V. Louault, Mme Paoli-Gagin, M. Wattebled, Mme Bourcier, M. Capus, Mme L. Darcos et MM. Verzelen et Chasseing, est ainsi libellé :

Après l’article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les quatrième, cinquième et sixième alinéas de l’article L. 2241-1 du code des transports, sont complétés les mots : « et un agent non assermenté placés sous l’autorité d’un agent assermenté ».

La parole est à M. Pierre Jean Rochette.

M. Pierre Jean Rochette. Aux termes de cet amendement de repli, l’agent assermenté n’aurait sous son autorité qu’un seul agent non assermenté.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. La commission a émis un avis défavorable sur ces amendements.

En premier lieu, la rédaction proposée ne me paraît pas aboutie : y sont visés l’ensemble des agents assermentés de la Suge et du GPSR, mais aussi ceux d’autres services de sécurité, beaucoup moins formés et, partant, disposant de moins de prérogatives, ce qui ne m’apparaît pas cohérent avec les compétences dévolues à chacun.

En outre, les prérogatives qui sont aujourd’hui confiées aux agents de la Suge et du GPSR, mais aussi aux agents assermentés des autres gestionnaires, sont justifiées par leur niveau de formation et ne peuvent être déléguées, si bien qu’il m’apparaît difficile, opérationnellement, que ces agents assermentés soient les seuls, dans une patrouille, à pouvoir réaliser certains gestes ou contrôles tout en étant responsable de cinq ou six agents qui n’auraient pas les mêmes compétences.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Dans une décision du 31 mars 2023, le Conseil constitutionnel a rappelé que, pour procéder à des constatations donnant lieu à procès-verbal, les agents contractuels de droit privé devaient être commissionnés et assermentés. Les dispositions proposées dans ces amendements seraient donc contraires à l’article 66 de la Constitution, raison pour laquelle le Gouvernement y est défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Jean Rochette, pour explication de vote.

M. Pierre Jean Rochette. Madame la rapporteure, si le dispositif de l’amendement n° 19 rectifié ter permet bien l’encadrement de cinq agents non assermentés, l’amendement n° 20 rectifié bis réduit ce nombre à un.

Ensuite, je veux soumettre à notre assemblée une petite information : actuellement, la SNCF délivre des formations qui permettent à des personnes non assermentées de procéder à des contrôles. Typiquement c’est le cas des conducteurs d’autocars qui, au volant des cars TER, contrôlent bien les titres de transport des voyageurs qui montent dans le car. Cette possibilité existe donc bien aujourd’hui. L’idée est simplement de permettre à des agents non assermentés, accompagnés par un agent assermenté, de verbaliser les contrevenants, ce qui n’est pas le cas actuellement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 19 rectifié ter.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 20 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 28 rectifié bis, présenté par MM. Rochette, A. Marc et Médevielle, Mme L. Darcos, MM. Brault et V. Louault, Mmes Perrot et Bourcier et MM. Maurey, Capus, Verzelen et Chasseing, est ainsi libellé :

Après l’article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le 2° de l’article 20 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° Les agents assermentés missionnés des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens, lorsqu’ils agissent pour l’exercice de leur mission de prévention fixée à l’article L. 2251-1 du code des transports. »

La parole est à M. Pierre Jean Rochette.

M. Pierre Jean Rochette. Il s’agit d’un amendement similaire à ceux que je viens de présenter, mais pour le cas de la RATP. Je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 28 rectifié bis est retiré.

L’amendement n° 29 rectifié bis, présenté par MM. Rochette, A. Marc et Médevielle, Mme L. Darcos, MM. Brault et V. Louault, Mmes Perrot et Bourcier et MM. Maurey, Capus, Verzelen et Chasseing, est ainsi libellé :

Après l’article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le 3° de l’article 21 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° Les agents assermentés missionnés des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens, lorsqu’ils agissent pour l’exercice de leur mission de prévention fixée à l’article L. 2251-1 du code des transports. »

La parole est à M. Pierre Jean Rochette.

M. Pierre Jean Rochette. Je le retire également.

Mme la présidente. L’amendement n° 29 rectifié bis est retiré.

Chapitre II

Renforcer le continuum de sécurité pour une meilleure sécurisation de nos transports

Après l’article 5
Dossier législatif : proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports
Article 7

Article 6

Le code des transports est ainsi modifié :

1° Après le deuxième alinéa de l’article L. 2241-1-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L’exploitant du service de transport public peut conclure avec une ou plusieurs communes ou établissements publics de coopération intercommunale ainsi qu’avec l’autorité organisatrice une convention déterminant les conditions dans lesquelles les agents de la police municipale ou les gardes champêtres peuvent accéder librement aux espaces de transport et aux trains en circulation sur leur territoire. » ;

2° Au premier alinéa de l’article L. 3116-1, la référence : « L. 2241-2 » est remplacée par la référence : « L. 2241-1-1 ».

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 40 est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. Dossus, Fernique, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, M. Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

L’amendement n° 69 est présenté par M. Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 40.

M. Guy Benarroche. Avant de défendre mon amendement, je voulais remercier notre rapporteure et la féliciter pour la qualité des arguments qu’elle développe, quel que soit son avis, depuis le début. Je le mentionne, car ce n’est pas toujours le cas ; en outre, en cette veille de Saint-Valentin, des compliments s’imposent, dans l’espoir d’une clémence… (Sourires.)

Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’oppose à l’extension du fameux continuum de sécurité, qui peut donner lieu à une confusion de compétences entre les différentes forces de sécurité. C’est le cas à cet article, qui permet le libre accès des agents de la police municipale aux espaces et matériels roulants des transports de voyageurs, aux espaces de transport et aux trains en circulation.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 20 mai 2021 sur la loi Sécurité globale, a émis plusieurs réserves d’interprétation et une censure concernant des mesures appliquant le continuum de sécurité, notamment en ce qui concerne les prérogatives de la police municipale.

Il a notamment conclu qu’il « résulte de l’article 66 de la Constitution que la police judiciaire doit être placée sous la direction et le contrôle de l’autorité judiciaire. Cette exigence ne serait pas respectée si des pouvoirs généraux d’enquête criminelle ou délictuelle étaient confiés à des agents qui, relevant des autorités communales, ne sont pas mis à la disposition d’officiers de police judiciaire ou de personnes présentant des garanties équivalentes. »

Par ailleurs, rappelle le Conseil constitutionnel, « si les directeurs et les chefs de service de police municipale doivent, pour être habilités à exercer leurs missions de police judiciaire, suivre une formation et satisfaire à un examen technique selon des modalités déterminées par décret en Conseil d’État, il n’est pas prévu qu’ils présentent des garanties équivalentes à celles qui sont exigées pour avoir la qualité d’officier de police judiciaire ».

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Barros, pour présenter l’amendement n° 69.

M. Pierre Barros. En complément des arguments exposés par M. Benarroche, je veux offrir un exemple concret, celui d’un policier municipal qui interviendrait dans une gare et, éventuellement, sur du matériel roulant. Quel pouvoir de police du maire pourrait justifier une telle intervention quand elle s’effectue sur un train en mouvement, qui traverse plusieurs communes ? Peut-être n’ai-je pas bien compris le sens de l’article, mais il y a quand même là, me semble-t-il, un sujet qui sera compliqué à régler en pratique.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. Ces amendements visent à supprimer l’article 6, relatif au libre accès de la police municipale aux espaces et véhicules de transport.

La commission considère, à l’inverse de leurs auteurs, que des synergies et des complémentarités doivent être trouvées entre les différents acteurs du continuum de sécurité. Il appartient aux acteurs publics de veiller collectivement à ce que les contrevenants ne puissent jouer avec des frontières administratives pour semer les agents de la police municipale.

En la matière, la commission a néanmoins veillé à réaffirmer l’autorité du maire sur l’action de la police municipale. Aussi, le présent article vise à encourager ce libre accès, mais uniquement dans le cadre de conventions que les exploitants de services de transport public pourraient conclure avec les communes et leurs groupements.

L’avis est donc défavorable, mes chers collègues, quand bien même nous sommes à quelques heures de la Saint-Valentin… (Sourires.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué. J’ai envie de réconcilier les amoureux… (Nouveaux sourires.) Mon avis sera favorable !

En effet, l’article L. 511-1 du code de sécurité intérieure permet d’ores et déjà aux policiers municipaux d’intervenir, sous l’autorité du maire, dans les espaces de transport, dans le cadre de la signature d’une convention locale de sûreté dans les transports collectifs.

À Dunkerque, j’en ai été le témoin privilégié, dernièrement, quand j’ai pris le train : c’est bien la police municipale qui est intervenue.

Créer une seconde convention entre le maire et l’exploitant de transport public de voyageurs pourrait être contre-productif. Cette seconde convention, en définissant la procédure, pourrait être source de difficultés d’application si les deux conventions venaient à diverger.

Je suis donc favorable à la suppression de l’article.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Tabarot, pour explication de vote.

M. Philippe Tabarot. Chers collègues de gauche, de nouveau, les dispositions de ces deux amendements laissent transparaître votre idéologie ! (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. Laurent Burgoa. C’est vrai !

M. Philippe Tabarot. Je suis totalement contre la logique qui consiste à s’opposer au continuum de sécurité ou à accroître l’efficacité de cette dernière.

Les Français voient l’insécurité gangrener notre pays. Comment leur faire comprendre que, bien que nous ayons des moyens à notre disposition, nous refusons de nous en servir ?

Cet apport de la police municipale offrirait réactivité, souplesse et complémentarité. Dans votre exposé des motifs, vous citez la décision n° 2021-817 du Conseil constitutionnel du 20 mai 2021 portant sur la loi pour une sécurité globale préservant les libertés. Dois-je vous rappeler qu’il était question, dans cette décision, de l’extension des prérogatives de police judiciaire aux policiers municipaux ?

Or il n’est nullement question, ici, de leur confier des prérogatives de police judiciaire ; il s’agit plutôt de leur accorder des prérogatives de sécurisation des véhicules de transport.

Par ailleurs, puisque vous citez la jurisprudence du Conseil constitutionnel, je vous rappelle que ce dernier, dans sa décision QPC du 16 juin 2017, a déclaré constitutionnelle la disposition conférant aux organisateurs de manifestations sportives le pouvoir de refuser aux personnes ayant contrevenu aux règlements intérieurs l’accès à leurs manifestations.

Ainsi, je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas reconnaître des prérogatives de sécurisation aux policiers municipaux.

M. François Bonhomme. Très juste !

M. Philippe Tabarot. Par conséquent, je remercie encore une fois Mme la rapporteure de son avis défavorable sur la suppression de cet article.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 40 et 69.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 6.

(Larticle 6 est adopté.)

Article 6
Dossier législatif : proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports
Après l’article 7

Article 7

I. – Après l’article L. 1241-4 du code des transports, il est inséré un article L. 1241-4-1 A ainsi rédigé :

« Art. L. 1241-4-1 A. – Les agents d’Île-de-France Mobilités exerçant des missions relatives à la sûreté des transports peuvent être affectés au sein de salles d’information et de commandement relevant de l’État et, sous l’autorité et en présence des agents de la police nationale ou des militaires de la gendarmerie nationale, visionner les images des systèmes de vidéoprotection transmises en temps réel dans ces salles depuis les véhicules et emprises immobilières des transports publics de voyageurs ou leurs abords immédiats aux seules fins, pour l’exercice, par Île-de-France Mobilités, de la mission définie au 6° du I de l’article L. 1241-2, de faciliter la coordination avec ces derniers de l’action des services internes de sûreté des exploitants des services de transport relevant de sa compétence. L’affectation de ces agents s’effectue dans les conditions fixées aux II et III de l’article L. 2251-4-2. »

II (nouveau). – Le I du présent article entre en vigueur à l’échéance de l’exécution des services réguliers de transport routier en cours fixée dans les conditions prévues au 1° du II de l’article L. 1241-6.

Mme la présidente. L’amendement n° 62, présenté par M. Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Pierre Barros.

M. Pierre Barros. Dans la même veine que précédemment, nous proposons de supprimer cet article.

En effet, la proposition de loi va faire porter la charge de missions de sécurité sur les agents d’Île-de-France Mobilités, dans des territoires qui ne correspondent pas à leur cœur de métier.

De grâce, ne prenons pas des postures politiciennes : il ne s’agit pas d’un débat général où deux visions de la sécurité s’opposeraient. Les questions sont très précises ; elles portent sur des territoires, des compétences et des métiers, ainsi que sur les outils à disposition des agents.

Le mélange des genres, des métiers et des périmètres est extrêmement dangereux, en même temps qu’il est source de désorganisation, notamment en matière de gestion des conflits dans les transports.

Mélanger sécurisation des transports et sécurisation des événements sportifs est tout aussi tendancieux. Prenons garde ! Cette confusion des genres pourrait se révéler très destructrice. C’est en faisant travailler les uns avec les autres que l’on gagne du terrain en matière de sécurité.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. Cet amendement vise à supprimer purement et simplement l’article 7, qui porte sur l’accès des agents d’IDFM exerçant des missions relatives à la sûreté au centre de coordination opérationnelle de sécurité (CCOS).

Selon les auteurs de l’amendement, cet article viserait à ajouter des missions à IDFM, ce qui n’est pas exact. Le dispositif de l’article précise bien que cet accès serait prévu aux seules fins de l’exercice, par IDFM, de ses compétences actuelles. L’article L. 1241-2 du code des transports prévoit déjà expressément que cet établissement a pour mission de « concourir aux actions de prévention de la délinquance et de sécurisation des personnels et des usagers ». Ce dispositif est donc mis en œuvre à compétences constantes.

L’audition des responsables d’IDFM que j’ai conduite a d’ailleurs mis en évidence, à ce titre, le renforcement en cours des services chargés de la sûreté au sein de cet établissement, dans la perspective de l’ouverture à la concurrence des lignes de bus.

À la suite de cette ouverture à la concurrence, certaines lignes sortiront du champ de compétence du groupe de protection et de sécurité des réseaux de la RATP. La présence d’IDFM est donc pleinement justifiée pour faciliter la coordination de l’action des services internes de sécurité des opérateurs autres que la RATP avec celle des forces de sécurité intérieure. La préfecture de police souscrit pleinement à cette initiative, qui est attendue.

J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 62.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 7.

(Larticle 7 est adopté.)

Article 7
Dossier législatif : proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports
Article 8

Après l’article 7

Mme la présidente. L’amendement n° 52 rectifié bis, présenté par MM. Bas, Khalifé, Sol et Daubresse, Mme Jacques, M. Somon, Mme Di Folco, MM. J.P. Vogel, Bacci, Sautarel et Frassa, Mme M. Mercier, MM. Piednoir, D. Laurent et Anglars, Mme Imbert, M. Milon, Mmes Lopez et Gosselin, MM. Pellevat, Lefèvre et Bouchet, Mme Aeschlimann, M. Burgoa, Mmes Belrhiti, Evren, Primas et Dumas, MM. Rapin, Belin, Panunzi et Cadec, Mme Malet et MM. Klinger et Szpiner, est ainsi libellé :

Après l’article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 2251-1-2 du code des transports est ainsi modifié :

1° Le huitième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « L’avis émis ne s’applique pas aux conditions de réalisation de ces prestations. » ;

2° Après le huitième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le document de référence et de tarification des prestations de sûreté, mentionné au huitième alinéa, ne s’applique pas aux prestations réalisées en application des quatre premiers alinéas du présent article. » ;

3° Après le dixième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Pour l’ensemble des prestations énumérées à cet article, Île-de-France Mobilités, les autorités organisatrices à qui cette autorité a délégué sa compétence ou les exploitants de services de transport transmettent leurs besoins à la Régie autonome des transports parisiens pour lui permettre d’assurer sa mission de prévention. Cette dernière exécute les prestations de sûreté. Tout refus de fournir une prestation de sûreté est dûment motivé. »

La parole est à Mme Catherine Di Folco.

Mme Catherine Di Folco. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. Cet amendement a pour objet de limiter l’application du document de référence et de tarification des prestations de sûreté aux prestations réalisées « à la demande » par la RATP. À l’inverse, la tarification des prestations réalisées « en monopole » par le GPSR serait déterminée dans le cadre de la convention bilatérale entre IDFM et la RATP, sans référence à ce document.

Je ne crois vraiment pas que ce texte soit le véhicule adéquat pour ce type de mesures, qui relèvent, au fond, des relations financières entre IDFM et la RATP. Ce sujet n’a, en tout état de cause, pas été abordé lors des auditions.

Avant d’être tranchée, une question si importante et complexe mériterait une instruction en bonne et due forme de la part de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Les dispositions de cet amendement tombent sous le coup de l’article 45 de la Constitution ! Nous l’avions d’ailleurs souligné en commission, avant que le président de la commission des lois, qui semble essayer d’intégrer le Quai d’Orsay par validation des acquis de l’expérience (Sourires sur les travées du groupe SER.), n’ait transformé cette position en avis défavorable…

Il n’empêche que le périmètre énoncé à titre indicatif par la commission au titre de l’article 45 de la Constitution était très clair : il excluait toute question concernant la tarification des prestations.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Fernique, pour explication de vote.

M. Jacques Fernique. J’attendais beaucoup de la présentation de cet amendement. En effet, nous étions un certain nombre à avoir eu mal à la tête, à la lecture de son objet, tant nous peinions à comprendre ce qui relevait du document de référence et de tarification des prestations de sûreté et ce qui relevait du monopole de la RATP…

Considérer cet amendement comme un cavalier législatif nous semblerait préférable, afin que M. Philippe Bas puisse nous expliquer ses intentions précises.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 52 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Chapitre III

Une sécurisation de l’offre de service par la technologie

Après l’article 7
Dossier législatif : proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports
Article 8 bis (nouveau)

Article 8

Le code des transports est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 2241-6, il est inséré un article L. 2241-6-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 2241-6-1. – Dans l’exercice de leurs missions prévues à l’article L. 2241-1 et dans le cadre de la prévention des atteintes à l’ordre public, les agents assermentés mentionnés au 4° du I du même article L. 2241-1 peuvent procéder, au moyen de caméras individuelles, à un enregistrement audiovisuel de leurs interventions lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident, eu égard aux circonstances de l’intervention ou au comportement des personnes concernées.

« L’enregistrement n’est pas permanent.

« Les enregistrements ont pour finalités la prévention des incidents au cours des interventions des agents assermentés mentionnés au même 4°, le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs par la collecte de preuves ainsi que la formation et la pédagogie des agents. Lorsque la sécurité des agents est menacée, les images captées et enregistrées au moyen de caméras individuelles peuvent être transmises en temps réel au poste de commandement du service concerné.

« Les caméras sont portées de façon apparente par les agents assermentés mentionnés audit 4°. Un signal visuel spécifique indique si la caméra enregistre. Le déclenchement de l’enregistrement fait l’objet d’une information des personnes enregistrées, sauf si les circonstances l’interdisent. Une information générale du public sur l’emploi de ces caméras est organisée par le ministre chargé des transports. Les personnels auxquels les caméras individuelles sont fournies ne peuvent avoir accès directement aux enregistrements auxquels ils procèdent.

« L’enregistrement ne peut avoir lieu hors des emprises immobilières nécessaires à l’exploitation des services de transport ou des véhicules de transport public de personnes qui y sont affectés.

« Les enregistrements audiovisuels, hors le cas où ils sont utilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire, sont effacés au bout de trente jours.

« Ces enregistrements sont soumis à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, notamment en ce qui concerne le contrôle de la Commission nationale de l’informatique et des libertés et le droit d’accès aux enregistrements.

« Les modalités d’application du présent article et d’utilisation des données collectées sont précisées par un décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. » ;

2° (nouveau) Le sixième alinéa de l’article L. 2251-4-1 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Par dérogation, lorsque l’enregistrement a débuté au sein desdites emprises ou desdits véhicules, il peut se poursuivre pour la durée des interventions mentionnées à l’article L. 2251-1-4. »

Mme la présidente. L’amendement n° 63, présenté par M. Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Pierre Barros.

M. Pierre Barros. Nous proposons la suppression de cet article, qui porte sur les caméras-piétons et les caissons de sécurité.

Il est évident que les caméras-piétons peuvent être un outil de sécurité pour les agents eux-mêmes – c’est audible. Cependant, les trains, les gares et les bus sont dotés aujourd’hui d’un arsenal de caméras très important et de centres de supervision très développés. Est-il nécessaire d’équiper les agents de ce type d’outils ?

La zone RATP en Île-de-France compte 50 000 caméras ! Certes, elles aident à régler des problèmes, mais elles n’empêchent personne de se faire agresser. Telle est la réalité.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. Nous sommes défavorables à la suppression de cet article, qui pérennise l’expérimentation des caméras-piétons pour les contrôleurs.

Les opérateurs ont unanimement mis en avant la réelle utilité de l’usage des caméras-piétons pour les agents de contrôle, tandis qu’un nombre important d’entre eux ont pris part à l’expérimentation.

Gardons à l’esprit que ces caméras ne jouent pas le même rôle que les caméras de surveillance. Elles contribuent à la protection des contrôleurs et permettent souvent d’apaiser les situations conflictuelles. Ainsi, 80 % des contrôleurs de la RATP ayant expérimenté le dispositif ont déclaré que les caméras jouent un rôle dissuasif et 60 % d’entre eux affirment qu’ils se sentent plus en sécurité grâce à elles.

J’émets donc un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 63.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 45, présenté par MM. Dossus, Benarroche et Fernique, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, M. Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3

1° Après les mots :

dans le cadre

insérer les mots :

de l’amélioration de la sécurité et du service public ainsi que

2° Remplacer les mots :

peuvent procéder

par les mots :

procèdent

3° Après le mot :

interventions

supprimer la fin de cet alinéa.

II – Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

« L’enregistrement est permanent durant toute l’intervention des agents.

III – Alinéa 6, deuxième et troisième phrases

Supprimer ces phrases.

IV – Alinéas 11 et 12

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. Pour améliorer l’expérimentation des caméras-piétons, nous proposons de commander des caméras qui enregistrent les images avant même leur déclenchement par l’agent ; dans d’autres pays, les forces de l’ordre utilisent de tels appareils.

Cet enregistrement en permanence, sans intervention manifeste de l’agent, permet d’élargir la compréhension du contexte des interventions. Cela constitue un enrichissement du dispositif.

En Californie, l’enregistrement du contexte des interventions, avant même tout déclenchement par l’agent, a permis de réduire les plaintes contre la police de 87 %.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. Cet amendement vise à systématiser l’usage des caméras-piétons pendant toute l’intervention des contrôleurs.

Je vois ici plusieurs difficultés.

Premièrement, une telle mesure bouleverserait l’économie du dispositif, qui, pour les contrôleurs, serait non plus un outil de sécurisation ponctuelle, mais un outil de surveillance permanente de leur action. À mon sens, elle enverrait à ces agents, qui mènent correctement un travail difficile, un mauvais message.

Deuxièmement, cet amendement tend à créer, pour les seuls contrôleurs, un régime distinct de celui qui est applicable à tous les autres acteurs susceptibles de faire usage de caméras-piétons : police, gendarmerie, Suge, GPSR, entre autres.

Enfin, l’expérimentation a démontré que dans certains cas, la caméra-piéton pouvait être activée à la demande de l’usager contrôlé.

Pour toutes ces raisons, l’avis de la commission est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.

M. Thomas Dossus. Nous avions proposé un amendement similaire lors de l’examen de la loi Sécurité globale. Nous avions reçu alors un avis défavorable. Nous continuons de défendre un enrichissement de ce dispositif, qui existe dans d’autres pays.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 45.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 8.

(Larticle 8 est adopté.)

Article 8
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Après l’article 8 bis

Article 8 bis (nouveau)

I. – À titre expérimental, les conducteurs des services réguliers de transport public par autobus ou autocars peuvent procéder, au moyen de caméras individuelles, à un enregistrement audiovisuel dans l’exercice des missions qu’ils exercent au profit des opérateurs de transport public de voyageurs lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident, eu égard aux circonstances ou au comportement des personnes concernées.

L’enregistrement n’est pas permanent.

Les enregistrements ont pour finalité la prévention des incidents au cours de l’exercice des missions des conducteurs mentionnés au premier alinéa du présent I. Lorsque la sécurité des conducteurs, des voyageurs ou des véhicules est menacée, les images captées et enregistrées au moyen de caméras individuelles peuvent être transmises en temps réel au poste de commandement du service concerné.

Les caméras sont portées de façon apparente par les conducteurs mentionnés au même premier alinéa. Un signal visuel spécifique indique si la caméra enregistre. Le déclenchement de l’enregistrement fait l’objet d’une information des personnes enregistrées, sauf si les circonstances ne le permettent pas. Une information générale du public sur l’emploi de ces caméras est organisée par le ministre chargé des transports. Les personnels auxquels les caméras individuelles sont fournies ne peuvent avoir accès directement aux enregistrements auxquels ils procèdent.

L’enregistrement ne peut avoir lieu hors des véhicules de transport public de personnes dans lesquels les conducteurs exercent leurs missions. Il ne peut avoir lieu sur la voie publique.

Les enregistrements audiovisuels, hors le cas où ils sont utilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire, sont effacés au bout de trente jours.

Ces enregistrements sont soumis à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, notamment en ce qui concerne le contrôle de la Commission nationale de l’informatique et des libertés et le droit d’accès aux enregistrements.

Les modalités d’application du présent article et d’utilisation des données collectées sont précisées par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

II. – Le I est applicable à compter du 1er juillet 2024 pour une durée de deux ans.

III. – La mise en œuvre de l’expérimentation fait l’objet d’un rapport d’évaluation remis au Parlement au plus tard six mois avant la fin de la durée mentionnée au II.

Mme la présidente. L’amendement n° 64, présenté par M. Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Pierre Barros.

M. Pierre Barros. Je retire cet amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 64 est retiré.

L’amendement n° 46, présenté par MM. Dossus, Benarroche et Fernique, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, M. Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1

1° Remplacer les mots :

peuvent procéder

par le mot :

procèdent

2° Après le mot :

voyageurs

supprimer la fin de cet alinéa.

II. – Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

L’enregistrement est permanent durant tout le service des conducteurs.

III. – Alinéa 3, première phrase

Après le mot :

finalité

insérer les mots :

l’amélioration de la sécurité et du service public ainsi que

IV. – Alinéa 4, deuxième et troisième phrases

Supprimer ces phrases.

La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. Cet amendement de coordination avec l’amendement précédent vise le même dispositif. Je le retire donc, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 46 est retiré.

Je mets aux voix l’article 8 bis.

(Larticle 8 bis est adopté.)

Article 8 bis (nouveau)
Dossier législatif : proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports
Article 8 ter (nouveau)

Après l’article 8 bis

Mme la présidente. L’amendement n° 17 rectifié ter, présenté par MM. Rochette et Malhuret, Mmes Lermytte, N. Delattre et Herzog, MM. L. Vogel, Houpert, Chevalier, Brault et V. Louault, Mme Paoli-Gagin, M. Wattebled, Mme Bourcier, MM. Daubet et Capus, Mme L. Darcos et MM. Verzelen et Chasseing, est ainsi libellé :

Après l’article 8 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 2251-4-2 du code des transports, il est inséré un article L. 2251-4-2-… ainsi rédigé :

« Art. L. 2251-4-2-… – Dans le cadre du maintien global de la sécurité ferroviaire par l’État et, lorsque cela est raisonnablement réalisable, de son amélioration constante prévus par l’article L. 2201-2 du présent code, les images des systèmes de vidéoprotection captées par la SNCF et la Régie autonome des transports parisiens depuis les véhicules et emprises immobilières des transports de voyageurs dont elles assurent la gestion peuvent être transmises en temps réel aux salles d’information et de commandement relevant de l’État de leur ressort territorial. »

La parole est à M. Pierre Jean Rochette.

M. Pierre Jean Rochette. J’espère que cet amendement recevra un meilleur accueil… Nous souhaitons que les centres de supervision urbains (CSU) aient une prise directe sur les caméras de vidéoprotection présentes dans les sites de transport, notamment les gares.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. Cet article vise à instituer une faculté de transmission en temps réel des images captées par la RATP et la SNCF aux centres de supervision urbains de la police et de la gendarmerie nationale.

L’amendement n° 17 rectifié ter est, en pratique, pleinement satisfait en région Île-de-France, où ce rôle est joué par le CCOS : l’ensemble des images captées par la RATP et la SNCF, auxquelles les agents de sûreté habilités ont accès, remonte à ce centre.

Par ailleurs, la mise en œuvre de ce type de dispositifs ne nécessite pas d’intervention législative, mais dépend des moyens techniques et humains engagés. L’auteur de l’amendement semble en avoir conscience, puisque son dispositif prévoit bien que cette transmission soit mise en œuvre « lorsque cela est raisonnablement réalisable ». Si l’on peut souscrire à cet objectif, le dispositif n’a donc pas de réelle portée normative.

Je sollicite par conséquent le retrait de l’amendement. À défaut, mon avis serait défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué. L’explication de Mme la rapporteure est parfaite ! J’émets le même avis.

Mme la présidente. Monsieur Rochette, l’amendement n° 17 rectifié ter est-il maintenu ?

M. Pierre Jean Rochette. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 17 rectifié ter est retiré.

Après l’article 8 bis
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Article 9

Article 8 ter (nouveau)

Le chapitre Ier du titre II du livre Ier de la deuxième partie du code des transports est ainsi modifié :

1° L’article L. 2121-1-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Dans le cadre de ces services, les entreprises ferroviaires mettent en place un numéro téléphonique national unique permettant de recueillir et de procéder au traitement des signalements de voyageurs en matière de sûreté dans les réseaux de transport ferroviaire. » ;

2° Avant le dernier alinéa de l’article L. 2121-3, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le cadre des services réalisés en application des 1° et 2° du présent article, les entreprises ferroviaires mettent en place un numéro téléphonique national unique permettant de recueillir et de procéder au traitement des signalements de voyageurs en matière de sûreté dans les réseaux de transport ferroviaire. » ;

3° Le premier alinéa de l’article L. 2121-12 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elles mettent en place un numéro téléphonique national unique permettant de recueillir et de procéder au traitement des signalements de voyageurs en matière de sûreté dans les réseaux de transport ferroviaire. »

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.

M. Marc Laménie. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet article n’a fait l’objet d’aucun amendement, mais il a retenu mon attention, puisqu’il évoque un numéro d’alerte unique pour les usagers des services publics de transport ferroviaire ; d’où ma modeste intervention.

Je salue le travail de Mme la rapporteure et de M. le rapporteur pour avis, ainsi que celui des présidents de la commission des lois et de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et de nos collègues membres de ces instances.

La Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut), existe depuis de nombreuses années et mérite écoute et attention. Ce numéro d’alerte unique est facilement identifiable, aussi bien dans les TER que dans les Intercités ou les TGV.

J’en viens à la présence humaine dans les transports. Je rejoins les propos de notre collègue Pierre Barros : malheureusement, il n’y a plus grand monde dans les gares. S’il reste encore du personnel dans les TGV et les Intercités, c’est moins le cas dans les TER.

Certes, un numéro de téléphone unique est proposé, mais les intervenants sont nombreux – État, régions et entreprises ferroviaires…

Quoi qu’il en soit, je soutiendrai l’adoption de cet article. (Applaudissements sur plusieurs travées.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 8 ter.

(Larticle 8 ter est adopté.)

Article 8 ter (nouveau)
Dossier législatif : proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports
Après l’article 9

Article 9

Après l’article L. 2251-4-2 du code des transports, il est inséré un article L. 2251-4-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 2251-4-3. – I. – À titre expérimental et jusqu’au 1er janvier 2026, aux seules fins de répondre aux réquisitions mentionnées aux articles 60-1, 60-2, 77-1-1, 77-1-2, 99-3 et 99-4 du code de procédure pénale, et ayant pour objet la remise d’enregistrements issus d’un système de vidéoprotection d’un espace ou d’un véhicule de transport public de personnes dans lequel une infraction a été commise ou dans lequel seraient susceptible de se trouver des personnes contre lesquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elles ont commis ou tenté de commettre une infraction, les services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens peuvent mettre en œuvre des logiciels de traitement de données non biométriques pour extraire et exporter les images ainsi réquisitionnées.

« II. – Les données exploitées par les logiciels prévus au présent article ne peuvent provenir que des systèmes de vidéoprotection des espaces et véhicules de transport public de personnes, autorisés conformément à l’article L. 1632-1 du présent code.

« III. – Les données à caractère personnel traitées par les logiciels prévus au présent article sont limitées aux seules informations mentionnées au sein des réquisitions judiciaires et sont supprimées après l’exportation des images requises auprès du service requérant.

« IV. – Les traitements mentionnés au I du présent article, y compris pendant leur conception, sont régis par les dispositions applicables du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) et de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

« V. – Les traitements mentionnés au I du présent article n’utilisent aucun système d’identification biométrique, ne traitent aucune donnée biométrique et ne mettent en œuvre aucune technique de reconnaissance faciale. Ils ne peuvent procéder à aucun rapprochement, à aucune interconnexion ni à aucune mise en relation automatisée avec d’autres traitements de données à caractère personnel. Ils ne peuvent procéder à une sélection automatisée et systématique d’images ni fonder, par eux-mêmes, aucune décision individuelle ni aucun acte de poursuite. Ils demeurent en permanence sous le contrôle d’un agent de police judiciaire présent au sein du centre de traitement des enregistrements de vidéoprotection.

« VI. – Par dérogation à l’article 31 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, le recours à un traitement mentionné au I du présent article est autorisé par décret pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Le Gouvernement peut organiser une consultation publique sur internet dans le cadre de l’élaboration du décret. Ce décret fixe les caractéristiques essentielles du traitement. Il indique les éventuelles conditions de la participation financière à l’utilisation du traitement des services mentionnés au I et les conditions d’habilitation et de formation des agents pouvant y accéder. Il désigne l’autorité chargée d’établir l’attestation de conformité mentionnée au dernier alinéa du VII.

« VII. – L’État assure le développement du traitement ainsi autorisé, en confie le développement à un tiers ou l’acquiert. Dans ces deux derniers cas, il veille à ce que le tiers qui va développer ou développe cette solution soit prioritairement une entreprise qui répond aux règles de sécurité définies par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information s’agissant du respect des exigences relatives à la cybersécurité. Dans tous les cas, le traitement doit satisfaire aux exigences suivantes, qui doivent pouvoir être vérifiées pendant toute la durée du fonctionnement du traitement :

« 1° Lorsque le traitement algorithmique employé repose sur un apprentissage, des garanties sont apportées afin que les données d’apprentissage, de validation et de test choisies soient pertinentes, adéquates et représentatives. Leur traitement doit être loyal et éthique, reposer sur des critères objectifs et permettre d’identifier et de prévenir l’occurrence de biais et d’erreurs. Ces données font l’objet de mesures de sécurisation appropriées ;

« 2° Le traitement permet des mesures de contrôle humain et un système de gestion des risques permettant de prévenir et de corriger la survenue de biais éventuels ou de mauvaises utilisations ;

« 3° Les modalités selon lesquelles, à tout instant, le traitement peut être interrompu sont précisées ;

« 4° Le traitement fait l’objet d’une phase de test conduite dans des conditions analogues à celles de son emploi autorisé par le décret mentionné au VI, attestée par un rapport de validation.

« Lorsque le traitement est développé ou fourni par un tiers, celui-ci fournit une documentation technique complète et présente des garanties de compétence, de continuité, d’assistance et de contrôle humain en vue notamment de procéder à la correction d’erreurs ou de biais éventuels lors de sa mise en œuvre et de prévenir leur réitération. Il transmet également une déclaration, dont les modalités sont fixées par décret, des intérêts détenus à cette date et au cours des cinq dernières années.

« Dans le cadre du présent VII, la Commission nationale de l’informatique et des libertés exerce les missions prévues au 2° du I de l’article 8 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée, en particulier en accompagnant les personnes chargées du développement du traitement.

« L’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information exerce, dans ce même cadre, ses missions s’agissant du respect des exigences relatives à la cybersécurité.

« Le respect des exigences énoncées au présent VII fait l’objet d’une attestation de conformité établie par l’autorité administrative compétente. Cette attestation est publiée avant que le traitement soit mis à la disposition des services mentionnés au I qui demandent l’autorisation de l’utiliser dans les conditions prévues au VIII.

« VIII. – L’emploi du traitement est autorisé par le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, par le préfet de police. Cette autorisation peut être accordée uniquement lorsque le recours au traitement est proportionné à la finalité poursuivie.

« L’actualisation de l’analyse d’impact réalisée lors de l’autorisation du traitement par décret est adressée à la Commission nationale de l’informatique et des libertés. La décision d’autorisation est motivée et publiée. Elle précise :

« 1° Le responsable du traitement et les services associés à sa mise en œuvre ;

« 2° Le périmètre géographique concerné par la mise en œuvre du traitement dans les limites mentionnées au I du présent article ;

« 3° La durée de l’autorisation.

« IX. – Le responsable du traitement mentionné au 1° du VII tient un registre des suites apportées aux extractions effectuées par le traitement ainsi que des personnes ayant accès aux traitements.

« X. – La Commission nationale de l’informatique et des libertés contrôle l’application du présent article. À cette fin, elle peut faire usage des prérogatives prévues aux sections 2 et 3 du chapitre II du titre Ier de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée.

« XI. – Le Parlement est informé tous les six mois des conditions de mise en œuvre de l’expérimentation mentionnée au I. Au plus tard six mois avant la fin de la durée mentionnée au même I, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation de la mise en œuvre de l’expérimentation, dont le contenu est fixé par décret pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Ce rapport évalue l’application des mesures prévues par le présent article et l’opportunité de les pérenniser ou de les modifier, notamment au vu de l’évolution des technologies en la matière. »

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.

L’amendement n° 47 est présenté par MM. Dossus et Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

L’amendement n° 65 est présenté par M. Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

L’amendement n° 76 rectifié est présenté par M. Chaillou, Mme de La Gontrie, MM. Jacquin et Durain, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mmes Linkenheld et Narassiguin, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Thomas Dossus, pour présenter l’amendement n° 47.

M. Thomas Dossus. La majorité sénatoriale veut avancer à marche forcée vers les technologies algorithmiques. Nous avons eu de longs débats pendant l’examen de la loi relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, notamment sur l’expérimentation de la vidéosurveillance algorithmique.

La mesure proposée au sein de cet article s’inscrit dans le cadre d’une utilisation sur réquisition. La commission a réduit le dispositif à une expérimentation, en interdisant l’usage de techniques biométriques et la mise en relation avec d’autres traitements. Cependant, le traitement algorithmique est une technologie qui prévoit un traitement automatisé d’informations par l’intelligence artificielle, avec ses biais et ses risques sociétaux.

Nous atteignons ici la limite d’une proposition de loi sans étude d’impact. En l’absence d’avis du Conseil d’État ou de la Cnil, nous souhaitons que le recul que représente cette expérimentation lors des jeux Olympiques en reste là.

Nous proposons donc la suppression de cet article, qui porte sur une technologie pas encore tout à fait mature.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Barros, pour présenter l’amendement n° 65.

M. Pierre Barros. Multiplier les caméras dans l’espace public et sur les agents de sûreté requiert que celles-ci soient reliées à un centre de supervision et implique de surveiller une multitude d’écrans. Or nous avons de grandes difficultés à recruter des opérateurs dans les centres de supervision urbains.

Fatalement, nous sommes amenés à faire confiance à un traitement algorithmique des images, c’est-à-dire à l’intelligence artificielle, qui fera le travail à la place des personnes physiques.

Pourtant, à un moment donné, il faut tout de même des gens pour faire le travail avec un minimum de discernement et de professionnalisme ! Je fais peu confiance aux traitements algorithmiques, qui ouvrent la voie à des dérives en matière de libertés individuelles. Voilà qui interroge.

Nous souhaitons donc la suppression de cet article.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Chaillou, pour présenter l’amendement n° 76 rectifié.

M. Christophe Chaillou. De manière convergente, nous demandons la suppression pure et simple de cet article.

Il s’agit certes de répondre à des réquisitions judiciaires, et le travail en commission et les propositions de Mme la rapporteure ont permis de bien borner le dispositif.

Néanmoins, voyez d’où l’on part ! Les perspectives sont inquiétantes. L’auteur même de la proposition de loi s’évertue à dire qu’il regrette qu’il n’ait pas été possible d’inclure la reconnaissance faciale dans le texte : ce n’est pas de nature à nous rassurer…

Le problème est que l’on va nous dire que tout cela est insuffisant et qu’il faut aller encore plus loin. Nous ne pouvons accepter les glissements successifs, opérés par de petits changements qui sont présentés à chaque fois comme inoffensifs, alors qu’ils portent de plus en plus atteinte à ce qui nous semblait être des libertés fondamentales.

Soyons raisonnables et mesurés. Ces nouvelles solutions techniques seront utilisées dans le pays lors des jeux Olympiques. Attendons de connaître leur efficacité réelle et de voir quels effets ils produiront. Nous pourrons ensuite, de façon sereine, statuer sur les leçons qu’il faut en tirer. Encore une fois, restons raisonnables et mesurés.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. Ces amendements visent à supprimer l’article 9. Issu des travaux de la commission, celui-ci autorise la RATP et la SNCF à expérimenter le recours à des logiciels de traitement algorithmique pour répondre plus rapidement aux réquisitions judiciaires.

Comme j’ai pu le constater en me rendant dans les centres opérationnels de la SNCF et de la RATP, la pratique actuelle est la suivante : afin de répondre aux réquisitions judiciaires, il faut lire manuellement des dizaines d’heures de vidéosurveillance avant de pouvoir graver des DVD, ce qui peut prendre des jours.

Par exemple, il a fallu cinquante jours pour reconstituer le parcours de l’un des terroristes du Bataclan dans le métro et extraire les images afin de répondre à la réquisition judiciaire.

Nous avons apporté des garanties en commission, en particulier en rendant ce dispositif expérimental et en limitant son champ à l’extraction et à l’exportation des données, si bien que ces logiciels ne sauraient, d’eux-mêmes, assurer une sélection d’images ; celle-ci relève d’un acte d’enquête.

Pour toutes ces raisons, cet article me semble très utile opérationnellement et robuste juridiquement. Nous sommes donc défavorables à sa suppression.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué. L’article 9 soulève un certain nombre de difficultés.

Par exemple, si l’opération de réponse à une réquisition judiciaire peut paraître anodine, plus l’analyse de l’image est sophistiquée et même automatisée, plus on bascule dans l’acte d’enquête, qui est une prérogative exclusive des officiers de police judiciaire.

Autre exemple, la duplication du cadre prévu dans la loi sur les jeux Olympiques semble disproportionnée pour ce qui concerne la vie de tous les jours.

Enfin, une autorisation du préfet n’est pas envisageable dans la mesure où il s’agit, pour la RATP et la SNCF, de répondre à des réquisitions judiciaires dans le cadre d’investigations conduites sous le contrôle de l’autorité judiciaire.

Cet article soulève effectivement un certain nombre de difficultés. Je m’en remets donc à la sagesse du Sénat.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 47, 65 et 76 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. L’amendement n° 81, présenté par Mme Bellurot, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1

Supprimer cet alinéa.

II. – Alinéa 2, au début

Supprimer la référence et les signes :

« Art. L. 2251-4-3. –

III. – Alinéa 18, première phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Sagesse !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 81.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 1 rectifié septies est présenté par MM. L. Vogel et Rochette, Mmes Bourcier et Lermytte, M. A. Marc, Mme L. Darcos et MM. Brault, V. Louault, Chevalier, Wattebled, Verzelen, Capus, Chasseing et Malhuret.

L’amendement n° 59 rectifié est présenté par Mmes Carrère-Gée et Aeschlimann, MM. Anglars et Belin, Mmes Belrhiti et Berthet, MM. Bouchet et Burgoa, Mmes Dumas, Evren, Goy-Chavent et Imbert, MM. Karoutchi et Klinger, Mmes Lassarade et Lavarde, M. Meignen, Mme M. Mercier, MM. Pellevat et Piednoir, Mme Primas et MM. Sautarel et Somon.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 2

Remplacer l’année :

2026

par l’année :

2027

La parole est à M. Pierre Jean Rochette, pour présenter l’amendement n° 1 rectifié septies.

M. Pierre Jean Rochette. Cet amendement de l’excellent Louis Vogel vise à prolonger l’expérimentation de 2026 à 2027, pour tenir compte des délais administratifs nécessaires à la mise en place du système – appel d’offres, autorisation de la Cnil et autorisation préfectorale. M. Louis Vogel propose, à juste titre, d’allonger ce délai d’un an.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, pour présenter l’amendement n° 59 rectifié.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. J’émets un avis favorable.

M. Pierre Jean Rochette. Enfin ! (Sourires.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Sagesse.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 rectifié septies et 59 rectifié.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 9, modifié.

(Larticle 9 est adopté.)

Article 9
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Article 10 (supprimé)

Après l’article 9

Mme la présidente. L’amendement n° 30 rectifié ter, présenté par MM. Rochette, Malhuret, A. Marc et Médevielle, Mme L. Darcos, MM. Brault et V. Louault, Mmes Perrot et Bourcier et MM. Maurey, Capus, Verzelen et Chasseing, est ainsi libellé :

Après l’article 9

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 2251-4-2 du code des transports, il est inséré un article L. 2251-4-… ainsi rédigé :

« Art. L. 2251-4-…. – Dans le cadre de leurs missions de prévention des atteintes à l’ordre public et de protection de la sécurité des personnes et des biens, les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens mentionnés à l’article L. 2251-1 peuvent, sous l’autorité d’un officier de police judiciaire, être destinataires des données à caractère personnel et des informations enregistrées dans le traitement mentionné à l’article R. 142-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

« Ce droit s’exerce à raison de leurs attributions et dans la limite du besoin d’en connaître. »

La parole est à M. Pierre Jean Rochette.

M. Pierre Jean Rochette. Nous souhaitons élargir l’accès au logiciel Visabio, afin de mieux contrôler les populations interpellées dans les transports publics. Je n’entrerai pas davantage dans les détails, car tout le monde ici connaît ce logiciel et sait donc de quoi il s’agit.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. Notre collègue M. Pierre Jean Rochette souhaite autoriser l’accès au fichier dit Visabio des agents de la Suge et du GPSR.

Ce logiciel est utilisé pour l’examen des demandes de visa de court séjour et des décisions de refus, de prorogation, d’annulation ou de retrait de visa, ainsi que pour des vérifications et des identifications concernant des demandeurs et des détenteurs de visa.

Les agents de la Suge et du GPSR n’ayant aucune prérogative leur permettant de contrôler l’identité des voyageurs, et encore moins de vérifier la régularité du séjour sur le territoire de ceux-ci, il ne paraît pas opportun de leur confier cette nouvelle mission.

J’émets donc un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Jean Rochette, pour explication de vote.

M. Pierre Jean Rochette. Il me semble que notre approche de la sécurité pose problème : certes, les agents de la Suge n’ont pas la possibilité de vérifier l’identité des personnes, mais le contrôle des titres de transport est aujourd’hui réalisé via des cartes ou des abonnements qui sont bien souvent nominatifs.

Il serait intéressant que, lorsque des personnes en situation irrégulière empruntent des transports publics, on puisse profiter de ce contrôle pour éviter qu’elles ne montent à bord des trains et des autocars. C’est une évidence ! Le refus du contrôle d’identité de personnes qui sont potentiellement en situation irrégulière va leur permettre d’accéder aux transports en question.

Je vais retirer cet amendement, mais à contrecœur, car grâce à de telles mesures nous pourrions éviter des drames. (Mme Audrey Linkenheld et M. Thomas Dossus protestent.)

Je retire donc cet amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 30 rectifié ter est retiré.

Après l’article 9
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Article 11 (supprimé)

Article 10

(Supprimé)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 34 rectifié, présenté par Mmes Florennes et Gatel et MM. Marseille et Longeot, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le chapitre Ier du titre V du livre II de la deuxième partie du code des transports est complété par un article L. 2251-11 ainsi rédigé :

« Art. L. 2251-11. – Les services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens sont autorisés à collecter et traiter des données sensibles, à l’exception des données génétiques, biométriques, ou concernant la vie sexuelle ou l’orientation sexuelle d’une personne physique, conformément à l’article 88 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. Ce traitement est mis en œuvre après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

« Ces données sont collectées pour les seuls besoins de leur mission de prévention prévue par l’article L. 2251-1 du présent code, dans la mesure où ces données sont strictement nécessaires à la poursuite de cette mission, en interface avec les services de police et de gendarmerie, dans le cadre du traitement d’infractions flagrantes punies d’une peine d’emprisonnement, et pour la durée strictement limitée au traitement en temps réel du fait de sûreté pour lequel les données sont collectées. La durée de conservation de ces données sensibles ne saurait excéder 24 heures à compter de leur collecte.

« Ces données sont transmises aux services de police et de gendarmerie.

« Ces données sensibles ne peuvent faire l’objet d’aucun traitement statistique. »

La parole est à Mme Isabelle Florennes.

Mme Isabelle Florennes. Cet amendement vise à rétablir l’article 10 de la proposition de loi, qui a été supprimé en commission.

Des évolutions rédactionnelles ont permis de mieux prendre en compte les débats tenus en commission.

Depuis l’intégration dans le droit français des dispositions issues de la réglementation européenne sur la protection des données personnelles, les services de sécurité de la RATP et de la SNCF ne sont plus autorisés à procéder à la collecte et au traitement de données sensibles. Cependant, ces informations sont nécessaires dans le cadre de communications réalisées tant au sein de ces services internes qu’avec les services de police et de gendarmerie.

Le traitement de certaines de ces données sensibles permet d’identifier plus efficacement des individus présumés auteurs d’infractions, ce qui limite le risque d’erreur et évite potentiellement des actes de récidive.

La collecte de données sensibles, dans ce cadre, doit être prévue par une mesure à la fois réglementaire et législative.

Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 24 est présenté par Mme Josende.

L’amendement n° 32 rectifié bis est présenté par M. Szpiner, Mme Lavarde, MM. Pellevat et Khalifé, Mme Joseph, MM. Klinger et Burgoa, Mme Dumas, MM. Rapin, H. Leroy, Frassa, Mandelli, Brisson, Somon, Belin, J.-P. Vogel et Laménie, Mmes M. Mercier et Imbert, M. Anglars, Mmes Lassarade et Belrhiti et MM. Bouchet et Meignen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le chapitre Ier du titre V du livre II de la deuxième partie du code des transports est complété par un article L. 2251-11 ainsi rédigé :

« Art. L. 2251-11. – Les services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens sont autorisés à collecter et traiter des données sensibles, à l’exception des données génétiques, biométriques, ou concernant la vie sexuelle ou l’orientation sexuelle, les opinions politiques, les convictions religieuses ou philosophiques ou l’appartenance syndicale d’une personne physique, conformément aux dispositions de l’article 88 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. Ce traitement est mis en œuvre après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

« Ces données sont collectées pour les seuls besoins de leur mission, prévue par l’article L. 2251-1 du code des transports, dans la mesure où ces données sont strictement nécessaires à la poursuite de cette mission, en interface avec les services de police et de gendarmerie, dans le cadre du traitement d’infractions flagrantes punies d’une peine d’emprisonnement, et pour la durée strictement limitée au traitement en temps réel du fait de sûreté pour lequel les données sont collectées. La durée de conservation de ces données sensibles ne saurait excéder 24 heures à compter de leur collecte.

« Ces données peuvent être transmises aux services de police et de gendarmerie.

« Ces données sensibles ne peuvent faire l’objet d’aucun traitement statistique. »

La parole est à Mme Lauriane Josende, pour présenter l’amendement n° 24.

Mme Lauriane Josende. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Mandelli, pour présenter l’amendement n° 32 rectifié bis.

M. Didier Mandelli. Il est également défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. Ces amendements visent à rétablir l’article 10 du texte initial, qui autorise les agents de la Suge et du GPSR à collecter et traiter des données sensibles en cas d’infractions flagrantes.

Or, tout comme la direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ) du ministère de l’intérieur, la commission des lois a constaté que l’article 31 de la loi Informatique et libertés du 6 janvier 1978 prévoyait déjà, au bénéfice de toute personne morale ou physique et pour les seules infractions flagrantes, la faculté de traiter des données sensibles pour le compte de l’État, par dérogation au principe général d’interdiction de collecte et de traitement de telles données applicable aux personnes morales et physiques, en application de l’article 6 de la loi précitée et de l’article 9 du règlement général sur la protection des données (RGPD).

En outre, considérant qu’aucune règle spécifique en matière de traitement des données sensibles ne trouve à s’appliquer aux services internes de la SNCF et de la RATP et, que de surcroît, aucune règle en vigueur ne leur interdit de le faire pour cette finalité, il n’apparaît pas opportun de prévoir un tel régime.

Il serait d’autant plus dangereux d’admettre un tel régime particulier pour ces services de sécurité que cela conduirait à la création d’une nouvelle dérogation attachée non plus à la finalité recherchée, mais à la nature du bénéficiaire, modifiant ainsi profondément les équilibres du RGPD comme de la loi dite Informatique et libertés.

Au surplus, une telle évolution impliquerait, par ricochet, la nécessité de modifier les dérogations à l’interdiction du traitement de données sensibles pour chacun des acteurs du continuum de sécurité.

Interrogée sur ce point, la RATP n’a pas été en mesure de me communiquer des éléments complémentaires permettant d’infirmer un tel constat et d’identifier un obstacle juridique à la collecte de données sensibles en cas de poursuite d’une infraction flagrante par ces agents du GPSR, le Groupe de protection et de sécurité des réseaux.

Enfin, la rédaction proposée paraît inaboutie en ce qu’elle prévoit, en son dernier alinéa, la collecte de données sensibles pour le traitement d’infractions flagrantes, mais dans le cadre de la mission de prévention des agents de la Suge et du GPSR : comment peut-on se trouver à la fois dans une mission de prévention et dans le cadre de la poursuite d’une infraction flagrante ?

Pour toutes ces raisons, je suis donc défavorable à ces trois amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Même avis.

Mme la présidente. Quelle harmonie ! (Sourires.)

La parole est à M. Philippe Tabarot, pour explication de vote.

M. Philippe Tabarot. Pour ma part, je ne puis que souscrire à ces trois amendements de rétablissement de l’article, qui tendent à s’inscrire dans la logique visant à permettre une meilleure description des auteurs d’infraction.

À mon avis, l’article 10 a été mal compris. En effet, à l’occasion d’actes délictueux, les victimes et témoins fournissent des éléments de description des auteurs des méfaits, qui peuvent comprendre diverses données dites sensibles.

Or, avec l’intégration du RGPD dans le droit français, les services internes de sécurité ne peuvent plus les transmettre. Ainsi, les chances de retrouver l’auteur du fait délictueux et criminel sont grandement diminuées par le manque de données descriptives.

En temps réel, l’individu en question peut encore se trouver sur le secteur de commission des faits et être repéré soit grâce à la vidéosurveillance, soit par les effectifs présents sur le terrain, qui peuvent patrouiller dans le secteur.

Sans information sur les descriptifs physiques des personnes recherchées, les effectifs engagés peuvent être à proximité dudit individu et ne pas pouvoir procéder à son interpellation, par manque d’information.

Tels sont donc les bienfaits qu’entraînerait l’adoption de cet article, en vertu d’une meilleure appréhension des auteurs d’infraction.

À la suite d’un certain nombre de remarques venant de la gauche de l’hémicycle, j’ai l’impression que, parfois, certains n’ont pas envie d’élucider les affaires en utilisant les technologies qui permettraient d’y parvenir, même sur réquisition judiciaire…

Je ne suis pas intervenu tout à l’heure concernant les algorithmes. Or, je le répète, ces technologies nouvelles permettront d’élucider des affaires et d’apporter aux victimes, qui sont de plus en plus nombreuses, une réponse.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Cher collègue Philippe Tabarot, je vous le dis très courtoisement, nous pouvons être en désaccord, mais vous franchissez la ligne rouge – c’est ennuyeux en matière de sécurité ! –, en nous accusant quasiment d’être complices des personnes qui commettent des délits.

Nous avons un désaccord sur l’utilisation des mesures de surveillance algorithmique, mais nous pouvons en parler de manière responsable. Nul besoin de nous faire des procès qui sont, vous le savez, totalement infondés ! (M. Thomas Dossus applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour explication de vote.

M. Jean-François Longeot. Selon moi, Philippe Tabarot a défendu un point de vue, ce qui ne revient pas à mettre en cause les personnes.

Tout simplement, il croit à la rédaction qu’il nous propose. Il paraît en effet important d’utiliser les nouvelles technologies. C’est vous, ma chère collègue, qui faites le procès de Philippe Tabarot, et non l’inverse !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Vous n’avez pas écouté !

M. Jean-François Longeot. L’important, dans cet hémicycle comme ailleurs, c’est de pouvoir s’exprimer en toute liberté, en respectant l’expression des orateurs. (M. Olivier Rietmann applaudit.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 34.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 10 est rétabli dans cette rédaction, et les amendements identiques nos 24 et 32 rectifié bis n’ont plus d’objet.

Article 10 (supprimé)
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Article 12

Article 11

(Supprimé)

Mme la présidente. Je suis saisie de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les quatre premiers sont identiques.

L’amendement n° 4 rectifié sexies est présenté par MM. L. Vogel et Rochette, Mmes Bourcier et Lermytte, M. A. Marc, Mme L. Darcos et MM. Brault, V. Louault, Chevalier, Wattebled, Capus et Chasseing.

L’amendement n° 25 est présenté par Mme Josende.

L’amendement n° 31 rectifié bis est présenté par M. Szpiner, Mme Lavarde, MM. Pellevat, Khalifé et Burgoa, Mme Dumas, MM. Rapin, H. Leroy, Frassa, Mandelli, Brisson et Somon, Mme Joseph, MM. Belin, J.-P. Vogel et Laménie, Mmes M. Mercier et Imbert, M. Anglars, Mmes Lassarade et Belrhiti et MM. Klinger, Bouchet et Meignen.

L’amendement n° 35 rectifié est présenté par Mmes Florennes et Gatel et MM. Marseille et Longeot.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Après la section 1 du chapitre II du titre III du livre VI de la première partie du code des transports, est insérée une section 1 bis ainsi rédigée :

« Section 1 bis

« Captation et enregistrement du son

« Art. L. 1632-2-1. – Les opérateurs de transport public de voyageurs sont autorisés à mettre en œuvre un système consistant en la captation, la transmission et l’enregistrement du son dans les matériels roulants qu’ils exploitent.

« La captation et l’enregistrement du son ne sont pas permanents.

« Les traitements prévus au présent article ont exclusivement pour finalité d’assurer :

« 1° Le traitement des incidents ou atteintes affectant la sécurité des personnes présentes dans les matériels roulants ;

« 2° Le secours aux personnes ;

« 3° L’analyse des accidents et incidents liés à l’exploitation des matériels roulants.

« L’accès en temps réel, par le poste de contrôle et de commandement de l’opérateur de transport ou des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens, aux données sonores captées n’est autorisé qu’en cas de déclenchement d’une alarme, volontaire ou automatique.

« L’accès aux enregistrements sonores, par les agents de l’opérateur de transport et des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens individuellement désignés et dûment habilités par le représentant de l’État dans le département, ne sera possible que dans le cadre d’une réponse à une réquisition judiciaire ou dans le cadre d’une enquête technique définie par l’article L. 1621-2.

« Les enregistrements comportant des données à caractère personnel, hors les cas où ils sont utilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire, ou d’une enquête technique prévue par l’article L. 1621-2, sont effacés au bout de trente jours.

« Ces enregistrements sont soumis selon les finalités à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ainsi qu’au règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données), ainsi qu’aux dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée transposant la directive n° 2016/680 du 27 avril 2016, dite directive « Police Justice ».

« Le public est informé, par une signalétique spécifique, de l’équipement du moyen de transport d’un système de sonorisation. Une information générale du public sur l’emploi de ces systèmes est organisée par l’opérateur de transport.

« Les modalités d’application du présent article et d’utilisation des données collectées sont précisées par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Ce décret précise les modalités d’exercice de leurs droits par les personnes concernées, ainsi que les mesures techniques mises en œuvre pour garantir la sécurité des enregistrements et assurer la traçabilité des accès aux enregistrements sonores. »

La parole est à M. Pierre Jean Rochette, pour présenter l’amendement n° 4 rectifié sexies.

M. Pierre Jean Rochette. Cet amendement de mon collègue Louis Vogel tend à rétablir l’article 11 de la proposition de loi, qui permet la captation et l’enregistrement de données sonores au sein des seuls véhicules de transport public.

Sur ces systèmes de captation de données sonores, bien des choses ont été dites, notamment en commission. Ils existent déjà dans certains véhicules, notamment les autobus, pour les conducteurs. En cas de danger, ces derniers peuvent actionner une pédale permettant au centre de supervision d’écouter ce qui se passe dans l’habitacle.

Quand on est superviseur, face à des écrans, et que l’on ne sait pas ce qui se passe dans un véhicule dans lequel une alarme se déclenche, pouvoir entendre constitue une réelle amélioration permettant d’éviter des drames.

Mme la présidente. La parole est à Mme Lauriane Josende, pour présenter l’amendement n° 25.

Mme Lauriane Josende. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Khalifé Khalifé, pour présenter l’amendement n° 31 rectifié bis.

M. Khalifé Khalifé. Il est également défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Florennes, pour présenter l’amendement n° 35 rectifié.

Mme Isabelle Florennes. Il est lui aussi défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 60 rectifié, présenté par Mmes Carrère-Gée et Aeschlimann, MM. Anglars et Belin, Mmes Belrhiti et Berthet, MM. Bouchet et Burgoa, Mmes Dumas, Evren, Goy-Chavent et Imbert, MM. Karoutchi et Klinger, Mmes Lassarade et Lavarde, M. Meignen, Mme M. Mercier, MM. Pellevat et Piednoir, Mme Primas et MM. Sautarel et Somon, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Après la section 1 du chapitre II du titre III du livre VI de la première partie du code des transports, est insérée une section 1 bis ainsi rédigée :

« Section 1 bis

« Captation et enregistrement du son

« Art. L. 1632-2-1.– Les opérateurs de transport public de voyageurs sont autorisés à mettre en œuvre un système consistant en la captation, la transmission et l’enregistrement du son dans les matériels roulants qu’ils exploitent.

« La captation et l’enregistrement du son ne sont pas permanents.

« Les traitements prévus au présent article ont exclusivement pour finalité d’assurer :

« 1° Le traitement en temps réel des incidents ou atteintes affectant la sécurité des personnes présentes dans les matériels roulants ;

« 2° Le secours aux personnes ;

« 3° En différé, l’analyse d’un incident ou d’un accident en réponse à une réquisition judiciaire.

« L’accès en temps réel, par le poste de contrôle et de commandement de l’opérateur de transport ou des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens, aux données sonores captées n’est autorisé qu’en cas de déclenchement d’une alarme, volontaire ou automatique.

« L’accès aux enregistrements sonores, par les agents de l’opérateur de transport et des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens individuellement désignés et dûment habilités par le représentant de l’État dans le département, ne sera possible que dans le cadre d’une réponse à une réquisition judiciaire.

« Les enregistrements comportant des données à caractère personnel, hors les cas où ils sont utilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire, sont effacés au bout de trente jours.

« Ces enregistrements sont soumis selon les finalités à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ainsi qu’au règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données), ainsi qu’aux dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée transposant la directive n° 2016/680 du 27 avril 2016, dite directive « Police Justice ».

« Le public est informé, par une signalétique spécifique, de l’équipement du moyen de transport d’un système de sonorisation. Une information générale du public sur la finalité et l’emploi de ces systèmes est organisée par l’opérateur de transport.

« Les modalités d’application du présent article et d’utilisation des données collectées sont précisées par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Ce décret précise les modalités d’exercice de leurs droits par les personnes concernées, ainsi que les mesures techniques mises en œuvre pour garantir la sécurité des enregistrements et assurer la traçabilité des accès aux enregistrements sonores. »

La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Le présent amendement tend à s’inspirer de la rédaction de l’article 11 de la proposition de loi initiale.

Il s’agit de permettre la captation et l’enregistrement de données sonores, qui seront strictement réservés, premièrement, au traitement en temps réel des incidents ou en cas de nécessité de secourir les personnes, deuxièmement, dans le cadre d’une réquisition judiciaire.

À la différence de la proposition de loi initiale, le présent amendement n’a donc pas pour objet de retenir l’utilisation de ces captations sonores pour des enquêtes techniques.

Mme la présidente. L’amendement n° 73 rectifié bis, présenté par M. Tabarot, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I. – À titre expérimental, les opérateurs de transport public de voyageurs sont autorisés à mettre en œuvre un système consistant en la captation, la transmission et l’enregistrement du son dans les véhicules qu’ils utilisent dans le cadre de services réguliers de transport public de voyageurs par autobus et autocars.

Les enregistrements du son ont pour finalités d’assurer la prévention, la compréhension et le traitement des incidents ou atteintes affectant la sécurité des conducteurs des services mentionnés au premier alinéa du présent I et le secours à ces personnes.

La captation, la transmission et l’enregistrement du son ne sont pas permanents et sont limités à l’environnement immédiat du conducteur. Une annonce sonore indique le début de la captation, sauf si les circonstances ne le permettent pas.

L’accès en temps réel, par le poste de contrôle et de commandement de l’opérateur de transport ou des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens, aux données sonores captées n’est autorisé que pour les finalités prévues deuxième alinéa du présent I.

La consultation des enregistrements sonores, par les agents de l’opérateur de transport et des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens individuellement désignés et dûment habilités par le représentant de l’État dans le département, n’est possible que dans le cadre d’une réponse à une réquisition judiciaire.

Les enregistrements comportant des données à caractère personnel, hors les cas où ils sont utilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire, sont effacés au bout de trente jours.

Ces enregistrements sont soumis, selon les finalités, à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ainsi qu’au règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données).

Les modalités d’application du présent article et d’utilisation des données collectées sont précisées par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Ce décret précise les modalités d’exercice de leurs droits par les personnes concernées, ainsi que les mesures techniques mises en œuvre pour garantir la sécurité des enregistrements et assurer la traçabilité des accès aux enregistrements sonores.

II. – Le I est applicable à compter du 1er juillet 2024 pour une durée de deux ans.

III. – La mise en œuvre de l’expérimentation fait l’objet d’un rapport d’évaluation remis au Parlement au plus tard six mois avant la fin de la durée mentionnée au II.

La parole est à M. Philippe Tabarot.

M. Philippe Tabarot. Je remercie mes collègues qui ont déposé des amendements de rétablissement de l’article 11.

Pour ma part, après de nombreux échanges sur ce sujet dans le cadre de la commission des lois, je vous propose un amendement de repli visant à modifier la rédaction initiale de l’article.

Certaines mesures n’ayant sans doute pas été suffisamment comprises, je souhaiterais, comme mon collègue Pierre Jean Rochette l’a rappelé, que les chauffeurs de bus et de cars – ils sont particulièrement exposés à la violence physique et verbale, comme on l’a d’ailleurs vu avec le décès d’un conducteur de bus à Bayonne – puissent actionner, lorsqu’ils se sentent en danger, un système d’alarme discrète. Le poste de commandement pourrait ainsi rapidement comprendre la situation et dépêcher les équipages nécessaires.

L’adoption de cet amendement et de l’amendement visant les caméras-piétons permettra d’assurer aux chauffeurs de bus la sécurité qu’ils méritent.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. La commission émet un avis de sagesse positive sur l’amendement de notre collègue Philippe Tabarot, avec qui nous avons pu échanger. En effet, il s’agit de répondre à une difficulté opérationnelle rencontrée par les chauffeurs de bus lorsque ceux-ci sont victimes d’agression.

Parce que leur visée est expérimentale et limitée à l’environnement immédiat des chauffeurs, les dispositions prévues me semblent plus robustes juridiquement et de nature à répondre à certaines difficultés posées par la rédaction initiale.

En revanche, j’émets quelques doutes sur le principe d’une conservation pendant trente jours des données ainsi captées. Mais nous aurons l’occasion de retravailler ce point.

J’émets donc un avis favorable sur l’amendement n° 73 rectifié bis, mais un avis défavorable sur l’ensemble des autres amendements en discussion commune, dont je sollicite le retrait.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué. S’agissant de l’expérimentation proposée par l’amendement n° 73 rectifié bis, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

En revanche, il est défavorable aux autres amendements en discussion.

Mme la présidente. Monsieur Rochette, l’amendement n° 4 rectifié sexies est-il maintenu ?

M. Pierre Jean Rochette. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 4 rectifié sexies est retiré.

Madame Josende, l’amendement n° 25 est-il maintenu ?

Mme Lauriane Josende. Non, je le retire également.

Mme la présidente. L’amendement n° 25 est retiré.

Monsieur Khalifé, l’amendement n° 31 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Khalifé Khalifé. Non, je le retire à mon tour, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 31 rectifié bis est retiré.

Madame Florennes, l’amendement n° 35 rectifié est-il maintenu ?

Mme Isabelle Florennes. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 35 rectifié est retiré.

Madame Carrère-Gée, l’amendement n° 60 rectifié est-il maintenu ?

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 60 rectifié est retiré.

La parole est à M. Jacques Fernique, pour explication de vote sur l’amendement n° 73 rectifié bis.

M. Jacques Fernique. Cet amendement, comme ceux qui viennent d’être retirés, vise explicitement à rétablir l’article 11.

Or il y a eu une évolution notable entre l’amendement n° 73 rectifié bis et l’article 11 initial, qui prévoyait de mettre en place la captation, la transmission et l’enregistrement du son dans l’ensemble du matériel roulant – cette captation aurait été accompagnée d’une annonce sonore aux usagers du transport.

L’annoncé défendu par M. Philippe Tabarot tend à instaurer un système de captation du son limité à ce qui se passe dans l’environnement immédiat du conducteur.

M. Philippe Tabarot. Merci de cette précision !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 73 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 11 est rétabli dans cette rédaction.

Chapitre IV

De nouveaux dispositifs pénaux pour mieux réprimer les délits relatifs aux transports

Article 11 (supprimé)
Dossier législatif : proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports
Article 13

Article 12

L’article L. 2242-6 du code des transports est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) Le mot : « voyager » est remplacé par le mot : « commettre » ;

b) Après le mot : « habituelle, », la fin est ainsi rédigée : « l’une des infractions suivantes :

« 1° Le fait pour toute personne de pénétrer dans un espace dont l’accès est réservé aux détenteurs d’un titre de transport ou de voyager sans être munie d’un titre de transport valable complété, s’il y a lieu, par les opérations incombant au voyageur telles que compostage, validation ou apposition de mentions manuscrites. Toutefois, cette infraction n’est pas constituée si le voyageur qui ne dispose pas d’un titre de transport valable prend contact, immédiatement après le début du voyage, avec les agents de l’exploitant en vue d’acquérir un tel titre et s’acquitte de son paiement à bord du train, lorsque cette possibilité n’est pas limitée ou refusée conformément au paragraphe 4 de l’article 9 du règlement (CE) n° 1371/2007 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 sur les droits et obligations des voyageurs ferroviaires ;

« 2° Le fait pour toute personne de circuler, sans autorisation, sur des engins motorisés ou non, à l’exception des moyens de déplacement utilisés par les personnes à mobilité réduite dans les espaces et véhicules affectés au transport public de voyageurs ou de marchandises, hors les cas où ces faits sont commis de façon intentionnelle dans les lieux et selon les circonstances prévus au 5° de l’article L. 2242-4 ;

« 3° Sous réserve des dispositions de l’article L. 1112-9, le fait pour toute personne d’introduire un animal dans les véhicules affectés au transport public de voyageurs. Toutefois, cette infraction n’est pas constituée s’agissant d’animaux domestiques de petite taille convenablement enfermés, ainsi que des chiens muselés et tenus, et admis à ce titre par l’exploitant dans ces véhicules ;

« 4° Le fait pour toute personne de se livrer à l’exploitation ou à la distribution commerciale d’objets quelconques dans les cours ou bâtiments de gares sans disposer d’un titre d’occupation du domaine public ferroviaire ;

« 5° Le fait pour toute personne de se livrer à l’exploitation ou à la distribution commerciale d’objets quelconques à bord des trains sans avoir conclu au préalable un contrat autorisant la réalisation de la prestation commerciale ou de la distribution d’objets ;

« 6° Le fait pour toute personne d’enlever ou de détériorer les étiquettes, cartes, pancartes ou inscriptions intéressant le service de transport public de voyageurs ou de marchandises, ainsi que la publicité régulièrement apposée dans les gares et les véhicules ou les zones d’affichage prévues à cet effet dans les espaces et véhicules affectés au transport public de voyageurs ou de marchandises ;

« 7° Le fait pour toute personne de se servir sans motif légitime d’un signal d’alarme ou d’arrêt mis à la disposition des voyageurs pour faire appel aux agents de l’exploitant, de modifier ou de déranger, sans autorisation, le fonctionnement normal des équipements installés dans ces espaces ou véhicules, ou d’abandonner ou de déposer, sans surveillance, des matériaux ou objets, hors les cas où ces faits sont commis de façon intentionnelle dans les lieux et selon les circonstances prévus aux 1°, 2°, 5° et 8° de l’article L. 2242-4 et aux articles L. 2242-4-1 et L. 2242-4-2 ;

« 8° Le fait pour toute personne, dans les espaces et véhicules affectés au transport public de voyageurs ou de marchandises, de cracher, d’uriner en dehors des espaces prévus à cet effet ou de détériorer ou de souiller de quelque manière que ce soit ces espaces, ces véhicules ou le matériel qui s’y trouve ;

« 9° Le fait pour toute personne de s’introduire ou de se maintenir dans les espaces ou véhicules affectés au transport public de voyageurs ou de marchandises en état d’ivresse manifeste ;

« 10° Le fait pour toute personne de mendier sur le domaine public ferroviaire et à bord des trains ;

« 11° Le fait pour toute personne de fumer dans un véhicule affecté au transport public de voyageurs ou dans un espace affecté au transport de voyageurs ou de marchandises accessible au public, hors d’un emplacement mis à la disposition des fumeurs ;

« 12° Le fait pour toute personne de faire usage, sans autorisation, d’appareils ou instruments sonores, ou de troubler la tranquillité d’autrui par des bruits ou des tapages dans les espaces et véhicules affectés au transport public de voyageurs ou de marchandises ;

« 13° Le fait pour toute personne de ne pas respecter les mesures de police destinées à assurer le bon ordre et la sécurité publique dans les parties des gares et de leurs dépendances accessibles au public ;

« 14° Le fait pour toute personne d’introduire tout bagage ne comportant de manière visible la mention des nom et prénom du voyageur dans les catégories de véhicules affectés au transport public de voyageurs désignées par arrêté du ministre chargé des transports. Cette disposition ne s’applique pas aux effets ou menus objets que le voyageur conserve à sa disposition immédiate ;

« 15° Le fait pour toute personne de s’installer à une place déjà réservée régulièrement par un autre voyageur, sauf accord de celui-ci, dans les véhicules affectés au transport public de voyageurs ;

« 16° Le fait pour toute personne de vapoter dans les moyens de transport collectifs fermés ;

« 17° Le fait pour toute personne d’occuper un emplacement non destiné aux voyageurs, par elle-même ou en installant ou en déposant ses bagages ou tout autre objet, de se placer indûment dans les espaces ayant une destination spéciale ou d’entraver la circulation dans les couloirs ou l’accès des compartiments ;

« 18° Sans préjudice des dispositions de l’article L. 1252-1, le fait pour toute personne d’accéder aux véhicules en portant ou transportant des matières ou objets qui, par leur nature, leur quantité ou l’insuffisance de leur emballage, peuvent être dangereux, gêner ou incommoder les voyageurs ;

« 19° Le fait, pour une personne autorisée à porter ou transporter une arme à feu, d’accéder aux véhicules affectés au transport public de voyageurs avec cette arme sans que celle-ci ne satisfasse à la triple condition d’être non chargée, démontée et maintenue dans un étui ou une mallette fermée.

« La peine mentionnée au premier alinéa du présent article n’est pas applicable aux personnes suivantes qui peuvent, sous réserve d’être en mesure de justifier de leur qualité, conserver avec elles des armes à feu chargées :

« a) Les fonctionnaires de la police nationale, militaires de la gendarmerie nationale, les militaires déployés sur le territoire national dans le cadre des réquisitions prévues à l’article L. 1321-1 du code de la défense et les militaires escortant des unités en déplacement, lorsqu’ils y sont autorisés par les dispositions réglementaires qui leur sont applicables et dans les conditions qu’elles prévoient ;

« b) Les agents mentionnés à l’article L. 2251-4 du code des transports, pendant leur service, dans les conditions prévues par cet article et les textes réglementaires pris pour son application ;

« c) Les agents exerçant pour le compte de l’autorité organisatrice ou de l’exploitant de services de transport, l’activité mentionnée au 1° bis de l’article L. 611-1 du code de la sécurité intérieure, lorsqu’ils y sont autorisés dans les conditions prévues par les dispositions de ce code et par les décisions prises pour son application, en particulier ;

« 20° Le fait pour toute personne d’empêcher la fermeture des portes d’accès immédiatement avant le départ ou de les ouvrir après le signal de départ pendant la marche et avant l’arrêt complet du véhicule, d’entrer ou de sortir du véhicule, autrement que par les accès aménagés à cet effet et placés du côté où se fait la montée ou la descente du véhicule, de monter ou de descendre du véhicule ailleurs que dans les gares, stations, haltes ou aux arrêts fixés et publiés à l’avance ou décidés par le conducteur dans le cadre d’un dispositif de descente à la demande ou lorsque le véhicule n’est pas complètement arrêté, de passer d’une voiture à une autre autrement que par les passages prévus à cet effet, de se pencher en dehors des véhicules ou de rester sur les marchepieds pendant la marche, de prendre place ou de demeurer dans le véhicule au-delà du terminus ;

« 21° Le fait pour toute personne de voyager sans titre de transport adéquat dans un train dans lequel le titre de transport ne peut être utilisé que pour un trajet à effectuer à la date et dans le train indiqués ;

« 22° Le fait pour toute personne à bord des trains transportant des véhicules routiers et leurs passagers de faire fonctionner le moteur d’un véhicule en dehors des opérations de chargement et de déchargement, de procéder à des actions de réparation ou d’entretien des véhicules, de manipuler le chargement des véhicules ou, lorsque son transport est autorisé, tout objet ou substance susceptible de créer des risques pour la sécurité, notamment en ce qui concerne les produits chimiques, les carburants et le gaz ou de ne pas rejoindre les compartiments voyageurs, à bord des trains dans lesquels l’acheminement des personnes et des véhicules s’effectue séparément ;

« 23° Le fait pour toute personne qui franchit ou s’apprête à franchir une voie traversée à niveau de ne pas, à l’approche d’un train ou de tout autre véhicule circulant sur les rails, dégager immédiatement la voie, s’en écarter et en écarter les animaux qu’elle conduit de manière à lui livrer passage ;

« 24° Le fait pour toute personne d’utiliser, sans autorisation, les véhicules affectés au transport public de voyageurs comme des engins de remorquage, hors les cas où ces faits sont commis de façon intentionnelle dans les lieux et selon les circonstances prévus par le 10° de l’article L. 2242-4 du présent code ;

« 25° Le fait pour toute personne de refuser d’obtempérer aux injonctions adressées par les agents mentionnés au I de l’article L. 2241-1 pour assurer l’observation des dispositions du présent article. » ;

2° Au second alinéa, les mots : « avoir voyagé sans titre de transport ou munie d’un titre de transport non valable ou non complété » sont remplacés par les mots : « une même infraction mentionnée aux 1° à 25° du présent article ».

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.

L’amendement n° 36 est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. Dossus, Fernique, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, M. Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

L’amendement n° 66 est présenté par M. Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

L’amendement n° 77 rectifié est présenté par M. Chaillou, Mme de La Gontrie, MM. Jacquin et Durain, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mmes Linkenheld et Narassiguin, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 36.

M. Guy Benarroche. Le présent amendement tend à supprimer cet article, qui réprime un certain nombre de délits relatifs aux transports.

Les auteurs du texte ont constitué un panel de comportements incluant notamment le fait de mendier – nous en reparlerons –, de vapoter ou de fumer en dehors des espaces réservés, de voyager sans titre de transport adéquat, de transporter une arme à feu, de refuser d’obtempérer ou de franchir une voie. Ces comportements sont tous punis de la même peine délictuelle, à savoir six mois d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende.

En premier lieu, cet article contrevient au principe de proportionnalité des peines en matière pénale, qui prévoit que le législateur doit fixer une peine proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité de l’auteur.

En l’occurrence, le fait de mendier, d’uriner ou de cracher dans des espaces non réservés à cet effet est puni des mêmes peines que le fait de porter une arme à feu ou de refuser d’obtempérer… Chacun peut l’admettre, ces comportements sont manifestement de degrés de gravité différents, certains ne portant pas atteinte à la sécurité dans les transports, mais relevant plutôt de l’incivilité.

Aussi le Conseil constitutionnel se réserve-t-il le droit, au titre du principe de proportionnalité des peines, de censurer « les dispositions législatives prévoyant des peines manifestement disproportionnées par rapport aux faits reprochés. »

En second lieu, plusieurs de ces infractions sont déjà prévues par l’article L. 2242-4 du code des transports. Est notamment mentionné à cet article le fait de circuler sur certaines parties de la voie ferrée et de faire usage du signal d’alarme mis à la disposition des voyageurs.

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Guy Benarroche. Je poursuivrai tout à l’heure ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Barros, pour présenter l’amendement n° 66.

M. Pierre Barros. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Chaillou, pour présenter l’amendement n° 77 rectifié.

M. Christophe Chaillou. Cela vient d’être rappelé, la loi pénale doit respecter un principe de proportionnalité. La détermination des crimes et délits, ainsi que les peines qui leur sont applicables, ressortit aux compétences du Parlement, ce qui nous honore. Il ne nous paraît pas sérieux de tout faire basculer indistinctement dans la sphère délictuelle.

Les faits qui sont visés sont déjà sanctionnés. Que faut-il de plus ? On ne peut que relever un grand écart entre l’évocation, dans l’exposé des motifs, de faits de terrorisme et l’article visant, en bout de course, à punir de six mois d’emprisonnement le fait de fumer sur les quais et de cracher par terre.

Tout est mélangé, rien n’est toléré. Permettez-moi de vous le rappeler, mes chers collègues, les mendiants dits d’habitude étaient punis de trois mois d’emprisonnement dans le code pénal de 1810. Ce délit a été abrogé par l’entrée en vigueur du nouveau code pénal. Or il est aujourd’hui proposé de le punir de six mois d’emprisonnement. On le voit, nous progressons !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. Ces amendements visent à supprimer purement et simplement l’article 12 relatif à la création d’un nouveau délit d’incivilité d’habitude.

Au préalable, je tiens à souligner que la lutte contre les incivilités dans les transports constitue un enjeu de politique publique important, et ce à plusieurs titres. Outre la prévention des troubles à l’ordre public, elle permet l’amélioration de l’attractivité des réseaux de transport et, par conséquent, favorise le report modal nécessaire à la transition écologique.

Or la multiplication des incivilités, sous diverses formes, constitue pour les usagers un irritant fort, qui reste toutefois mal appréhendé par le droit pénal existant. Ainsi, sur le réseau SNCF, quelque 305 253 cas ont pu être recensés en 2023, contre 96 083 en 2015.

S’il serait disproportionné de délictualiser une simple infraction aux règlements de la police du transport, la répétition à de multiples reprises d’une même infraction, qui témoigne d’un comportement nuisible à l’ordre public comme au bon fonctionnement du service public, justifie pleinement une sanction renforcée et dissuasive, sur le modèle de ce qui est déjà prévu en matière tarifaire.

Pour ces raisons, la commission ne peut qu’être défavorable à ces amendements identiques de suppression de l’article.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué. De fait, ce délit d’habitude repose sur des comportements hétéroclites et de gravité variable. Certaines de ces contraventions sont en outre définies dans des termes très généraux, par exemple le fait de se placer indûment dans les espaces ayant une destination spéciale.

Pour ces raisons, dans la mesure où l’on aurait pu réserver ce délit aux comportements les plus graves, je m’en remets à la sagesse du Sénat sur ces amendements identiques.

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. Je termine donc la présentation de mon amendement !

Plusieurs des infractions dont il est question sont déjà prévues par l’article L. 2242-4 du code des transports. Mais les peines encourues sont différentes de celles qui sont prévues par la proposition de loi. Ainsi, l’amende s’élève à 3 750 euros, et non pas à 7 500 euros.

En outre, nous rappelons souvent qu’il convient de simplifier le droit existant, en faisant passer des « lois-balais » visant à supprimer les redondances ou les contradictions.

Or cet article 12 prévoit des renvois à l’article L. 2242-4 du code des transports, « hors les cas où ces faits sont commis de façon intentionnelle » ! Manque de chance, cet article ne prévoit pas les mêmes peines et ne fait aucune allusion à une quelconque intentionnalité.

L’adoption de cet article complexifiera énormément la loi pénale et la rendra incompréhensible, sans compter que son utilité sera nulle, dans la mesure où ces comportements sont déjà réprimés par le code des transports. L’ensemble de mes collègues de la commission des lois et de l’hémicycle devraient être sensibles à un tel argument.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 36, 66 et 77 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. L’amendement n° 37, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. Dossus, Fernique, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, M. Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 2

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…) Les mots : « de six mois d’emprisonnement et » sont supprimés ;

…) Le nombre : « 7 500 » est remplacé par le nombre : « 3 750 » ;

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Il s’agit d’un amendement de repli. Bien que j’aie compris les raisons pour lesquelles Mme la rapporteure a émis un avis défavorable sur les amendements précédents, je ne me résous pas à cet article fourre-tout !

Il s’agit donc ici de réduire les peines prévues par l’article 12, qui vise à rendre délictuels des comportements d’incivilité. Si ces derniers gênent les voyageurs et les usagers, les faire figurer dans le droit pénal semble un trop grand pas.

Au-delà de la problématique de l’intentionnalité de ces nouveaux délits, qui n’est pas résolue dans la rédaction proposée et qui laisse trop de marge à l’arbitraire dans la constatation et la sanction de ces faits, il nous apparaît que les peines prévues sont bien trop lourdes. Elles le sont d’autant plus qu’elles concernent de manière indifférente le port d’armes, l’oubli d’étiquetage des bagages – je le précise –, ou l’ivresse.

Par ailleurs, l’inclusion dans cette liste de la mendicité, qui nous semble particulièrement problématique, fera l’objet d’autres amendements plus spécifiques.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. La commission est défavorable à cet amendement, qui vise à atténuer le quantum de peine sanctionnant le délit d’incivilité d’habitude, qui passerait de 6 mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende à une amende nettement inférieure, de 3 750 euros.

La commission est attachée à préserver le caractère fortement dissuasif du délit d’incivilité d’habitude. En l’occurrence, l’effet dissuasif serait très diminué, voire annulé, pour les infractions de quatrième classe, pour lesquelles l’amende maximale est de 750 euros, soit des peines additionnées représentant un montant de 3 750 euros si l’infraction est répétée à cinq reprises.

J’émets donc un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Certes, punir la répétition de ces comportements d’une peine de 6 mois d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende peut paraître sévère.

Pour autant, les dispositions de cet amendement contiennent un effet de bord. Elles auraient pour effet d’abaisser la répression actuellement prévue par le code des transports en cas de voyage habituel sans titre de transport valable. Or ce délit ne soulève pas de difficultés particulières et il n’existe aucune raison de le modifier.

Pour cette raison, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 37.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° 3 rectifié sexies est présenté par MM. L. Vogel et Rochette, Mmes Bourcier et Lermytte, M. A. Marc, Mme L. Darcos et MM. Brault, V. Louault, Chevalier, Wattebled, Verzelen, Capus et Chasseing.

L’amendement n° 74 rectifié bis est présenté par MM. Tabarot, Belin, Bouchet, Brisson, Burgoa, Courtial et Daubresse, Mme Demas, M. Dhersin, Mmes Dumas, Dumont, Estrosi Sassone, Herzog et Joseph, MM. Karoutchi, Khalifé, Lefèvre, H. Leroy, Longeot et Maurey, Mme Muller-Bronn, M. Paccaud, Mme Pluchet, MM. Rapin, Reynaud, Sautarel, Savin et Genet, Mme Valente Le Hir, MM. Grosperrin, Mandelli, Somon, Laugier et Chaize, Mmes Gosselin, M. Mercier et Imbert, M. P. Martin, Mme Garnier, M. Capo-Canellas, Mme Evren, MM. Anglars, Sido, Chevrollier et Pellevat, Mmes Belrhiti, de Cidrac et Aeschlimann, MM. S. Demilly, Fargeot, Meignen et Pernot et Mmes Borchio Fontimp, Micouleau et Malet.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. – Alinéa 4

Remplacer les mots :

l’une des

par le mot :

les

II. – Alinéa 34

Remplacer les mots :

une même infraction mentionnée aux 1° à 25° du présent article

par les mots :

les infractions mentionnées aux 1° à 25° du présent article, constatées lors d’opérations de contrôle distinctes

La parole est à M. Pierre Jean Rochette, pour présenter l’amendement n° 3 rectifié sexies.

M. Pierre Jean Rochette. Au travers de cet amendement, il s’agit de fragmenter les sanctions, au lieu de ne retenir qu’une seule infraction en cas de récidive ou d’accumulation des infractions.

Je ne sais pas si cela parlera à tout le monde, mais, dans l’ensemble, nous sommes favorables à la fragmentation plutôt qu’à la globalisation. (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Tabarot, pour présenter l’amendement n° 74 rectifié bis.

M. Philippe Tabarot. Je retire mon amendement au profit de l’amendement n° 57 rectifié de Mme Marie-Claire Carrère-Gée, qui est un peu moins disant, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 74 rectifié bis est retiré.

L’amendement n° 57 rectifié, présenté par Mmes Carrère-Gée et Aeschlimann, MM. Anglars et Belin, Mmes Belrhiti et Berthet, MM. Bouchet et Burgoa, Mmes Dumas, Evren, Goy-Chavent et Imbert, MM. Karoutchi et Klinger, Mmes Lassarade et Lavarde, M. Meignen, Mme M. Mercier, MM. Pellevat et Piednoir, Mme Primas et MM. Sautarel et Somon, est ainsi libellé :

Alinéa 34

Remplacer les mots :

une même infraction mentionnée aux 1° à 25° du présent article

par les mots :

une même infraction, ou de plus de dix contraventions pour des infractions différentes parmi celles mentionnées aux 1° à 25° du présent article

La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Si l’on comprend le légitime souci de préserver la proportionnalité de la sanction, limiter la portée de cet article instituant un délit pour la répétition de cinq infractions identiques parmi les vingt-cinq identifiées risque de le rendre inopérant.

C’est pourquoi il est proposé de prévoir que ce délit d’incivilité d’habitude est constitué soit d’une même infraction répétée à cinq reprises, soit de dix infractions différentes témoignant d’un comportement d’incivilité à répétition.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. L’exigence posée par le dispositif issu de la commission des lois constitue une garantie de la robustesse juridique du dispositif, qui introduirait une règle originale dans notre droit pénal en permettant une fongibilité. En ce qu’elle assure une délimitation plus précise du champ de l’infraction, elle est de nature à assurer le caractère nécessaire, adapté et proportionné de la sanction, ainsi que la proportionnalité de la peine.

Nous avons déjà franchi un pas important avec la création de ce délit d’incivilité d’habitude, puisque, auparavant, la récidive de ces infractions contraventionnelles n’était pas sanctionnée en tant que telle.

D’ailleurs, la fongibilité des infractions n’existe pas dans le régime contraventionnel existant : avoir reçu une amende pour une infraction aux règles de la police du transport n’aggrave pas la sanction encourue en cas de commission d’une autre infraction. En prévoyant une telle aggravation pour le délit que nous créons, nous mettrions en place une disposition totalement inédite dans notre droit pénal et à la constitutionnalité mal assurée.

Pour cette raison, la commission est défavorable à ces amendements. Il paraît important de faire vivre le nouveau dispositif. Imaginer, dès à présent, la fongibilité de ces infractions me paraît très sincèrement prématuré. Faisons vivre le délit que nous venons de créer, et nous verrons par la suite ce qu’il en est.

La commission est donc défavorable à ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Mes chers collègues, je ne sais pas si nous avons pleinement conscience de l’usine à gaz que nous sommes en train de mettre en place.

Par ces amendements, il s’agit d’identifier une liste d’infractions de gravité inégales, qui pourraient conduire, si elles étaient répétées, à une sanction plus lourde.

Par conséquent, il faudra organiser une sorte de fichage pour répertorier tout cela. Je mets de côté la question de la fongibilité, qui a au moins l’intérêt de la simplification du dispositif.

Si vous commettez une infraction, par exemple si vous voyagez sans titre de transport, votre contravention est répertoriée comme telle. Si vous récidivez un certain nombre de fois, c’est un délit d’incivilité d’habitude, et vous serez sanctionné plus gravement.

Il y aura donc un répertoire pour ceux qui auront détérioré des étiquettes, un autre pour ceux qui auront uriné en dehors des espaces prévus, un troisième pour ceux qui auront fumé dans un espace où cela n’est pas autorisé, un quatrième pour ceux qui auront utilisé un instrument sonore, un cinquième pour ceux qui n’auront pas mis leur nom et prénom sur leurs bagages – nous-mêmes ne commettons jamais cette infraction ! –, ou, fait très grave, qui auront utilisé une place déjà réservée régulièrement par un autre voyageur.

Ainsi, les personnels chargés de la sécurité dans les transports devront, pour caractériser le délit d’incivilité d’habitude de la personne qu’ils sont en train de verbaliser, conserver son identité, pour constituer le recueil des personnes qui fument, différent de celui des personnes qui décollent des étiquettes.

Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Vous le voyez bien, tout cela n’a aucun sens ! Nous ne pouvons pas voter une telle disposition.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Fernique, pour explication de vote.

M. Jacques Fernique. Je comprends qu’il soit tentant d’introduire un nouveau délit d’incivilité d’habitude, mais le ministre l’a rappelé tout à l’heure : la liste est hétéroclite. On y trouve des actes qui relèvent de l’incivilité, d’autres qui mettent plutôt en cause la sécurité, etc. Or la plupart de ces faits sont déjà réprimés par de simples avertissements et des rappels à l’ordre.

M. Philippe Tabarot. Et cela fonctionne ?

M. Jacques Fernique. Plus ou moins…

Ce matin, j’ai croisé un homme à vélo dans le hall de la gare, qui fonçait en direction du quai de peur de rater son train. Il a suffi qu’un agent, qui n’était peut-être même pas chargé de la sécurité, lui fasse signe de descendre de son vélo pour qu’il obtempère. Imaginez que l’agent ait dû l’arrêter, sortir son calepin, noter son identité, compiler les cinq infractions identiques qui le font tomber sous le coup des peines que vous avez prévues, sachant que, s’il en a qui sont différentes, ce n’est plus la même chose…

Bref, si d’aventure un tel délit d’incivilité d’habitude était voté, comment pourrait-il être réellement appliqué ?

Voyons déjà ce qu’il en est de la récidive de la fraude. Aujourd’hui, quel est le bilan de son application réelle ? C’est dire si cette mesure, tellement hétéroclite, ne sera pas appliquée !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Tabarot, pour explication de vote.

M. Philippe Tabarot. Ces mesures sont demandées par les acteurs de terrain, preuve qu’ils pensent pouvoir les appliquer. Les agents ont suffisamment de lucidité pour savoir quand intervenir.

Je vais agacer une fois de plus Mme de La Gontrie, mais vous êtes, chers collègues de gauche, dans la culture permanente de l’excuse ! (Protestations sur les travées des groupes SER et GEST.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Vous n’avez rien compris !

M. Philippe Tabarot. Ce que nous voulons, nous, maintenant, c’est la tolérance zéro !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Est-ce que ça marche ?

M. Philippe Tabarot. On ne peut plus fermer les yeux devant toutes ces infractions, ces incivilités, qui ne vous paraissent pas importantes, mais qui horripilent nos concitoyens.

Il y a des gens qui prennent les transports en commun en payant leur titre de transport, mais ils voyagent à côté d’autres personnes qui ne les paient pas. Il y a des gens qui respectent le matériel, mais ils voyagent à côté d’autres personnes qui mettent les pieds sur les fauteuils, qui fument ou qui urinent à côté d’eux. Voulez-vous que l’on continue comme ça ? Pensez-vous que cela fonctionne ? N’y a-t-il pas de souci aujourd’hui dans les transports en commun ?

Mme Audrey Linkenheld. Vous caricaturez nos propos !

M. Philippe Tabarot. De grâce, arrêtez avec cette culture de l’excuse permanente : elle est d’un autre temps ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

M. François Bonhomme. Tabarot à l’Élysée ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Jean Rochette, pour explication de vote.

M. Pierre Jean Rochette. Il faut que nous fassions confiance au terrain, comme l’a souligné Philippe Tabarot. Il n’y aura pas d’ayatollahs de la sanction pour courir après les voyageurs ayant commis par inadvertance une infraction afin de les verbaliser coûte que coûte. Certes, il existe toujours des exceptions, mais, globalement, cela se passe bien sur le terrain, où la bienveillance et le bon sens priment.

L’adoption de ces amendements ne pose donc selon moi aucun problème, d’autant qu’ils sont non pas antinomiques, mais complémentaires.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. La mesure est inapplicable. Prenons les paris !

M. Pierre Jean Rochette. Pas du tout ! Votons-les, et nous verrons ensuite !

Sur le terrain, le bon sens prime. Aucun agent de terrain, qu’il s’agisse de la RATP, de la SNCF ou de la Suge, ne cherche à faire du volume et du chiffre en matière d’infractions. Cela n’existe pas.

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. Je suis étonné, cher collègue Tabarot, que vous nous prêtiez une culture que nous n’avons pas… En revanche, vous revendiquez clairement celle de la tolérance zéro. Mais cette dernière n’a de sens qu’à partir du moment où l’on peut l’appliquer, comme nombre de personnes à droite l’ont dit avant moi. À défaut, on obtient exactement le résultat inverse.

Or je ne connais pas un seul service aujourd’hui qui soit en mesure de mettre en œuvre la disposition que vous allez voter, à savoir tenir des registres par type d’infraction et pour chaque personne !

C’est d’ailleurs ce qu’a admis votre ami Rochette en croyant défendre votre position. N’a-t-il pas reconnu que les agents n’iront pas courir après ce genre d’infraction ? La tolérance zéro, avec ce type de loi, conduit en fait à augmenter le niveau de tolérance, car les mesures que vous proposez ne sont pas applicables. Vous vous tirez une balle dans le pied !

Mme la présidente. La parole est à M. Hussein Bourgi, pour explication de vote.

M. Hussein Bourgi. Lorsqu’on légifère, il faut avoir le souci de voter des lois qui seront appliquées. En l’occurrence, mes chers collègues, je souhaite attirer votre attention sur l’une des infractions qui sont visées dans la liste. Je fais appel à votre expertise d’usage, car vous prenez peut-être comme moi le TGV pour rejoindre vos circonscriptions.

Fumer sur les quais de la gare est un usage que je constate chaque semaine. Chaque semaine, dès que le TGV qui me ramène à Montpellier s’arrête à la gare de Valence ou de Nîmes, des voyageurs, mais aussi des contrôleurs de la SNCF, en profitent pour descendre fumer une cigarette.

Lorsque je me rends à la gare de Lyon, les mêmes agents de la SNCF et des entreprises auxquelles certains marchés ont été confiés, mais également les agents de la Suge, sont les premiers à « griller une cigarette » avec les voyageurs.

Je tenais à apporter ce témoignage pour éclairer nos débats. C’est la raison pour laquelle je considère ces amendements avec beaucoup de perplexité. Sommes-nous là pour nous faire plaisir et nous donner bonne conscience en votant de tels amendements tendant à créer des infractions nouvelles, alors que le droit en vigueur n’est déjà pas appliqué ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Pierre Jean Rochette. Je retire mon amendement au profit de l’amendement n° 57 rectifié, madame la présidente !

Mme la présidente. L’amendement n° 3 rectifié sexies est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 57 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 82, présenté par Mme Bellurot, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 11

Remplacer les mots :

aux articles L. 2242-4-1 et L. 2242-4-2

par les mots :

à l’article L. 2242-4-1 et les cas où ces faits sont commis dans les lieux et selon les circonstances prévus à l’article L. 2242-4-2

II. – Alinéa 17

Compléter cet alinéa par les mots :

relatives à l’entrée et à la circulation des véhicules, au stationnement et à l’arrêt d’un véhicule interdit ou gênant ou au paiement ou à la limitation de la durée autorisée du stationnement d’un véhicule

III. – Alinéa 30

1° Après les mots :

gaz ou

insérer les mots :

, à bord des trains dans lesquels l’acheminement des personnes et des véhicules s’effectue séparément,

2° À la fin, supprimer les mots :

, à bord des trains dans lesquels l’acheminement des personnes et des véhicules s’effectue séparément

IV. – Alinéa 32

Remplacer la référence :

le 10° de l’article L. 2242-4

par la référence :

l’article L. 1633-5

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Sagesse.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 82.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° 48 est présenté par MM. Benarroche, Dossus et Fernique, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, M. Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

L’amendement n° 67 est présenté par M. Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 14

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 48.

M. Guy Benarroche. Je ne plaisanterai pas sur cet amendement, car il est important. Il s’agit de supprimer l’alinéa 14 de cet article, qui vise à sanctionner purement et simplement la mendicité.

Je le rappelle, la mendicité restait prohibée dans les cours ou bâtiments de gares en vertu de l’article 85 du décret n° 42-730 du 22 mars 1942. Le décret du 3 mai 2016, relatif à la sûreté et aux règles de conduite dans les transports ferroviaires ou guidés et certains autres transports publics, précise dans le même sens que « la mendicité est interdite sur le domaine public ferroviaire et à bord des trains » – article 11, alinéa 3.

L’article 20 dudit texte précisait que le fait de pratiquer la mendicité sur le domaine public ferroviaire et à bord des trains est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe. Cette disposition a été abrogée par l’article 6 du décret n° 2019-726 du 9 juillet 2019, publié au Journal officiel du 11 juillet.

Nous assistons donc à un véritable retour en arrière, qui cherche à s’attaquer aux plus pauvres plutôt qu’à la pauvreté. En inscrivant de nouveau dans la loi ce délit, avec un tel quantum de peine, le législateur ne s’honore pas.

De nombreuses associations, telles la Ligue des droits de l’Homme et la Fondation Abbé Pierre, attaquent régulièrement les arrêtés dits anti-mendicité, le plus souvent de manière victorieuse.

La mendicité, mes chers collègues, est le symptôme d’un mal qui ne saurait être traité par la sanction pénale.

Rien, dans cet article qui délictualise ces comportements, ne correspond à l’objet du texte, à savoir la sûreté dans les transports. Rien dans la délictualisation de la mendicité ne répond au problème de la pauvreté !

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Barros, pour présenter l’amendement n° 67.

M. Pierre Barros. Cet article, au travers de son alinéa 14, vise à faire renaître le délit de mendicité, disparu en 1990, même s’il était encore possible de le mettre en œuvre dans les espaces de la SNCF.

Trente ans plus tard, la France, septième puissance mondiale, aurait tout à fait les moyens d’éradiquer la misère. Mais que fait-elle ? Elle répond à la mendicité par la répression : c’est un dramatique aveu d’échec !

Ni la mendicité ni la solidarité ne peuvent être considérées comme une infraction, et encore moins comme un délit.

Où en sommes-nous quand nos insuffisances en matière de solidarité nous poussent à cacher la misère en la refoulant de tous les espaces publics, notamment du train et des transports en commun ? Cet alinéa est particulièrement honteux.

Mme la présidente. L’amendement n° 49, présenté par MM. Benarroche, Dossus et Fernique, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, M. Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Alinéa 14

Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :

Cette mesure est mise en œuvre de façon proportionnée en tenant compte de la vulnérabilité éventuelle de la personne, en fonction de son âge ou de son état de santé. Lorsque la personne vulnérable est sans domicile fixe, elle ne peut faire l’objet des mesures définies qu’à la condition que l’autorité dont relèvent les agents ait préalablement trouvé l’hébergement d’urgence décrit à l’article L. 345-2-2 du code de l’action sociale et des familles.

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Je prends très souvent le train, que je privilégie à l’avion, pour aller de Marseille à Paris.

Il y a effectivement des gens qui mendient gare Saint-Charles. Je discute avec nombre d’entre eux : certains sont dans des situations dramatiques. Comment pourrions-nous les verbaliser ou les mettre en prison ? L’idée même me paraît aberrante !

Cet amendement est un amendement de repli. La sanction de la mendicité dans les trains ne répond aucunement à l’objectif de sûreté dans les transports qui est censé guider cette proposition de loi.

À défaut de la suppression de cette sanction bien trop disproportionnée, nous souhaitons voir appliquer les dispositions déjà prévues dans le code des transports à l’article L. 2241-6, afin de permettre une mise à l’abri et un réel accompagnement social de la personne en situation de précarité.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. Nous n’avons créé aucune nouvelle infraction : celles-ci existaient déjà et nous ne modifions pas leur caractérisation. Nous délictualisons uniquement la répétition. L’infraction existe : elle ne devient un délit que si elle se répète, au même titre d’ailleurs que toutes les autres infractions à la police du transport. (MM. Jacques Fernique et Guy Benarroche sexclament.)

C’est pourquoi nous sommes défavorables à ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 49.

Comme je l’ai souligné tout à l’heure, le délit d’incivilité d’habitude recouvre beaucoup de comportements hétéroclites. Y inclure la mendicité paraît excessif. J’aurais pu comprendre que l’on veuille s’attaquer à la mendicité agressive, mais là… Je suis donc favorable aux amendements identiques nos 48 et 67.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Tabarot, pour explication de vote.

M. Philippe Tabarot. Évitons toute démagogie sur le sujet. (Marques dironie sur les travées du groupe SER.) Il n’est pas question de remettre au goût du jour un quelconque délit de mendicité.

M. Philippe Tabarot. Vous oubliez de préciser que la mendicité sur le domaine public ferroviaire et routier est interdite et punie aujourd’hui d’une contravention de quatrième classe, respectivement au titre des articles R. 2241-16 et R. 3116-8 du code des transports. Nous souhaitons simplement créer un délit d’incivilité d’habitude. C’est donc l’habitude qui crée ici le délit, et non la mendicité elle-même.

Chez vous, tout est prétexte à mettre en avant ces problématiques, mais soyez honnêtes et reconnaissez qu’il n’est absolument pas question de mettre en place un tel délit.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Si, c’est un délit !

M. Philippe Tabarot. Quant à votre amendement n° 49, monsieur Benarroche, sachez que la RATP fonctionne le soir avec des équipes dédiées à la prise en charge des sans-abri.

Tous les soirs, ces équipes assurent un service social pour trouver à ces personnes des solutions de relogement d’urgence.

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. Vous ne m’apprenez rien, monsieur Tabarot ! Je sais parfaitement que des équipes de la RATP ou de la Régie des transports métropolitains (RTM) à Marseille s’occupent tous les soirs de mettre à l’abri les personnes qui mendient.

Toutefois, vos propos sont contradictoires. Vous dites qu’il s’agit de créer un délit d’habitude et non de mendicité. Or, monsieur Tabarot, les gens qui mendient le font plusieurs jours d’affilée, excepté s’ils gagent au loto où s’ils se voient réellement proposer une solution qui les mette à l’abri !

Si l’engagement du Président de la République de ne plus laisser une seule personne dans la rue avait été tenu, plus personne ne mendierait dans les gares, monsieur Tabarot ! Si des gens mendient toujours, c’est qu’ils en ont besoin ! Que proposez-vous pour les aider ? De leur faire payer une amende s’ils mendient cinq ou dix fois d’affilée ou de les jeter en prison ? C’est cela votre solution ? Et comment régleront-ils cette amende ?

Alors que des agents de la RATP ou de la RTM, ainsi que les associations et des élus, essaient de trouver des solutions, ce n’est pas sérieux ! (M. Thomas Dossus applaudit. – Marques dapprobation sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 48 et 67.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 49.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 12, modifié.

(Larticle 12 est adopté.)

Article 12
Dossier législatif : proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports
Article 14

Article 13

I. – Après le chapitre III du titre III du livre VI de la première partie du code des transports, il est inséré un chapitre III bis ainsi rédigé :

« CHAPITRE III BIS

« Peine complémentaire dinterdiction de paraître dans un ou plusieurs réseaux de transport public

« Art. L. 1633-3. – Lorsque les faits ont été commis dans un véhicule affecté au transport collectif de voyageurs ou dans un lieu destiné à l’accès à un moyen de transport collectif de voyageurs, les personnes déclarées coupables soit d’un crime, soit des délits prévus aux articles 222-11 à 222-13, 222-22 à 222-22-2, 222-32, 222-33, 311-1 à 311-6, 312-1 et 312-2 du code pénal, encourent également la peine complémentaire d’interdiction, pour une durée de trois ans au plus, de paraître dans tout ou partie d’un ou plusieurs réseaux de transport public déterminés par la juridiction ou dans les lieux permettant l’accès à ces réseaux.

« La peine est prononcée en tenant compte des impératifs de la vie privée, professionnelle et familiale de la personne condamnée. Elle peut être suspendue ou fractionnée en application du troisième alinéa de l’article 708 du code de procédure pénale.

« Lorsque l’interdiction de paraître accompagne une peine privative de liberté sans sursis, elle s’applique à compter du jour où la privation de liberté a pris fin.

« La violation de cette interdiction est punie des peines prévues à l’article 434-41 du code pénal.

« Le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, le préfet de police, communique aux personnes morales en charge d’une mission de transport collectif de voyageurs l’identité des personnes faisant l’objet de cette interdiction, dans des conditions précisées par voie réglementaire. »

II. – Le 13° de l’article 230-19 du code de procédure pénale est ainsi rétabli :

« 13° L’interdiction de paraître dans un ou plusieurs réseaux de transport public prononcée en application de l’article L. 1633-3 du code des transports ; ».

III. – Le chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de la justice pénale des mineurs est complété par un article L. 121-8 ainsi rédigé :

« Art. L. 121-8. – La peine prévue à l’article L. 1633-3 du code des transports est applicable aux mineurs de plus de seize ans. Sa durée ne peut excéder un an. »

Mme la présidente. L’amendement n° 75 rectifié bis, présenté par MM. Tabarot, Belin, Bouchet, Brisson, Burgoa, Courtial et Daubresse, Mme Demas, M. Dhersin, Mmes Dumas, Dumont, Estrosi Sassone, Herzog et Joseph, MM. Karoutchi, Khalifé, Lefèvre, H. Leroy, Longeot et Maurey, Mme Muller-Bronn, M. Paccaud, Mme Pluchet, MM. Rapin, Pellevat, Sautarel, Savin et Genet, Mme Valente Le Hir, MM. Grosperrin, Mandelli, Somon, Laugier et Chaize, Mmes Gosselin, M. Mercier, Imbert et Garnier, M. Capo-Canellas, Mme Evren, MM. Anglars, Sido, Chevrollier et Pernot, Mmes Aeschlimann et de Cidrac, MM. Fargeot, Meignen et Perrin et Mmes Micouleau, Malet et Borchio Fontimp, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Après les mots :

code pénal

insérer les mots :

et aux articles L. 2242-1 à L. 2242-10 du présent code

La parole est à M. Philippe Tabarot.

M. Philippe Tabarot. Le présent amendement vise à élargir la liste des délits pouvant donner lieu à une peine complémentaire portant interdiction de paraître dans les réseaux de transport aux délits commis en matière de police ferroviaire.

L’objectif est de prononcer cette peine à l’encontre des personnes ayant, par exemple, cherché à faire dérailler des véhicules ou à provoquer leur collision.

Il semble en effet préférable d’interdire à des individus ayant commis de tels délits l’accès à certains réseaux, afin de garantir la sécurité de tous.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. Favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 75 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 13, modifié.

(Larticle 13 est adopté.)

Article 13
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Article 15

Article 14

Après l’article L. 2242-4 du code des transports, sont insérés des articles L. 2242-4-1 et L. 2242-4-2 ainsi rédigés :

« Art. L. 2242-4-1. – Est puni de 3 750 € d’amende le fait d’abandonner ou de déposer intentionnellement, sans surveillance, des matériaux ou objets dans les espaces et véhicules affectés au transport public de voyageurs ou de marchandises.

« L’action publique peut être éteinte, y compris en cas de récidive, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 300 €. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 250 € et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 600 €.

« Les dispositions des articles 495-20 et 495-21 du même code relatives à l’exigence d’une consignation préalable à la contestation de l’amende forfaitaire ne sont pas applicables.

« Art. L. 2242-4-2 (nouveau). – Est puni de 2 500 € d’amende le fait d’abandonner par imprudence, inattention ou négligence, des matériaux ou objets engendrant la mise en œuvre d’un périmètre de sécurité défini par les forces de sécurité intérieure ou d’un périmètre de précaution mis en place par l’opérateur de transport et ayant pour conséquence directe d’entraver la circulation des trains. »

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jacquin, sur l’article.

M. Olivier Jacquin. Nous voterons pour la suppression de cet article.

Chacun sait qu’il est pénible d’être dans un train en retard. On sait aussi que les retards de train coûtent cher. Jean Castex, lors de son audition, chiffrait le coût de ces retards à la RATP à un mois de fonctionnement de la ligne 8 du métro, ce qui est considérable. Je vous laisse imaginer ce que cela représente pour l’ensemble de la SNCF.

Or le texte, dans sa version initiale, prévoyait de créer également un délit non intentionnel d’oubli visant à punir une simple faute d’inattention causant indirectement du retard. C’est absolument disproportionné !

Madame la rapporteure a fait comme elle pouvait en tentant de distinguer au mieux deux formes d’oubli : une simple faute inattention, que l’on sanctionnerait faiblement, et l’oubli volontaire.

Néanmoins, comment différencier le second oubli du premier ? Tout cela n’est pas sérieux. Pas plus que je n’étais sérieux, d’ailleurs, lors de l’audition de Jean-Pierre Farandou, quand j’ai proposé comme solution encore plus radicale de faire exploser les bagages oubliés involontairement pour obtenir un effet pédagogique massif et éviter de perdre les vingt minutes qui sont nécessaires aux voyageurs distraits pour récupérer leurs affaires !

Au demeurant, qui se risquerait à venir récupérer sa valise si un simple oubli pouvait être sanctionné d’une pénalité de 3 750 euros ? À ce prix, nul ne viendrait récupérer son bagage.

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 43 est présenté par MM. Fernique, Benarroche et Dossus, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, M. Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

L’amendement n° 78 rectifié est présenté par M. Chaillou, Mme de La Gontrie, MM. Jacquin et Durain, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mmes Linkenheld et Narassiguin, MM. Roiron, Bourgi et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jacques Fernique, pour présenter l’amendement n° 43.

M. Jacques Fernique. L’article 14 vise à traiter cette véritable plaie que constitue l’oubli ou l’abandon de bagages.

De tels oublis ont des conséquences sur le service. Pour la RATP, mis bout à bout, ces arrêts représentent l’équivalent d’une interruption de fonctionnement de la ligne 8 pour l’ensemble du mois de décembre. Il s’agit de traiter efficacement ce phénomène. Mais sera-t-il efficace de réprimer très sévèrement ces abandons ou ces oublis par de très lourdes amendes ? Ce faisant, obtiendrons-nous des résultats ? Une telle menace aussi disproportionnée ne risque-t-elle pas d’être contre-productive ?

Tout d’abord, comment parvenir à discerner le caractère intentionnel ou non de l’abandon ? Il semble difficile, voire impossible, d’attester de l’intention ou de la négligence lié à un oubli. Les risques de jugements discrétionnaires paraissent donc trop importants.

La mesure pourrait ensuite être contre-productive, comme nous l’avons vu lors des auditions avec la rapporteure et avec l’auteur de la proposition de loi. Ne pensez-vous pas que le contrevenant sera d’autant moins incité à se faire connaître rapidement et à éviter ainsi l’immobilisation dans tout le périmètre de sécurité s’il risque une amende considérable ? La valeur des affaires présentes à l’intérieur de son bagage oublié en vaut-il la peine ?

Par ailleurs, la sanction en cas d’oubli par négligence semble disproportionnée et excessive. Une personne qui oublie son bagage n’est-elle pas davantage une victime de sa distraction qu’un contrevenant fautif, voire délinquant ?

Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Jacques Fernique. Je m’interroge aussi sur le montant de cette amende, soit 3 750 euros, madame la présidente, mais j’en dirai davantage en explication de vote.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Chaillou, pour présenter l’amendement n° 78 rectifié.

M. Christophe Chaillou. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. La RATP m’a signalé que, en 2023, plus de 2 269 objets avaient été délaissés sur le réseau ferré. Elle a également précisé que 46 % des objets délaissés avaient entraîné une interruption de trafic, aboutissant ainsi à un total de cinq cent douze heures d’interruption de trafic sur le réseau RATP pour cette seule année.

Nous ne pouvons rester passifs face à cette réalité. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous propose de maintenir l’article 14.

J’émets donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Cet article, qui vise à ériger en délit le simple oubli d’un bagage, apparaît excessif. Il convient de rappeler que les infractions d’imprudence ou de négligence, c’est-à-dire non intentionnelles, constituent l’exception dans notre droit répressif, et sont en principe réservées aux situations les plus graves – décès ou blessures importantes, par exemple.

Je suis donc favorable à ces deux amendements identiques de suppression.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Fernique, pour explication de vote.

M. Jacques Fernique. L’amende de 3 750 euros d’amende n’est pas une nouveauté. L’article L. 2242-4 du code des transports permet déjà de réprimer ces faits en infligeant aux cas extrêmes cette sanction. J’ai vérifié. C’est d’ailleurs ce que la SNCF signale sur les titres.

Si l’alerte n’a pas eu de conséquences sur le trafic, l’oubli relève de l’indemnité forfaitaire, soit quelques centaines d’euros. En revanche, si l’oubli a entraîné des conséquences sur le trafic des trains, la SNCF se réserve le droit de porter plainte, ce qui peut vous coûter jusqu’à 3 750 euros d’amende et six mois de prison. M. Farandou a reconnu que la mesure n’était, de fait, jamais appliquée, car elle était totalement disproportionnée !

Votre texte rencontrera la même absence d’efficacité. L’abandon de bagage est déjà passible d’une amende de 3 750 euros. Quant à augmenter légèrement l’amende forfaitaire, ce levier existe déjà. Or il est bien peu actionné. Une telle menace, même annoncée à grand fracas, ne changera pas grand-chose.

Un levier efficace serait plutôt de nous tourner vers ce que font les services publics de transport des pays étrangers où la culture de l’étiquetage des bagages est automatique. Peut-être conviendrait-il de généraliser cette pratique chez nous ?

Cela implique une vigilance importante et un renforcement du travail de prévention et d’alerte. C’est une voie praticable. C’est d’ailleurs celle qu’utilisent déjà la SNCF et la RATP : on ne peut pas descendre d’un TGV ou d’un train sans recevoir un rappel, et il y a des affiches partout. C’est de ce côté-là que l’on peut agir, car on ne pourra pas calquer pour les bagages ce qui se pratique dans les aéroports.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Tabarot, pour explication de vote.

M. Philippe Tabarot. Cette histoire de bagages est également quelque peu caricaturée. Pourtant il s’agit d’un vrai fléau.

Monsieur le ministre, je suis surpris de vos propos : on voit que vous êtes nouveau en tant que ministre des transports. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) Plus de 1 000 personnes sont affectées quotidiennement par des oublis de bagage. Dans quelques jours, quand vous ouvrirez le courrier écrit par les usagers mécontents d’avoir été coincés dans les gares et sur les grandes lignes pour vous dire combien leur voyage a été un véritable cauchemar, vous changerez d’avis !

J’ai déjà discuté avec mon collègue Fernique de l’inquiétude que pourraient éprouver certains passagers à l’idée d’aller récupérer leurs bagages. Mais quand une personne est de bonne foi et se manifeste rapidement, c’est-à-dire avant l’installation d’un périmètre de sécurité, il n’y a aucune raison de la sanctionner !

En outre, pour les autres, c’est-à-dire pour ceux qui sont passibles d’une amende de 3 750 euros, je vous rappelle qu’il existe des amendes forfaitaires délictuelles, dont le montant est très largement inférieur. Peu de personnes paieront l’amende de 3 750 euros, abaissée à 2 500 euros par la commission des lois, y compris ceux qui ne souhaitent pas régler les amendes forfaitaires délictuelles, même rehaussées.

Je le répète, les oublis de bagage constituent un véritable fléau. La délictualisation est demandée à la fois par les opérateurs et par les usagers, qui ne supportent plus ces retards quasi permanents à cause de la négligence des autres. Comme l’a souligné Else Joseph dans la discussion générale tout à l’heure, il ne saurait y avoir d’impunité totale, dès lors que ces oublis ont de telles conséquences sur des milliers de personnes.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Monsieur le sénateur Tabarot, je n’ai pas attendu d’être ministre des transports pour prendre le train ! (Sourires.)

M. Philippe Tabarot. Attendez de recevoir les courriers !

M. Patrice Vergriete, ministre délégué. J’ai donc déjà vécu un certain nombre de retards liés à des oublis de bagages. Mais, vous savez, ce qui m’intéresse en tant que ministre des transports, c’est l’efficacité.

Nous sommes en train de travailler, par exemple dans le cadre des jeux Olympiques, sur les brigades cinéphiles, afin d’augmenter le nombre de chiens et les assermentations.

M. Philippe Tabarot. Grâce à l’article 4 de notre texte !

M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Exactement ! Trouvons donc des solutions efficaces.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 43 et 78 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 50 rectifié bis est présenté par Mme Guillotin, MM. Gold, Daubet, Guérini, Masset et Guiol, Mme Girardin, M. Roux, Mme Pantel, MM. Bilhac et Fialaire, Mme M. Carrère et M. Cabanel.

L’amendement n° 68 est présenté par M. Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour présenter l’amendement n° 50 rectifié bis.

Mme Véronique Guillotin. Cet amendement vise à supprimer non pas l’ensemble de l’article, mais uniquement l’alinéa 5. Il s’agit donc de maintenir une sanction uniquement pour les cas d’abandon intentionnel de bagages ou de colis et de supprimer la sanction par imprudence, inattention ou négligence.

Certes, il arrive que certains contrôleurs se montrent bienveillants, mais d’autres le sont moins et font preuve de plus de rigueur. J’ai cité sur le ton de l’humour dans la discussion générale l’exemple d’un oubli de poussette. Il arrive à tout le monde d’oublier un bagage. Faire entrer ces oublis dans le cadre d’une réglementation compliquerait certaines situations, d’autant qu’une amende de 2 500 euros semble disproportionnée.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Barros, pour présenter l’amendement n° 68.

M. Pierre Barros. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. La commission est évidemment défavorable à ces amendements de suppression de l’alinéa 5, pour les raisons que j’ai déjà évoquées tout à l’heure.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 50 rectifié bis et 68.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 14.

(Larticle 14 est adopté.)

Article 14
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Après l’article 15

Article 15

Après le chapitre III du titre III du livre VI de la première partie du code des transports, il est inséré un chapitre III ter ainsi rédigé :

« CHAPITRE III TER

« Délits réprimant lutilisation détournée des véhicules de transport public de personnes

« Art. L. 1633-5. – Est puni de six mois d’emprisonnement et de 3 750 € d’amende le fait pour toute personne de monter ou de s’installer sur un véhicule de transport public de personnes, de l’utiliser comme engin de remorquage, ou de se maintenir sur les marchepieds ou à l’extérieur dudit véhicule pendant la marche sans autorisation.

« L’action publique peut être éteinte, y compris en cas de récidive, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 300 €. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 250 € et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 600 €.

« Les dispositions des articles 495-20 et 495-21 du même code relatives à l’exigence d’une consignation préalable à la contestation de l’amende forfaitaire ne sont pas applicables. » – (Adopté.)

Article 15
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Chapitre V

Après l’article 15

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° 5 rectifié est présenté par MM. Capus, Rochette, Grand, Chasseing, Médevielle et Chevalier, Mmes L. Darcos et Paoli-Gagin, MM. Wattebled et A. Marc, Mme Bourcier, M. V. Louault, Mme Lermytte et MM. Brault, L. Vogel et Verzelen.

L’amendement n° 51 rectifié bis est présenté par MM. E. Blanc et Lefèvre, Mme Aeschlimann, MM. Sautarel, Khalifé et Burgoa, Mmes M. Mercier et Gosselin, MM. Reichardt et Milon, Mme Imbert, MM. Sol, Genet, Somon, Reynaud, Piednoir, Paccaud et Pellevat, Mme Goy-Chavent, MM. Sido, Bouchet, de Nicolaÿ, Bruyen et Saury, Mmes Berthet, Lassarade et Primas, M. Belin, Mme Dumont, MM. Meignen et Cuypers et Mme Chain-Larché.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 15

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l’article L. 2241-1 du code des transports, après les mots : « la contravention d’outrage sexiste et sexuel, » sont insérés les mots : « le délit prévu à l’article L. 446-1 du code pénal, ».

La parole est à M. Pierre Jean Rochette, pour présenter l’amendement n° 5 rectifié.

M. Pierre Jean Rochette. Cet amendement, comme l’amendement n° 6 rectifié, a été présenté par mon excellent collègue Emmanuel Capus. Ils ont le même objet : lutter contre la vente à la sauvette aux abords des structures de transport public, qui sont génératrices de trafic.

S’ils sont très proches, l’amendement n° 5 rectifié vise à sanctionner, par une amende forfaitaire, les ventes à la sauvette, alors que l’amendement n° 6 rectifié vise l’acquisition de produits du tabac vendus à la sauvette.

Mme la présidente. La parole est à M. Khalifé Khalifé, pour présenter l’amendement n° 51 rectifié bis.

M. Khalifé Khalifé. Cet amendement vise à insérer dans la proposition de loi un article additionnel, afin de sanctionner d’une amende forfaitaire le délit de vente à la sauvette.

Mme la présidente. L’amendement n° 6 rectifié, présenté par MM. Capus, Rochette, Grand, Chasseing, Médevielle et Chevalier, Mmes L. Darcos et Paoli-Gagin, MM. Wattebled et A. Marc, Mme Bourcier, MM. L. Vogel, Verzelen et Brault, Mme Lermytte et M. V. Louault, est ainsi libellé :

Après l’article 15

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l’article L. 2241-1 du code des transports, après les mots : « la contravention d’outrage sexiste et sexuel, » sont insérés les mots : « le délit prévu à l’article R. 644-3 du code pénal, ».

Cet amendement est déjà défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. Ces amendements sont satisfaits, un tel dispositif ayant été voté dans la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

Par conséquent, j’en sollicite le retrait.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Même avis : le gouvernement demande le retrait de ces trois amendements.

Mme la présidente. Monsieur Rochette, les amendements nos 5 rectifié et 6 rectifié sont-ils maintenus ?

M. Pierre Jean Rochette. Non, je les retire, madame la présidente, même si j’ai déjà retiré beaucoup d’amendements ce soir…

Mme la présidente. Les amendements nos 5 rectifié et 6 rectifié sont retirés.

Monsieur Khalifé, l’amendement n° 51 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Khalifé Khalifé. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 51 rectifié bis est retiré.

Chapitre V

Création d’un fichier administratif pour centraliser les auteurs d’infractions dans les transports

Après l’article 15
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Article 16

Mme la présidente. L’amendement n° 84, présenté par Mme Bellurot, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi l’intitulé de cette division :

Chapitre V : Transmission d’informations au ministère public

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 84.

(Lamendement est adopté.)

Chapitre V
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Article 17

Article 16

Le chapitre III bis du titre III du livre VI de la première partie du code des transports, tel qu’il résulte de l’article 13 de la présente loi, est complété par un article L. 1633-4 ainsi rédigé :

« Art. L. 1633-4. – Afin de faciliter la constatation des violations de l’interdiction prévue à l’article L. 1633-3, les agents mentionnés aux 4° et 5° du I de l’article L. 2241-1 transmettent au ministère public les procès-verbaux dressés en application du même I dans les meilleurs délais. » – (Adopté.)

Chapitre VI

Mesures relatives à la sécurisation du recrutement et de l’affectation en lien avec les transports

Article 16
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Article 18

Article 17

I. – Le 11° de l’article L. 225-5 du code de la route est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsqu’une personne employée comme conducteur de véhicule à moteur fait l’objet d’une mesure administrative dûment notifiée portant suspension, annulation ou interdiction de délivrance d’un permis de conduire, cette information est portée directement à la connaissance de l’entreprise de transport public qui l’emploie, sans qu’une demande préalable soit nécessaire ; ».

II (nouveau). – Le sixième alinéa du I de l’article 11-2 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsqu’une personne employée comme conducteur de véhicule à moteur fait l’objet d’une décision judiciaire à caractère définitif portant suspension, annulation ou interdiction de délivrance d’un permis de conduire, cette information est portée directement à la connaissance de l’entreprise de transport public qui l’emploie, sans qu’une demande préalable soit nécessaire. »

Mme la présidente. L’amendement n° 83, présenté par Mme Bellurot, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer les mots :

, sans qu’une demande préalable soit nécessaire

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 83.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 17, modifié.

(Larticle 17 est adopté.)

Article 17
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Après l’article 18

Article 18

L’article L. 6342-4 du code des transports est ainsi modifié :

1° Les première et deuxième phrases du second alinéa du II sont remplacées par une phrase ainsi rédigée : « Ces agents ne procèdent à la fouille des bagages à main et des autres objets transportés qu’avec le consentement de leur propriétaire et à des palpations de sûreté qu’avec le consentement de la personne. » ;

2° Le IV est abrogé.

Mme la présidente. L’amendement n° 38, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. Dossus, Fernique, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, M. Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Ces agents informent expressément les personnes de leur droit de refuser la fouille et la palpation de sûreté.

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Cet amendement a le même objet que bien d’autres que j’ai défendus ici à l’occasion de l’examen de différents textes – sur les jeux Olympiques, par exemple.

Son objet est très simple : il s’agit de préciser que les agents doivent informer les personnes de leur droit de refuser que l’on effectue sur eux une palpation de sûreté ou une fouille de leurs effets personnels.

J’ai demandé plusieurs fois que ce droit de refus soit affiché ou mentionné par les agents qui réalisent ces gestes, les gens n’en ayant pas forcément la connaissance – l’objectif des usagers des transports n’est pas, a priori, de commettre des délits ou des infractions !

Si le recueil de leur consentement est obligatoire, il faut aussi, au préalable, leur indiquer expressément que ces actes peuvent être refusés ; cela paraît indispensable.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. Il est déjà prévu que les opérations de contrôle ne peuvent être réalisées qu’avec le consentement exprès des personnes et sous le contrôle d’un officier de police judiciaire (OPJ). Les garanties existent donc déjà.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Cet amendement étant satisfait, le Gouvernement en sollicite le retrait.

Mme la présidente. Monsieur Benarroche, l’amendement n° 38 est-il maintenu ?

M. Guy Benarroche. La réponse que l’on me fournit ne correspond pas à ma demande.

Bien sûr qu’il faut le consentement ! Je ne prétends pas le contraire. Je dis simplement qu’il faut informer les usagers de leur droit de refus. C’est ce droit qu’il convient de préciser !

M. le ministre me dit que l’amendement est satisfait. Pour ma part, je ne suis pas du tout satisfait (Sourires.), raison pour laquelle je maintiens mon amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 38.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 18.

(Larticle 18 est adopté.)

Article 18
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Article 19

Après l’article 18

Mme la présidente. L’amendement n° 70 rectifié bis, présenté par Mmes M. Mercier et Antoine, M. Belin, Mme Berthet, MM. Bouchet, Brisson, Bruyen, Burgoa, Cambier et Capo-Canellas, Mme Carrère-Gée, MM. Courtial et Delcros, Mmes Deseyne, Di Folco et Dumont, MM. Frassa et Genet, Mmes Guidez et Gosselin, M. Grosperrin, Mmes Imbert, Jacquemet, Josende et Joseph, M. Klinger, Mme Lassarade, MM. Lefèvre, H. Leroy et Levi, Mmes Lopez et Malet, MM. P. Martin et Maurey, Mme Micouleau, M. Pellevat, Mme Perrot, MM. Piednoir et Rapin, Mmes O. Richard et Romagny, MM. Saury, Sido et Sol, Mme Sollogoub, MM. Somon et Szpiner et Mme Vérien, est ainsi libellé :

Après l’article 18

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le dernier alinéa de l’article 706-53-7 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Le mot : « et » est remplacée par le signe : « , » ;

2° après le mot : « régional », sont insérés les mots : « et les entreprises de transport public de personnes ».

La parole est à Mme Marie Mercier.

Mme Marie Mercier. Les auteurs d’infraction sexuelle sont inscrits au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (Fijais). Celui-ci peut être consulté par les élus locaux par l’intermédiaire du préfet, de façon à s’assurer, par exemple, de l’honorabilité d’agents appelés à travailler au contact des mineurs.

Nous pourrions calquer ce dispositif sur les chefs d’entreprise de transport de mineurs, ce qui permettrait d’éviter que des chauffeurs ayant commis des infractions sexuelles puissent conduire des bus transportant des mineurs.

Si vous me permettez de rappeler cette triste histoire, Émile Louis était conducteur de bus, ce qui lui permettait de repérer ses victimes.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. La commission émet un avis tout à fait favorable sur cet excellent amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Cet amendement a pour objet d’accorder aux entreprises de transport public un accès au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes.

L’administration a déjà accès à ce fichier pour contrôler la moralité des personnes en contact avec les mineurs.

Le Gouvernement comprend l’intention des auteurs de cet amendement. Toutefois, sa rédaction ne convient pas, dès lors que les entreprises de transport ne prennent pas de décisions administratives. Cet amendement pourrait donc être retravaillé dans le cadre de la navette.

Pour l’heure, je m’en remets à la sagesse du Sénat.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 70 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 18.

Chapitre VII

Mesures relatives au renforcement de la lutte contre la fraude dans les transports

Après l’article 18
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Après l’article 19

Article 19

I. – L’article L. 2241-2-1 du code des transports est ainsi modifié :

1° À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « pénale, », sont insérés les mots : « les agents mentionnés aux 4° et 5° du I de l’article L. 2241-1 du présent code et » et les mots : « même code » sont remplacés par les mots : « code de procédure pénale » ;

2° (nouveau) Le dernier alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Ce dernier précise notamment les conditions dans lesquelles une personne morale de droit privé peut être sélectionnée en tant que personne morale unique au sens du présent article et les exigences de formation et de mise à jour régulière des connaissances en matière de protection des données à caractère personnel auxquels les agents mentionnés au troisième alinéa du présent article doivent satisfaire pour être habilités. Il définit notamment les conditions dans lesquelles les données échangées peuvent être conservées ainsi que les conditions dans lesquelles les opérations de transfert, de consultation, de conservation et d’effacement de ces données sont enregistrées et les modalités de contrôle par l’administration de la personne morale unique. »

II. – Le deuxième alinéa de l’article L. 166 F du livre des procédures fiscales est ainsi modifié :

1° Après le mot : « transmette », sont insérés les mots : « aux agents mentionnés aux 4° et 5° du I de l’article L. 2241-1 du code des transports et » ;

2° Les mots : « au même article 529-4 » sont remplacés par les mots : « à l’article 529-4 du code de procédure pénale » ;

3° À la fin, les mots : « nécessaires à l’exercice de cette mission » sont remplacés par les mots : « mentionnées au premier alinéa du présent article ».

Mme la présidente. L’amendement n° 39, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. Dossus, Fernique, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, M. Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Cet amendement a pour objet de supprimer l’alinéa 3 de l’article 19, à savoir le renvoi à un décret pour la définition des modalités de sélection des personnes morales de droit privé, qui seraient amenées à récolter des données fiscales et sociales sensibles auprès des administrations publiques et des organismes de sécurité sociale dans les cas de recouvrement des sommes dues pour les contraventions.

Selon nous, les agents chargés du recouvrement habilités à communiquer des données fiscales et sociales doivent être des agents assermentés des opérateurs de transport, dûment formés en matière de protection des données à caractère personnel.

Aujourd’hui, sur un autre dossier, celui du narcotrafic, l’inspection générale de la police nationale (IGPN), la gendarmerie et les douanes nous ont expliqué à quel point les questions du traitement des données à caractère personnel et de la corruption des fichiers étaient importantes.

Je me permets donc d’insister, mes chers collègues : il faut vraiment que les agents soient assermentés et formés.

Or le renvoi à un décret auquel procède l’article 39 ne permet pas de connaître précisément les personnes qui pourront être désignées comme compétentes pour procéder à la saisie de ces données à caractère personnel ni de connaître avec précision les modalités de contrôle de l’administration.

En l’absence de ces garanties, que, par exemple, la police, la gendarmerie ou les douanes sont en train de mettre en place – à l’inverse de nous –, il est préférable que la loi fixe directement les conditions et les modalités des contrôles opérés.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. La commission considère que cet amendement n’est pas opérant, dans la mesure où ce décret est prévu par l’article L. 2241-2-1 du code des transports, dans sa version en vigueur.

L’article 19 du texte, dans sa rédaction issue des travaux de la commission, se borne à en préciser le contenu, pour renforcer les garanties entourant la mise en œuvre du dispositif.

J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.

M. Olivier Jacquin. Pour avoir réalisé une audition du syndicat CFDT Prévention Sécurité, j’ai pu constater que les agents demandaient à avoir plus de prérogatives.

Je leur ai expliqué très précisément les raisons constitutionnelles pour lesquelles nous ne souhaitions pas étendre les pouvoirs dont ils disposent sur la voie publique.

C’est dans ce contexte que nous soutiendrons cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 39.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 19.

(Larticle 19 est adopté.)

Article 19
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Après l’article 19

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 2 rectifié septies est présenté par MM. L. Vogel et Rochette, Mmes Bourcier et Lermytte, M. A. Marc, Mme L. Darcos et MM. Brault, V. Louault, Chevalier, Wattebled, Verzelen, Capus, Chasseing et Malhuret.

L’amendement n° 58 rectifié est présenté par Mmes Carrère-Gée et Aeschlimann, MM. Anglars et Belin, Mmes Belrhiti et Berthet, MM. Bouchet et Burgoa, Mmes Dumas, Evren, Goy-Chavent et Imbert, MM. Karoutchi et Klinger, Mmes Lassarade et Lavarde, M. Meignen, Mme M. Mercier, MM. Pellevat et Piednoir, Mme Primas et MM. Sautarel et Somon.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 19

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code des transports est ainsi modifié :

1° L’article L. 2241-2 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « du contrevenant » sont remplacés par les mots : « de l’auteur de l’infraction » ;

b) Au deuxième alinéa, les mots : « le contrevenant » sont remplacés par les mots : « l’auteur de l’infraction » et après le mot : « identité », sont insérés les mots : « et son adresse » ;

2° L’article L. 2241-10 est ainsi rédigé :

« Art. L. 2241-10. – Les auteurs d’infractions aux dispositions du présent titre, à la contravention d’outrage sexiste et sexuel, au délit prévu à l’article 222-33-1-1 du code pénal ainsi que les contraventions prévues par les règlements relatifs à la police ou à la sûreté du transport et à la sécurité de l’exploitation des systèmes de transport ferroviaire ou guidé, doivent être en mesure de justifier de leur identité et de leur adresse à bord des véhicules de transport ou dans les espaces affectés au transport public de voyageurs, ou sur le domaine public ferroviaire. Ils doivent, pour cela, être porteurs d’un document attestant cette identité et cette adresse ; la liste des documents valables est établie par arrêté conjoint du ministre de l’intérieur et du ministre chargé des transports. En cas d’infractions aux règles tarifaires, l’obligation prévue au présent alinéa ne s’applique pas si les auteurs de l’infraction régularisent immédiatement leur situation. »

La parole est à M. Pierre Jean Rochette, pour présenter l’amendement n° 2 rectifié septies.

M. Pierre Jean Rochette. J’ai beaucoup souffert ce soir, mais je ne désespère pas, alors que s’achèvent nos travaux, de voir adopter le dernier amendement que je présenterai.

Déposé par mon collègue Louis Vogel, il vise à étendre l’obligation d’être en mesure de justifier de son identité et de son adresse à toutes les infractions liées à la police des transports. Cela semble une évidence. J’espère, par conséquent, que cet amendement sera voté à l’unanimité.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, pour présenter l’amendement n° 58 rectifié.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Nadine Bellurot, rapporteure. Une extension aussi large de l’obligation de justifier de son identité auprès des agents de sûreté de la SNCF et de la RATP nous semble juridiquement fragile.

Je rappelle que les emprises de transport restent des lieux publics. Veillons, là encore, à respecter les équilibres du continuum de sécurité.

Je rappelle également que le droit prévoit un certain nombre d’outils, comme, pour les contrôleurs et les agents de sûreté, la possibilité de relever l’identité des contrevenants – à bien distinguer du contrôle d’identité –, ainsi que la possibilité, si ces derniers refusent, d’en aviser sans délai un OPJ et de les obliger à demeurer à disposition le temps nécessaire à l’information et à la décision de celui-ci, en application de l’article L. 2241-2 du code des transports.

Quant aux entreprises de transport, elles disposent de la possibilité de subordonner le voyage de leurs passagers à la détention d’un titre de transport nominatif. Dans ce cadre, le passager est tenu, lorsque l’entreprise de transport le lui demande, de présenter un document attestant son identité, afin que puisse être vérifiée la concordance entre celle-ci et l’identité mentionnée sur son titre de transport.

L’article 19 doit, enfin, permettre aux contrôleurs et aux agents de sûreté de vérifier l’exactitude des adresses relevées auprès de l’administration fiscale.

Pour toutes ces raisons, l’avis est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Le Gouvernement est également défavorable à ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. Puisque le carrosse ne se transformera visiblement pas en citrouille, compte tenu du nombre d’amendements restant à examiner, j’utiliserai le temps d’explication de vote auquel j’ai droit.

Avec ces deux derniers amendements, nous parvenons à une version maximaliste de ce à quoi nous invitait cette proposition de loi. Non que nous remettions en cause le principe même de la sécurité dans les transports, mais notre groupe ne votera pas ce texte in fine.

Je me permets de le dire, mes chers collègues, un certain nombre d’amendements que nous venons d’examiner visent à vendre du rêve aux gens.

Oui, le problème de la sécurité dans les transports est une réalité. Nous devons toutes et tous nous y attaquer, parce que le droit qu’a chaque citoyen de notre pays de se déplacer est indéniable.

Cependant, à vouloir trop en faire, nous allons aboutir à un texte de loi inapplicable. (M. Philippe Tabarot sourit.) Chers collègues, je vois certains d’entre vous sourire, mais admettez que l’adoption d’amendements visant les usagers qui mentent sur leur titre de résidence ne règle rien à nos problèmes.

Ce dont nous avons plus que jamais besoin, ce dont ont besoin les forces de l’ordre, les services de sécurité du transport ferroviaire et des autres modes de transport, c’est d’une présence humaine qui sécurise.

Pour toutes celles et tous ceux qui prennent les transports – je le dis d’autant plus tranquillement que je ne fais pas partie de ceux qui les utilisent le plus souvent –, la meilleure sécurité, c’est quand les transports sont empruntés par le plus grand nombre possible de leurs concitoyens.

Je crois que ces dispositions ne répondent pas à cet enjeu. Nous ne les voterons pas, pas plus que nous ne voterons l’ensemble de la proposition de loi.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Jean Rochette, pour explication de vote.

M. Pierre Jean Rochette. Je veux rebondir sur les propos de Mme la rapporteure.

Il est bien entendu que les agents ont d’ores et déjà le droit de relever l’identité. Ces amendements tendent seulement à permettre que l’on puisse vérifier celle-ci.

En effet, si le relevé de l’identité est une pratique établie, il arrive bien souvent qu’il n’y ait pas de suite, parce que les informations relevées sont fausses. Et il s’agit d’une vraie difficulté.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, pour explication de vote.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Je veux réagir à l’intervention, quasi philosophique, de ma collègue Cécile Cukierman, dont, d’ailleurs, je partage l’essentiel des propos.

Il s’agit non pas de compromettre la liberté d’aller et venir ou d’utiliser les transports publics, mais de faire en sorte que les auteurs d’infractions au code ou à la police des transports soient en mesure de justifier de leur identité. Nous ne sommes pas en train d’empêcher les gens de voyager !

Aujourd’hui, si un usager du métro n’a pas de ticket à présenter, il est d’ores et déjà possible de lui demander son identité. Il doit alors être en mesure de présenter une pièce d’identité. Nous voulons étendre cette possibilité à l’ensemble des infractions au code des transports.

Il n’y a là rien de grave, au contraire. C’est le seul moyen dont disposeront les opérateurs pour assurer l’efficacité des sanctions. Ils pourront, en effet, en cas de contravention, percevoir l’amende plus facilement qu’actuellement.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Ce texte suscite des amendements, qui, je le crois, sont l’occasion d’un débat de société intéressant.

Le problème des agents assermentés, notamment dans le cadre des contrôles, est réel. Hélas, ils manquent souvent cruellement de temps et de disponibilité.

Cela dit, il convient de tenir compte d’un autre sujet important. Nous l’avions évoqué, monsieur le ministre, lors de votre audition, devant la commission des finances, sur le sujet des autorités organisatrices de la mobilité (AOM). Il s’agit de la fraude.

C’est un sujet considérable, qui implique aussi des moyens humains. À cet égard, je rejoins la présidente Cécile Cukierman et ses collègues. Tout le monde n’est pas d’accord avec moi quand j’aborde ce sujet, mais rien ne vaut la présence humaine dans les gares et les trains !

Ce sont des brigades de six ou sept agents qui assurent la sûreté ferroviaire, que ce soit à la RATP ou à la SNCF. Je les connais bien : je les vois souvent et je parle avec eux, comme peuvent le faire d’autres de mes collègues, car c’est aussi en discutant que l’on apprend. On apprend tous les jours, mais il faut, pour ce faire, s’intéresser à ce que font les uns et les autres dans leurs activités respectives.

Si les brigades doivent être composées d’au minimum trois, voire quatre agents, ils ne peuvent pas être présents dans tous les trains !

Je me rallierai aux conclusions de notre rapporteure, mais je veux insister sur la grande importance de ces sujets.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 rectifié septies et 58 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Vote sur l’ensemble

Après l’article 19
Dossier législatif : proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Philippe Tabarot, pour explication de vote.

M. Philippe Tabarot. Madame la présidente, je veux, tout d’abord, remercier mes collègues de leur présence. Je les remercie de ces débats vivants, qui nous ont permis d’échanger.

Je félicite, bien sûr, la commission des lois, qui a réalisé un important travail.

Je salue la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, dont les avis sont toujours particulièrement avisés.

Je vous demande, mes chers collègues, de voter cette proposition de loi, parce qu’elle est attendue par les acteurs de terrain, par ceux qui sont en première ligne et – on l’a souvent dit – qui risquent leur vie au quotidien pour essayer d’améliorer la qualité des services de transport en général.

J’ai une pensée également pour tous les usagers qui galèrent au quotidien et qui nous demandent d’améliorer l’offre ferroviaire.

Or améliorer l’offre ferroviaire, c’est améliorer la qualité du service. Celle-ci passe par une offre abondante, par des trains, des tramways, des cars et des bus qui partent et qui arrivent à l’heure. Elle passe également par une sécurité indispensable pour développer le transport en commun – si nous avons eu des divergences ce soir, nous sommes au moins d’accord sur ce point.

J’engage tous ceux qui ont signé cette proposition de loi et, plus largement, tous ceux qui seraient convaincus par nos débats de ce soir à la voter.

J’espère qu’elle pourra voyager jusqu’à l’Assemblée nationale et être adoptée avant la fin de la session. En effet, je le répète, en dehors de la question des jeux Olympiques, de nombreux usagers et agents des opérateurs attendent ce texte avec impatience. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour explication de vote.

Mme Maryse Carrère. Comme beaucoup dans cet hémicycle, nous souscrivons au constat du manque d’efficacité du cadre juridique répressif qui est aujourd’hui en place.

Nous sommes d’accord sur la nécessité d’octroyer aux agents les moyens nécessaires à la sécurisation des transports en commun et de combler les lacunes de la législation pénale en vigueur.

Cela dit, il est difficile à notre groupe de négliger l’équilibre entre la sécurité et les libertés publiques. Certains dispositifs nous ont alertés, ainsi que Véronique Guillotin l’a souligné lors de la discussion générale.

Nous avons salué les travaux de la commission, qui avaient gommé une partie des défauts sécuritaires du texte initial, notamment en supprimant les articles 10 et 11. L’article 1er avait également été réécrit, sur l’initiative de notre rapporteure, dans une rédaction acceptable et mesurée.

En revenant en partie à la rédaction initiale du texte, notre assemblée a donc pris la décision de rompre l’équilibre qu’elle avait su pourtant créer.

Bien entendu, nous continuons de considérer qu’une partie des dispositions que nous avons votées ce soir sont nécessaires et attendues. Je pense, par exemple, à l’élargissement du périmètre d’intervention des agents de sécurité des transports aux abords immédiats des gares.

Malgré tout, si nous étions majoritairement favorables à cette proposition de loi lors de la discussion générale, ce n’est, hélas, plus le cas à l’issue de l’examen des amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Fernique, pour explication de vote.

M. Jacques Fernique. Je veux en effet assurer à Philippe Tabarot, auteur du texte et rapporteur pour avis, que, à défaut d’un vote commun sur sa proposition de loi, telle qu’elle a été modifiée, nous partageons la volonté que nos transports ferroviaires et nos réseaux de transport urbain soient des espaces où règne le bien vivre ensemble, dont la sûreté et la sécurité contribuent à l’attractivité et où les violences sexuelles et sexistes, particulièrement, reculent impérativement.

Si nous divergeons, ce n’est pas parce que nous serions aveuglés par un angélisme ou par une idéologie d’un autre temps, pour reprendre des appréciations expéditives qui ont été proférées à notre encontre en début de soirée.

Si nous divergeons, c’est sur notre appréciation différente des mesures proposées, de leur efficacité et de leur impact – certaines ont un caractère problématique, voire sont carrément inapplicables.

Après la proposition de loi Savary de 2016, après la proposition de loi Sécurité globale, l’ouvrage est revenu sur le métier.

La sécurité publique nécessite, pour agir en cohérence, la prise en compte du triptyque « prévention, dissuasion et répression ». Du fait qu’il s’agit d’une proposition de loi, les articles du texte ne tiennent pas cet équilibre.

Quelques-uns de ces articles reprennent des dispositions de sécurité globale qui ont été soumises à des réserves d’interprétation par le Conseil constitutionnel. En quoi les rédactions nouvelles présentes dans la proposition de loi sur ces sujets vont-elles davantage dans le sens des réserves que le Conseil constitutionnel a tenu à soulever, plutôt que de censurer purement et simplement ?

Ainsi, alors que le Conseil a tenu à rappeler l’obligation de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l’arbitraire, j’ai bien peur que le délit d’incivilité d’habitude ne soit juridiquement confus et ne devienne une accumulation hétéroclite, mettant au même niveau des comportements d’incivilité et des atteintes manifestes à la sécurité.

Un certain nombre d’articles proposent des ajustements pour répondre aux insuffisances de textes en vigueur. Nous les avons votés – je pense aux articles 2, 4, 5, 8 ter, 15 et 17.

Voyez, cher Philippe Tabarot, que notre aveuglement ne nous empêche pas de faire preuve d’un certain discernement ! (M. Philippe Tabarot sourit.)

Pour le reste, les mesures du texte sont parfois problématiques, pas toujours convaincantes et, pour certaines, inapplicables.

Voilà pourquoi le groupe écologiste votera contre ce texte.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Chaillou, pour explication de vote.

M. Christophe Chaillou. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en ouverture de l’examen de ce texte, j’ai rappelé que nous étions tous attachés à assurer la sécurité dans les transports. J’ai même précisé que, dans ce domaine, aucune forme d’angélisme ou d’idéologie n’était de mise.

Nous avons ainsi abordé la discussion de cette proposition de loi avec beaucoup de pragmatisme, en saluant les avancées permises par le travail de la commission des lois, notamment sur proposition de Mme la rapporteure, que je remercie de nouveau de son engagement.

Malheureusement, l’équilibre qui avait été plus ou moins rétabli dans le texte a disparu à l’issue de nos travaux en séance publique. Je regrette d’ailleurs que notre discussion ait donné lieu à une forme de caricature des positions des uns et des autres. Reste que nombre des dispositions retenues semblent fragiles au regard de la Constitution ; elles seront donc complètement inapplicables, qui plus est inefficaces.

Or les textes ayant trait à la sécurité ont précisément cet enjeu : s’il est important de réussir à les voter, il convient de s’assurer que les mesures qu’ils contiennent puissent être appliquées.

Enfin, un certain nombre des dispositions adoptées nous paraissent contraires à plusieurs grands principes relatifs aux libertés publiques.

C’est la raison pour laquelle, lors de la discussion générale, j’ai indiqué que le groupe SER réserverait son vote jusqu’à la fin de l’examen de ce texte. Le fragile équilibre auquel était parvenue la commission ayant disparu, c’est avec regret que nous voterons contre cette proposition de loi.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour explication de vote.

M. Jean-François Longeot. Pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre, il faut inciter nos concitoyens à utiliser les transports en commun. Pour cela, encore faut-il que les Français se sentent en sécurité dans les gares, le métro, les trains ou les bus.

C’est l’objectif de cette proposition de loi : démontrer que nous pouvons en toute sécurité emprunter les transports en commun. Ainsi, nous lutterons contre les émissions de gaz à effet de serre.

Je tiens à remercier sincèrement l’auteur de cette proposition de loi, Philippe Tabarot, de cette initiative importante. Les responsables de la SNCF et de la RATP que la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a auditionnés se sont dits satisfaits du texte proposé.

Je remercie également la commission des lois du travail important qu’elle a mené et de sa coopération avec la commission saisie pour avis. Certes, certains points de divergence ont parfois émergé, mais il me semble que le propre de la démocratie, c’est de pouvoir exprimer des points de vue différents, ce qui permet d’enrichir le débat.

Le groupe Union Centriste votera cette proposition de loi.

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. Je ne reviendrai pas sur les arguments déjà avancés par Christophe Chaillou et Jacques Fernique.

Nous sommes pragmatiques : en tant qu’écologistes, nous sommes des défenseurs de longue date des transports en commun, en particulier ferroviaires.

Aussi, il nous importe que la sécurité dans ces transports soit assurée. En la garantissant, nous permettons à un plus grand nombre de personnes de les emprunter.

Cependant, mes chers collègues, vous avez ce soir réintroduit dans ce texte un certain nombre de mesures que la commission des lois avait supprimées – on ne peut toutefois certainement pas accuser cette dernière d’avoir agi par dogmatisme ! À mes yeux, ce n’est que de la poudre de perlimpinpin : un fantasme, une idée, une promesse, qui ne sera pas tenue !

Les solutions sont ailleurs. En voici un exemple : dans mon territoire, la communauté d’agglomération du pays d’Aubagne et de l’Étoile a instauré la gratuité des transports en commun depuis très longtemps. Depuis lors, le nombre de contrôles a fortement diminué, la fréquentation a progressé et les incivilités sont en baisse. Tous les maires, quelle que soit leur appartenance politique, vous le confirmeront.

Monsieur Tabarot, ce que veulent les gens, ce sont non pas des mesures contre la mendicité dans les gares, mais un investissement encore plus important dans les transports, y compris de la part du Gouvernement. Je salue d’ailleurs le travail de l’ancien ministre Clément Beaune – et celui, à venir, du nouveau ministre –, car nous devons désormais tenir le cap et fixer des objectifs de développement des transports ferroviaires.

Il faut aller encore plus loin et plus vite que ce que nous faisons aujourd’hui pour lutter efficacement contre les gaz à effet de serre.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Bitz, pour explication de vote.

M. Olivier Bitz. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme je l’ai souligné lors de la discussion générale, les objectifs de cette proposition de loi sont louables.

D’une part, garantir la sécurité dans les transports en commun est une condition pour s’assurer de leur fréquentation par la population. Aussi, tout ce qui peut concourir à l’accroissement de leur sûreté va dans le bon sens.

D’autre part, cette proposition de loi est probablement le dernier véhicule législatif susceptible d’aboutir avant les jeux Olympiques.

Ce soir, nous avons donc le choix de voir le verre à moitié vide ou à moitié plein. En effet, un certain nombre de dispositions qui viennent d’être adoptées en séance ont été repoussées en commission. Cela me laisse d’ailleurs songeur : au regard du travail avec un très grand sérieux par la rapporteure et par la commission des lois dans son ensemble, je suis un peu gêné de voir la majorité sénatoriale le rejeter de cette manière…

Néanmoins, le groupe RDPI choisit de voir le verre à moitié plein et votera le texte issu de nos travaux. Espérons toutefois que la navette parlementaire permettra de revenir sur un certain nombre de dispositions qui semblent excessives.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Jean Rochette, pour explication de vote.

M. Pierre Jean Rochette. Nous voici parvenus au terme d’un débat riche et animé, reflet de convictions et de réalités territoriales différentes. Cela me paraît à la fois sain et naturel, car c’est précisément le rôle de cet hémicycle.

Certes, le faible succès de nos amendements nous chagrine quelque peu, mais cela n’enlève rien à l’excellent travail mené par Philippe Tabarot et la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

Bien entendu, nous souhaitons l’adoption de cette proposition de loi. Nous sommes d’ailleurs pressés d’en voir les résultats se concrétiser sur le terrain.

Ne serait-ce que parce qu’elle permettra à la Suge d’intervenir dans les gares routières – je pense notamment à celles de Lyon-Part-Dieu ou de Saint-Étienne-Châteaucreux, chères à tous mes collègues ligériens –, cette proposition de loi est une réussite. Le groupe Les Indépendants la votera avec une grande fierté.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Le Gouvernement se réjouit du travail qui a été accompli par le sénateur Tabarot et par la commission des lois. La sûreté dans les transports est en effet un sujet qui nous tient à cœur et sur lequel nous souhaitons tous avancer.

Je précise, à l’attention du sénateur Tabarot qui semble l’avoir oublié dans ses mots de conclusion, que le Gouvernement vient d’engager la procédure accélérée sur ce texte. Aussi devrions-nous pouvoir faire appliquer les mesures qu’il contient le plus rapidement possible. (Marques dapprobation sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 120 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 336
Pour l’adoption 227
Contre 109

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDPI et INDEP.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports
 

10

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 14 février 2024 :

À quinze heures :

Questions d’actualité au Gouvernement.

De seize heures trente à vingt heures trente :

(Ordre du jour réservé au groupe Les Indépendants)

Proposition de loi visant à garantir la confidentialité des consultations juridiques des juristes d’entreprise, présentée par M. Louis Vogel et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 321, 2023-2024) ;

Proposition de loi créant une dérogation à la participation minimale pour la maîtrise d’ouvrage pour les communes rurales, présentée par M. Dany Wattebled, Mme Marie-Claude Lermytte et plusieurs de leurs collègues (texte de la commission n° 325, 2023-2024).

Le soir :

Proposition de loi visant à conforter la filière cinématographique en France, présentée par Mmes Céline Boulay-Espéronnier, Sonia de La Provôté et M. Jérémy Bacchi (texte de la commission n° 323, 2023-2024).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 14 février 2024, à zéro heure cinq.)

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER