M. Christian Cambon. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent.

M. Pierre Laurent. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de résolution qui nous est soumise sur l’initiative de Christian Cambon est la bienvenue.

Il est en effet plus que jamais nécessaire d’abaisser le niveau persistant des tensions entre les deux Corées, ainsi qu’entre la Corée du Nord et les États-Unis, dans une région indo-pacifique elle-même sous tension, et d’ouvrir enfin la voie à un traité de paix définitif pour toute la péninsule coréenne.

Il est grand temps, dans cette région et partout ailleurs, de franchir de nouvelles étapes pour progresser significativement sur la voie de la dénucléarisation du monde.

Il est donc bienvenu de demander aux autorités de notre pays de prendre des initiatives politiques en vue d’instaurer une paix durable entre la Corée du Nord et la Corée du Sud, assorties de mesures de réduction des arsenaux nucléaires. Tout nous y invite : la situation dans la région et la tension nouvelle dans le monde, alors que l’escalade militaire et nucléaire est repartie de plus belle.

Entre la Corée du Nord et la Corée du Sud, nous le savons, la paix n’a jamais été scellée. Depuis près de soixante-dix ans, la péninsule coréenne est coupée en deux, son peuple écartelé. Dix millions de familles restent séparées par la frontière. Les plaies d’un conflit qui a fait cinq millions de morts et de blessés et six millions et demi de réfugiés ne sont pas refermées. Un traité de paix marquerait un pas historique.

Depuis 2017, les discussions ont repris, mais les dirigeants nord et sud-coréens successifs et les dirigeants états-uniens ont soufflé tour à tour le chaud et le froid, laissant un temps espérer l’avancée du dialogue, envoyant à d’autres moments des signaux d’alerte et d’escalade. Nous assistons alternativement à des réchauffements et à des coups d’arrêt. Au total, la région reste une inquiétante poudrière.

Est-il possible de progresser réellement vers une paix durable ?

Oui, les avancées enregistrées justifient de reprendre l’initiative. Durant sa campagne électorale, le président sud-coréen Moon Jae-in s’est appuyé sur une politique de la main tendue.

L’échéance olympique de 2018 à Pyongyang avait permis des échanges de lettres et – image symbolique ! – la création d’une équipe commune de hockey sur glace.

Le sommet intercoréen et la déclaration de Panmunjom, soutenue quelques mois plus tard par la déclaration coréo-états-unienne de Singapour, ont ouvert des perspectives.

Enfin, la réouverture des canaux diplomatiques entre le nord et le sud au mois de juillet dernier mérite d’être soulignée.

Toutefois, malgré ces marqueurs forts, les zones d’ombre restent elles aussi majeures.

Le sommet de Hanoï en 2019 entre Donald Trump et Kim Jong-un a montré que la tension demeurait forte entre Pyongyang et Washington. Les États-Unis veulent plus que le seul démantèlement du complexe de Yongbyon. Pyongyang ne peut accepter le renvoi à des discussions ultérieures de la suspension des sanctions internationales.

Surtout, la reprise de la course aux armements, au sud comme au nord, est inquiétante. L’escalade très rapide dans la péninsule coréenne atteint un point critique.

Séoul s’est engagé dans une politique de développement balistique, a mené des exercices d’ampleur avec les États-Unis, lesquels sont censés prévenir une improbable invasion terrestre par le nord, et fait désormais partie du cercle très fermé des pays disposant d’avions de chasse supersoniques.

La Corée du Nord n’est pas en reste. Pyongyang souhaite développer son arsenal nucléaire, multiplie les démonstrations en la matière et augmente ses capacités balistiques. L’entrée de la Corée du Nord dans le club des pays nucléaires accroîtrait tous les dangers, mais toute tentative de dissuasion nécessiterait un cercle vertueux de paix et de désarmement mutuel.

Il est donc grand temps de reprendre l’initiative, comme le propose l’auteur de cette proposition de résolution.

Le contexte s’y prête. La prochaine conférence d’examen des parties au traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) sera ainsi l’occasion de prendre cette initiative.

Par ailleurs, la déclaration conjointe que viennent de publier les chefs d’État des cinq puissances nucléaires du Conseil de sécurité des Nations unies est un encouragement.

On peut bien sûr la juger formelle, voire hypocrite, à l’heure où ces cinq puissances ont toutes engagé des frais de modernisation de leurs arsenaux nucléaires, y compris la France, qui aura dépensé 37 milliards d’euros pour moderniser le sien au terme de la loi de programmation militaire.

Nous y voyons plutôt le résultat de la poussée en faveur du traité sur l’interdiction des armes nucléaires, que ces puissances ont certes refusé de signer au nom de leur attachement au TNP, mais qui a le mérite de placer lesdites puissances face à leurs responsabilités : elles se doivent d’appliquer enfin son volet relatif à la dénucléarisation, lequel a jusqu’ici été largement laissé en friche.

Il faut aujourd’hui passer de la parole aux actes. Les urgences de la planète appellent le désarmement nucléaire. La péninsule coréenne n’est évidemment pas la seule concernée, mais sa dénucléarisation constituerait un signal fort et un encouragement à réduire les arsenaux nucléaires dans le monde entier.

M. le président. Il faut conclure.

M. Pierre Laurent. Pour toutes ces raisons, nous voterons cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – M. Christian Cambon applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Olivier Cigolotti. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de remercier Christian Cambon, qui nous donne l’occasion, grâce au dépôt de cette proposition de résolution, d’aborder un sujet important pour la zone indo-pacifique.

En 1950, après une série d’incidents et de fortes tensions à la frontière, la Corée du Nord envahit la Corée du Sud. Cette invasion déclenche une guerre par procuration entre les deux puissances nucléaires de l’époque, les États-Unis et la Chine, et provoque le premier grand bouleversement de la guerre froide. Celle que l’on appelle désormais la « guerre oubliée » fera environ un million de victimes militaires, deux millions de victimes civiles et de très nombreux disparus.

Le 27 juillet 1953, la Corée du Nord, les États-Unis et la Chine signent un accord d’armistice.

La Corée du Sud s’opposant au maintien de la partition en deux de la Corée n’a ni accepté l’armistice ni signé de traité de paix. C’est la raison pour laquelle, en dépit de la fin des combats, la guerre n’a diplomatiquement et officiellement jamais pris fin. Les espoirs de réconciliation ont brièvement été entretenus en 2000, puis de nouveau en 2018, avant de finalement tourner court.

Aujourd’hui, États-Unis, Chine, Corée du Nord et Corée du Sud ont conjointement affiché leur volonté, sur le principe et sur une base théorique, de déclarer la fin de la guerre de Corée.

De l’aveu même du président sud-coréen, le cessez-le-feu en vigueur depuis près de soixante-dix ans n’offre pas un cadre stable pour le pays.

C’est la raison pour laquelle la France et l’Union européenne doivent soutenir et promouvoir toutes les initiatives visant à favoriser la conclusion d’un traité de paix, nécessaire dans une région du monde soumise à de nouveaux équilibres.

Un tel accord permettrait notamment la création d’une véritable zone démilitarisée, des discussions sur la dénucléarisation ou la redéfinition de certaines frontières maritimes, qui restent floues par endroits.

L’ancrage géographique des deux Corées les place au cœur de l’Indo-Pacifique, nouveau centre de gravité stratégique mondial. Et parce que les défis sécuritaires, économiques, technologiques et environnementaux qui s’y présentent sont aussi les nôtres, la France et l’Union européenne ont, dans cette région, des intérêts et des valeurs à défendre, et des partenariats à construire.

La montée en puissance et les revendications territoriales de la Chine, exprimées de façon chaque fois plus appuyée, l’intensification de la compétition sino-américaine ou encore les tensions à la frontière sino-indienne modifient les équilibres régionaux.

À cela s’ajoutent des menaces transnationales persistantes, telles que la piraterie, le terrorisme, les trafics en tout genre, ainsi que les conséquences désastreuses du dérèglement climatique, dont les effets peuvent déjà se faire sentir en matière de sécurité.

Toutes ces évolutions ont des répercussions directes sur l’ensemble de la zone, y compris sur les territoires français.

La Corée du Sud et la France pourraient, dès lors, envisager de coopérer dans l’Indo-Pacifique en contribuant à apaiser les tensions dans la région et à maintenir un équilibre, tout en préservant leurs propres intérêts nationaux.

Dans le contexte de récente redistribution des alliances dans la région – je pense en particulier à l’accord Aukus (Australia-United Kingdom-United States) –, la Corée du Sud et la France auraient intérêt à engager un dialogue en vue de coopérer dans l’Indo-Pacifique, ce qui permettrait d’accroître la confiance mutuelle et la convergence stratégique.

Aussi le groupe Union Centriste votera-t-il pour cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. Christian Cambon, François Patriat et Joël Guerriau applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. André Guiol.

M. André Guiol. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, guerre sans fin, orpheline de la guerre froide, l’interminable crise coréenne attire régulièrement l’attention de la communauté internationale.

Depuis toujours, les dirigeants nord-coréens successifs soufflent le chaud et le froid sur la péninsule, au gré des variations de leur activité militaro-diplomatique.

Entre la brève lune de miel que l’on a connue sous l’ère Trump et l’ère nucléaire sans complexe, la Corée du Nord reste un abcès ouvert, pansé de temps en temps, mais jamais complètement refermé.

L’absence depuis 1953 d’un véritable traité de paix entre la République de Corée et la Corée du Nord est-elle propice à la poursuite des tensions ? Autrement dit, l’adoption d’une déclaration de la fin de la guerre de Corée serait-elle de nature à améliorer les choses ?

À l’évidence, la réponse ne peut être que nuancée, compte tenu de la complexité d’une situation géopolitique sur laquelle plane encore aujourd’hui l’ombre des grandes puissances, les États-Unis, la Chine et la Russie. Hier comme aujourd’hui, celles-ci maintiennent sous différentes formes, y compris militaires, leur présence dans la zone.

Si l’on ne peut ignorer les ambitions de grandeur de la dynastie Kim pour son pays, force est aussi de constater que la péninsule reste un pion dans la région, comme elle l’a toujours été au cours du XXe siècle. En effet, on connaît le principal ressort du déclenchement de la guerre en 1950 : la lutte pour la domination dans la région entre les forces communistes et les démocraties libérales.

L’enjeu a-t-il évolué depuis ? Si nous sommes heureusement sortis de la guerre froide, les luttes d’influence demeurent, ce qui n’est pas sans susciter des inquiétudes.

Aujourd’hui, on le sait, les États-Unis ont déplacé leurs intérêts stratégiques vers la zone Asie-Pacifique. Washington cherche non seulement à y préserver ses intérêts économiques, mais également à contenir la menace chinoise dans la région. Grâce au traité de défense conclu avec Séoul, la menace nord-coréenne offre une fenêtre stratégique au Pentagone pour surveiller la Chine.

Dans ces conditions, dans le contexte d’un bras de fer stratégique, quel crédit accorder aux offres de pourparlers que l’administration Biden a faites l’été dernier au dirigeant nord-coréen ?

Quoi qu’il en soit, le tir de missile hypersonique effectué à la fin du mois de septembre par Pyongyang a miné le terrain et constitué clairement une fin de non-recevoir.

Peut-on également compter sur le dialogue intercoréen ? Depuis les jeux Olympiques d’hiver de 2018 en Corée du Sud, ce dialogue existe, mais il a produit peu d’effets à ce stade.

Pour l’heure, en espérant que tous les acteurs impliqués prennent les engagements nécessaires à la mise en œuvre d’un véritable dialogue, sans arrière-pensées, le RDSE partage la volonté de Christian Cambon de promouvoir et de soutenir l’adoption d’une déclaration de la fin de la guerre de Corée.

Tout d’abord, nous le devons au peuple coréen. J’ajoute que nous le devons plus encore à celui du nord, qui, au-delà d’avoir en commun avec celui du sud la peur d’une escalade aux frontières du pays, doit en plus faire face à une situation économique très dégradée, laquelle n’est pas sans conséquence d’un point de vue humanitaire. Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, près de quatre Nord-Coréens sur dix souffrent actuellement de malnutrition.

Par conséquent, monsieur le ministre, la question de l’allégement du régime de sanctions internationales doit se poser, alors que la pandémie accentue l’isolement de la Corée du Nord. Et je ne parlerai pas du déséquilibre entre le coût humain très élevé des sanctions et leurs faibles effets sur le programme nucléaire nord-coréen.

À cet égard, les cinq grandes puissances nucléaires ont prôné lundi dernier l’objectif d’« un monde exempt d’armes nucléaires », pour reprendre la formule de la présidence française. C’est une bonne chose, bien entendu, mais la situation nord-coréenne constitue un obstacle à la réalisation de ce vœu. Aussi le texte de la proposition de résolution prend-il encore un peu plus de relief. En effet, la « dénucléarisation complète de la péninsule coréenne » doit être une préoccupation majeure de la communauté internationale.

Enfin, mes chers collègues, la proposition de résolution s’inscrit tout simplement dans la tradition de défense de la paix et des droits de l’homme chère à la France. Fidèle à ses valeurs, notre pays ne peut se contenter, pour la péninsule coréenne, d’un simple et fragile cessez-le-feu.

Le groupe RDSE votera donc cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – MM. Christian Cambon et François Patriat applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger.

M. Gilbert Roger. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, madame la présidente du groupe d’amitié France-Corée du Sud, chère Catherine Dumas, monsieur le vice-président, cher Olivier Jacquin, nous voici réunis pour examiner une proposition de résolution, déposée sur l’initiative de Christian Cambon, et invitant le Gouvernement à travailler avec les deux Corées pour que ces pays puissent, selon les termes de la déclaration commune du 27 avril 2018, adopter une déclaration de la fin de la guerre de Corée et entamer un dialogue en vue de la signature d’un traité de paix.

Le texte que nous examinons aujourd’hui enjoint également la France de soutenir les efforts internationaux en faveur d’une dénucléarisation complète de la péninsule coréenne.

Selon les informations communiquées par Christian Cambon lors de la réunion du bureau de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, des initiatives similaires seraient en préparation dans plusieurs parlements européens, ainsi qu’au Sénat américain. Il est en effet urgent aujourd’hui de faire entendre la voix de la paix et du dialogue entre les deux Corées, en créant les conditions d’un véritable système de sécurité collective en Asie du Nord-Est, l’une des régions les plus militarisées du monde.

Revenons sur les faits. Le 25 juin 1950, l’armée nord-coréenne franchit le 38e parallèle marquant la division de la péninsule entre le Nord et le Sud. La guerre, qui s’internationalise avec le soutien des États-Unis au Sud et de la Chine au Nord, fera entre deux et quatre millions de morts.

Un armistice fragile a été signé le 27 juillet 1953, mais il n’a jamais été suivi d’un traité de paix. De nombreux attentats, des infiltrations et des affrontements, la plupart provoqués par Pyongyang, ont menacé le cessez-le-feu. Le Nord a placé à plusieurs reprises ses troupes en état de guerre.

Malgré les tensions, les deux pays n’ont jamais complètement interrompu leur dialogue. Depuis des décennies, les deux Corées enchaînent des phases de confrontation et de rapprochement. En 2000 et 2007, le dirigeant nord-coréen Kim Jong-il a tenu à Pyongyang deux sommets historiques avec les dirigeants du Sud.

L’année 2018 fut celle du dégel. Les jeux Olympiques d’hiver organisés en Corée du Sud ont contribué à la tenue d’un premier sommet à Singapour entre le président Donald Trump et Kim Jong-un. Le second, organisé à Hanoï, a, lui, tourné court.

Cet apaisement précaire jusqu’en février 2019 entre les États-Unis et la Corée du Nord ne s’est traduit par aucune avancée notable concernant la dénucléarisation de la péninsule coréenne, priorité numéro 1 des Américains.

Les tentatives de reprise des discussions entre les deux parties sont régulièrement interrompues ou empoisonnées par les velléités de Pyongyang de se doter de l’arme nucléaire et d’un arsenal balistique de longue portée, qu’il exhibe lors d’essais spectaculaires. Les États-Unis ont toujours fixé comme préalable à la fin de la guerre le renoncement par la Corée du Nord à son programme nucléaire militaire.

Le nouveau président des États-Unis, Joe Biden, a fait le choix d’ignorer l’épouvantail nord-coréen pour se concentrer, autant que possible, sur sa priorité absolue : contenir la menace chinoise dans la sphère Asie-Pacifique.

En marge de la reprise du dialogue avec les États-Unis, Kim Jong-un a renoué les liens avec la Chine, qui avaient pâti des purges de personnalités jugées trop pro-Pékin et de l’imposition des sanctions de l’Organisation des Nations unies. Ce rapprochement s’est concrétisé par la visite du président Xi Jinping à Pyongyang en 2019.

Le déclenchement de l’épidémie de covid-19 a aggravé la donne : dès janvier 2020, la Corée du Nord s’est barricadée derrière ses frontières, surveillées par l’armée, qui a reçu l’ordre de tirer à vue sur toute personne essayant de passer. Officiellement, la Corée du Nord n’a enregistré aucun cas de covid-19. Les experts en doutent, nous aussi.

Les deux Corées ont multiplié les gestes d’apaisement au cours de l’année 2018, instaurant un climat de détente qui a été entériné par la signature, le 27 avril 2018, d’une déclaration commune, à l’issue du premier sommet intercoréen organisé depuis onze ans.

Dans cette déclaration, les présidents sud et nord-coréens assuraient vouloir instaurer une paix durable et signer un traité de paix dans le courant de l’année. À cette occasion, les deux présidents ont également affirmé s’engager en faveur d’« une péninsule coréenne non nucléaire ». Ils ont convenu de cesser toute activité hostile sur terre, dans les mers et dans les airs et ont fait part de leur volonté de transformer la zone démilitarisée qui sépare les deux pays en une zone de paix.

Cette déclaration a ouvert la voie à un processus de paix, de dénucléarisation, et à une réflexion sur la situation des familles séparées.

Les enjeux diplomatiques sont d’importance, car un rapprochement pourrait favoriser une reprise du dialogue entre les États-Unis et la Corée du Nord. Pour l’instant, une telle perspective – Christian Cambon l’a dit – reste pour le moins incertaine.

En effet, si en octobre dernier Pyongyang s’est dit prêt à envisager de nouvelles discussions, les États-Unis continuent de poser la fin du programme nucléaire militaire nord-coréen comme préalable. À cette incertitude s’ajoute la prochaine élection présidentielle en Corée du Sud, qui verra le départ du président sortant, lequel ne peut se représenter.

En revanche, ce qui est certain, c’est l’urgence, ressentie par la Corée, du Nord comme du Sud, de relancer le dialogue intercoréen.

Les dirigeants de ces deux pays sont pris par le temps. Le mandat non renouvelable du président sud-coréen, dont le rapprochement Nord-Sud était l’un des engagements électoraux, le cheval de bataille de sa politique, s’achèvera en mars 2022. Quant à Kim Jong-un, il a surtout un besoin urgent d’aide pour faire face à la crise alimentaire qui s’aggrave dans son pays. Dans l’immédiat, la priorité pour la Corée du Nord est d’obtenir au plus vite une assistance alimentaire et médicale de la part de Séoul, afin de contrebalancer sa dépendance à l’égard de la Chine.

Dans ces conditions, les deux pays auraient tout intérêt à mettre un terme à l’état de guerre qui les oppose depuis 1953.

Je regrette que la proposition de résolution que nous examinons aujourd’hui soit l’initiative d’un groupe politique, et non celle de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat dans son ensemble, et ce en raison d’un problème de calendrier, comme nous l’a expliqué Christian Cambon. Le plus important est toutefois que nous débattions de ce texte.

La France, protagoniste de la guerre de Corée, membre du Conseil de sécurité de l’ONU, n’est pas directement concernée par un tel traité de paix. Toutefois, elle exprime le souhait que les pourparlers à six, entre les deux Corées, les États-Unis, la Chine, la Russie et le Japon, reprennent.

Alors que les tensions ne font que s’accroître dans la péninsule coréenne, l’adoption par la représentation nationale de la présente proposition permettrait d’adresser un message fort de paix, de confiance et de sérénité aux différentes parties.

Je partage donc le sentiment d’urgence exprimé par notre collègue Christian Cambon : il est nécessaire de se saisir de la question coréenne et de tout faire pour tenter d’instaurer la paix dans la péninsule.

Aussi le groupe socialiste votera-t-il ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, RDPI, UC et Les Républicains – M. Christian Cambon applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. François Patriat.

M. François Patriat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à mon tour à remercier Christian Cambon de nous donner l’occasion de nous saisir de la question de la paix et de la stabilité dans la péninsule coréenne.

Le retour récent d’un transfuge nord-coréen – il était passé au sud – ayant réussi à pénétrer la Corée du Nord par la voie terrestre n’a pas manqué de nous rappeler que l’état de guerre est toujours en cours dans cette région du monde. Le processus de pacification est gelé depuis plus de soixante-dix ans déjà, après un dernier échec en 2019, à Hanoï.

Comme cela a déjà été rappelé, la guerre de Corée a pris fin en 1953 avec la conclusion d’un armistice visant à assurer une cessation complète des hostilités jusqu’à ce qu’un règlement pacifique final soit conclu.

Or la question du règlement final de ce conflit est restée en suspens. En l’absence d’un traité de paix pérenne, l’impasse militaire explique que, officiellement, ces deux pays soient restés en guerre au cours des soixante-dix dernières années. Cette situation a justifié la dialectique de la peur et de la surenchère, ainsi que la course effrénée à l’armement.

La ligne de front de la guerre est toujours la zone démilitarisée, ou DMZ, une zone frontalière ultrafortifiée, où les protagonistes sont lourdement armés, et qui divise les deux Corées. D-M-Z : ces trois lettres symbolisent l’empêchement de la stabilité et de la paix dans la péninsule, déchirent bien des familles et hantent les Coréens, inquiets d’une possible reprise des hostilités, telle une épée de Damoclès.

Dans ce contexte, le groupe RDPI salue les efforts et l’engagement du président sud-coréen, M. Moon Jae-in, qui persiste à faire du dossier intercoréen sa priorité. Au mois de septembre dernier, devant les Nations unies, il a ainsi relancé son action. Par la suite, au mois de décembre, il a annoncé que les deux Corées, ainsi que les États-Unis et la Chine, avaient accepté « en principe » de déclarer officiellement la fin de la guerre de Corée. Washington et Séoul ont déclaré s’être mis d’accord sur un projet de déclaration le 29 décembre dernier.

Ainsi, lorsqu’il a présenté ses vœux pour la nouvelle année, le président Moon Jae-in a réaffirmé sa détermination à chercher une « voie irréversible vers la paix » et appelé à reprendre le dialogue et la coopération avec la Corée du Nord.

On espérait donc, en raison de ces derniers développements, que l’année 2022 serait l’aube d’une nouvelle ère de paix et de prospérité, avec, enfin, une déclaration de fin de la guerre entre les deux Corées.

Malheureusement, le lancement ce matin même par Pyongyang d’un projectile non identifié, qui pourrait être un missile balistique, a fait l’effet d’une douche froide. Ce nouvel essai survient en guise de réponse à la proposition de Washington, depuis l’arrivée au pouvoir du président Biden, de reprendre les négociations. Pyongyang indique ainsi qu’il ne changera pas de position et qu’il revient plutôt à Washington d’évoluer.

Jusqu’à présent, la Corée du Nord avait soufflé le chaud et le froid. Alors qu’elle avait qualifié la fin de la guerre d’objectif « admirable », elle a freiné tout progrès tant que Washington et Séoul n’auront pas revu leur « politique d’hostilité ». Pour autant, elle n’a pas mis fin à ses tests balistiques et à sa course à l’armement.

Alors que l’on attendait des signes d’ouverture de la part de Kim Jong-un, son allocution devant le Parti du travail n’a nullement éclairé la communauté internationale sur ses intentions, ni sur les relations intercoréennes, ni même sur les négociations en matière de dénucléarisation avec les États-Unis. Il s’est contenté d’indiquer que, selon lui, « l’environnement militaire de plus en plus instable dans la péninsule coréenne et la situation internationale exigent le renforcement des capacités de défense nationale » du pays et la poursuite de son programme d’armement, sans mentionner Washington.

Tout ceci est amèrement regrettable.

Nous tenons à adresser une pensée toute particulière de solidarité aux habitants de la Corée du Nord, qui vivent aujourd’hui les dures conséquences de décennies de pénurie alimentaire.

Cette pénurie constante découle certes des effets économiques des sanctions internationales, mais aussi du fait que la Corée du Nord continue de faire de son armement une priorité.

Dernièrement, la pénurie alimentaire s’est aggravée à la suite de la fermeture des frontières en réaction à la pandémie de covid-19. Pour la première fois, face à la plus importante récession que son pays a connue au cours des vingt dernières années, le dirigeant nord-coréen, dans son allocution du Nouvel An, a fait de la situation alimentaire et du développement économique ses priorités.

Dans ces conditions, nous formons le vœu que la Corée du Nord fasse véritablement de ces questions sa priorité et qu’elle fasse un pas décisif vers la paix, la stabilité et la prospérité de la péninsule coréenne, pour le seul bénéfice de sa population.

En dépit des derniers mauvais signaux, il est hors de question de baisser les bras. Compte tenu des tensions croissantes dans l’Indo-Pacifique, aboutir à la paix dans cette région constituerait un véritable espoir pour la paix et la stabilité mondiales.

Nous formons donc le vœu qu’un pas soit fait en 2022 vers la normalisation des relations intercoréennes et que la France, monsieur le ministre, y contribue autant que possible. Pour ces raisons, nous voterons la proposition de résolution.

Nous espérons sincèrement que les Coréens du Nord et du Sud auront un jour la chance d’éprouver le même bonheur que celui qu’ont connu les Allemands lors de la chute du Mur de Berlin. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Christian Cambon applaudit également.)