M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. Je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Nous comprenons la philosophie de votre amendement, monsieur le sénateur : il ne faut pas baisser la garde, nous devons collectivement rester vigilants, car la covid-19 circule toujours activement.

Vous désirez préserver le taux réduit de TVA dont bénéficient ces dispositifs de protection. Que les masques et autres produits permettant de lutter contre la propagation du virus restent accessibles est un enjeu de santé publique, mais aussi un enjeu financier, notamment pour les budgets des établissements de santé.

Un travail est en cours, en lien avec le ministre délégué chargé des comptes publics, pour permettre l’adoption d’une telle mesure lors de la nouvelle lecture de ce PLF par l’Assemblée nationale. Ainsi, nous partageons pleinement votre intention, monsieur le sénateur ; néanmoins, ce que vous proposez n’entre pas dans le périmètre des crédits de la présente mission.

C’est pourquoi je vous invite également à retirer cet amendement ; à défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.

M. le président. Monsieur Théophile, l’amendement n° II-1029 rectifié est-il maintenu ?

M. Dominique Théophile. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° II-1029 rectifié est retiré.

L’amendement n° II-952, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, MM. Parigi et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

I. – Créer le programme :

Extension d’Handigynéco

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins

 

1

 

1

Protection maladie

 

 

 

 

Compensation à la sécurité sociale du coût des dons de vaccins à des pays tiers et reversement des recettes de la Facilité pour la Relance et la Résilience (FRR) européenne au titre du volet « Ségur investissement » du plan national de relance et de résilience (PNRR)

 

 

 

 

Extension d’Handigynéco

1

 

1

 

TOTAL

1

1

1

1

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement vise à développer le programme Handigynéco, créé par l’ARS d’Île-de-France, qui entend favoriser l’accès à la santé sexuelle et reproductive des personnes en situation de handicap au moyen de l’intervention de sages-femmes auprès des femmes en situation de handicap accueillies dans les établissements médico-sociaux franciliens.

Basé sur une expérimentation menée par cette ARS, l’objectif d’Handigynéco est d’améliorer l’accès aux soins gynécologiques, à la prévention, ainsi qu’à l’information sur la vie affective et sexuelle et sur les violences faites aux femmes.

Dans une démarche d’« aller vers », il importe de préserver la santé génésique de ces femmes, très souvent négligée, voire ignorée.

En effet, les femmes handicapées subissent des violences spécifiques, liées à l’interaction entre le genre et le handicap, parmi lesquelles on compte les discriminations interpersonnelles, le déni de la vie sexuelle, les préjugés sur la maternité ou encore le difficile accès à des soins adaptés.

Le comité Femmes du Forum européen des personnes handicapées note que les femmes handicapées « sont victimes de traitements discriminatoires et de maltraitances qui affectent particulièrement leur santé et leurs droits sexuels et reproductifs, avec des conséquences importantes et parfois irrémédiables sur leur vie ».

Dès lors, trois types d’actions doivent être déployés : un suivi gynécologique adapté pour ces femmes ; une information sur la vie affective et sexuelle et sur les violences faites aux femmes pour l’ensemble des personnes accueillies dans les établissements ; enfin, une formation des professionnels de ces structures.

À cette fin, le présent amendement d’appel, soutenu par le Conseil national de l’ordre des sages-femmes, tend à doter d’un euro symbolique un nouveau programme nommé « Extension d’Handigynéco ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. Cet amendement d’appel est satisfait. J’en demande donc le retrait ; à défaut, l’avis serait défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. L’amendement est effectivement satisfait. Vous avez rappelé, madame la sénatrice, que le programme Handigynéco a d’abord été expérimenté en Île-de-France ; il l’a ensuite été en Bretagne et en Normandie. Cette dynamique a reçu sa concrétisation dans l’abondement, en 2023, du fonds d’intervention régional de manière à permettre à chaque ARS de mettre en place ce programme.

Ce financement, intégré à l’Ondam, satisfait votre demande. C’est pourquoi je vous invite à retirer cet amendement.

M. le président. Madame Poncet Monge, l’amendement n° II-952 est-il maintenu ?

Mme Raymonde Poncet Monge. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° II-952 est retiré.

Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Santé », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits, modifiés.

(Les crédits sont adoptés.)

Motion d’ordre

État B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2024
Solidarité, insertion et égalité des chances

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. En application de l’article 46 bis, alinéa 2, du règlement du Sénat, je sollicite l’examen séparé de certains amendements à la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » de façon à permettre des regroupements par thématiques.

On évitera ainsi des discussions communes sur un nombre excessif d’amendements ; je rappelle que, l’an dernier, presque tous les amendements déposés sur cette mission avaient fait l’objet d’une discussion commune, ce qui avait quelque peu nui à la clarté des débats.

M. le président. Mes chers collègues, je suis donc saisi, en application de l’article 46 bis, alinéa 2, du règlement du Sénat, d’une demande de la commission des finances d’examen séparé de certains amendements portant sur les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».

Il n’y a pas d’opposition ?…

Il en est ainsi décidé.

Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures cinq, sous la présidence de M. Loïc Hervé.)

PRÉSIDENCE DE M. Loïc Hervé

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

Solidarité, insertion et égalité des chances

Motion d'ordre
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2024
État B

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » (et articles 64 et 65).

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » demandés pour 2024 s’élèvent à 30,7 milliards d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.

Les crédits de la mission augmentent de 4,6 % par rapport à la loi de finances pour 2023, poursuivant ainsi leur dynamique. La mission a en effet été fortement mobilisée ces dernières années.

Il est ainsi permis de douter de la trajectoire définie dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 : les crédits de la mission ne devraient en effet augmenter que de 5 % en termes réels à l’horizon 2027. Compte tenu des exercices passés, il est probable que le respect de cette trajectoire dépende d’aléas conjoncturels.

Je souhaite dire un mot de l’aide alimentaire, qui ne représente, avec 142 millions d’euros, qu’une faible part des crédits de la mission, mais qui constitue une politique vitale pour nombre de nos concitoyens, particulièrement en période inflationniste.

Cette année, la situation des associations d’aide alimentaire est particulièrement inquiétante. Plus de 200 000 nouveaux bénéficiaires ont été accueillis, alors que l’inflation continue de peser sur les capacités des associations : le budget d’achat de denrées des Restos du Cœur, par exemple, a doublé en un an !

L’augmentation des crédits d’aide alimentaire dans le présent projet de loi de finances, qui concerne principalement le plan « Mieux manger pour tous », ne constitue pas une réponse adaptée à l’urgence. Heureusement, le Parlement a ouvert 40 millions d’euros supplémentaires dans la loi de finances de fin de gestion pour 2023 – 20 millions sur l’initiative de l’Assemblée nationale et 20 millions sur celle du Sénat – pour combler les lacunes du Gouvernement.

Ce budget témoigne également d’un renouvellement du partenariat entre l’État et les collectivités, en particulier les départements, dans le champ des politiques sociales. Le pacte des solidarités, qui prend la suite, à compter de 2024, de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, définie en 2018, comporte un volet contractualisé avec les collectivités, au travers des pactes locaux des solidarités.

Pour 2024, 190 millions d’euros sont budgétés à ce titre dans la présente mission, 53 % de ces crédits étant destinés à la contractualisation, au premier chef avec les départements.

Je suis satisfait de constater que certaines des recommandations que nous avions formulées l’année dernière, lors de notre contrôle de cette contractualisation, ont été suivies. Ainsi, davantage de place sera laissée aux initiatives locales et un financement pluriannuel est prévu pour améliorer la visibilité pour les départements.

Je souhaiterais mentionner en conclusion deux points aveugles de ce budget.

Le premier concerne la protection juridique des majeurs. Dans notre pays, le nombre de mesures de protection par mandataire est particulièrement élevé : on dénombre aujourd’hui en moyenne soixante mesures par mandataire, alors qu’il faudrait en compter environ quarante-cinq pour un travail de bonne qualité. Le Gouvernement avait promis une augmentation de 200 ETP du personnel des services mandataires, mais les crédits ouverts à ce titre sont insuffisants. Des mesures devront être prises !

Le second concerne le soutien de l’État aux départements au titre de la prise en charge des mineurs non accompagnés (MNA). Les crédits alloués à ce titre diminuent, passant de 89 millions d’euros en 2023 à 67 millions d’euros en 2024. Heureusement, le Gouvernement a décidé de prendre ses responsabilités et de ramener le soutien de l’État à son niveau de 2023, au travers de l’amendement n° II-1027, auquel la commission se montrera favorable.

Compte tenu des sommes en jeu, la commission propose d’adopter les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Éric Bocquet, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, l’évolution de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » comporte des points positifs.

Je pense notamment à la mise en œuvre, au 1er octobre 2023, de la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés (AAH). Nous l’appelions de nos vœux depuis plusieurs années. Désormais, les revenus pris en compte pour le calcul de l’AAH ne comprendront plus ceux du conjoint ; c’est une très bonne chose.

Ce sont ainsi plus de 40 000 bénéficiaires de l’AAH qui verront leur allocation augmenter, pour un montant moyen de 320 euros, et 80 000 personnes exclues du bénéfice de cette allocation qui pourront désormais la percevoir, pour un montant moyen de 370 euros. Aucun allocataire ne verra son AAH diminuer, grâce à une mesure de maintien du mode de calcul le plus favorable. Au total, le coût de la mesure serait de 83 millions d’euros en 2023 et de 500 millions d’euros en année pleine.

En outre, les deux articles rattachés à la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » s’inscrivent dans un mouvement de reconnaissance de l’autonomie des personnes handicapées.

L’article 64 permet aux bénéficiaires de l’AAH de continuer à bénéficier de leur allocation, lorsqu’ils décident de travailler après 62 ans. On leur donne ainsi le même choix qu’au reste de la population quant au moment opportun de prendre leur retraite.

L’article 65 permet quant à lui aux bénéficiaires de l’AAH qui perdent le droit à cette allocation du fait d’une revalorisation de leur pension de continuer à percevoir la majoration pour la vie autonome ou le complément de ressources. La commission y est favorable.

J’en viens aux crédits destinés à financer la politique d’égalité entre les femmes et les hommes, qui augmenteront également en 2024.

Cette augmentation résulte principalement de la création, à la suite d’une initiative de notre ancienne collègue Valérie Létard, soutenue sur de nombreuses travées de notre hémicycle, en particulier celles du groupe CRCE-K, d’une aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales.

La création de cette aide, inspirée d’expérimentations locales, notamment dans mon département du Nord, est très positive : elle doit permettre d’apporter une réponse aux femmes qui ne peuvent quitter leur conjoint violent faute de moyens financiers suffisants.

Le montant prévu à ce titre pour 2024 paraît un peu faible : seulement 13 millions d’euros. Il risque de n’être pas suffisant pour financer une aide de 607 euros par femme éligible. Le Gouvernement semble tabler sur un important non-recours ou sur un faible montant pour cette aide universelle d’urgence.

Toutefois, l’aide pourrait être modulée selon la situation des bénéficiaires. Surtout, elle pourrait prendre la forme d’un prêt remboursable par le conjoint violent, une fois celui-ci définitivement condamné. Si cette modalité de financement prédomine, l’aide universelle d’urgence pourrait bien être fort utile, même si elle est dotée de moyens modérés.

À ce titre, la commission a émis un avis favorable sur l’amendement n° II-687 rectifié, qui vise à améliorer les modalités de recouvrement des prêts, en particulier lorsqu’ils sont remboursés par les conjoints violents.

Comme l’a dit Arnaud Bazin, la commission des finances propose d’adopter les crédits de cette mission.

Pour ma part, j’avais proposé à la commission leur rejet. Compte tenu de l’insuffisance des moyens alloués à de nombreuses causes prioritaires, je m’en tiens, à titre personnel, à cette position. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Jocelyne Guidez applaudit également.)

M. Laurent Burgoa, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, les crédits de paiement de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » pour 2024 s’élèvent à 30,85 milliards d’euros, en hausse de 4,64 % par rapport à 2023, sous l’effet notamment de la revalorisation des prestations sociales consécutive à l’inflation et de la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés.

Le budget de la mission pour 2024 permet au Gouvernement d’ouvrir plusieurs chantiers en matière de lutte contre la pauvreté, d’accompagnement par le travail des personnes en situation de handicap, ainsi que de lutte contre les violences conjugales. L’importance de ces enjeux doit nous conduire à suivre ces chantiers avec attention et exigence.

Je pense d’abord à l’aide alimentaire, dont les crédits augmenteront de plus de 20 % en 2024. La commission des affaires sociales a estimé que cela restait encore insuffisant pour répondre à l’augmentation des files actives et à l’apparition de nouveaux publics, puisque 10,7 % des personnes ayant recours à l’aide alimentaire ont un CDI. Aussi, je salue l’initiative des rapporteurs du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023 pour le Sénat et pour l’Assemblée nationale, qui ont obtenu du Gouvernement qu’une dotation supplémentaire de 40 millions d’euros soit prévue pour soutenir au plus vite la trésorerie des associations concernées.

Concernant la lutte contre la pauvreté, le pacte des solidarités succède à la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté 2018-2022. La commission des affaires sociales constate qu’une grande partie de ce pacte relève de dépenses auparavant abritées dans d’autres actions ; il est ainsi difficile de juger de la réalité de l’augmentation des crédits annoncée par le Gouvernement. Elle constate cependant avec satisfaction que ce pacte poursuivra la pratique de contractualisation avec les collectivités territoriales, à laquelle 53 % de ses crédits seront destinés.

La commission se félicite également de la création, sur l’initiative du Sénat, d’une allocation universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales.

S’agissant des mineurs non accompagnés, la contribution de l’État aux dépenses des départements diminue de 22 millions d’euros, traduisant la baisse attendue des flux concernés en 2024. Néanmoins, le Gouvernement a finalement entendu l’inquiétude et le scepticisme exprimés par les départements et le Sénat, puisqu’il a déposé un amendement tendant à augmenter cette contribution de 32 millions d’euros.

Les crédits ouverts au titre de la protection juridique des majeurs sont en hausse de 3,87 % ; ils doivent permettre de répondre à l’augmentation du nombre de mesures de tutelle et de curatelle due au vieillissement de notre population.

Afin de diminuer le nombre moyen de mesures par mandataire, actuellement de cinquante-six environ, je présenterai au nom de la commission un amendement de crédits de 11 millions d’euros visant à permettre le recrutement de deux cents professionnels et ainsi à minimiser le risque de maltraitance envers les majeurs protégés. Cet objectif étant partagé par le Gouvernement dans le cadre de la proposition de loi visant à garantir le droit à vieillir dans la dignité et à préparer la société au vieillissement de sa population, nous ne doutons pas de son soutien à cet amendement.

Enfin, la commission se félicite que le Gouvernement ait finalement retenu un amendement adopté par l’Assemblée nationale visant à rétablir les crédits consacrés aux communications institutionnelles en faveur de l’égalité femmes-hommes à leur niveau de 2023. Il aurait paru incompréhensible que, l’année où la France accueille les jeux Olympiques, cette enveloppe diminue de moitié, alors même que les risques accrus de violences sexistes et sexuelles, mais aussi de traite des personnes, lors de tels événements sont bien connus.

Sous réserve de l’adoption de son amendement, la commission des affaires sociales a donné un avis favorable sur l’adoption des crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps de l’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, dans son rapport annuel État de la pauvreté en France 2023, le Secours catholique alerte : en France, la pauvreté s’étend, s’intensifie et se féminise.

Les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », en plus d’être notoirement insuffisants, prennent trop peu en compte les besoins financiers de la lutte contre la pauvreté, notamment celle des enfants, ainsi que de la réduction des inégalités entre femmes et hommes.

Le constat de l’intensification de la pauvreté et de son élargissement est alarmant. Selon l’Insee, en France, au début de 2022, la proportion de personnes en privation sociale et matérielle a atteint son plus haut niveau depuis 2013 ; cette situation affecte 9 millions de personnes, soit une personne sur sept dans l’Hexagone. Selon cette étude, un Français sur dix déclarait ne pas pouvoir payer à temps loyers et factures, ou chauffer suffisamment son logement. Une personne sur quatre ne pouvait se payer une semaine de vacances dans l’année.

Une partie de la population, plus importante d’année en année, n’a pas les moyens de s’acheter des vêtements neufs, de posséder deux paires de chaussures ou de retrouver régulièrement des amis ou de la famille autour d’un verre ou d’un repas. La pauvreté isole !

Après sept ans aux responsabilités, ces constats sont votre bilan, mesdames les ministres !

Dans le même temps, l’Unicef France publie un rapport sur l’état des droits des enfants dans les outre-mer, où il est indiqué que « la pauvreté endémique [y est] responsable de conséquences multidimensionnelles ».

Or, tandis que tous les besoins augmentent, les crédits ne suivent pas. Après une nette hausse du budget consacré à la protection de l’enfance, que nous avions saluée, nous regrettons que cette ligne connaisse cette fois une baisse de 5 %.

Le PLF 2024 acte également la fin de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, remplacée par un « pacte des solidarités » doté, semble-t-il, de sommes inférieures, malgré l’annonce d’une augmentation des crédits d’ici à 2027. En attendant, on a simplement réattribué d’anciens crédits sans les modifier. Notons que ces mouvements de crédits entre missions et programmes nuisent à la transparence et à la lisibilité pour le Parlement de cette politique.

Nous partageons le constat du collectif Alerte, qui rassemble trente-quatre fédérations et associations nationales de lutte contre la pauvreté et l’exclusion, ainsi que des collectifs interassociatifs locaux, qui a qualifié le pacte des solidarités de « pauvre plan contre la pauvreté ».

Plutôt que de proposer des mesures structurelles afin de réduire durablement la pauvreté, telle l’augmentation des minima sociaux, le pacte des solidarités propose un axe de « sortie de la pauvreté par l’activité et l’emploi », unique focale qui, dans un marché du travail dérégulé, fabriquera en grand nombre des travailleurs pauvres dont beaucoup le resteront durablement.

Face à cette pauvreté, l’augmentation des crédits consacrés à l’aide alimentaire ne suit ni l’explosion des besoins ni l’inflation alimentaire dopée aux surmarges des grands groupes – un effet de ciseaux qui asphyxie les associations d’aide alimentaire.

En France, un tiers de la population n’est pas en mesure de se procurer une alimentation saine en quantité suffisante pour trois repas par jour ; les banques alimentaires accueillent 34 % de personnes en plus depuis 2020, année où vous étiez déjà au pouvoir !

Enfin, la hausse des crédits du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » est en trompe-l’œil, puisqu’elle intègre les crédits liés à la création de l’aide universelle d’urgence pour les personnes victimes de violences conjugales – une mesure que nous saluons par ailleurs.

L’avis de la commission des affaires sociales le souligne : « à périmètre égal, c’est-à-dire sans la création de l’aide aux victimes de violences conjugales, les crédits seraient en baisse de 3,65 % ».

Les crédits de la mission mériteraient une autre ampleur, mesdames les ministres ; le groupe écologiste votera donc contre votre proposition. (M. Éric Bocquet, rapporteur spécial, applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – Mme Annie Le Houerou applaudit également.)

Mme Silvana Silvani. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » finance l’ensemble des politiques en faveur des travailleurs pauvres, des enfants, des familles vulnérables, des personnes dépendantes ou en situation de handicap, de l’égalité entre les femmes et les hommes, ainsi que de la lutte contre les violences faites aux femmes.

Le PLF 2024 prévoit une progression des crédits de la mission, de 1,3 milliard d’euros, mais cette hausse de 4,6 % doit être relativisée au vu du niveau de l’inflation, qui devrait atteindre 2,6 % l’an prochain. De fait, en euros constants, les crédits progressent seulement de 0,9 % en 2024, alors que 11 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté et que 2 830 enfants dorment dans la rue en France, parmi lesquels 700 ont moins de 3 ans.

L’augmentation, dans notre pays, des inégalités sociales entre les plus riches et les plus précaires porte un grave coup à notre pacte social. Face à la crise née de la pandémie, le Gouvernement a été capable de débloquer 200 milliards d’euros pour les entreprises. Aujourd’hui, alors que des millions de familles peuvent basculer dans la précarité, voire la grande précarité, seulement 1,3 milliard d’euros supplémentaires seront versés aux personnes handicapées, aux jeunes sans emploi et aux personnes vulnérables.

Alors que toutes les associations signalent qu’elles sont confrontées à une augmentation sans précédent du nombre de demandeurs, seulement 142 millions d’euros sont prévus pour l’aide alimentaire.

Les crédits de l’action 17 « Protection et accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables », qui se montent à 311 millions d’euros, sont en diminution.

Le comité interministériel à l’enfance a annoncé que les jeunes sortant à leur majorité de l’aide sociale à l’enfance (ASE), qui devaient alors bénéficier de 4 588 euros, percevraient seulement 1 500 euros. Mesdames les ministres, où sont passés les 3 000 euros de différence ?

Cette année, les crédits de la mission traduisent également la création de l’aide universelle d’urgence pour les personnes victimes de violences conjugales. C’est une bonne chose, mais, là encore, regardons avec attention cette avancée : au vu des 218 000 victimes qui pourront bénéficier de cette aide, en ouvrant 13 millions d’euros de crédits, le Gouvernement accorde en réalité moins de 60 euros aux femmes victimes de violences conjugales et économiquement dépendantes !

Plus globalement, le budget de la lutte contre les violences faites aux femmes, présentée comme une « grande cause » du quinquennat Macron, est largement insuffisant.

En cinq ans, le budget affecté à la lutte contre les violences a augmenté de 50 millions d’euros, passant de 134,7 à 184,4 millions d’euros, alors que les associations chiffrent à 2,6 milliards d’euros le budget minimum que l’État devrait consacrer, chaque année, à la protection des victimes de violences conjugales, sexistes et sexuelles en France.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe CRCE-K votera contre les crédits de la mission pour 2024. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – Mme Annie Le Houerou applaudit également.)