M. le président. La parole est à M. Guislain Cambier, pour la réplique.

M. Guislain Cambier. Nous avons besoin d’une vision d’ensemble, globale et à long terme, d’une véritable politique, afin de tenir un discours clair aux collectivités et aux Français. Or, à chaque fois, les réponses que l’on nous apporte sont techniques, partielles et fragmentées. Il n’y a pas de vision globale.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Monsieur le sénateur Cambier, je vous remercie de votre précision. Je n’avais pas repris vos choix sémantiques ; vous considérez nos réponses comme « fragmentées » et insuffisamment politiques. S’il fallait valoriser un ou deux des outils qui ont été évoqués aujourd’hui au détriment de tous les autres, nous apparaîtrions, me semble-t-il, dogmatiques, défendant seulement une politique ciblée sur le logement social ou sur le logement libre. Au contraire, notre objectif est bien de conduire des politiques en faveur du logement neuf, de la rénovation énergétique au service des primo-accédants sociaux et des acquisitions permettant une accession à la propriété libre.

Notre politique vous paraît fragmentée du fait que nos outils sont adaptés à celles qui sont conduites par les acteurs du logement que sont nos collectivités locales. Elle ne nous semble ni dogmatique ni fragmentée ; elle n’est pas d’un seul bloc au service d’une seule cause. Elle sert toutes les formes de logements.

M. le président. La parole est à M. Guislain Cambier.

M. Guislain Cambier. Il faut savoir lire les chiffres et regarder les réalités en face : nous sommes confrontés à une véritable crise du logement. Nous pouvons tous nous mettre d’accord sur ce constat. Il est impossible de considérer que les réponses ont chaque fois été adaptées à l’enjeu, sans quoi cette crise serait terminée ! Or cette dernière s’accroît d’année en année, avec une acuité particulière à l’heure actuelle, preuve que les réponses demeurent trop ponctuelles pour pouvoir débloquer la situation.

Précédemment, madame la ministre, nous vous interpellions au travers d’une question de ma collègue Gacquerre sur l’ambition d’une France de propriétaires. Comment comptez-vous vous y prendre ? Avec quelle vision à long terme ? Nous avons besoin de savoir où le Gouvernement place le curseur… (Mme Amel Gacquerre acquiesce.)

M. le président. La parole est à M. Denis Bouad.

M. Denis Bouad. Madame la ministre, j’ai connu une époque où la notion de « parcours résidentiel » avait un sens et offrait une perspective à la jeunesse du pays. Jeunes travailleurs, nous prenions notre indépendance en intégrant le parc locatif, qu’il soit social ou privé. Par la suite, en fonction de l’évolution de notre situation familiale et professionnelle, il était possible de déménager pour un logement plus grand et, dans certains cas, d’envisager une accession à la propriété.

À présent, cette simple idée de parcours résidentiel est beaucoup moins évidente. De trop nombreuses entrées dans le parc social sont définitives : on y entre et on y reste !

De la même manière, je connais dans mon département certaines communes dans lesquelles les jeunes qui grandissent, qui aimeraient vivre et travailler dans leur propre territoire ne peuvent même pas envisager d’y accéder à la propriété, du fait de prix trop élevés.

En quarante ans, le taux de propriétaires parmi les jeunes ménages modestes a été divisé par deux ! À terme, des questions pourraient se poser sur la mémoire et l’identité de nos villages, avec également des inquiétudes en matière d’effectifs scolaires dans certains territoires.

Face à un tel phénomène, nous devons apporter des réponses adaptées. Bien entendu, il nous faut maintenir et développer les outils d’accession sociale à la propriété : le prêt à taux zéro, qui a démontré son efficacité quand il est bien calibré ; le bail réel solidaire, mentionné par ma collègue Viviane Artigalas ; la vente de logements sociaux, qui peut également permettre aux bailleurs de financer des opérations nouvelles ; la TVA réduite sous certaines conditions ; le prêt social location-accession…

Tous ces dispositifs ont leur utilité, mais nous devons aussi regarder les chiffres. En vingt ans, les prix de l’immobilier ont été multipliés par près de 2,5, alors que les coûts de construction n’ont progressé que de 50 %. Il existe donc un enjeu de spéculation foncière, ce qui représente un frein à l’accession sociale à la propriété.

Aussi, madame la ministre, quelles mesures structurantes comptez-vous mettre en œuvre afin de contrer la spéculation foncière et ainsi de favoriser l’accession à la propriété et le parcours résidentiel des jeunes ménages ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur, sans répéter l’ensemble des précédents propos, je profiterai de l’occasion pour essayer de synthétiser la position du Gouvernement et de la rendre, pour ainsi dire, plus lisible.

Nous sommes vous et moi en phase sur la lutte contre la spéculation là où elle se trouve. Le Gouvernement estime que les outils mis en place aideront à aller en ce sens, y compris dans nos villages. J’y suis extrêmement attentive. Si d’autres outils sont à élaborer pour atteindre cet objectif, nous sommes prêts à travailler avec vous.

Je tiens à souligner que 70 000 crédits sont encore accordés chaque mois, dont 30 % pour des primo-accédants, 30 % pour des résidences principales dans le cadre de déménagements pour accession et 20 % pour des investisseurs locatifs.

Le PTZ sera maintenu tant dans les zones tendues pour les logements neufs, dispositif en outre élargi à de nouveaux ménages, que dans les zones détendues pour les logements anciens. Il s’inscrit dans le cadre de la lutte que je mène avec France Ruralité contre les logements vacants dans nos territoires. Le PTZ sera donc bien utilisable pour rénover les cœurs de village et les maisons anciennes.

En parallèle, nous souhaitons accélérer la rénovation énergétique des logements en accompagnant mieux les propriétaires. Notre ambition est de continuer à tenir la trajectoire en la matière en offrant une solution pour chaque propriétaire. Notre projet de loi de finances pour l’année 2024 prévoit ainsi un budget renforcé pour MaPrimeRénov’ (MPR) et la possibilité pour les opérateurs de logement intermédiaire d’acquérir du bâti ancien pour le rénover et le mettre en location à des loyers abordables pour les classes moyennes.

En y ajoutant ceux que je citais précédemment, les outils sont donc multiples, afin de tenir compte à la fois de l’urgence écologique, à laquelle je connais votre attachement, et de l’urgence sociale, dans un contexte de crise du logement.

M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Duplomb. Madame la ministre, vous appartenez à un gouvernement qui n’a eu de cesse depuis quelques années de tuer l’accession à la propriété, en particulier à la campagne.

Premièrement, dans toutes les communes de campagne qui ont pu développer le gaz naturel, il a fallu détruire les routes et les trottoirs pour permettre ainsi de se chauffer plus facilement, avec un coût de chaudière moins élevé, et de favoriser dès lors l’accès à la propriété. Or vous avez interdit en 2022 les chaudières à gaz dans toutes les constructions neuves : les communes qui ont investi se sentent totalement dépourvues.

Deuxièmement, en matière d’écologie, vous n’avez eu de cesse d’augmenter le nombre de normes pesant sur les lotissements construits à la campagne. J’en veux pour preuve la commune de Saint-Paulien : sur trente-cinq lots, obligation a été faite d’en laisser un pour les grenouilles !

Troisièmement, votre gouvernement, au travers du « quoi qu’il en coûte », a entraîné l’inflation du coût des matériaux. Dès lors, l’accession à la propriété par la construction devient de plus en plus difficile.

Quatrièmement, le ministre de l’économie nous expliquait qu’emprunter à taux d’intérêt négatif revenait à gagner de l’argent. Avec l’augmentation actuelle, cette époque est terminée ! À 5 %, non seulement les gains n’existent pas, mais les jeunes, faute de moyens, ne construisent plus.

Cinquièmement, vous vous apprêtez à en rajouter une couche avec le dispositif zéro artificialisation nette. À partir de 2031, il faudra déconstruire pour construire… Seulement, ceux qui déconstruiront auront la possibilité d’exporter ce droit vers d’autres endroits en France. Autrement dit, le milieu rural sera dépouillé de ses droits à construire pour mieux les exporter !

Ma question est donc simple : ne pensez-vous pas que cette politique « bobo-écolo », plutôt parisienne, va totalement à l’encontre du développement de nos campagnes ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.) Après avoir investi des milliards d’euros dans l’aménagement du territoire, vous faites le travail inverse : le déménagement du territoire ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Amel Gacquerre applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Duplomb, je qualifierai cette prise de parole d’intervention à charge contre la politique du Gouvernement.

M. Laurent Duplomb. Nous faisons de la politique !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Nous sommes ici pour débattre, mais cette prise de parole étant à sens unique, j’ai du mal à me raccrocher à des remarques constructives. Il suffit de penser à votre exemple d’un lot sur trente-cinq réservé pour des grenouilles…

Le Gouvernement assume défendre une politique dans laquelle la planification et la transition écologiques sont transversales, placées au cœur de toutes nos actions publiques.

Pour revenir sur ce dont vous faites mention, le coût de construction depuis vingt ans n’a augmenté « que » de 50 % : le chiffre est relativement modéré.

Si vous souhaitez vous livrer à un portrait à charge en nous accusant d’une politique « bobo-écolo », vous en avez le droit. À titre personnel, je suis fière d’appartenir à un gouvernement qui a mis la transition écologique au cœur de son action, sans dogmatisme. Je suis donc très étonnée d’entendre parler d’un lot réservé aux grenouilles…

M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon.

M. Rémi Cardon. Madame la ministre, j’attire votre attention sur la question de l’accession à la propriété pour les jeunes ménages primo-accédants, en particulier ceux qui résident en dehors des zones tendues.

Actuellement, le PTZ joue un rôle significatif dans une première accession à la propriété. Bien que le ministre Le Maire ait annoncé l’extension du prêt à taux zéro à 6 millions de personnes supplémentaires, je crains que ce dispositif ne soit pas en mesure d’apporter le soutien nécessaire aux primo-accédants, notamment dans les territoires ruraux. Il s’agit là d’un très mauvais signal.

En raison de la flambée des prix et des taux d’emprunt, ainsi que des difficultés immobilières que nous traversons, les jeunes ménages sont de plus en plus nombreux à avoir du mal à accéder à la propriété. Ils sont déjà exclus d’office des zones tendues pour des raisons financières. Les forcer à se positionner là où la demande excède l’offre de logements disponibles ne me semble pas être une position tenable.

Vous semblez abandonner les zones « hors tension », à savoir, en grande partie, nos territoires ruraux, ce qui est dommage pour une ministre chargée de la ruralité… Pourtant, la situation y est particulièrement préoccupante. Nos villages constituent bien souvent les derniers endroits où les jeunes ont les capacités financières de s’installer. Or vous les excluez du champ du PTZ ! Cela favorise l’éviction des jeunes des villages, donc le non-renouvellement de la population et, par effet domino, la fermeture de classes, du fait des difficultés à accueillir les jeunes familles.

Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de mettre en place pour soutenir les jeunes ménages souhaitant accéder à la propriété dans les zones « hors tension » et notamment dans les territoires ruraux ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE-K.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. En effet, monsieur le sénateur Cardon, 6 millions de personnes supplémentaires pourront bénéficier du PTZ. Je suis étonnée par votre question : je pensais y avoir répondu. Je vous répète que le PTZ est ouvert aux accédants à la propriété pour des logements anciens en zone non tendue. Il est possible d’acquérir un tel bâti pour le rénover.

Connaissez-vous le nombre de logements vacants dans nos villages ? 800 000 ! Par conséquent, j’assume que le Gouvernement veuille privilégier dans des zones non tendues, où l’acquisition du foncier ne représente pas un coût aussi élevé qu’ailleurs, la rénovation dans l’ancien pour encourager l’acquisition de maisons. Pour un village dont le nombre d’habitants est compris entre 1 200 et 1 250, il y a en moyenne 100 à 200 logements vacants.

Plutôt que de construire des lotissements, nous assumons notre politique de sobriété foncière, à laquelle je suis sûre que vous souscrivez. Dans le même temps, nous employons les grands moyens pour permettre aux jeunes d’accéder à des logements anciens à rénover. Tout cela me semble cohérent. Il est possible de regretter que le logement neuf en ruralité ne soit pas accompagné par le PTZ, mais je pense en avoir expliqué les raisons.

M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon, pour la réplique.

M. Rémi Cardon. Pour compléter mon propos, vous faites référence aux propos de M. Le Maire, qui annonçait le classement de 154 nouvelles communes en zone tendue. Dans ma circonscription de la Somme, sachez que nous comptons 772 communes… Or M. le ministre parlait pour la France ! Nous sommes donc très loin du compte. Cibler uniquement dans la ruralité les logements vacants est rabaissant, madame la ministre.

M. le président. La parole est à Mme Martine Berthet.

Mme Martine Berthet. Déficit naturel de foncier, pression touristique forte, obligations législatives et réglementaires spécifiques : la question de la pénurie de logements se pose avec une acuité particulière pour les territoires de montagne.

Face à ce cocktail explosif débouchant sur une élévation exponentielle des prix de l’immobilier, l’amélioration des conditions d’implantation de l’habitat permanent est devenue une priorité pour les communes supports de stations.

En effet, leurs maires, observateurs privilégiés de ce phénomène, n’ont toujours pas à leur disposition la boîte à outils adéquate pour prendre les mesures adaptées et nécessaires à leurs territoires, qui sont tous différents. À titre d’exemple, malgré un dernier arrêté en la matière, trop de stations de montagne subissent encore un zonage non pertinent au regard de leur situation et sont donc exclues des dispositifs qui pourraient concourir au maintien de leur population : PTZ, prêt social location-accession, bail réel solidaire.

C’est dans ce contexte que j’ai pris connaissance avec grand intérêt de l’interview du ministre chargé du logement samedi dernier dans Le Monde, dans laquelle il explicite un peu plus clairement la volonté présidentielle de décentralisation de la politique du logement, sachant que nos maires sont dans l’attente de cette liberté d’action.

Dans la droite ligne de cette nouvelle philosophie, et en lien avec une mesure annoncée au mois de juillet dernier, je vous interrogerai sur la nécessité d’adapter les outils d’urbanisme pour permettre aux communes supports de stations, au travers de leur plan local d’urbanisme (PLU), de favoriser le développement d’habitat permanent et l’accession à la propriété. Aussi, madame la ministre, seriez-vous favorable à la création au sein des PLU d’une sous-catégorie « habitat permanent » pour les communes touristiques ? À défaut, quels autres outils le Gouvernement pense-t-il proposer ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Berthet, je vous confirme que nous conduisons des travaux depuis déjà quelques mois sur la décentralisation de la politique du logement. Toute proposition et tous travaux en la matière sont les bienvenus, qu’ils soient adressés aux ministres Christophe Béchu et Patrice Vergriete ou à moi-même. Depuis un mois, nos réflexions connaissent une avancée rapide, permettant d’y voir clair. L’idée est de pouvoir échanger avec vous.

Vous appelez de vos vœux une adaptation des règles d’urbanisme dans les stations de montagne, en zones tendues. Je vous répondrai favorablement : cette question est au cœur de nos préoccupations. Dans le cadre du groupe de travail que je mentionnais, nous avons ouvert une réflexion sur l’absolue nécessité d’adapter nos règlements d’urbanisme à ces territoires.

Je vous confirme que nous travaillons à encourager l’investissement dans ces zones tendues en mettant davantage en adéquation la fiscalité avec les politiques publiques sur lesquelles nous nous retrouvons.

M. le président. La parole est à Mme Martine Berthet, pour la réplique.

Mme Martine Berthet. Je vous remercie, madame la ministre. Le groupe de travail, c’est très bien ; encore faut-il que cela soit suivi d’applications concrètes. Pour l’instant, tout va à l’inverse de ce que nous souhaitons : nos jeunes qui ne peuvent pas rester habiter sur place doivent de plus en plus se déplacer.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Nous avons commencé depuis seulement deux mois.

M. le président. La parole est à Mme Sylviane Noël. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sylviane Noël. Face aux défis qui se présentent à nous, l’immense majorité des maires s’investissent pour se conformer aux différents objectifs imposés en matière de logements sociaux et d’accession sociale à la propriété, en dépit des difficultés budgétaires croissantes, des recours juridiques nombreux et des injonctions parfois contradictoires de l’État.

Alors que la crise du logement que nous vivons devrait fédérer les énergies et récompenser les efforts réalisés, force est de constater que l’attitude de l’État est parfois très décourageante, voire stigmatisante pour les élus, malgré leurs efforts. Ainsi, au mois de mars dernier, un décret est venu relever le seuil de tension sur la demande de logements sociaux mesurée à l’échelle des territoires concernés par la loi SRU, amenant certaines communes à passer de 20 % à 25 % de production d’un tel bâti et entraînant mathématiquement et immédiatement un doublement de la pénalité SRU payable sans délai.

Pour les maires de ces communes, cette pénalité constitue une sanction insupportable à plusieurs titres.

Financièrement d’abord, car elle intervient de manière rétroactive dans un contexte particulièrement délicat pour les collectivités locales, compte tenu de l’explosion de leurs charges de fonctionnement et de la chute d’une partie de leurs recettes.

Juridiquement ensuite, car cette pénalité vient comme un couperet sanctionner, sans aucun délai ni préavis, la non-atteinte d’un objectif qui ne s’imposait pas jusqu’alors aux communes, ce qui est particulièrement discutable.

Humainement enfin, car il s’agit de sanctionner des élus qui, pour l’immense majorité, sont très actifs pour tenter de résorber le retard de production de logements sociaux et ne voient pas leurs efforts récompensés, bien au contraire, qui plus est dans des départements confrontés à la rareté et à la cherté du foncier.

Aussi, dans un contexte où la France pourrait manquer de 850 000 logements en 2030, l’État entend-il enfin instaurer une véritable politique partenariale et incitative à destination des élus œuvrant activement en faveur du logement social, en location ou en accession à la propriété ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Noël, nous entendons bel et bien conduire une politique partenariale avec les collectivités locales. De fait, la loi SRU a permis de dynamiser la production de logements sociaux, dont plus de la moitié sont situés dans des communes déficitaires, mais aussi de renforcer l’investissement de ces territoires dans le logement social au travers des prélèvements imposés.

Le taux de logements sociaux dans une municipalité a été ramené ces dernières années de 25 % à 20 % ; nous revenons désormais à l’objectif de 25 % du fait de la tension.

Nous sommes aussi attachés à une application de la loi en lien étroit avec les territoires, d’où ce terme de « partenariat » que vous avez évoqué et auquel je souscris. C’est le sens des contrats de mixité sociale (CMS), créés par la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS. Ils permettent d’adapter les objectifs et, surtout, de recenser tous les leviers de production de logement.

Aujourd’hui, les logements en accession sociale sont comptabilisés dans la loi SRU.

Mme Sophie Primas. Grâce à nous !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Les BRS sont pris en compte dans le calcul du déficit. Une commune peut donc à la fois respecter ses obligations SRU et produire un nombre important de logements en accession sociale.

L’accession sociale sera soutenue dans tous les territoires, tendus et détendus, de manière différenciée.

Pour favoriser l’accession sociale, le PTZ sera maintenu ; pour le BRS, le PSLA, la vente HLM et l’accession en zone Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), les plafonds de ressources des ménages éligibles seront étendus dans les prochaines semaines par voie réglementaire. Ainsi, de nombreuses familles en bénéficieront.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Madame la ministre, en dix ans, Paris a perdu 120 000 habitants. Le logement figure au premier rang des motifs de cette saignée. L’accession à la propriété constitue un horizon inatteignable pour l’immense majorité. Les jeunes nés à Paris savent qu’ils ne pourront pas vivre chez eux, dans leur ville, quel que soit leur parcours professionnel.

Qu’une ville rejette ses propres enfants est cruel et, surtout, de très mauvais augure pour l’avenir. Elle doit savoir attirer et conserver sa jeunesse, ses talents, toutes celles et tous ceux qui étudieront, travailleront et créeront.

Tel est également le cas des enseignants, soignants, artisans, policiers : tous se trouvent relégués hors de Paris, avec un accès limité au marché locatif et aucune perspective de devenir propriétaire.

M. Ian Brossat. Par manque de logement social !

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Pour beaucoup, être locataire est bien sûr un choix, mais les inégalités de patrimoine et donc de revenu au moment de la retraite entre propriétaires et locataires sont terribles.

Face à cela, le projet, ou plutôt le choix de société de Mme Hidalgo est de compter 40 % de logements sociaux à Paris, en préemptant à tout-va, de sorte que le marché est de plus en plus étroit entre la spéculation foncière et les achats de riches non-résidents étrangers. Cette situation diminue d’autant l’étendue du marché locatif, car, sans accession à la propriété, il n’y a pas non plus assez de logements à louer. (M. Ian Brossat proteste.)

Sans doute pour amuser la galerie, la mairie de Paris invoque alors le bail réel solidaire. Cette technique, qui a du sens dans les communes disposant de foncier, est de la poudre aux yeux et une injustice supplémentaire à Pari, où il y a à peu près autant de chance de se voir attribuer un logement en BRS que de gagner au loto !

Madame la ministre, comment comptez-vous favoriser une réelle accession à la propriété à Paris et dans les autres grandes villes de France ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Carrère-Gée, vous avez cité un certain nombre de nos fonctionnaires auxquels nous sommes très attachés, qui ont du mal à se loger compte tenu du prix au mètre carré dans Paris ; j’ajouterai à cette liste les pompiers.

Vous évoquiez la politique de logement de la maire de Paris. Je ne suis pas habilitée à porter un jugement.

M. Ian Brossat. Très bien !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Un tel champ relève de la politique locale de l’habitat. Je partage toutefois votre constat : je me réjouis que la maire ait adopté le système du BRS récemment.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Je ne sais pas…

M. Ian Brossat. Nous avons été les premiers !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Comment favoriser, me demandez-vous, l’accession à la propriété ? Je n’ajouterai rien au sujet des zones tendues, parce que s’exacerbe à Paris ce qui s’exacerbe à Lyon, à Bordeaux, à Lille ou à Marseille. Nous avons des outils destinés à la mise en œuvre d’une politique de l’habitat permettant l’accession sociale et l’accession libre à la propriété. Je n’ai pas de réponse spécifique à vous apporter à ce jour concernant Paris.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, pour la réplique.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Madame la ministre, puisque cela ne relève pas de votre portefeuille ministériel, ce n’est pas vous faire offense que de constater que les multiples mesures que vous avez égrenées ne me paraissent pas à la hauteur d’une crise qui frappe tout le monde, des zones de montagne à Paris, comme nous l’avons relevé au travers de nos interventions.

Il faudrait des actions spécifiques au travers d’une véritable politique : des objectifs, une stratégie et des moyens. Nous voyons votre boîte à outils – cela nous rappelle celle d’un Président de la République, M. Hollande, face au chômage –, mais pas votre politique !