M. Michel Savin. Très bien !

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je conteste vigoureusement votre amendement sur ce point, et c’est tout l’objet du sous-amendement de la commission : on ne peut pas considérer que la recette de 1 900 millions d’euros tirée de l’accise sur le gaz était intégrée au PLF, puisque, je le redis, vos estimations initiales présentaient des recettes nulles.

Au total, en ne prenant en compte que les votes du Sénat et en intégrant le sous-amendement de la commission, le solde budgétaire de l’État est donc bien amélioré d’un peu plus de 2 milliards d’euros. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Vincent Louault applaudit également.)

M. Olivier Paccaud. Merci au Sénat !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° I-2301 ? (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Qu’il est difficile de s’exprimer après une telle ovation pour le rapporteur général !

Nous ne sommes en effet pas d’accord sur tout et j’émettrai un avis,…

M. Laurent Somon. De sagesse !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. … hélas ! défavorable (Oh ! sur les travées du groupe Les Républicains.) sur ce sous-amendement.

M. Olivier Paccaud. Quelle surprise !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je vais tenter de vous expliquer pourquoi et de vous convaincre.

Je mentionnerai un premier élément avant d’aborder la question de la fiscalité du gaz. Au travers de son amendement, que je persiste à qualifier de « technique », le Gouvernement procède à une actualisation des montants en fonction des événements qui se sont déroulés entre l’examen à l’Assemblée nationale et aujourd’hui. La décision de la Grèce de rembourser son prêt compte au nombre de tels événements : il n’y a pas de difficulté particulière sur ce point, comme il n’y en a pas non plus sur les révisions de recettes, qui, classiquement, figurent dans tout amendement portant sur l’article d’équilibre.

Cela étant dit, monsieur le rapporteur général, je suis en désaccord avec vous sur ce sous-amendement, et je veux m’en expliquer.

Vous y traduisez votre refus – disons-le clairement – que le Gouvernement comptabilise, à l’article d’équilibre, une perte de recettes à hauteur de 1,9 milliard d’euros. Or l’amendement que vous avez fait voter à l’article 11 supprime, pour le Gouvernement, toute possibilité de relever le tarif de l’accise sur le gaz…

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. … sans passer par le Parlement.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Dès lors, toute possibilité de recette supplémentaire associée disparaît également ; d’où l’annulation des prévisions afférentes.

Je redis par ailleurs ce que j’ai dit lundi à ce même banc. Je me permets à mon tour de me citer, pour la clarté de nos débats : « Comme [Bruno Le Maire et moi-même] l’avons annoncé au moment de la présentation du projet de loi de finances, nous souhaitons nous saisir de la possibilité d’augmenter le tarif de l’accise sur le gaz. […] [Je] vous confirme que, d’ici à la fin de l’année, le Gouvernement souhaite pouvoir réajuster à la hausse la TICGN pour remettre de la cohérence et de la clarté et dans la fiscalité et dans les tarifs du gaz, sauf retournement majeur du marché. »

L’adoption par le Sénat, lundi dernier, de l’amendement de suppression de cette faculté de modulation pose problème, car nous avons besoin de flexibilité sur ces sujets-là.

M. Bruno Retailleau. De là à doubler les tarifs ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Laisser cette compétence au seul législateur nous empêche d’ajuster, en fonction de l’évolution du prix du gaz, le tarif de l’accise. Or, lorsque le prix du gaz augmente très fortement, pouvoir le baisser par voie d’arrêté permet d’avoir la réactivité nécessaire en cette période de crise, où tout évolue vite.

Nous avons prévu à l’état A, à la ligne de recettes 1799, une prévision de recettes pour 2024 à hauteur de 3,3 milliards d’euros, contre 1 milliard d’euros en 2023. Dans ces 3,3 milliards d’euros est bien intégrée notre estimation de 1,9 milliard d’euros, qui traduit tout simplement la disposition du texte autorisant le Gouvernement à faire évoluer par arrêté le tarif de l’accise sur le gaz.

Telle est la raison pour laquelle, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le rapporteur général, il nous faut actualiser l’article d’équilibre ; il importe notamment de tenir compte de la suppression de ces 1,9 milliard d’euros de recettes.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le ministre, vous savez combien, dans nos échanges, je m’efforce de rester objectif.

Vous avez souhaité que le Parlement donne au Gouvernement l’autorisation de faire évoluer lui-même, sans passer par la loi, le tarif de l’accise sur le gaz. Nous avons refusé, attachés que nous sommes aux droits du Parlement en matière de fiscalité.

Nous avons bien fait, car, dans le document d’évaluation préalable de l’article 11 que j’ai évoqué, et plus précisément dans le tableau d’estimation des incidences budgétaires de la disposition dont nous sommes en train de parler, les cases sont laissées totalement vierges pour 2024, 2025, 2026 et 2027 : il est vraiment regrettable que vous ne les ayez pas remplies ! La légende dudit tableau, en revanche, mérite d’être citée : « Le présent chiffrage porte sur l’utilisation de l’intégralité de faculté de majoration du tarif normal d’accise sur les gaz naturels – soit 8 euros par mégawattheure – dès le 1er janvier 2024. Le rendement associé à une majoration du tarif normal d’accise de 1 euro s’élève[rait] », non – toutes mes excuses, ma langue a fourché –, « s’élève à 237,5 millions d’euros. »

L’erreur que je viens de faire en dit long : si vous aviez été réellement transparent, monsieur le ministre, vous auriez utilisé le conditionnel, puisque votre tableau est vierge. J’ai comme l’idée que vous avez utilisé l’« ardoise magique » (M. Michel Savin sesclaffe.) : on inscrit une somme, puis on se dit que, finalement, mieux vaut ne rien mettre et on efface tout, sans penser à corriger – quel dommage ! – la notice d’explication qui figure juste au-dessous du tableau.

Autrement dit, vous choisissez d’augmenter la taxe et retenez le taux maximum, en sorte que son produit soit porté à 1,9 milliard d’euros ; mais vous le faites sans le dire. Pourquoi ne pas agir en toute transparence et l’assumer ?

Monsieur le ministre, vous nous avez dit à de multiples reprises que le Gouvernement n’était pas favorable à des hausses de taxes. C’est pourtant ce que vous essayez de faire ici, en catimini, tant il est vrai qu’il est bien difficile pour l’usager-consommateur de s’y retrouver dans le contenu des taxes et accises, même en grattant longtemps !

Il eût donc été préférable de tout dire.

Ces remarques étant faites, monsieur le président, j’émets un avis de sagesse sur l’amendement du Gouvernement, puisque l’objectif est, de toute façon, de continuer la discussion.

La commission tenait à faire part de son mécontentement et de son désaccord sur l’une des données avancées par le Gouvernement, contestant notamment le fait qu’elle a été masquée, mais elle souhaite en même temps que le débat se poursuive en seconde partie.

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Ce n’est certainement pas notre groupe qui va arbitrer les chicaneries entre le Gouvernement et la majorité sénatoriale sur les 4,2 milliards d’euros que doit rapporter la suppression de la prorogation en 2024 de la minoration des tarifs de l’accise sur l’électricité, autrement dit la fin du bouclier tarifaire. Monsieur le rapporteur général, je vous fais confiance, mais permettez-moi de souligner que cette recette, qui est censée compenser la suppression de la faculté d’augmentation des tarifs de l’accise sur le gaz naturel, est purement artificielle. Du reste, j’ai lu attentivement l’objet de votre amendement n° I-209 : vous y annoncez votre intention de déposer des amendements de dépenses, probablement pour accroître le chèque énergie.

Il faut enlever la poussière sous le tapis, comme on dit, pour avoir des moments de vérité (M. le ministre délégué approuve.) : le gain n’atteindra pas 4,2 milliards d’euros ; il y aura peut-être, en fonction de ce qui sera décidé par le Sénat en seconde partie, un surplus de déficit de 2 milliards.

Monsieur le rapporteur général, monsieur le ministre, j’ai par ailleurs une question à vous poser à propos de l’évaluation de la majoration de recettes liée à l’institution d’une taxe sur les programmes de rachats d’actions : le chiffre de 400 millions d’euros supplémentaires nous paraît sous-évalué. Je vous livre cette réflexion, car nous n’avons pas les moyens d’instruire nous-mêmes tous les dossiers.

Je conclurai par une observation qui satisfera sûrement mes amis sur les travées d’en face : l’article d’équilibre tel qu’amendé à l’issue de l’examen de la première partie fait état d’une minoration de 143 millions d’euros des recettes de l’impôt sur les sociétés ; et pourtant, ça va bien pour beaucoup de très grandes entreprises !

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° I-2301.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-2300, modifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble constitué de l’article d’équilibre et de l’état A annexé, modifié.

(Larticle 34 et létat A annexé sont adoptés.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Monsieur le président, je sollicite une brève suspension de séance.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quatorze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures.)

M. le président. La séance est reprise.

Seconde délibération

M. le président. En application de l’article 47 bis, alinéa 1, du règlement du Sénat, le Gouvernement demande qu’il soit procédé à une seconde délibération de l’article liminaire du projet de loi de finances pour 2024.

Je rappelle que la seconde délibération est de droit lorsqu’elle est demandée par le Gouvernement.

Conformément à l’article 43, alinéa 5, du règlement du Sénat, lorsqu’il y a lieu à seconde délibération, les textes adoptés lors de la première délibération sont renvoyés à la commission, qui doit présenter un nouveau rapport.

La commission demande-t-elle une suspension de séance afin qu’elle puisse se réunir ?

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Non, monsieur le président.

M. le président. La seconde délibération est ordonnée.

Je rappelle au Sénat les termes de l’article 43, alinéa 6, du règlement : « Dans sa seconde délibération, le Sénat statue seulement sur les nouvelles propositions du Gouvernement ou de la commission, présentées sous forme d’amendements et sur les sous-amendements s’appliquant à ces amendements. »

Article 34 et État A
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2024
Explications de vote sur l'ensemble de la première partie du projet de loi

Article liminaire

M. le président. Le Sénat a précédemment adopté l’article liminaire dans la rédaction suivante :

Les prévisions de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques, les prévisions de solde par sous-secteur, la prévision, déclinée par sous-secteur d’administration publique, de l’objectif d’évolution en volume et la prévision en milliards d’euros courants des dépenses des administrations publiques, les prévisions de prélèvements obligatoires, de dépenses et d’endettement de l’ensemble des administrations pour l’année 2024, les prévisions pour 2024 de ces mêmes agrégats du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, ainsi que les données d’exécution pour l’année 2022 et les prévisions d’exécution pour l’année 2023 de ces mêmes agrégats, s’établissent comme suit :

 

(En points de produit intérieur brut, sauf mention contraire)

Loi de finances pour 2024

PLPFP 2023-2027

2022

2023

2024

2024

Ensemble des administrations publiques

Solde structurel (1) (en points de PIB potentiel)

-4,2

-4,1

-3,7

-3,7

Solde conjoncturel (2)

-0,5

-0,7

-0,6

-0,6

Solde des mesures ponctuelles et temporaires (3) (en points de PIB potentiel)

-0,1

-0,1

-0,1

-0,1

Solde effectif (1 + 2 + 3)

-4,8

-4,9

-4,4

-4,4

Dette au sens de Maastricht

111,8

109,7

109,7

109,7

Taux de prélèvements obligatoires (y compris Union européenne, nets des crédits d’impôt)

45,4

44,0

44,1

44,1

Taux de prélèvements obligatoires corrigé des effets du bouclier tarifaire

45,6

44,4

44,4

44,4

Dépense publique (hors crédits d’impôt)

57,7

55,8

55,4

55,3

Dépense publique (hors crédits d’impôt, en milliards d’euros)

1 523

1 574

1 623

1 622

Évolution de la dépense publique hors crédits d’impôt en volume (en %) *

-1,1

-1,4

0,6

0,5

Principales dépenses d’investissement (en milliards d’euros) **

25

30

30

Administrations publiques centrales

Solde

-5,2

-5,3

-4,8

-4,7

Dépense publique (hors crédits d’impôt, en milliards d’euros)

625

630

640

639

Évolution de la dépense publique en volume (en %) ***

-0,1

-3,8

-1,1

-1,4

Administrations publiques locales

Solde

0,0

-0,3

-0,3

-0,3

Dépense publique (hors crédits d’impôt, en milliards d’euros)

295

312

322

322

Évolution de la dépense publique en volume (en %) ***

0,1

1,0

0,9

0,9

Administrations de sécurité sociale

Solde

0,4

0,7

0,6

0,6

Dépense publique (hors crédits d’impôt, en milliards d’euros)

704

730

762

761

Évolution de la dépense publique en volume (en %) ***

-2,4

-0,5

1,9

1,7

* À champ constant.

** Au sens de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.

*** À champ constant, hors transferts entre administrations publiques.

 

L’amendement n° A-1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le tableau de l’article liminaire :

(En points de produit intérieur brut, sauf mention contraire)

Loi de finances pour 2024

PLPFP 2023-2027

2022

2023

2024

2024

Ensemble des administrations publiques

Solde structurel (1) (en points de PIB potentiel)

-4,2

-4,1

-3,5

-3,7

Solde conjoncturel (2)

-0,5

-0,7

-0,6

-0,6

Solde des mesures ponctuelles et temporaires (3) (en points de PIB potentiel)

-0,1

-0,1

-0,1

-0,1

Solde effectif (1 + 2 + 3)

-4,8

-4,9

-4,3

-4,4

Dette au sens de Maastricht

111,8

109,7

109,7

109,7

Taux de prélèvements obligatoires (y compris Union européenne, nets des crédits d’impôt)

45,4

44,0

44,3

44,1

Taux de prélèvements obligatoires corrigé des effets du bouclier tarifaire

45,6

44,4

44,4

44,4

Dépense publique (hors crédits d’impôt)

57,7

55,8

55,4

55,3

Dépense publique (hors crédits d’impôt, en milliards d’euros)

1 523

1 574

1 624

1 622

Évolution de la dépense publique hors crédits d’impôt en volume (en %) *

-1,1

-1,4

0,6

0,5

Principales dépenses d’investissement (en milliards d’euros) **

25

30

30

Administrations publiques centrales

Solde

-5,2

-5,3

-4,7

-4,7

Dépense publique (hors crédits d’impôt, en milliards d’euros)

625

630

641

639

Évolution de la dépense publique en volume (en %) ***

-0,1

-3,8

-1,1

-1,4

Administrations publiques locales

Solde

0,0

-0,3

-0,3

-0,3

Dépense publique (hors crédits d’impôt, en milliards d’euros)

295

312

322

322

Évolution de la dépense publique en volume (en %) ***

0,1

1,0

0,9

0,9

Administrations de sécurité sociale

Solde

0,4

0,7

0,6

0,6

Dépense publique (hors crédits d’impôt, en milliards d’euros)

704

730

762

761

Évolution de la dépense publique en volume (en %) ***

-2,4

-0,5

1,9

1,7

* À champ constant.

** Au sens de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.

*** À champ constant, hors transferts entre administrations publiques.

 

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Nous présentons, en seconde délibération, ce nouvel amendement, qui vise à actualiser l’article liminaire et les prévisions sous-jacentes au projet de loi de finances pour 2024 concernant le déficit public et les grands agrégats de finances publiques, compte tenu des amendements adoptés en première partie par le Sénat.

Pour 2024, la prévision de solde public s’établirait à –4,3 % du PIB. Ce chiffre s’explique en particulier par des recettes supplémentaires, induisant une augmentation du taux de prélèvements obligatoires de 44,1 % à 44,3 % du PIB. Cela résulte notamment de la suppression de la prorogation, en 2024, de la minoration des tarifs de l’accise sur l’électricité, laquelle entraîne une hausse de la fiscalité de 4,2 milliards d’euros.

Le solde des administrations publiques locales s’améliore, notamment en raison de l’augmentation de 1,6 milliard d’euros des prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales et de l’affectation d’une fraction du produit de la TICPE aux collectivités territoriales, pour 1 milliard d’euros.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. La commission s’en remet à la sagesse du Sénat, puisque, comme M. le ministre vient de l’expliquer, il s’agit de mettre à jour les grands paramètres de finances publiques.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° A-1.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article liminaire, modifié.

(Larticle liminaire est adopté.)

Vote sur l’ensemble de la première partie du projet de loi

Article liminaire
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2024
Deuxième partie

M. le président. Avant de passer au vote sur l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2024, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui ont été inscrits par les groupes pour expliquer leur vote.

Je rappelle au Sénat que, conformément à l’article 42 de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 et à l’article 47 bis, alinéa 2, de notre règlement, lorsque le Sénat n’adopte pas la première partie du projet de loi de finances, l’ensemble du projet de loi est considéré comme rejeté.

J’indique au Sénat que, compte tenu de l’organisation du débat décidée par la conférence des présidents, chacun des groupes dispose de cinq minutes pour ces explications de vote, à raison d’un orateur par groupe, l’orateur de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposant de trois minutes.

La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Vincent Louault applaudit également.)

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux vivement remercier le président Claude Raynal, qui n’a cessé de veiller, avec une bienveillante autorité, à ce que la durée de nos échanges respecte le délai constitutionnel.

Je félicite aussi notre rapporteur général, Jean-François Husson, pour son travail, son écoute et son souci permanent d’assurer la cohérence de nos votes. Je n’oublie pas, bien sûr, notre collègue Christine Lavarde, qui a vaillamment siégé au banc de la commission dimanche dernier.

Mes chers collègues, nous voterons cette première partie.

Cependant, je veux partager ici avec vous les raisons pour lesquelles, cette année, le vote de notre groupe sera, avant tout, un vote de responsabilité.

Ce sera un vote de responsabilité, d’abord, dans l’intérêt de la démocratie.

À l’Assemblée nationale, en effet, le Gouvernement a choisi d’avoir recours au 49.3 dès le début, et non à l’issue des débats.

Dès lors, la discussion de ce texte si essentiel, celui qui détermine le budget de l’État, n’a eu lieu et n’aura lieu qu’au Sénat. Nous avons même pu mesurer, il y a quelques minutes, combien le Gouvernement aimerait se passer du Parlement pour relever la fiscalité… C’est inacceptable !

Il est donc de notre responsabilité d’examiner ici la seconde partie du projet de loi de finances.

Pourtant, nous aurions pu dénoncer, par notre vote, les conditions si particulières de nos travaux.

En effet, non seulement il n’y a pas eu de débats à l’Assemblée nationale, mais le texte qui nous a été soumis y était passé de 59 à 234 articles. Au total, trois quarts des articles du projet de loi de finances n’auront été examinés ni par le Conseil d’État ni par l’Assemblée nationale ! C’est tout de même une drôle de lecture de l’article 39 de la Constitution, qui dispose, d’une part, que les projets de loi sont délibérés en conseil des ministres après avis du Conseil d’État et, d’autre part, que les projets de loi de finances sont soumis en premier lieu à l’Assemblée nationale…

Si notre vote est, avant tout, un vote de responsabilité, c’est aussi, il faut bien le dire, parce que, dans certains cas, des majorités de circonstance ont abouti à des choix qui ne sont pas les nôtres.

Je pense, par exemple, au rejet de la hausse du plafond du quotient familial, hausse que nous avions proposée au nom du pouvoir d’achat des familles.

Je pense aussi, naturellement, au vote d’un alourdissement de la fiscalité, sur l’épargne logement et sur l’assurance vie.

Ces choix vont à rebours de notre ligne constante, qui est de ne pas augmenter la fiscalité et de préserver les classes moyennes.

Toutefois, tout n’a pas été négatif, loin de là !

Nous nous félicitons, notamment, du vote de nos propositions visant à répondre à la crise du logement, mais aussi de l’adoption de nos amendements en faveur des collectivités territoriales ainsi que des entreprises – je pense au régime de l’apport-cession.

De nombreuses dispositions ont également fait l’objet d’une belle unanimité.

Je pense, par exemple, au financement du Centre national de la musique ou à la suppression des scandaleux avantages fiscaux que le Gouvernement souhaitait accorder à la Fédération internationale de football association (Fifa).

Je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir tenir compte de l’unanimité qui s’est dégagée sur ces travées pour que la location sur Airbnb ne soit pas fiscalement plus avantageuse que la location de longue durée, meublée ou non.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Je pense aussi aux solutions que nous avons trouvées sur les zones de revitalisation rurale (ZRR) ou le prêt à taux zéro (PTZ) ; à l’adoption de notre proposition si audacieuse d’affectation d’une fraction de 250 millions d’euros du produit de la mise aux enchères des quotas carbone au financement des transports collectifs ; à la hausse de la dotation globale de fonctionnement (DGF), à celle de la dotation particulière relative aux conditions d’exercice des mandats locaux, dite dotation particulière élu local (DPEL) et à la suppression du critère de potentiel financier ; ou encore à la mise en place, pour les collectivités, d’un mécanisme d’étalement des remboursements du « filet de sécurité inflation ».

Monsieur le ministre, comme vous en avez aimablement distillé la menace, tout au long de nos débats, avec votre « compteur », dont nous aurions aimé partager les données, vous nous reprochez, à la fin de la discussion, d’avoir dégradé le solde budgétaire.

Eh bien non ! D’une part, nous n’adhérons pas à tous vos chiffrages, à la louche et invérifiables, de nos amendements, pas plus, d’ailleurs, qu’à ceux de certains de vos propres amendements, de la même manière que nous n’adhérions pas – et nous ne sommes pas les seuls – à vos prévisions de croissance pour 2024, que l’OCDE vient de démentir à son tour en abaissant sa prévision à 0,8 %, ce qui ne nous réjouit pas plus que vous.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. D’autre part, nous allons vous présenter plus de 5 milliards d’euros d’économies, afin de permettre un retour du déficit sous les 3 % du PIB dès 2025. Le Gouvernement prévoit, je le rappelle, de ne franchir ce cap qu’en 2027, ce qui ferait de la France, à la fin du quinquennat, le pays européen ayant le déficit public le plus important. Tel n’est pas notre projet pour le pays !

Pour toutes les raisons que j’ai précédemment évoquées, le groupe Les Républicains votera la première partie du projet de loi de finances pour 2024. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Vincent Louault applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Christopher Szczurek, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

M. Christopher Szczurek. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voilà donc réunis pour donner notre assentiment à la première partie du projet de loi de finances.

Mais que votons-nous ? De quoi débattons-nous ?

Nous savons tous très bien que le Gouvernement, sitôt sorti de ce palais, dégainera un énième article 49.3, au mépris complet des assemblées.

Le ministre de l’économie, qui ne daigne même plus venir défendre son texte devant nous, est aussi bon gestionnaire que romancier. (Sourires.)

Contrairement à ce que suggèrent les belles phrases, en dépit des milliards énumérés, nous voilà devant un budget de faillite !

Ce budget tient ainsi d’un paradoxe terrible pour nos compatriotes : la pression fiscale demeure la plus élevée de l’Union européenne, si ce n’est du monde, et, parallèlement, notre déficit budgétaire et notre dette continuent de croître. La charge de la dette représentera bientôt le premier budget de l’État, devant l’éducation nationale.

Le pseudo-parti du bon sens – les Mozart autoproclamés de la finance ! – cumule les mauvaises notes et continue d’aggraver lourdement notre endettement.

Par ailleurs, si la France est à l’euro près, où sont les nouvelles recettes ? Aucune mesure pour faire payer la richesse financière n’a été retenue par le Gouvernement ! Aucune mesure ne permettra de taxer davantage les Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) et les grandes entreprises, si ce n’est un impôt européen minime, fruit des étreintes scabreuses entre l’Union européenne et le pouvoir des lobbys.

L’Union européenne, parlons-en ! Avec 24 milliards d’euros et une contribution nette – beaucoup trop nette – envoyés à Bruxelles, la France est le dindon de la farce de la construction communautaire. Certes, la dîme bruxelloise est allégée en 2024, élection européenne oblige, mais elle ne cessera de croître dans les années à venir, alors que vous prévoyez d’étendre encore davantage l’Union européenne en y ajoutant cinq ou six pays.

Vous nous parlez d’avenir, monsieur le ministre. La belle affaire ! Aucune mesure fiscale ou budgétaire ne vient soutenir notre natalité atone, pourtant pilier de toute prospérité. Les familles françaises, prises entre l’enclume de l’inflation et le marteau de l’impôt, n’auront droit qu’à des chèques, faibles antalgiques contre la gangrène qui ronge notre pouvoir de vivre et plonge nombre de nos concitoyens dans la plus sombre des précarités.

Vous nous parlez d’investissement et de transition écologique, mais vous semblez oublier que vous vous en défaussez, en premier lieu, sur les collectivités territoriales. Pour ces dernières, le mépris se poursuit !

Vous nous présentez avec tambours et trompettes une augmentation de la dotation globale de fonctionnement (DGF) de 200 millions d’euros. Très bien, mais vous oubliez que ce sont 40 milliards d’euros d’imposition locale qui ont disparu des caisses des collectivités territoriales depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron !

Soljenitsyne disait : « Ils mentent. Nous savons qu’ils mentent. Ils savent que nous savons qu’ils mentent. Et pourtant, ils persistent à mentir. »

Au lieu de chercher la solution miracle pour battre Marine Le Pen en 2027, vous seriez plus inspiré de chercher à sauver le pays.

Contre le mensonge qu’est votre optimisme, contre la faillite qu’est votre projet de loi de finances, nous voterons contre cette première partie. (M. Joshua Hochart applaudit.)