compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures cinq.)

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Procès-verbal

M. le président. Le procès-verbal de la séance du jeudi 20 décembre 2007 a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté.

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Décès d'anciens sénateurs

M. le président. Mes chers collègues, j'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Hector Viron, sénateur honoraire, qui fut sénateur du Nord de 1967 à 1992, et de notre ancien collègue Kléber Malécot, membre honoraire du Parlement, qui fut sénateur du Loiret de 1974 à 2001. En cet instant, nous aurons, mes chers collègues, une pensée en leur mémoire.

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Décision du Conseil constitutionnel

M. le président. J'ai reçu de M. le président du Conseil constitutionnel le texte d'une décision du Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution du traité de Lisbonne modifiant le traité sur l'Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne.

Acte est donné de cette communication.

Cette décision du Conseil constitutionnel a été publiée au Journal officiel, édition des lois et décrets.

4

Saisine du Conseil constitutionnel

M. le président. J'ai reçu de M. le président du Conseil constitutionnel une lettre par laquelle il informe le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, le 21 décembre 2007, par plus de soixante députés, d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi ratifiant l'ordonnance du 12 mars 2007 relative au code du travail.

Acte est donné de cette communication.

Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.

5

Organismes extraparlementaires

M. le président. J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation :

- d'un sénateur appelé à siéger au sein de la Commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention administrative et des zones d'attente ;

- d'un sénateur appelé à siéger au sein du conseil d'administration du Fonds pour le développement de l'intermodalité dans les transports.

Conformément à l'article 9 du règlement, j'invite respectivement la commission des lois et la commission des finances à présenter une candidature.

La nomination au sein de ces deux organismes extraparlementaires aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du règlement.

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Dépôt de rapports du Gouvernement

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre, en application de l'article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit :

- le rapport sur la mise en application de la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007 ;

- le rapport sur la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006.

J'ai également reçu de M. le Premier ministre :

- le rapport sur l'administration et la gestion du régime de retraite additionnelle de la fonction publique en 2006, établi en application de l'article 22 du décret n° 2004-569 du 18 juin 2004 relatif à la retraite additionnelle de la fonction publique ;

- le rapport du Gouvernement préalable aux rendez-vous quadriennaux concernant les régimes de retraite, établi en application du II de l'article 5 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites.

Acte est donné du dépôt de ces quatre rapports.

Les deux premiers ont été transmis à la commission des finances, le troisième à la commission des affaires sociales ainsi qu'à la commission des lois et le dernier à la commission des affaires sociales.

Ces documents sont disponibles au bureau de la distribution.

7

Communication de M. le président du Sénat

M. le président. Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, vous me permettrez de vous dire combien je suis heureux de vous retrouver aujourd'hui pour la reprise de nos travaux à l'occasion de la première séance publique de la nouvelle année.

Le mercredi 16 janvier, je présenterai mes voeux pour l'année 2008, avec l'espoir notamment que notre institution puisse progresser encore sur la voie de la modernisation de ses méthodes de travail, à l'occasion des deux révisions constitutionnelles qui s'annoncent. Nous devons nous préparer, nous sénatrices et sénateurs, à assumer pleinement les pouvoirs qui pourraient nous être accordés, en demeurant très attentifs aux réformes proposées.

Pour l'heure, je veux espérer que la courte période de suspension qui s'achève nous aura permis, à toutes et à tous, de reprendre les forces qui nous seront bien nécessaires avant d'aborder un ordre du jour particulièrement consistant mais bien rythmé au cours des prochaines semaines et avant que nous nous séparions au mois de février pour la préparation des élections municipales et cantonales, auxquelles les uns et les autres nous sommes bien légitimement et très démocratiquement attachés.

Notre ordre du jour de l'année 2008 commence, et c'est de bon augure, par l'examen en deuxième lecture d'une proposition de loi d'initiative sénatoriale intéressant directement la vie quotidienne des Français. Place donc à ce débat sur la proposition de loi relative aux tarifs de l'électricité et du gaz naturel !

8

 
Dossier législatif : proposition de loi relative aux tarifs réglementés d'électricité et de gaz naturel
Discussion générale (suite)

Tarifs réglementés d'électricité et de gaz naturel

Adoption d'une proposition de loi en deuxième lecture

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux tarifs réglementés d'électricité et de gaz naturel
Articles additionnels avant l'article 1er

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative aux tarifs réglementés d'électricité et de gaz naturel (nos 137, 155).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, en ces premiers jours de l'année 2008, je souhaiterais vous présenter mes voeux et remercier tout particulièrement votre rapporteur, Ladislas Poniatowski, du travail qu'il a mené sur un sujet aussi important et techniquement complexe que celui des tarifs réglementés de l'électricité et du gaz qui, de surcroît, vous l'avez souligné, monsieur le président, concerne directement la vie quotidienne de nos concitoyens.

Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, l'ouverture des marchés de l'électricité et du gaz s'inscrit dans le cadre de la construction d'un grand marché européen.

Afin d'assurer une ouverture maîtrisée au bénéfice des consommateurs, la France a fait le choix d'une ouverture progressive, qui s'est traduite par quatre lois successives, dont la dernière date du 7 décembre 2006. C'est ainsi que, depuis le 1er juillet 2007, tout consommateur est libre de choisir son fournisseur de gaz et d'électricité pour chacun de ses sites de consommation.

Dans le cadre de la construction d'un marché européen de l'énergie, l'objectif est bien d'accroître la sécurité d'approvisionnement énergétique des Européens, et donc des Français, tout en leur assurant le prix le plus compétitif en matière d'énergie.

La loi du 7 décembre 2006 comporte des dispositions permettant aux consommateurs domestiques de choisir les offres des fournisseurs alternatifs et les nouveaux services qu'ils proposent. Toutefois, compte tenu de la censure de certaines dispositions par le Conseil constitutionnel, cette loi présente aujourd'hui des imperfections qui rendent le dispositif tout à la fois incohérent et inintelligible pour nos concitoyens.

Dans ce contexte, seulement quelques dizaines de milliers de consommateurs domestiques ont choisi les offres des fournisseurs alternatifs. Les chiffres les plus récents communiqués par la Commission de régulation de l'énergie, la CRE, sont de 6 000 pour l'électricité et de 13 000 pour le gaz, ce qui peut être considéré à première vue comme un échec au regard des 22 à 23 millions d'abonnés à l'électricité ou au gaz.

Il résulte des dispositions en vigueur que, lorsqu'un occupant a exercé l'éligibilité pour un logement, les occupants suivants n'ont plus la possibilité de choisir entre des offres aux tarifs réglementés et des offres de marché, quels que soient les choix qu'ils avaient eux-mêmes faits en tant que consommateurs.

Ces dispositions, bien sûr, n'ont pas manqué d'inquiéter les propriétaires, qui s'interrogent sur l'impact que pourrait avoir l'exercice de l'éligibilité par un locataire. On a même évoqué, ici ou là, le développement potentiel d'un marché à deux vitesses, entre les logements qui bénéficient des tarifs réglementés et ceux qui n'en bénéficient pas.

Les dispositions de la loi de 2006 telles qu'elles résultent de la censure du Conseil constitutionnel, si elles restaient inchangées, pourraient donc avoir des conséquences sur le marché de l'immobilier qu'il ne faut pas sous-estimer.

La ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, Christine Lagarde, avec le soutien de Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, avait proposé au Parlement de rechercher les solutions les plus justes et les plus cohérentes face à cette situation problématique.

C'est donc l'objectif de la proposition de loi qui vous est présentée aujourd'hui, en deuxième lecture, sur une initiative de votre collègue Ladislas Poniatowski, également rapporteur. Cette proposition de loi est le fruit d'un travail mené très en amont avec l'Assemblée nationale, notamment avec le président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, le député Patrick Ollier.

Le texte qui vous est aujourd'hui soumis a, pour certaines de ses dispositions, fait l'objet d'un vote conforme à l'Assemblée nationale le 11 décembre 2007, sur la base du texte que vous aviez adopté vous-mêmes le 1er octobre 2007.

Il s'agit des dispositions concernant les tarifs réglementés du gaz pour lesquelles le texte, dans ses articles 2 et 3, introduit la règle « site/personne » au bénéfice des consommateurs domestiques. Le dispositif est ainsi rendu plus souple, plus simple et plus juste.

Plus souple, car les nouvelles dispositions permettent à chaque consommateur particulier de choisir, au moment de son emménagement, entre une offre tarifaire réglementée ou une offre proposée par un fournisseur alternatif et enrichie de nouveaux services innovants.

Plus simple, car, pour les logements neufs, les nouvelles dispositions sont identiques pour le gaz et l'électricité.

Plus juste d'abord pour le consommateur, car le choix d'un consommateur domestique ne dépendra plus des choix faits par les consommateurs l'ayant précédé dans le logement.

Plus juste enfin pour les propriétaires, car les choix de leurs locataires pourront être revus au départ de ces derniers.

Pour le cas particulier de l'électricité, je tiens à rappeler que ces dispositions s'appliquent également aux petits consommateurs professionnels.

En ce qui concerne les tarifs réglementés de l'électricité pour les consommateurs domestiques, l'Assemblée nationale a souhaité profiter de cette proposition de loi pour rendre les dispositions non seulement plus justes pour les consommateurs, mais également plus favorables au développement de la concurrence. Vous vous en souvenez, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avions eu ce débat ici même au mois d'octobre, à l'occasion de la première lecture de la proposition de loi déposée par M. Ladislas Poniatowski.

Ainsi, en permettant à tout consommateur d'électricité de souscrire une offre aux tarifs réglementés après six mois d'une offre alternative, ce que l'on appelle la « réversibilité totale », le texte voté par l'Assemblée nationale offre à tout consommateur la possibilité non seulement de revenir sur les choix faits par les précédents occupants d'un logement - objectif initial de la proposition de loi - mais aussi, même lorsqu'il ne change pas de logement, de revenir aux offres réglementées s'il ne s'estime pas satisfait de celles qui lui ont été faites par la concurrence.

Par cette garantie de pouvoir revenir aux tarifs fixés par le Gouvernement si un problème survenait, chaque consommateur pourra sans crainte souscrire une offre alternative et bénéficier des nouveaux services innovants proposés par les opérateurs. L'objectif est donc bien ici d'améliorer la concurrence entre les opérateurs, ce qui devrait permettre de dynamiser le marché.

Afin d'éviter ce qui a pu être observé à l'étranger, où certains clients profitaient d'une trop grande souplesse dans la rupture des contrats pour changer de fournisseur sinon chaque semaine du moins trop fréquemment, rendant difficile le recouvrement des factures, il a été instauré à l'Assemblée nationale un délai minimal de six mois pour revenir aux tarifs réglementés.

La règle de la réversibilité partielle - à plus forte raison, celle de la réversibilité totale - avait toutefois été censurée en 2006 par le Conseil constitutionnel, qui reprochait notamment à cette disposition de ne pas être limitée dans le temps. Le texte qui vous est à nouveau soumis aujourd'hui, mesdames, messieurs les sénateurs, prend en compte l'analyse du Conseil constitutionnel, car il limite dans le temps, et ce jusqu'au 1er juillet 2010, les différents aménagements sur lesquels vous serez conduits à vous prononcer.

Cette période permettra au marché de mûrir et aux consommateurs de mieux connaître progressivement les offres des fournisseurs alternatifs. Il s'agit donc d'un dispositif transitoire qui doit permettre un développement du marché au bénéfice des consommateurs, en introduisant un minimum de sécurité pour ces derniers.

La date du 1er juillet 2010 est cohérente avec la date limite introduite pour l'accès des nouveaux sites aux tarifs réglementés de l'électricité par la loi instituant le droit au logement opposable. Je tiens à saluer ici la simplicité de ces propositions, qui ont été formulées tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale.

Cette date limite, j'y insiste, ne signifie pas que les tarifs réglementés disparaîtront en 2010, mais nous avons déjà eu ce débat en première lecture. Aucun texte communautaire ne demande la disparition des tarifs réglementés. Après le 1er juillet 2010 s'appliqueront tout simplement les règles d'éligibilité telles qu'elles ont été voulues par le Conseil constitutionnel à la fin de 2006.

Mesdames, messieurs les sénateurs, l'objectif de ces propositions est de remédier à la situation « incohérente et injuste » pour les consommateurs domestiques créée par la censure du Conseil constitutionnel.

Dès lors, il s'agit de rétablir un droit compréhensible et cohérent pour nos concitoyens et de préserver le pouvoir d'achat des consommateurs particuliers, qui pourront ainsi aller sur le marché libre et sans doute bénéficier d'offres plus attractives que celles qui existent sur le marché réglementé. Un dispositif transitoire permet tout à la fois de garantir une certaine protection à ces mêmes consommateurs et de dynamiser le marché en facilitant le développement de la concurrence.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement considère que cette proposition de loi ainsi amendée sera une bonne avancée en faveur des consommateurs. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le 1er octobre dernier, nous avons adopté une proposition de loi relative aux tarifs réglementés d'électricité et de gaz naturel. Ces dispositions résultaient de l'examen conjoint par notre commission de trois textes : le premier déposé par mes soins, le deuxième par notre collègue Xavier Pintat et le troisième par les membres du groupe socialiste.

Globalement, nous étions d'accord sur les objectifs de ces différentes initiatives : tout d'abord, rassurer le consommateur dans le contexte de l'ouverture totale à la concurrence des marchés de l'électricité et du gaz naturel à partir du 1er juillet 2007 en garantissant son pouvoir d'achat ; ensuite, remédier aux incohérences juridiques pesant sur le cadre législatif des tarifs à la suite de la décision du Conseil constitutionnel sur la loi relative au secteur de l'énergie. Nous divergions cependant quelque peu sur les modalités permettant d'atteindre ces objectifs.

Nos débats nous avaient conduits à adopter un texte dont je peux résumer brièvement l'économie générale en quatre points.

Premier point : faire en sorte qu'un consommateur ne soit pas lié par une décision qu'il n'a pas lui-même prise.

Le droit résultant de la censure du juge constitutionnel conduisait à ce que toute décision d'un ménage, dans un logement donné, de quitter les tarifs réglementés affecte définitivement ledit logement. Dans ces conditions, un consommateur emménageant dans un logement où un précédent occupant avait choisi la concurrence pour son approvisionnement en électricité ou en gaz naturel n'aurait pu bénéficier des tarifs réglementés, sans pourtant jamais s'être prononcé sur ce choix. Vous venez d'ailleurs à l'instant de faire allusion aux conséquences en termes de marché du logement, monsieur le secrétaire d'État. Notre texte levait cette difficulté pour les tarifs tant électriques que gaziers.

Deuxième point : étendre, pour l'électricité, le bénéfice de ces dispositions aux petits consommateurs professionnels.

À l'origine, il s'agissait d'une proposition de Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire de l'Assemblée nationale. Nous l'avions intégrée dans notre dispositif au motif que la situation des petits consommateurs professionnels - artisans, commerçants et professions libérales pour l'essentiel - était similaire à celle des ménages. Dans ces conditions, il nous était apparu logique de leur appliquer également le raisonnement « site/personne » pour le bénéfice du tarif électrique.

Troisième point : prendre en compte les contraintes communautaires.

Comme je l'avais expliqué en détail en octobre dernier, notre pays est actuellement sous le coup de deux procédures juridictionnelles visant le cadre juridique des tarifs.

La Commission européenne remet en cause notre système tarifaire au motif que le niveau des tarifs est trop favorable par rapport aux prix sur les marchés libres et que cet écart rend impossible tout développement de la concurrence. Par conséquent, il s'agissait d'ailleurs du point le plus débattu, nous avions prévu que notre dispositif ne serait valable que jusqu'au 1er juillet 2010 dans un souci de transaction avec la Commission européenne et pour laisser le temps au Gouvernement de poursuivre ses discussions sur ce point avec les autorités communautaires.

Quatrième et dernier point : exclure la solution dite de réversibilité.

À la demande du Gouvernement, la prise en compte de ces contraintes communautaires nous avait conduits à ne pas aller au-delà de ce que nous avions voté lors de l'examen du projet de loi relatif au secteur de l'énergie et, par conséquent, à ne pas autoriser les consommateurs particuliers à revenir sur leur choix de quitter les tarifs réglementés. Au cours du débat, j'avais admis que, dans un monde parfait, cette solution aurait été la plus satisfaisante pour le consommateur - vous l'aviez vous-même reconnu, monsieur le secrétaire d'État -, mais que Bruxelles ne serait pas enclin à l'accepter pour des raisons de non-conformité au droit communautaire.

Globalement, les députés ont suivi notre raisonnement lors de l'examen de la proposition de loi, le 11 décembre dernier. Sur les trois articles que compte la proposition de loi, ils en ont adopté deux conformes : l'article 2, qui a trait aux tarifs de gaz naturel pour les particuliers déménageant, et l'article 3, qui est relatif à l'éligibilité au tarif de gaz naturel des nouveaux logements. En revanche, ils ont amendé l'article 1er, qui concerne les tarifs électriques.

Désormais, le texte permet à tout consommateur particulier ayant fait le choix de la concurrence de retourner au tarif moyennant un délai de six mois, ce qui ressemble étrangement à la proposition de loi de notre collègue Xavier Pintat et à celle de nos collègues du groupe socialiste. Les députés ont jugé en définitive que la réversibilité était plus protectrice et plus lisible pour le consommateur. Le Gouvernement s'est déclaré favorable à une évolution du texte en ce sens, comme vous l'avez confirmé, monsieur le secrétaire d'État.

Sans renier les positions que j'avais défendues en première lecture, je reconnais bien volontiers que l'inscription dans notre droit du principe de réversibilité présente de nombreux avantages pour le consommateur. Je l'avais d'ailleurs dit à l'époque. D'un autre côté, il est clair - il faut que vous en soyez conscients, mes chers collègues - que nous prenons toujours un risque vis-à-vis de Bruxelles, et je pèse mes mots ...

Toutefois, cette crainte doit être tempérée, compte tenu des premiers résultats de l'ouverture à la concurrence pour les particuliers. Chacun s'accorde à dire, six mois après la libéralisation totale, que cette évolution du contexte juridique et économique n'a changé que peu de choses pour les ménages.

Monsieur le secrétaire d'État, j'ai sous les yeux des chiffres encore plus récents que les vôtres : sur 26 millions de consommateurs d'électricité, un peu plus de 38 000 ménages ont quitté les tarifs électriques, ce qui reste dérisoire. En ce qui concerne le gaz, mes chiffres sont les mêmes que les vôtres, à savoir de l'ordre de 15 000 consommateurs.

Il est clair que le caractère irréversible de la décision de quitter les tarifs réglementés, accentué par la décision du Conseil constitutionnel, n'a pas incité le consommateur à se lancer dans une démarche qu'il pouvait juger risquée, malgré le caractère attractif des offres des fournisseurs alternatifs, qui proposaient des prix inférieurs d'environ 10 % aux formules tarifaires et assorties d'une garantie de stabilité des prix pendant la première année.

Cette irréversibilité du choix avait d'ailleurs été mise en avant par les pouvoirs publics français, qui avaient invité les consommateurs à bien évaluer les conséquences du passage à la concurrence avant de prendre toute décision de sortie définitive des tarifs.

Au surplus, les ménages peuvent légitimement se montrer sceptiques quant aux avantages éventuels de cette concurrence à la lumière de l'expérience vécue par les consommateurs professionnels, confrontés, dans un premier temps, à une baisse de leur facture électrique après la libéralisation, puis à une véritable explosion des prix à partir des années 2003-2004. Cette situation nous avait incités, vous vous en souvenez tous, mes chers collègues, à introduire dans notre système législatif le fameux TaRTAM, le tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché.

Dans ces conditions, nous pouvons espérer que l'inscription dans le droit tarifaire électrique de la solution de réversibilité pourrait être de nature à favoriser l'émergence d'un marché véritablement concurrentiel pour les ménages dans la mesure où elle leur permet de revenir sur leur choix dans le cas où le niveau des prix des offres libres déraperait et deviendrait moins intéressant que les tarifs réglementés.

Pour cette raison, je vous propose que nous nous rallions à cette thèse.

Pour autant, malgré cet accord sur le fond, la forme pose encore quelques problèmes. Un petit « bug » juridique s'est en effet glissé dans le texte voté par nos collègues de l'Assemblée nationale. Leur rédaction permet, certes, la réversibilité, mais les députés ont supprimé les dispositions que le Sénat avait adoptées à l'unanimité afin de protéger les consommateurs emménageant dans un logement où la concurrence a été exercée dans le passé par un occupant précédent.

Littéralement, le texte des députés obligerait le consommateur, si un tel cas de figure se présentait, à subir le choix de l'occupant précédent pendant six mois avant de pouvoir enfin bénéficier du tarif d'électricité de son choix.

Pour remédier à cet inconvénient juridique, je vous soumettrai donc un amendement tendant à rétablir les dispositions sénatoriales supprimées par les députés et ayant pour objet de procéder à une coordination au sein du code de la consommation. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Arnaud.

M. Philippe Arnaud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, c'est un texte important pour les consommateurs qui revient en deuxième lecture devant la Haute Assemblée, car il concerne une préoccupation majeure et d'actualité pour nos compatriotes : leur pouvoir d'achat.

C'est une évidence, la facture énergétique suit une courbe exponentielle. Le 1er janvier dernier - il y a quelques jours, donc - l'augmentation de 4 % des tarifs du gaz, inférieure à celle que demandait GDF, en a offert une parfaite illustration. Le franchissement de la barre symbolique des 100 dollars pour un baril de pétrole ne laisse pas augurer un renversement de la tendance.

Depuis le 1er juillet dernier, les marchés de l'électricité et du gaz naturel sont ouverts à la concurrence.

Désormais, donc, chacun peut choisir son fournisseur d'électricité et de gaz, opter pour les tarifs réglementés par l'État, tels que les proposent EDF et GDF, ou recourir à un autre fournisseur, qui fixe librement les tarifs en fonction du marché.

Ces dispositions sont encadrées par l'article 4 de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité.

Cependant, et c'est là que le bât blesse, le tarif réglementé fixé par l'État est attaché à l'habitation, alors que le choix d'en sortir, de préférer une offre du marché, une nouvelle tarification, un nouvel opérateur, appartient au consommateur, c'est-à-dire à l'occupant de l'habitation. Cela signifie que, lorsque l'occupant renonce aux tarifs réglementés, cet abandon est définitif, irréversible, et que les occupants ultérieurs du logement seront liés par une décision qu'ils n'ont pas prise.

Cette situation est non seulement parfaitement injuste, et totalement incompréhensible, mais également fort préjudiciable en termes de pouvoir d'achat.

J'observe, au passage, qu'une telle injustice n'a jamais été voulue par le législateur : elle est la conséquence d'un vote intervenu lors de l'examen d'un texte déclaré d'urgence.

À cet égard, mais je sais que ce choix n'était pas de votre fait, monsieur le secrétaire d'État, je ne saurais trop vous conseiller de veiller à laisser la navette faire son office, dans la mesure où ce genre de difficulté donne raison à ceux d'entre nous qui protestent quand il y a une accumulation de textes déclarés d'urgence, y compris sur des propositions de cette nature. C'est en effet la navette, du moins on peut l'espérer, qui permet à la sagesse des parlementaires de trouver toute son expression et aux textes toute leur qualité.

Grâce à l'initiative de notre excellent rapporteur, Ladislas Poniatowski, grâce aussi à Xavier Pintat, qui connaît éminemment ce sujet, grâce enfin à tous ceux qui, députés et sénateurs, se sont préoccupés de l'intérêt de nos concitoyens, ce texte corrige l'injustice que j'ai évoquée.

Monsieur le rapporteur, conformément à ce que vous aviez annoncé en commission, vous nous proposez de corriger la rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale en améliorant le dispositif et en supprimant le délai de six mois pour les nouveaux occupants.

La suppression de cette condition qui subsistait à l'issue du vote à l'Assemblée nationale est, en effet, extrêmement importante.

Désormais, l'ensemble des particuliers pourront bénéficier d'une réversibilité totale vers les tarifs réglementés, et ce jusqu'en 2010.

Pour cette raison, le groupe UDF-UC est satisfait et votera le texte amendé sur votre proposition, monsieur le rapporteur. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Merci, mon cher collègue !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor.

M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, une fois de plus, nous nous retrouvons pour examiner un texte sur l'énergie.

Après la loi relative au secteur de l'énergie, adoptée il y a un an, après celle instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, qui a permis d'inscrire l'accès aux tarifs régulés après le 1er juillet 2007 pour les nouveaux logements, nous examinons aujourd'hui, en deuxième lecture, un texte relatif aux tarifs réglementés d'électricité et de gaz naturel.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que la législation fixant le cadre énergétique de notre pays n'est pas figée. Elle aurait même plutôt tendance à être de plus en plus instable !

On peut d'ores et déjà gager qu'il y aura d'autres textes pour amender encore et encore une législation peut-être à la peine sur ce sujet, tant qu'il n'aura pas été examiné dans sa globalité, notamment en ce qui concerne le troisième paquet énergétique européen dont la mise en oeuvre contredit parfois les prévisions des zélateurs du libéralisme annonçant une baisse des prix pour le consommateur.

Je tiens à saluer la persévérance et la compétence de M. le rapporteur, Ladislas Poniatowski, qui s'est associé un maximum de collègues afin de faire la lumière sur un sujet aussi délicat que celui de l'énergie.

Chacun s'en souvient, la France possédait, il n'y a pas si longtemps, un dispositif public de production d'électricité et de gaz qui apportait une entière satisfaction à ses usagers. Il continue encore de le faire, mais pour combien de temps ?

Les équipements du territoire ont été massifs et les tarifs n'avaient pas pour objet la réalisation de profits. L'objectif était de mutualiser, de maintenir, de développer et de moderniser des réseaux et des centrales, lesquels, pour l'électricité tout au moins, ont permis à notre pays d'atteindre une forme d'indépendance énergétique.

L'existence du tarif déterminé par la puissance publique est partie intégrante du service public et garantissait la fourniture d'une énergie électrique à un prix stable et déconnecté des hausses successives du cours du pétrole.

Pourtant, la Commission européenne demeure inflexible sur son entreprise de libéralisation. Elle continue de vouloir démanteler les systèmes existants. Mais nous ne voyons vraiment pas pourquoi il faudrait caler les prix français sur un prix de marché dénué de fondement économique.

Le marché, fondé sur les coûts de production de la centrale la moins performante, a conduit à une augmentation de 117 % du prix du mégawattheure entre 2002 et 2007 ! Cela ne doit en aucun cas servir de modèle à la fixation des prix de l'électricité.

Au fond, l'action en manquement engagée contre notre pays n'est pas si étonnante : la Commission européenne veut supprimer toutes les spécificités nationales et ne fait donc que poursuivre dans sa quête du Graal.

En revanche, la position de la droite parlementaire française, monsieur le secrétaire d'État, est plus délicate. Partagée entre les défenseurs de l'action gaulliste d'après-guerre, qui restent attachés à l'indépendance de la France, et les promoteurs du dogme libéral, qui n'admettent qu'un État réduit aux missions régaliennes dans un marché mondial, elle se réfugie derrière le paravent de l'Europe pour retomber sur ses pieds.

Aujourd'hui, la dérégulation en cours pourrait, avec la complicité du Parlement, permettre à des sociétés dont l'objectif est et reste de faire de l'argent, d'utiliser nos investissements lourds à leur avantage, d'affaiblir les grands groupes traditionnels et de rendre leur clientèle captive.

Or cela pose problème - vous le savez bien, chers collègues ! Ces sociétés utiliseront sans vergogne le fruit des efforts considérables effectués par les générations passées de contribuables, qui ont constitué un parc structurant capable de répondre à nos besoins, tout en obérant l'approvisionnement à long terme des générations futures.

Au passage, est-il besoin de rappeler les dégâts que cette situation cause aux grands groupes historiques ?

Les concurrents d'Électricité de France demandent un droit de tirage sur le parc de l'acteur public à un prix inférieur au tarif - nous l'avons constaté encore ces derniers jours !

La mise en place d'un tarif de cession et d'un droit de tirage reviendrait à permettre un transfert de la compétitivité économique de la production nucléaire, voire de sa compétitivité écologique, sans que les bénéficiaires assument l'investissement, l'exploitation ou le traitement des déchets, ce qui n'est pas rien !

Il est vrai que la mutation en cours des entreprises va dans un sens qui avantage les actionnaires mais pénalise le service public.

On a coté l'industrie électrique et gazière en bourse, on a séparé les activités de production de la gestion des réseaux, on a créé un régulateur indépendant, mais on a abouti à la suppression de postes, à la fermeture d'agences, et certaines zones rurales sont parfois maltraitées.

Quant aux centres d'appels téléphoniques, merci bien ! On n'a plus affaire qu'à des automates impersonnels, bref à un niveau de service quasi virtuel, qui n'a plus rien à voir avec ce que l'on a connu dans le passé.

Une autre conséquence est que le prix du gaz ne cesse d'augmenter, et dans des proportions inédites. La dernière mésaventure en date est la hausse intervenue au 1er janvier 2008, même s'il y a eu quelques réductions.

Le Gouvernement a attendu le dernier moment pour fixer cette hausse le 27 décembre 2007, soit pendant la trêve des confiseurs, ce qui revenait à mettre les associations de consommateurs dans l'impossibilité de donner leur avis.

La Commission de régulation de l'énergie prévoit une nouvelle augmentation des tarifs au cours du premier semestre 2008. Je ne serais d'ailleurs pas étonné que cette hausse intervienne peu après le 16 mars prochain...

Est-ce ainsi que l'on traduit dans les faits le Grenelle de l'environnement, en postulant que les consommateurs restreindront leur consommation d'énergie en raison de la hausse des prix ? C'est inadmissible ! Cela pénalise toujours les mêmes, c'est-à-dire les plus fragiles de nos concitoyens.

Les prix du gaz naturel ont connu des hausses importantes au cours de ces dernières années : 6,8 % en 2005 et 12,7 % en 2006. Vous ne pouvez pas faire comme si vous n'y étiez pour rien !

Le contrat de service public signé en 2005 prévoit en effet que « l'État et Gaz de France conviennent de rechercher à l'occasion de chaque mouvement tarifaire la convergence entre les tarifs et les prix de vente en marché ouvert ». Une telle recherche de convergence rend factice tout effort de maîtrise tarifaire.

Les hausses ne sont pas simplement l'effet de la faiblesse de la production française ; elles sont aussi le fruit de la logique qui est la vôtre, mes chers collègues, à savoir celle du profit, soumise aux actionnaires.

La privatisation de GDF en est une preuve éclatante, malgré les paroles qui ont pu être prononcées et qui se voulaient rassurantes.

L'entreprise gazière demande depuis 2004 des hausses exponentielles qu'elle fonde sur l'envolée des cours du pétrole. Mais, comme toujours, avec les effets d'affichage, ce n'est qu'un angle de vision.

La vérité, c'est que, d'ici à 2010, vous voulez, dans la continuité des gouvernements précédents, faire plaisir aux marchés financiers. Vous utilisez le tarif comme un moyen de puissance publique pour le faire progressivement.

Bientôt, le tarif ne sera plus qu'un ersatz, un fantôme, mais le décret de privatisation de Gaz de France étant publié, le démantèlement sera finalisé.

Les « clients » subiront directement les décisions de MM. Poutine et Medvedev, au sein de Gaz de France ou ailleurs.

Je rappelle, tout de même, que les bénéfices de Gaz de France augmentent en même temps que les tarifs. Ces bénéfices s'élèvent aujourd'hui à trois milliards d'euros par an, nous dit-on.

Et en effet, pour les actionnaires, tout va bien ! Cotation, privatisation, dénonciation des tarifs : tout est bénéfice pour les actionnaires privés. Je ne parle évidemment pas des plus petits d'entre eux, qui ne détiennent pas 2 % du capital - salariés inclus - et n'ont aucun pouvoir de décision.

Le récent rachat en bourse au prix fort d'actions de Gaz de France pour en faire monter le cours dans le cadre de la fusion avec Suez par M. Cirelli pour près d'un milliard d'euros entraînera une progression de 10 % des dividendes des actionnaires. On peut dès lors se poser la question : où iront les 1 à 5 euros supplémentaires que doivent débourser depuis le 1er janvier les millions de Français qui se chauffent au gaz ? Dans le développement de l'amont gazier ou dans la poche des actionnaires ? J'ai bien peur de connaître déjà la réponse...

Monsieur le rapporteur, vous nous proposez un texte qui, dites-vous à juste titre, n'a qu'une ambition mesurée, un texte transitoire. Il n'empêche, votre texte met singulièrement l'accent sur tous les dysfonctionnements actuels, alors que nous avions un système stable, efficace, fiable et juste. Par-dessus tout, on ne peut s'empêcher de penser que l'année 2010, qui figure dans le texte, correspondra à un nouveau point de départ de la déferlante libérale.

En lisant les débats à l'Assemblée nationale, on apprend du rapporteur que la date butoir du 1er juillet 2010 avait été fixée parce que l'année 2012, initialement envisagée, était celle de l'élection présidentielle et qu'il ne fallait pas rouvrir le débat en cette période. Quant à 2011, c'était encore trop proche. On croit rêver ! On pourrait ajouter que, 2010, cela permet de passer les élections municipales.

Traiter de la fin du tarif réglementé de cette manière laisse plus que perplexe. C'est pourquoi nous voudrions monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, que vous abandonniez cette date butoir.

J'ai bien entendu les raisons qui justifient ce choix, qu'elles émanent du Conseil dans son rapport ou de la Commission européenne. Toutefois, si, sur le fond, nous partageons le sentiment qu'il faut protéger le tarif régulé,...