PRÉSIDENCE DE M. Thierry Foucaud

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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Article 24 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale
Article 24

Lutte contre le crime organisé et le terrorisme

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale.

La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, je sollicite une suspension de séance, afin de permettre à M. le garde des sceaux de vérifier auprès du Premier ministre qu’il est bien utile de poursuivre l’examen de ce projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé.

Mme Leila Aïchi. Pourquoi ?

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Le Premier ministre a en effet annoncé dans l’une de ses réponses aux questions d’actualité au Gouvernement que, s’agissant d’un projet gouvernemental, le dernier mot serait donné à l’Assemblée nationale, quoi que fasse le Sénat.

Dans ces conditions, je me demande s’il est réellement utile de continuer à débattre de ce texte !

Je voudrais avoir mal compris le Premier ministre ; je pense même l’avoir mal compris, mais, monsieur le garde des sceaux, je vous demande de vous en assurer, afin que nous puissions reprendre ce débat sereinement, c'est-à-dire en ayant sincèrement l’intention, de part et d’autre, de permettre au jeu normal du bicamérisme de se poursuivre, sans préjuger, avant la fin des travaux du Sénat, de l’impossibilité de parvenir à un accord entre l’Assemblée nationale et le Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président. De quel délai avez-vous besoin, monsieur le garde des sceaux ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. De trente secondes, monsieur le président ! (Sourires.)

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. M. le garde des sceaux a besoin d’au moins cinq minutes ; il faut lui laisser le temps de joindre le Premier ministre. (Nouveaux sourires.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour cinq minutes.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Monsieur le président, j’indique au Sénat qu’il ne faut pas surinterpréter les propos du Premier ministre. Celui-ci s’est contenté de rappeler la Constitution et de dire que, en cas de désaccord entre les deux chambres du Parlement, le dernier mot appartient à l’Assemblée nationale.

Le Premier ministre n’est pas du tout dans une perspective de désaccord entre les deux chambres. Le texte, tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale, à 474 voix pour et 32 voix contre, donne une orientation. Je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas aboutir à une commission mixte paritaire conclusive. En tout cas, la contribution du Gouvernement à la continuité de nos travaux sera nourrie de cette intention. (Marques d’approbation sur diverses travées.)

M. le président. Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons l’examen, au sein du chapitre Ier du titre Ier, de l’article 24.

TITRE Ier (suite)

DISPOSITIONS RENFORÇANT LA LUTTE CONTRE LE CRIME ORGANISÉ, LE TERRORISME ET LEUR FINANCEMENT

Chapitre IER (suite)

Dispositions renforçant l’efficacité des investigations judiciaires

Discussion générale
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Article additionnel après l'article 24

Article 24 (suite)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 172 rectifié, présenté par Mmes Aïchi, Bouchoux et Blandin, M. Dantec, Mme Archimbaud et MM. Gattolin et Labbé, est ainsi libellé :

Alinéas 3 à 10

Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :

« Art. 77-2. – I. – L’avocat choisi par la personne ou, à sa demande, désigné d'office par le bâtonnier de l'ordre des avocats, se voit donner accès à l’ensemble du dossier constitué dans le cadre de l’enquête préliminaire en cours.

« II. – Il a la possibilité de déposer des observations auprès du procureur de la République dans un délai d’un mois.

« III. – Si le procureur de la République s’y oppose, il devra saisir par requête écrite et motivée le juge des libertés et de la détention afin qu’il statue en audience publique.

« IV. – Ces dispositions sont également applicables aux victimes.

« Art. 77-3. – I. – Dans l’hypothèse où le procureur de la République souhaite ouvrir une information judiciaire suite à l’enquête préliminaire menée, il communique le dossier dans les 10 jours aux parties de l’affaire, le plaignant comme la victime, afin de recueillir leurs observations avant l’ouverture de l’information. » ;

La parole est à Mme Leila Aïchi.

Mme Leila Aïchi. Au travers de cet amendement, nous proposons d’ouvrir le débat sur une réforme générale de la procédure pénale. En effet, nous touchons ici au cœur même du sujet du présent texte et nous inscrivons dans la lignée de la réforme pénale de 2014 et du projet de loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne de 2015.

Il nous paraît souhaitable que la transposition de la directive européenne du 22 mai 2012 relative à l’information dans le cadre des procédures pénales soit directement réalisée par le présent projet de loi. Cette directive, dont la transposition est prévue par le présent projet de loi, suppose que le gardé à vue et son avocat puissent consulter tous les actes de procès-verbaux de la procédure, afin de « garantir le caractère équitable de la procédure et de préparer leur défense ».

Ainsi, le renforcement du contradictoire dans le cadre de l’enquête permettrait d’introduire plus d’accusatoire dans la procédure pénale, comme c’est déjà le cas dans toutes les grandes démocraties de droit continental.

Je le rappelle, le modèle accusatoire privilégie le rôle des parties. Le procès y est conçu comme un affrontement contradictoire entre l’accusation et la défense, chacune des parties se trouvant à égalité avec l’autre et devant prouver les faits susceptibles de soutenir sa cause. Le pouvoir du juge consiste en conséquence à arbitrer davantage qu’à instruire : il s’agit, d’une part, de veiller à la loyauté du procès, et, d’autre part, de départager les parties en fonction de leurs prétentions, arguments et preuves. Dans ce modèle accusatoire renforcé, le juge des libertés et de la détention pourrait devenir l’arbitre du respect du contradictoire.

Notre amendement vise donc à consacrer la supériorité du processus juridictionnel, ainsi que l’équité de la procédure pénale, en renforçant le contradictoire dans l’enquête.

M. le président. L'amendement n° 201 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Barbier, Collin et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

un an après

par le mot :

dès

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Cet amendement vise à permettre qu’il y ait du contradictoire dès le début de la procédure. Je sais que cette demande paraîtra excessive, peut-être à M. le rapporteur, sans aucun doute à la Chancellerie.

J’ai souvenance des débats que nous avons eus ici sur la présence de l’avocat en garde à vue.

M. Michel Mercier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Eh oui !

M. Jacques Mézard. J’avais en effet eu le plaisir de déposer la première proposition de loi qui a été débattue ici sur ce sujet et de constater la détermination absolue de notre haute administration à empêcher la mise en place d’un tel dispositif.

Finalement, après bien des discussions et un certain nombre de décisions à l’échelle européenne, il nous a fallu y passer, que nous le voulions ou non. On nous avait pourtant dit que c’était absolument impossible à réaliser, sur le plan humain, mais aussi matériel, que les avocats ne se déplaceraient pas, etc.

C’est une réalité : dans notre pays, le pays des libertés, l’administration fait un blocage absolu sur l’exercice des libertés, en particulier sur l’ouverture au contradictoire. Nous le constatons parfois avec effroi au cours de ces débats. Et plus on a peur de l’exercice de la liberté, plus on se crée des difficultés. Or il est normal, au cours des enquêtes, de pouvoir avoir accès aux dossiers.

Mes chers collègues, peut-être estimerez-vous que mon amendement est un peu provocateur, mais il nous faut trouver des modalités allant au-delà de ce qui nous est proposé aujourd’hui.

M. le président. L'amendement n° 195 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Arnell, Collin et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

afin de faire ses observations

par les mots :

et de s’en faire notifier le motif, afin de formuler des observations adaptées

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Cet amendement tend à prévoir la possibilité, pour la personne concernée, de se voir notifier les motifs pour lesquels on se préoccupe d’elle afin de formuler des observations adaptées.

L’objet de cette procédure est précisément de permettre au procureur de s’informer sur la manière dont les intéressés envisagent la situation.

M. le président. L'amendement n° 194 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Arnell, Collin et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Remplacer les mots :

peut communiquer tout ou partie

par les mots :

doit communiquer l’ensemble

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. J’ai déposé cet amendement en parfaite coordination avec mon collègue et ami Pierre-Yves Collombat, car il s’agit d’une question importante.

Je sais que M. le rapporteur a consenti un effort, car je connais son attachement aux libertés. Nous proposons néanmoins de remplacer les mots : « peut communiquer tout ou partie », car nous sommes face à quelque chose d’extraordinaire, qui est très français.

On dit que le procureur de la République a le droit, à un moment, de lancer le contradictoire et peut communiquer à la personne qui fait l’objet d’une enquête tout ou partie de la procédure.

Rappelons que le parquet est partie poursuivante ; ce n’est ni juge des libertés ni le juge du siège. À un moment, on lui dit qu’il a la possibilité de faire un effort considérable pour respecter les droits de la personne faisant l’objet d’une enquête en lui communiquant une partie du dossier. C’est le comble ! Je ne nie pas l’effort réalisé par rapport à la situation actuelle – ici, il s’agit non plus de terrorisme, mais des enquêtes en général –, mais tout de même !

Cet amendement vise à établir une réelle procédure contradictoire, en prévoyant que le procureur de la République a le devoir, et non la seule possibilité, de communiquer aux parties, et non seulement à une partie, l’ensemble de la procédure.

Cette précision semble de nature à mieux encadrer le travail du procureur de la République, dans le contexte d’une disparition du juge de l’instruction à la faveur du renforcement du couple formé par le procureur de la République et le juge des libertés et de la détention.

Un problème de loyauté dans la procédure apparaît, quel que soit le côté où l’on se trouve. Certains l’oublient trop souvent dans cette République, tant que l’on n’est pas condamné, on est présumé innocent. Prévoir que le procureur de la République va communiquer certaines pièces et pas d’autres, ce n’est pas loyal ! (M. le rapporteur s’exclame.)

Monsieur le rapporteur, je ne mets jamais en doute votre souci d’avancer dans le respect des libertés, car je connais vos sentiments. Toutefois, dire que le procureur, qui est partie poursuivante, peut ne communiquer que la seule pièce d’un dossier pouvant servir à piéger la personne faisant l’objet de l’enquête, et pas les autres alors qu’elles sont importantes, ce n’est pas équitable. Si l’on communique, il faut communiquer l’ensemble des pièces !

J’insiste davantage sur cet amendement que sur les précédents, compte tenu de l’importance de ce sujet.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Mercier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Ces quatre amendements tendent tous à poser le problème de l’introduction du contradictoire dans l’enquête préliminaire. Il s’agit là d’une question essentielle, dont nous avons déjà débattu ce matin. Aussi ne reviendrai-je pas sur les précisions que j’ai déjà apportées.

L’amendement n° 172 rectifié vise à permettre l’accès immédiat au dossier par l’avocat, dès l’ouverture de l’enquête préliminaire.

Très honnêtement, j’estime que les garanties accordées aux personnes faisant l’objet d’une enquête préliminaire sont d’une autre nature que la présence de l’avocat dès ce stade. Les interpréter autrement reviendrait à priver l’enquête de toute efficacité.

La garantie est la suivante : un magistrat de l’ordre judiciaire dirige l’enquête. Le présent projet de loi le rappelle de manière très claire et très nette, dans l’article relatif aux missions du procureur.

J’insiste sur ce point : c’est peut-être la première fois que lesdites missions sont aussi clairement énoncées. L’article en question détaille les missions de magistrat revenant au procureur, qui instruit à la fois à charge et à décharge l’affaire des personnes éventuellement poursuivies.

Madame Aïchi, il n’est donc pas possible de permettre à l’avocat d’accéder au dossier dès le commencement de l’enquête préliminaire. Aussi, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, je serai contraint d’émettre un avis défavorable.

Les dispositions des trois amendements présentés par MM. Mézard et Collombat relèvent peu ou prou du même esprit.

Monsieur Mézard, vous le savez mieux que moi : même en cours d’instruction, le juge d’instruction peut garder par-devers lui le détail des actions en cours, sans le communiquer à l’avocat. Cette disposition existe. Or c’est bien de cela qu’il s’agit. Il est nécessaire de préserver l’efficacité de l’enquête et, partant, d’éviter des communications de documents et des divulgations susceptibles de mettre à mal le déroulement de cette dernière.

Voilà pourquoi, monsieur Mézard, monsieur Collombat, je vous invite à retirer les amendements nos 201 rectifié, 195 rectifié et 194 rectifié. Si vous vous y refusez, ce que je comprendrai parfaitement, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. S'agissant de l'amendement n° 172 rectifié, le rapporteur l’a souligné avec raison, la communication immédiate du dossier à l’avocat soulèverait des difficultés de mise en œuvre. Surtout, le second point de cet amendement, à savoir l’instauration d’un débat contradictoire avant l’ouverture de l’information judiciaire, risquerait de poser problème.

Madame Aïchi, je vous le rappelle, il s’agit là d’une modalité de mise en mouvement de l’action publique, laquelle est l’une des prérogatives essentielles du ministère public, relevant du principe de l’opportunité des poursuites. Voilà pourquoi cette mesure, détaillée par l’amendement n° 172 rectifié, ne nous paraît pas opportune.

Pour ce qui concerne l’amendement n° 201 rectifié, je ne reprendrai pas la critique prévisible énoncée par M. Mézard quant au caractère excessif de la procédure prévue.

Cela étant, tentons de comparer les droits et devoirs dans une enquête préliminaire et au stade de l’information judiciaire. Si cet amendement était adopté, le contradictoire occuperait davantage de place dans une enquête préliminaire que dans une information judiciaire… Une telle situation serait, sinon absurde, du moins franchement originale. Elle ne répond pas à la cohérence du présent projet de loi, tel que nous souhaitons le voir adopter.

À nos yeux, les dispositions de l’amendement n° 195 rectifié sont inutiles : lors de son audition, un suspect sera nécessairement informé de la nature et des circonstances de l’infraction pour laquelle il est mis en cause. Cette information est prévue en cas d’audition libre par l’article 61-1 du code de procédure pénale et en cas de garde à vue par l’article 63-1 du même code.

Enfin, pour ce qui concerne l’amendement n° 194 rectifié, je rappelle que nous avons, dans le présent texte, introduit le principe d’une phase contradictoire. Cette dernière doit intervenir en fin d’enquête, avant que le procureur ne prenne une décision quant à l’orientation de la procédure et à l’engagement des poursuites.

Néanmoins, parce que, dans certains cas, il peut être souhaitable de permettre aux avocats d’accéder plus en amont à la procédure, ce projet de loi accorde au procureur la faculté d’avancer la phase contradictoire. Tel est l’équilibre que nous avons cherché à atteindre. Nous ne prétendons pas qu’il soit parfait, mais, pour l’heure, nous ne souhaitons pas le modifier.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces quatre amendements.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. J’entends les explications de la commission et du Gouvernement sur les amendements nos 201 rectifié et 195 rectifié. Cependant, les dispositions de l’amendement n° 194 rectifié font écho à un problème essentiel. La réponse de M. le garde des sceaux ne fait d’ailleurs que me le confirmer !

Qu’est-il prévu au II du présent article ? Que, à tout moment de la procédure, même si la personne faisant l’objet de l’enquête ne le demande pas, le procureur peut communiquer tout ou partie de la procédure à la personne mise en cause ou à la victime, pour recueillir leurs éventuelles observations.

On traite de la même manière la victime et la personne faisant l’objet de l’enquête. Soit ! Mais, pardonnez-moi d’insister, y compris pour la victime, cette faculté de communiquer tout ou partie de la procédure n’est pas nécessairement bénéfique. Dès lors qu’une communication est prévue, que ce soit au profit de la partie civile ou de la personne faisant l’objet de l’enquête, la procédure tout entière doit être communiquée.

Ensuite, ce projet de loi permet le déclenchement des observations. C’est une très bonne chose. Toutefois, si tous les éléments du dossier n’ont pas été transmis, la situation n’est ni loyale ni équitable, d’autant que rien n’impose au procureur de la République de recourir à cette procédure. Mieux vaut que celui-ci procède à cette communication lorsqu’il est en mesure de l’opérer dans son intégralité. Je le répète, il y va de l’intérêt tant de la personne faisant l’objet de l’enquête que de la partie civile.

Je n’entends pas attaquer la Chancellerie, au service de laquelle œuvrent nombre de professionnels compétents, respectables et raisonnables. Mais force est de le constater : en la matière, une tradition de blocage et de refus du débat persiste dans notre pays !

Monsieur le rapporteur, pour ce qui concerne cet amendement n° 194 rectifié, c’est une erreur que de ne pas aller dans notre sens.

M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

M. Jacques Bigot. Mes chers collègues, le juge d’instruction n’a pas encore totalement disparu de notre paysage judiciaire !

On le perçoit bien, l’organisation de la procédure pénale est en train d’évoluer dans notre pays. Certes, on tend à donner davantage de pouvoirs au procureur, d’où l’idée du contradictoire. Mais, pour le moment, cette procédure ne saurait qu’être partielle : le procureur de la République reste à la place qui lui est assignée dans le procès pénal.

De même, les fonctions de juge des libertés et de la détention sont en train d’évoluer. Toutefois, en débattant du projet de loi relatif à la justice du XXIe siècle, nous avons bien constaté que ce travail n’était pas encore tout à fait abouti.

Je comprends le sens des dispositions proposées par Mme Aïchi, MM. Mézard et Collombat. Ces éléments devront sans nul doute être portés au débat, lorsqu’il conviendra de réformer plus en profondeur le code de procédure pénale. Néanmoins, pour l’heure, il s’agit d’apporter des améliorations au mode de fonctionnement existant.

Les modifications ici suggérées me paraissent donc prématurées. Aussi, les membres du groupe socialiste et républicain ne voteront pas en faveur de ces quatre amendements.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 172 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 201 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 195 rectifié.

(L'amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 194 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 81 rectifié, présenté par MM. Reichardt, Pellevat, D. Laurent, G. Bailly, Morisset, Laufoaulu, de Legge, Charon et Trillard, Mme Canayer, MM. Mandelli, Gremillet, Lefèvre, Gournac, Kennel et Houel et Mme Mélot, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Rédiger ainsi cet alinéa :

2° L’avant-dernier alinéa de l’article 393 est supprimé.

La parole est à M. Dominique de Legge.

M. Dominique de Legge. Cet amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Mercier, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Défavorable également.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 81 rectifié.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)

M. le président. L'amendement n° 252 rectifié, présenté par M. M. Mercier, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Alinéa 13

1° Remplacer les références :

Les I et IV

par la référence :

Le I

et les mots :

sont applicables

par les mots :

est applicable

2° Remplacer les références :

articles 56, 61-1, 62-2, 76 ou 706-141 à 706-158

par les références :

articles 61-1 ou 62-2

La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Mercier, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 252 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 24, modifié.

(L'article 24 est adopté.)

Article 24
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Article 25 (supprimé)

Article additionnel après l'article 24

M. le président. L'amendement n° 77 rectifié, présenté par MM. Reichardt et Mandelli, Mme Micouleau, MM. Pellevat, Morisset, D. Laurent, de Legge, Charon et Trillard, Mme Canayer, M. Danesi, Mme Deromedi, MM. Lefèvre, Gournac, Kennel et Houel et Mme Mélot, est ainsi libellé :

Après l’article 24

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 116 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La décision sur la mise en examen fait l’objet d’une ordonnance motivée indiquant, en fait et en droit, les indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation de la personne, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions. Appel de cette ordonnance peut être interjeté par le procureur de la République ou le mis en examen dans le délai prévu par l’article 185. »

La parole est à M. Dominique de Legge.

M. Dominique de Legge. Cet amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Mercier, rapporteur. Il s’agit là de dispositions relativement importantes et régulièrement proposées lors des débats que nous consacrons à la procédure pénale. Néanmoins, ces mesures me paraissent très délicates à mettre en œuvre.

Un justiciable peut d’ores et déjà contester sa mise en examen, soit en sollicitant une annulation de celle-ci dans les six mois, par la chambre de l’instruction, soit en demandant, dans le même délai, puis tous les six mois, au juge d’instruction de revenir sur sa décision pour devenir témoin assisté. Si le juge d’instruction oppose un refus, il procède par une ordonnance motivée qui est susceptible d’appel. (M. le garde des sceaux opine.)

En conséquence, demander systématiquement une ordonnance motivée pour les mises en examen, même sans demande de l’intéressé, n’accroîtrait pas nécessairement les droits de la défense.

Voilà pourquoi la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement suit exactement la même analyse que la commission : dans le droit positif, les articles 80-1-1 et 173 du code de procédure pénale satisfont déjà largement les attentes exprimées par les auteurs du présent amendement.

M. le président. Monsieur de Legge, l’amendement n° 77 rectifié est-il maintenu ?

M. Dominique de Legge. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 77 rectifié est retiré.

Article additionnel après l'article 24
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Article 25 bis A (supprimé)

Article 25

(Supprimé)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 128 est présenté par MM. Bigot, Richard, Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

L’amendement n° 233 est présenté par le Gouvernement.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° À l'article 100-1, les mots : « doit comporter » sont remplacés par les mots : « est motivée. Elle comporte » ;

2° La deuxième phrase de l'article 100-2 est complétée par les mots : « , sans que la durée totale de l'interception puisse excéder un an ou, s'il s'agit d'une infraction prévue aux articles 706-73 et 706-73-1, deux ans » ;

3° Le dernier alinéa de l'article 100-7 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les interceptions prévues au présent article ne peuvent être ordonnées que par décision motivée du juge des libertés et de la détention, saisi par ordonnance motivée du juge d'instruction, lorsqu'il existe des raisons plausibles de soupçonner que la personne a participé, comme auteur ou complice, à la commission de l'infraction. Le juge d'instruction communique aux personnes devant être informées en application des trois premiers alinéas une copie de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention.

« Les dispositions du présent article sont prévues à peine de nullité. »

La parole est à M. Jacques Bigot, pour présenter l’amendement n° 128.