Article 22
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de l'économie
Article 22 bis

Articles additionnels après l’article 22

M. le président. L'amendement n° 530, présenté par Mmes Terrade, Beaufils et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 330-1 du code de commerce est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque la clause d'exclusivité insérée dans un contrat a pour effet d'interdire à l'acheteur, cessionnaire ou locataire de biens meubles, d'exercer une activité similaire ou de demander son affiliation dans un réseau d'enseigne concurrent après la fin dudit contrat, son vendeur, cédant ou bailleur, doit lui verser une indemnité d'un montant au moins équivalent à la perte d'exploitation engendrée par la mise en œuvre de cette clause. »

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Cet amendement concerne les relations entre franchiseurs et franchisés, dont nous savons qu’elles donnent souvent lieu à des abus. Cela a d’ailleurs été rappelé tout à l’heure.

Nous proposons de compléter l’article L. 330-1 du code de commerce, relatif aux clauses d’exclusivité, par un paragraphe favorable au franchisé, qui se voit contraint de respecter, en fin de contrat, une période de non-concurrence dont la longueur tend à mettre en péril la pérennité de son entreprise et la continuité de son activité.

Une forte dépendance économique lie le franchisé, qui est le plus souvent une PME, au franchiseur, qui est en général une grande société nationale ou internationale. Or vous ne pouvez pas nier que les abus sont nombreux et que le droit de la concurrence ne les sanctionne pas assez fermement.

Nous proposons donc que le franchisé puisse obtenir, le cas échéant, une indemnisation de la part de son franchiseur. Il s’agit de pallier le manque à gagner que le franchisé subira lors de la période de non-exploitation de son commerce, consécutive au respect de l’obligation de non-concurrence.

Le dispositif que cet amendement vise à instituer est favorable à l’emploi et au petit commerce. Nous ne voyons donc pas pourquoi il aurait des effets pervers sur le développement du travail en réseau et des franchises, comme certains l’ont prétendu à l’Assemblée nationale.

Monsieur le secrétaire d’État, si vous refusiez notre proposition, nous serions très curieux d’en connaître la raison.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. La commission spéciale n’est pas favorable à cet amendement, et ce pour deux raisons.

D’une part, le problème soulevé par cet amendement a déjà été traité voilà quelques instants, lorsque le Sénat a adopté les deux amendements identiques nos 83 rectifié ter et 690 rectifié, qui permettent une véritable prise en compte de la demande des franchisés. La demande de Mme Terrade me semble donc satisfaite.

D’autre part, une telle proposition nous semble assez difficilement applicable.

Par conséquent, la commission spéciale sollicite le retrait de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Comme Mme le rapporteur vient de l’indiquer, les deux amendements identiques qui viennent d’être adoptés constituent, me semble-t-il, une réponse à la préoccupation que vous avez exprimée, madame Terrade.

En outre, dans certains cas, ce sont la notoriété de l’enseigne et son savoir-faire qui permettent de bien achalander un magasin. Il est souvent légitime qu’un réseau se préserve contre une forme de « parasitisme », pratiquée par certains commerçants qui se sont constitués une clientèle grâce à la réputation et à l’image de l’enseigne.

Pour ces deux raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 530.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 78 rectifié bis, présenté par MM. Mortemousque, Bailly, César, Barraux, Pointereau, de Richemont et J. Blanc, est ainsi libellé :

Après l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre préliminaire du titre IV du livre IV du code de commerce est complété par un article L. 440-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 440-2. - Le Gouvernement présente aux assemblées parlementaires un rapport annuel sur l'observation des prix et des raisons identifiées de leurs variations. »

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 989 rectifié, présenté par MM. Retailleau et Darniche, est ainsi libellé :

Après l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 440-1 du code de commerce, il est inséré un article L. 440-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 440-2. - Le Gouvernement présente aux assemblées parlementaires un bilan annuel de la mise en œuvre du présent titre. Ce bilan est établi, notamment, sur la base des informations figurant dans le rapport d'activités visé à l'article L. 440-1 du présent code, de l'observation des prix, des pratiques commerciales et de la jurisprudence en la matière. »

La parole est à M. Bruno Retailleau.

M. Bruno Retailleau. Cet amendement d’appel, monsieur le secrétaire d’État, vise à demander la présentation d’un bilan annuel au Parlement.

Le titre IV du code de commerce est important. L’introduction de plusieurs innovations en matière de pratiques contractuelles commerciales a suscité des craintes sur toutes les travées. Je considère pour ma part que le fait de prévoir, à un moment donné, l’évaluation des dispositions qui sont adoptées est une façon moderne de légiférer.

En France, l’étude d’impact en amont de la loi est moins pratiquée que dans d’autres pays, comme le Royaume-Uni. Le bilan dont il est question nous permettrait au moins de connaître les conséquences des nouvelles dispositions sur les relations commerciales. Ce bilan pourrait s’appuyer sur le rapport d'activité de la Commission d’examen des pratiques commerciales, la CEPC, sur l’observation des prix et de leur baisse éventuelle, ainsi que sur l’évolution de la jurisprudence en la matière.

M. le président. L'amendement n° 1005, présenté par M. Marc, est ainsi libellé :

Après l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre préliminaire du titre IV du livre IV du code de commerce est complété par un article ainsi rédigé :

« Art. L. ... - Le Gouvernement présente aux assemblées parlementaires un rapport annuel sur l'observation des prix et des raisons identifiées de leurs variations. »

Cet amendement n'est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 989 rectifié ?

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Monsieur Retailleau, il nous est permis, en tant que parlementaires, de demander communication des études de la DGCCRF au Gouvernement. Il ne nous semble donc pas utile de l’écrire dans la loi.

C'est la raison pour laquelle la commission demande le retrait de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Mme le rapporteur a parfaitement raison : le Gouvernement a le devoir de communiquer les travaux de la DGCCRF aux parlementaires.

J’apporterai deux précisions complémentaires.

D’une part, nous avons prévu, dans le cadre de ce projet de loi, d’améliorer le fonctionnement de la CEPC. Celle-ci sera notamment saisie en temps réel de l’action des juges et pourra ainsi jouer un rôle d’observation et d’action. Elle transmettra aux parlementaires les résultats de ses travaux.

D’autre part, Christine Lagarde et moi-même avons installé un observatoire des prix et des marges qui est alimenté chaque mois, via la DGCCRF, par des études et des enquêtes d’opinion. Sur plus de 100 000 références, nous suivons mois par mois l’évolution des prix et les marges des différents acteurs. Nous constituons ainsi progressivement une banque de données très utile, qui nous permettra de mesurer les résultats de la réforme.

Pour ces raisons, je sollicite le retrait de votre amendement, monsieur le sénateur.

M. le président. Monsieur Retailleau, l'amendement n° 989 rectifié est-il maintenu ?

M. Bruno Retailleau. Partant du principe que M. le secrétaire d’État est de bonne foi, je retire mon amendement !

M. le président. L'amendement n° 989 rectifié est retiré.

L'amendement n° 101, présenté par M. Hérisson, est ainsi libellé :

Après l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 442-8 du code de commerce est ainsi modifié :

1° Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Pour les denrées alimentaires périssables, le délai de consignation par les agents des produits offerts à la vente ne peut être supérieur à quinze jours. » ;

2° L'avant-dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Pour les lots de produits offerts à la vente dépassant les cent unités d'un même produit, l'inventaire annexé au procès-verbal peut comporter des photographies numériques des marchandises, suivi d'indications de la quantité et de la valeur des produits susvisés. »

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 427, présenté par M. Raoul, Mmes Bricq et Demontès, M. Godefroy, Mme Khiari, MM. Lagauche, Massion, Pastor, Repentin, Sueur, Yung, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - En centre ville ou dans les zones touristiques, les commerçants et artisans peuvent se réunir au sein d'un groupement d'intérêt commercial et artisanal.

Ce groupement est fondé à l'initiative des commerçants, artisans ou des élus locaux, en concertation avec la collectivité locale, la chambre de commerce et de l'industrie ou la chambre des métiers et de l'artisanat.

Il est consulté sur les projets de réorganisation du commerce dans la commune. Il peut proposer un schéma de développement et de stratégie commerciale, il peut être consulté sur les projets d'urbanisme locaux, il peut aussi dynamiser le commerce de proximité par toutes animations et initiatives.

Son fonctionnement repose sur une cotisation volontaire de ses adhérents, fixée en conseil d'administration. Si 60 % des commerçants et artisans de la zone délimitée en concertation avec la commune adhèrent au groupement, la cotisation devient obligatoire pour tous.

II. - Un décret en Conseil d'État détermine les modalités d'application du I.

La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. Cet amendement vise à encourager l'émergence d'une véritable organisation du commerce de centre-ville.

En effet, les activités commerciales et artisanales participent à la détermination des flux urbains. Elles structurent nos villes et les communes rurales. Répondant aux besoins des habitants, les commerces constituent des lieux de vie, des éléments de sécurisation, d'animation et d'esthétique des quartiers urbains et des bourgs ruraux.

Pourtant, devant l'avancée de la grande distribution, un mouvement de migration du commerce a pu s'effectuer vers les périphéries urbaines, au détriment des commerces de centre-ville et de bourg. La qualité de vie dans ces lieux a dès lors considérablement régressé.

À cela s’ajoute le fait que les distributeurs, grands et moyens, sont en train de développer un concept d’ « enseignes de quartier », qui permet, à l’image de « Daily Monop’ » à Paris, d’occuper tout un espace investi jusqu’alors par les commerçants indépendants. D’autres distributeurs, comme Casino ou Leader Price, multiplient les petites surfaces.

Le relèvement prévu du seuil d’autorisation de l’implantation commerciale de 300 mètres carrés à 1000 mètres carrés va encore accentuer ce mouvement.

Il devient par conséquent vraiment urgent de faciliter le regroupement des petits commerces indépendants si l’on veut aider à leur pérennité. Je ne doute pas que l’ensemble de mes collègues soient sensibles à cette proposition.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. M. Daniel Raoul se souvient certainement que la commission n’avait pas été convaincue par ce dispositif,…

M. Daniel Raoul. Cela ne m’avait pas échappé !

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. … qui lui paraissait assez compliqué.

En outre, nous avions noté que 40 % des commerçants d’une zone pourraient être astreints à verser une cotisation au groupement d’intérêt visé, même s’ils ne souhaitaient pas en faire partie. Ce point nous paraissait contestable.

Plus généralement, s’agissant du maintien du dynamisme des zones commerciales locales, j’invite nos collègues socialistes à soutenir le dispositif présenté par la commission dans le cadre des schémas de cohérence territoriale, les SCOT.

Dans ces conditions, la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Le Gouvernement est très attaché à la liberté d’association. L’amendement que vous présentez, monsieur Raoul, ne reçoit donc pas notre soutien dans la mesure où, comme l’a indiqué Mme le rapporteur, il obligerait un certain nombre de commerçants non volontaires à adhérer à un groupement d’intérêt commercial et artisanal.

C’est pourquoi le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 427.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels après l’article 22
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Article 22 ter

Article 22 bis

L'avant-dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 440-1 du code de commerce est ainsi rédigée :

« Le président de la commission est désigné parmi ses membres par décret. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 536, présenté par Mmes Terrade, Beaufils et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. L’article 22 bis a été introduit à l’Assemblée nationale par le biais d’un amendement de la majorité qui a été adopté sans discussion, après la simple mention des avis favorables de la commission et du Gouvernement.

Cet article prévoit que le président de la Commission d’examen des pratiques commerciales soit désigné parmi ses membres par décret. Cette disposition, qui est selon nous loin d’être de pure forme, mérite notre attention.

Rappelons que cette commission a été créée par la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques. Elle a pour mission de donner des avis ou de formuler des recommandations sur les documents commerciaux ou publicitaires et sur les pratiques concernant les relations commerciales entre producteurs, fournisseurs et revendeurs qui lui sont soumis. Elle peut également décider d’adopter des recommandations sur des questions portant notamment sur le développement des bonnes pratiques commerciales. Enfin, elle exerce un rôle d’observatoire régulier de ces pratiques.

Le président de la CEPC dispose de certains pouvoirs non négligeables. Ainsi, il peut demander qu’une enquête soit effectuée par les agents habilités à cet effet par les articles L. 450-1 du code de commerce et L. 215-1 du code de la consommation.

Il est donc fondamental, en vertu de l’objectif recherché, que la personnalité qui préside la commission offre de fortes garanties d’indépendance et d’impartialité. Au regard de la composition de la CEPC, où siègent majoritairement des professionnels du secteur, et afin d’éviter tout soupçon inutile, nous demandons que la présidence reste assurée par un magistrat.

La commission spéciale a d’ailleurs bien senti les dangers de la situation, puisqu’elle a reconnu que la qualité de magistrat du président était un atout. Elle présente de surcroît un amendement tendant à prévoir que lorsque le président n’est pas un magistrat, l’un des deux magistrats de la commission occupe la fonction de vice-président.

C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

M. le président. L'amendement n° 134, présenté par Mme Lamure, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

L'avant-dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 440-1 du code de commerce est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :

« Le président de la commission est désigné parmi ses membres par décret. Lorsque celui-ci n'est pas membre d'une juridiction, un vice-président appartenant à une juridiction administrative ou judiciaire est également désigné dans les mêmes conditions. »

La parole est à Mme Élisabeth Lamure, rapporteur, pour le présenter et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 536.

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. La commission spéciale souhaiterait conserver l'apport que constitue la qualification juridique du président de la CEPC, tout en intégrant la souplesse de désignation du président introduite par l'Assemblée nationale.

Par cet amendement, elle entend donc concilier ces deux objectifs, en prévoyant que si le président n'est pas un magistrat, il lui est adjoint un vice-président ayant cette qualité.

Cet amendement me semble donner en grande partie satisfaction à Mme Terrade. Il permet de conserver la proposition des députés, tout en apportant une précision technique.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Le Gouvernement souhaite privilégier la souplesse. Dans la mesure où la CEPC n’a qu’une vocation consultative, l’Assemblée nationale a considéré qu’il serait regrettable de se priver de compétences extérieures au monde de la magistrature en matière de relations entre l’industrie et le commerce.

La commission spéciale du Sénat propose de préciser que, dans l’hypothèse où le président ne serait pas un magistrat, le vice-président en soit obligatoirement un.

Cette proposition nous semble intéressante et équilibrée : le Gouvernement est donc favorable à l’amendement n° 134 et sollicite le retrait de l’amendement n° 536 ; à défaut, il serait défavorable à ce dernier.

M. le président. Madame Terrade, l'amendement n° 536 est-il maintenu ?

Mme Odette Terrade. Au bénéfice des explications de M. le secrétaire d’État et de Mme le rapporteur, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 536 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 134.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 22 bis est ainsi rédigé.

Article 22 bis
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Article additionnel après l’article 22 ter

Article 22 ter 

La première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 442-9 du code de commerce est complétée par les mots : « et les produits alimentaires de consommation courante à base de céréales dont le coût de fabrication est fortement dépendant de l'évolution des cours des matières premières agricoles susvisées ».

M. le président. L'amendement n° 135, présenté par Mme Lamure, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Élisabeth Lamure, rapporteur.

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. L'article 22 ter a été inséré dans le projet de loi contre l'avis du rapporteur de l'Assemblée nationale. L'auteur de l'amendement tendant à l’introduire souhaitait conforter la situation des producteurs de pâtes alimentaires, dans le contexte actuel de hausse du cours des céréales.

Or cet article soulève des difficultés importantes.

Tout d’abord, il écarte sensiblement le dispositif de l'article L. 442-9 du code de commerce de sa vocation première, qui était d'apporter une réponse à la situation particulière des fournisseurs que la nature de leur produit oblige à le vendre rapidement. Or les céréales, ou même la farine, peuvent se stocker.

En dehors du fait que le dispositif changerait de logique dans le cas d'un produit pouvant se stocker, se poserait aussi la question des conditions de son application. En effet, dès lors qu'un stockage est possible, il sera difficile de déterminer une période de référence de prix par rapport à laquelle seront évalués tant la hausse du coût des céréales que le prix proposé par l'acheteur.

Cet article semble donc au mieux inapplicable, et au pire susceptible d'affaiblir le dispositif relatif aux produits périssables que nous avons validé voilà tout juste six mois dans le cadre de la loi Chatel.

Pour toutes ces raisons, la commission spéciale propose de supprimer l'article 22 ter.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. De la même manière que le Gouvernement s’en était remis à la sagesse de l’Assemblée nationale sur ce sujet, il s’en remet à la grande sagesse du Sénat sur cet amendement. (Rires.)

M. Gérard Larcher, président de la commission spéciale. Le Sénat est bonne pâte !

Mme Isabelle Debré. Sagesse immense !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 135.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 22 ter est supprimé.

Article 22 ter
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Article 22 quater

Article additionnel après l’article 22 ter

M. le président. L'amendement n° 759, présenté par M. Doligé, est ainsi libellé :

Après l'article 22 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 441-1 du code de commerce, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. ... - Dans le respect de l'exercice d'une concurrence effective et loyale au bénéfice des consommateurs, les relevés des prix entre commerçants concurrents, y compris par les moyens informatiques, sont possibles. »

La parole est à M. Éric Doligé.

M. Éric Doligé. Cet amendement, qui diffère nettement, en dépit des apparences, de ceux qu’a présentés notre collègue Michel Houel aux articles 21 et 22, vise à autoriser les relevés de prix entre commerçants concurrents.

M. Houel évoquait tout à l'heure les relevés de prix chez un commerçant par un fournisseur ou un mandataire. M. le secrétaire d’État nous a rappelé que la loi Dutreil avait renversé la charge de la preuve et Mme le rapporteur a parlé du respect des obligations liant les parties.

En l’occurrence, il s’agit non pas des relations entre un fournisseur et un commerçant, mais entre commerçants. Il me paraîtrait sain et normal qu’un commerçant puisse effectuer des relevés de prix chez un concurrent. Si ce dernier le lui interdit, c’est qu’il a quelque chose à cacher.

J’espère donc que la commission et le Gouvernement accepteront cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Nous avons déjà abordé cette question lors de l’examen de précédents articles. Je rappellerai deux éléments.

D’abord, les restrictions abusives de la liberté d’accès aux magasins sont déjà sanctionnables.

Ensuite, on peut se demander si l’adoption d’un tel dispositif ne profiterait pas en priorité aux professionnels désireux d’aligner leurs prix sur ceux de la concurrence par le haut et donc de réaliser une forme d’entente.

Pour ces raisons, la commission spéciale vous demande, monsieur Doligé, de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Monsieur Doligé, vous abordez un sujet d’actualité, qui a été évoqué à plusieurs reprises ces dernières semaines.

Permettre des relevés de prix peut être vertueux et favoriser la concurrence. Malheureusement, l’expérience montre que cela peut aussi avoir l’effet inverse. Le Conseil de la concurrence a ainsi récemment constaté qu’un dispositif de surveillance des prix dans le secteur des jouets avait abouti à un alignement sur les prix les plus élevés.

Dans votre amendement, vous prenez la précaution de préciser que ces relevés devront se faire « dans le respect de l’exercice d’une concurrence effective et loyale au bénéfice des consommateurs », mais reconnaissez que le respect de cette condition est très difficile à apprécier. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement se montre réservé sur le dispositif que vous préconisez.

Par ailleurs, nous nous penchons actuellement sur une forme de certification des sites de comparateurs de prix au profit du consommateur, l’idée étant de mettre en place une charte de bonne conduite. En attendant qu’aboutissent ces travaux, je sollicite le retrait de votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Doligé, l’amendement n° 759 est-il maintenu ?

M. Éric Doligé. Je n’ai pas très bien compris l’argument selon lequel on risquerait d’assister à un alignement des prix vers le haut. Bien sûr, tout est possible, mais a priori rien n’empêche à l’heure actuelle un commerçant de se rendre discrètement chez l’un de ses concurrents, de comparer les prix et d’aligner ensuite les siens vers le haut s’il le souhaite.

D’ailleurs, M. le secrétaire d’État a indiqué qu’une réflexion sur les sites de comparateurs de prix à destination des consommateurs est actuellement en cours. Or les commerçants pourront tout aussi bien visiter ces sites, comparer les prix et relever éventuellement les leurs.

L’argument qui m’a été opposé n’est donc guère solide et me laisse dubitatif. J’ai surtout le sentiment que mon amendement gêne…

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Non !

M. Éric Doligé. En tout cas, je ne vois pas très bien en quoi il peut poser problème. S’il y a une difficulté de fond, je suis prêt à retirer mon amendement, mais dans le cas contraire, il serait intéressant de connaître la position du Sénat.

Monsieur le secrétaire d’État, je vous laisse le soin d’être un peu plus convaincant !

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, rapporteur.

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Je comprends la préoccupation de M. Doligé. Nous avons d’ailleurs abordé cette question ensemble en commission.

À titre personnel, je ne verrais pas d’inconvénient à m’en remettre à la sagesse du Sénat. À moins que le Gouvernement n’apporte des éléments plus convaincants, je laisse la porte ouverte…

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Nous avons eu tout à l’heure un débat comparable. Mme le rapporteur avait alors insisté sur la complexité de mise en œuvre des relevés de prix. En effet, doivent-ils toujours pouvoir être pratiqués ? Le concurrent relevant les prix doit-il être accompagné par un membre du personnel du magasin ? Les magasins doivent-ils passer des accords sur la méthode de relevé des prix ?

En outre, en donnant l’avis du Gouvernement, j’ai fait référence à une action pour entente sur les prix du Conseil de la concurrence qui avait notamment visé un distributeur français de jouets bien connu. Il avait alors clairement été établi qu’un alignement des prix vers le haut avait fait suite à des relevés effectués auprès des concurrents. Je me devais d’en informer la Haute Assemblée.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.

Mme Catherine Procaccia. J’ai pu constater ce week-end que les téléphones portables de moins de six mois possédaient une fonction permettant de lire les codes-barres. Il suffit de passer l’appareil devant le code-barres et, grâce à un logiciel préinstallé, on obtient le prix.

Relever les prix est donc accessible à tout un chacun. Puisque la technique le permet, la loi doit le prévoir. Je voterai l’amendement de M. Doligé.

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. Je veux juste demander à M. le secrétaire d’État si sa réserve à l’égard de cet amendement est liée à la publicité comparative des prix.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.