M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme Vanina Paoli-Gagin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous votons aujourd’hui un budget placé sous le signe de l’inflation.

Certes, la hausse des prix serait limitée, l’an prochain, à 2,6 %. C’est une bonne nouvelle pour nos compatriotes, mais je ne parle pas de cette inflation-là.

Je veux parler de l’inflation législative. En effet, nous avons de nouveau battu notre record du nombre d’amendements déposés, avec une hausse de près de 40 % par rapport à l’an passé, qui était déjà une année record.

Ainsi, plus de 2 000 amendements ont été déposés en première partie. Or seule une minorité d’entre eux améliore les recettes. La majorité les dégrade !

Mais, au-delà de l’impact sur le solde public, c’est surtout l’impact sur la lisibilité de notre droit qui s’avère fâcheux. Comment espérer redonner puissance et efficacité à l’action publique si les lois de finances ne simplifient rien et complexifient tout ? Vous le savez, mes chers collègues : les élus locaux n’en peuvent plus.

Bien sûr, notre groupe a contribué à cette effusion législative.

M. Emmanuel Capus. Pas beaucoup !

Mme Vanina Paoli-Gagin. Mais, en valeur relative comme en valeur absolue, nous avons fait preuve de sobriété… Nous sommes le groupe qui en a déposé le moins !

Mme Vanina Paoli-Gagin. Le président Larcher ne cesse de nous le répéter : nous devons moins légiférer, pour mieux légiférer. Je me réclame moi aussi de cette sagesse toute romaine.

En matière budgétaire, nous n’avons plus le choix : si cette inflation se poursuit, nous n’aurons pratiquement plus le temps d’examiner tous les amendements, car le calendrier budgétaire, lui, reste rigide.

Hausse du nombre d’amendements, d’une part, contraintes du calendrier, d’autre part : nos débats sont mécaniquement comprimés. C’est notre démocratie délibérative qui en pâtit.

Les trois protagonistes de nos débats n’ont pourtant pas ménagé leur peine, et je tiens à saluer leurs efforts : notre rapporteur général, qui a su résumer ses avis à l’essentiel ; notre président de commission, qui a su nous rappeler à la concision ; M. le ministre, qui a défendu son premier budget avec calme et précision.

Cependant, malgré la vigilance de chacun, le budget sort du Sénat alourdi de nouvelles taxes, allégé de nouvelles niches.

Notre fiscalité, un peu à l’image de notre tour Eiffel, devient une structure qui tient autant de l’industrie lourde que de la toile d’araignée.

Dans ce budget, tout n’est pas à jeter, tant s’en faut. Plusieurs mesures votées auront un effet positif, notamment pour les collectivités. Je pense bien évidemment à la réforme des ZRR, via le dispositif France Ruralités Revitalisation, qui répond à la plupart de nos revendications.

Plusieurs mesures en faveur de l’innovation ont également été adoptées. Elles visent à soutenir les investissements pour nos start-up, donc à préparer la richesse de demain.

Je veux évidemment dire un mot du crédit d’impôt innovation. Il y a plus d’un an, j’ai été rapporteur, au nom du groupe Les Indépendants, d’une mission d’information sur la recherche et l’innovation au service de la réindustrialisation de nos territoires. J’avais alors identifié ce dispositif comme décisif pour le soutien aux start-up industrielles, lesquelles, vous le savez, monsieur le ministre, ont des besoins sui generis. C’est pourquoi je vous ai proposé de le proroger de deux ans et d’en relever le plafond de dépenses éligibles en le portant à 800 000 euros.

D’autres mesures vont permettre d’accélérer la transition écologique des territoires.

C’est le cas, par exemple, des amendements tendant à développer l’autoconsommation d’énergie renouvelable, qui permet de décentraliser nos capacités de production pour consommer l’énergie en circuit court, ou le rétrofit de véhicules thermiques roulant à l’électricité ou à l’hydrogène, qui permet de verdir nos flottes et de contribuer à l’économie circulaire.

Je ne ferai pas un inventaire à la Prévert de toutes les mesures pertinentes, mais je tiens à en mentionner deux, qui n’ont malheureusement pas été retenues. Elles ont trait à la préservation de notre patrimoine religieux.

La première, défendue par mon excellent collègue Emmanuel Capus, visait à intégrer les églises des communes nouvelles dans la souscription nationale en faveur du patrimoine religieux, telle que l’a voulue le Président de la République lui-même.

M. Emmanuel Capus. Très bien !

Mme Vanina Paoli-Gagin. Il n’est pas logique qu’elles en soient exclues, et j’espère que le tir pourra être rectifié d’ici à l’adoption finale du texte.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Le chanoine Capus !

Mme Vanina Paoli-Gagin. La seconde concernait la reconversion du site de l’abbaye de Clairvaux. J’ai déjà eu l’occasion, monsieur le ministre, de vous alerter sur ce sujet : la rénovation de ce site exceptionnel doit devenir une priorité nationale.

Aujourd’hui, les financements privés manquent pour ce qui concerne les travaux et les activités non lucratives, notamment culturelles. Il n’existe pas de modèle économique viable sans mécénat bonifié sur ces volets. J’espère que nous pourrons ensemble trouver rapidement une solution opérante sur ce dossier aubois de premier plan.

Notre groupe votera cette première partie. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Bernard Delcros. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout au long de cette première partie, le groupe Union Centriste a présenté des propositions autour d’un cap clair : réduire le déficit budgétaire par la mise en œuvre d’une politique fiscale plus juste, visant les très grosses fortunes, et non – comme je l’ai entendu – les classes moyennes.

Nous nous réjouissons de l’adoption par le Sénat de plusieurs amendements allant dans ce sens.

Ainsi, le renforcement de la contribution exceptionnelle sur les très hauts revenus cible particulièrement les « superdividendes », qui échappent à la progressivité de l’impôt depuis la mise en place du prélèvement forfaitaire unique (PFU) en 2018.

Par ailleurs, la réforme de l’exit tax garantira que les contribuables contrôlant une société ayant bénéficié d’un soutien financier massif de la part de l’État ne pourront échapper à l’impôt sur les plus-values en se délocalisant deux années seulement à l’étranger avant de les céder.

En outre, la taxation des rachats d’actions par les très grandes entreprises, pratique qui a explosé ces dernières années, doit encourager lesdites entreprises à investir dans l’économie réelle plutôt qu’à faire monter le cours des actions.

Je veux encore citer la suppression de plusieurs niches fiscales, dans un triple objectif de redressement des finances publiques, d’efficacité économique et d’équité sociale,…

M. Michel Canévet. Très bien !

M. Bernard Delcros. … le renforcement du plan de lutte contre la fraude fiscale ou encore le remplacement de l’impôt sur la fortune immobilière par un impôt sur la fortune improductive, pour une taxation plus juste des actifs financiers improductifs.

Nous avons aussi défendu la mise en œuvre de politiques publiques utiles en faisant adopter plusieurs amendements : le maintien du PTZ en zone rurale vise à ce que les primo-accédants souhaitant résider à la campagne ne soient pas pénalisés ; l’augmentation de la DGF a vocation notamment à rétablir la hausse de la dotation de solidarité rurale (DSR) à son niveau de 2023.

Enfin, je ne saurais passer sous silence la réforme des ZRR. Si, sur la forme, son examen, à mon sens trop précipité, a parfois conduit à un peu de confusion, sur le fond, et c’est ce qui compte, le résultat est à la hauteur des enjeux, grâce à une convergence quasi totale entre le Sénat et le Gouvernement, au seul bénéfice des territoires ruraux.

Sur cette question à fort enjeu et à forte portée symbolique, je tiens particulièrement à remercier Mme la Première ministre d’avoir inscrit la pérennisation de ce dispositif, à plusieurs reprises menacé de disparition, dans le plan France Ruralités annoncé en juillet dernier et d’avoir intégré sa concrétisation dans la loi de finances pour 2024, sous la forme de France Ruralités Revitalisation.

Je veux aussi remercier la ministre chargée des collectivités territoriales, Dominique Faure : durant plusieurs mois, elle a joué la carte de la concertation avec les parlementaires et les associations d’élus, recherchant le consensus le plus large autour de la meilleure réforme, améliorant ainsi la copie initiale du Gouvernement.

Enfin, merci à vous, monsieur le ministre, qui avez été présent tout au long de ces débats, de votre écoute et de votre ouverture sur cette question importante !

L’accord conclu entre le Gouvernement et le Sénat s’est traduit par un vote unanime ou quasi unanime, rassemblant toutes les sensibilités et tous les territoires autour d’un projet commun.

Ce projet répond aux besoins des territoires ruraux et un message positif encourageant est ainsi adressé au secteur rural ; c’est important.

Monsieur le ministre, après l’obtention de cet accord, que l’on doit à une réelle concertation, après ce vote unanime du Sénat, nous comptons sur le Gouvernement pour que la version du texte qui, dans l’hypothèse d’un 49.3, sera considérée comme définitivement adoptée respecte l’accord trouvé avec la chambre des territoires.

Voilà un balayage rapide des apports de notre groupe, qui, au total – cela a été rappelé –, contribue au redressement des finances publiques, grâce aux économies réalisées.

À notre sens, c’est un texte solide, répondant aux enjeux du moment, qui sort du Sénat. Nous le voterons ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes INDEP et RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Ghislaine Senée, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Ghislaine Senée. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voilà donc arrivés au bout de ces nombreuses heures de débats sur les recettes du budget de l’État pour 2024, au cours desquelles nous avons examiné près de 2 400 amendements.

Cette inflation des propositions sénatoriales pourrait être perçue comme un symptôme de vitalité démocratique. Or je crains qu’elle ne reflète davantage les frustrations d’une représentation nationale qui se voit bâillonnée au Palais-Bourbon ! Je crois que nous aimerions tous pouvoir partager l’examen du budget de la Nation avec nos collègues députés.

Monsieur le ministre, malgré l’alerte que le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires vous a signifiée à l’ouverture de ces débats, ce volet recettes du budget ne répond pas à l’urgence d’une action d’envergure en faveur de la transition climatique. La France doit pourtant impérativement s’y engager si elle veut assurer son avenir dans ce monde menacé par l’hyperactivité humaine et le réchauffement global.

C’est ce que préconisent Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz dans leur fameux rapport, dont on a bien compris que vous n’aimiez pas que l’on s’y réfère, alors même qu’il fait montre d’une grande objectivité.

Ce rapport chiffre à 66 milliards d’euros par an le montant des investissements nécessaires pour financer la transition et pour que la France s’aligne enfin sur la trajectoire de neutralité climatique qu’elle s’est fixée.

Vous avez osé assumer que vous n’y répondiez, cette année, qu’à hauteur de 30 %, le reste étant à la charge des collectivités, qui, certes, contribuent pour 70 % à l’investissement public, mais doivent aussi assumer bien d’autres charges et compétences transférées et non compensées. De cela, nous reparlerons en examinant la seconde partie de ce budget…

Revenons plutôt à ce rapport, qui, rappelons-le, a été demandé par Mme la Première ministre et qui préconise deux solutions de financement : le recours à l’emprunt pour les dépenses vertes et la taxation provisoire des plus hauts patrimoines financiers.

Force a été de constater, tout au long de ces débats, que vous ne vouliez ni de l’un ni de l’autre.

Mme Ghislaine Senée. Monsieur le ministre, nous avons tenté de corriger le tir, en vous présentant des propositions de bon sens, parfois ambitieuses, mais vous les avez, pour beaucoup, balayées, parfois du revers de la main.

Nous avons tout d’abord proposé de demander à chacun de contribuer à la hauteur de ses capacités à l’effort collectif de transformation de notre société. Comme la commission des finances, vous avez émis, sur cette proposition, un avis défavorable.

Nous vous avons ensuite proposé de mettre fin rapidement à l’ensemble des dépenses fiscales néfastes pour le climat, dont la seule existence, dans le contexte actuel d’emballement, est une insulte aux générations futures et à l’avenir de notre société. Là encore, vous avez émis un avis défavorable.

Nous vous avons enfin proposé d’instaurer une fiscalité favorable pour les secteurs d’avenir que constituent les transports décarbonés, les énergies renouvelables ou l’agriculture durable : derechef, avis défavorable !

Certes, quelques avancées ont été obtenues, de-ci, de-là, mais elles ne sont évidemment pas suffisantes pour assurer la transition climatique ni pour rétablir davantage de justice sociale.

À ce propos, je veux tout de même saluer l’adoption de l’amendement de nos collègues du groupe Union Centriste, voté avec les voix de la gauche et des écologistes, qui vise à permettre de renforcer la fiscalité sur les hauts revenus. S’il est impératif en effet de demander aux plus aisés de participer à l’effort collectif selon leurs capacités, j’ai bien peur que cet amendement ne passe sous les fourches caudines d’un prochain 49.3 à l’Assemblée nationale… (Mme Nathalie Goulet lève les bras au ciel.)

Fraîchement élue, je réalise à quel point le chemin est encore long, à droite de cet hémicycle, pour accepter de sortir du dogme de la rigueur budgétaire : nous sommes bien loin de changer de braquet.

MM. Olivier Paccaud et André Reichardt. C’est le dogme de la décroissance que vous défendez !

Mme Ghislaine Senée. Voilà quarante ans que les écologistes défendent l’impérieuse nécessité d’un changement de modèle. Il n’est plus temps de tergiverser !

On le sait désormais, le coût de l’inaction climatique sera largement – largement ! – plus élevé que celui de la transition.

Une étude de la Banque centrale européenne montre clairement, à partir de plusieurs scénarios, que plus on attendra pour agir, plus le coût financier sera élevé pour les entreprises et pour les ménages.

C’est la raison pour laquelle mon groupe votera contre cette première partie du budget.

Monsieur le ministre, la France a deux grandes forces sur lesquelles vous devriez vous appuyer pour réussir l’effort de transition.

La première est l’administration qui, aujourd’hui, s’engage fortement en vue de tenir les objectifs fixés.

Notre pays est riche, deuxièmement, de ses 520 000 élus, volontaires, engagés, prêts à s’investir pour transformer leurs territoires et répondre aux enjeux à venir.

Sortez de votre frilosité ! Tracez une ligne claire et ambitieuse. Surtout, mobilisez les moyens nécessaires pour que nous puissions la suivre collectivement ! Alors nous pourrions aborder avec efficacité et intelligence le tournant dont la France a tant besoin. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER. – Mme Marie-Claude Varaillas applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. Pascal Savoldelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la majorité sénatoriale votera la première partie de ce budget pour 2024, comme elle l’a fait pour le budget de la sécurité sociale : c’est une forme de continuité.

Votant le projet de budget de la sécurité sociale, elle donnait son aval, « au nom de l’efficience », à un rabot de 500 millions d’euros sur les hôpitaux, en décalage total avec les 2 milliards d’euros réclamés par la Fédération hospitalière de France en réponse à l’insécurité sanitaire.

Le déficit de la sécurité sociale provient du refus en bloc de prélever sur le capital le financement des besoins de santé publique.

Ce projet de loi de finances s’inscrit dans la même logique.

L’examen au Sénat ménage les plus riches, les patrimoines mirobolants et les revenus financiers, exception faite d’une contribution sur les rachats d’actions des grandes entreprises. Notre groupe s’est particulièrement battu pour cette mesure, et conteste l’évaluation de son produit, à 400 millions d’euros seulement – attendons la suite.

Les propositions du groupe Union Centriste ciblent les ménages et corrigent à la marge certaines injustices.

Il y a malheureusement un « mais », et c’est une réserve majeure, mes chers collègues : jamais les profits exponentiels du CAC 40 ne sont mis à contribution. Je rappelle qu’ils se sont élevés à 80 milliards d’euros au premier semestre 2023 !

En gros, le capital s’en sort bien, les inégalités sociales et fiscales subsistent.

La droite sénatoriale a contribué à accroître comme jamais auparavant les déficits publics. Elle a, dans ce projet de loi, prolongé et renforcé des niches fiscales non évaluées et coûteuses.

La partie recettes est dévoyée. D’ailleurs, elle porte mal son nom, quand n’y sont votées que des dépenses en faveur des plus aisés.

Au prétexte de résoudre la crise du logement, le président Retailleau et ses collègues ont fait voter un relèvement à 150 000 euros de l’abattement applicable aux donations pour acquisition d’une résidence principale.

Il nous faut tenir un discours de vérité : 87 % des Français perçoivent, dans toute leur vie, un héritage total de moins de 100 000 euros. Ce rehaussement est donc une mesure à 2 milliards d’euros au moins pour les riches.

Le logement est un prétexte. L’État partenaire, associé aux plus riches, aux banques et aux organisations privées des marchés financiers, est le choix stratégique de la droite.

Pour ce qui concerne les plus modestes de nos concitoyens, le logement social, lui, est le grand absent de nos débats : 80 % des demandes dans le parc social sont rejetées ; 2,14 millions de demandes, qui nécessiteraient de construire 198 000 logements sociaux par an entre 2024 et 2040, sont en attente. En 2023, seuls 90 000 de ces logements sont sortis de terre. Nous touchons le fond ! Le Gouvernement et la droite sénatoriale refusent de désamorcer cette « bombe à retardement ».

Pour les collectivités, la perte de marges financières est toujours d’actualité. Des amendements, défendus notamment par notre groupe, visant à renforcer la taxe sur les logements vacants ont, certes, été adoptés. Mais l’indexation de la DGF sur l’inflation a été refusée, ce qui entraîne une baisse de 5,6 milliards, tous transferts confondus, en euros courants.

À cela il faut ajouter la poursuite de la suppression de 19,6 milliards d’euros de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), et la perte potentielle de dynamique pour les communes.

Enfin, il n’y a ni déplafonnement ni décorrélation réelle entre la taxe foncière et la taxe sur les résidences secondaires.

La centralisation des ressources des collectivités est un fait avéré. Des dotations à l’investissement encadrées par les préfets : voilà une conception de l’autonomie financière très étroite !

Parallèlement, les collectivités sont traitées comme des sous-traitants des politiques nationales. C’est vrai pour le service public de la petite enfance, pour la transition écologique, et j’en passe.

Aussi la dotation de 100 millions d’euros, soit 1 million d’euros supplémentaires par département, qui a été votée contre l’avis du Gouvernement, se révèle-t-elle totalement insuffisante. Dans mon département du Val-de-Marne, 90 millions d’euros seront nécessaires à la suite de la baisse des droits de mutation à titre onéreux (DMTO). Que restera-t-il pour les autres ? (Mme Raymonde Poncet Monge sesclaffe.) Pourtant, des collègues de toutes sensibilités politiques ont dit ici que des départements allaient peut-être déposer le bilan à cause des écarts liés à la diminution des droits de mutation !

M. Pascal Savoldelli. Quant aux entreprises et aux ménages, ils n’ont guère été aidés…

Les premières n’ont pas été aidées autant qu’on l’a dit. La dette privée est un tabou. Ici, on n’en parle jamais. Or elle frôle les 162 % du PIB. À côté, la dette publique ferait presque pâle figure ! Nous vous conseillons à cet égard la lecture du livre de mon collègue Éric Bocquet, La dette à perpète ! – Les nœuds dune bataille idéologique. (Sourires. – Mme Nathalie Goulet applaudit.)

M. Olivier Paccaud. La minute de pub !

M. Pascal Savoldelli. Et cette dette prospère, malgré le florilège de crédits d’impôt et d’aides en tout genre…

Ce ne sont pas la fiscalité et les cotisations sociales qui endettent les entreprises ; c’est le coût du capital !

Vous le comprendrez, nous ne faisons pas confiance au 49.3… Nous voterons contre la première partie du projet de loi de finances. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Christian Bilhac. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après trois projets de loi de finances élaborés dans des contextes difficiles, marqués successivement par la crise sanitaire, les élections et la crise énergétique, ce budget pour 2024 intervient dans une situation quasiment normale, le PIB revenant au niveau de 2019.

La partie recettes du projet de loi de finances pour 2024 présente des prévisions gouvernementales plus optimistes que celles de tous les économistes, notamment au sujet de la croissance. Pendant ce temps, la dette continue de croître, et la hausse des taux d’intérêt pèsera lourdement sur les comptes publics. Le déficit budgétaire se maintient à un niveau très élevé, celui que l’on a connu durant la crise sanitaire.

Dans un tel contexte, le Gouvernement a proposé une hausse de la DGF de 220 millions d’euros, pour augmenter la dotation de solidarité rurale (DSR) de 100 millions d’euros et la dotation de solidarité urbaine (DSU) de 90 millions. Je m’en réjouis, car c’est une mesure bienvenue.

L’amendement d’appel quelque peu provocateur que j’avais déposé sur l’article 28 pour supprimer les agences de l’eau a été rejeté. Je m’y attendais, mais je voulais engager une dynamique pour réduire les dépenses de fonctionnement des opérateurs publics et des administrations centrales.

Le constat est accablant. Nous avons trop d’opérateurs, et les crédits qu’ils consomment en frais administratifs seraient plus utiles s’ils étaient versés directement aux collectivités pour les services opérationnels.

Comment peut-on justifier que les frais administratifs soient deux fois plus élevés en France que chez nos voisins européens ?

Comment expliquer à nos concitoyens que nous sommes les champions du monde des prélèvements obligatoires, que les dépenses de personnel ne cessent d’augmenter, mais qu’il manque, en même temps, sur tout le territoire des enseignants, des policiers, et que les déserts médicaux se multiplient ?

Les élus locaux et les maires dénoncent tous les lourdeurs administratives. Le maire de Cazouls-lès-Béziers, dans mon département de l’Hérault, me faisait part lors du Congrès des maires de sa volonté de construire une centrale photovoltaïque sur une ancienne décharge. Cela fait quatre ans que l’administration lui demande étude sur étude et rapport sur rapport ! Pendant ce temps, la centrale reste dans les cartons…

Les chefs d’entreprise, eux aussi, répètent qu’ils en ont « marre » de l’administration qui les étouffe et demandent qu’on les laisse travailler.

Quant aux agriculteurs, ils disent passer plus de temps devant leur ordinateur que sur leur tracteur ! (Exclamations amusées.)

Ce constat n’est pas nouveau. Déjà, le président Pompidou demandait à l’administration – je cite ses propos – d’« arrêter d’emmerder les Français » ! (Marques dapprobation sur les travées du groupe Les Républicains.) On en est toujours là !

Pour conclure cette explication de vote au nom du groupe RDSE sur le volet recettes du budget pour 2024, je tiens à souligner les avancées inscrites dans le texte par le Sénat – il prouve en cela qu’il est la chambre des territoires ! –, à hauteur de 1,615 milliard d’euros pour les collectivités locales : abondement d’un fonds d’urgence climatique, notamment pour réparer les conséquences des inondations ; dotation incendie en faveur des communes rurales ; revalorisation de la DGF à hauteur de 100 millions d’euros ; élargissement à tout le territoire du PTZ ; prolongation du filet de sécurité énergétique pour les collectivités ; dotation, certes insuffisante, de 100 millions d’euros supplémentaires pour les départements ; élargissement de la dotation particulière relative aux conditions d’exercice des mandats locaux, dite dotation particulière « élu local » (DPEL) aux communes de moins de 1 000 habitants, sans condition de ressource, avec 3 000 nouvelles communes éligibles ; sans oublier les zones France Ruralités Revitalisation (FRR).

À cet égard, je regrette toutefois le rejet de l’amendement du groupe RDSE visant à faire bénéficier de ce dispositif le département du Lot, qui en est exclu à quelques habitants près et pour un problème de procédure.

Je n’oublie pas non plus les dotations confortées pour les chambres consulaires – chambres d’agriculture, chambres de commerce et d’industrie (CCI) et chambres des métiers –, qui ont été défendues par le Sénat.

Pour conclure, je tiens à remercier le ministre, ainsi que le président et le rapporteur général de la commission des finances de leur écoute et de leur pédagogie.

Comme la majorité des membres du RDSE, je voterai cette première partie du budget pour 2024, non seulement pour les avancées qu’elle contient, mais aussi pour pouvoir examiner le volet dépenses de ce projet de loi des finances, notre groupe étant – vous le savez – très attaché à la poursuite du débat parlementaire. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Didier Rambaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en retrouvant mon intervention prononcée ici l’an dernier, j’ai constaté que le nombre d’amendements déposés avait déjà dépassé tous les records. Nous en étions à 1 741 amendements, bien loin des 2 300 déposés cette année…

Comme vous l’aviez proposé l’an dernier, monsieur le président de la commission des finances, cher Claude Raynal, je crois que nous devons nous interroger sur cette inflation législative. Quelles en sont les causes ? Et surtout, comment la contrecarrer pour éviter de se retrouver face au dépôt de 5 000 amendements dans trois ans ?

Mes chers collègues, les débats sur cette première partie du projet de budget se sont tenus dans une ambiance assez étrange, et ce dès le départ, au moment du rejet de l’amendement relatif au quotient familial déposé par Bruno Retailleau, qui – je me permets de le rappeler – aurait coûté plus de 1,5 milliard d’euros et bénéficié aux plus favorisés de nos concitoyens. Ce rejet fut suivi d’un nouveau revers pour le groupe majoritaire sur l’assurance vie.

Depuis juin 2022, les oppositions à la majorité présidentielle ne cessent de pointer du doigt l’absence de majorité absolue à l’Assemblée nationale… Mes chers collègues de la majorité sénatoriale, vous venez d’expérimenter les charmes de la majorité relative ! (M. le ministre délégué et M. Jean-Baptiste Lemoyne sesclaffent.)

Cette première partie du projet de loi de finances ne ressemble en fin de compte qu’à un tissu de contradictions, entre les taxes nouvelles votées à votre corps défendant, un grand nombre de mesures nouvelles particulièrement coûteuses et des niches fiscales comme s’il en pleuvait.

Par ailleurs, alors que vous ne cessez d’appeler à la maîtrise des finances publiques, nous avons pu constater une fois de plus l’incohérence de votre discours.

Vous avez ainsi voté plus de 1,6 milliard d’euros supplémentaires à destination des collectivités. Le Sénat est, certes, la chambre des territoires, mais de tels votes sont incompatibles avec un discours de responsabilité et de redressement des comptes publics.

Pour financer ces dépenses, vous profitez des recettes votées contre la ligne de votre groupe : quel paradoxe ! Même le président Retailleau est monté au créneau pour mettre le holà face à vos dépenses excessives…

Je pense ainsi à la compensation rétroactive des dépenses des communes pour l’aménagement de terrains, ou encore au filet de sécurité relatif à l’énergie. On a senti une gêne sur vos travées au moment des votes. (M. Roger Karoutchi le conteste.)