M. Jean-Michel Arnaud. Monsieur le ministre chargé des comptes publics, depuis plusieurs mois, le marché de l’énergie est en tension. Pour l’électricité, alors que le mégawattheure coûtait 69 euros au printemps dernier, il a atteint 168 euros le 5 octobre dernier, et plus encore dans les mois qui ont suivi.

Face à la volatilité des prix, le Gouvernement a mis en place un bouclier tarifaire à destination des particuliers : le fameux chèque inflation de 100 euros.

En revanche, aucune mesure n’a été prise pour soutenir les communes et les intercommunalités. Si ces dernières ont jusqu’alors été préservées par ces mouvements de marché grâce à des contrats pluriannuels à prix fixes, nombre d’entre elles renouvellent actuellement les contrats avec les fournisseurs d’électricité et ont pu constater l’envolée des coûts.

Par exemple, dans mon département des Hautes-Alpes, la communauté de communes de Champsaur-Valgaudemar, qui exploite un centre aquatique, a vu le prix du mégawattheure passer de 52 euros à 400 euros, le coût annuel s’envolant de 180 000 euros à 840 000 euros. C’est évidemment intenable !

Cette situation est d’une gravité exceptionnelle pour les finances des collectivités territoriales et la qualité des services dus à nos populations. Les citoyens et contribuables subissent un double préjudice : des fermetures forcées d’équipements publics et des hausses de prélèvements obligatoires lorsque les fermetures administratives sont impossibles, pour des raisons d’hygiène publique par exemple. Je pense aux stations d’épuration ou de traitement des eaux.

Ma question est la suivante : face à l’augmentation non maîtrisable du coût de l’énergie et à son impact sur les budgets des collectivités territoriales, quelles mesures compte prendre le Gouvernement pour soutenir ces dernières ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur Arnaud, j’apporterai deux points de réponse à votre question.

Tout le monde sait que le secteur de l’énergie connaît une inflation importante, que vous avez rappelée chiffres à l’appui. Cela se matérialise pour un grand nombre de consommateurs par des augmentations importantes des tarifs, partout en Europe et dans le monde.

Le Gouvernement a pris un certain nombre de dispositions. Vous avez rappelé l’indemnité inflation, mais le bouclier tarifaire que nous avons mis en œuvre ne se résume pas à cette seule indemnité.

Le principal outil de protection des consommateurs – je reviendrai évidemment sur les collectivités –, c’est une baisse temporaire de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) à partir du 1er février 2022, en application de la loi de finances pour 2022. Les collectivités locales, lorsqu’elles sont consommatrices finales d’énergie bénéficieront de cette baisse, comme elles bénéficient, en tant que consommatrices, des possibilités données par le dispositif de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) de bénéficier d’une électricité significativement moins chère que sur les autres marchés européens.

Nous allons en tout cas veiller à ce que les collectivités puissent vraiment bénéficier de cette baisse temporaire de la TICFE, de manière à amortir une partie de l’augmentation des prix de l’énergie.

Votre question me permet aussi de souligner combien il a été utile, pendant toute cette période de crise que nous traversons, de préserver les ressources des collectivités.

C’est ce qui avait guidé nos choix lorsque nous avons mis en place un filet de protection en matière de recettes fiscales et domaniales en 2020, et en matière de recettes fiscales en 2021.

De la même manière, c’est ce qui a guidé nos choix lorsque nous avons mis en place pour 2020, avec une reconduction pour 2021 actée grâce à un amendement voté à l’Assemblée nationale, des dispositifs de compensation de pertes de recettes pour les régies, une compensation appuyée sur la baisse de l’épargne brute, ce qui permettra aussi d’apporter des réponses à des régies fortement concernées par l’augmentation de l’électricité.

Nous restons évidemment très vigilants. Les collectivités, comme l’ensemble des acteurs – particuliers, industriels, acteurs économiques –, connaissent des difficultés liées à l’augmentation du prix de l’énergie et nous mettons en œuvre des mesures, que je viens de détailler, pour un coût qui pourra représenter entre 12 milliards et 15 milliards d’euros par an. Vous admettrez avec moi que c’est considérable. (M. Didier Rambaud applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour la réplique.

M. Jean-Michel Arnaud. Je vous remercie de ces éléments de réponse, monsieur le ministre.

Cela étant, la notion de bouclier tarifaire mériterait d’être précisée, parce que, dans la pratique, les collectivités qui sont en train de négocier, en particulier avec l’opérateur historique EDF, ne voient pas les conséquences de cette orientation gouvernementale. En effet, ce dernier continue à leur proposer des tarifs à moyen et long termes totalement rédhibitoires, menaçant le maintien des équipements publics de proximité auxquels nos concitoyens ont légitimement droit. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Notre prochaine séance de questions d’actualité au Gouvernement aura lieu le mercredi 12 janvier, à quinze heures.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures cinquante, sous la présidence de M. Roger Karoutchi.)

PRÉSIDENCE DE M. Roger Karoutchi

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

3

Candidature à une délégation sénatoriale

M. le président. J’informe le Sénat qu’une candidature pour siéger au sein de la délégation sénatoriale à la prospective a été publiée.

Cette candidature sera ratifiée si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

4

Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’examiner les dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2021-484 du 21 avril 2021 relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d’exercice de cette représentation et portant habilitation du Gouvernement à compléter par ordonnance les règles organisant le dialogue social avec les plateformes est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

5

 
Dossier législatif : proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, appelant le Gouvernement à oeuvrer à l'adoption d'une déclaration de la fin de la guerre de Corée
Discussion générale (suite)

Adoption d’une déclaration de la fin de la guerre de Corée

Adoption d’une proposition de résolution

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen, à la demande du groupe Les Républicains, de la proposition de résolution appelant le Gouvernement à œuvrer à l’adoption d’une déclaration de la fin de la guerre de Corée, présentée, en application de l’article 34-1 de la Constitution, par M. Christian Cambon (proposition n° 231 rectifié).

Mes chers collègues, je vous rappelle que le port du masque est obligatoire dans l’hémicycle, y compris pour les orateurs s’exprimant à la tribune, conformément à la décision adoptée par la conférence des présidents le 1er décembre dernier. J’invite par ailleurs chacune et chacun à veiller au respect des gestes barrières.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Christian Cambon, auteur de la proposition de résolution.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, appelant le Gouvernement à oeuvrer à l'adoption d'une déclaration de la fin de la guerre de Corée
Explications de vote sur l'ensemble (début)

M. Christian Cambon, auteur de la proposition de résolution. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d’entrer dans le vif du sujet, je tiens à remercier le président du groupe Les Républicains, M. Bruno Retailleau, d’avoir permis l’inscription rapide de ce projet de résolution à l’ordre du jour de notre assemblée.

Je sais également toute l’attention que portent à ce dossier le président du Sénat, Gérard Larcher, et notre collègue Catherine Dumas, présidente du groupe d’amitié France-Corée du Sud.

Alors, pourquoi avoir pris l’initiative de cette proposition de résolution ? Deux raisons l’expliquent.

D’une part, le Sénat trouve ainsi aujourd’hui une nouvelle occasion de montrer son engagement pour la paix et pour la résolution de ce que l’on appelle souvent les « conflits gelés », ces dossiers si complexes et douloureux qu’ils ont fini par sembler inextricables.

D’autre part, si nous avons une ambition indo-pacifique, c’est bien au travers de sujets concrets comme celui-ci que nous devons donner l’image d’une France pleinement actrice des dossiers de cette région du monde.

Un retour en arrière s’impose pour éclairer nos débats.

C’est sous la bannière de l’Organisation des Nations unies (ONU) que la France, alors par ailleurs engagée en Indochine, a participé à la guerre de Corée. Le 25 juin 1950, les forces de la Corée du Nord avaient franchi le 38e parallèle pour envahir le Sud. L’Union soviétique boycottait alors le Conseil de sécurité des Nations unies, en raison de la non-reconnaissance de la République populaire de Chine par celles-ci, Taïwan occupant alors le siège chinois au Conseil. C’est ce qui a permis l’adoption sans opposition de la résolution 83 du Conseil de sécurité, qui appelait les membres des Nations unies à apporter à la République de Corée toute l’aide nécessaire pour faire cesser l’agression.

C’est ainsi qu’a été autorisée l’intervention militaire en Corée, qui s’est déroulée de juin 1950 à juillet 1953.

La France y a pris toute sa part, en tant que membre fondateur de l’ONU et membre permanent du Conseil de sécurité. Elle a immédiatement envoyé un bâtiment de guerre prélevé sur nos forces maritimes d’Extrême-Orient, l’aviso La Grandière, distingué en 1952 d’une citation présidentielle de la République de Corée. Notre pays a également pourvu à la formation d’un contingent de forces terrestres : le bataillon français de l’ONU, constitué de 1 017 volontaires venus tant de régiments d’active que des réserves, et placé sous le commandement du fameux lieutenant-colonel Monclar.

Compte tenu des relèves et des pertes, la France a fourni en trois ans un contingent total de 3 421 hommes aux forces des Nations unies en Corée. Il convient de se souvenir que le bataillon français de l’ONU en Corée a déploré 300 tués et disparus, ainsi que 1 350 blessés. Il a reçu deux citations présidentielles de la République de Corée, trois citations présidentielles des États-Unis, et a été cité cinq fois à l’ordre de l’armée française. Nous pouvons aujourd’hui rendre hommage à la mémoire de ces hommes qui se sont battus pour préserver la liberté et pour faire cesser l’agression. Leur souvenir est présent ; leur mort nous engage et nous oblige !

La guerre de Corée a causé d’immenses destructions à la péninsule coréenne et a entraîné sa partition, qui perdure aujourd’hui encore. Les combats se sont interrompus le 27 juillet 1953, mais il ne s’agit que d’un armistice : la guerre n’a pas pris fin officiellement.

Une alliance militaire a été signée entre les États-Unis et la Corée du Sud en 1953, aux termes de laquelle 29 000 soldats des forces armées des États-Unis demeurent stationnés en Corée du Sud ; des exercices militaires bilatéraux se tiennent régulièrement afin de faire face à une éventuelle attaque nord-coréenne.

Cette situation, qui dure depuis près de soixante-dix ans, constitue de fait un obstacle à la négociation d’un traité de paix.

Il y a donc lieu de promouvoir et de soutenir l’adoption par les parties au conflit d’une déclaration de fin de la guerre de Corée : une telle déclaration représenterait une nouvelle étape franchie sur le chemin de la paix.

À cette fin, la présente proposition de résolution invite le Gouvernement à prendre les initiatives diplomatiques nécessaires dans cette perspective.

L’adoption de cette proposition aurait aussi pour effet d’apporter notre soutien à nos amis coréens, et ce de plusieurs manières.

Premier point : ce serait un témoignage de soutien à la Corée du Sud dans sa difficile relation avec la Corée du Nord.

En septembre 2021, le gouvernement de Pyongyang a une nouvelle fois repoussé la proposition du président Moon Jae-in d’une déclaration officielle de la fin de la guerre de Corée, en posant comme préalable la fin de la « politique hostile » des États-Unis. Les tentatives de reprise des discussions entre les deux Corées sont régulièrement interrompues par les velléités de Pyongyang de se doter de l’arme nucléaire, voire d’un arsenal balistique de longue portée dont il tente de démontrer la réalité au travers d’essais volontairement spectaculaires. La Corée du Nord fait valoir ses positions ; alors, affirmons les nôtres, en faveur de la fin de la guerre et de la dénucléarisation de la péninsule coréenne !

Tel est bien le deuxième point où la parole de la France est attendue par nos amis coréens. La dénucléarisation de la péninsule ne sera sans doute pas possible tant que la fin de la guerre ne sera pas déclarée. Nous sommes tous d’accord sur le fait que cette dénucléarisation doit être la plus large, la plus vérifiable et la plus sûre possible. C’est l’un des buts de cette proposition de résolution, telle que nous l’avons rédigée en lien avec nos collègues et amis coréens. Ce texte vient donc appuyer les objectifs des résolutions des Nations unies.

Le troisième apport de cette proposition est enfin de témoigner de notre capacité à nous coordonner avec nos collègues coréens, qui sont eux-mêmes en train d’élaborer un texte visant à soutenir une telle déclaration de fin de la guerre. C’est bien en réponse à la demande qu’ils ont exprimée à cette fin lors d’une récente rencontre que cette proposition de résolution vous est présentée ce jour, comme des propositions similaires le sont dans différents parlements occidentaux. Abondance d’initiatives parlementaires, qui plus est concertées, ne nuit pas ! Alors que le régime de la Corée du Nord tente régulièrement d’isoler les initiatives de la Corée du Sud, il est essentiel que nous affirmions notre solidarité et notre soutien sans faille et indéfectible à la démocratie coréenne.

Par ailleurs, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette affaire concerne aussi les intérêts de la France. En effet, tout le monde aura bien compris que le sujet est indo-pacifique. À l’heure où la France comme l’Union européenne entendent mettre en œuvre une politique indo-pacifique, il est essentiel que nous le traduisions par des actes. Nos positions diplomatiques ne peuvent se limiter à l’affirmation d’ambition sans traduction concrète. Une diplomatie, ce sont des paroles, mais ce sont aussi des actes. Monsieur le ministre, je sais que nous nous rejoindrons sur ce point.

Enfin, il convient de rappeler que la France n’est pas partie directe à l’armistice signé à Panmunjom le 27 juillet 1953 entre la Corée du Nord et la Chine, d’une part, et l’Organisation des Nations unies, d’autre part. Il paraît donc peu probable que la France soit partie à la signature d’une déclaration de fin de la guerre. En revanche, il est ici proposé que nous agissions pour la reconnaissance par la communauté internationale, et notamment par les Nations unies, de cette déclaration de fin de guerre. De même, la France, qui dialogue avec tous – c’est une de nos grandes forces –, est invitée à engager une conversation avec les parties susceptibles de signer cette déclaration de fin de guerre : Corée du Nord, Corée du Sud, États-Unis et Chine. Nous avons là un rôle à tenir en tant que membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies et en tant que nation de l’Indo-Pacifique.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà donc l’objet de cette proposition de résolution. Je pense que son adoption adressera un signal fort d’intérêt pour la Corée du Sud et de soutien à cette nation. Elle traduira aussi le caractère concret de notre engagement dans la zone indo-pacifique.

S’impliquer dans cette zone, ce n’est pas seulement défendre les intérêts directs de notre pays, ses territoires ou ses eaux : c’est aussi renouveler l’engagement de la France pour le droit international, pour le respect des frontières, pour le respect du droit de la mer et, finalement, pour la paix. Oui, même lorsque la situation paraît figée, la paix mérite que l’on remette inlassablement l’ouvrage sur le métier, pour tenter d’avancer. C’est tout l’esprit de la proposition de résolution que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, INDEP et RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme Catherine Dumas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis très heureuse, en tant que présidente du groupe d’amitié France-Corée du Sud, que notre assemblée examine aujourd’hui cette proposition de résolution appelant le Gouvernement à œuvrer à l’adoption d’une déclaration de la fin de la guerre de Corée.

Je voudrais tout d’abord saluer l’ambassadeur de la République de Corée, Son Excellence M. Yoo Dae-jong, qui est présent dans nos tribunes.

Je tiens aussi à remercier Christian Cambon, par ailleurs président de la commission des affaires étrangères, d’avoir déposé cette proposition de résolution, ce qui nous permet d’avoir un débat sur ce sujet que nous connaissons sans doute assez mal, alors que nous avons compté parmi les acteurs de ce conflit : soixante et onze ans après l’éclatement de cette « guerre oubliée » – pour reprendre l’expression très parlante qui a cours aux États-Unis –, qui a en tête que les combats ne sont que provisoirement suspendus et que la péninsule coréenne est officiellement toujours en état de guerre ? La convention d’armistice signée de façon temporaire le 27 juillet 1953 reste aujourd’hui appliquée, en attendant que s’y substitue un régime de paix.

A-t-on encore bien à l’esprit le terrible bilan de ce conflit, le premier conflit international à avoir éclaté après la Seconde Guerre mondiale, qui a inauguré la période de glaciation de la Guerre froide ? On déplore pourtant plus de 800 000 morts parmi les militaires coréens, nordistes et sudistes confondus, des dizaines de milliers parmi les forces de l’ONU qui sont alors intervenues, mais aussi 2 millions de victimes civiles et 3 millions de réfugiés. La péninsule coréenne a été dévastée par les combats et les deux Corées, soixante-huit ans après la signature de la convention d’armistice, continuent de vivre dans l’appréhension l’une de l’autre ; les tensions entre elles restent chaque jour palpables.

Les enjeux liés à la continuation d’un conflit non officiellement terminé sont donc omniprésents ; notre groupe d’amitié l’a très fortement ressentie, presque physiquement, lorsque nous nous sommes rendus en Corée du Sud au mois de septembre dernier, à l’invitation de l’Assemblée nationale de la République de Corée.

Vivette Lopez, Olivier Jacquin, Catherine Procaccia et moi-même, qui présidais la délégation, avons en effet été frappés par la sensibilité du sujet en Corée du Sud : alors que nous avons tendance à voir la situation actuelle comme un produit de l’histoire qui se serait figé avec le temps, cette situation reste vécue par la population et les dirigeants sud-coréens comme un enjeu existentiel. Je veux dire par là que les Coréens du Sud ont le sentiment que leur avenir, leur existence future en dépendent.

Notre visite de la DMZ, la zone démilitarisée séparant les deux Corées, qui constitue en réalité l’un des endroits où le degré de tension entre deux États est le plus élevé sur la planète, a permis à notre délégation d’éprouver pleinement cette dimension si prégnante dans la société coréenne d’aujourd’hui.

L’état de guerre qui perdure et la coexistence avec leur voisin nord-coréen constituent pour les Sud-Coréens une plaie ouverte ; elles les placent sous une véritable épée de Damoclès.

Mais notre délégation a pu prendre la mesure lors de son déplacement en Corée d’un autre point saillant : un attachement très fort à la France et une gratitude profonde envers notre pays pour son rôle durant la guerre de Corée.

Comme l’a rappelé Christian Cambon, notre pays a en effet répondu à l’appel des Nations unies en envoyant en Corée près de 3 500 soldats volontaires au sein du bataillon français de l’ONU, qui a combattu aux côtés des troupes coréennes et américaines.

En témoignage de ces hauts faits d’armes, nous avons visité le cimetière du mémorial des Nations unies en Corée, situé à Busan, la deuxième ville du pays. Au cours d’une cérémonie extrêmement émouvante, notre délégation a déposé une gerbe dans le carré français du cimetière, qui compte 46 tombes individuelles.

Cet appui de la France à l’armée sud-coréenne nous a été constamment rappelé lors de nos rencontres officielles, nos amis sud-coréens l’ayant sans doute beaucoup plus à l’esprit que nous-mêmes.

Ce fut le cas lors de notre rencontre avec mon homologue, le président du groupe d’amitié interparlementaire Corée-France, M. Jung Sung-ho, et des membres de ce groupe.

Cet attachement historique à la France nous donne une légitimité particulière pour intervenir dans ce dossier, et ce d’autant plus que d’autres éléments plus contemporains s’y ajoutent, comme il a été rappelé par M. Cambon.

Ce contexte étant posé, la proposition de résolution que nous examinons aujourd’hui me semble aller dans le bon sens, qui est aussi le sens de l’histoire : celui de la conversion d’une convention d’armistice précaire et réversible en un état de paix durable à travers la conclusion d’un véritable traité de paix entre les belligérants.

En se prononçant pour une déclaration officielle de la fin de la guerre de Corée, notre assemblée enverra un signal politique à un moment où celui-ci est plus que jamais nécessaire, du fait du nouveau refroidissement des relations entre les deux Corées, mais aussi entre la Corée du Nord et les États-Unis, qui jouent bien sûr un rôle central dans ce dossier.

À l’heure où le dialogue entre les principaux acteurs du conflit stagne, il paraît utile de rappeler l’horizon vers lequel les efforts et la concertation doivent porter, à savoir le rétablissement d’une paix durable sur l’ensemble de la péninsule coréenne.

Cet objectif a d’ailleurs été plusieurs fois proclamé par les deux belligérants principaux, lors des sommets intercoréens de 2000, 2007 et 2018.

Le président sud-coréen, M. Moon Jae-in, l’a encore rappelé devant l’assemblée générale des Nations unies il y a quelques mois à peine, le 21 septembre dernier.

Par ailleurs, des assemblées parlementaires de certains pays – la Corée du Sud elle-même, mais aussi les États-Unis et le Royaume-Uni – ont pris des initiatives en ce sens, certes de natures diverses et à des degrés d’avancement inégaux.

S’il nous faut donc œuvrer en faveur de la reconnaissance de la fin de la guerre de Corée, encore faut-il que ce processus respecte certaines conditions, que je crois bon de rappeler ici.

Tout d’abord, notre pays, qui a pris part au conflit et qui est présent auprès du commandement des Nations unies, devra, même s’il n’a pas été signataire de la convention d’armistice, être associé d’une façon ou d’une autre aux futures négociations du traité de paix.

Ensuite, il importe de veiller au maintien en place du commandement des Nations unies, doté d’un nouveau commandant depuis cet été. Cette structure a en effet joué un rôle majeur, sous mandat de l’ONU, pour mettre en œuvre l’accord d’armistice et veiller aux conditions du maintien de la paix entre les deux Corées.

Enfin et surtout, l’objectif de dénucléarisation que mentionne la proposition de résolution devra être aligné sur les objectifs onusiens en la matière, propres à garantir un démantèlement complet, vérifiable et irréversible des programmes nord-coréens.

Pour conclure, sous réserve de ces quelques conditions d’interprétation du texte qui nous est soumis aujourd’hui, je voterai donc en faveur de son adoption.

Il est en effet temps, pour reprendre les propos attribués à Cicéron, que les armes le cèdent à la toge et que les Coréens, du Sud comme du Nord, puissent vivre sur la même péninsule dans une paix et une prospérité pleinement retrouvées et durablement garanties. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, INDEP et RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard.

M. Guillaume Gontard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le XXIe siècle est tourné vers l’Asie : à l’heure où la Chine vise les grands sommets, que seuls les États-Unis connaissaient jusqu’alors, le sujet qui nous occupe aujourd’hui ne doit pas nous laisser indifférents. En effet, c’est sur ce continent où les poids lourds démographiques et économiques se côtoient que la paix devra être protégée avec le plus de détermination dans les années qui viennent.

Pourtant, près de soixante-dix ans après la fin des opérations militaires sur la péninsule coréenne, ce conflit est loin d’être gelé sur le tracé du 38e parallèle : les programmes d’armement nord-coréens se poursuivent, comme le rappelle le lancement par Pyongyang d’un premier missile supposément hypersonique, le 19 octobre dernier. Il s’agirait d’un missile mer-sol balistique stratégique, ou SLBM, l’un de ces missiles lancés depuis un sous-marin dont veut s’équiper Pyongyang. Notre débat se tient d’ailleurs alors qu’un nouveau tir de missile balistique a été opéré ce matin même par la Corée du Nord. Son voisin du Sud n’est pas en reste quant aux technologies militaires de pointe : Séoul testait également son premier SLBM en septembre dernier.

Souvenons-nous également de la crise de 2018 : à la suite de l’essai nucléaire de Pyongyang et du lancement d’un missile de longue portée, Donald Trump, alors président des États-Unis, avait envisagé des frappes préventives sur la Corée du Nord pour faire cesser son programme nucléaire.

Le moment d’espoir qui avait accompagné la reprise du dialogue après cette crise avait été décrit à l’époque comme un renversement radical et historique par la Corée du Sud. Nous sommes loin de cet optimisme aujourd’hui ! Depuis le sommet de Hanoï, en 2019, où les talents de diplomate de Donald Trump n’ont permis aucune avancée dans les négociations, le dialogue est en suspens et avec lui les espoirs d’apaisement. Tristes vœux de Nouvel An que ceux de Kim Jong-un, qui déclarait le 1er janvier vouloir encore renforcer ses capacités de défense nationale !

Je suis donc convaincu qu’il serait irresponsable de ne pas nous mobiliser pour encourager toutes les parties à la guerre de Corée à s’accorder enfin sur une déclaration de paix. Nous voterons donc bien évidemment en faveur de cette proposition de résolution.

Cette position est par ailleurs motivée par l’inquiétude qui est la nôtre face à la militarisation actuelle de la zone indo-pacifique et aux stratégies croissantes de contestation de la Chine dans cette zone, qui sont partie intégrante du problème coréen.

Retrouver le chemin de la table des négociations ne se fera bien sûr pas d’un claquement de doigts. Si nous entendons les dirigeants nord-coréens affirmer leur ouverture à la reprise du dialogue, nous savons que les demandes qu’ils adressent aux États-Unis comme condition de cette reprise sont irréalistes, car la question nucléaire reste le sujet de dissensions majeures. Le programme de développement des capacités nucléaires nord-coréennes, qui semblait ralenti depuis le dialogue de 2018, a été l’un des points d’achoppement ayant mené à l’échec des négociations de 2019 ; l’arrêt temporaire d’un complexe nucléaire produisant du plutonium, qui constituait une première avancée, semble désormais appartenir au passé si l’on en croit les alertes émises par l’Agence internationale de l’énergie atomique au mois d’août dernier.

La reprise de ces activités d’enrichissement nucléaire à destination militaire constitue une violation flagrante des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU ; elle menace toute la région, notamment le Japon, dont il convient de rappeler qu’il est l’un de nos principaux partenaires stratégiques en Asie et dans l’Indo-Pacifique.

Nous devons donc continuer à porter avec détermination notre souhait de voir les parties à la guerre de Corée se retrouver autour de la table des négociations ; nous devons tout particulièrement le faire auprès des pays amis que sont la Corée du Sud et les États-Unis. Nos amis états-uniens doivent faire face à leurs responsabilités et démontrer une vraie volonté politique d’arriver à une déclaration de paix, qui pourrait constituer un signal encourageant pour l’arrêt du programme nucléaire de la Corée du Nord.

Ce début d’année 2022 est une occasion inespérée de voir se réaliser ce souhait, alors que le président sud-coréen Moon Jae-in, très attaché au rapprochement avec la Corée du Nord, arrive à la fin de son mandat et que le régime nord-coréen fait face sans vaccin à une pandémie non maîtrisée, mais aussi à une récession sans précédent accompagnée d’une énième crise alimentaire.

En cette année qui verra la première conférence du traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) et la dixième conférence du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), il est nécessaire d’œuvrer à la résolution de ce dernier vestige de la Guerre froide pour donner davantage de force au mouvement mondial pour le désarmement nucléaire.

C’est donc tout naturellement que les écologistes invitent le Gouvernement français à agir en ce sens. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, INDEP, UC et Les Républicains.)