Mme Chantal Deseyne, rapporteur. Cet amendement a pour objet les jeunes adultes handicapés.

En effet, l’amendement Creton permet depuis 1989 le maintien dérogatoire de jeunes adultes accueillis dans des établissements et services pour enfants handicapés, tels que les instituts médico-éducatifs (IME), en attendant de trouver une place dans des structures pour adultes.

Malgré son intérêt, ce dispositif a engendré des difficultés qui s’expliquent par le nombre croissant des bénéficiaires – ils seraient aujourd’hui 10 000, alors qu’ils étaient 5 700 en 2014 – et par le caractère parfois durable de ce maintien dans les établissements pour enfants. Le dispositif crée une pression sur l’offre des établissements pour enfants, dont l’organisation peut alors être affectée.

La commission des affaires sociales propose donc d’expérimenter l’accueil de jeunes de 16 ans et plus en situation de handicap dans des dispositifs de transition autorisés par l’ARS et le conseil départemental, sur orientation de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH).

Ces dispositifs seraient financés de la même manière que les établissements médico-sociaux accueillant des personnes en situation de handicap.

Madame la ministre, ce dispositif, qui s’inspire d’initiatives locales, serait-il susceptible de s’inscrire dans le cadre des 50 000 solutions annoncées lors de la Conférence nationale du handicap (CNH) ?

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon, pour présenter l’amendement n° 615 rectifié bis.

M. Alain Milon. Cet amendement de M. Khalifé est identique à celui de Mme la rapporteure.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Aurore Bergé, ministre. Nous sommes tous d’accord sur le constat : il existe un besoin criant de places pour des adultes qui sont maintenus dans des situations indignes au sein d’établissements qui sont normalement dévolus aux mineurs.

J’espère surtout que, à courte échéance, nous pourrons nous passer de l’amendement Creton. Je comprends pourquoi il a été voté, mais il ne constitue pas la solution que nous voulons ni pour les établissements pour mineurs – dans l’ensemble de nos territoires, nous constatons que les familles doivent s’inscrire sur une longue liste d’attente pour y obtenir une place – ni pour les adultes.

Pour autant, très sincèrement, je ne pense pas que la création d’un statut, qui serait transitoire, pour des personnes âgées de 15 à 20 ans soit la bonne réponse. Celle-ci consisterait plutôt à ce que l’on mette en œuvre ce que le Président de la République a promis, et cela relèvera de ma responsabilité et de celle de Fadila Khattabi : 50 000 nouvelles solutions et 1,5 milliard d’euros déployés dans le cadre de la CNH pour garantir que la priorité sera donnée à la création de places pour adultes. Ces derniers pourront ainsi enfin trouver leur juste place et les mineurs pourront rester dans les établissements qui leur sont dédiés.

Je comprends parfaitement les raisons qui vous ont poussés à proposer cette solution, mais je ne crois pas qu’elle réponde aux besoins. Il faudra en effet pouvoir distinguer les situations différentes de personnes qui auront 15 ans, 17 ans, 18 ans ou 20 ans et vous risquez de vous retrouver, dans deux ou trois ans, dans la même situation que celle que nous déplorons aujourd’hui.

Notre effort commun et, surtout, l’engagement de l’État doivent être de garantir la création de places pour adultes - nous ne l’avons pas assez fait par le passé, collectivement - et non pas une solution transitoire qui, à mon avis, finira par nous exposer à une situation comparable à celle que nous déplorons.

J’espère vous avoir convaincus. L’engagement de l’État doit porter sur cette priorité dans le cadre des 50 000 solutions, afin que les 10 000 personnes maintenues sous amendement Creton puissent enfin être là où elles devraient être, c’est-à-dire dans des établissements dédiés aux adultes.

Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Chantal Deseyne, rapporteur. Nous sommes d’accord sur le constat et les objectifs, madame la ministre. Mais le temps que ce service pour adultes se mette en place, il se passera quelques années.

En réalité, ce que je vous propose au travers de cet amendement, c’est un dispositif passerelle pour répondre à la situation présente et pour permettre à des jeunes qui attendent d’entrer dans des IME de bénéficier de ces places.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 311 et 615 rectifié bis.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 38.

Article additionnel après l'article 38 - Amendements n° 310 et n° 615 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024
Après l’article 38 bis

Article 38 bis (nouveau)

Le deuxième alinéa de l’article L. 165-1 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° À la première phrase, le mot : « distinguer » est remplacé par le mot : « déterminer » ;

2° Au début de la seconde phrase, les mots : « L’une au moins de ces classes » sont remplacés par les mots : « La classe ou, le cas échéant, l’une au moins des classes déterminées ».

Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos, sur l’article.

Mme Laure Darcos. Le remboursement intégral des fauteuils roulants, dès 2024, concrétise une annonce faite dans le cadre de la Conférence nationale du handicap du 26 avril dernier.

Si cette annonce est satisfaisante de prime abord, elle laisse les personnes en situation de handicap extrêmement dubitatives. Vous le savez parfaitement, tous les fauteuils roulants ne se valent pas. Les plus techniques sont évidemment les plus coûteux, mais ils sont indispensables à ceux dont le degré d’autonomie est le plus faible. Parler de « gamme de prix » n’aurait donc pas de sens, la question étant de garantir la prise en charge des besoins fonctionnels de tous les usagers de fauteuils roulants.

À juste titre, la commission des affaires sociales du Sénat a estimé douteux que les prix de l’ensemble des fauteuils roulants puissent être plafonnés. Un précédent doit nous alerter : dans le cadre de l’offre « 100 % Santé », des travaux de nomenclature avaient conduit à définir, donc à restreindre, les modèles de dispositifs médicaux pris en charge à 100 %.

Ce fut notamment le cas pour les lunettes, et je crains que ce ne soit malheureusement aussi le cas pour les fauteuils.

Madame la ministre, pouvez-vous nous garantir que la prise en charge à 100 % des fauteuils ne sera pas limitée aux seuls produits d’entrée de gamme, qui ne sont pas utilisés par les personnes en situation de handicap ? Un travail de nomenclature distinguant les fauteuils pris en charge à 100 % des autres sera-t-il mené et, si oui, à quelle échéance ?

Vous affirmez par ailleurs que c’est à l’État qu’incombera la prise en charge de cette mesure. Or il m’avait semblé comprendre que les complémentaires santé seraient également appelées à participer au financement des fauteuils, comme c’est le cas pour les autres champs couverts par le « 100 % Santé ». Pouvez-vous clarifier ce point et, le cas échéant, nous préciser la quote-part qui incombera aux organismes complémentaires ?

Quant aux fabricants, ils appréhendent le changement de modèle économique induit par la réforme, qui pourrait, selon eux, entraîner la fragilisation de la chaîne de valeur dédiée aux aides techniques. Quelle réponse pouvez-vous leur apporter ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Aurore Bergé, ministre. Le sujet est important et des amendements ont été déposés.

Madame la sénatrice, je le redis avec clarté et vous savez que les engagements pris par le Gouvernement au banc font référence, si jamais il y avait la moindre ambiguïté. Je redis donc, comme j’ai eu l’occasion de le faire en commission, que le reste à charge sera de zéro. Aujourd’hui encore, quelque 60 000 familles déboursent en moyenne 5 000 euros pour se doter d’un fauteuil. En réalité, comme vous l’avez dit, les écarts entre les types de fauteuil sont énormes, pouvant aller jusqu’à 20 000 euros ou 30 0000 euros lorsqu’il faut répondre à certains besoins ou spécifications. Je vous confirme que le dispositif concerne tous les fauteuils.

En réalité, nous faisons le choix délibéré de ne pas introduire ces précisions dans la loi, parce que nous avons peur de la rigidifier. Nous ne sommes en effet pas en mesure de lister les spécifications techniques propres à chaque fauteuil.

Nous travaillons actuellement à la mise en place d’une nomenclature, qui relève naturellement du domaine réglementaire, mais il ne s’agit, je le précise, que d’une classification de base.

Je le répète, tous les fauteuils, quel que soit leur prix, feront l’objet d’un remboursement. Pour des raisons évidentes, nous ne fixerons pas de plafond : certaines situations peuvent justifier l’achat d’un fauteuil coûtant plusieurs dizaines de milliers d’euros.

L’engagement du Gouvernement est sans ambiguïté en la matière, d’autant qu’il s’agit d’un engagement du Président de la République.

Nous peaufinons en ce moment même les derniers détails, afin que la coordination entre l’assurance maladie et les complémentaires santé soit la meilleure possible. En tout cas, soyez rassurés : aucune famille n’aura à payer de sa poche. Accessoirement, les familles attendront moins longtemps d’être remboursées – c’est aussi un enjeu important.

Je tenais à lever toutes les ambiguïtés sur le sujet en prenant la parole devant vous. Il s’agit d’une avancée majeure pour les familles. Qui ne connaît pas au moins une personne qui en est arrivée à faire appel à la solidarité, voire à ouvrir une cagnotte sur internet, pour financer un fauteuil ? C’est indigne de notre pays, et c’est pourquoi nous nous engageons à mettre un terme à ces situations.

Je crois sincèrement qu’il ne faut surtout pas introduire de nomenclature dans la loi, car c’est le meilleur moyen de passer à côté d’un certain nombre de cas particuliers. La souplesse est ici nécessaire.

Mme la présidente. L’amendement n° 311, présenté par Mme Deseyne, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

et, après le mot : « prestations », sont insérés les mots : « une ou »

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Chantal Deseyne, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Aurore Bergé, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 311.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 625 rectifié ter, présenté par M. Canévet, Mmes N. Goulet et O. Richard, MM. Delcros, Longeot, Kern, Duffourg et Courtial, Mme Havet et MM. S. Demilly, Henno et Bleunven, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…– Le même article L. 165-1 est complété par cinq alinéas ainsi rédigés :

« Pour l’application des dispositions du deuxième alinéa aux fauteuils roulants inscrits à la liste des produits et prestations, la procédure de référencement doit être menée selon les impératifs suivants :

« - la consultation préalable des organisations professionnelles (prestataires et fabricants) représentatives de la filière des opérateurs offrant la mise à disposition de fauteuils roulants, ainsi que des organisations représentatives de patients et usagers ;

« - la prise en compte de la capillarité nécessaire de l’offre sur l’ensemble du territoire pour assurer l’égalité de l’accès aux soins, et en particulier en zone rurale ;

« - la capacité pour les acteurs à pérenniser leur équilibre économique et les emplois locaux associés au regard de leurs obligations d’intérêt général ;

« - la prise en compte d’une trajectoire de mise en œuvre de la réforme de la prise en charge de ces produits et services permettant d’assurer son applicabilité, au regard de la nécessité pour les acteurs concernés de s’adapter aux évolutions de leur organisation et moyens induites par la réforme. »

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Le vieillissement de la population française dans les années à venir, conjugué à la volonté croissante des personnes âgées de rester le plus longtemps possible à leur domicile, renforce la nécessité d’offrit, en tout point du territoire, des solutions face à la perte d’autonomie. Il convient notamment de garantir une offre de fauteuils roulants en location, une offre soutenable évitant à cette population d’être privée de fauteuils adaptés à ses besoins.

Cet amendement de notre collègue Michel Canévet vise à s’assurer que l’ensemble des acteurs proposant aujourd’hui ce type de produit seront en mesure de s’adapter à ce nouveau modèle que rend incontournable la demande du « bien vieillir à domicile », et ce selon une dynamique de changement réaliste.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Chantal Deseyne, rapporteur. Nous partageons votre objectif, ma chère collègue, de garantir aux personnes en situation de handicap le remboursement de fauteuils adaptés à leurs besoins.

Toutefois, il ne semble pas opportun d’inscrire dans la loi une procédure spécifique et d’entrer à ce point dans le détail des fauteuils roulants. Voilà pourquoi la commission est défavorable à votre amendement.

J’ai bien entendu l’engagement de Mme la ministre, réitéré en commission et en séance publique à l’instant même, d’un reste à charge zéro. Il reste toutefois à en définir les modalités.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Aurore Bergé, ministre. Même avis.

Mme Nathalie Goulet. Je retire mon amendement, madame la présidente !

Mme la présidente. L’amendement n° 625 rectifié ter est retiré.

Je mets aux voix l’article 38 bis, modifié.

(Larticle 38 bis est adopté.)

Article 38 bis (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024
Article additionnel après l'article 38 bis - Amendement n° 1356 rectifié

Après l’article 38 bis

Après l’article 38 bis
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024
Article 39 (supprimé)

Mme la présidente. L’amendement n° 1356 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 38 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Pour l’année 2024, en complément du financement du concours mentionné au a du 3° de l’article L. 223-8 du code de la sécurité sociale, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie verse un financement aux départements.

Ce complément de 150 millions d’euros est réparti en prenant notamment en compte le niveau du financement attribué en 2023 au titre du concours mentionné au a du 3° du même article L. 223-8.

II. – Par exception au I, ne sont pas éligibles à ce complément :

1° Les départements ayant un potentiel fiscal par habitant, au sens de l’article L. 3334-6 du code général des collectivités territoriales et dans les conditions prévues à l’article L. 223-14 du code de la sécurité sociale, supérieur à une valeur définie par voie réglementaire ;

2° Les départements qui n’atteignent pas un seuil défini par voie réglementaire, s’agissant de l’aide financière accordée aux services exerçant des activités d’aide et d’accompagnement à domicile au titre des actions améliorant la qualité du service rendu à l’usager mentionné au 3° de l’article L. 314-2-1 du code de l’action sociale et des familles.

III. – Les modalités de mise en œuvre du présent article sont précisées par décret.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Aurore Bergé, ministre. Il s’agit d’un amendement important, qui concrétise un engagement pris par la Première ministre et moi-même devant les présidents de conseil départemental lors des assises nationales de Départements de France, à la suite de la réunion du comité des financeurs. Je le rappelle, ce comité réunit à la fois des représentants de la CNSA et des présidents de département désignés par Départements de France.

L’amendement démontre très clairement la volonté de l’État de mieux soutenir les départements dès 2024, en leur accordant 150 millions d’euros supplémentaires. Ce dispositif permettra que plus aucun département ne se voie verser une compensation dont le montant est inférieur à 40 % des dépenses qu’il engage pour financer l’APA (allocation personnalisée d’autonomie).

On parle de garantir l’équité territoriale entre nos concitoyens, mais il faut aussi s’assurer de la préservation de l’équité territoriale entre départements. On ne peut pas laisser perdurer une situation dans laquelle certains départements sont compensés à hauteur de 22 % ou 23 % quand d’autres le sont à 46 %.

Je précise qu’aucun département ne verra le montant de ses compensations baisser : l’idée est d’augmenter de 150 millions d’euros les ressources de ces collectivités.

Par ailleurs, il nous reviendra d’engager, en lien avec les départements, une refonte en profondeur des fonds de concours pour 2025. Il s’agit de rendre plus lisibles les politiques en matière d’autonomie. À partir de 2025, en effet, 50 % de toutes les dépenses nouvelles assumées par les départements en matière d’autonomie seront prises en charge par l’État.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Chantal Deseyne, rapporteur. Ce soutien complémentaire est bienvenu dans un contexte où les dépenses vont croissant – les départements l’apprécieront. Toutefois, il faut préciser que cette mesure est ponctuelle, puisqu’elle ne vaut que pour l’année 2024.

Dans le même temps, le Gouvernement prévoit d’écrêter les plafonds du concours financier de la CNSA aux départements pour la prise en charge de l’APA et de la prestation de compensation du handicap (PCH), afin de neutraliser l’apport de 0,15 point de CSG supplémentaire à la branche autonomie. Je rappelle à ce titre qu’un amendement de la commission, adopté à l’article 10, a supprimé cette neutralisation.

Une réforme des concours financiers de la CNSA demeurera nécessaire, afin de rendre plus lisibles et équitables les relations entre la branche autonomie et les départements.

Sous ces réserves, la commission est favorable à l’amendement du Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. Dans le prolongement des propos de Mme la rapporteure, je considère que cette disposition du Gouvernement est bienvenue. Cependant, je rappelle que celui-ci s’est engagé à opérer un « rebasage », ce qui suppose que ces 150 millions d’euros soient versés chaque année, et non uniquement en 2024. (Mme la ministre acquiesce.) Vous hochez la tête, madame la ministre, mais nous attendons que vous précisiez ce point.

Second point d’attention : l’amendement ne vise que les dépenses de prise en charge de l’APA, alors que les dépenses liées à la PCH devraient également faire l’objet d’une nouvelle compensation.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Aurore Bergé, ministre. J’ai opiné du chef, monsieur le sénateur, parce que ces 150 millions d’euros sont bel et bien destinés à financer à la fois l’APA et la PCH. Il s’agit en outre, puisque vous vous en souciez, d’un engagement continu : plus aucun département ne sera compensé en deçà de 40 % à partir de 2024, ce qui signifie que ce sera également le cas pour les années suivantes.

Nous sommes conscients, je l’ai dit, de la nécessité d’une refonte des fonds de concours : il convient d’en renforcer la lisibilité et d’en clarifier les critères d’attribution. Je le répète également, la moitié des dépenses nouvelles en matière d’autonomie seront désormais compensées par l’État, via la CNSA.

J’ai ainsi répondu, me semble-t-il, à l’ensemble de vos préoccupations.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1356 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 38 bis.

Chapitre V

Moderniser l’indemnisation d’accident du travail ou de maladie professionnelle

Article additionnel après l'article 38 bis - Amendement n° 1356 rectifié
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024
Après l’article 39

Article 39

(Supprimé)

Mme la présidente. L’amendement n° 933, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Dans un délai de trois mois à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’indemnisation des victimes du travail. Ce rapport, après consultation des propositions des partenaires sociaux, des associations de victimes, des associations de praticiens du droit, des représentants de la Cour de cassation et du Conseil d’État, présente les voies immédiates d’amélioration possibles du dispositif actuel et les moyens pour parvenir, à terme, à une réparation intégrale des préjudices subis par les victimes.

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Les troubles psychopathologiques liés au travail sont devenus un enjeu social et politique, comme l’atteste la multiplication des commissions et des rapports publiés ces dernières années, notamment celui sur lequel repose cet amendement, le rapport d’information sur le syndrome d’épuisement professionnel élaboré par le député Gérard Sebaoun en 2017.

Les spécialistes de la sécurité au travail et les économistes pointent le coût qu’engendrent les problèmes de santé physique et mentale pour les entreprises et les États.

En France, une enquête menée conjointement par l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) et le Groupe de recherche sur le risque, l’information et la décision, indique que le stress au travail aurait coûté entre 1,9 et 3 milliards d’euros en 2007.

En outre, selon le rapport de l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail, 50 % à 60 % des journées de travail perdues dans l’Union européenne ont un lien avec le stress au travail.

Pourtant, aujourd’hui, l’absence de couverture par la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) des frais médicaux et des indemnités journalières liés à l’épuisement professionnel a pour conséquence un report de leur prise en charge sur la branche maladie.

En effet, pour de multiples raisons – je pense à la complexité de la procédure de déclaration ou encore aux pressions exercées par certains employeurs pour échapper à leurs obligations –, une partie des dépenses engagées consécutivement à des pathologies d’origine professionnelle sont prises en charge par l’assurance maladie, et non par la branche AT-MP.

Selon la fourchette haute de l’étude conduite par l’INRS, en 2007, le coût du stress pour l’assurance maladie se décomposait ainsi : 200 millions d’euros de soins de santé et 1,283 milliard d’euros liés à l’arrêt de l’activité.

Nous considérons qu’il n’est pas légitime que la solidarité nationale prenne en charge ces dépenses lorsqu’un lien direct entre celles-ci et l’activité professionnelle peut être démontré.

C’est pourquoi nous demandons, à travers cet amendement, un état des lieux officiel de la commission chargée d’évaluer la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles : il faut absolument pouvoir estimer le coût des pathologies psychiques liées au travail, actuellement supporté par l’assurance maladie.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure de la commission des affaires sociales pour les accidents du travail et les maladies professionnelles. Cet amendement tend à rétablir l’article 39 dans une rédaction tout autre que sa version initiale.

J’en profite pour rappeler ma circonspection quant à la première mouture de cet article. Je me tourne vers vous, monsieur le ministre : ma circonspection ne porte pas sur le contenu ni sur la philosophie de l’accord national interprofessionnel unanimement signé par les partenaires sociaux.

Je crois que la rente doit avoir une nature duale, et je crains que la récente jurisprudence de la Cour de cassation ne conduise à une judiciarisation délétère des AT-MP, à rebours de ce qui a fait l’utilité et le succès de la branche, tant pour les salariés que pour les employeurs.

Ma circonspection porte plutôt sur les modalités retenues par le Gouvernement dans le texte initial. L’article 39 a été dénoncé par les partenaires sociaux et les associations en raison d’un manque de préparation et de consultations, ce qui a conduit à sa suppression.

Pour rendre le texte acceptable par les partenaires sociaux, le Gouvernement devra, dans un futur projet de loi ad hoc, tirer les conséquences de la gestion paritaire de la branche et associer la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles à la détermination des paramètres de la réforme.

Il devra également, sans contrevenir au principe d’une non double indemnisation, trouver une solution qui convienne aux associations pour les victimes de faute inexcusable de l’employeur, qui auraient été les grands perdants de la mise en œuvre de l’article 39 initial.

La nouvelle rédaction devra enfin intégrer une indemnisation plus claire, plus juste et plus équitable pour les victimes.

Pour en revenir à l’amendement, l’indemnisation des victimes du travail est un sujet qui mérite d’être approfondi – j’en conviens. Les controverses autour de l’article 39 le prouvent. Je pense toutefois que ce sujet devrait plutôt être traité par une mission d’information parlementaire : c’est le moyen le plus sûr d’obtenir un rapport sur cette problématique.

La commission est donc défavorable à l’amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Aurélien Rousseau, ministre de la santé et de la prévention. Madame la rapporteure, je comprends votre circonspection.

Permettez-moi de retracer l’historique de cette controverse.

L’accord national interprofessionnel (ANI) du 15 mai 2023, signé par tous les partenaires sociaux, appelait « le législateur à prendre toutes les mesures nécessaires afin de garantir que la nature duale de la rente AT-MP ne soit pas remise en cause ». Il prévoyait notamment de préciser le rôle des employeurs et des partenaires sociaux.

Le Gouvernement a fait le choix, comme il l’a annoncé, de transposer dans le présent projet de loi l’ensemble des stipulations figurant dans cet ANI. Il se trouve que les partenaires sociaux, tant du côté des employeurs que de celui des salariés, ont simultanément annoncé, quand ce projet de loi a été déposé et que l’article 39 a été rendu public, qu’ils n’avaient pas la même lecture que le Gouvernement de l’ANI qu’ils avaient unanimement signé.

Par la suite, les partenaires sociaux ont confirmé à mon collègue Olivier Dussopt qu’ils portaient un tout autre regard que lui sur cet accord et qu’ils n’en avaient pas la même appréciation.

Par ailleurs, je ne vous cache pas que, sur un plan strictement juridique, la stipulation de l’ANI appelant le législateur à faire le nécessaire pour garantir la nature duale de la rente nous exposerait à un risque d’incompétence négative. En effet, on laisserait au domaine réglementaire un champ d’intervention qui relève, en vertu de la Constitution, du domaine de la loi.

Nous étions cependant prêts à prendre le risque de voir cette disposition être jugée inconstitutionnelle si elle avait été unanimement soutenue par les partenaires sociaux. Dès lors que ces derniers nous ont fait savoir au mois d’octobre qu’ils ne faisaient pas la même lecture que nous de l’accord, nous avons préféré supprimer cet article 39 – je réponds là à Mme Apourceau-Poly.

Nous avons en parallèle demandé aux partenaires sociaux de rediscuter de ce sujet, parce qu’il est inenvisageable de laisser de côté cette question centrale des risques psychiques dans le cadre plus large de la problématique des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Voilà pourquoi je suis défavorable à cet amendement et au rétablissement de l’article 39.