M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.

Question préalable

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi relatif au dialogue social et à l'emploi
Organisation de la discussion

M. le président. Je suis saisi, par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d’une motion n° 186.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44 alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, relatif au dialogue social et emploi (n° 502, 2014-2015).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la motion.

Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteur, chers collègues, une nouvelle fois, nous nous retrouvons pour discuter d’un projet de loi censé simplifier la vie des entreprises et des salariés et favoriser l’emploi.

La situation économique et sociale de notre pays est telle qu’un seul texte ne peut tout résoudre. Il est à mettre à l’actif du gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre, que l’empilement des dispositifs successifs, qui peut donner une impression d’improvisation, de tâtonnements, de fébrilité, suit en réalité une orientation politique très cohérente.

En effet, toutes ces mesures, dont celles contenues dans le présent projet de loi, ne simplifieront en rien la vie des salariés, mais elles réduiront à coup sûr leurs droits. Je pourrais citer, pêle-mêle, celles du projet de loi transcrivant l’accord national interprofessionnel sur la sécurisation des parcours professionnels, le fameux crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, présumé booster l’emploi, les dispositions de la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, censées permettre d’atteindre l’égalité professionnelle, enfin celles du projet de loi Macron, destinées à dynamiser la croissance et l’activité.

De surcroît, les quelques mesures positives que ces textes renferment – je pense à la fixation à vingt-quatre heures par semaine de la durée minimale de travail pour le temps partiel ou au compte de prévention de la pénibilité – voient leur champ se réduire comme peau de chagrin.

Les sénatrices et les sénateurs du groupe CRC et, au-delà, la majorité des syndicats dénoncent le nivellement par le bas des droits des salariés, au nom de la simplification, sans qu’aucune amélioration sur le front de l’emploi ou sur celui du pouvoir d’achat ne se fasse jour.

Plus de 5,3 millions de chômeurs sont inscrits à Pôle emploi, d’après les statistiques de votre ministère publiées au début de juin : c’est un bien triste record. En un mois, la hausse est de 1 %, ce qui représente 54 100 personnes de plus n’ayant pas ou peu travaillé. Le chômage et la précarité touchent principalement les jeunes, les seniors et les femmes.

Vous comprendrez, monsieur le ministre, que nous ayons de sérieux doutes sur la capacité de ce texte à inverser la tendance, même si nous notons quelques avancées, comme le contrat de professionnalisation « nouvelle chance » ou les contrats aidés pour les seniors.

Mais, pour relancer l’emploi, il faut des carnets de commandes remplis. La première mesure à prendre serait donc de stopper l’hémorragie que connaissent les dotations aux collectivités, singulièrement celles qui sont destinées aux municipalités. L’Association des maires de France, l’AMF, présidée par notre collègue François Baroin, a confirmé une baisse de l’investissement du bloc communal de 12,4 % en 2014. Ainsi, outre la dégradation des services à la population, c’est tout le tissu économique local qui a enregistré une perte sèche de 4,3 milliards d’euros, toujours selon les chiffres de l’AMF.

Par ailleurs, faire des économies sur le budget de la nation pour financer 100 000 contrats aidés, sans distinction de secteurs d’activité, suppose que les entreprises manquent de liquidités. Or cela est difficile à croire compte tenu de toutes les facilités dont bénéficient les grands groupes, depuis les taux d’emprunts particulièrement bas sur les marchés obligataires aux divers crédits d’impôt octroyés par le Gouvernement, CICE en tête. Prenons un seul exemple, emblématique, celui de Total : avec 22,1 milliards d’euros de liquidités, ce groupe préfère grossir les dividendes de ses actionnaires plutôt qu’embaucher ou investir !

Comme vous pouvez le constater, nous n’avons pas déposé cette motion tendant à opposer la question préalable parce que nous considérerions qu’il n’y a pas lieu de débattre de l’emploi, bien au contraire ! Nous l’avons déposée pour les raisons suivantes.

Tout d’abord, nous regrettons qu’il ait été recouru une fois de plus à la procédure accélérée. Nous dénonçons une nouvelle fois le caractère peu démocratique et peu respectueux du travail des parlementaires de cette méthode. Sur un projet de loi de cette ampleur, une seule lecture par chambre, de surcroît avec une discussion générale de seulement une heure trente, c’est insuffisant ! Pour mémoire, notre groupe avait demandé que la durée de la discussion générale soit fixée à deux heures, ce que la conférence des présidents a hélas ! refusé.

Ensuite, ce projet de loi a vu le jour en raison de l’échec des négociations entre les partenaires sociaux au mois de janvier dernier. En effet, des mois de discussion ont débouché sur une impasse totale. Il est pour le moins paradoxal – ce serait même cocasse si les conséquences n’étaient pas aussi graves – de ne pas parvenir à un accord et de ne pas réussir à dialoguer sur un texte censé améliorer le dialogue social au sein des entreprises !

S’il n’y a pas eu d’accord, c’est bien que, pour la majorité des organisations syndicales, le contenu du texte représente tout sauf une rénovation du dialogue social et une amélioration des conditions de représentation des salariés !

En fait, c’est un peu l’inverse que pour l’accord national interprofessionnel sur la sécurisation des parcours. Ainsi que vous vous en souvenez sans aucun doute, mes chers collègues, le MEDEF était parvenu à obtenir un accord, et nous parlementaires n’avions quasiment pas eu le droit de toucher au texte. Ici, c’est le Gouvernement qui choisit de transposer dans la loi ce qui devait figurer dans un accord ! C’est là une drôle de conception du débat démocratique !

Alors que l’intitulé de votre projet de loi fait référence au « dialogue social » et à l’« emploi », non seulement la partie consacrée à ce dernier thème n’est pas à la hauteur des enjeux, mais le texte ne va pas du tout, à nos yeux, dans le sens d’une amélioration du dialogue social. Comme l’a indiqué mon collègue Dominique Watrin, la création de la délégation unique du personnel, censée être un facteur de simplification, restreindra au final les espaces de dialogue et d’échange et réduira les pouvoirs des représentants élus du personnel.

À l’heure où les conflits se durcissent, face à un patronat bien souvent arrogant, et où les droits des salariés sont sans cesse attaqués, à l’heure où la criminalisation de l’action syndicale est forte, on lamine les outils permettant aux salariés de se défendre : suppression des élections prud’homales, réduction des moyens des inspecteurs du travail, remise en cause de la médecine du travail, dans un contexte d’attaques contre le code du travail !

La pression sur les salariés est telle, la menace du chômage est d’une si cruelle acuité que le dialogue à égalité entre employeurs et employés est difficilement possible.

La fameuse phrase : « si vous n’êtes pas contents, vous pouvez partir ; d’autres n’attendent que votre place » illustre bien le malaise de notre société. Nous n’arriverons pas à y remédier si nous n’accordons pas plus de place et de moyens aux représentants des salariés pour jouer leur rôle d’intermédiaires et de défenseurs des salariés !

Les salariés de notre pays ont largement le sentiment de ne pas être entendus lorsqu’ils se mobilisent. Je pense par exemple aux agents hospitaliers de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, qui dénoncent depuis plusieurs semaines une dégradation de leurs conditions de travail, à travers la remise en cause des 35 heures et des RTT. Combien faudra-t-il d’actions ou de manifestations pour que se noue un semblant de dialogue ?

Au-delà des salariés, ce sont aussi les associations féministes et les nombreuses personnalités qui se sont mobilisées, par le biais d’une pétition, pour maintenir les acquis issus de la loi Roudy sur le rapport de situation comparée qui ont le sentiment de ne pas avoir été entendues. Bien sûr, les discours ont pris en compte leur indignation. On a tenté de faire oublier que, dans les faits, le Gouvernement supprime l’un des dispositifs phares permettant de mesurer l’égalité professionnelle, ou plutôt les inégalités professionnelles.

Monsieur le ministre, vous avez déclaré en commission qu’« un dialogue social qui fonctionne, c’est le gage d’un climat apaisé et d’une motivation plus forte des salariés ». Nous partageons entièrement ce point de vue et l’ambition qui en découle. Malheureusement, nous ne percevons pas de cohérence entre une telle affirmation et le contenu du projet de loi. Vous vous justifiez en nous expliquant que les milliers de salariés des TPE seront désormais représentés. Certes, mais dans quelles conditions ? En dégradant la représentation des autres salariés ? Je pense notamment à la création des commissions paritaires régionales. En toute logique, avec l’émergence des futures grandes régions, elles ne seront plus que treize et les représentants des salariés seront au nombre de 130, soit six secondes de temps de discussion par salarié ! Peut-on sérieusement parler de « dialogue social » dans de telles conditions ?

Dans ce texte, comme dans de nombreux autres, nous retrouvons des mots-clés empreints de valeurs humanistes que nous partageons. Hélas, les dispositions prises produisent des effets qui vont à leur encontre.

Selon la définition du Larousse, le dialogue est une « discussion entre personnes, entre partenaires ou adversaires politiques, idéologiques, sociaux, économiques, en vue d’aboutir à un accord ». Comment ne pas voir que le recours à un système de visioconférence, sous couvert de modernité et de technologie, est un pas vers un dialogue virtuel et des relations distancées ? Comment ne pas voir que la moindre fréquence des différentes négociations est également source d’amoindrissement du dialogue ? Va-t-on proposer de recourir à la visioconférence pour les débats du Sénat ou de l’Assemblée nationale ?

Tous ces arguments expliquent que nous ayons déposé la présente motion. Nous espérons qu’elle sera adoptée, ne serait-ce que pour faire respecter le Préambule de la Constitution de 1946, qui place le dialogue social au cœur de notre contrat social : « Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises. » (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. L’avis de la commission est naturellement défavorable.

Je doute que les chefs d’entreprise et les salariés attendent du Sénat qu’il ne débatte pas du présent projet de loi. Il nous appartient d’examiner chaque article pour améliorer le dispositif. Ne pas débattre serait renier notre raison d’être !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. L’avis du Gouvernement est, bien entendu, également défavorable. J’ai relevé un certain nombre d’inexactitudes, que je ne peux pas laisser passer.

Selon l’objet de la motion tendant à opposer la question préalable, le projet de loi serait « néfaste » et comporterait « de graves dangers pour le droit syndical ». À mon avis, si tel était le cas, de grandes manifestations se tiendraient aujourd’hui devant le Sénat !

Il faut faire preuve de mesure dans le choix des termes ! Notre objectif n’est nullement de faire disparaître les organisations syndicales. Nous voulons au contraire renforcer l’attractivité des mandats syndicaux. Aujourd'hui, on compte seulement 7,5 % de salariés syndiqués. Il est essentiel de rendre le dialogue social plus vivant, plus intéressant, de susciter des vocations. À cet égard, le texte garantit le maintien des salaires pour les titulaires de mandats lourds, met en place des dispositifs de valorisation des compétences, ainsi que de nouvelles possibilités – c’était du moins le cas dans la version initiale du projet de loi – d’utiliser les heures de délégation : ce n’est tout de même pas rien ! Certains ont parfois perdu leurs heures de délégation, faute de pouvoir se réunir au mois d’août ; avec le système de mutualisation, cela ne se produira plus.

Les auteurs de la motion indiquent aussi que l’adoption du projet de loi conduirait à la « coexistence d’instances de représentation aux attributions différentes ». Or c’est déjà le cas aujourd’hui, avec par exemple les délégués du personnel, le comité d’entreprise et le CHSCT.

Enfin, je n’ai pas entendu de responsables d’organisations syndicales évoquer, comme vous l’avez fait, une « dégradation » de la situation, même quand ils n’étaient pas très favorables à ce texte.

Quant au rapport de situation comparée, les représentantes du mouvement de promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes que j’ai reçues ont convenu que leurs préoccupations avaient été prises en compte.

Concernant les chiffres du chômage, je ferai observer que la catégorie C regroupe des personnes qui ont une activité. En France, elles sont comptabilisées parmi les demandeurs d’emploi, mais ce n’est pas forcément le cas ailleurs, dans des pays où l’on propose des contrats « zéro heure » ou des mini-jobs… Chez nous, certaines personnes travaillant à plein temps sont considérées comme des demandeurs d’emploi ; c’est tout de même une particularité qu’il convient de souligner !

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour explication de vote.

Mme Patricia Schillinger. Naturellement, le groupe socialiste et républicain est défavorable à cette motion. Ce projet de loi apporte de réelles améliorations, notamment en termes de représentation des salariés.

Nous voterons contre la motion tendant à opposer la question préalable, pour les raisons précédemment évoquées et pour celles qu’a avancées M. le ministre.

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Le groupe Les Républicains votera contre cette motion, dont les auteurs, aux termes de son objet, « estiment que ce projet de loi participe d’un projet néfaste aux droits des salariés à pouvoir s’exprimer et être représentés au sein des entreprises ». Je ne crois pas que telle soit la finalité de ce texte, qui comporte un certain nombre de dispositions dont nous espérons, monsieur le ministre, qu’elles permettront d’améliorer la situation.

Les auteurs de la motion ajoutent que « ce projet comporte de graves dangers pour le droit syndical et conduirait à la coexistence d’instances de représentation aux attributions différentes ». Pourquoi cela serait-il forcément préjudiciable aux salariés ? Je pense, en particulier, à l’extension de la DUP.

Pour autant, monsieur le ministre, cela ne signifie pas que nous soyons complètement en phase avec vos propositions, s’agissant notamment de la création de la prime d’activité, dont je ne suis pas sûr qu’elle constituera une véritable incitation au travail. La question de l’emploi doit être notre première préoccupation.

M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.

M. Olivier Cadic. Le groupe UDI-UC ne votera pas cette motion.

J’indique à M. le ministre que la délégation sénatoriale aux entreprises remettra prochainement un rapport élaboré à la suite de son déplacement à Londres, où elle a rencontré des chefs d’entreprise. Ce rapport comportera notamment des développements sur les contrats « zéro heure », dont l’appellation ne signifie pas que leurs titulaires travaillent zéro heure !

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 186, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 210 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l’adoption 19
Contre 324

Le Sénat n'a pas adopté.

Organisation de la discussion

Question préalable
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Article 1er

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Pour la clarté des débats, la commission des affaires sociales souhaite, à l’article 8, que l’amendement n° 159 rectifié soit disjoint de la discussion commune.

M. le président. Je consulte le Sénat sur cette demande de disjonction de la discussion de l’amendement n° 159 rectifié, à l’article 8.

Il n’y a pas d’opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Isabelle Debré.)

PRÉSIDENCE DE Mme Isabelle Debré

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au dialogue social et à l’emploi.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

projet de loi relatif au dialogue social et à l'emploi

Titre Ier

AMÉLIORER L’EFFICACITÉ ET LA QUALITÉ DU DIALOGUE SOCIAL AU SEIN DE L’ENTREPRISE

Chapitre Ier

Une représentation universelle des salariés des très petites entreprises

Organisation de la discussion
Dossier législatif : projet de loi relatif au dialogue social et à l'emploi
Articles additionnels après l’article 1er (début)

Article 1er

I. – Le livre III de la deuxième partie du code du travail est complété par un titre XI ainsi rédigé :

« TITRE XI

« COMMISSIONS PARITAIRES RÉGIONALES INTERPROFESSIONNELLES POUR LES SALARIÉS ET LES EMPLOYEURS DES ENTREPRISES DE MOINS DE ONZE SALARIÉS

« CHAPITRE Ier

« Champ d’application

« Art. L. 23-111-1. – I. – Par accord interprofessionnel national ou régional conclu dans les conditions prévues à l’article L. 2232-2, une commission paritaire interprofessionnelle peut être instituée au niveau régional afin de représenter les salariés et les employeurs d’entreprises de moins de onze salariés.

« II. – Elle représente les salariés et les employeurs des entreprises de moins de onze salariés relevant des branches ou des secteurs d’activité qui n’ont pas mis en place de commissions paritaires régionales par un accord de branche ou de niveau national et interprofessionnel ou multiprofessionnel conclu dans les conditions du présent titre :

« 1° Exerçant au moins les mêmes attributions que celles mentionnées à l’article L. 23-113-1 ;

« 2° Composées d’au moins cinq représentants des organisations professionnelles d’employeurs représentatives et d’au moins cinq représentants des organisations syndicales de salariés représentatives, issus d’entreprises de moins de onze salariés.

« III. – Pendant la durée du mandat prévue à l’article L. 23-112-3, le champ de compétence professionnelle et territoriale de la commission paritaire régionale interprofessionnelle n’est pas modifié.

« CHAPITRE II

« Composition et mandat

« Art. L. 23-112-1. – La commission paritaire régionale interprofessionnelle est composée de vingt membres, salariés et employeurs d’entreprises de moins de onze salariés, désignés par les organisations syndicales de salariés et par les organisations professionnelles d’employeurs dans les conditions suivantes :

« 1° Dix sièges sont attribués aux organisations syndicales de salariés dont la vocation statutaire revêt un caractère interprofessionnel, proportionnellement à leur audience dans la région auprès des salariés que la commission représente aux élections prévues aux articles L. 2122-10-1 et L. 2122-6 ;

« 2° Dix sièges sont attribués aux organisations professionnelles d’employeurs dont la vocation statutaire revêt un caractère interprofessionnel, répartis proportionnellement à leur audience définie au 6° de l’article L. 2151-1 auprès des entreprises de moins de onze salariés implantées dans la région et appartenant aux branches couvertes par la commission.

« Les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs pourvoient les sièges qui leur sont attribués en respectant la parité entre les femmes et les hommes.

« Si les sièges à pourvoir sont en nombre impair, l’écart entre le nombre de femmes et le nombre d’hommes ne peut être supérieur à un.

« Art. L. 23-112-2. – Dans le cadre du scrutin mentionné aux articles L. 2122-10-1 et L. 2122-6 et dans les régions dans lesquelles elles ont été instituées, les organisations syndicales de salariés candidates mentionnées à l’article L. 2122-10-6 peuvent indiquer sur leur propagande électorale l’identité des salariés qu’elles envisagent de désigner dans les commissions paritaires régionales interprofessionnelles, dans la limite de dix salariés par organisation.

« Cette propagande peut être différenciée par région.

« L’identité des salariés figurant sur la propagande électorale et l’identité des salariés membres de la commission sont notifiées à leurs employeurs par les organisations syndicales de salariés.

« Art. L. 23-112-3. – Les membres de la commission sont désignés pour quatre ans. Leur mandat est renouvelable.

« Art. L. 23-112-4. – Pour être désignés, les membres de la commission doivent être âgés de dix-huit ans révolus et n’avoir fait l’objet d’aucune interdiction, déchéance ou incapacité relative à leurs droits civiques.

« Art. L. 23-112-5. – La composition de la commission paritaire régionale interprofessionnelle est rendue publique par l’autorité administrative.

« Art. L. 23-112-6. – Les contestations relatives aux conditions de désignation des membres de la commission sont de la compétence du juge judiciaire. Le recours n’est recevable que s’il est introduit dans les quinze jours suivant la date où la composition de la commission a été rendue publique.

« CHAPITRE III

« Attributions

« Art. L. 23-113-1. – Les commissions paritaires régionales interprofessionnelles ont pour compétence :

« 1° De donner aux salariés et aux employeurs toutes informations ou tous conseils utiles sur les dispositions légales ou conventionnelles qui leur sont applicables ;

« 2° D’apporter des informations, de débattre et de rendre tout avis utile sur les questions spécifiques aux entreprises de moins de onze salariés et à leurs salariés ;

« 3° (Supprimé)

« 4° De faire des propositions en matière d’activités sociales et culturelles.

« Art. L. 23-113-2. – Les membres des commissions paritaires régionales interprofessionnelles n’ont, pour l’exercice de leurs fonctions, pas accès aux locaux des entreprises, sauf autorisation expresse et écrite de l’employeur, dans le respect d’un délai de prévenance de huit jours.

« CHAPITRE IV

« Fonctionnement

« Art. L. 23-114-1. – L’employeur laisse au salarié membre de la commission paritaire régionale interprofessionnelle le temps nécessaire à l’exercice de sa mission, dans la limite d’une durée qui, sauf circonstances exceptionnelles, ne peut excéder cinq heures par mois. Le salarié informe l’employeur dans un délai de huit jours avant la date prévue pour son absence.

« Le temps passé par le salarié à l’exercice de sa mission, y compris le temps passé aux séances de la commission, est de plein droit considéré comme du temps de travail et payé à l’échéance normale. Il est assimilé à un temps de travail effectif pour la détermination des droits que le salarié tient de son contrat de travail, des dispositions légales et des stipulations conventionnelles.

« L’employeur qui entend contester l’utilisation faite des heures de délégation saisit le juge judiciaire.

« Art. L. 23-114-2. – L’exercice du mandat de membre de la commission paritaire régionale interprofessionnelle ne peut être une cause de rupture du contrat de travail. Le licenciement et la rupture du contrat à durée déterminée d’un membre de la commission sont soumis à la procédure d’autorisation administrative prévue au livre IV de la présente deuxième partie.

« Les salariés dont l’identité figure sur la propagande électorale des organisations syndicales de salariés conformément à l’article L. 23-112-2 et les anciens membres de la commission bénéficient également de cette protection, dans les conditions prévues au même livre IV.

« Art. L. 23-114-3. – Les frais occasionnés par le fonctionnement de la commission, la participation de ses membres aux réunions et la formation, ainsi que l’indemnisation des représentants salariés sont exclusivement financés par les crédits versés par le fonds prévu à l’article L. 2135-9 au titre de sa mission mentionnée au 1° de l’article L. 2135-11.

« Art. L. 23-114-4. – La commission détermine, dans un règlement intérieur, les modalités de son fonctionnement.

« CHAPITRE V

« Dispositions d’application

« Art. L. 23-115-1. – Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent titre, notamment :

« 1° Les modalités de la présentation des salariés sur la propagande électorale mentionnées à l’article L. 23-112-2 ;

« 2° Les modalités de la notification aux employeurs des salariés mentionnés au dernier alinéa de l’article L. 23-112-2 par les organisations syndicales de salariés ;

« 3° Les modalités de la publicité relative à la composition de la commission, les noms, professions et appartenance syndicale éventuelle de ses membres ;

« 4° Les modalités selon lesquelles les crédits versés par le fonds prévu à l’article L. 2135-9 financent les frais occasionnés par le fonctionnement des commissions prévues au présent titre. »

II. – (Non modifié) Le chapitre Ier du titre Ier du livre IV de la deuxième partie du même code est ainsi modifié :

1° L’article L. 2411-1 est complété par un 20° ainsi rédigé :

« 20° Membre de la commission mentionnée à l’article L. 23-111-1. » ;

2° Est ajoutée une section 15 ainsi rédigée :

« Section 15

« Licenciement d’un salarié membre de la commission paritaire régionale interprofessionnelle

« Art. L. 2411-24. – Le licenciement du salarié membre de la commission paritaire régionale interprofessionnelle mentionnée à l’article L. 23-111-1 ne peut intervenir qu’après autorisation de l’inspecteur du travail.

« Cette autorisation est également requise pour le licenciement du salarié figurant sur la propagande électorale, pendant une durée de six mois à compter de la notification prévue à l’article L. 23-112-2, et pour le licenciement du salarié ayant siégé dans cette commission, pendant une durée de six mois à compter de l’expiration de son mandat.

« Cette autorisation est également requise dès que l’employeur a connaissance de l’imminence de la désignation du salarié sur la propagande électorale. »

III. – (Non modifié) Le chapitre II du même titre Ier est ainsi modifié :

1° L’article L. 2412-1 est complété par un 16° ainsi rédigé :

« 16° Membre de la commission mentionnée à l’article L. 23-111-1. » ;

2° Est ajoutée une section 16 ainsi rédigée :

« Section 16

« Membre de la commission paritaire régionale interprofessionnelle

« Art. L. 2412-15. – La rupture du contrat de travail à durée déterminée d’un salarié membre de la commission paritaire régionale interprofessionnelle mentionnée à l’article L. 23-111-1 avant son terme en raison d’une faute grave ou de l’inaptitude constatée par le médecin du travail, ou à l’arrivée du terme lorsque l’employeur n’envisage pas de renouveler un contrat comportant une clause de renouvellement, ne peut intervenir qu’après autorisation de l’inspecteur du travail.

« Cette procédure s’applique également pendant une durée de six mois à compter de la notification prévue à l’article L. 23-112-2 et de six mois à compter de l’expiration du mandat du salarié ayant siégé dans cette commission. »

IV. – (Non modifié) L’article L. 2421-2 du même code est complété par un 7° ainsi rédigé :

« 7° Membre de la commission mentionnée à l’article L. 23-111-1. »

V. – (Non modifié) L’article L. 2422-1 du même code est complété par un 8° ainsi rédigé :

« 8° Membre de la commission mentionnée à l’article L. 23-111-1, ancien membre ou salarié figurant sur la propagande électorale en vue de la constitution de cette commission. »

VI. – Le titre III du livre IV de la deuxième partie du même code est complété par un chapitre X ainsi rédigé :

« CHAPITRE X

« Membre d’une commission paritaire régionale interprofessionnelle

« Art. L. 243-10-1. – Le fait de rompre le contrat de travail d’un salarié membre de la commission paritaire régionale interprofessionnelle mentionnée à l’article L. 23-111-1, d’un salarié figurant sur la propagande électorale des organisations syndicales en vue de la constitution de cette commission ou d’un ancien membre de la commission en méconnaissance des dispositions relatives à la procédure d’autorisation administrative prévue au présent livre est puni de la peine prévue à l’article L. 2432-1. »

VI bis (nouveau). – Le chapitre II du titre II du livre VI de la deuxième partie du même code est complété par un article L. 2622-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 2622-3. – Un décret fixe le nombre de représentants des organisations professionnelles d’employeurs et des organisations syndicales de salariés prévu aux articles L. 23-111-1 et L. 23-112-1 à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin. »

VII. – (Non modifié) Le présent article s’applique à compter du 1er juillet 2017, à l’exception de ses dispositions relatives aux articles L. 23-112-2 et L. 23-114-2 du code du travail et de son II qui entrent en vigueur au 1er janvier 2016.

VIII. – (Non modifié) À titre transitoire, jusqu’au 1er juillet 2021, le 2° de l’article L. 23-112-1 est ainsi rédigé :

« 2° Dix sièges sont attribués aux organisations professionnelles d’employeurs dont la vocation statutaire revêt un caractère interprofessionnel, répartis proportionnellement à leur audience définie au 6° de l’article L. 2151-1 auprès des entreprises implantées dans la région et appartenant aux branches couvertes par la commission. »

IX. – (Non modifié) Pour l’application de l’article L. 23-111-1 du code du travail à Saint-Pierre-et-Miquelon, les mots : « commission paritaire régionale » sont remplacés par les mots : « commission paritaire territoriale ». Un décret précise la composition de la commission paritaire territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon.

X (nouveau). – Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, les organisations professionnelles d’employeurs et les organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel engagent une négociation sur la mise en œuvre du titre XI du livre III de la deuxième partie du code du travail, dans sa rédaction résultant de la présente loi.

À défaut d’accord, et au plus tard le 1er juillet 2017, une négociation sur le même thème est engagée dans chaque région entre les organisations professionnelles d’employeurs représentatives auprès des entreprises implantées dans la région et les organisations syndicales de salariés dont la vocation statutaire revêt un caractère interprofessionnel et dont les résultats au scrutin mentionné aux articles L. 2122-10-1 et L. 2122-6 du code du travail est au moins égal au seuil fixé au 3° de l’article L. 2122-9 du même code.