Mme Catherine Di Folco, rapporteur. J’en viens à l’amendement n° 5 rectifié.

Je comprends évidemment l’intention de notre collègue Bourgi, et je vais essayer de le convaincre que son amendement est satisfait.

La formulation actuelle, qui prévoit l’octroi de la protection fonctionnelle aux élus victimes de violences, de menaces ou d’outrages, est très large. Elle fait l’objet d’une interprétation extensive de la part du juge, qui a reconnu que cette formule permettait, par exemple, d’octroyer la protection fonctionnelle aux victimes de voies de fait, de diffamations ou d’injures. La notion de « violences, de menaces ou d’outrages » recouvre en fait la totalité des crimes et délits mentionnés dans l’amendement.

La rectification apportée par l’amendement n’élargit donc en rien le périmètre actuel de la protection fonctionnelle. Garder une formulation volontairement large, comme nous l’avons fait, laissera de la souplesse au juge, et lui permettra de s’adapter aux évolutions de la société et aux nouvelles formes de violence qui peuvent apparaître.

Par ailleurs, l’élargissement proposé ne concerne que les maires et leurs adjoints ; il ferait donc naître un régime différencié entre les élus municipaux et les autres élus locaux.

Je demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 5 rectifié ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. En énonçant une liste d’infractions au titre desquelles la protection fonctionnelle peut être accordée par la collectivité, l’amendement n° 5 rectifié risque, à rebours de l’intention de ses auteurs, de réduire sensiblement le champ d’application de l’article, qui couvre aujourd’hui l’ensemble des crimes et délits visés par le code pénal.

Je demande donc également le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.

Mme Françoise Gatel. Madame la ministre, j’espère que vous n’y verrez pas une forme de harcèlement sénatorial, (Sourires.), car il sert une bonne cause, mais je souhaite revenir sur la position, unanime et profondément sincère, favorable à l’élargissement de la protection fonctionnelle à l’ensemble des conseillers municipaux.

On évoque à juste titre les démissions d’élus. Parmi les quelque 30 000 élus qui ont démissionné depuis 2020 figurent de nombreux conseillers municipaux. L’un des motifs qui expliquent leur décision est – vous le savez, madame la ministre – le fait qu’ils se détachent du gruppetto municipal.

Les conseillers municipaux sont parfois très éloignés de la prise de décision. Certains, qui ne sont pas conseillers communautaires, ont ainsi l’impression qu’un certain nombre de décisions leur échappent. Qui voudra s’engager dans un mandat de conseiller municipal, alors que l’on peut être à ce titre interpellé dans la rue, voire agressé ou vilipendé, et alors même que cette qualité n’est même pas tout à fait reconnue par ailleurs ?

Si vous voulez qu’il y ait des candidats et que les listes soient complètes, il vous faut entendre ce message. Je ne doute pas que vous l’ayez compris. Nous suivrons de près la suite…

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 16 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 5 rectifié n’a plus d’objet.

L’amendement n° 11, présenté par MM. Parigi, Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :

…° Après l’article L. 4422-10, il est inséré un article L. 4422-… ainsi rédigé :

« Art. L. 4422-…. – La collectivité de Corse accorde sa protection au président de l’Assemblée de Corse, au président du conseil exécutif de Corse, aux vice-présidents, aux conseillers exécutifs et territoriaux ayant reçu délégation, victimes de violences, de menaces ou d’outrages à l’occasion ou du fait de leurs fonctions, qui en font la demande. Elle répare, le cas échéant, l’intégralité du préjudice qui en est résulté. Les membres de la collectivité de Corse en sont informés dans les plus brefs délais.

« La collectivité de Corse ne peut s’opposer à la protection mentionnée au deuxième alinéa ou en restreindre le champ que pour un motif d’intérêt général, par une délibération motivée prise dans un délai de trois mois à compter de la demande adressée par l’élu concerné à la collectivité. L’inscription de ce point à l’ordre du jour de l’Assemblée de Corse est de droit à la demande d’un ou de plusieurs membres. »

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Cet amendement, proposé par mon collègue Paulu Santu Parigi, vise à rendre conformes et applicables les dispositions de la présente proposition de loi aux spécificités de l’organisation territoriale de la collectivité de Corse.

On nous a répondu en commission que l’application à cette collectivité était automatique au titre de l’article L. 4421-1 du code général des collectivités territoriales. Mais M. Parigi m’a fait part de son doute à l’endroit du président de la collectivité de Corse.

Je souhaite connaître l’avis de Mme la rapporteure et de Mme la ministre sur ce sujet, afin de savoir si je peux retirer ou non cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Monsieur Benarroche, je ne savais pas que le Marseillais que vous êtes parlait le corse… (Sourires.)

M. Guy Benarroche. Couramment !

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. M. Parigi m’avait fait part de son inquiétude au sortir de notre première réunion de commission sur ce texte et j’avais essayé de le rassurer. Je comprends qu’il ait souhaité obtenir un avis très officiel en déposant un amendement : celui-ci est effectivement satisfait par l’article L. 4421-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT), lequel prévoit que la collectivité de Corse s’administre librement, dans les conditions fixées par l’ensemble des autres dispositions législatives relatives aux départements et aux régions.

En commission, nous avons complété l’article 3 de la proposition de loi afin que les conseillers régionaux et départementaux exerçant des fonctions exécutives puissent se voir octroyer automatiquement la protection fonctionnelle en cas de violences, de menaces ou d’outrages. Par conséquent, tous les élus de la collectivité de Corse qui exercent de telles fonctions bénéficient de ce dispositif.

Je demande donc le retrait de l’amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Même avis.

M. le président. Monsieur Benarroche, l’amendement n° 11 est-il maintenu ?

M. Guy Benarroche. Mme la rapporteure m’ayant assuré que l’amendement était satisfait, ce que Mme la ministre n’a pas démenti, et compte tenu du fait que la plus grande communauté corse habite à Marseille (Sourires.), je retire cet amendement avec l’accord tacite de Paulu Santu Parigi.

M. le président. L’amendement n° 11 est retiré.

Je mets aux voix l’article 3, modifié.

(Larticle 3 est adopté.)

Article 3
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Article 5

Article 4

À la seconde phrase du dernier alinéa de l’article L. 2123-35 du code général des collectivités territoriales, le nombre : « 3 500 » est remplacé par le nombre : « 10 000 ».

M. le président. L’amendement n° 15, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Les dispositions de l’article 4 modifient l’article L. 2123-35 du CGCT afin d’étendre la compensation par l’État des contrats d’assurance de protection fonctionnelle aux communes de moins de 10 000 habitants. Cette compensation prend la forme d’une majoration de la dotation particulière relative aux conditions d’exercice des mandats locaux, dite dotation particulière « élu local » (DPEL), versée aux communes concernées.

Il convient de modifier les critères d’attribution de cette dotation et d’en augmenter le montant afin de couvrir les nouvelles collectivités qui y ont droit. Cette mesure, qui engage les finances de l’État et relève d’une loi de finances, est introduite dans le projet de loi de finances initial pour 2024, qui est en cours d’examen. Les grands esprits se sont rencontrés, madame la rapporteure !

Le présent amendement vise donc à supprimer l’article 4.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. N’y voyez aucune défiance de notre part, madame la ministre : je vous crois lorsque vous dites que cette disposition figure le projet de loi de finances initial, mais vous devez comprendre que nous sommes attachés aux mesures proposées par notre assemblée. Nous admettrions difficilement qu’un texte privé de cette mesure quitte le Sénat. Nous verrons ce qui se passera par la suite…

L’avis est donc défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 15.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 4.

(Larticle 4 est adopté.)

Article 4
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Article 6

Article 5

L’article L. 2123-35 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le maire ou un élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation agit en qualité d’agent de l’État, il bénéficie, de la part de l’État, de la protection prévue aux articles L. 134-1 à L. 134-12 du code général de la fonction publique. » – (Adopté.)

Article 5
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Article 7

Article 6

La cinquième partie du code général des collectivités territoriales est ainsi modifiée :

1° Le premier alinéa de l’article L. 5214-8 est ainsi modifié :

a) Le mot : « et » est remplacé par le signe : « , » ;

b) Les mots : « ainsi que l’article » sont supprimés ;

c) Après la référence : « L. 2123-24-1 », sont insérés les mots : « , L. 2123-34 et L. 2123-35 » ;

2° La dernière ligne du tableau constituant le second alinéa du I de l’article L. 5842-21 est ainsi rédigée :

 

«

L. 5214-8

la loi n° … du … renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires

»

 – (Adopté.)

Article 6
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Article 8

Article 7

À la fin du dernier alinéa de l’article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales, les mots : « par l’article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 134-1 à L. 134-12 du code général de la fonction publique ». – (Adopté.)

Article 7
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Article 9

Article 8

Avant le dernier alinéa de l’article L. 2123-35 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La protection mentionnée aux mêmes premier à troisième alinéas implique la prise en charge, en fonction d’un barème fixé par décret, par la commune des restes à charge ou des dépassements d’honoraires résultant des dépenses liées aux soins médicaux et à l’assistance psychologique engagées par les bénéficiaires de cette protection pour les faits mentionnés auxdits premier à troisième alinéas. » – (Adopté.)

Article 8
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Article 10

Article 9

Après le titre V du livre II du code des assurances, il est inséré un titre V bis ainsi rédigé :

« TITRE V BIS

« LASSURANCE DES RISQUES LIÉS À LEXERCICE DUN MANDAT ÉLECTIF

« Art. L. 252-3. – Tout titulaire d’un mandat électif ou tout candidat déclaré publiquement, qui n’a pu obtenir la souscription d’un contrat auprès d’au moins deux entreprises d’assurance couvrant en France les risques de dommages des biens meubles et immeubles tenant lieu de permanence électorale ou accueillant des réunions électorales, peut saisir un bureau central de tarification prévu à l’article L. 212-1.

« Le bureau central de tarification fixe le montant de la prime moyennant laquelle l’entreprise d’assurance intéressée est tenue de garantir le risque qui lui a été proposé. Il peut, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État, déterminer le montant d’une franchise qui reste à la charge de l’assuré.

« Toute entreprise d’assurance qui maintient son refus de garantir le risque dont la prime a été fixée par le bureau central de tarification est considérée comme ne fonctionnant plus conformément à la réglementation en vigueur. Elle encourt, selon le cas, soit le retrait des agréments prévus aux articles L. 321-1, L. 321-7, L. 321-8 ou L. 321-9, soit les sanctions prévues à l’article L. 363-4. »

M. le président. L’amendement n° 19, présenté par Mme Di Folco, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article, notamment les critères permettant, en fonction de chaque scrutin, de définir les modalités d’accès au bureau central de tarification applicables aux candidats à un mandat électif public. »

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Le présent amendement vise à ce que soient définies par un décret en Conseil d’État, en fonction de chaque scrutin et avec l’appui des directions d’administration centrale concernées, les modalités d’accès au bureau central de tarification applicables aux candidats à un mandat électif public. Il s’agit de préciser la mesure que nous avons introduite.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 19.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 9, modifié.

(Larticle 9 est adopté.)

Article 9
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Article 11

Article 10

I. – Après le chapitre V bis du titre Ier du livre Ier du code électoral, il est inséré un chapitre V ter ainsi rédigé :

« CHAPITRE V TER

« Protection des candidats

« Art. L. 52-18-1. – Chaque candidat bénéficie, pendant les six mois précédant le premier jour du mois de l’élection et jusqu’à la date du dépôt du compte de campagne, de la protection prévue aux articles L. 134-1 à L. 134-12 du code général de la fonction publique. Cette protection est assurée par l’État.

« Art. L. 52-18-2. – Pendant les six mois précédant le premier jour du mois de l’élection et jusqu’à la date du dépôt du compte de campagne, l’État prend à sa charge les dépenses engagées par un candidat provenant des activités, lorsqu’elles ne sont pas exercées par un service public administratif et qu’une menace envers un candidat est avérée, qui consistent :

« 1° Dans la fourniture des services ayant pour objet la surveillance humaine ou la surveillance par des systèmes électroniques de sécurité ou le gardiennage de biens meubles ou immeubles tenant lieu de permanence électorale ou accueillant des réunions électorales, ainsi que la sécurité du candidat se trouvant dans ces immeubles ou dans les véhicules de transport public de personnes ;

« 2° Dans la protection de l’intégrité physique du candidat.

« Art. L. 52-18-3 (nouveau). – La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les demandes de remboursement formulées en application de l’article L. 52-18-2. Elle arrête le montant du remboursement.

« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent chapitre, notamment les critères permettant, en fonction de chaque scrutin, d’évaluer le caractère avéré de la menace encourue par un candidat. »

II (nouveau). – Le présent article entre en vigueur un an après la promulgation de la présente loi.

M. le président. L’amendement n° 8, présenté par MM. Bourgi et Kerrouche, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mmes Harribey, Narassiguin et Linkenheld, MM. Roiron, Chaillou et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéas 5 à 9

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Lucien Stanzione.

M. Lucien Stanzione. Cet amendement vise à supprimer les dispositions de l’article 10 qui prévoient la prise en charge par l’État des frais engagés par les candidats pour leur sécurité personnelle à l’occasion de leur campagne.

Cette disposition, qui nous paraît tout à fait déraisonnable et inopportune dans son principe même, pourrait être instrumentalisée par des candidats dans le cadre de leur campagne.

Par ailleurs, elle aboutirait à octroyer aux candidats des droits supérieurs à ceux des élus puisque, pour ces derniers, l’État ne prend pas en charge les frais qu’ils décideraient d’engager pour leur sécurité personnelle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Je remercie nos collègues socialistes d’avoir compris en partie mes arguments en faveur du maintien de l’article 10, qu’ils voulaient supprimer en totalité… Il y a eu du progrès dans le cheminement de leur pensée !

Je suis évidemment défavorable à la suppression des alinéas 5 à 9, lesquels représentent une avancée salutaire en termes de protection des candidats aux élections dans le contexte actuel de crise des vocations électorales – je l’ai dit dans mon propos introductif.

Il me semble indispensable que l’État joue son rôle de garant du pluralisme des courants d’opinion et politiques ; cela passe assurément par la protection des candidats aux élections.

Je demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Monsieur le sénateur Stanzione, en créant un nouveau chapitre V ter, intitulé « Protection des candidats », la proposition de loi semble introduire un nouveau dispositif de remboursement, qui s’ajoute aux deux principaux déjà existants, à savoir, d’une part, le remboursement de la propagande électorale instituée au titre du principe d’égal accès à l’information électorale, et, d’autre part, le remboursement forfaitaire des comptes de campagne prévu à l’article L. 52-11-1 du code électoral, au titre du principe de liberté de campagne électorale.

S’il est louable de vouloir protéger les candidats lors de la campagne électorale précédant les scrutins, la mise en œuvre d’une telle protection reste sujette à beaucoup d’interrogations. En effet, il conviendra de bien identifier le concept de menace avérée, afin d’éviter tout abus.

Par ailleurs, la multiplicité du nombre de candidats lors de certaines élections pourrait conduire à une saturation du dispositif ; je rappelle qu’en 2020 le nombre de candidats aux élections municipales avoisinait les 900 000…

Ce nouveau dispositif présenterait en outre une certaine complexité sur le plan financier et pourrait entraîner des retards dans la prise en charge des dépenses. Or l’intention du législateur est de raccourcir les délais de remboursement, conformément au nouvel objectif de performance introduit en 2023 dans le programme 232.

Enfin, comme l’a dit Mme la rapporteure, il est nécessaire de s’interroger sur la pertinence d’un dispositif qui serait plus protecteur pour les candidats à une élection que ne le sont les dispositifs dont bénéficient les élus.

Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse du Sénat.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. J’entends ce que disent mes collègues du groupe socialiste, mais, pour notre part, nous ne voterons pas cet amendement.

Tout d’abord, lorsque nous écrivons la loi, nous devons l’inscrire dans le temps long, ce que nous avons tous de plus en plus de mal à faire.

Ensuite, dans une société où la violence s’accroît – nous l’avons dit les uns et les autres –, la problématique de la protection réelle de l’ensemble des candidats doit être prise en compte. Pour autant, il faut se garder du risque de tuer la démocratie en aseptisant les campagnes électorales à venir.

Je ne pense pas que l’article 10, dans sa rédaction actuelle, confère aux candidats aux différentes élections un quelconque droit à l’excès et à l’outrance. Il vise plutôt à prendre une précaution en vue de prochaines échéances.

En 2015, alors que j’étais tête de liste pour les élections régionales, des attentats se produisaient dans notre pays à quelques jours du scrutin. La société est certes différente aujourd’hui, mais on ne sait jamais…

Ce qui m’intéresse davantage que l’objectif de performance du programme 132 du projet de loi de finances, madame la ministre, c’est la protection du débat démocratique. Je ne suis pas certaine qu’il y ait de sursollicitation en la matière…

Il faut sécuriser la situation. Aujourd’hui, les élus sont attaqués ; demain, on le sait tous, ce sera le tour des candidats. J’entends dire que tout cela n’a rien à voir avec un statut de l’élu : un peu, tout de même ! Tant que l’on ne redonnera pas toute leur légitimité aux élus, ce risque perdurera.

Je souhaite donc que l’on s’en tienne au texte de la commission.

M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.

M. Éric Kerrouche. Nous avons une lecture tout à fait différente de la disposition qui nous est proposée.

J’entends bien qu’il faut faire en sorte – et c’est ce que nous faisons – que l’ensemble des débordements contre les élus puissent être sanctionnés, afin que ceux-ci ne servent pas de « sas de décompression » à des concitoyens agressifs.

Pour autant, cet article va beaucoup trop loin en donnant davantage de droits aux candidats qu’aux élus. De ce fait, certains candidats pourraient chercher systématiquement à faire preuve d’outrance.

Je ne suis pas certain que le mécanisme de défense prévu serve à quoi que ce soit, sachant que les candidats sont d’ores et déjà protégés. Je ne crois pas qu’il y ait en France une menace réelle pesant sur l’ensemble des campagnes électorales.

Si des efforts devaient être consentis et des gages donnés en matière de campagne électorale, ils devraient plutôt concerner le financement de la vie publique. Les mesures prévues nous semblent, à la fois, disproportionnées et de nature à encourager les débordements volontaires de certains candidats.

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. Je soutiens, au nom de mon groupe, l’amendement présenté par Hussein Bourgi, que vient de défendre parfaitement Éric Kerrouche.

Il s’agit de trouver un équilibre entre la protection des élus locaux et des maires, d’un côté, et celle de l’expression citoyenne, de l’autre. Il ne faut pas pour autant créer d’opportunités, que l’on pourra appeler « effets d’aubaine » dans certains cas, au bénéfice de candidats, isolés parmi des milliers d’autres, qui chercheraient à obtenir des financements liés à des violences provoquées – pour ne pas dire plus.

Les alinéas concernés de l’article 10 me semblent tout à fait disproportionnés par rapport à la réalité d’aujourd’hui, et même en considérant la prospective sur les années à venir évoquée par Cécile Cukierman. Comme elle, je pense que les solutions sont aussi devant nous. Au-delà de celles proposées dans cette proposition de loi, ces solutions doivent concerner le statut de l’élu et, plus globalement, la revitalisation de la vie citoyenne, comme je l’ai expliqué au nom de mon groupe lors de la discussion générale.

M. le président. La parole est à M. Hussein Bourgi, pour explication de vote.

M. Hussein Bourgi. Si l’article 10 était voté et entrait en vigueur, il faudrait s’attendre à ce que les gendarmeries et les commissariats de police croulent sous les demandes lors des différentes élections, singulièrement lors des élections municipales.

Mobiliser des milliers, voire des dizaines de milliers, de gendarmes et de policiers pour accompagner les candidats en campagne sur les marchés et pour sécuriser leurs réunions publiques me semble particulièrement disproportionné et exorbitant.

Je serai très politiquement incorrect : voter cette disposition susciterait un effet d’aubaine. Certaines formations politiques seraient en effet incitées à créer leur boîte de sécurité « maison » et à demander le remboursement de la prise en charge des frais liés à la sécurité de leurs candidats engagés dans des campagnes électorales. C’est comme cela que l’on dévoie et détourne l’argent public, lequel devrait être utilisé à des fins beaucoup plus morales, réglementaires et conformes à l’esprit de la loi !

Si la police et la gendarmerie ne sont pas en mesure de fournir des effectifs pour assurer la protection des candidats, ceux-ci, j’y insiste, voudront créer leur propre boîte de sécurité. Encore une fois, c’est ainsi qu’apparaissent les dérives et les détournements d’argent public. Cela s’est déjà produit par le passé avec les entreprises de formation…

M. Lucien Stanzione. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Je souhaite rappeler les dispositions de l’article 10, afin de mâtiner quelque peu les réticences des uns et des autres au vu d’éventuels débordements.

Tout d’abord, la protection dont il est question ne serait pas assurée par un service public : on ne mobiliserait pas de gendarmes, contrairement à ce que vous avez dit…

Ensuite, comme pour l’article précédent, un décret en Conseil d’État précisera les modalités d’application de ces dispositions. Des critères seront ainsi fixés pour permettre, en fonction de chaque scrutin, d’évaluer le caractère avéré de la menace encourue par un candidat. Les mesures prises seront donc précises.

Vous dites, monsieur Bourgi, que des boîtes de sécurité seront créées. Or on ne parle pas ici seulement de protection physique ; il peut aussi s’agir de vidéosurveillance, par exemple.

Enfin, nous avons prévu que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques se pencherait sur la question pour accorder, ou non, le remboursement de ces frais.

Nous avons donc introduit plusieurs dispositifs permettant d’éviter les débordements.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 8.

(Lamendement nest pas adopté.)