Sommaire

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

1. Procès-verbal

2. Décès d'anciens sénateurs

3. Décision du Conseil constitutionnel

4. Saisine du Conseil constitutionnel

5. Organismes extraparlementaires

6. Dépôt de rapports du Gouvernement

7. Communication de M. le président du Sénat

8. Tarifs réglementés d'électricité et de gaz naturel. - Adoption d'une proposition de loi en deuxième lecture

Discussion générale : MM. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme ; Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission des affaires économiques ; Philippe Arnaud, Jean-Marc Pastor, Xavier Pintat, Michel Billout.

Clôture de la discussion générale.

M. le rapporteur.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André

Articles additionnels avant l'article 1er

Amendement n° 2 de M. Michel Billout. - MM. Michel Billout, le rapporteur, le secrétaire d'État. - Rejet.

Amendement n° 5 de M. Michel Billout. - MM. Michel Billout, le rapporteur, le secrétaire d'État, Gérard Longuet. - Rejet.

Article 1er

Amendements nos 1 de M. Xavier Pintat, 11 de la commission et sous-amendement no 12 de M. Xavier Pintat ; amendements nos 3 de M. Michel Billout, 10 de M. Daniel Raoul et 6 de M. Bruno Sido. - MM. Xavier Pintat, le rapporteur, Michel Billout, Jean-Marc Pastor, Bruno Sido, le secrétaire d'État. - Retrait de l'amendement no 1 ; adoption du sous-amendement no 12 et de l'amendement no 11 modifié, les amendements nos 3 et 10 devenant sans objet ; retrait de l'amendement no 6.

Reprise de l'amendement no 6 rectifié par M. Jean Arthuis. - MM. Jean Arthuis, Philippe Marini, Gérard Longuet, Jean-Marc Pastor, le secrétaire d'État. - Rejet.

Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 1er

Amendement n° 9 de M. Daniel Raoul. - MM. Michel Teston, le rapporteur, le secrétaire d'État, Jean-Marc Pastor. - Rejet.

Vote sur l'ensemble

MM. Dominique Mortemousque, Jean-Marc Pastor, Michel Billout.

Adoption de la proposition de loi.

9. Archives. - Adoption d'un projet de loi organique et d'un projet de loi

Discussion générale commune : Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication ; M. René Garrec, rapporteur de la commission des lois ; Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur de la commission des affaires culturelles.

Suspension et reprise de la séance

MM. Yves Détraigne, Jean-Claude Peyronnet, Philippe Nachbar, Mme Josiane Mathon-Poinat, M. Robert Badinter.

Clôture de la discussion générale commune.

Projet de loi organique

Adoption, par scrutin public, de l'article unique du projet de loi organique.

Projet de loi

Article 1er

Amendement n° 73 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Articles additionnels après l'article 1er

Amendement n° 1 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 40 de Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. - Mme le rapporteur pour avis, M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 41 de Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. - Mme le rapporteur pour avis, M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 2

Amendements nos 2 rectifié de la commission, 42 de Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis, et 68 de Mme Josiane Mathon-Poinat. - M. le rapporteur, Mme le rapporteur pour avis, M. Ivan Renar, Mme la ministre. - Adoption de l'amendement no 2 rectifié rédigeant l'article, les autres amendements devenant sans objet.

Article 3

Amendement n° 3 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption.

Amendement n° 4 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption.

Amendement n° 43 de Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. - Mme le rapporteur pour avis, M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption.

Amendement n° 5 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre, M. Michel Charasse. - Adoption.

Amendement n° 75 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption.

Amendement n° 55 de Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. - Mme le rapporteur pour avis, M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption.

Amendement n° 6 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption.

Amendement n° 7 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption.

Amendement n° 8 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption.

Amendements nos 69 de Mme Josiane Mathon-Poinat, 44 de Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis, et 9 de la commission. - M. Ivan Renar, Mme le rapporteur pour avis, M. le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet de l'amendement no 69 ; adoption des amendements nos 44 et 9.

Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels avant l'article 4

Amendements nos 10 de la commission et 45 de Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. - M. le rapporteur, Mmes le rapporteur pour avis, la ministre, MM. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; Yves Détraigne. - Adoption de l'amendement no 10 insérant un article additionnel, l'amendement no 45 devenant sans objet.

Article 4

Amendements identiques nos 60 rectifié de M. Louis de Broissia et 70 de M. Jean-Claude Peyronnet. - MM. Philippe Nachbar, Jean-Claude Peyronnet, le rapporteur, Mme la ministre, MM. Michel Charasse, le président de la commission. - Retrait de l'amendement no 60 rectifié ; rejet de l'amendement no 70.

Amendement n° 11 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l'article 4

Amendement n° 12 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 13 de la commission et sous-amendement n° 71 du Gouvernement. - M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel, le sous-amendement étant devenu sans objet.

Amendement n° 61 rectifié de M. Michel Charasse. - MM. Michel Charasse, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Article 5

Amendements identiques nos 14 de la commission et 46 de Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. - M. le rapporteur, Mmes le rapporteur pour avis, la ministre. - Adoption des deux amendements supprimant l'article.

Article 6

Amendement n° 47 de Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. - Mme le rapporteur pour avis, M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 6

Amendement n° 48 de Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. - Mme le rapporteur pour avis, M. le rapporteur, Mme la ministre, M. Michel Charasse. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 7

Amendement n° 49 de Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. - Mme le rapporteur pour avis, M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 8

Amendement n° 50 de Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. - Mme le rapporteur pour avis, M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Articles 9 et 10. - Adoption

Article 11

Demande de priorité des amendements nos 19 rectifié, 56 rectifié bis et du sous-amendement no 66. - M. le président de la commission, Mme la ministre. - La priorité est ordonnée.

Amendement n° 15 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption.

Amendement n° 51 de Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. - Mme le rapporteur pour avis, M. le rapporteur. - Retrait.

Amendement n° 16 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption.

Amendement n° 19 rectifié bis (priorité) de la commission et sous-amendement n° 66 (priorité) de M. Yves Fréville ; amendement no 56 rectifié bis (priorité) (identique à l'amendement no 19 rectifié) de M. Yves Détraigne. - MM. le rapporteur, Yves Fréville, Mme la ministre, M. Michel Charasse. - Adoption du sous-amendement no 66 et de l'amendement no 19 rectifié bis modifié, l'amendement no 56 rectifié bis devenant sans objet.

Amendement n° 17 de la commission et sous-amendement no n° 64 de M. Yves Fréville. - MM. le rapporteur, Yves Fréville, Mme la ministre. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié.

Amendement n° 18 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption.

Amendements identiques nos 65 de M. Yves Fréville et 74 de la commission. - MM. Yves Fréville, le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption des deux amendements.

Amendement n° 59 rectifié bis de M. Yves Détraigne. - MM. Yves Détraigne, le rapporteur, Mme la ministre, MM. Michel Charasse, le président de la commission. - Retrait.

Amendement n° 20 de la commission. - M. le rapporteur. - Retrait

Amendement n° 21 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption.

Amendement n° 57 rectifié bis de M. Yves Détraigne. - MM. Yves Détraigne, le rapporteur, Mme la ministre. - Retrait.

Amendements identiques nos 22 de la commission et 52 de Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. - M. le rapporteur, Mmes le rapporteur pour avis, la ministre. - Adoption des deux amendements.

Amendement n° 58 rectifié bis de M. Yves Détraigne. - MM. Yves Détraigne, le rapporteur, Mme la ministre. - Retrait.

Amendement n° 62 de M. Michel Charasse. - MM. Michel Charasse, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement n° 23 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption.

Amendement n° 24 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 11

Amendement n° 25 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 12

Amendement n° 26 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 13

Amendement n° 27 rectifié de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.

Article 14. - Adoption

Article 15

Amendement n° 28 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption.

Amendement n° 29 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 16

Amendement n° 30 rectifié de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Article 17. - Adoption

Article additionnel avant l'article 18

Amendement n° 53 de Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. - Mme le rapporteur pour avis, M. le rapporteur, Mme la ministre, M. Michel Charasse. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 18. - Adoption

Article 19

Amendements nos 67 de M. Yves Fréville, 31 et 32 de la commission. - MM. Yves Fréville, le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption de l'amendement no 67 rédigeant l'article, les autres amendements devenant sans objet.

Article 20. - Adoption

Articles additionnels après l'article 20

Amendement n° 33 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 34 de la commission et sous-amendement no n° 72 du Gouvernement ; amendement n° 54 (identique à l'amendement no 34) de Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. - M. le rapporteur, Mmes le rapporteur pour avis, la ministre, M. Michel Charasse, Mme Nathalie Goulet, M. le président de la commission. - Retrait du sous-amendement ; adoption des deux amendements insérant un article additionnel.

Amendement n° 35 rectifié de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 36 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre, M. Michel Charasse. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 37 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 38 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 39 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 63 du Gouvernement. - Mme la ministre, M. le rapporteur, Mme le rapporteur pour avis, MM. le président de la commission, Michel Charasse, Ivan Renar, Jean-Claude Peyronnet. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Vote sur l'ensemble

MM. Yannick Texier, Ivan Renar, Jean-Claude Peyronnet.

Adoption du projet de loi.

10. Dépôt de rapports

11. Dépôts rattachés pour ordre au procès-verbal de la séance du 20 décembre 2007

12. Ordre du jour

compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le procès-verbal de la séance du jeudi 20 décembre 2007 a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté.

2

Décès d'anciens sénateurs

M. le président. Mes chers collègues, j'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Hector Viron, sénateur honoraire, qui fut sénateur du Nord de 1967 à 1992, et de notre ancien collègue Kléber Malécot, membre honoraire du Parlement, qui fut sénateur du Loiret de 1974 à 2001. En cet instant, nous aurons, mes chers collègues, une pensée en leur mémoire.

3

Décision du Conseil constitutionnel

M. le président. J'ai reçu de M. le président du Conseil constitutionnel le texte d'une décision du Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution du traité de Lisbonne modifiant le traité sur l'Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne.

Acte est donné de cette communication.

Cette décision du Conseil constitutionnel a été publiée au Journal officiel, édition des lois et décrets.

4

Saisine du Conseil constitutionnel

M. le président. J'ai reçu de M. le président du Conseil constitutionnel une lettre par laquelle il informe le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, le 21 décembre 2007, par plus de soixante députés, d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi ratifiant l'ordonnance du 12 mars 2007 relative au code du travail.

Acte est donné de cette communication.

Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.

5

Organismes extraparlementaires

M. le président. J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation :

- d'un sénateur appelé à siéger au sein de la Commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention administrative et des zones d'attente ;

- d'un sénateur appelé à siéger au sein du conseil d'administration du Fonds pour le développement de l'intermodalité dans les transports.

Conformément à l'article 9 du règlement, j'invite respectivement la commission des lois et la commission des finances à présenter une candidature.

La nomination au sein de ces deux organismes extraparlementaires aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du règlement.

6

Dépôt de rapports du Gouvernement

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre, en application de l'article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit :

- le rapport sur la mise en application de la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007 ;

- le rapport sur la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006.

J'ai également reçu de M. le Premier ministre :

- le rapport sur l'administration et la gestion du régime de retraite additionnelle de la fonction publique en 2006, établi en application de l'article 22 du décret n° 2004-569 du 18 juin 2004 relatif à la retraite additionnelle de la fonction publique ;

- le rapport du Gouvernement préalable aux rendez-vous quadriennaux concernant les régimes de retraite, établi en application du II de l'article 5 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites.

Acte est donné du dépôt de ces quatre rapports.

Les deux premiers ont été transmis à la commission des finances, le troisième à la commission des affaires sociales ainsi qu'à la commission des lois et le dernier à la commission des affaires sociales.

Ces documents sont disponibles au bureau de la distribution.

7

Communication de M. le président du Sénat

M. le président. Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, vous me permettrez de vous dire combien je suis heureux de vous retrouver aujourd'hui pour la reprise de nos travaux à l'occasion de la première séance publique de la nouvelle année.

Le mercredi 16 janvier, je présenterai mes voeux pour l'année 2008, avec l'espoir notamment que notre institution puisse progresser encore sur la voie de la modernisation de ses méthodes de travail, à l'occasion des deux révisions constitutionnelles qui s'annoncent. Nous devons nous préparer, nous sénatrices et sénateurs, à assumer pleinement les pouvoirs qui pourraient nous être accordés, en demeurant très attentifs aux réformes proposées.

Pour l'heure, je veux espérer que la courte période de suspension qui s'achève nous aura permis, à toutes et à tous, de reprendre les forces qui nous seront bien nécessaires avant d'aborder un ordre du jour particulièrement consistant mais bien rythmé au cours des prochaines semaines et avant que nous nous séparions au mois de février pour la préparation des élections municipales et cantonales, auxquelles les uns et les autres nous sommes bien légitimement et très démocratiquement attachés.

Notre ordre du jour de l'année 2008 commence, et c'est de bon augure, par l'examen en deuxième lecture d'une proposition de loi d'initiative sénatoriale intéressant directement la vie quotidienne des Français. Place donc à ce débat sur la proposition de loi relative aux tarifs de l'électricité et du gaz naturel !

8

 
Dossier législatif : proposition de loi relative aux tarifs réglementés d'électricité et de gaz naturel
Discussion générale (suite)

Tarifs réglementés d'électricité et de gaz naturel

Adoption d'une proposition de loi en deuxième lecture

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux tarifs réglementés d'électricité et de gaz naturel
Articles additionnels avant l'article 1er

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative aux tarifs réglementés d'électricité et de gaz naturel (nos 137, 155).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, en ces premiers jours de l'année 2008, je souhaiterais vous présenter mes voeux et remercier tout particulièrement votre rapporteur, Ladislas Poniatowski, du travail qu'il a mené sur un sujet aussi important et techniquement complexe que celui des tarifs réglementés de l'électricité et du gaz qui, de surcroît, vous l'avez souligné, monsieur le président, concerne directement la vie quotidienne de nos concitoyens.

Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, l'ouverture des marchés de l'électricité et du gaz s'inscrit dans le cadre de la construction d'un grand marché européen.

Afin d'assurer une ouverture maîtrisée au bénéfice des consommateurs, la France a fait le choix d'une ouverture progressive, qui s'est traduite par quatre lois successives, dont la dernière date du 7 décembre 2006. C'est ainsi que, depuis le 1er juillet 2007, tout consommateur est libre de choisir son fournisseur de gaz et d'électricité pour chacun de ses sites de consommation.

Dans le cadre de la construction d'un marché européen de l'énergie, l'objectif est bien d'accroître la sécurité d'approvisionnement énergétique des Européens, et donc des Français, tout en leur assurant le prix le plus compétitif en matière d'énergie.

La loi du 7 décembre 2006 comporte des dispositions permettant aux consommateurs domestiques de choisir les offres des fournisseurs alternatifs et les nouveaux services qu'ils proposent. Toutefois, compte tenu de la censure de certaines dispositions par le Conseil constitutionnel, cette loi présente aujourd'hui des imperfections qui rendent le dispositif tout à la fois incohérent et inintelligible pour nos concitoyens.

Dans ce contexte, seulement quelques dizaines de milliers de consommateurs domestiques ont choisi les offres des fournisseurs alternatifs. Les chiffres les plus récents communiqués par la Commission de régulation de l'énergie, la CRE, sont de 6 000 pour l'électricité et de 13 000 pour le gaz, ce qui peut être considéré à première vue comme un échec au regard des 22 à 23 millions d'abonnés à l'électricité ou au gaz.

Il résulte des dispositions en vigueur que, lorsqu'un occupant a exercé l'éligibilité pour un logement, les occupants suivants n'ont plus la possibilité de choisir entre des offres aux tarifs réglementés et des offres de marché, quels que soient les choix qu'ils avaient eux-mêmes faits en tant que consommateurs.

Ces dispositions, bien sûr, n'ont pas manqué d'inquiéter les propriétaires, qui s'interrogent sur l'impact que pourrait avoir l'exercice de l'éligibilité par un locataire. On a même évoqué, ici ou là, le développement potentiel d'un marché à deux vitesses, entre les logements qui bénéficient des tarifs réglementés et ceux qui n'en bénéficient pas.

Les dispositions de la loi de 2006 telles qu'elles résultent de la censure du Conseil constitutionnel, si elles restaient inchangées, pourraient donc avoir des conséquences sur le marché de l'immobilier qu'il ne faut pas sous-estimer.

La ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, Christine Lagarde, avec le soutien de Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, avait proposé au Parlement de rechercher les solutions les plus justes et les plus cohérentes face à cette situation problématique.

C'est donc l'objectif de la proposition de loi qui vous est présentée aujourd'hui, en deuxième lecture, sur une initiative de votre collègue Ladislas Poniatowski, également rapporteur. Cette proposition de loi est le fruit d'un travail mené très en amont avec l'Assemblée nationale, notamment avec le président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, le député Patrick Ollier.

Le texte qui vous est aujourd'hui soumis a, pour certaines de ses dispositions, fait l'objet d'un vote conforme à l'Assemblée nationale le 11 décembre 2007, sur la base du texte que vous aviez adopté vous-mêmes le 1er octobre 2007.

Il s'agit des dispositions concernant les tarifs réglementés du gaz pour lesquelles le texte, dans ses articles 2 et 3, introduit la règle « site/personne » au bénéfice des consommateurs domestiques. Le dispositif est ainsi rendu plus souple, plus simple et plus juste.

Plus souple, car les nouvelles dispositions permettent à chaque consommateur particulier de choisir, au moment de son emménagement, entre une offre tarifaire réglementée ou une offre proposée par un fournisseur alternatif et enrichie de nouveaux services innovants.

Plus simple, car, pour les logements neufs, les nouvelles dispositions sont identiques pour le gaz et l'électricité.

Plus juste d'abord pour le consommateur, car le choix d'un consommateur domestique ne dépendra plus des choix faits par les consommateurs l'ayant précédé dans le logement.

Plus juste enfin pour les propriétaires, car les choix de leurs locataires pourront être revus au départ de ces derniers.

Pour le cas particulier de l'électricité, je tiens à rappeler que ces dispositions s'appliquent également aux petits consommateurs professionnels.

En ce qui concerne les tarifs réglementés de l'électricité pour les consommateurs domestiques, l'Assemblée nationale a souhaité profiter de cette proposition de loi pour rendre les dispositions non seulement plus justes pour les consommateurs, mais également plus favorables au développement de la concurrence. Vous vous en souvenez, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avions eu ce débat ici même au mois d'octobre, à l'occasion de la première lecture de la proposition de loi déposée par M. Ladislas Poniatowski.

Ainsi, en permettant à tout consommateur d'électricité de souscrire une offre aux tarifs réglementés après six mois d'une offre alternative, ce que l'on appelle la « réversibilité totale », le texte voté par l'Assemblée nationale offre à tout consommateur la possibilité non seulement de revenir sur les choix faits par les précédents occupants d'un logement - objectif initial de la proposition de loi - mais aussi, même lorsqu'il ne change pas de logement, de revenir aux offres réglementées s'il ne s'estime pas satisfait de celles qui lui ont été faites par la concurrence.

Par cette garantie de pouvoir revenir aux tarifs fixés par le Gouvernement si un problème survenait, chaque consommateur pourra sans crainte souscrire une offre alternative et bénéficier des nouveaux services innovants proposés par les opérateurs. L'objectif est donc bien ici d'améliorer la concurrence entre les opérateurs, ce qui devrait permettre de dynamiser le marché.

Afin d'éviter ce qui a pu être observé à l'étranger, où certains clients profitaient d'une trop grande souplesse dans la rupture des contrats pour changer de fournisseur sinon chaque semaine du moins trop fréquemment, rendant difficile le recouvrement des factures, il a été instauré à l'Assemblée nationale un délai minimal de six mois pour revenir aux tarifs réglementés.

La règle de la réversibilité partielle - à plus forte raison, celle de la réversibilité totale - avait toutefois été censurée en 2006 par le Conseil constitutionnel, qui reprochait notamment à cette disposition de ne pas être limitée dans le temps. Le texte qui vous est à nouveau soumis aujourd'hui, mesdames, messieurs les sénateurs, prend en compte l'analyse du Conseil constitutionnel, car il limite dans le temps, et ce jusqu'au 1er juillet 2010, les différents aménagements sur lesquels vous serez conduits à vous prononcer.

Cette période permettra au marché de mûrir et aux consommateurs de mieux connaître progressivement les offres des fournisseurs alternatifs. Il s'agit donc d'un dispositif transitoire qui doit permettre un développement du marché au bénéfice des consommateurs, en introduisant un minimum de sécurité pour ces derniers.

La date du 1er juillet 2010 est cohérente avec la date limite introduite pour l'accès des nouveaux sites aux tarifs réglementés de l'électricité par la loi instituant le droit au logement opposable. Je tiens à saluer ici la simplicité de ces propositions, qui ont été formulées tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale.

Cette date limite, j'y insiste, ne signifie pas que les tarifs réglementés disparaîtront en 2010, mais nous avons déjà eu ce débat en première lecture. Aucun texte communautaire ne demande la disparition des tarifs réglementés. Après le 1er juillet 2010 s'appliqueront tout simplement les règles d'éligibilité telles qu'elles ont été voulues par le Conseil constitutionnel à la fin de 2006.

Mesdames, messieurs les sénateurs, l'objectif de ces propositions est de remédier à la situation « incohérente et injuste » pour les consommateurs domestiques créée par la censure du Conseil constitutionnel.

Dès lors, il s'agit de rétablir un droit compréhensible et cohérent pour nos concitoyens et de préserver le pouvoir d'achat des consommateurs particuliers, qui pourront ainsi aller sur le marché libre et sans doute bénéficier d'offres plus attractives que celles qui existent sur le marché réglementé. Un dispositif transitoire permet tout à la fois de garantir une certaine protection à ces mêmes consommateurs et de dynamiser le marché en facilitant le développement de la concurrence.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement considère que cette proposition de loi ainsi amendée sera une bonne avancée en faveur des consommateurs. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le 1er octobre dernier, nous avons adopté une proposition de loi relative aux tarifs réglementés d'électricité et de gaz naturel. Ces dispositions résultaient de l'examen conjoint par notre commission de trois textes : le premier déposé par mes soins, le deuxième par notre collègue Xavier Pintat et le troisième par les membres du groupe socialiste.

Globalement, nous étions d'accord sur les objectifs de ces différentes initiatives : tout d'abord, rassurer le consommateur dans le contexte de l'ouverture totale à la concurrence des marchés de l'électricité et du gaz naturel à partir du 1er juillet 2007 en garantissant son pouvoir d'achat ; ensuite, remédier aux incohérences juridiques pesant sur le cadre législatif des tarifs à la suite de la décision du Conseil constitutionnel sur la loi relative au secteur de l'énergie. Nous divergions cependant quelque peu sur les modalités permettant d'atteindre ces objectifs.

Nos débats nous avaient conduits à adopter un texte dont je peux résumer brièvement l'économie générale en quatre points.

Premier point : faire en sorte qu'un consommateur ne soit pas lié par une décision qu'il n'a pas lui-même prise.

Le droit résultant de la censure du juge constitutionnel conduisait à ce que toute décision d'un ménage, dans un logement donné, de quitter les tarifs réglementés affecte définitivement ledit logement. Dans ces conditions, un consommateur emménageant dans un logement où un précédent occupant avait choisi la concurrence pour son approvisionnement en électricité ou en gaz naturel n'aurait pu bénéficier des tarifs réglementés, sans pourtant jamais s'être prononcé sur ce choix. Vous venez d'ailleurs à l'instant de faire allusion aux conséquences en termes de marché du logement, monsieur le secrétaire d'État. Notre texte levait cette difficulté pour les tarifs tant électriques que gaziers.

Deuxième point : étendre, pour l'électricité, le bénéfice de ces dispositions aux petits consommateurs professionnels.

À l'origine, il s'agissait d'une proposition de Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire de l'Assemblée nationale. Nous l'avions intégrée dans notre dispositif au motif que la situation des petits consommateurs professionnels - artisans, commerçants et professions libérales pour l'essentiel - était similaire à celle des ménages. Dans ces conditions, il nous était apparu logique de leur appliquer également le raisonnement « site/personne » pour le bénéfice du tarif électrique.

Troisième point : prendre en compte les contraintes communautaires.

Comme je l'avais expliqué en détail en octobre dernier, notre pays est actuellement sous le coup de deux procédures juridictionnelles visant le cadre juridique des tarifs.

La Commission européenne remet en cause notre système tarifaire au motif que le niveau des tarifs est trop favorable par rapport aux prix sur les marchés libres et que cet écart rend impossible tout développement de la concurrence. Par conséquent, il s'agissait d'ailleurs du point le plus débattu, nous avions prévu que notre dispositif ne serait valable que jusqu'au 1er juillet 2010 dans un souci de transaction avec la Commission européenne et pour laisser le temps au Gouvernement de poursuivre ses discussions sur ce point avec les autorités communautaires.

Quatrième et dernier point : exclure la solution dite de réversibilité.

À la demande du Gouvernement, la prise en compte de ces contraintes communautaires nous avait conduits à ne pas aller au-delà de ce que nous avions voté lors de l'examen du projet de loi relatif au secteur de l'énergie et, par conséquent, à ne pas autoriser les consommateurs particuliers à revenir sur leur choix de quitter les tarifs réglementés. Au cours du débat, j'avais admis que, dans un monde parfait, cette solution aurait été la plus satisfaisante pour le consommateur - vous l'aviez vous-même reconnu, monsieur le secrétaire d'État -, mais que Bruxelles ne serait pas enclin à l'accepter pour des raisons de non-conformité au droit communautaire.

Globalement, les députés ont suivi notre raisonnement lors de l'examen de la proposition de loi, le 11 décembre dernier. Sur les trois articles que compte la proposition de loi, ils en ont adopté deux conformes : l'article 2, qui a trait aux tarifs de gaz naturel pour les particuliers déménageant, et l'article 3, qui est relatif à l'éligibilité au tarif de gaz naturel des nouveaux logements. En revanche, ils ont amendé l'article 1er, qui concerne les tarifs électriques.

Désormais, le texte permet à tout consommateur particulier ayant fait le choix de la concurrence de retourner au tarif moyennant un délai de six mois, ce qui ressemble étrangement à la proposition de loi de notre collègue Xavier Pintat et à celle de nos collègues du groupe socialiste. Les députés ont jugé en définitive que la réversibilité était plus protectrice et plus lisible pour le consommateur. Le Gouvernement s'est déclaré favorable à une évolution du texte en ce sens, comme vous l'avez confirmé, monsieur le secrétaire d'État.

Sans renier les positions que j'avais défendues en première lecture, je reconnais bien volontiers que l'inscription dans notre droit du principe de réversibilité présente de nombreux avantages pour le consommateur. Je l'avais d'ailleurs dit à l'époque. D'un autre côté, il est clair - il faut que vous en soyez conscients, mes chers collègues - que nous prenons toujours un risque vis-à-vis de Bruxelles, et je pèse mes mots ...

Toutefois, cette crainte doit être tempérée, compte tenu des premiers résultats de l'ouverture à la concurrence pour les particuliers. Chacun s'accorde à dire, six mois après la libéralisation totale, que cette évolution du contexte juridique et économique n'a changé que peu de choses pour les ménages.

Monsieur le secrétaire d'État, j'ai sous les yeux des chiffres encore plus récents que les vôtres : sur 26 millions de consommateurs d'électricité, un peu plus de 38 000 ménages ont quitté les tarifs électriques, ce qui reste dérisoire. En ce qui concerne le gaz, mes chiffres sont les mêmes que les vôtres, à savoir de l'ordre de 15 000 consommateurs.

Il est clair que le caractère irréversible de la décision de quitter les tarifs réglementés, accentué par la décision du Conseil constitutionnel, n'a pas incité le consommateur à se lancer dans une démarche qu'il pouvait juger risquée, malgré le caractère attractif des offres des fournisseurs alternatifs, qui proposaient des prix inférieurs d'environ 10 % aux formules tarifaires et assorties d'une garantie de stabilité des prix pendant la première année.

Cette irréversibilité du choix avait d'ailleurs été mise en avant par les pouvoirs publics français, qui avaient invité les consommateurs à bien évaluer les conséquences du passage à la concurrence avant de prendre toute décision de sortie définitive des tarifs.

Au surplus, les ménages peuvent légitimement se montrer sceptiques quant aux avantages éventuels de cette concurrence à la lumière de l'expérience vécue par les consommateurs professionnels, confrontés, dans un premier temps, à une baisse de leur facture électrique après la libéralisation, puis à une véritable explosion des prix à partir des années 2003-2004. Cette situation nous avait incités, vous vous en souvenez tous, mes chers collègues, à introduire dans notre système législatif le fameux TaRTAM, le tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché.

Dans ces conditions, nous pouvons espérer que l'inscription dans le droit tarifaire électrique de la solution de réversibilité pourrait être de nature à favoriser l'émergence d'un marché véritablement concurrentiel pour les ménages dans la mesure où elle leur permet de revenir sur leur choix dans le cas où le niveau des prix des offres libres déraperait et deviendrait moins intéressant que les tarifs réglementés.

Pour cette raison, je vous propose que nous nous rallions à cette thèse.

Pour autant, malgré cet accord sur le fond, la forme pose encore quelques problèmes. Un petit « bug » juridique s'est en effet glissé dans le texte voté par nos collègues de l'Assemblée nationale. Leur rédaction permet, certes, la réversibilité, mais les députés ont supprimé les dispositions que le Sénat avait adoptées à l'unanimité afin de protéger les consommateurs emménageant dans un logement où la concurrence a été exercée dans le passé par un occupant précédent.

Littéralement, le texte des députés obligerait le consommateur, si un tel cas de figure se présentait, à subir le choix de l'occupant précédent pendant six mois avant de pouvoir enfin bénéficier du tarif d'électricité de son choix.

Pour remédier à cet inconvénient juridique, je vous soumettrai donc un amendement tendant à rétablir les dispositions sénatoriales supprimées par les députés et ayant pour objet de procéder à une coordination au sein du code de la consommation. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Arnaud.

M. Philippe Arnaud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, c'est un texte important pour les consommateurs qui revient en deuxième lecture devant la Haute Assemblée, car il concerne une préoccupation majeure et d'actualité pour nos compatriotes : leur pouvoir d'achat.

C'est une évidence, la facture énergétique suit une courbe exponentielle. Le 1er janvier dernier - il y a quelques jours, donc - l'augmentation de 4 % des tarifs du gaz, inférieure à celle que demandait GDF, en a offert une parfaite illustration. Le franchissement de la barre symbolique des 100 dollars pour un baril de pétrole ne laisse pas augurer un renversement de la tendance.

Depuis le 1er juillet dernier, les marchés de l'électricité et du gaz naturel sont ouverts à la concurrence.

Désormais, donc, chacun peut choisir son fournisseur d'électricité et de gaz, opter pour les tarifs réglementés par l'État, tels que les proposent EDF et GDF, ou recourir à un autre fournisseur, qui fixe librement les tarifs en fonction du marché.

Ces dispositions sont encadrées par l'article 4 de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité.

Cependant, et c'est là que le bât blesse, le tarif réglementé fixé par l'État est attaché à l'habitation, alors que le choix d'en sortir, de préférer une offre du marché, une nouvelle tarification, un nouvel opérateur, appartient au consommateur, c'est-à-dire à l'occupant de l'habitation. Cela signifie que, lorsque l'occupant renonce aux tarifs réglementés, cet abandon est définitif, irréversible, et que les occupants ultérieurs du logement seront liés par une décision qu'ils n'ont pas prise.

Cette situation est non seulement parfaitement injuste, et totalement incompréhensible, mais également fort préjudiciable en termes de pouvoir d'achat.

J'observe, au passage, qu'une telle injustice n'a jamais été voulue par le législateur : elle est la conséquence d'un vote intervenu lors de l'examen d'un texte déclaré d'urgence.

À cet égard, mais je sais que ce choix n'était pas de votre fait, monsieur le secrétaire d'État, je ne saurais trop vous conseiller de veiller à laisser la navette faire son office, dans la mesure où ce genre de difficulté donne raison à ceux d'entre nous qui protestent quand il y a une accumulation de textes déclarés d'urgence, y compris sur des propositions de cette nature. C'est en effet la navette, du moins on peut l'espérer, qui permet à la sagesse des parlementaires de trouver toute son expression et aux textes toute leur qualité.

Grâce à l'initiative de notre excellent rapporteur, Ladislas Poniatowski, grâce aussi à Xavier Pintat, qui connaît éminemment ce sujet, grâce enfin à tous ceux qui, députés et sénateurs, se sont préoccupés de l'intérêt de nos concitoyens, ce texte corrige l'injustice que j'ai évoquée.

Monsieur le rapporteur, conformément à ce que vous aviez annoncé en commission, vous nous proposez de corriger la rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale en améliorant le dispositif et en supprimant le délai de six mois pour les nouveaux occupants.

La suppression de cette condition qui subsistait à l'issue du vote à l'Assemblée nationale est, en effet, extrêmement importante.

Désormais, l'ensemble des particuliers pourront bénéficier d'une réversibilité totale vers les tarifs réglementés, et ce jusqu'en 2010.

Pour cette raison, le groupe UDF-UC est satisfait et votera le texte amendé sur votre proposition, monsieur le rapporteur. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Merci, mon cher collègue !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor.

M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, une fois de plus, nous nous retrouvons pour examiner un texte sur l'énergie.

Après la loi relative au secteur de l'énergie, adoptée il y a un an, après celle instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, qui a permis d'inscrire l'accès aux tarifs régulés après le 1er juillet 2007 pour les nouveaux logements, nous examinons aujourd'hui, en deuxième lecture, un texte relatif aux tarifs réglementés d'électricité et de gaz naturel.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que la législation fixant le cadre énergétique de notre pays n'est pas figée. Elle aurait même plutôt tendance à être de plus en plus instable !

On peut d'ores et déjà gager qu'il y aura d'autres textes pour amender encore et encore une législation peut-être à la peine sur ce sujet, tant qu'il n'aura pas été examiné dans sa globalité, notamment en ce qui concerne le troisième paquet énergétique européen dont la mise en oeuvre contredit parfois les prévisions des zélateurs du libéralisme annonçant une baisse des prix pour le consommateur.

Je tiens à saluer la persévérance et la compétence de M. le rapporteur, Ladislas Poniatowski, qui s'est associé un maximum de collègues afin de faire la lumière sur un sujet aussi délicat que celui de l'énergie.

Chacun s'en souvient, la France possédait, il n'y a pas si longtemps, un dispositif public de production d'électricité et de gaz qui apportait une entière satisfaction à ses usagers. Il continue encore de le faire, mais pour combien de temps ?

Les équipements du territoire ont été massifs et les tarifs n'avaient pas pour objet la réalisation de profits. L'objectif était de mutualiser, de maintenir, de développer et de moderniser des réseaux et des centrales, lesquels, pour l'électricité tout au moins, ont permis à notre pays d'atteindre une forme d'indépendance énergétique.

L'existence du tarif déterminé par la puissance publique est partie intégrante du service public et garantissait la fourniture d'une énergie électrique à un prix stable et déconnecté des hausses successives du cours du pétrole.

Pourtant, la Commission européenne demeure inflexible sur son entreprise de libéralisation. Elle continue de vouloir démanteler les systèmes existants. Mais nous ne voyons vraiment pas pourquoi il faudrait caler les prix français sur un prix de marché dénué de fondement économique.

Le marché, fondé sur les coûts de production de la centrale la moins performante, a conduit à une augmentation de 117 % du prix du mégawattheure entre 2002 et 2007 ! Cela ne doit en aucun cas servir de modèle à la fixation des prix de l'électricité.

Au fond, l'action en manquement engagée contre notre pays n'est pas si étonnante : la Commission européenne veut supprimer toutes les spécificités nationales et ne fait donc que poursuivre dans sa quête du Graal.

En revanche, la position de la droite parlementaire française, monsieur le secrétaire d'État, est plus délicate. Partagée entre les défenseurs de l'action gaulliste d'après-guerre, qui restent attachés à l'indépendance de la France, et les promoteurs du dogme libéral, qui n'admettent qu'un État réduit aux missions régaliennes dans un marché mondial, elle se réfugie derrière le paravent de l'Europe pour retomber sur ses pieds.

Aujourd'hui, la dérégulation en cours pourrait, avec la complicité du Parlement, permettre à des sociétés dont l'objectif est et reste de faire de l'argent, d'utiliser nos investissements lourds à leur avantage, d'affaiblir les grands groupes traditionnels et de rendre leur clientèle captive.

Or cela pose problème - vous le savez bien, chers collègues ! Ces sociétés utiliseront sans vergogne le fruit des efforts considérables effectués par les générations passées de contribuables, qui ont constitué un parc structurant capable de répondre à nos besoins, tout en obérant l'approvisionnement à long terme des générations futures.

Au passage, est-il besoin de rappeler les dégâts que cette situation cause aux grands groupes historiques ?

Les concurrents d'Électricité de France demandent un droit de tirage sur le parc de l'acteur public à un prix inférieur au tarif - nous l'avons constaté encore ces derniers jours !

La mise en place d'un tarif de cession et d'un droit de tirage reviendrait à permettre un transfert de la compétitivité économique de la production nucléaire, voire de sa compétitivité écologique, sans que les bénéficiaires assument l'investissement, l'exploitation ou le traitement des déchets, ce qui n'est pas rien !

Il est vrai que la mutation en cours des entreprises va dans un sens qui avantage les actionnaires mais pénalise le service public.

On a coté l'industrie électrique et gazière en bourse, on a séparé les activités de production de la gestion des réseaux, on a créé un régulateur indépendant, mais on a abouti à la suppression de postes, à la fermeture d'agences, et certaines zones rurales sont parfois maltraitées.

Quant aux centres d'appels téléphoniques, merci bien ! On n'a plus affaire qu'à des automates impersonnels, bref à un niveau de service quasi virtuel, qui n'a plus rien à voir avec ce que l'on a connu dans le passé.

Une autre conséquence est que le prix du gaz ne cesse d'augmenter, et dans des proportions inédites. La dernière mésaventure en date est la hausse intervenue au 1er janvier 2008, même s'il y a eu quelques réductions.

Le Gouvernement a attendu le dernier moment pour fixer cette hausse le 27 décembre 2007, soit pendant la trêve des confiseurs, ce qui revenait à mettre les associations de consommateurs dans l'impossibilité de donner leur avis.

La Commission de régulation de l'énergie prévoit une nouvelle augmentation des tarifs au cours du premier semestre 2008. Je ne serais d'ailleurs pas étonné que cette hausse intervienne peu après le 16 mars prochain...

Est-ce ainsi que l'on traduit dans les faits le Grenelle de l'environnement, en postulant que les consommateurs restreindront leur consommation d'énergie en raison de la hausse des prix ? C'est inadmissible ! Cela pénalise toujours les mêmes, c'est-à-dire les plus fragiles de nos concitoyens.

Les prix du gaz naturel ont connu des hausses importantes au cours de ces dernières années : 6,8 % en 2005 et 12,7 % en 2006. Vous ne pouvez pas faire comme si vous n'y étiez pour rien !

Le contrat de service public signé en 2005 prévoit en effet que « l'État et Gaz de France conviennent de rechercher à l'occasion de chaque mouvement tarifaire la convergence entre les tarifs et les prix de vente en marché ouvert ». Une telle recherche de convergence rend factice tout effort de maîtrise tarifaire.

Les hausses ne sont pas simplement l'effet de la faiblesse de la production française ; elles sont aussi le fruit de la logique qui est la vôtre, mes chers collègues, à savoir celle du profit, soumise aux actionnaires.

La privatisation de GDF en est une preuve éclatante, malgré les paroles qui ont pu être prononcées et qui se voulaient rassurantes.

L'entreprise gazière demande depuis 2004 des hausses exponentielles qu'elle fonde sur l'envolée des cours du pétrole. Mais, comme toujours, avec les effets d'affichage, ce n'est qu'un angle de vision.

La vérité, c'est que, d'ici à 2010, vous voulez, dans la continuité des gouvernements précédents, faire plaisir aux marchés financiers. Vous utilisez le tarif comme un moyen de puissance publique pour le faire progressivement.

Bientôt, le tarif ne sera plus qu'un ersatz, un fantôme, mais le décret de privatisation de Gaz de France étant publié, le démantèlement sera finalisé.

Les « clients » subiront directement les décisions de MM. Poutine et Medvedev, au sein de Gaz de France ou ailleurs.

Je rappelle, tout de même, que les bénéfices de Gaz de France augmentent en même temps que les tarifs. Ces bénéfices s'élèvent aujourd'hui à trois milliards d'euros par an, nous dit-on.

Et en effet, pour les actionnaires, tout va bien ! Cotation, privatisation, dénonciation des tarifs : tout est bénéfice pour les actionnaires privés. Je ne parle évidemment pas des plus petits d'entre eux, qui ne détiennent pas 2 % du capital - salariés inclus - et n'ont aucun pouvoir de décision.

Le récent rachat en bourse au prix fort d'actions de Gaz de France pour en faire monter le cours dans le cadre de la fusion avec Suez par M. Cirelli pour près d'un milliard d'euros entraînera une progression de 10 % des dividendes des actionnaires. On peut dès lors se poser la question : où iront les 1 à 5 euros supplémentaires que doivent débourser depuis le 1er janvier les millions de Français qui se chauffent au gaz ? Dans le développement de l'amont gazier ou dans la poche des actionnaires ? J'ai bien peur de connaître déjà la réponse...

Monsieur le rapporteur, vous nous proposez un texte qui, dites-vous à juste titre, n'a qu'une ambition mesurée, un texte transitoire. Il n'empêche, votre texte met singulièrement l'accent sur tous les dysfonctionnements actuels, alors que nous avions un système stable, efficace, fiable et juste. Par-dessus tout, on ne peut s'empêcher de penser que l'année 2010, qui figure dans le texte, correspondra à un nouveau point de départ de la déferlante libérale.

En lisant les débats à l'Assemblée nationale, on apprend du rapporteur que la date butoir du 1er juillet 2010 avait été fixée parce que l'année 2012, initialement envisagée, était celle de l'élection présidentielle et qu'il ne fallait pas rouvrir le débat en cette période. Quant à 2011, c'était encore trop proche. On croit rêver ! On pourrait ajouter que, 2010, cela permet de passer les élections municipales.

Traiter de la fin du tarif réglementé de cette manière laisse plus que perplexe. C'est pourquoi nous voudrions monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, que vous abandonniez cette date butoir.

J'ai bien entendu les raisons qui justifient ce choix, qu'elles émanent du Conseil dans son rapport ou de la Commission européenne. Toutefois, si, sur le fond, nous partageons le sentiment qu'il faut protéger le tarif régulé,...

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Ce n'est pas faux !

M. Jean-Marc Pastor. ... sur la forme et la manière, nous divergeons et nous pensons qu'il nous appartient à nous, parlementaires, d'affirmer d'une voix forte et claire par rapport à la Commission européenne que nous voulons faire exploser la date butoir de 2010.

Le Conseil constitutionnel, qui avait été saisi d'un tout autre sujet abordé à travers la loi de 2006 relative au secteur de l'énergie, a, de lui-même, rendu une décision qui a eu pour conséquence finale le dépôt de la présente proposition de loi. Derrière cela, c'est le gouvernement de M. Raffarin qui s'est occupé des directives libéralisant le marché. C'est le gouvernement de M. de Villepin qui a privatisé. Le juge constitutionnel a invalidé le dispositif relatif aux tarifs réglementés comme étant contraire aux directives. C'est donc bien la volonté de libéraliser et de privatiser qui a finalement produit la mise en cause des tarifs réglementés.

En conclusion, je veux redire que le fait que l'énergie soit nécessaire à la vie et ne soit comparable à rien d'autre justifie l'intervention publique. Elle n'est donc en rien un bien à insérer sur le marché. Après l'épisode du reniement du Président de la République, qui s'était engagé, alors qu'il n'avait pas encore été élu, à ne pas privatiser le secteur de l'énergie, nous ne pouvons que constater que travailler plus risque, demain, de servir à payer l'énergie plus cher, ce qui est regrettable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Pintat.

M. Xavier Pintat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, après une trêve bien méritée, nous reprenons nos travaux sur le droit de retour aux tarifs réglementés pour l'électricité et le gaz.

C'est dire l'importance attachée à cette question, sur laquelle nous devons aujourd'hui nous prononcer en deuxième lecture.

Le texte qui nous revient de l'Assemblée nationale a, contre toute attente, été profondément remanié, en ce qu'il autorise la réversibilité totale pour les ménages, c'est-à-dire la possibilité de demander à revenir aux tarifs réglementés six mois après avoir souscrit un contrat de fourniture à un prix de marché.

Je me réjouis, monsieur le secrétaire d'État, de ce choix, car la proposition de loi que j'avais déposée au Sénat n'avait pas d'autre objectif.

La réversibilité va encourager les consommateurs à exercer leur éligibilité, donc à faire fonctionner le marché qui, aujourd'hui, il faut bien l'avouer, ne fonctionne pas beaucoup, et à tester le marché en toute sécurité. La réversibilité va donc sécuriser le consommateur, tout en évitant un emballement excessif des prix.

Avec le principe de la réversibilité, nous sommes en cohérence non seulement avec notre tradition énergétique mais également avec nos engagements européens.

Le marché de l'énergie va pouvoir monter en régime et je ne pense pas que Bruxelles puisse en prendre ombrage.

L'audition du commissaire européen Andris Piebalgs, en décembre dernier, par la délégation des affaires européennes de l'Assemblée nationale, aura sans nul doute été décisive pour lever certains freins psychologiques et aboutir à ce résultat.

En effet, M. Piebalgs a déclaré très clairement que la Commission européenne ne demandait pas la suppression des tarifs réglementés pour les ménages.

Je souscris donc avec enthousiasme au signal adressé par nos collègues, avec une réserve cependant, qui porte sur l'efficacité du dispositif.

Comme vous vous êtes plu à le rappeler, monsieur le secrétaire d'État, le marché a besoin de simplicité et de lisibilité.

M. Jacques Blanc. Très bien !

M. Xavier Pintat. Des règles claires, compréhensibles pour tous s'imposent par conséquent.

Le régime juridique qui résulte du paragraphe IV de l'article 66 de la loi du 13 juillet 2005 modifié par l'Assemblée nationale ne permettra pas de garantir pleinement le libre choix du consommateur quant à son fournisseur d'énergie. En effet, le texte voté par l'Assemblée nationale oblige toujours un particulier qui emménage sur site déjà déclaré éligible à souscrire un contrat au prix de marché.

Les ménages devront en effet avoir préalablement exercé leur éligibilité depuis plus de six mois pour prétendre au bénéfice des tarifs réglementés. Autrement dit, un consommateur peut basculer dans le marché sans le vouloir, soit un résultat contraire à l'objectif initial visé par notre rapporteur dans son excellente proposition de loi.

En conséquence, ce dispositif vise principalement les ménages qui ne changent pas de domicile. Pour eux, sa portée sera immédiate. En revanche, pour les autres - nouveaux propriétaires et locataires -, des marges d'interprétation persistent avec leur lot d'erreurs et de voies contentieuses à la clé.

C'est la raison pour laquelle je vous proposerai, par un amendement dont je constate qu'il est assez proche de celui de la commission, de remédier à cet état de fait. L'objectif est de garantir à tous les ménages un droit de retour immédiat, dès lors qu'ils ne souhaitent pas exercer leur éligibilité.

À l'heure où le pouvoir d'achat des Français est une préoccupation générale, cette mesure tombe à propos.

Nous ne pouvons pas décevoir et, pour ce faire, nous devons définir des conditions d'application qui garantissent l'efficacité immédiate du dispositif.

C'est tout le sens de l'amendement que je vous proposerai.

Mes chers collègues, l'Assemblée nationale a d'ores et déjà desserré le frein de l'irréversibilité. Nous-mêmes, au Sénat, avec une écoute attentive de notre commission et de notre rapporteur, Ladislas Poniatowski, nous sommes engagés dans la même voie.

Nos travaux doivent donc permettre de rétablir le libre choix du consommateur.

Il nous faut d'ailleurs cesser d'opposer tarifs réglementés et tarifs de marché ; les uns et les autres doivent coexister, et ce pour une raison simple : la régulation dudit marché.

Pour conclure, je suis persuadé que cette nouvelle donne juridique va produire tous ses effets. Les prochains mois, d'ailleurs, nous le confirmeront. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Michel Billout.

M. Michel Billout. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous voici une nouvelle fois réunis dans cet hémicycle sur le sujet épineux des conditions d'application du tarif réglementé.

Il faut bien avouer que l'organisation de la concurrence libre et non faussée dans le secteur de l'énergie n'a pas atteint les objectifs escomptés et, par conséquent, que la majorité au pouvoir se trouve bien obligée de moduler son dispositif.

Vous nous aviez, en effet, expliqué, lors de la discussion de la loi relative au secteur de l'énergie, que la libéralisation de ce secteur amorcerait le cycle d'une concurrence vertueuse permettant de faire baisser les prix pour les consommateurs tout en dynamisant le marché par l'arrivée de nouveaux entrants.

Mais les particuliers, échaudés par le sort réservé aux professionnels qui avaient fait usage de leur éligibilité, n'ont pas eu le comportement escompté.

Je rappellerai que les entreprises du secteur électro-intensif ont subi une hausse des tarifs de 117 % en quatre ans sur le marché de gros.

Ainsi, comme vous l'avez vous-même rappelé, monsieur le secrétaire d'État, au 30 septembre 2007, selon un document de la CRE, le nombre de sites ayant opté pour une offre de marché est extrêmement faible : 6 100 sites ont quitté les tarifs réglementés en électricité et 13 300 en gaz. Vous-même, monsieur le rapporteur, parlant des ménages, avez aujourd'hui cité les chiffres respectivement de 38 000 et de 15 000.

Nous constatons donc le fort attachement des Français aux tarifs réglementés et aux opérateurs historiques pour la simple raison que ces entreprises « encore » publiques ont été et restent performantes en termes tant d'offre de service que de garantie de sécurité d'approvisionnement et des installations. Cette proposition de loi, en permettant la réversibilité totale, a donc en fait pour objectif principal de faciliter le choix du marché libre.

Vous persistez donc à vouloir organiser la concurrence totale dans ce secteur en donnant un « coup de pouce » aux nouveaux entrants.

Si nous sommes en désaccord profond sur cet objectif, nous partageons, en revanche, la volonté de permettre la réversibilité de l'exercice de l'éligibilité, mais pour d'autres raisons.

En effet, les sénateurs communistes se placent très clairement du côté des consommateurs, qui ne doivent pas se trouver pris au piège par les tarifs pratiqués par certains opérateurs.

À l'heure où la question du pouvoir d'achat apparaît comme centrale dans les préoccupations des Français, les sénateurs communistes approuvent toute mesure en faveur de la baisse de la facture d'électricité des ménages.

Pour cette raison, nous avons soutenu depuis le départ le principe d'une réversibilité totale dans le cadre d'un marché libéralisé et nous déposons régulièrement des amendements en ce sens.

Initialement, cette proposition de loi permettait aux particuliers, uniquement en cas de déménagement, de revenir aux tarifs réglementés pour le gaz et l'électricité, et ce jusqu'en 2010. Le débat à l'Assemblée nationale a permis de faire évoluer le dispositif en instituant une réversibilité totale toujours jusqu'en 2010, sous réserve, pour changer d'opérateur, de respecter un délai de carence de six mois.

Le champ d'application de la réversibilité a donc été largement étendu et nous nous en félicitons.

Pourtant, si le champ d'application matériel a été élargi, il reste que ce dispositif n'est valable que jusqu'en 2010. Nous arrivons là au point crucial. Que se passera-t-il après cette date butoir ?

Si tous les groupes politiques semblent manifester leur attachement aux tarifs réglementés, nous sommes pourtant franchement inquiets quant à la pérennité desdits tarifs.

En effet, il est clair que, dans le cadre du parachèvement du marché intérieur, cette existence n'est pas compatible avec les objectifs énoncés par l'Union européenne de concurrence libre et non faussée. Les tarifs réglementés s'apparentent soit à des barrières à l'entrée, soit à des aides d'État prohibées par la Commission européenne. Celle-ci a d'ailleurs engagé deux actions contre la France pour cette raison.

Dans ce cadre, les Sages du Conseil constitutionnel ne se sont pas trompés en censurant ces tarifs au regard de nos engagements européens.

Soyons clairs : si la construction européenne ne se réoriente pas très rapidement vers d'autres objectifs, tels que la priorité accordée aux services publics et à l'intérêt général communautaire, les tarifs réglementés seront voués à disparaître, car ils seront considérés comme des pratiques anticoncurrentielles.

Pour cette raison, nous demandons régulièrement la réalisation d'un bilan complet des conséquences de l'application des directives européennes de libéralisation, notamment dans le secteur de l'énergie. J'y reviendrai dans la discussion des articles.

Au niveau national, il est demandé à EDF, sous prétexte d'un abus de position dominante, de céder aux entreprises concurrentes de l'électricité à moindre prix, produite à partir de la technologie nucléaire. Il s'agit donc, pour permettre l'instauration d'un marché concurrentiel, de faire partager la rente nucléaire au secteur privé, alors que celle-ci a été financée par les citoyens eux-mêmes - je précise qu'EDF est une entreprise propriété de la nation, et donc des citoyens -, cette énergie leur étant finalement, par le jeu même de la concurrence, revendue plus chère !

Ce système est donc particulièrement pernicieux puisqu'il consiste à brader le bien public pour permettre aux actionnaires privés de conforter leurs bénéfices. Que devient, dans ces conditions, l'intérêt des consommateurs ? Par ailleurs, que valent les tarifs réglementés si les entreprises qui en sont chargées sont de moins en moins en mesure d'assurer leur mission de service public ?

Ainsi, l'ouverture du capital d'EDF et de GDF s'est accompagnée d'une forte hausse des tarifs réglementés. En effet, la participation de capitaux privés modifie irrémédiablement la politique de l'entreprise du fait de la nécessité de rétribuer les actionnaires : c'est autant d'argent qui ne sera pas investi dans le service public. Le document de présentation de la fusion de Suez et GDF définissait d'ailleurs clairement l'objectif de doublement des dividendes versés aux actionnaires.

La situation de l'entreprise est florissante. Le résultat d'exploitation de Gaz de France, pour l'activité en France, augmente de 35 %. Le résultat net du groupe progresse de plus de 40 %, passant de 1,2 milliard d'euros à la fin du mois de juin 2005 à 1,7 milliard d'euros à la fin du mois de juin 2006. Le bénéfice net est aussi en forte progression, augmentant de 56 %, soit une hausse de 1,612 milliard d'euros.

L'essentiel de la progression du résultat de l'activité de GDF en France est dû à l'augmentation de la marge sur le gaz, qui consiste en la différence entre le prix de vente et le prix d'achat. Cette marge s'est encore accrue de 13 % au cours du premier semestre, après avoir progressé de 6 % en 2005. À quoi cela est-il dû, si ce n'est à la hausse des tarifs du gaz de près de 26 % en un an ? Nous nous interrogeons donc légitimement sur les justifications de l'augmentation des prix réglementés du gaz de 4% au 1er janvier 2008. À qui profitera une telle progression ?

Pour toutes ces raisons, nous continuons de penser que les tarifs réglementés sont un instrument de puissance publique au service des citoyens consommateurs, afin de garantir l'accessibilité de tous à ce bien universel qu'est l'énergie.

La question de la maîtrise publique est donc fondamentale. D'ailleurs, cette exigence est fortement évoquée par les conclusions de la mission commune d'information sur la sécurité d'approvisionnement électrique de la France et les moyens de la préserver. Je regrette profondément que les conclusions de cette mission bien conduite, pluraliste, unanime, qui a réalisé un travail constructif et pragmatique, soient aussi peu prises en compte par le Gouvernement.

En outre, dans le cadre de la privatisation croissante de ce secteur - je pense notamment à la nouvelle cession de capital d'EDF, mais également au projet du Président de la République de privatiser la filière nucléaire -, nous sommes particulièrement inquiets quant à l'augmentation de ces tarifs et à leur pérennité.

Pour toutes ces raisons, cette loi ne constitue finalement qu'une dérogation temporaire, insuffisante, dans la mesure où elle n'apporte pas une réponse exhaustive aux enjeux énergétiques. Dans le cadre global de la libéralisation, elle ne protégera pas les consommateurs des augmentations de tarifs de l'énergie induits par les impératifs de rétribution des actionnaires des grands groupes.

Pour leur part, les sénateurs communistes ne font pas le choix de la marchandisation de l'ensemble des activités humaines. Ils estiment que la puissance publique doit se doter des instruments industriels nécessaires pour répondre aux enjeux énergétiques du xxie siècle.

Les membres du groupe CRC s'étaient abstenus lors de la première lecture de ce texte. Mais puisque toutes les décisions prises depuis vont à l'encontre de la maîtrise publique de l'énergie et que cette proposition de loi n'améliore en rien cette situation, ils voteront contre, à l'occasion de cette deuxième lecture. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous allons passer à la discussion des articles.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Monsieur le président, je demande une suspension de séance de quarante-cinq minutes afin que la commission des affaires économiques puisse examiner neuf amendements extérieurs déposés depuis sa réunion de ce matin.

M. le président. Le Sénat va donc interrompre ses travaux pour permettre à la commission de se réunir.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante, sous la présidence de Mme Michèle André.)

PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Nous passons à la discussion des articles.

Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux tarifs réglementés d'électricité et de gaz naturel
Article 1er

Articles additionnels avant l'article 1er

Mme la présidente. L'amendement n° 2, présenté par MM. Billout et Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Dans l'attente d'un bilan sur les effets de l'ouverture à la concurrence du secteur énergétique en termes d'emplois, d'efficacité économique et de tarifications, la France, par l'intermédiaire du ministre chargé de l'énergie, demande, auprès des institutions européennes, un moratoire sur les directives européennes.

La parole est à M. Michel Billout.

M. Michel Billout. Nous sommes nombreux à observer que l'ouverture des marchés à la concurrence dans le secteur de l'énergie ne se trouve finalement pas parée de toutes les vertus que l'on nous promettait.

Ainsi, la libre concurrence et les privatisations devaient faire baisser les prix partout en Europe, et d'abord en France, pays prétendument sclérosé par un monopole jugé inefficace et des entreprises publiques peu performantes.

Pourtant, en Europe, les pays qui ont libéralisé le secteur de l'énergie ont connu des augmentations sans précédent de leurs tarifs. Les plus importantes ont concerné le Danemark, où la hausse a été de 91,5 %, et le Royaume-Uni, où elle a atteint 80,7 %.

En France, depuis la libéralisation du marché pour les professionnels, les industriels ayant choisi d'abandonner les tarifs régulés ont eu à supporter des hausses de plus de 75,6 % sur les cinq dernières années. Sur ce plan, j'ai évoqué tout à l'heure le cas des industries électro-intensives.

Concernant le gaz, l'augmentation des tarifs a atteint 30 % en dix-huit mois, alors que les profits de GDF se sont accrus au cours de la même période. Ainsi, pour l'année 2005, les dividendes versés aux actionnaires ont enregistré une hausse de 60 %, et ce en plein accord avec le contrat de service public signé avec l'État, lequel souhaite un rapprochement entre les tarifs libres et les tarifs régulés.

On le voit bien, l'émulation par la concurrence prônée par Bruxelles ne permet pas d'atteindre l'objectif affiché de baisse des tarifs pour les usagers. Les bénéfices de la libéralisation se trouvent finalement plutôt du côté des actionnaires des groupes énergétiques.

Cependant, l'incidence d'une telle déréglementation ne peut se mesurer uniquement en termes de coûts et de tarifs ; il doit également être question de la sécurité d'approvisionnement.

En effet, dans les secteurs du gaz et de l'électricité, des contrats et des programmes d'investissements de long terme sont nécessaires, notamment pour assurer une production et une fourniture continues, ainsi qu'une fiabilité optimale des réseaux.

Or, s'agissant du gaz, les règles du jeu boursier ne favorisent ni l'établissement de relations commerciales stables et mutuellement avantageuses avec les pays producteurs ni la conduite de chantiers de long terme, exigeant des investissements lourds et coordonnés.

En outre, la maintenance et le renouvellement des réseaux de transport d'électricité et des conduites de gaz sont des missions impératives, qui relèvent de l'aménagement du territoire et de la sécurité publique.

Dans cette perspective, la mission commune d'information sur la sécurité d'approvisionnement électrique de la France et les moyens de la préserver a souligné combien il était important d'élaborer un plan pluriannuel d'investissements dans le secteur, pour éviter notamment les pannes géantes, comme celle qui a frappé la France le 4 novembre 2006.

Dans ce cadre, le seul marché ne peut prendre en compte les problématiques liées à la disparité des ressources et aux différents modes de production des pays. Il est, à cet égard, particulièrement inacceptable que la France devienne le « poumon nucléaire » de l'Europe.

Sur le plan national, le changement de politique des entreprises historiques s'est traduit par la fermeture d'agences d'accueil du public, privant parfois des départements entiers de tout guichet d'EDF ou de GDF.

Par ailleurs, comment la France compte-t-elle mettre en oeuvre sérieusement les conclusions du Grenelle de l'environnement si elle s'en remet aux seuls critères comptables du marché dans le secteur de l'énergie ?

En se montrant un tant soit peu attentif à ces problèmes et en considérant que l'ensemble des foyers sont concernés par ces questions, chacun reconnaîtra avec nous qu'il devient urgent, avant de poursuivre le processus, d'examiner sérieusement toutes les implications de cette déréglementation.

Nous disposons d'ailleurs d'assez peu d'éléments sur le véritable coût de cette politique d'abandon des entreprises publiques. Je pense notamment aux contreparties très importantes demandées dans le cadre de la fusion entre Suez et GDF et à l'impératif d'aboutir à une parité d'actions.

Dans ce cadre, nous avons déposé des amendements, que l'on pourrait qualifier d'appel, visant à demander l'abrogation des lois de privatisation et de fusion concernant EDF et GDF. J'y reviendrai dans un instant.

En effet, la maîtrise publique du secteur énergétique est un choix fondamental. Elle est d'ailleurs jugée ainsi par la mission commune d'information sur la sécurité d'approvisionnement électrique de la France et les moyens de la préserver, dont le rapport prône une forte maîtrise publique dans ce domaine : « Le secteur électrique ne saurait être laissé à la ?main invisible? du marché et nécessite une forte régulation publique, la puissance publique ayant une responsabilité particulière et légitime aux yeux des citoyens dans la fourniture d'électricité. »

Concernant la dérégulation du marché électrique, le même rapport souligne encore qu'elle « est parfois tout sauf vertueuse et aboutit à la constitution d'oligopoles privés venant remplacer les monopoles nationaux qu'elle cherchait à démanteler ». On estime ainsi que, lorsque la dérégulation aura complètement abouti, il ne restera que quatre ou cinq opérateurs à l'échelon européen. Voilà une belle concurrence ! On remplace les monopoles publics par des oligopoles privés : quel progrès !

Nous le voyons donc, il s'agit là avant tout de choix politiques.

Au final, nous voterions la présente proposition de loi alors même que le Gouvernement français prône à Bruxelles l'ouverture totale du marché et que le président Sarkozy annonce déjà la privatisation du nucléaire civil. Dans le contexte actuel de libéralisation, les tarifs réglementés seront évidemment sacrifiés ou vidés de leur spécificité par un allégement au profit des tarifs dits libres.

En déposant cet amendement, nous avons donc souhaité attirer une nouvelle fois l'attention du Gouvernement sur la nécessité de réaliser un bilan de la libéralisation dans le secteur énergétique avant toute poursuite du processus, notamment avant le prochain examen du troisième « paquet énergie ». (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Ma réponse portera non pas sur l'ensemble de l'intervention de notre collègue, mais plus précisément sur son amendement, qui tend à demander un moratoire sur l'application des directives européennes concernées, dans l'attente de la réalisation d'un bilan sur les effets de l'ouverture des marchés de l'énergie à la concurrence.

M. Billout défend une position que nous connaissons bien : en effet, à chaque fois que nous débattons d'un texte relatif à l'énergie, il présente avec talent les mêmes arguments. Je lui répondrai donc en reprenant à mon tour les arguments que je lui oppose dans ces circonstances.

J'apporterai trois précisions.

Premièrement, nous faisons régulièrement des bilans de l'ouverture à la concurrence des marchés de l'énergie à l'occasion des différents débats parlementaires portant sur ce thème. Nous prenons alors les mesures adéquates pour parer aux dysfonctionnements du marché. Nous l'avons fait à deux reprises, d'abord avec la création du consortium d'achat d'électricité à long terme Exeltium lors de l'élaboration de la loi de finances de 2005, si j'ai bonne mémoire, ensuite à l'occasion de l'important débat ayant mené à la création du tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché, le TaRTAM, en 2006. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'en faire davantage aujourd'hui.

Deuxièmement, sur le plan communautaire, le débat sur le troisième « paquet énergie » commence. Vous êtes bien informé à cet égard, monsieur Billout, puisque vous participez à la mission qui m'a été confiée sur ce thème. Cela constitue, pour le Parlement, une occasion de se pencher sur le bilan de la politique de libéralisation des marchés énergétiques. Cette démarche va prendre un certain temps, vous le savez, mais vous serez associé à chacune de ses étapes. Je pense que nous pourrons établir un bon bilan grâce aux échanges que nous pourrons avoir, tant au Sénat qu'à l'étranger, avec tous les acteurs du marché de l'énergie, en particulier les producteurs et les régulateurs. C'est là, à mon avis, une nouvelle occasion de faire un bilan : on n'en fait jamais assez mais, dans l'état actuel des choses, cela me paraît satisfaisant.

Enfin, troisièmement, l'amendement n° 2 constitue à mon sens une injonction adressée au Gouvernement. Il me semble donc irrecevable sur le plan constitutionnel. C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Comme M. le rapporteur l'a rappelé, nous avions déjà eu ce débat lors de la première lecture de ce texte.

Monsieur Billout, le Gouvernement ne peut être favorable à votre amendement dans la mesure où il entend tenir les engagements souscrits par notre pays. En tout état de cause, nos partenaires ne sont pas prêts à rediscuter les directives européennes négociées en 2003, alors même que les travaux sur le troisième « paquet énergie » sont engagés depuis septembre dernier.

Pour ces raisons et pour celles qui ont été fort bien évoquées par M. le rapporteur, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 2.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 5, présenté par MM. Billout et Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Electricité de France et Gaz de France ainsi que leurs gestionnaires de réseaux de transports et de distribution sont fusionnés au sein d'un pôle public de l'énergie.

La parole est à M. Michel Billout.

M. Michel Billout. Cet amendement d'appel tend à proposer une alternative au projet de fusion entre Suez et GDF, même si celui-ci est bien engagé.

En effet, nous estimons que, loin de permettre la constitution d'un géant énergétique, la création de ce nouvel ensemble n'aurait comme seule justification que de démanteler encore un peu plus le service public à la française, ce projet ne se justifiant ni politiquement ni industriellement.

Ainsi, le Gouvernement fait le choix de laisser aux actionnaires des grands groupes un pouvoir sans précédent pour influencer la politique énergétique de la France : nous ne pouvons l'accepter.

Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen proposent pour leur part un projet absolument différent, seul apte à répondre aux intérêts et aux besoins de notre pays dans le cadre de l'Union européenne.

À l'instar de la démarche engagée par certains pays européens comme le Portugal, l'Allemagne ou l'Espagne, nous souhaitons en effet le rapprochement des deux opérateurs historiques. Il nous est toujours répondu que les contreparties à un tel projet seraient très importantes, de l'ordre de 7 milliards d'euros pour GDF et de 17 milliards d'euros pour EDF.

Il est cependant difficile de se prononcer en l'absence d'une réelle étude sur les contreparties qui seraient exigées. Et force est de constater que, dans le cadre actuel, nous allons également subir des contreparties importantes.

Tout d'abord, ce projet de fusion entre GDF et Suez correspond à un affaiblissement de Suez, entreprise qui a été contrainte de céder ses activités environnementales.

Ensuite, la sécurité d'approvisionnement ne sera pas renforcée puisque le nouvel ensemble devra céder à la concurrence une partie des contrats de long terme.

Les tarifs risquent également de flamber en raison de l'appétit de dividendes de la part des actionnaires, lesquels ont déjà prévu une augmentation de 10 % de leur part.

Enfin, la hausse des prix de GDF de 4 % au 1er janvier 2008 est largement liée aux opérations boursières nécessitées par la volonté d'aboutir à une parité d'action entre GDF et Suez.

Et nous n'avons pas encore épuisé le chapitre des contreparties !

Par ailleurs, l'abandon du principe de spécialité des entreprises historiques met directement ces dernières en concurrence, ce qui risque de provoquer un énorme gâchis.

De plus, ce projet remet grandement en cause la sûreté nucléaire. En effet, je rappelle, même si nous en avons déjà parlé, que l'actuel président de la République proclamait en 2004 « qu'une centrale nucléaire, ce n'est pas un central téléphonique ! Un gouvernement ne prendra jamais le risque de privatiser l'opérateur des centrales nucléaires. » Mais Mme la ministre Christine Lagarde annonce qu'elle est favorable au développement du parc nucléaire privé Suez-GDF.

Nous pouvons donc légitimement penser que le monopole français d'EDF concernant la production nucléaire risque de voler en éclats, ce qui serait catastrophique pour des raisons de sécurité, la recherche de dividendes se faisant souvent au détriment des conditions de travail des agents et de sécurité des installations.

Nous sommes en parfaite adéquation avec les conclusions de la mission commune d'information sur la sécurité d'approvisionnement électrique de la France et les moyens de la préserver qui permettent peut-être de fournir des éléments de bilan. Selon la mission d'information, le fait que « le système français de gestion du nucléaire confie à un acteur public unique, EDF, le soin de gérer et d'exploiter la totalité des centrales » est pour nous « un gage de maîtrise publique de cette filière et permet [...] une exploitation performante ». Ainsi, « EDF n'est pas une entreprise comme une autre, ce qui justifie pleinement le fait que l'État détienne une très large majorité de son capital social ».

Par déduction, selon les conclusions de la mission, toute entreprise exploitant nucléaire doit faire l'objet d'une forte maîtrise publique, ce qui ne sera pas le cas pour l'ensemble GDF-Suez.

Pour finir, le dispositif actuel place les pouvoirs publics en dehors de toute recherche pour répondre aux enjeux de la raréfaction des ressources fossiles et du respect des engagements de Kyoto.

Nous le voyons donc bien, le projet mené par le Gouvernement comporte également des contreparties particulièrement lourdes, et ce sans le bénéfice évident d'un rapprochement des deux opérateurs historiques.

En effet, il est de plus en plus souvent admis que la fusion de deux entreprises aussi intimement liées qu'EDF et GDF serait un facteur d'optimisation économique.

Le choix de la fusion a donc plusieurs justifications.

Tout d'abord, il est à peu près certain que la France connaîtra un déficit de production d'électricité avant 2010 et qu'il est trop tard pour engager la construction d'une nouvelle tranche nucléaire opérationnelle à cette échéance. L'augmentation de la production d'électricité à partir du gaz est donc inéluctable d'ici à dix ans, en appui ou non à l'énergie éolienne.

Ensuite, la création de ce grand groupe mondial de l'énergie s'inscrirait dans le mouvement de concentration et de création de champions énergétiques capables de proposer une offre multiénergie, illustré par le rapprochement entre E.ON et Ruhrgas, en Allemagne. Un tel groupe serait en mesure d'affronter la concurrence découlant de l'ouverture totale des marchés, tout en assurant les missions de service public.

Rien ne s'oppose donc à cette alternative, qui seule peut garantir durablement, dans le cadre de la maîtrise publique de la politique énergétique, un service public de qualité pour les usagers, la sécurité de l'approvisionnement, l'indépendance énergétique de la France, ainsi qu'un niveau élevé de sûreté, indispensable pour le nucléaire.

Nous devons utiliser ces formidables outils que sont EDF et GDF non pour mener une guerre frontale, mais pour engager une politique forte en vue de l'accès de tous à une énergie propre, durable, et sécurisée.

Tel est l'objet de cet amendement qui vise à renforcer la maîtrise publique de la politique énergétique de notre pays, ainsi qu'à développer les synergies entre les deux entreprises historiques qui ont fait la preuve de leur efficacité.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Mes chers collègues, cet amendement nous est bien connu, puisque le groupe CRC le présente régulièrement. Cependant, il y a là une variante par rapport à la version examinée lors de la première lecture de cette proposition de loi et à l'occasion des deux débats de 2006 : le groupe CRC ne propose plus systématiquement la fusion à 100 % d'EDF et de GDF. Cela permet d'éviter habilement le couperet de l'article 40, car, s'il fallait que l'État rachète les 13 % privatisés d'EDF et les 17 % de GDF, il en coûterait au moins une trentaine de milliards d'euros !

En revanche, sur le fond, nous connaissons bien la position du groupe CRC, et la nôtre n'a absolument pas changé. Il faudrait - le groupe CRC le sait très bien - que GDF et EDF abandonnent une partie de leur capital de production, de stockage ou de transport. Nous considérons qu'une telle mesure serait insupportable pour l'une ou l'autre entreprise, qui seraient en partie décapitées. C'est la première raison pour laquelle nous sommes hostiles à cet amendement. Je ne vois d'ailleurs pas ce que ce dernier apporterait à l'État ou au consommateur. Mais ne relançons pas le débat sur ce sujet.

Je voudrais attirer votre attention sur un second argument : la fusion que tend à prévoir cet amendement aurait pour conséquence la suppression des filialisations des activités de transport. Or, cette exigence découle des directives européennes. Nous tomberions donc là-aussi sous un couperet, mais cette fois européen.

Pour ces deux raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Monsieur Billout, le Gouvernement a pris la décision de mener à bien l'opération de fusion entre GDF et Suez en recentrant les activités du groupe sur l'énergie.

Le nouveau groupe sera l'un des plus grands acteurs multiénergies sur les plans européen et mondial, pour le plus grand bénéfice de la sécurité d'approvisionnement du territoire, et au meilleur prix.

Avant de prendre cette décision, le Gouvernement a examiné de manière approfondie l'ensemble des solutions envisageables. Toutes les options concernant l'avenir de GDF ont été examinées. Parmi celles-ci, figurait celle d'une fusion entre GDF et EDF. Le Gouvernement a décidé d'écarter cette option parce qu'elle n'aurait pu être acceptée par la Commission européenne qu'au prix d'un démantèlement des deux entreprises, et probablement du parc nucléaire français. Il n'était pas envisageable que le Gouvernement accepte de telles contreparties.

Je voudrais également rappeler que le projet de fusion GDF-Suez ne remet pas en cause les dispositions de la loi relative à la fixation des tarifs réglementés de vente et de gaz. L'État continuera de fixer ces tarifs après avis de la Commission de régulation de l'énergie. Par ailleurs, je rappelle à M. Billout que l'obligation de séparation juridique des gestionnaires de réseaux de transport et de distribution des entreprises exerçant des activités de nature concurrentielle résulte des directives européennes de 2003.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 5.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. Même si je n'ai pas l'intention de voter cet amendement, je considère qu'il soulève un réel problème. Monsieur le secrétaire d'État, l'État va être actionnaire de deux sociétés concurrentes. Comment va-t-il gérer cette schizophrénie ? (Rires sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels avant l'article 1er
Dossier législatif : proposition de loi relative aux tarifs réglementés d'électricité et de gaz naturel
Article additionnel après l'article 1er

Article 1er

L'article 66 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique est complété par un IV et un V ainsi rédigés :

« IV. - Lorsqu'un consommateur final domestique d'électricité a exercé pour la consommation d'un site la faculté prévue au I de l'article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée depuis plus de six mois, il peut, sous réserve d'en faire la demande avant le 1er juillet 2010, à nouveau bénéficier des tarifs réglementés de vente d'électricité mentionnés au premier alinéa du I de l'article 4 de la même loi.

« V. - Un consommateur final non domestique souscrivant une puissance électrique égale ou inférieure à 36 kilovoltampères qui en fait la demande avant le 1er juillet 2010 bénéficie des tarifs réglementés de vente d'électricité pour la consommation d'un site, à condition qu'il n'ait pas lui-même fait usage pour ce site de la faculté prévue au I de l'article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée. »

Mme la présidente. Je suis saisie de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1, présenté par M. Pintat, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L'article 66 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi rédigé :

« I - Un consommateur final domestique d'électricité bénéficie des tarifs réglementés de vente d'électricité mentionnés au premier alinéa du I de l'article 4 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée, pour la consommation d'un site pour lequel il a souscrit un abonnement avant le 1er juillet 2010 et pour lequel il n'a pas fait usage de la faculté prévue au I de l'article 22 de la même loi, ou pour lequel il n'use plus de cette faculté après l'avoir exercée, sous réserve, dans ce cas, de l'écoulement d'un délai minimum de six mois avant que le bénéfice des tarifs réglementés ne lui soit à nouveau accordé. »

2° Il est complété par un IV ainsi rédigé :

« IV - Un consommateur final non domestique souscrivant une puissance souscrite électrique égale ou inférieure à 36 kilovoltampères qui en fait la demande avant le 1er juillet 2010 bénéficie des tarifs réglementés de vente d'électricité pour la consommation d'un site, à condition qu'il n'ait pas lui-même fait usage de la faculté prévue au I de l'article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée. »

La parole est à M. Xavier Pintat.

M. Xavier Pintat. Mon intervention vaut pour l'amendement n° 1 et pour le sous-amendement n° 12.

L'amendement n° 11 de la commission répond au problème, que j'ai soulevé, des consommateurs domestiques basculant, sans le vouloir, dans le marché. C'était d'ailleurs l'objet de la proposition de loi initiale de notre collègue Ladislas Poniatowski.

Mais la rédaction de l'article 66 de la loi de 2005 qui résulterait de son adoption pourrait apparaître entachée d'une contradiction entre le paragraphe I et les paragraphes IV, V et VI.

Mon sous-amendement n° 12 permettrait de lever ce problème. Par conséquent, si ce dernier était adopté, je me rallierais avec enthousiasme à l'amendement de la commission, qui répond aux objectifs de mon propre amendement n° 1.

Mme la présidente. L'amendement n° 11, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission, est ainsi libellé :

A. - Remplacer le texte proposé par cet article pour le IV de l'article 66 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique par deux paragraphes ainsi rédigés :

« IV. - Un consommateur final domestique d'électricité qui en fait la demande avant le 1er juillet 2010 bénéfice des tarifs réglementés de vente d'électricité pour la consommation d'un site, à condition qu'il n'ait pas lui-même fait usage pour ce site de la faculté prévue au I de l'article 22 précité.

« V. - Lorsqu'un consommateur final domestique d'électricité a fait usage pour la consommation d'un site de cette faculté depuis plus de six mois, il peut, sous réserve d'en faire la demande avant le 1er juillet 2010, à nouveau bénéficier des tarifs réglementés de vente d'électricité pour ce site. »

B. - En conséquence, au début du dernier alinéa de cet article, remplacer la référence :

V. -

par la référence :

VI. -

C. - Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

II. Le 5° de l'article L. 121-87 du code de la consommation est ainsi rédigé :

« 5° La mention du caractère réglementé ou non des prix proposés et de la possibilité pour une personne ayant renoncé aux tarifs réglementés de vente pour un site donné de revenir ou non sur ce choix ; »

D. - En conséquence, faire précéder le premier alinéa de cet article de la mention :

I

La parole est à M. le rapporteur.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Comme je l'ai annoncé lors de la discussion générale, cet amendement vise à corriger un bug juridique du texte adopté par l'Assemblée nationale. Avec la réversibilité, les députés ont instauré un bon système, mais ils ont au passage oublié les malheureux Français qui déménagent. Ces derniers peuvent se retrouver liés par le choix d'un occupant précédent, et donc condamnés à choisir le tarif libre si le locataire précédent avait opté pour celui-ci.

Mon amendement tend donc à ajouter au système de réversibilité proposé par les députés la rédaction que nous avions adoptée à l'unanimité en première lecture au Sénat.

Par ailleurs, j'indique d'ores et déjà que la commission émet un avis favorable sur le sous-amendement de précision de Xavier Pintat, ce qui permettra à ce dernier de retirer son amendement n° 1. J'ai bien entendu une très nette préférence pour l'amendement n° 11 de la commission, qui reprend, je le rappelle, la rédaction adoptée à l'unanimité par le Sénat en première lecture.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 12, présenté par M. Pintat, est ainsi libellé :

Après le B de l'amendement n°11, insérer un  paragraphe ainsi rédigé :

B bis. - En conséquence, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Au début du premier alinéa du I du même article, sont ajoutés les mots : « Sous réserve des dispositions prévues au IV, V et VI du présent article, ».

Ce sous-amendement a été défendu.

L'amendement n° 7, présenté par M. Zocchetto, est ainsi libellé :

I. - Dans le deuxième alinéa de cet article, supprimer le mot :

domestique

II. - Supprimer le dernier alinéa de cet article.

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 3, présenté par MM. Billout et Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

I. - Dans le deuxième alinéa de cet article, supprimer les mots :

, sous réserve d'en faire la demande avant le  1er juillet 2010,

II. - Dans le dernier alinéa de cet article, supprimer les mots :

qui en fait la demande avant le 1er juillet 2010

La parole est à M. Michel Billout.

M. Michel Billout. Avec cet amendement, nous souhaitons revenir sur le point à notre avis crucial de cette proposition de loi. Ce texte organise la réversibilité totale de l'accès aux tarifs réglementés, objectif que nous partageons dans l'intérêt des consommateurs. Cependant, nous ne nous satisfaisons pas de l'instauration d'une date butoir, en l'occurrence le 1er juillet 2010.

En effet, vous conviendrez avec nous que l'avenir des tarifs réglementés dans le cadre de la libre concurrence apparaît plus que menacé.

La Commission a engagé deux procédures communautaires d'infraction contre la France : l'une pour manquement, l'autre pour aide d'État, concernant, notamment, la mise en place du TaRTAM.

Selon la Commission, ces tarifs sont anticoncurrentiels, soit parce qu'ils constituent des barrières inacceptables pour les nouveaux entrants, soit parce qu'ils sont considérés comme des aides d'État.

Dans la lettre de mise en demeure qu'elle a adressée à la France pour transposition incorrecte des directives, la Commission estimait, en outre, que le « mode de fixation étatique des prix ayant un tel caractère de [...] rigidité, dénué de transparence dans son mode d'attribution [...] ne peut être présumé indispensable dans un système où le libre jeu de la concurrence entraîne en principe la fixation de prix compétitifs ».

Dans ce contexte, quel sens donner à la date butoir du 1er juillet 2010 ?

M. le rapporteur nous a expliqué, lors de la première lecture, qu'il fallait y voir non pas la fin des tarifs régulés, mais plutôt un signe destiné à ne pas « braquer » la Commission. Histoire de passer en douce, un peu...

Il est néanmoins difficile de croire que la Commission sera plus favorable au maintien des tarifs régulés après le 1er juillet 2010. Votre argument selon lequel il ne s'agirait là que de « temporiser en attendant de négocier le maintien des tarifs » paraît bien faible !

Si cette date butoir est susceptible de « décrisper » la Commission, n'est-ce pas plutôt parce que vous apportez là à cette dernière une preuve de bonne volonté, permettant d'éviter une condamnation de la France ?

De plus, pour justifier ce dispositif transitoire, vous arguez de la possibilité donnée au marché de « mûrir ».

Dès lors, comment ne pas voir en cette limite temporelle la programmation d'un rendez-vous préalable à une nouvelle étape de la dérégulation du marché énergétique ?

Les distributeurs énergétiques ont d'ailleurs bien compris que, après 2010, la donne allait changer. À cet égard, l'exemple de Direct Énergie est parlant : ce fournisseur indépendant promet à ses clients de « conserver un prix compétitif inférieur au tarif réglementé en vigueur au minimum jusqu'au 1er juillet 2010 ». Après, on verra ! Troublante coïncidence...

De plus, l'ouverture du capital des entreprises publiques a entériné le passage à une nouvelle politique d'entreprise, tournée vers la réalisation de bénéfices permettant la rémunération des actionnaires.

Ainsi, il est stipulé dans le contrat de service public liant l'État à Gaz de France jusqu'au 31 décembre 2007 - il est aujourd'hui caduc, on verra le prochain - qu'il convient « de rechercher, à l'occasion de chaque mouvement tarifaire, la convergence entre les tarifs et les prix de vente en marché ouvert, et ce pour chaque type de clients, dont les ménages ». Dans un même mouvement, les nouveaux entrants pratiqueront donc des tarifs particulièrement bas pour séduire les consommateurs, et les entreprises historiques augmenteront leurs tarifs.

Ce processus permettra de justifier en 2010 la suppression des tarifs réglementés, qui ne garantiront plus aux consommateurs des prix abordables pour l'accès à ce bien de première nécessité.

Dans ce contexte, la récente décision du Conseil d'État tombe à pic : elle annule l'arrêté qui gelait la hausse du tarif du gaz pris en décembre 2005 par le Gouvernement.

Contrairement à ce que l'on pourrait penser, cette requête a été introduite non par GDF, mais par un fournisseur privé, Poweo. Le dépôt de cette requête s'explique par le fait que le maintien d'un tarif régulé modéré gêne la concurrence et l'implantation de concurrents privés.

À terme, il est donc fort à craindre que les tarifs libres, ainsi que les tarifs réglementés, n'augmentent considérablement, ce qui est dans l'intérêt des actionnaires des grands groupes, mais non dans celui des consommateurs.

Par ailleurs, comment ne pas rapprocher également de la question du maintien des tarifs réglementés l'obligation faite à EDF de vendre au moindre coût son énergie nucléaire à la concurrence, et ce alors même que cela constitue pour elle un risque majeur ? En effet, la mise en place d'un bas tarif de cession d'électricité en gros pourrait compromettre à terme les investissements nécessaires en France. De plus, la mise en place d'un droit de tirage sur le parc nucléaire d'EDF permet de transférer à des concurrents la compétitivité du nucléaire sans effet bénéfique pour les consommateurs et sans que ces concurrents n'assument ni l'investissement, ni le risque de l'exploitation, ni l'aval du cycle, qui comporte les difficultés que nous connaissons.

Tous ces éléments imbriqués concourent à l'instauration au plus vite des conditions d'un marché libre dans lequel les tarifs réglementés n'auraient plus de raison d'être et dans lequel ils ne pourront plus être tenus.

Nous estimons donc que l'instauration d'une date butoir pervertit les objectifs de réversibilité et ne change rien à terme concernant leur disparition programmée.

Si les autres articles de la proposition de loi étaient encore en discussion, nous aurions déposé ce même amendement concernant le gaz ou les nouveaux logements.

Nous continuons donc de penser que les tarifs réglementés dans le cadre d'entreprises intégralement publiques sont le gage du bon accomplissement du service public.

Telles sont, mes chers collègues, les raisons pour lesquelles nous vous demandons d'adopter cet amendement.

Mme la présidente. L'amendement n° 10, présenté par MM. Raoul, Pastor, Courteau, Bel et Dussaut, Mme Herviaux, MM. Madrelle, Piras, Raoult, Reiner, Ries, Lejeune, Repentin, Sergent, Teston et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Dans les deuxième et troisième alinéas de cet article, supprimer les mots :

avant le 1er juillet 2010

La parole est à M. Jean-Marc Pastor.

M. Jean-Marc Pastor. Notre amendement ressemble comme un frère jumeau à celui que vient de défendre notre collègue Michel Billout.

De quoi s'agit-il ? Pourquoi ne sommes-nous pas favorables au maintien dans ce texte de la date butoir du 1er juillet 2010 ? Parce qu'un certain nombre de précédents nous inquiètent ! Depuis trois ans, en effet, les pouvoirs publics proposent régulièrement d'augmenter les tarifs d'EDF, mais également ceux de GDF, afin de rapprocher le tarif régulé du prix du marché.

Nous savons très bien que, avec le temps, l'écart entre le tarif régulé et le prix du marché deviendra infime, au point que, en 2010, la question n'aura naturellement plus besoin d'être posée. Il ne sera alors plus question de maintenir un tarif régulé ; nous passerons, comme le propose la Commission, au prix du marché et au marché libre, avec tout ce que cela suppose de désagréments. C'est le sens de l'histoire. Ainsi, en trois ans, les entreprises passées au prix du marché ont connu une augmentation de 117 %, ce qui n'est tout de même pas rien ! Telle est la première raison pour laquelle nous sommes contre cette date butoir.

La seconde raison de notre opposition tient à l'actualité. M. Jean-François Cirelli, président-directeur général de GDF, essaie en effet de conforter le capital de GDF par une simple participation de près de 1 milliard d'euros - tout de même ! - afin de faciliter la fusion entre GDF et Suez. Or c'est grâce au fruit des augmentations prélevées chez le consommateur - le milliard d'euros en question - qu'un tel rapprochement est facilité ! Cela nous gêne. Nous n'avons donc pas confiance en ce qui nous est proposé.

En revanche, nous le crions haut et fort, nous sommes d'accord avec le texte qui nous est présenté par M. le rapporteur et avec l'objectif de maintenir un tarif régulé. Nous partageons pleinement ses inquiétudes et ses interrogations.

Nos divergences viennent d'un certain nombre d'éléments qui nous ont fait perdre confiance dans les choix opérés.

Certes, comme l'a déclaré M. le secrétaire d'État au cours de la discussion générale, rien n'empêchera de maintenir les tarifs régulés après 2010, car aucun texte européen n'impose leur suppression.

M. Bruno Sido. Pour l'instant !

M. Jean-Marc Pastor. Si nous sommes tout à fait d'accord avec lui, nous préférons néanmoins qu'aucune date butoir ne soit fixée. Nous souhaitons que le Gouvernement et le Parlement français unissent leurs efforts auprès de la Commission afin que les prix régulés soient maintenus, puisque rien, dans les textes européens, n'interdit leur maintien. Annoncer une date butoir, c'est accepter dès aujourd'hui de basculer, en juillet 2010, au prix du marché.

On peut délibérément choisir la libéralisation complète et l'ouverture du marché. C'est un choix politique, que je comprends et que je respecte. Mais quand on nous demande de nous faire hara-kiri, je dis : « Non ! »

Essayons plutôt de déterminer une position française afin de préserver le tarif régulé, car c'est le seul moyen de permettre au consommateur de base d'être protégé et d'être rassuré, à un moment où il est beaucoup question du pouvoir d'achat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. L'amendement n° 6, présenté par MM. Sido, Mortemousque et Nachbar, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Le I de l'article 30-1 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières est ainsi modifié :

1° Dans la seconde phrase du premier alinéa, les mots : « pour une durée de deux ans » sont remplacés par les mots : « jusqu'au 1er juillet 2010 » ;

2° La dernière phrase du second alinéa est supprimée.

La parole est à M. Bruno Sido.

M. Bruno Sido. Les raisons invoquées à juste titre pour justifier la suppression de la règle dite du « non-retour » pour les consommateurs privés sont également valables pour les consommateurs professionnels, car, alors qu'ils ont cru aux vertus du marché - ils ont raison d'y croire en général, sauf en la circonstance ! -, ils subissent son injustice bien plus encore que les particuliers, en raison de leur consommation importante.

Quant aux industriels qui sont restés aux tarifs réglementés, la règle du non-retour les empêche, en pratique, comme les consommateurs domestiques, de conclure des contrats sur le marché libre avec des concurrents d'EDF, de peur de ne pas pouvoir renouveler ces contrats à des conditions intéressantes et de ne pas pouvoir revenir aux tarifs réglementés.

La France, en énonçant la règle du non-retour aux tarifs réglementés pour les sites considérés comme ayant exercé leur éligibilité, s'est infligé une contrainte particulièrement pénalisante, dont se sont au contraire exonérés de nombreux autres pays européens. Selon une étude publiée au mois de juin 2007 par l'ERGEG, le Groupe des régulateurs européens de l'électricité et du gaz, quatorze États membres ont conservé pour leurs industriels des tarifs réglementés à côté du marché libre, tandis que trois autres États membres seulement se limitent aux petits consommateurs. La règle du non-retour n'a été instaurée que par trois États, dont la France.

Heureusement, grâce à l'initiative du Gouvernement - en la personne de François Loos, si ma mémoire est bonne -, les consommateurs professionnels disposent déjà du TaRTAM, mais ce dernier est bien plus élevé - jusqu'à 23 % ! - que les tarifs réglementés. En outre, il n'est que provisoire jusqu'en 2008.

Cependant, je ne propose pas d'étendre les dispositions de la proposition de loi à l'ensemble des consommateurs finals d'électricité, même si cela aurait l'avantage de la cohérence en évitant de faire une distinction entre le régime des anciens sites de consommation et celui des nouveaux sites, à l'instar de l'article 66-2 inséré par la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 dans la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique

Il est nécessaire de sécuriser les consommateurs professionnels d'électricité en prolongeant dès maintenant le TaRTAM et en alignant logiquement sa durée sur celle qui est prévue pour les tarifs réglementés.

Le TaRTAM n'étant plus applicable après le 31 décembre 2008 pour les premiers sites ayant demandé le bénéfice de ce dispositif, le risque est grand pour les entreprises qui en ont bénéficié de se retrouver, début 2009, sans solution face à des prix de marché qui atteignent des records historiques.

Permettez-moi de vous donner quelques chiffres. Aujourd'hui, hors transport et distribution, le mégawatheure réglementé vaut 30 euros. Le mégawatheure TaRTAM vaut, lui, un tiers de plus, soit 40 euros. Aujourd'hui, le prix sur le marché à terme pour le 1er janvier 2009 est de 63,50 euros.

Monsieur le secrétaire d'État, vous qui êtes chargé de la consommation, vous avez bien compris qu'il y a derrière tout cela de l'inflation, de la délocalisation.

M. Jean Arthuis. Évidemment !

M. Bruno Sido. Certes, le dépôt et l'examen d'un rapport du Gouvernement au Parlement sur l'application du TaRTAM sont prévus au plus tard - je précise bien « au plus tard » - à la fin de l'année 2008, avant de décider d'une éventuelle prolongation.

Mais il est d'ores et déjà avéré que le TaRTAM est un véritable succès. En effet, 3 600 sites industriels, représentant 72 % de la consommation des clients professionnels - de la consommation, et non des consommateurs - en offre de marché, sont passés au TaRTAM.

Surtout, les raisons qui ont conduit à la mise en place de ce dispositif perdurent encore aujourd'hui puisque les tensions constatées sur les marchés de l'énergie en Europe ne font que s'aggraver.

Aussi, afin d'éviter le risque que j'évoquais pour les entreprises, tout en laissant le temps nécessaire aux parties prenantes de mettre en place une solution pérenne, il est nécessaire d'aligner dès maintenant la durée d'application du TaRTAM sur celle des tarifs réglementés et de prévoir son maintien jusqu'au 1er juillet 2010.

Alors que, selon la loi, le rapport doit être remis au plus tard à la fin de l'année 2008, le Gouvernement a, paraît-il, l'intention de ne le déposer qu'au début, voire dans le courant de l'année 2009, à moins qu'il ne décide finalement de le remettre courant 2008. Cela laisserait à tout le monde, notamment aux industriels, le temps de réfléchir.

Mon amendement permettra au Gouvernement de consacrer ce temps à dégager des solutions - telle est bien en effet la question - pour l'après-TaRTAM.

Mme la présidente. L'amendement n° 8, présenté par M. Zocchetto, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - À la fin de la première phrase du premier alinéa du I de l'article 30-1 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, l'année : « 2007 » est remplacée par l'année : « 2010 ».

Cet amendement n'est pas soutenu.

Quel est l'avis de la commission sur les divers amendements ?

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je rappelle que la commission souhaite le retrait de l'amendement n° 1, et qu'elle émet un avis favorable sur le sous-amendement n° 12.

Les amendements nos 3 et 10 ont pour objet la suppression de la date butoir du 1er juillet 2010.

Mes chers collègues, comme je l'avais rappelé à l'occasion de l'examen de la présente proposition de loi en première lecture, c'est-à-dire au mois d'octobre 2007, il existe actuellement un contentieux entre notre pays et la Commission européenne sur la question du tarif réglementé.

Nous avions décidé de fixer une date butoir afin de ne pas provoquer la Commission européenne. J'avais alors souligné que le retour au principe d'une réversibilité quasi-totale pourrait être interprété par cette dernière comme une « déclaration de guerre ».

En l'occurrence, l'institution de la date butoir au 1er juillet 2010 nous laisse du temps.

En effet - et, à cet égard, les arguments des amendements nos 3 et 10 sont plutôt justifiés, monsieur le secrétaire d'État -, notre divergence avec la Commission européenne concerne la réglementation de nos tarifs. Comme vous le savez, cette dernière n'accepte pas un tel principe, car elle considère que le tarif d'électricité français est un tarif « subventionné ».

Il nous appartient donc de profiter du délai dont nous disposons pour expliquer à la Commission que ce tarif correspond simplement au coût réel de fabrication de l'électricité en France.

M. Charles Revet. Bien sûr ! Il faut l'expliquer !

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. En effet, notre pays bénéficie d'un grand atout : son parc de centrales nucléaires.

Nous pouvons utiliser le délai pour convaincre la Commission européenne que notre tarif d'électricité n'est pas subventionné. Il s'agit d'un tarif réel, qui comprend tous les coûts, à savoir les coûts de production, d'amortissement, de désengagement de nos centrales nucléaires et - je me tourne vers nos collègues Bruno Sido et Gérard Longuet - de traitement de nos déchets à haute radioactivité.

Ne provoquons pas Bruxelles. La date butoir paraît astucieuse et intelligente, et il ne semble donc pas opportun de la supprimer.

Aussi, même si je ne pense pas parvenir à les convaincre, je demande aux auteurs respectifs des amendements nos 3 et 10 de bien vouloir les retirer, faute de quoi l'avis de la commission sur ces deux amendements serait défavorable.

L'amendement n° 6 concerne le TaRTAM, que nous avons institué dans le cadre de la loi du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie.

J'approuve totalement notre collègue Bruno Sido quand il rappelle qu'il s'agit là d'un véritable sujet.

En effet - à l'époque, vous n'étiez pas notre interlocuteur, monsieur le secrétaire d'État -, c'est sur mon initiative qu'un tel dispositif avait été adopté. C'est donc bien le Sénat qui l'a institué. Nous avons inséré une disposition précise dans le texte législatif. En effet, l'article 15 de la loi du 7 décembre 2006 dispose ceci : « Le Gouvernement présente au Parlement, avant le 31 décembre 2008, un rapport sur la formation des prix sur le marché de l'électricité et dressant le bilan de l'application de la création du tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché. »

Un tel rapport devra analyser les effets du TaRTAM et pourra notamment envisager sa prolongation dans le temps, ainsi que M. Bruno Sido vient de l'évoquer.

Certes, monsieur le secrétaire d'État, la demande de Bruno Sido me semble un peu précipitée. Dans la mesure où il est prévu que l'application du TarTAM sera définitivement terminée à compter du 1er juillet 2009, il serait anormal de décider brutalement de prolonger le dispositif jusqu'au 1er juillet 2010 sous le seul prétexte que cette date est mentionnée dans la proposition de loi. Attendons de connaître le bilan d'une telle mesure avant d'envisager de la proroger.

Toutefois, et j'appuie la demande de M. Bruno Sido sur ce point, la loi du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie dispose bien que le rapport doit être remis non pas au début de l'année 2009, mais bien à la fin de l'année 2008.

Il faut donc que nous ayons des éléments d'information dès le mois de septembre ou le mois d'octobre de l'année 2008, afin de vérifier si les chiffres indiqués par notre collègue sont exacts.

M. Bruno Sido a évoqué des prix moyens. En fait, la loi du marché est beaucoup plus dure. Il existe des milliers - je dis bien des milliers - de situations. Dans certains cas de figure, il s'agit bien des prix que notre collègue a annoncés. Ainsi, le TaRTAM peut représenter 20 % ou 30 % de plus que les tarifs réglementés. En outre, le coût de 63,5 euros, qui a été mentionné, est effectivement prévisible dans les accords déjà signés pour l'année 2009. (M. Bruno Sido acquiesce.)

Dès lors, si nous disposons d'un rapport au mois de septembre ou d'octobre 2008, nous aurons de telles informations. Si le consommateur ne paie pas actuellement 63,5 euros le mégawatheure, il est prévu dans les contrats signés aujourd'hui qu'ils acquitteront un tel montant en 2009. Nous avons donc besoin que le bilan du dispositif soit dressé.

Par conséquent, monsieur le secrétaire d'État, avant de demander à M. Bruno Sido de retirer son amendement, je sollicite de votre part l'engagement, au nom du Gouvernement, que la loi du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie sera bien respectée et qu'un rapport dressant le bilan du dispositif sera remis au Parlement avant la fin de l'année 2008.

Sous le bénéfice d'un tel engagement, je demande à notre collègue Bruno Sido de bien vouloir retirer son amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. L'amendement n° 1 vise à clarifier les conditions dans lesquelles les consommateurs peuvent bénéficier de tarifs réglementés dans deux situations particulières, c'est-à-dire l'emménagement dans un logement et la réversibilité au tarif dans un même logement, sous réserve d'un délai de six mois.

Nous avons déjà eu un tel débat et nous partageons ce souci de clarification. De ce point de vue, je tenais à saluer le travail que vous avez effectué sur le sujet, monsieur Xavier Pintat.

Pour autant, à mon sens, le dispositif que l'amendement n° 11, présenté par la commission, vise à instituer permet d'atteindre le même objectif, et ce en maintenant au-delà du 1er juillet 2010 la règle en vertu de laquelle le bénéfice du tarif est attaché au site de consommation, règle que l'amendement n° 1 a l'inconvénient de supprimer.

Monsieur Pintat, vous avez déposé un sous-amendement à l'amendement n° 11. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis favorable sur ces deux textes. Ainsi, comme l'a rappelé M. le rapporteur, nous en reviendrons à la rédaction qui avait été adoptée lors de la première lecture.

Les amendements nos 3 et 10 visent à supprimer la date butoir du 1er juillet 2010.

Messieurs Michel Billout et Jean-Marc Pastor, sans vouloir polémiquer, je dois dire que j'ai un peu de mal à vous suivre.

En effet, vous souhaitez inscrire le tarif réglementé dans la durée. Pour cela, vous voulez supprimer la date butoir du 1er juillet 2010.

Vous vous inquiétez pour l'avenir du tarif réglementé. Or le commissaire européen en charge de ce dossier, qui a été auditionné récemment par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, ne s'en préoccupe pas, lui.

Pour défendre un tel tarif, vous voulez supprimer la date du 1er juillet 2010. Or c'est précisément le problème de la date qui avait abouti à la censure du texte législatif par le Conseil constitutionnel. Par conséquent, si la date butoir était supprimée, la proposition de loi risquerait de faire également l'objet d'une censure.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 3 et 10.

D'ailleurs, comme l'a très bien indiqué M. le rapporteur, le maintien de la date butoir du 1er juillet 2010 ne présage absolument pas de ce qui se passera ensuite.

J'en viens à l'amendement n° 6, qui a été présenté par M. Bruno Sido. Monsieur le sénateur, vous avez contribué aux travaux sur la question des tarifs. Aujourd'hui, le TaRTAM constitue une réponse adaptée à l'augmentation des prix que nous avons connue sur le marché des entreprises.

Le Parlement a prévu une durée maximale de la fourniture au TaRTAM de deux ans, puisqu'il considérait que le dispositif devait être évalué avant d'envisager sa prolongation. En outre, la loi du 7 décembre 2006 dispose que le Gouvernement présentera au Parlement avant le 31 décembre 2008 un rapport dressant le bilan de son application.

Monsieur le sénateur, je comprends bien la volonté qui est la vôtre. Puisque nous examinons, dans le cadre de la présente proposition de loi, l'instauration d'un délai prenant fin le 1er juillet 2010, vous souhaitez aligner le TaRTAM sur cette date.

J'attire votre attention sur le fait que, à l'époque, le Parlement avait voulu légiférer progressivement pour considérer l'évaluation de la situation.

Au nom du Gouvernement, je peux m'engager à la remise au Parlement d'un rapport dressant le bilan du TaRTAM à la fin de l'été de l'année 2008 - en septembre 2008, par exemple -, afin que la Haute Assemblée dispose de suffisamment de temps pour envisager, si cela se révélait nécessaire, l'aménagement ou la prolongation du TaRTAM. Elle pourra en tout cas examiner les dispositions nécessaires, en tenant compte de la mise en oeuvre de la première phase.

Par conséquent, monsieur Sido, sous le bénéfice de cet engagement, je vous suggère de retirer l'amendement n° 6.

Mme la présidente. Monsieur Pintat, l'amendement n° 1 est-il maintenu ?

M. Xavier Pintat. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 1 est retiré.

Je mets aux voix le sous-amendement n° 12.

(Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 11, modifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 3 et 10 n'ont plus d'objet.

Monsieur Sido, l'amendement n° 6 est-il maintenu ?

M. Bruno Sido. Madame la présidente, j'ai bien noté l'engagement de M. le secrétaire d'État selon lequel le rapport dressant le bilan de l'application du TaRTAM serait présenté au Parlement non pas en 2009, mais bien avant la fin de l'année 2008, afin que nous disposions de suffisamment de temps.

Mais, au-delà de la remise d'un rapport se bornant à faire un simple constat, j'aimerais suggérer au Gouvernement d'apporter également des solutions au fonctionnement du marché de l'électricité.

J'ai eu l'honneur de présider une mission d'information à laquelle ont participé un certain nombre de collègues ici présents. Nous avons pu constater que le mauvais fonctionnement du marché de l'électricité constitue un sujet très grave ; même les plus grands spécialistes britanniques s'en arrachent les cheveux !

C'est pourquoi nous devons nous pencher sur la question. Le Parlement français ne peut pas se satisfaire d'un marché qui ne fonctionne pas et qui provoque un alignement systématique des tarifs sur les prix les plus hauts.

Il s'agit là d'un véritable problème. Je souhaite donc que le Gouvernement se saisisse de ce dossier. S'il pouvait nous soumettre ses propositions largement avant la fin de l'année 2008, ce serait parfait !

En attendant, je retire l'amendement n° 6.

Mme la présidente. L'amendement n° 6 est retiré.

M. Jean Arthuis. Je le reprends, madame la présidente !

Mme la présidente. Il s'agit donc de l'amendement n° 6 rectifié.

La parole est à M. Jean Arthuis, pour le défendre.

M. Jean Arthuis. Nous avons tous à l'esprit le débat qui s'est déroulé ici, au Sénat, et qui a abouti à l'adoption de la loi du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie, et à l'instauration du TaRTAM.

À l'époque, nous avions, me semble-t-il, mis en évidence la nécessité de préserver la compétitivité des entreprises françaises.

Or, ce matin, le Président de la République a rappelé que le pouvoir d'achat dépendait de notre capacité à produire et à susciter de l'emploi. Le travail et les salaires constituent le véritable pouvoir d'achat.

Encore faut-il que les entreprises implantées en France restent compétitives. Parmi les coûts de production figurent le coût de l'énergie et le coût de l'électricité.

À quoi servait-il de prendre le risque, et de l'assumer, de la production d'électricité de source nucléaire si le prix du marché correspond aujourd'hui à celui de l'électricité fondée sur l'énergie fossile ?

La France peut revendiquer légitimement cet avantage compétitif, me semble-t-il.

L'Europe est prompte à nous donner des leçons de concurrence pure et parfaire. Mais puis-je rappeler, monsieur le ministre, que c'est en vain que les ministres des finances de l'Union ont, voilà quelques jours, tenté de convaincre le Luxembourg de modifier sa position sur la TVA relative au commerce électronique ?

Je m'explique : le Luxembourg devient le siège de nombreuses entreprises de commerce électronique qui appliquent un taux de TVA de 15 % à l'ensemble de leurs clients, y compris ceux qui sont domiciliés en France. S'agit-il là d'une démonstration de concurrence pure et parfaire, sachant que la TVA est un impôt de consommation, censé revenir au budget de l'État où se trouvent domiciliés les consommateurs ?

Je comprends bien les arguments développés par notre excellent rapporteur et par vous-même, monsieur le ministre, aux termes desquels il ne faut peut-être pas trop exciter la Commission européenne.

Toutefois, la compétition économique fait rage ! Les entreprises qui, aujourd'hui, font le choix de produire en France ont besoin de lisibilité. Si nous portions l'horizon du TaRTAM à juillet 2010, nous les éclairerions utilement, me semble-t-il.

Sans doute le rapport très objectif qui sera présenté par le Gouvernement avant le 31 décembre prochain nous donnera-t-il toutes les garanties nécessaires, en nous rassurant et en permettant de prolonger l'existence du TaRTAM. Toutefois, nous serons alors au mois de décembre et nous aurons besoin d'un instrument législatif. Sommes-nous sûrs qu'à cette époque il sera encore temps ?

Je ne suis pas un adepte du principe de précaution - je n'ai pas voté cette disposition constitutionnelle - mais, pour une fois, je le revendiquerai.

C'est pourquoi, mes chers collègues, il me paraîtrait sage de voter l'excellent amendement que M. Sido avait déposé et que j'ai repris.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Marini, pour explication de vote.

M. Philippe Marini. Nous avons déjà débattu plusieurs fois de cette question. Il s'agit d'un problème de fond, qui tient en réalité à une mauvaise communication entre la France et les autres États de l'Union européenne. Nous n'avons pas le même mix énergétique que nos partenaires et nos intérêts stratégiques ne sont pas nécessairement les mêmes.

Dès lors que, selon les experts, le marché de l'électricité devrait continuer à s'aligner sur le coût marginal produit par la tranche énergétique la plus classique et la plus polluante, nous pouvons considérer que nous sommes dans une situation périlleuse et que les investissements réalisés de longue date grâce à des fonds publics risquent d'aboutir à la création d'une rente confisquée par une entreprise unique, fût-elle contrôlée par l'État !

Par ailleurs, nous ne savons pas très bien quelles sont les limites du droit communautaire, qui, de ce point de vue, me semble mériter particulièrement son appellation de « droit mou », puisque nous n'en connaissons précisément ni les règles, ni les principes, ni les procédures !

M. Jean Arthuis. Tout à fait !

M. Philippe Marini. Il me semble que le tarif de retour, que nous avons inventé ensemble récemment, se situe dans les limites de ce que nous pouvons concevoir sans nous mettre en contradiction avec le droit européen de façon trop flagrante.

Le Gouvernement affirme qu'il nous remettra un rapport à la fin de 2008. Il serait sans doute bon de prévoir un délai minimal entre le dépôt de ce texte et la fin légale du TaRTAM. Au demeurant, on pourrait peut-être substituer, dans le texte de l'amendement, la date du 1er juillet 2009 à celle du 1er juillet 2010, cela nous laisserait tout de même le temps nécessaire pour débattre de ce problème et éviter une simultanéité entre la remise du rapport et le couperet visant le TaRTAM ?

Toutefois, monsieur le ministre, la question essentielle qui, me semble-t-il, devra nécessairement être traitée sous la présidence française de l'Union européenne, est bien celle de la conception d'ensemble des directives qui régissent le marché européen de l'énergie.

La seule marge de manoeuvre dont la France disposera consistera-t-elle, tous les six mois, à tenter de rattraper la compétitivité que nous perdons ? L'issue est-elle inéluctable ? Sommes-nous décidés à passer consciemment à un autre système, différent de celui que notre pays a construit patiemment, avec opiniâtreté, depuis les années 1970 ? Il me semble que ce débat ne peut être éludé.

Récemment, à l'occasion de l'examen d'un texte dont j'étais le rapporteur, j'ai eu l'occasion de poser la même question à Mme Christine Lagarde. Or celle-ci, de manière très franche et directe, a bien voulu répondre que cette question devrait effectivement être traitée, et en toute clarté, car elle touche au droit, à l'économie et à l'attractivité de notre territoire. Nous ne pouvons continuer à naviguer ainsi de finesse en finesse, sans savoir quel objectif nous visons !

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. Je souhaite que nous votions l'amendement repris par Jean Arthuis, pour la raison même qui a conduit Bruno Sido à retirer son texte, à savoir la nécessité d'aider le Gouvernement.

Notre collègue Bruno Sido a une compétence reconnue sur ces questions, et nous avons, lui comme moi, les mêmes motifs d'être passionnés par le nucléaire. Cela dit, monsieur le ministre, un vote indicatif du Sénat aurait l'immense avantage de vous renforcer dans votre débat avec la Commission européenne, qui, manifestement, éprouve des difficultés à comprendre la singularité du marché de l'énergie électrique. Cette dernière, j'y insiste, possède des caractéristiques fortes : elle ne peut être stockée, sa régulation est extraordinairement difficile, elle se transporte mal et, pour des raisons politiques qui n'ont rien à voir avec l'économie, certains États se privent délibérément d'une électricité bon marché et non polluante ; ils souhaitent cependant, à travers une dérégulation mal comprise, bénéficier de l'avantage que d'autres pays, à commencer par le nôtre, ont construit en se dotant d'une énergie nucléaire.

Certes, en votant cet amendement, nous ne réglerons aucun problème. Le libéral que je suis ne prétend pas que l'amendement n° 6 rectifié soit d'inspiration libérale. Bien au contraire, celui-ci tend à perpétuer un système singulier.

Toutefois, ses dispositions ont le mérite de rappeler que le marché de l'électricité est particulier et qu'il n'est pas possible de tirer indéfiniment les tarifs de l'électricité nucléaire et hydraulique vers les prix des énergies fossiles, comme le soulignait à l'instant Jean Arthuis.

En définitive, la Commission s'efforce - car telle est bien son arrière-pensée - de mettre en commun dans l'Union cet avantage national, qui a été voulu de façon constante par des majorités politiques différentes - auxquelles ont participé le parti communiste comme le parti socialiste -, qui est l'un des rares avantages dont nous disposions en matière industrielle et qui influe sur la vie quotidienne de nos concitoyens. Ce serait tout à fait compréhensible si nos partenaires étaient affaiblis pour des raisons naturelles, mais c'est parfaitement anormal quand nous sommes confrontés à des États qui, pour des raisons strictement idéologiques, refusent le choix du nucléaire.

Le vote indicatif de cet amendement aurait le mérite de vous donner, monsieur le ministre, ainsi qu'à Mme Christine Lagarde, des arguments forts, attestant que la France ne veut pas diluer son choix résolu en faveur d'une électricité non polluante, respectueuse du développement durable, déconnectée de l'énergie fossile et qui, de surcroît, est aujourd'hui meilleur marché, ce qui n'a pas toujours été le cas dans le passé. Il serait tout de même extraordinaire que les consommateurs français, qui ont consenti des investissements lourds pendant des décennies, se trouvent aujourd'hui privés de l'avantage qui en résulte !

C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande de soutenir cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Pastor, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Pastor. Notre débat montre combien le choix d'organiser un marché libre de l'électricité constituait une forme d'utopie. En effet, on a voulu mettre dans un pot commun des électricités qui étaient produites de façon totalement différente.

M. Jean Arthuis. Tout à fait, mais qui était au pouvoir à l'époque ?

M. Jean-Marc Pastor. On a mélangé des électricités produites par des centrales thermiques obsolètes, des centrales hydrauliques, des éoliennes, des centrales nucléaires - et nous savons bien quel est le prix de revient de chacune de ces techniques.

La création d'un marché libre entre des produits complètement différents conduit inévitablement au mécontentement général, qui s'exprime dans ce débat, et cela au bout de seulement deux ans d'existence !

Aujourd'hui, nous nous efforçons de revenir en arrière avec le TaRTAM, qui, après tout, n'est qu'un artifice destiné à compenser le différentiel de coût qui s'est créé par rapport au marché.

Naturellement, nous acceptons quant à nous de prolonger ce dispositif de soutien, même si, au final, c'est le consommateur qui le supportera financièrement, par le biais de la contribution au service public de l'électricité, et alors qu'il a déjà alimenté le pot commun de l'énergie européenne. Si nous prolongeons de deux ans le soutien des prix par le TaRTAM au bénéfice des entreprises, c'est bien le consommateur lambda qui devra payer !

Au moment où l'on considère que les Français ont un problème de pouvoir d'achat, comment nous situons-nous par rapport à cette situation ?

Comme M. Sido l'a souligné à juste titre, il est urgent de réorganiser le marché européen de l'électricité. Monsieur le ministre, quelles démarches comptez-vous engager en ce sens ? Vous nous parlez d'un bilan qui serait réalisé dans le courant de l'année 2008, ce qui est fort bien, et qui nous permettrait de rebondir ensuite. Toutefois, pourrons-nous nous retrouver avant la fin de l'année afin de discuter des conclusions de ce rapport, en abordant les vraies questions ?

En effet, il ne s'agit pas seulement d'appliquer un pansement provisoire - car tel est bien la nature du TaRTAM, nous en sommes tous d'accord - sur ce problème, avec l'aide du contribuable, mais de le traiter au fond, en réorganisant le marché dans son ensemble.

Dans cette perspective, le bilan du Gouvernement pourrait nous offrir quelques pistes. Il nous permettrait de concevoir un mécanisme pérenne et de recréer, au moins en ce qui concerne les tarifs destinés aux entreprises, une organisation fonctionnant vraiment selon les règles du marché.

La situation décrite par M. Sido est totalement aberrante, puisque le tarif régulé est de trente euros, si je ne me trompe, alors que le prix de marché atteint les 63 euros !

Tel est le problème de fond auquel nous sommes confrontés ; la question de savoir s'il faut, ou non, prolonger de deux ans l'existence du TaRTAM est, quant à elle, presque secondaire, me semble-t-il.

Monsieur le ministre, faut-il aborder ce problème dès à présent ou n'est-il pas préférable d'attendre le bilan que vous aurez dressé et que le Parlement pourra s'approprier, afin de mettre en place une organisation plus durable et d'éviter que le contribuable, une fois encore, ne soit obligé de subventionner l'entreprise ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, je comprends que ce sujet complexe, qui a fait l'objet de nombreux débats dans les deux assemblées, donne lieu de nouveau à une discussion approfondie. Toutefois, je voudrais répéter deux ou trois idées simples.

Tout d'abord, j'ai souvenir que c'est le Sénat lui-même qui avait souhaité lier l'application du TaRTAM à un principe d'évaluation. Or - et j'en appelle sur ce point à la sagesse de la Haute Assemblée -, si le TaRTAM a eu en effet un impact positif, qui a très bien été décrit par M. Bruno Sido, force est de constater - les chiffres en valeur absolue ont été évoqués tout à l'heure - que seulement 3600 entreprises ont adhéré au TaRTAM sur les 795 000 entreprises régies par les principes du marché libre ; les autres n'ont pas opté pour ce tarif !

M. Gérard Longuet. Elles n'avaient pas choisi l'éligibilité !

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. C'est exact, monsieur Longuet. Mais je vous rappelle que les entreprises avaient la possibilité d'exercer cette éligibilité avant le 1er juillet 2007. Depuis cette date, elles ne le peuvent plus.

C'est pourquoi, lorsque le Parlement a voté cette disposition, il était légitime de prévoir une période d'essai qui permette d'examiner la mise en place du système, ainsi qu'une période d'évaluation.

Aujourd'hui, le Gouvernement propose que cette expérimentation soit menée jusqu'à son terme : le TaRTAM reste applicable pour une durée de deux ans, c'est-à-dire jusqu'au mois de juillet 2009. En outre, comme je m'y suis engagé tout à l'heure, le Gouvernement remettra dès le mois de septembre 2008 son rapport d'évaluation, qui proposera un certain nombre d'orientations. Ainsi, monsieur Marini, cela laissera à la représentation nationale le temps nécessaire d'ajuster le TaRTAM, de l'adapter, de le modifier, voire de le prolonger, en prenant en compte la réalité de sa mise en oeuvre.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement maintient sa position sur cet amendement. S'il n'est pas retiré, il en demandera le rejet.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Cet amendement prévoit deux dispositions importantes : le maintien du TaRTAM jusqu'au 1er juillet 2010 et le dépôt d'un rapport du Gouvernement dressant le bilan de sa mise en oeuvre.

Sur le bilan, je tiens à rappeler que c'est moi qui, en tant que rapporteur, l'ai proposé et ai exigé qu'il soit dressé avant la fin de l'année 2008. Vous aviez tous voté cette disposition, sur toutes les travées. Ce n'est pas l'Assemblée nationale qui en est à l'origine ; c'est le Sénat. Il s'agit, je pense, d'une proposition intelligente et raisonnable.

Par ailleurs, et je réponds ainsi à Philippe Marini, la loi du 7 décembre 2006 prévoit que le TaRTAM fonctionne jusqu'au 1er juillet 2009.

J'en viens maintenant aux arguments développés par notre collègue Jean Arthuis sur la prolongation.

Si M. le ministre tient son engagement de présenter le bilan dès le mois de septembre 2008, rien ne nous empêchera d'en tenir compte à n'importe quel moment, notamment dans le projet de loi de finances. (M. Philippe Marini s'exclame.) Vous êtes bien placés pour le savoir, messieurs Arthuis et Marini !

M. Philippe Marini. Ce serait un peu cavalier... (Sourires.)

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je ne vois pas ce qui l'interdit !

M. Jean Arthuis. Ce serait un cavalier !

M. Philippe Marini. On pourrait créer une taxe ! (Nouveaux sourires.)

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. À quoi sert un bilan si l'on n'en tire pas les conséquences ? Si la situation est dramatique, peut-être une nouvelle prolongation s'imposera-t-elle. Dans quel texte la proposer sinon dans le projet de loi de finances ?

Je ne pense pas qu'il s'agisse d'un cavalier. Un tel cas de figure s'est déjà présenté. J'ai rappelé tout à l'heure que c'est à l'occasion de l'examen d'un projet de loi de finances que nous avons apporté des modifications à la situation des tarifs électriques.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Arthuis, pour explication de vote.

M. Jean Arthuis. Je tiens encore une fois à saluer l'excellent travail de notre collègue rapporteur et à remercier Bruno Sido, Dominique Mortemousque et Philippe Nachbar d'avoir déposé cet amendement. J'ai d'abord pensé m'associer à l'amendement de notre collègue François Zocchetto, mais j'y ai renoncé lorsque j'ai pris connaissance de l'amendement n° 6, dont la portée est infiniment plus forte.

En effet, cet amendement rouvre en quelque sorte la possibilité d'option. Je rappelle que les entreprises qui avaient opté pour le tarif libre y avaient été pour la plupart encouragées par les services d'EDF.

M. Gérard Longuet. C'est exact !

M. Jean Arthuis. C'est sur leur recommandation qu'elles avaient pris cette décision. Ce fut une mauvaise inspiration : elles ont eu à en subir des conséquences extrêmement préjudiciables.

Monsieur le ministre, vous savez que nous sommes là pour aider le Gouvernement et envoyer un message fort à Bruxelles. Vous êtes de ceux qui pensent que le Parlement doit veiller à assumer ses prérogatives. Il peut donc arriver que, dans des circonstances précises, celui-ci aille au-delà de ce que souhaite momentanément le Gouvernement.

Insérer dans un projet de loi de finances, initiale ou rectificative, une disposition relative aux tarifs d'EDF serait, comme M. le rapporteur général le proclamait voilà un instant, un peu cavalier, monsieur le rapporteur. En cas de saisine du Conseil constitutionnel, un risque de censure serait encouru. Par conséquent, le véhicule n'est pas approprié. Il est de bonne méthode de respecter la Constitution.

Vous le savez, monsieur le ministre, la compétitivité est notre préoccupation. J'entends bien le discours sur la concurrence de l'Union européenne. Néanmoins, si demain une entente était conclue entre deux pays fournissant de l'énergie fossile et si cela se traduisait par un abus de position dominante, devant quelle juridiction l'Europe déférerait-elle ces contrevenants au principe de libre concurrence ? Nous avons été plusieurs à l'affirmer : ces directives sur l'énergie doivent faire l'objet d'un réexamen.

J'ai dit tout le bien que je pensais de l'amendement déposé par Bruno Sido. C'est pourquoi je ne me sens pas autorisé à le retirer.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Je rappelle que le contentieux européen porte aujourd'hui sur le TaRTAM.

En outre, sur les 795 000 entreprises qui ont exercé leur éligibilité et qui sont aujourd'hui sur le marché libre, seules 3 600 d'entre elles bénéficient du TaRTAM. Il n'est donc pas inutile de s'interroger sur ce qu'il adviendra aux autres. Elles ont peut-être momentanément bénéficié de conditions avantageuses sur le marché libre, mais celles-ci ne sont pas éternelles.

Le bilan qui sera présenté au Parlement au mois de septembre 2008 doit aussi permettre de traiter le cas de ces nombreuses PME qui, aujourd'hui, ne bénéficient pas du TaRTAM. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement maintient sa position et émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 6 rectifié.

M. Bernard Frimat. Le groupe socialiste s'abstient !

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi relative aux tarifs réglementés d'électricité et de gaz naturel
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article additionnel après l'article 1er

Mme la présidente. L'amendement n° 9, présenté par MM. Raoul, Pastor, Courteau, Bel et Dussaut, Mme Herviaux, MM. Madrelle, Piras, Raoult, Reiner, Ries, Lejeune, Repentin, Sergent, Teston et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Tout consommateur final domestique de gaz naturel bénéficie des tarifs réglementés de vente de gaz naturel mentionnés à l'article 7 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie pour la consommation du ou des sites raccordés aux réseaux de distribution de gaz naturel entre le 1er juillet 2007 et la date de publication de la présente loi pour lesquels il en fait la demande.

Les tarifs mentionnés à l'alinéa précédent sont applicables de plein droit et sans pénalité aux contrats en cours à compter de la date à laquelle la demande est formulée.

La parole est à M. Michel Teston.

M. Michel Teston. En première lecture, nous avions déjà déposé cet amendement qui vise à compléter le dispositif de préservation des tarifs réglementés de vente de gaz naturel. En effet, il nous semblait nécessaire de proposer un dispositif de rattrapage permettant de prendre en compte les sites qui ont été raccordés au réseau entre le 1er juillet 2007 et la date de publication du présent texte.

M. le rapporteur nous avait alors expliqué que GDF s'engageait à traiter les quelques cas critiques individuels et à renégocier les contrats. Pour cette raison, il nous avait incités à retirer notre amendement, ce que nous avions fait.

Or nous commençons à recevoir des lettres de familles qui se trouvent confrontées à cette situation. Ainsi, une famille qui a fait construire une maison au cours de l'année 2007 et s'y est installée après le 1er juillet 2007 voulait bénéficier des tarifs réglementés de vente de gaz naturel - je pourrais, si vous le souhaitez, monsieur le ministre, vous transmettre la lettre que j'ai reçue. GDF a objecté que ce n'était plus possible car, à la différence d'EDF, il n'avait pas obtenu le droit de continuer à proposer des tarifs réglementés pour de nouvelles constructions.

C'est donc pour permettre de régler rapidement ce genre de situation et éviter que des cas similaires ne se multiplient que nous défendons de nouveau cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. En première lecture, la commission avait émis un avis défavorable et elle maintient sa position.

Il s'agit d'un amendement dont l'objet est de régler quelques cas individuels, ce qui est un peu gênant.

Sur le plan des principes, monsieur Teston, vous n'avez pas tort. Mais cette situation concerne exclusivement quelques nouveaux sites construits entre le 1er juillet 2007 et la publication, dans quelques semaines, du texte que nous sommes en train d'examiner.

Un nombre assez important de cas ont déjà fait l'objet d'un traitement individuel, comme s'y était engagé GDF. Ainsi, comme je l'ai précisé ce matin en commission, dans le département du Val-d'Oise, une trentaine de cas ont été réglés : un tarif proche du tarif réglementé a été proposé. S'il existe encore un certain nombre de cas individuels non réglés, je ne mets pas en doute l'engagement de GDF, qui est prêt à les examiner.

Le problème du gaz n'est pas celui de l'électricité. La différence entre le tarif libre et le tarif réglementé est moins importante, quoiqu'il y ait des variations en fonction des directions régionales. Cela n'est d'ailleurs pas normal ; il aurait fallu que la direction générale envoie des consignes précises et qu'elle indique à toutes ses directions régionales que la loi serait adoptée prochainement et que les mêmes règles devaient s'appliquer à tout le monde. Il y a eu manifestement un manque d'information.

Comme il est toujours gênant de prévoir dans la loi, qui a une portée générale, des dispositions destinées à quelques cas particuliers et compte tenu du comportement de GDF à l'égard de ces situations isolées, la commission maintient sa position. Elle demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle sera contrainte d'y être défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Nous avons eu l'occasion, en première lecture, de débattre de cet amendement, qui a pour objectif de prévoir le bénéfice des tarifs réglementés de vente de gaz pour les sites des consommateurs raccordés entre le 1er juillet 2007 et la date de promulgation de ce texte.

En première lecture, M. le rapporteur avait rappelé qu'une difficulté similaire était apparue lors de l'élaboration de la loi du 7 décembre 2006,...

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Tout à fait !

M. Luc Chatel, secrétaire d'État.... difficulté qui avait été résolue par des dispositions particulières et par la bonne volonté de GDF.

Je sais qu'aujourd'hui GDF s'est engagé à traiter ces cas particuliers difficiles.

La loi n'a pas forcément vocation à prévoir ces dispositions particulières et spécifiques. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement demande le retrait de cet amendement. À défaut, il y sera défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Teston, l'amendement n° 9 est-il maintenu ?

M. Michel Teston. Oui, madame la présidente.

Il est très difficile de parvenir à déterminer le nombre de familles concernées par cette situation.

Par ailleurs, M. le rapporteur a constaté, comme nous, que les réponses apportées par Gaz de France variaient d'une région à l'autre. C'est la raison pour laquelle il est absolument indispensable de l'obliger à fournir une réponse unique.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Pastor, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Pastor. Je suis quelque peu surpris. Nous venons de débattre pendant une heure afin de savoir si le contribuable allait continuer à participer au financement d'entreprises par le biais du prolongement du fameux TaRTAM, qui est d'ailleurs un bon dispositif. Or, en l'espèce, pendant sept mois, entre le 1er juillet 2007 et la promulgation de la loi qui va être adoptée sous peu, un certain nombre de personnes auront, sur le territoire national, construit des maisons, acheté des pavillons, et elles ne pourront pas bénéficier des tarifs réglementés. Le dispositif que proposent les auteurs de l'amendement n° 9 ne vise pas des sommes colossales, et les entreprises GDF et EDF, jusqu'à preuve du contraire, ont réalisé des bénéfices au cours de ces dernières années et peuvent de ce fait assurer la péréquation des tarifs de façon que les personnes susvisées connaissent le même traitement financier que les autres citoyens français.

Le refus opposé, fondé sur le bon vouloir de l'entreprise, me gêne. En effet, lesdites entreprises assurent justement une mission de service public auprès des citoyens français. Faisons en sorte de mettre tout le monde sur un pied d'égalité !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l'objet de la deuxième lecture.

Vote sur l'ensemble

Article additionnel après l'article 1er
Dossier législatif : proposition de loi relative aux tarifs réglementés d'électricité et de gaz naturel
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Dominique Mortemousque, pour explication de vote.

M. Dominique Mortemousque. Je ne reprendrai pas en cet instant tous les termes du débat. Nous avons eu le temps d'échanger nos points de vue, depuis le dépôt des propositions de loi par nos collègues siégeant sur différents bancs de cet hémicycle, notamment Ladislas Poniatowski et Xavier Pintat, en passant par l'examen des amendements déposés cet été au projet de loi TEPA et la discussion de la présente proposition de loi en première lecture, le 1 er octobre.

Aujourd'hui, nous allons instaurer le principe de réversibilité pour tout consommateur particulier, quel que soit son logement. Cela signifie que ce consommateur pourra décider de quitter l'opérateur historique, EDF ou GDF, de souscrire une offre auprès d'un autre pourvoyeur de gaz ou d'électricité au prix du marché et de revenir, s'il le souhaite, au bout de six mois, chez l'opérateur historique, en bénéficiant de nouveau des tarifs réglementés.

Ce dispositif doit permettre au consommateur d'exercer pleinement son choix et, surtout, de rechercher le fournisseur qui lui rendra le meilleur service au meilleur prix, en fonction de son propre profil de consommation. C'est un pas vers une plus grande ouverture et une plus grande fluidité du marché de l'énergie.

Nous avons tous conscience que ce texte n'est qu'une étape, étape que nous espérons la plus bénéfique possible pour le consommateur. En effet, si la question de l'avenir du secteur énergétique est d'actualité avec la flambée des prix du pétrole, elle est aussi à entrées multiples ; elle se pose en termes de « bouquet énergétique », c'est-à-dire d'offres énergétiques différenciées ; elle se traite au niveau européen et mondial ; elle se traduit par la recherche de l'équilibre entre l'ouverture du marché et sa régulation ; elle embrasse tant la question de l'approvisionnement et de la sécurité que celle des prix et des tarifs ; elle implique les consommateurs particuliers comme les professionnels. À ce titre, les membres du groupe UMP seront très attentifs aux débats européens portant sur la question de l'avenir des tarifs réglementés. Dans cette perspective, je tiens à souligner, monsieur le secrétaire d'État, qu'il est indispensable que le Gouvernement présente au Parlement au plus tard à l'automne 2008 le rapport sur la formation des prix du marché de l'électricité, dressant le bilan de l'application du tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché.

C'est sur l'initiative du Sénat que ce rapport a été prévu par la loi, et le respect du délai choisi est un impératif car les conclusions de ce rapport, notamment sur le dispositif du TaRTAM et son éventuelle prolongation, doivent être connues des entreprises suffisamment en amont.

Tout à l'heure, j'ai écouté le débat avec attention. Personne n'a jugé inopportun d'être très vigilant. Par ailleurs, des experts se sont demandé, indépendamment de la position du Gouvernement, s'il était possible d'intervenir en fin d'année en fonction des besoins. J'estime que l'on peut faire confiance au Gouvernement et à la sagesse du Sénat pour se prononcer sur ce point. J'ai été très attentif aux propos que M. le secrétaire d'État a tenus, au nom du Gouvernement. Nous n'avons aucune raison de douter de sa parole.

Dans cette attente, les membres du groupe UMP apporteront leur soutien au texte issu des travaux de l'Assemblée nationale, modifié par la commission. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Pastor.

M. Jean-Marc Pastor. Nous venons d'avoir un débat important sur une question essentielle pour l'ensemble de nos concitoyens : la préservation des tarifs réglementés d'électricité et de gaz naturel.

L'amélioration du pouvoir d'achat des Français passe par une maîtrise de leurs dépenses de première nécessité, au premier rang desquelles figurent, bien entendu, le chauffage et l'éclairage.

Or je ne suis guère convaincu - je sais ne pas être le seul - que le Gouvernement cherche réellement à contenir les augmentations des prix que réclament les marchés financiers et les actionnaires dans le secteur énergétique.

Depuis plusieurs années, les tarifs réglementés d'électricité et de gaz naturel sont régulièrement mis en cause.

Ainsi, en ce qui concerne le gaz naturel, a été mis en oeuvre, à partir de l'adoption de la loi d'août 2004, un nouveau contrat de service public qui vise la convergence entre les tarifs et les prix de vente, y compris pour les plus petits consommateurs que sont les ménages.

Que ce soit en raison de la transformation en société anonyme des deux EPIC Électricité de France et Gaz de France et de l'ouverture de leur capital, que ce soit en raison de la privatisation de Gaz de France, le Gouvernement s'est dépossédé d'un outil essentiel de régulation dans le secteur énergétique, outil qui lui assurait non seulement la maîtrise publique tarifaire - point qui n'est pas neutre en matière de pouvoir d'achat -, la compétitivité de l'économie, mais aussi la sécurité de ses approvisionnements en gaz.

Autrement dit, cette opération signe, à n'en pas douter, la première étape de l'abandon du secteur énergétique à une régulation - ou devrais-je dire une dérégulation ? - dominée par les actionnaires, au détriment de l'ensemble des consommateurs. Ce n'est pas bon pour le pouvoir d'achat des Français, monsieur le secrétaire d'État. Je n'en veux pour preuve que les conclusions du rapport fait par Michel Billout, Marcel Deneux et moi-même, au nom de la mission commune d'information présidée par Bruno Sido, qui témoigne d'un souci de cohérence, ce qui n'est guère le cas aujourd'hui.

Vous soutenez, monsieur le secrétaire d'État, que vous menez une politique en faveur des consommateurs ; ce n'est pas ce que nous constatons, malheureusement.

Tous les syndicats viennent de dénoncer une politique qui privilégie les actionnaires au détriment des consommateurs, en visant le rachat en bourse au prix fort d'actions de Gaz de France et une augmentation de 10 % des dividendes des actionnaires ; cela s'est passé au cours de ces dernières quarante-huit heures.

Avec la récente augmentation des prix du gaz, on aurait du mal à leur donner tort. Ce rachat d'actions de Gaz de France, en vue de soutenir leur cours, aurait un coût d'environ 1 milliard d'euros, et ce en vue de permettre la réussite de la fusion promise par le Président de la République.

Les associations de consommateurs sont mécontentes, elles aussi. Ainsi, l'association de défense pour la consommation, le logement et le cadre de vie regrette que les dispositions prévues en matière de réversibilité ne concernent que l'électricité. Nous héritons, au moment de la deuxième lecture de cette proposition de loi, d'un article conforme, ce qui ne nous permet pas de déposer un amendement relatif à la réversibilité totale pour le gaz naturel.

Cette association s'oppose à une limitation dans le temps de ces dispositions en soulignant que « l'adoption d'un principe de réversibilité n'a de sens que si des garanties sur la pérennisation des tarifs réglementés » sont obtenues. Vous comprenez la raison pour laquelle nous avons longuement évoqué, cet après-midi, l'échéance du mois de juillet 2010. Or vous avez rejeté, en première lecture comme aujourd'hui, les amendements que les membres de mon groupe avaient déposés tendant à supprimer la date butoir de 2010.

Au vu des nouveaux éléments intervenus depuis la première lecture et qui ont été mis en avant au cours de ce débat, nous craignons que cette date butoir de 2010 ne constitue une nouvelle étape dans la déréglementation du secteur énergétique, programmant la fin des tarifs réglementés d'électricité et de gaz naturel.

Je veux une fois de plus rappeler en cet instant que les gouvernements de gauche ont toujours refusé de libéraliser le secteur énergétique, non seulement parce qu'il est stratégique du point de vue de l'indépendance énergétique et de la sécurité des approvisionnements, mais aussi parce que, en raison de son organisation en réseaux, il participe à la régulation d'ensemble de la société à travers les effets structurants qu'il produit sur l'économie et l'aménagement du territoire.

Je rappelle qu'au mois de mai 1992, sur l'initiative du gouvernement de Pierre Bérégovoy, le Conseil des ministres européen rejetait la proposition de directive de la Commission européenne parce qu'elle ne respectait pas les principes essentiels du service public, à savoir, notamment, la sécurité d'approvisionnement, la protection de l'environnement et des petits consommateurs.

Les négociations ne reprendront véritablement qu'avec le gouvernement d'Alain Juppé. Le 20 juin 1996, le Conseil adoptait une position commune sur la première directive Électricité, et c'est ledit gouvernement qui accepta de signer la première directive ouvrant à la concurrence le secteur de l'électricité. Les députés socialistes français au Parlement européen ont voté contre cette directive.

En 2000, la France a transposé a minima cette directive - on nous l'a suffisamment reproché à l'époque - en laissant une large place aux obligations de service public et en limitant le degré d'ouverture à la concurrence.

Notre collègue Henri Revol déclarait alors : « La directive est interprétée stricto sensu, contrairement à la stratégie adoptée par les plus importants de nos partenaires. » Il regrettait que « la France [ait] choisi de limiter le degré d'ouverture au minimum requis par la directive ».

Vous-même, cher collègue Ladislas Poniatowski, vous dénonciez « une transposition frileuse de la directive », avec une ouverture du marché « très limitée [...] puisqu'elle est réservée dans un premier temps à quelque quatre cents clients éligibles, essentiellement de gros industriels, représentant 26 % de la consommation. La majorité des clients, notamment les PME-PMI et les particuliers, ne bénéficieront donc pas de cette libéralisation et de la baisse des tarifs qui devrait logiquement en découler, contrairement à ce qui se passera dans certains pays voisins. [...] le Gouvernement aurait pu dès maintenant envisager une mise en concurrence plus large et tout au moins préparer les étapes suivantes de l'ouverture du marché ».

Tels étaient vos propos, mes chers collègues.

Comme chacun le sait dans cet hémicycle, c'est Mme Nicole Fontaine et le gouvernement de notre collègue M. Raffarin qui ont pris la décision d'ouvrir totalement le secteur de l'énergie à la concurrence, y compris donc aux ménages, alors qu'au sommet de Barcelone nous avions réussi à faire exclure les particuliers du processus de libéralisation.

Nous voterons donc contre cette proposition de loi, qui demeure partielle sur le gaz naturel et ne préserve les tarifs réglementés que pour une période transitoire d'un peu plus de deux ans. Que se passera-t-il ensuite ? Tel est bien le problème ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Billout.

M. Michel Billout. Mon explication de vote sera relativement brève, car je me suis précédemment longuement exprimé. J'ai indiqué, lors de la discussion générale, que les membres du groupe CRC ne voteraient pas en faveur de la proposition de loi que nous examinons en deuxième lecture, en raison de l'évolution générale de la position du Gouvernement en matière d'énergie depuis le mois de juillet.

Je trouve particulièrement savoureux le débat qui s'est instauré au sein de la majorité sur la question du TaRTAM et de son avenir. Si cela était nécessaire, il montre à nouveau que la volonté de mettre en place un marché de l'énergie en Europe est un échec, échec que nous avons constaté notamment au cours de la mission d'information. Cet élément renforce d'ailleurs la position des membres de mon groupe tendant à demander un bilan plus approfondi de l'ensemble des conséquences de la mise en oeuvre des premières directives européennes dans le domaine de la libéralisation de l'énergie.

Nous n'avons toujours pas été entendus, mais force est de reconnaître qu'il existe bien un problème fondamental.

L'objectif des rédacteurs de cette proposition de loi est louable - nous l'avons dit -, puisqu'il est de corriger certains des effets extrêmement pervers et injustes induits par la libéralisation des tarifs de l'électricité et du gaz que subissent les consommateurs.

De ce point de vue, nous l'approuvons. Cependant, force est de constater que ce texte est d'une portée très limitée, notamment dans le temps.

Nous avons tenté d'y remédier, mais nous nous sommes heurtés à un refus. Nous n'irons pas beaucoup plus loin sur le sujet.

Il est urgent de renégocier les directives européennes : il faut le faire avant que le « troisième paquet » n'entre en application et ne nous mette dans des situations encore plus délicates, compte tenu de la nécessité où nous nous trouverons peut-être d'accepter la séparation patrimoniale entre le transport et la production, ce qui fragiliserait encore un peu plus notre outil industriel.

Loin d'aller dans le sens que nous préconisons, le Gouvernement a, au contraire, ces temps derniers, amorcé de nouveaux abandons de maîtrise publique dans le domaine du gaz, dans le domaine de l'électricité et, tout récemment, dans celui de l'énergie nucléaire.

Je ne peux donc que réaffirmer que le groupe communiste républicain et citoyen votera contre cette proposition de loi.

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?....

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux tarifs réglementés d'électricité et de gaz naturel
 

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Archives

Adoption d'un projet de loi organique et d'un projet de loi

 
 
 

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique modifiant l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel et relatif à ses archives (n° 470, 2005-2006) et du projet de loi relatif aux archives (n° 471, 2005-2006). [Rapports nos 146 et 147.]

La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient l'objet d'une discussion générale commune.

Dans la discussion générale commune, la parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, les archives sont la mémoire de la nation, mémoire dans laquelle se lit l'histoire de notre pays et des générations successives qui l'ont habité, mémoire particulièrement longue, qui s'étend, pour les Archives nationales, du VIIe siècle à nos jours, mémoire qui garde la trace de tous les moments clés de notre histoire, des actes fondateurs, comme l'édit de Nantes, le serment du Jeu de paume, ou encore la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Elles sont aussi gardiennes de la mémoire quotidienne quand elle dit l'histoire des territoires, raconte les parcours individuels, les existences simples, les vies modestes, à travers les actes notariés, les documents de l'état civil, les archives d'associations ou d'entreprises.

C'est à travers cette trame que l'on peut lire également la construction de notre identité au fil des siècles, l'affirmation de notre langue, à travers l'ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539, mais aussi l'élaboration de notre géographie, à travers les dossiers des réseaux routiers ou les épures de fortifications rappelant l'enjeu majeur des frontières et l'oeuvre toujours vivante de Vauban.

Elles sont, enfin, une mémoire toujours en devenir, sans rien de figé ni de clos, car elles ne sont pas seulement des sources du passé, elles sont avant tout des outils de gestion pour l'administration, des éléments de preuve, justificatifs de droits pour nos concitoyens.

Cette dimension souvent méconnue, que traduisent, par exemple, les demandes de décrets de naturalisation, est consubstantielle à l'apparition même des Archives en tant qu'institution.

Les Archives nationales naissent de la Révolution. Leur intérêt alors n'est pas historique. Il tient à leur valeur juridique, probatoire. Il s'agit de fonder les droits du nouveau régime naissant, bientôt de la République.

L'article 1er de la loi du 25 juin 1794 dispose que « les archives établies auprès de la représentation nationale sont un dépôt central pour toute la République ». L'article 37 pose pour la première fois le principe de la libre communicabilité aux archives.

Pour favoriser ce libre accès pour tout citoyen de façon égale et cohérente sur tout le territoire, le rassemblement dans les chefs-lieux des départements des archives locales de l'Ancien Régime - futures archives départementales - est décidé deux ans plus tard.

Tels sont, jusqu'au XXe siècle, les textes fondateurs pour l'organisation des archives en France.

Le système mis en place au moment de la décentralisation des archives départementales a permis de préserver la cohérence d'une politique nationale en matière de collecte et l'intégrité des archives publiques sur l'ensemble du territoire.

Le maintien et la consolidation de ce réseau exceptionnel passent par la mise à disposition, confirmée par la loi du 2 février 2007, d'agents de l'État dans les services d'archives départementaux, en vue d'exercer les missions de contrôle scientifique et technique et d'assurer la collecte des archives de l'État déconcentré.

En posant le principe du libre accès des archives, ces textes dictent leur devoir aux archivistes. Parce qu'elle constitue une clef de compréhension de notre destin commun, de notre identité commune, et donc l'un des facteurs de la cohésion et de la solidarité nationales, cette mémoire vivante doit être facilement accessible.

Pour être communicable et communiquée, elle doit être classée et mise à disposition selon les modalités les plus diverses : classement lui-même, mise au point d'instruments de recherche de plus en plus souvent mis en ligne, numérisation de documents, constructions de portails, notamment.

L'ouverture des archives suppose, enfin, un régime législatif adapté. Tel est le principal objet du présent projet de loi, dont je vais maintenant préciser le contenu.

Lors de son adoption, la loi du 3 janvier 1979 a été sans conteste un texte novateur. Elle remplaçait les textes de la Révolution française. En définissant pour la première fois la notion d'archives publiques, elle établissait le cadre de leur conservation. Elle s'inscrivait en outre dans un ensemble de dispositions visant à améliorer les relations entre l'administration et ses usagers : loi du 17 juillet 1978 sur l'accès aux documents administratifs, loi du 6 janvier 1978, relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

Près de trente ans se sont écoulés depuis le vote de cette loi. Le Gouvernement propose un nouveau texte destiné à adapter la conservation et la communication de la mémoire de la nation aux exigences de notre temps. Le présent projet de loi est le résultat de plus de dix années de réflexions et de l'expérience accumulée par les professionnels et les utilisateurs des archives.

Il s'articule autour de deux grandes lignes : une volonté affirmée d'ouverture et une meilleure protection des archives.

À la demande de transparence administrative fortement exprimée par nos concitoyens s'ajoutent les attentes des milieux de la recherche désireux de disposer rapidement des sources de l'histoire de notre pays ainsi que celles des généalogistes. Convient-il de rappeler qu'un peuple sans mémoire est un peuple qui a perdu sa culture et son histoire ?

C'est le principe de libre communicabilité des archives publiques que le présent projet de loi vise à réaffirmer. Il va dans le sens de l'évolution observée chez nos partenaires européens et dans les grands États démocratiques.

L'affirmation de ce principe est complétée par une réduction des délais de communication des documents qui mettent en cause les secrets protégés par la loi, tout particulièrement ce qui touche à la vie privée des individus. En tendant à diminuer de façon sensible les délais actuels, notamment pour les registres de l'état civil, le projet de loi devrait faciliter les travaux des chercheurs et des généalogistes, sans pour autant favoriser la divulgation d'informations confidentielles, puisqu'il a pour objet, dans le même temps, d'actualiser les dispositions de la communication des secrets protégés.

Parallèlement, le projet de loi organique modifiant l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique vise à appliquer aux archives du Conseil constitutionnel un délai de communicabilité de vingt-cinq ans.

Cette volonté de transparence apparaît également dans le souci de mieux articuler les dispositions de la loi sur les archives avec celles des autres textes relatifs à la communication des documents publics et à l'information du citoyen : la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, celle du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public et, surtout, la loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal.

Cette articulation souhaitée par tous les utilisateurs était une nécessité.

Toujours dans le même esprit, le projet de loi tend à maintenir le principe des dérogations individuelles et générales pour les archives publiques non librement communicables et à étendre le champ des dérogations aux enquêtes statistiques qui, jusqu'à présent, ne pouvaient être communiquées avant un délai incompressible de cent ans.

À la lumière de l'expérience de la Commission d'accès aux documents administratifs, les rédacteurs de ce projet de loi ont prévu d'améliorer les conditions d'octroi des dérogations, qui seront désormais soumises au principe de proportionnalité : elles ne seront accordées qu'après qu'auront été soigneusement pesés l'intérêt procuré par la consultation des documents demandés et la nécessaire sauvegarde des intérêts que la loi doit protéger.

S'agissant des archives des autorités politiques - celles du Président de la République, du Premier ministre, des ministres et de leurs collaborateurs -, le projet de loi vise à consacrer l'existence des protocoles de remises d'archives conclus avec ces mêmes autorités. Afin d'assurer la conservation et le versement de ces documents particulièrement importants pour la compréhension des mécanismes de décision politique, il donne un fondement juridique aux protocoles déjà conclus en limitant toutefois le rôle des mandataires déjà désignés par ces autorités.

Il tend à encadrer les futurs protocoles, en supprimant les mandataires et en alignant les délais de communication de ces archives aux délais fixés par la loi, et à assurer une meilleure protection des archives publiques comme des archives privées.

En ce qui concerne les archives publiques, il vise à encadrer, notamment, les modalités d'externalisation des archives courantes et intermédiaires. II offre ainsi un cadre juridique à une pratique largement développée dans les faits et donne les normes garantissant de bonnes conditions de conservation de ces archives.

Je rappelle toutefois que l'externalisation des archives définitives reste interdite et que ces dernières doivent rejoindre un service public d'archives.

Ces dispositions paraissent d'autant plus importantes à adopter qu'aujourd'hui, avec les archives électroniques, cette sauvegarde s'impose très tôt, dès leur production.

En ce qui concerne les archives privées classées en raison de leur intérêt historique, le projet de loi vise à harmoniser leur régime sur celui des objets mobiliers classés et, par ailleurs, à étendre aux archives privées les dispositions de la loi du 10 juillet 2000 relative à la vente de gré à gré des objets mobiliers.

Il convient en effet d'insister sur l'importance qu'ont progressivement prise dans les collections publiques les archives d'origine privée, archives de particuliers, d'entreprises et d'architectes, archives familiales, syndicales ou de partis politiques, archives religieuses, archives des associations. La mémoire de la nation ne saurait en effet se limiter à la seule mémoire administrative restituée par les archives publiques.

Les archives privées constituent aujourd'hui pour les chercheurs des documents complémentaires précieux, et leur protection est devenue un enjeu majeur.

Il est enfin prévu, dans ce projet de loi, de protéger les archives publiques et privées en renforçant les sanctions pénales et administratives qui leur sont spécifiques.

S'agissant, d'ailleurs, de l'adaptation du droit répressif, il nous est apparu intéressant, compte tenu des exactions et des nombreux délits commis au cours des derniers mois dans les monuments, les églises notamment, de traiter de la question de la protection des biens culturels dans son ensemble. En effet, le droit pénal sanctionne de manière identique les dégradations et les vols simples de biens appartenant à notre patrimoine culturel.

À la suite du travail approfondi sur la protection des biens culturels mené en commun entre le ministère de la culture et de la communication et la Chancellerie au cours des deux derniers mois, il vous est proposé, mesdames, messieurs les sénateurs, d'adopter un amendement au présent projet de loi ayant pour objet de compléter et de modifier le code pénal pour une meilleure protection des biens culturels.

Actuellement, seule la destruction, la dégradation ou la détérioration de certains de ces biens fait l'objet d'une répression spécifique, prévue par les 3° et 4° de l'article 322-2 du code pénal. Cette répression est très insuffisante, puisque de nombreux biens culturels - ceux qui se trouvent dans les lieux de culte, par exemple - ne sont pas protégés et que la peine encourue est seulement de trois ans d'emprisonnement.

L'amendement proposé a un triple objet.

Il vise, tout d'abord, à donner une définition plus large et plus cohérente, dans le code pénal, de la notion de biens culturels, qui recouvrira les biens relevant du domaine public mobilier ainsi que les biens culturels privés qui sont exposés, conservés ou déposés dans une médiathèque, dans un lieu dépendant d'une personne privée assurant une mission d'intérêt général ou encore dans un édifice affecté au culte.

Il vise, ensuite, à étendre la protection pénale spécifique de ces biens culturels en cas de vol.

Il vise, enfin, à prévoir des pénalités adaptées, en fixant le maximum des peines encourues à sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende, voire à dix ans d'emprisonnement et 150 000 euros s'il existe une autre circonstance aggravante. L'amende pourra représenter jusqu'à la moitié de la valeur des biens volés, détruits ou détériorés, comme c'est le cas en matière de recel.

À cette fin, plusieurs articles nouveaux sont insérés dans les chapitres du code pénal consacrés au vol et aux destructions. Dès lors que ces dispositions concernent également les archives, elles ont toute leur place dans le présent projet de loi.

En conclusion, je dirai que l'affirmation du principe de libre communicabilité des archives publiques, la diminution des délais spéciaux de communication des documents contenant des informations dont la protection s'impose, le renforcement de la protection des archives publiques et privées, l'encadrement des protocoles des archives des autorités politiques et de l'externalisation des archives publiques non définitives concourent à doter notre pays de moyens modernes, adaptés à l'évolution des techniques et aux exigences de la conservation de la mémoire d'un grand État.

Cette mémoire n'est pas destinée à être seulement classée sur une étagère ou stockée dans des fichiers électroniques, mais elle doit vivre et être utilisée par le plus grand nombre, afin de servir à la compréhension du passé aussi bien qu'à celle du présent.

En mettant l'accent sur la transparence administrative et l'information du citoyen, ce projet de loi manifeste l'intérêt porté par le Gouvernement à la sauvegarde des sources déjà constituées de notre histoire, mais aussi à la compréhension future d'une mémoire en cours de constitution. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. René Garrec, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, dans son rapport public de 1995 consacré au thème de la transparence et du secret dans la vie publique et administrative, le Conseil d'État constatait la revendication par les citoyens d'un « droit d'information et de communication » sur les modalités d'exercice de l'action publique. Je regrette en cet instant l'absence de notre collègue Gournac, car j'aurais eu la satisfaction de lui confirmer que le Conseil d'État servait à quelque chose,...

MM. Jean-Claude Carle et Charles Revet. Qui en doute ? (Sourires.)

M. René Garrec, rapporteur. ... contrairement à ce qu'il disait il y a quelque temps.

La transparence est la définition même d'une démocratie développée.

La France cherche de longue date à améliorer la transparence de son action sans nuire pour autant à son efficacité. Le législateur est intervenu à plusieurs reprises, entre 1978 et 1979, afin de faciliter l'accès des usagers aux documents administratifs et aux archives publiques, en particulier par la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, créant la CNIL, la Commission nationale de l'informatique et des libertés, et par celle du 17 juillet 1978 relative à l'accès aux documents administratifs, créant la CADA, la Commission d'accès aux documents administratifs.

Confortant cette démarche d'ouverture, le précédent gouvernement a déposé sur le bureau du Sénat, en 2006, deux projets de loi relatifs aux archives, l'un ordinaire, à caractère général, l'autre organique, spécifique au Conseil constitutionnel.

S'appuyant sur différentes réflexions, notamment le rapport Braibant sur les archives en France, paru en 1996, ces textes visent, d'une part, à améliorer la protection des archives et, d'autre part, à en faciliter l'accès afin de répondre aux besoins exprimés par les citoyens, soucieux de consulter plus rapidement les sources de leur histoire collective.

Je souscris largement à ces orientations et vous propose de compléter le projet de loi ordinaire, en particulier en confortant l'effort de transparence pour les documents relatifs à la vie publique, en veillant toutefois à mieux protéger le droit à la vie privée du vivant des personnes.

En premier lieu, les projets de loi soumis à notre assemblée visent à protéger et à ouvrir davantage les archives, définies dans le code du patrimoine comme l'ensemble des documents, quels que soient leur date, leur forme et leur support matériel, produits ou reçus par toute personne dans l'exercice de son activité.

Ces documents présentent en effet un triple intérêt.

Ils constituent, tout d'abord, pour leurs propriétaires, la mémoire de leur activité et leur permettent d'organiser au mieux la poursuite de celle-ci grâce à la consultation régulière des « précédents ».

Ils permettent, ensuite, de justifier les droits des personnes. C'est toujours utile lorsque l'on a des voisins difficiles ! (Sourires.)

Ils assurent, enfin, la sauvegarde de l'histoire collective.

L'importance des archives, souvent qualifiées de « poussiéreuses » - je ne dénoncerai pas celui d'entre nous qui a prononcé ce mot, car la délation est une vilaine chose ! (nouveaux sourires) -, est trop souvent méconnue et justifie pleinement que le législateur en améliore la protection.

S'il appartient à toute personne de veiller à la conservation de ses propres archives privées, il incombe en revanche à l'État de conférer un statut particulièrement protecteur à deux catégories d'archives qui présentent un intérêt administratif ou historique essentiel.

Il s'agit, d'une part, des archives publiques, c'est-à-dire des archives produites par une personne publique ou une personne privée investie d'une mission de service public, et, d'autre part, des archives privées classées, c'est-à-dire des archives appartenant à des personnes privées qui ont fait l'objet d'une procédure de classement eu égard à leur « intérêt public ».

En premier lieu, le projet de loi améliore la protection des archives publiques au moyen d'un renforcement des sanctions pénales et de la création d'une sanction administrative qui a vocation à limiter l'accès aux salles de lecture des personnes déjà condamnées pénalement pour destruction ou vol d'archives.

Le projet de loi vise, ensuite, à renforcer la protection des archives privées classées « archives historiques ». Le texte prévoit ainsi au profit de l'État, dans le cadre des ventes publiques ou de gré à gré, un système de préemption dans les quinze jours suivant la vente.

En second lieu, les deux textes qui nous sont soumis visent à faciliter l'accès aux archives publiques et politiques.

Tout d'abord, le projet de loi ordinaire substitue au délai de trente ans actuellement en vigueur pour l'ensemble des archives publiques le principe de la libre communicabilité, à toute personne, des archives publiques qui ne mettent pas en cause l'un des secrets protégés par la loi.

Ensuite, le projet de loi ordinaire propose de ramener les délais actuels de communication des archives publiques, qui sont au nombre de six et s'échelonnent de trente à cent cinquante ans, à trois délais de vingt-cinq, cinquante et cent ans. Notre position, sur ce point, sera légèrement divergente. Pour l'équilibre du texte, nous pensons, pour notre part, qu'un délai de soixante-quinze ans est une bonne solution. Nous aurons l'occasion d'en reparler lors de la discussion des amendements.

Le délai de communication de droit commun pour les documents couverts par un secret protégé par la loi passerait de trente à vingt-cinq ans. Il en est ainsi des documents relatifs aux délibérations du Gouvernement.

Les délais de cinquante et cent ans s'appliquent, quant à eux, dans le cas de documents plus sensibles, touchant aux intérêts fondamentaux de l'État, aux affaires portées devant les juridictions, à l'état civil, etc.

Enfin, le projet de loi ordinaire est complété par un projet de loi organique, dont le principal objet est de réduire le délai de communication des archives du Conseil constitutionnel de soixante à vingt-cinq ans.

La commission des lois approuve l'abaissement de ce délai, susceptible de faciliter les recherches juridiques ou historiques et, en particulier, d'éclairer le sens de certains revirements de jurisprudence du Conseil constitutionnel qui, sans cela, nous échapperaient totalement ou presque.

Certes, cette évolution conduit à réduire les délais de communication des travaux du Conseil constitutionnel, non seulement lorsqu'il statue sur la conformité à la Constitution d'une loi, d'un règlement des assemblées ou d'un traité, mais également lorsqu'il se prononce sur la régularité de l'élection des parlementaires.

Dès lors, les projets de loi créent deux délais de communication des dossiers de contentieux électoral : vingt-cinq ans pour les élections législatives et sénatoriales, et cinquante ans pour les élections locales, qui relèvent de la compétence des juridictions administratives.

Ce double régime est, j'en conviens, quelque peu compliqué. Toutefois, l'existence de deux délais différents en matière de contentieux électoral n'est pas imputable au projet de loi, puisque le délai actuel de soixante ans est d'ores et déjà dérogatoire au délai de cent ans applicable aux archives judiciaires.

Autre avancée significative en matière de transparence : les projets de loi consacrent le principe de gratuité de l'accès aux archives publiques. Puisque tout citoyen a le droit d'accéder au patrimoine public de notre pays sans distinction de fortune, la consultation, dans une salle de lecture, d'archives publiques est un droit qui ne peut souffrir une quelconque facturation, source de discrimination financière entre les usagers. En revanche, il apparaît légitime de facturer, au même titre que celles des documents administratifs, les reproductions d'archives, dont le coût, parfois très élevé, ne saurait être supporté par l'administration.

Par ailleurs, le projet de loi ordinaire consacre juridiquement l'existence de protocoles d'archives conclus avec des autorités politiques, ce qui est très important pour éviter « l'évaporation des archives ».

Ces protocoles ont été inaugurés, au début des années quatre-vingts, par le président Valéry Giscard d'Estaing, juste avant qu'il ne quitte, pour des raisons connues de tous les Français, le palais de l'Élysée. Il s'agissait de contourner les difficultés de la loi 1979 sur les archives, qui soumettait au droit commun du code du patrimoine les archives des plus hautes autorités de l'État, à savoir : un délai de communicabilité de trente ans, sauf exceptions ; la perte par les autorités politiques de l'accès à leurs archives et la délivrance des autorisations de consultation anticipée par le titulaire de la fonction au moment de la présentation de la demande et non par le propriétaire des archives.

Cette situation risquait d'entraîner des fuites ou des destructions d'archives au moment des alternances politiques. C'est pour cette raison qu'ont été créés, de façon quelque peu artificielle et sans base légale, des « protocoles de remises », qui ont été organisés et structurés par le président François Mitterrand.

Leur succès repose en grande partie sur les avantages que ces protocoles permettent de consentir à la personnalité versante. Celle-ci dispose, en effet, de la maîtrise totale de l'accès aux documents pendant un délai allant de trente ans pour les ministres, à soixante ans pour le Président de la République et le Premier ministre. Elle peut y accéder elle-même sans aucune restriction, et toute autre communication, y compris à son successeur, est soumise à son autorisation écrite. À l'expiration de ce délai, les documents tombent dans le droit commun des archives publiques.

Le souhait des personnalités concernées de conserver la maîtrise de l'accès à leurs archives est en grande partie légitime. Au-delà de la tradition des « mémoires » rédigés par les hommes d'État, ces personnalités peuvent avoir à utiliser ces archives pour justifier leur action passée ou poursuivre leur activité politique ou professionnelle. Quant à la maîtrise de l'accès qui leur est laissée, elle constitue une garantie de confidentialité, seule à même de permettre un versement exhaustif et d'éviter des consultations abusives à des fins purement politiques et polémiques.

Le projet de loi vise, opportunément, à conférer un fondement juridique aux « protocoles de remises » et encadre les futurs protocoles politiques par un régime conforme à l'intérêt public.

Est tout d'abord repris le principe selon lequel la personnalité versante conserve pour elle-même un accès libre aux archives qu'elle a produites et peut en refuser la communication à des tiers. Toutefois, les délais sont alignés sur le droit commun, à savoir les trois délais de vingt-cinq, cinquante et cent ans, en fonction de la nature des documents et selon les différents degrés de secret.

Par ailleurs, il est prévu que le protocole cesse d'avoir effet de plein droit en cas de décès du signataire. Dans ce cas, c'est l'autorité politique en exercice dans la même fonction qui aurait la charge d'accorder les autorisations de consultation si les archives ne sont pas tombées, à la date du décès du signataire, dans le domaine public. En effet, c'est la seule autorité à même d'apprécier le caractère sensible des données dont la communication est sollicitée.

La commission des lois vous propose, mes chers collègues, d'adopter sans modification le projet de loi organique relatif au Conseil constitutionnel, mais de compléter le projet de loi ordinaire.

Elle souhaite, tout d'abord, permettre aux personnes en charge d'archives publiques de mettre en ligne, si elles le souhaitent, des documents communicables dignes d'intérêt, afin de mettre à disposition du plus grand nombre les archives publiques susceptibles d'améliorer la connaissance par le citoyen de l'histoire politique et administrative de son pays.

Elle propose, également, d'ouvrir plus largement les archives judiciaires audiovisuelles, qui sont actuellement au nombre de quatre, et qui portent sur les procès Barbie, Touvier, Papon et celui du sang contaminé.

Rappelons qu'en 1985 le législateur a entendu créer un régime de communication relativement sévère puisqu'il a souhaité, alors même que les audiences étaient publiques, subordonner la consultation de l'enregistrement, fût-elle à des fins historiques ou scientifiques, à l'accord de l'autorité administrative pendant les vingt ans qui suivent la clôture du procès.

La commission des lois a également souhaité protéger davantage le droit à la vie privée, principe à valeur constitutionnelle.

S'il faut saluer la démarche sous-jacente au projet de loi consistant à ouvrir plus rapidement les archives relatives à la vie publique et au fonctionnement administratif, la commission regrette cette même évolution s'agissant des documents touchant directement la vie privée, le secret des familles, des affaires et des entreprises, en particulier les documents relatifs aux affaires portées devant les juridictions et les actes authentiques établis par les notaires. La demande de transparence, dans ce domaine, est beaucoup moins légitime eu égard à l'importance du droit à la vie privée et à l'allongement de l'espérance de vie.

En conséquence, nous proposerons un amendement tendant à porter le délai de communication de cinquante à soixante-quinze ans. Si cet amendement n'était pas adopté, nous en reviendrions au délai de cent ans que vous préconisiez, madame le ministre, ce qui serait dommageable pour les communications, la recherche et la vie courante.

Par ailleurs, je propose d'aligner le régime de communication des actes d'état civil sur celui des documents portant atteinte à la protection de la vie privée.

Actuellement, les actes d'état civil, comme les registres de mariage, ne sont communicables qu'à l'expiration d'un délai de cent ans à compter de leur édiction. Le projet de loi maintient ce délai pour les naissances et fixe un délai de cinquante ans pour les mariages. Nous vous soumettrons un amendement tendant à fixer un délai de soixante-quinze ans, en cohérence avec le délai proposé relatif aux documents portant sur la vie privée.

La commission des lois a souhaité, également, réaffirmer le principe d'autonomie des assemblées parlementaires, qui lui tient à coeur.

Le projet de loi prévoit de soumettre au droit commun du code du patrimoine les archives des assemblées parlementaires. Cette disposition nous irrite quelque peu !

Les assemblées parlementaires seraient donc soumises au contrôle scientifique et technique de l'administration des archives et tenues de lui verser l'ensemble de leurs archives définitives ! Certes, il s'agit d'une administration de haute qualité, composée de personnels compétents qui font très bien leur travail. Mais se faire toiser par les fonctionnaires des archives, quelle que soit leur qualité professionnelle, cela nous gêne un peu !

Ce choix ne nous paraît ni judicieux ni juridiquement fondé.

En premier lieu, il est pour le moins paradoxal que, tout en maintenant l'autonomie en matière d'archivage des ministères des affaires étrangères et de la défense, le projet de loi tende à soumettre, dans ce domaine, les assemblées au droit commun.

En second lieu, d'un strict point de vue juridique, les assemblées parlementaires sont régies par un principe constitutionnel d'autonomie, en vertu duquel elles définissent elles-mêmes les règles qui leur sont applicables, et ce afin de protéger les parlementaires de pressions de l'exécutif susceptibles de mettre à mal la séparation des pouvoirs. Cela ne s'est jamais produit, mais on ne sait jamais...

Ce principe d'autonomie s'oppose à ce que s'établisse entre l'administration des Archives de France, service relevant de l'exécutif, et les assemblées une relation de contrôleur à contrôlé.

Ce principe est également incompatible avec un versement systématique et obligatoire des archives parlementaires à une structure extérieure.

En revanche, cette autonomie n'exclut évidemment pas des relations partenariales étroites avec l'administration des archives, comme c'est le cas aujourd'hui. Ce mouvement est normalement appelé à se développer à l'avenir.

Enfin, de notre point de vue, autonomie n'implique ni dilettantisme ni opacité.

D'une part, le Sénat a engagé ces dernières années une forte professionnalisation de la gestion de ses archives, notamment par le recrutement d'archivistes contractuels.

D'autre part, convaincu depuis toujours que la transparence était l'essence même du travail parlementaire, il a engagé très tôt une politique d'ouverture ambitieuse. Je n'insisterai pas davantage sur ce point, sauf à être suspecté de faire de la publicité... (Sourires.)

Cette politique d'ouverture et de transparence s'est traduite par le souci de traiter efficacement et rapidement les demandes des chercheurs tendant à la consultation des archives du Sénat et par le souhait de valoriser ses fonds à destination du grand public. Je tiens, à ce propos, à remercier Mme la présidente, qui y est sûrement pour quelque chose. (Nouveaux sourires.)

Pour l'ensemble de ces raisons, la commission des lois vous proposera d'adopter un amendement tendant à insérer dans l'ordonnance de 1958 sur le fonctionnement des assemblées parlementaires un article de principe consacrant explicitement la compétence des assemblées dans la définition des modalités de collecte, classement, conservation et communication de leurs archives respectives, ainsi que plusieurs amendements de coordination ou de conséquence.

La commission des lois propose également de combler un vide juridique en donnant un statut aux archives des groupements de collectivités territoriales, qui font figure « d'archives oubliées », alors que certaines puissantes structures intercommunales investissent et créent leur service d'archives. C'est, en particulier, le souci de M. le président de la commission des lois. Je me suis laissé dire qu'il est des structures qui, telle la communauté d'agglomération d'Elbeuf, construisent des bâtiments pour y accueillir leurs archives.

La commission vous propose donc de combler ce vide juridique en créant un statut, d'une part, pour les archives appartenant aux communes, membres des groupements de collectivités territoriales, d'autre part, pour les archives produites par les groupements eux-mêmes.

Enfin, madame la ministre - peut-être ne serez-vous pas tout à fait d'accord -, nous avons constaté que l'un des deux textes de loi est quelque peu mité. Au vu des redondances et contradictions relevées, nous vous suggérons de prendre ce problème à bras-le-corps pour élaborer un grand texte fédérant l'ensemble des écrits existants.

Dans cette attente, pour vous faciliter le travail et nous assurer que la structure reste bien en place, nous proposerons quelques amendements modestes permettant de surmonter les difficultés signalées.

Dès lors qu'un document administratif devient, dès sa création, une archive publique, et ce même s'il est conservé dans le service producteur - on parle alors, selon la terminologie des spécialistes, « d'archives vivantes » -, la coexistence de deux régimes distincts n'apparaît pas justifiée. Source de complexité, elle est contraire à l'esprit de clarté et de transparence qui vous anime.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois vous propose, mes chers collègues, d'adopter le projet de loi relatif aux archives, ainsi modifié, et le projet de loi organique relatif aux archives du Conseil constitutionnel, sans modification. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. - M. Claude Peyronnet applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la commission des affaires culturelles s'est saisie pour avis du projet de loi ordinaire relatif aux archives. Elle avait examiné au fond la loi fondatrice du 3 janvier 1979, qui a fixé, pour la première fois depuis celle du 7 messidor an II, un cadre juridique cohérent sur les archives.

Les archives constituent, en effet, l'un des piliers de notre politique culturelle du patrimoine ; il est confié au ministère de la culture depuis la création de celui-ci, en 1959.

Toutefois, la politique des archives ne se réduit pas à cet aspect : elle contribue également au bon fonctionnement de notre État de droit ; elle est au service de la transparence de l'action publique. On ne peut gouverner sans archives.

Maurice Druon, alors député de Paris, s'exprimait ainsi lors de l'examen de la loi de 1979 à l'Assemblée nationale : « Tout acte de l'intellect suppose un appui sur le souvenir. Il n'y a pas de civilisation sans mémoire. En ce sens, les archives constituent la mémoire de la nation. »

Mais le rôle des archives a évolué et s'est diversifié : les auditions auxquelles notre commission a procédé m'ont, en tout cas, permis de mieux cerner leur importance et leur modernité. Contrairement à une idée largement répandue, les archives ne sont pas de vieux grimoires poussiéreux. Bien au contraire, les archives sont vivantes : ancrées dans notre quotidien, elles forgent notre identité individuelle et collective. Jules Michelet, qui fut chef de la section historique des Archives nationales de 1831 à 1852, relevait, dans l'un des volumes de sa célèbre Histoire de France : « Ces papiers ne sont pas des papiers, mais des vies d'hommes, de provinces, de peuples. »

Je pense ici à l'importance des archives municipales et départementales, à l'état civil notamment, dans la constitution de la mémoire et de l'identité de nos territoires.

Au-delà, les archives investissent des champs de plus en plus larges de la recherche, de la vie économique, civique ou sociale : ce sont de véritables réservoirs de connaissances, aujourd'hui indispensables pour appréhender les phénomènes contemporains, dans tous les domaines de la science.

Le projet de loi qui nous est soumis s'inscrit dans un contexte marqué par une exigence de modernisation de la politique des archives.

Le défi numérique, d'abord, a un double impact : la « dématérialisation » des supports, d'une part, appelle une adaptation des méthodes de collecte et de conservation ; la numérisation des fonds, d'autre part, permet de favoriser l'accès aux archives par leur diffusion en ligne, mais au prix d'un travail colossal et coûteux.

Un autre défi est la production de plus en plus massive d'archives publiques. Je citerai juste quelques chiffres pour donner une idée de l'ampleur de l'enjeu : les cinq centres nationaux et le réseau des archives territoriales conservent plus de 2 800 kilomètres linéaires d'archives, soit la distance entre Paris et Moscou, et reçoivent chaque année 70 kilomètres supplémentaires ; le volume des archives publiques a ainsi quasiment doublé en trente ans.

Nous avons salué, madame la ministre, lors de l'examen du budget de la mission « Culture » pour 2008, l'effort consacré au lancement du chantier de Pierrefitte-sur-Seine, qui sera le troisième centre francilien des Archives nationales. Annoncé en 2004, ce projet, plébiscité par les associations d'usagers, permettra de remédier à la saturation des locaux actuels, tout en étant porteur d'une ambition nouvelle à l'égard d'une institution parfois un peu trop négligée.

Dans ce contexte, le projet de loi ne remet pas en cause les grands principes posés par le législateur il y a près de trente ans, mais il les actualise sur plusieurs points. Je me réjouis que ce texte, déposé en août 2006, soit enfin examiné par le Sénat. Il est le fruit d'une réflexion approfondie et d'une longue maturation : voilà en effet plusieurs années qu'il est apparu nécessaire d'adapter le cadre juridique issu de la loi de 1979. Le conseiller d'État Guy Braibant avait formulé en 1996 des propositions pour des archives plus riches, plus ouvertes et mieux gérées : le projet de loi reprend un grand nombre d'entre elles.

Je ne reviendrai pas en détail sur l'ensemble des dispositions du projet de loi, qui ont déjà été exposées par notre collègue René Garrec, rapporteur au fond. Je limiterai mon propos à quelques observations et aux principales propositions formulées par notre commission.

Madame la ministre, vous l'avez dit vous-même, ce projet de loi est attendu par les usagers des archives : il répond aux attentes de la communauté scientifique en réduisant les délais de communication et en les alignant sur ceux qui sont en vigueur dans la plupart des autres pays. Tel est le principal axe de ce projet de loi, dont notre commission a partagé l'esprit.

Notre attention a, toutefois, été attirée sur deux points.

D'abord, les demandes de consultation de fonds avant l'expiration des délais de communication sont examinées de façon souple, car les réponses sont favorables dans 95 % des cas. Cependant, les délais dans lesquels ces autorisations sont délivrées dépassent parfois six mois, voire un an. Nous ne pouvons nous satisfaire de cette situation, préjudiciable aux étudiants ou chercheurs qui doivent rendre leurs travaux dans des temps limités.

Ensuite, les fonds qui pourront désormais être communiqués devront être prêts, c'est-à-dire classés et traités par des archivistes professionnels. Or cela prendra du temps et nécessitera des moyens. Je m'interroge donc, madame la ministre, sur les moyens qui seront donnés à l'administration des archives pour traduire dans les faits les avancées du projet de loi. Jusqu'à présent, le très faible nombre de postes ouverts à l'École des chartes et à l'Institut du patrimoine peut apparaître en décalage avec l'augmentation du volume d'archives produites. Dès lors, des évolutions plus favorables de recrutement de conservateurs sont-elles à prévoir ?

Ces observations valent également pour l'article 4 du projet de loi, qui prévoit que les directeurs des services départementaux d'archives seront choisis parmi les conservateurs du patrimoine de l'État. Il faudra veiller à développer les passerelles pour permettre à des conservateurs territoriaux d'accéder à ces postes.

De même, de plus en plus d'universités proposent des formations d'archivistes : ces diplômés pourront-ils également rejoindre le corps des conservateurs d'État ?

Le projet de loi témoigne ensuite de pragmatisme puisque plusieurs mesures visent à adapter le droit à la pratique.

Le texte fait d'abord preuve de réalisme en encadrant l'externalisation de la gestion des archives publiques. Cette tendance semble inéluctable, en effet, dans le contexte de production massive d'archives que j'ai déjà évoqué.

Le projet de loi donne, en outre, un fondement juridique aux protocoles de remise des archives des autorités de l'exécutif. Il s'agit là d'un progrès important, car, comme le président Valéry Giscard d'Estaing en avait bien conscience en inaugurant cette pratique, ces archives sont des matériaux d'une grande richesse pour l'écriture de notre histoire contemporaine.

Je me suis par ailleurs interrogée sur les archives des présidents d'exécutifs locaux : il serait intéressant de disposer d'un état des lieux des pratiques de versement de ces archives, car elles sont désormais une source importante de connaissance. Voilà quelques années, notre collègue Charles Revet, alors président du conseil général de Seine-Maritime, avait signé avec les archives départementales un protocole ô combien précurseur. Je pense que de tels exemples pourraient être suivis.

Je vous proposerai également de combler un vide juridique s'agissant des archives des EPCI : la loi de 1979 n'avait pu prévoir, en effet, le développement de ces structures et l'extension de leurs compétences.

Le troisième et dernier axe du projet de loi est de renforcer la protection du patrimoine d'archives. Le régime de sanctions pénales est complété et actualisé. Nous ne pouvons que partager ces orientations, qui vont dans le sens de la réflexion que vous avez engagée, madame la ministre, en lien avec Mme la garde des sceaux, afin de sanctionner plus lourdement les auteurs d'actes de vandalisme à l'encontre de biens culturels. Notre pays est, hélas, avec l'Italie, ce qui n'est pas surprenant, l'un des plus touchés par cette délinquance, et je crois qu'il est temps de réagir avec fermeté pour sauvegarder notre patrimoine. C'est pourquoi je soutiendrai l'amendement que vous nous présenterez sur ce sujet au nom du Gouvernement.

Les autres mesures du projet de loi, qui concernent les archives privées classées comme archives historiques, peuvent paraître contraignantes. Toutefois, elles répondent au besoin de protéger un patrimoine fragile et bien souvent menacé.

Je proposerai d'aller plus loin, sur le modèle de ce qui a été adopté voilà quelques semaines dans la loi de finances rectificative pour les objets mobiliers, afin d'inciter les propriétaires d'archives classées à restaurer et à valoriser leurs fonds, dont ils devront bien sûr, en contrepartie, faciliter la consultation ; il s'agit en effet d'un gisement précieux, mais encore trop peu exploité, pour les chercheurs et historiens.

Le projet de loi prévoit également des adaptations ponctuelles, notamment en vue d'étendre aux archives privées les dispositions relatives à la vente de gré à gré des objets mobiliers de la loi du 10 juillet 2000 portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.

Au-delà, je me suis interrogée sur la question des ventes en ligne d'archives, que ces archives soient d'ailleurs publiques ou privées. Le développement de ce phénomène appelle sans doute des mesures spécifiques. Certes, cela dépasse le cadre du présent projet de loi, car l'ensemble des biens culturels est concerné. Cependant, madame la ministre, avez-vous des éclairages à nous apporter sur ce sujet ?

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, si la commission des affaires culturelles a estimé que ce projet de loi allait globalement dans le bon sens, elle a toutefois souhaité y apporter plusieurs modifications, et j'aurai plus tard l'occasion d'aborder plus en détail les amendements qu'elle a adoptés.

Il s'agit d'abord de réaffirmer les prérogatives des assemblées parlementaires à l'égard de leurs archives. Nos deux commissions se sont prononcées de façon unanime sur ce point, qui est inhérent aux principes de séparation des pouvoirs et d'autonomie du Parlement. Cette gestion autonome, dont nous avons pu constater avec quel professionnalisme elle était exercée en visitant les archives du Sénat, ne signifie pas opacité : bien au contraire, elle doit contribuer, comme c'est, je crois, le cas aujourd'hui, à la transparence et à l'ouverture des travaux du Parlement, ce qui est une exigence de notre démocratie.

Par ailleurs, je tiens à souligner que cette gestion autonome ne fait en rien obstacle au principe d'une coopération fructueuse avec l'administration des archives.

J'ai souhaité insister en outre sur la nécessité de valoriser la politique des archives. Je proposerai ainsi de consolider le statut juridique du Conseil supérieur des archives, qui était présidé depuis sa création en 1988 par René Rémond. Cela devrait contribuer à donner une plus grande visibilité à la politique des archives et à lui conférer une dynamique nouvelle.

Cependant, au-delà des textes de loi, cette ambition passe également par une évolution des mentalités : il me semble ainsi indispensable de sensibiliser les futurs cadres ou dirigeants des secteurs public et privé, au cours de leur formation initiale, à l'importance de la conservation des archives.

Les archives sont souvent le dernier sujet de préoccupation dans les administrations et, surtout, dans les entreprises. Or les archives du monde du travail sont un formidable gisement pour la recherche. Il serait dommage que cette source d'histoire et de connaissances disparaisse. Sa conservation suppose une bonne information des responsables en amont, mais aussi des moyens adaptés pour les services d'archives afin qu'ils puissent prendre en charge ces documents avant qu'ils ne soient détruits. Or ce n'est pas encore le cas aujourd'hui : seul un centre des archives du monde de travail a vu le jour à Roubaix, alors que cinq pôles étaient initialement prévus.

Je souhaite, madame la ministre, que ces aspects ne soient pas négligés : ce seront des mesures nécessaires en accompagnement du projet de loi, afin de donner leur pleine portée aux avancées que celui-ci prévoit.

Sous réserve des amendements que je présenterai, la commission des affaires culturelles a émis un avis favorable quant à l'adoption du projet de loi relatif aux archives. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures quinze.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures quinze, est reprise à vingt-deux heures quinze, sous la présidence de Mme Michèle André.)

PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi organique modifiant l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel et relatif à ses archives et du projet de loi relatif aux archives.

Dans la suite de la discussion générale commune, la parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les projets de loi ordinaire et organique que nous examinons tirent les leçons de près de trente ans d'application de la loi du 3 janvier 1979, ainsi que de l'évolution des technologies et des pratiques, et ils vont en particulier permettre d'ouvrir plus largement l'accès aux archives tout en leur assurant une meilleure protection.

Nous ne pouvons qu'approuver ces objectifs, notamment en ce qu'ils clarifient la notion d'archives publiques - elle a, de fait, beaucoup évolué ces dernières années, avec l'utilisation des nouvelles technologies d'information, de communication et de stockage des données -, en ce qu'ils mettent à jour les délais actuels d'accès aux documents protégés par la loi et en ce qu'ils donnent un statut juridique aux archives des responsables politiques qui font l'objet de « protocoles de remise » passés avec l'administration des archives.

Étant le représentant du Sénat au sein de la Commission d'accès aux documents administratifs, la CADA, et ayant, à ce titre, à examiner des demandes de consultation, par dérogation, d'archives dont l'accès est limité par la loi, je mesure parfois le côté excessif de certains délais d'interdiction de communication des archives publiques en même temps que l'insécurité juridique qui entoure l'accès à d'autres documents au regard, par exemple, de la nécessaire protection de la vie privée.

À ce titre, si j'approuve la réduction du nombre de délais de communicabilité des archives et la volonté de simplification qui préside à leur remise en ordre, je crois nécessaire d'éviter que, à vouloir trop simplifier, on ne crée de nouvelles difficultés.

Ainsi, l'idée de supprimer de manière systématique l'ancien délai de soixante-quinze ans pour le remplacer par un délai de cinquante ans est séduisante, mais je pense toutefois - comme, d'ailleurs, le rapporteur de la commission des lois - qu'il est indispensable de conserver un délai de soixante-quinze ans avant de pouvoir communiquer certains documents, notamment ceux qui peuvent porter atteinte à la vie privée.

Par exemple, si un délai de cinquante ans peut paraître suffisant avant de permettre l'ouverture des archives publiques sur les actions menées dans la clandestinité par des activistes de l'OAS qui avaient quarante ou cinquante ans à l'époque des faits, il n'en va pas du tout de même pour les anciens activistes qui n'avaient que vingt ou vingt-cinq ans, pour lesquels la divulgation de documents pourrait avoir lieu de leur vivant, leur créant d'évidentes difficultés, pour ne pas dire plus, à eux-mêmes comme à leur entourage. Je pense donc, madame la ministre, que la volonté de simplification ne doit pas nous faire perdre le sens des réalités.

Sous cette réserve, il faut se féliciter des avancées des deux textes que nous examinons, aussi bien en ce qu'ils facilitent la consultation des archives publiques en posant le principe de communicabilité de celles qui ne remettent pas en cause un secret protégé par la loi et en élargissant le champ d'application des dérogations, qu'en ce qui est fait pour renforcer leur protection avec le réajustement des sanctions pénales et la création d'une sanction administrative.

J'ai bien noté, monsieur le rapporteur, madame le rapporteur pour avis, que les deux commissions étaient unanimes pour réaffirmer l'autonomie des assemblées dans la gestion de leurs archives respectives. Si cette mesure s'explique par la nécessaire séparation des pouvoirs, je tiens toutefois à souligner qu'il serait plus raisonnable pour la lisibilité du dispositif et la compréhension des utilisateurs des archives publiques que les deux assemblées aient le même dispositif et que ce soit donc une proposition de loi commune - plutôt qu'une résolution propre à chaque chambre - qui fixe les conditions de collecte, de conservation, de classement et de communication des archives desdites assemblées.

Dans le même esprit que celui qui préside à ces textes - à savoir une clarification et une adaptation aux réalités d'aujourd'hui des dispositions en vigueur -, je présenterai quatre amendements.

Le premier vise à clarifier une rédaction pouvant prêter à confusion concernant les délais de protection de la vie privée prévus à l'article L. 213-2 du code du patrimoine. M. le rapporteur de la commission des lois a d'ailleurs déposé un amendement semblable, et je m'en réjouis.

Un deuxième amendement a pour objet de réduire le délai de communication de cinquante à vingt-cinq ans après la fin de l'affectation de bâtiments utilisés pour la détention des personnes pour les documents relatifs à leur construction, à leur équipement et à leur fonctionnement, dès lors que la consultation desdits documents ne porte pas atteinte à la sécurité publique ou à la sûreté de l'État.

On ne voit pas, en effet, ce qui justifierait un embargo de cinquante ans sur ces documents à partir du moment où les bâtiments qu'ils concernent ne font plus du tout l'objet de l'utilisation sensible à laquelle ils étaient initialement destinés et qui justifiait alors une protection particulière.

Deux autres amendements, enfin, permettraient la désignation par la partie versante d'un représentant pour répondre aux demandes de consultation d'archives déposées par des personnes dans le cadre de protocoles. En effet, si l'on veut favoriser les possibilités d'accès à certains fonds, et dès lors que la communication est subordonnée à l'accord de celui qui a versé les documents, il ne faut pas obligatoirement imposer à ladite personne d'aller personnellement vérifier dans le carton d'archives le contenu du ou des documents sollicités, ce qui peut être fréquent et fastidieux.

Je le dis en connaissance de cause : il n'est pas rare, en effet, que nous ayons à nous prononcer, au sein de la Commission d'accès aux documents administratifs, sur la communicabilité de documents dans le cadre de ces fameux protocoles. À chaque fois, le rapporteur étudie l'intégralité des documents afin de déterminer si des dispositions s'opposent à leur communication. Il paraît tout de même délicat d'imposer cela à un ancien Président de la République ou à un ancien Premier ministre. Il ne serait donc pas superflu qu'un représentant puisse donner l'accord à leur place.

En portant mes réflexions au-delà de l'objet même de ces textes, je voudrais inviter le Gouvernement à réfléchir plus avant à l'articulation entre la loi du 17 juillet 1978 relative à l'accès aux documents administratifs et la loi du 3 juillet 1979 sur les archives.

Les documents administratifs visés par la première loi ont en effet une définition très proche de celle des archives visées par la seconde, et certains documents administratifs constituent en même temps des archives publiques, des « archives vivantes », alors que les conditions d'accès ne sont pas les mêmes selon que l'on se place sous l'un ou l'autre des deux régimes juridiques. Il faut donc, au-delà des lois que nous allons très certainement approuver ce soir, aller vers plus d'harmonisation.

En conclusion, je me contenterai d'indiquer que le groupe de l'Union centriste-UDF et moi-même nous félicitons du travail réalisé par les rapporteurs des deux commissions, dont il convient de noter, d'une manière générale, la convergence de vues, et que nous apportons notre soutien à ces textes. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.

M. Jean-Claude Peyronnet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, on ne peut mieux caractériser les archives que par la définition qu'en donne l'Association des archivistes français, qui les situe à la « rencontre du patrimoine et de l'information opérationnelle ». Autrement dit, elles sont à la fois mortes, plus ou moins, et vivantes, plus ou moins, en fonction de l'écoulement du temps.

Vivantes, elles sont à la base de la bonne gouvernance d'un pays administré, et c'est peu de dire que la France est un pays administré Notre pays bénéficie d'une très ancienne tradition de conservation - ce qui suppose des choix et donc de la subjectivité -, tradition repérable dès la fin du XIIe siècle pour ce qui concerne les archives d'État.

Je me garderai d'égrener les dates de constitution du système de conservation des archives françaises, sauf à noter sa naissance officielle avec la Révolution et à retenir, parmi les dates qui normalisent les pratiques, celle du décret du 21 juillet 1936 faisant obligation aux administrations de verser leurs archives et interdiction de les détruire sans visa.

On notera cependant, sur cet aspect historique, que les archives, même privées ou partiellement privées, ont pu jouer un rôle majeur dans l'histoire de France. Il en va ainsi des fameux « terriers » seigneuriaux, conservateurs des droits exigibles des paysans pour le paiement de services tombés en désuétude. La Grande Peur n'aurait pas eu la même ampleur, ni les mêmes conséquences, s'il s'était agi simplement d'une colossale panique collective. En fait, partis en apparence à l'aventure, fuyant je ne sais quels « brigands », les paysans se sont vite retrouvés au pied des châteaux pour se faire remettre et détruire les fameux terriers. Plus d'archives, donc plus de preuves et plus de droits à payer ! Ils avaient bien compris l'intérêt des archives. On sait ce qu'il en advint,...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. De vrais révolutionnaires, ceux-là ! (Sourires.)

M. Jean-Claude Peyronnet. ... comment, les 5 et 11 août, les décrets de la Constituante déclarèrent ces droits « rachetables » et comment les troubles agraires se poursuivirent jusqu'à l'abolition totale sous la Convention. La « grande histoire » se bâtit ainsi par la conjonction d'intérêts particuliers et, en l'occurrence, les archives les plus humbles sont à la base d'un grand mouvement historique.

Je vous prie, madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, d'excuser cette petite incursion dans mon domaine de prédilection, même s'il y a prescription. (Sourires.)

C'est très tôt que les principes de conservation ont été définis. Ainsi, dès 1839, on trouve une instruction du Gouvernement aux préfets définissant les mesures à prendre pour que les archives « puissent être utiles à l'administration, aux familles et à la science ». C'est toujours autour de l'application de ces principes que nous débattons.

Et pourquoi discutons-nous ? Et pourquoi cette question a-t-elle été plusieurs fois évoquée dans les dernières années ? Et pourquoi devrons-nous encore l'évoquer assez vite puisque se profilent une nécessaire clarification sur les archives numériques aussi bien qu'une nécessaire harmonisation des lois que citait l'orateur précédent ? Parce que les choses bougent et, depuis quelques années, à une vitesse extrême. Ceci explique que notre rapporteur pour avis puisse évoquer la « crise » du système que le présent texte s'efforce d'atténuer, sans probablement la résoudre totalement.

C'est que l'affaire est compliquée ! Il convient de mieux conserver ce qui justifie l'homogénéisation du droit, sous le contrôle des archives de France, et de faciliter l'accessibilité aux archives publiques et politiques.

Deux obligations contradictoires doivent être ainsi conjuguées : celle d'une meilleure conservation et d'une meilleure protection d'une production d'archives de plus en plus abondante - les chiffres cités dans les deux rapports sont, de ce point de vue, impressionnants - et celle d'une demande de consultation quasi exponentielle, que nourrissent les besoins de racines de notre société urbaine aussi bien que le développement de l'esprit de procédure. Cela pose des problèmes de locaux, de personnels, de détérioration des documents, et sans doute bien d'autres.

Par conditionnement professionnel, peut-être, je suis très favorable à une accessibilité grande et précoce aux archives publiques. C'est notamment la condition de la confection d'une mémoire historique qui fonde une nation. Dans beaucoup de cas, il est même souhaitable que cette oeuvre puisse se faire alors même que des survivants sont en mesure d'apporter leur témoignage. Ainsi peut-on regretter l'ouverture trop tardive de certaines archives de la Seconde Guerre mondiale ou, plus encore, de la guerre d'Algérie.

Laisser les historiens faire leur métier le plus tôt possible est le meilleur moyen de permettre à une société d'être en accord avec elle-même.

Pour autant, d'autres enjeux que la bonne gouvernance ou la qualité de la recherche doivent être pris en compte : je pense à la préservation de la vie privée, à la paix des familles, à la paix civile.

Pour prendre un exemple extrême, je ne suis pas sûr que l'ouverture des archives des polices secrètes de certains pays de l'est de l'Europe ait été une bonne mesure, même si l'objectif était d'assurer la transparence : découvrir que son collègue de travail, sa voisine de pallier ou son conjoint ont été pourvoyeurs d'informations sur votre compte peut provoquer des dégâts incommensurables. Il convient donc de distinguer les chercheurs, tenus par déontologie à l'anonymat des acteurs, et le public, qui doit attendre un délai, dont la durée peut être débattue, nécessaire à la préservation de la vie privée.

J'ai parlé de l'accroissement considérable de la production d'archives. Dans le même temps, quelle déperdition depuis le développement de la communication, notamment virtuelle, et de la transcription numérique ! Ainsi, plus de trace des éventuels repentirs, pourtant si instructifs, de l'écrivain, et donc plus d'études possibles par les critiques littéraires, alors que des livres entiers leur sont consacrés pour Stendhal ou Flaubert. Plus de projets de lettres d'hommes politiques, plus de notes de collaborateur à collaborateur : ceux-ci communiquent désormais essentiellement par courriers électroniques. Mais c'est une réalité irréversible et rien ne servirait de pleurer sur cette évolution.

En revanche, il y a urgence à ce que la science se penche sur la conservation de tous les supports modernes, audiovisuels certes, mais aussi matériels : l'encre de nos photocopieuses ou de nos imprimantes n'a rien à voir avec la qualité de celle d'un incunable du XVe siècle ou de celle d'un manuscrit du XIIe siècle. Il y a là un paradoxe étonnant ! C'est un problème d'une extrême gravité que la simple répétition de la reproduction ne résoudra pas, elle-même étant source de perte de qualité.

Ces observations étant faites, nous voterons le projet de loi qui nous est soumis et qui présente des avancées certaines, surtout après le travail de la commission des lois et de la commission des affaires culturelles. Nous sommes d'accord avec les grands principes qui l'inspirent et nous ne nous opposerons pas au sort particulier réservé aux archives parlementaires.

Pour terminer, permettez-moi d'aborder un sujet qui touche au fonctionnement de notre assemblée. C'est un sujet qui fâche, mais comme nous sommes peu nombreux ce soir, ...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est dommage !

M. Jean-Claude Peyronnet. ... cela ne sortira certainement pas d'ici ! (Sourires.)

J'ai déposé au nom de mon groupe un amendement, ou plutôt deux qui vont dans le même sens. Ils sont plutôt anodins ...

MM. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, et René Garrec, rapporteur. Non, non !

M. Jean-Claude Peyronnet. ... et ne mériteraient guère plus qu'une allusion au cours de la discussion générale si n'était encore une fois posée la question de l'application nouvelle de l'article 40.

De quoi s'agit-il ?

Il m'a été suggéré d'ajouter à la liste des prétendants possibles à la direction des archives départementales le cadre d'emploi des conservateurs territoriaux du patrimoine. On sait qu'actuellement ces fonctions sont exercées exclusivement ou presque, sauf quelques détachements, par des fonctionnaires d'État. J'ai accédé à cette demande, car l'ancien président de Centre national de la fonction publique territoriale que je suis peut difficilement accepter que la seule solution offerte aux fonctionnaires territoriaux soit celle du détachement. C'est une question de dignité de la fonction publique territoriale !

J'ai donc accepté pour cette raison, mais sans me masquer les problèmes qui peuvent être soulevés, notamment en matière de contrôle scientifique. Cependant, je crois que ces obstacles peuvent être levés.

Le problème est ailleurs. À la suggestion qui m'a été faite, j'ai ajouté la notion de compensation financière dans le cas du recrutement d'un fonctionnaire territorial au lieu, comme actuellement, d'un fonctionnaire d'État. II m'a été opposé l'article 40 au motif de la création d'une dépense nouvelle. Je crois être d'une intelligence moyenne, même si je n'ai pas fait d'étude comparative à ce sujet dans cet hémicycle (Sourires), mais, là, je ne comprends pas !

Que l'État paye un fonctionnaire d'État ou, pour le même montant, voire moins, un fonctionnaire territorial par l'entremise d'une compensation ne lui fait pas dépenser un demi-centime d'euro de plus ! D'ailleurs, notre rapporteur pour avis analyse le système actuel comme une subvention aux départements. Que cette subvention serve à payer un fonctionnaire d'État ou un fonctionnaire territorial est absolument neutre d'un point de vue financier : c'est vraiment une opération à somme nulle.

Nous sommes donc sur un autre terrain que le terrain financier ou budgétaire. On a l'impression d'une application de l'article 40 purement formelle, qui s'accroche aux mots sans se préoccuper du fond. Le terme banni est en l'occurrence celui de « compensation ». J'ai proposé au fonctionnaire de la commission des finances de le remplacer par « pomme de terre » ! Il n'a pas voulu me suivre... (Nouveaux sourires.)

Plus sérieusement, nous sommes face à un grave problème. Cette pratique, que j'ose qualifier de rigide et dépourvue de discernement, est plus qu'un frein à l'initiative parlementaire : elle est tout simplement paralysante. Elle doit nous conduire à nous interroger sur notre utilité même. Elle est, en tout cas, en complète contradiction avec les propositions qui fusent de toutes parts sur le renforcement du rôle du Parlement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur le banc des commissions.)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. M. Arthuis aura entendu !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Nachbar.

M. Philippe Nachbar. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, comme le souligne Mme Morin-Desailly dans son rapport, « les archives sont vivantes : elles sont ancrées dans notre quotidien, elles participent à l'écriture de notre histoire, elles forgent notre identité individuelle et collective ».

Il convient de souligner la place qu'occupent les archives dans la construction de l'histoire et de la mémoire ainsi que le rôle fondamental qu'elles jouent comme témoin de notre histoire, comme élément de notre patrimoine. Elles préservent la mémoire des nations et permettent, par conséquent, de comprendre le présent et de bâtir le futur.

Les archives sont un instrument essentiel au service du bon fonctionnement d'une démocratie. En effet, un pays n'accède à la démocratie, telle que l'on pouvait la définir au XIXe siècle, que lorsque chacun de ses habitants dispose de la possibilité de connaître de manière objective les éléments de son histoire, et non pas seulement en détruisant les « terriers » seigneuriaux qu'évoquait à l'instant notre collègue Peyronnet, qui est historien de formation.

Aussi, soucieux d'améliorer la transparence de l'action publique, le législateur est intervenu en 1979 pour élaborer un corpus législatif cohérent sur les archives et a donné, pour la première fois, une définition générale des archives, quel qu'en soit le support. Or les supports ont évolué - je pense bien entendu à l'avènement des nouvelles technologies -, mais il existe également d'immenses problèmes de conservation, notamment en raison de la médiocrité de certains produits. La commission des affaires culturelles a eu l'occasion de le constater en visitant la bibliothèque nationale de la rue de Richelieu il y a quelques années : il s'avère que l'on conserve mieux les incunables ou les antiphonaires du Moyen Âge que les ouvrages édités au XXe siècle.

C'est donc un immense défi qui se pose à ceux qui sont chargés de la conservation des archives et, par conséquent, de la perpétuation de la mémoire.

Pour revenir à des considérations plus juridiques, je veux souligner l'urgence qu'il y avait à faire en sorte que le droit existant soit adapté parce que le système des archives ne correspond plus à l'évolution de la société et à ses exigences nouvelles.

De plus, de nombreux rapports, notamment le rapport Braibant en 1996, avaient pointé du doigt la situation critique des archives françaises, le mauvais emploi des ressources financières - on sait qu'elles sont rares et précieuses - et les faiblesses administratives qui les caractérisaient.

Face à l'augmentation des publics et à la diversification de leurs exigences, une gestion rénovée et modernisée des archives est aujourd'hui nécessaire. Une plus grande ouverture est également indispensable, ne serait-ce que pour donner satisfaction à la communauté scientifique, aux historiens, aux généalogistes et à nos concitoyens, qui se passionnent, comme en témoigne le développement de la généalogie amateur, pour les sources de leur histoire.

Sans revenir sur les principes fondateurs posés par la loi de 1979, le projet de loi ordinaire - je n'évoquerai que très brièvement le projet de loi organique - dont nous sommes aujourd'hui saisis vise à modifier et à actualiser la législation relative aux archives, en particulier pour ce qui concerne les conditions de leur collecte, de leur conservation et de leur communication. Il s'articule autour de trois grands axes : adapter le droit à la pratique, réduire les délais de communication des archives publiques et renforcer le patrimoine privé et public.

Il s'agit de concilier les exigences de la recherche, la nécessité d'ouvrir les archives au bénéfice de la collectivité et l'impératif de protection des données individuelles et personnelles. Car, si notre société attache beaucoup de prix à la transparence, encore convient-il d'éviter qu'elle ne devienne totalitaire et que nous ne connaissions des dérives dignes de Big Brother, telles qu'aucune donnée personnelle n'échapperait à la connaissance collective.

Mesure phare du projet de loi, l'article 11 pose le principe de la libre communicabilité des archives publiques, c'est-à-dire d'un droit à communication immédiate. Il prévoit bien évidemment des garde-fous en maintenant la définition de délais spéciaux pour les documents dont la communication porterait atteinte à la défense nationale ou pour préserver la vie privée des citoyens avec des durées de vingt-cinq ans, de cinquante ans ou de cent ans, voire de cent vingt ans dans le cas bien précis du secret médical.

Le texte confirme également la possibilité de déroger à ces délais, mais dans des conditions particulières, à savoir sur autorisation individuelle - un chercheur pourra l'obtenir, mais il sera tenu de respecter une déontologie - ou par une ouverture anticipée des fonds.

Le groupe UMP se félicite de ces avancées, qui répondent aux attentes exprimées par les usagers des services des archives.

Par ailleurs, le texte précise le statut des archives des autorités publiques, notamment gouvernementales, et propose opportunément de conférer un fondement légal aux protocoles passés entre les autorités publiques et l'administration des archives.

Il prévoit enfin un renforcement des sanctions pénales en matière de protection des archives, mais aussi, et je sais l'importance que vous attachez à ce domaine, madame la ministre, en ce qui concerne l'ensemble des biens qualifiés de culturels. Des faits divers récents et déplorables, mais il y en a eu beaucoup durant les trente ou quarante dernières années, nous ont montré à quel point il fallait légiférer pour protéger le patrimoine. Ce texte répond donc à une vraie demande et assure un équilibre entre cette attente et l'exigence de protection des intérêts légitimes de l'État.

Les amendements adoptés par la commission des lois et la commission des affaires culturelles viennent utilement compléter les orientations du projet de loi sur plusieurs points.

Le groupe UMP se félicite notamment de l'amendement commun aux deux commissions qui tend à réaffirmer l'autonomie des assemblées dans la gestion de leurs archives respectives. Si les archives parlementaires sont par nature publiques et passionnent les historiens, leur gestion doit toutefois respecter le principe constitutionnel de séparation des pouvoirs et d'autonomie des assemblées parlementaires.

De la même manière, il fallait nous adapter à la nouvelle structure des collectivités locales.

La définition d'un statut pour les archives conservées par les intercommunalités me paraît également importante tout comme l'ouverture des archives du Conseil constitutionnel et le raccourcissement des délais de communication de ses travaux. Une telle évolution sera en effet de nature à favoriser les recherches juridiques compte tenu de l'importance qu'a désormais dans notre droit la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Pour conclure mes propos, j'aimerais souligner la nécessité d'aboutir à une harmonisation européenne dans le domaine des délais de communicabilité des archives.

La diversité culturelle pourrait certes rendre surprenante cette demande, mais il m'apparaît au contraire que, si l'on veut avoir un véritable projet collectif européen, une prise de conscience de ce patrimoine commun que constituent pour l'Europe les archives des différents pays qui la composent est nécessaire. C'est pourquoi il faut progressivement rapprocher les délais. La présidence française de l'Union européenne qui commencera dans six mois pourrait être l'occasion d'une action allant dans ce sens.

Madame la ministre, parce que ces deux projets de loi visent à améliorer la protection des archives et à faciliter leur accès tout en protégeant la vie privée des citoyens, le groupe UMP votera ces deux textes, enrichis par les travaux de la commission des lois et de la commission des affaires culturelles. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les archives nationales ont été créées par le décret du 12 septembre 1790 et leur ouverture au public sans restriction ni discrimination a été proclamée par la loi du 7 messidor an II. Pourtant, ce principe fondateur n'est jamais à l'abri de tentatives de remise en cause.

Notre vigilance à l'égard de toute remise en cause de l'accès aux archives est d'autant plus aiguisée que les archives sont notre histoire à tous : sans archives, il n'y a pas d'histoire !

C'est pourquoi les archives ne doivent pas être réservées aux historiens, aux professeurs ou aux chercheurs. Elles doivent être accessibles à l'ensemble de nos concitoyens, qui doivent pouvoir s'approprier l'histoire de leur pays, leur histoire. Elles participent ainsi pleinement à la sauvegarde de la mémoire collective.

En cela, le principe de libre communicabilité des archives publiques ainsi que la réduction des délais des secrets protégés par la loi, tous deux prévus par l'article 11 du projet de loi, constituent indéniablement un progrès en direction du public. Cet article établit comme principe l'ouverture des archives au public, ce que ne faisait pas la loi de 1979. Il faut y voir de toute évidence une avancée démocratique, au bénéfice de tous les citoyens.

Cet accès sans restriction ou presque aux archives ne peut donc que renforcer l'obligation de transparence que détient un État démocratique vis-à-vis des citoyens. La collecte, la conservation et la gestion de ces archives constituent donc une mission de premier ordre pour une démocratie.

Cette mission particulière des Archives nationales justifie évidemment leur caractère de service public régalien. La mission présidée par Bernard Stirn et chargée en 2005 d'étudier l'organisation administrative des Archives nationales ne s'y est d'ailleurs pas trompée, même si nous ne partageons pas totalement son choix de faire des Archives nationales un service extérieur à compétence nationale.

Dans son rapport, il est précisé que, pour opérer ce choix, la mission s'est notamment fondée sur la nature des missions des Archives nationales.

L'article L.211-2 du code du patrimoine dispose, en effet : « La conservation des archives est organisée dans l'intérêt public tant pour les besoins de la gestion et de la justification des droits des personnes physiques ou morales, publiques ou privées, que pour la documentation historique de la recherche. »

En mentionnant la justification des droits des personnes publiques, ainsi que le besoin des services de l'État de consulter leurs archives, le législateur atteste l'essence profondément régalienne de ce service public.

Sur ce point, nous sommes satisfaits de constater que le projet de loi ordinaire, sur lequel portera quasiment l'ensemble de mon intervention, ne touche pas à la définition de ce qu'est une archive. Mieux, il constitue un progrès par rapport à la loi de 1979, notamment dans le domaine de l'accès des chercheurs et du public aux archives.

En ce qui concerne la communicabilité des archives, le texte prévoit une innovation majeure en faisant du libre accès le principe et du maintien de certains délais l'exception.

Je rappelle simplement pour mémoire qu'en 1979 le principe était la non-accessibilité aux archives pendant au moins trente ans, l'accès aux archives dans des délais plus courts étant l'exception, sauf pour ce qui concerne les documents administratifs entrant dans le champ d'application de loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal.

S'agissant des exceptions à ce principe de libre communicabilité, il faut bien admettre que le projet de loi prévoit des délais nettement plus courts que ceux qui sont actuellement applicables, ce qui constitue un véritable progrès.

La seule « frilosité » du projet porte sur les délibérations du Gouvernement, qui pourront être consultées après un délai de vingt-cinq ans, au lieu de trente ans, et sur les documents susceptibles de porter atteinte à la sûreté nationale ou à un secret de la défense nationale, consultables après un délai de cinquante ans, au lieu de soixante ans actuellement.

Pour les autres documents, le raccourcissement des délais est loin d'être négligeable : les minutes notariales et les archives des juridictions administratives et judiciaires pourront être consultées passé un délai de cinquante ans, au lieu de cent ans.

Ce même délai de cinquante ans s'appliquera aux archives publiques dont la communication porte atteinte à la protection de la vie privée.

Le projet de loi favorise donc largement, et dans un sens que nous souhaitons, l'accès aux archives publiques. C'est pourquoi nous regrettons quelque peu l'initiative de la commission des lois, qui propose de faire passer ce délai de cinquante ans à soixante-quinze ans, le délai de cinquante ans ayant l'avantage de faciliter la recherche, notamment en histoire sociale contemporaine.

En revanche, si nous approuvons le principe de la libre communicabilité des archives publiques et du raccourcissement des délais s'agissant des exceptions, nous ne pouvons émettre le même jugement positif au sujet du respect de la mission des Archives nationales.

En effet, la conservation des archives publiques prévue par l'article 3 du projet de loi semble quelque peu dangereuse. L'article L. 212-4 du code du patrimoine, dans sa nouvelle rédaction, prévoit la possibilité de confier des archives publiques au stade d'archives vivantes ou intermédiaires à des sociétés privées d'archivage. Cette disposition constitue une totale nouveauté, car elle n'existait pas aux termes de la loi de 1979. Elle découle directement de la pratique puisqu'il faut bien reconnaître que, depuis une vingtaine d'années, des entreprises privées spécialisées sont déjà chargées de stocker les archives publiques.

Cette pratique, que nous déplorons, n'est que le résultat du manque de moyens, de personnel et de locaux de préarchivage, ce qui a conduit la direction des Archives de France à revoir à la baisse ses prétentions et ses exigences de service en matière de gestion des archives.

Même s'il n'est question, pour l'instant, que des archives courantes et intermédiaires, il n'en est pas moins regrettable que la loi entérine aujourd'hui ce recours au privé.

L'article L. 212-4 du code du patrimoine, en écartant, certes, les possibilités de recours au secteur privé pour la gestion des archives courantes et intermédiaires, fragilise la gestion des archives définitives par les services publics d'archives.

Par ailleurs, ces sociétés de stockage privées seront habilitées à conserver ces archives, mais aussi, en fonction du contrat qui les lie avec les administrations ou organismes publics, à les communiquer.

Ce délestage d'une mission aussi sensible ne peut que nous inquiéter. Notre souci est le même s'agissant des archives du Conseil constitutionnel, pour lesquelles la même possibilité d'externalisation est prévue.

C'est pourquoi nous avons déposé un amendement tendant à supprimer cette possibilité d'externaliser la gestion des archives courantes ou intermédiaires publiques.

L'autre réserve que je souhaite formuler concerne les archives des entreprises publiques. En effet, sur ce point, je considère le projet de loi comme étant en retrait par rapport à la loi de 1979. Les archives des entreprises publiques ne sont plus situées dans le champ des archives publiques.

La prise en charge de ces archives par le service public pose certes beaucoup de problèmes, notamment parce que le réseau de cinq centres d'archives du monde du travail, qui était programmé, n'a pas été réalisé.

Cependant, renoncer à conserver les archives des entreprises publiques dans le champ des archives publiques posera nécessairement le problème du contrôle de ces archives, surtout si la révision générale des politiques publiques, lancée par le Gouvernement en juillet 2007, aboutit à la suppression d'une direction des archives de France.

Nous avons, pour ce cas précis, également déposé un amendement visant à réintroduire les archives des entreprises publiques dans le champ des archives publiques.

Le projet de loi ordinaire, hormis les deux remarques que je viens d'exprimer, nous satisfait dans sa globalité. Sur le papier, l'ouverture à laquelle il entend procéder nous semble évidemment aller dans le bon sens. Dans les faits, cependant, j'espère que les moyens accompagneront la mise en oeuvre de ce texte. Le libre accès aux archives publiques et surtout le raccourcissement des délais nécessitent du personnel pour stocker et gérer ces archives, rédiger les inventaires.

De même, et c'est notamment le cas s'agissant des archives notariales, il faudra bien des espaces supplémentaires ou du moins des espaces réaménagés. Je pense, en particulier, au site parisien des Archives nationales, dont la rénovation s'avère nécessaire.

C'est également pourquoi nous espérons que seront tenues les promesses faites par le précédent gouvernement à propos des effectifs du futur centre de Pierrefitte-sur-Seine.

La mission de service public assurée par les Archives nationales ne peut être correctement effectuée sans les personnels nécessaires. Or tout archiviste, tout agent travaillant dans les centres d'archives, voire tout citoyen qui a eu accès aux centres d'archives, sait que, derrière chaque mètre linéaire, il y a des hommes et des femmes qui travaillent quotidiennement à la collecte, au tri, à la conservation, à la communication de cette mémoire collective de la nation que constituent les documents d'archives.

Sans créations de postes, cette mission de service public ne peut qu'être incomplètement assurée et c'est la mémoire collective qui s'en trouvera ainsi affectée.

De même, faire adopter ce projet de loi sans une direction d'administration centrale puissante, de plein exercice et reconnue dans ses attributions, sans contestation possible, semble inquiétant.

Nous attendons donc de votre part, madame la ministre, l'assurance de ne pas assister, à terme, à la disparition de la direction des archives de France ou à la fusion de ses services au sein d'une nouvelle organisation des directions d'administration centrale du ministère de la culture, comme le Gouvernement pourrait l'envisager dans le cadre de la révision générale des politiques publiques.

L'accueil que nous réservons à ce projet de loi n'en reste pas moins positif.

Sous couvert des réserves que j'ai émises et du sort que connaîtront nos amendements, nous voterons en faveur de ces deux projets de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste. - Mme Brigitte Bout applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Robert Badinter.

M. Robert Badinter. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, puisque nous sommes dans l'intimité d'une séance de nuit, je céderai à la tentation que Winston Churchill prêtait volontiers aux notables vieillissants : confondre leurs souvenirs et leurs discours... (Sourires.)

C'est donc par un souvenir que je commencerai mon propos.

Je ne dissimule pas ma grande passion pour les archives, passion familiale, d'ailleurs.

J'ai eu le privilège de permettre, avec M. Favier, le sauvetage des archives judiciaires, et cela uniquement, je le confesse, grâce à un étrange incident.

Alors que je me trouvais à Vienne pour une conférence des ministres européens de la justice, j'avais tenu à visiter l'appartement de Freud, afin de voir, bien sûr, le célèbre canapé, mais aussi les admirables petits objets archéologiques qu'il collectionnait. M'entretenant avec le conservateur du musée, j'évoquais la conférence de Freud sur le crime et le châtiment et sur ce qu'il fallait en déduire. C'est à cette occasion qu'il m'apprit l'existence d'un courrier adressé par Freud à Landru. J'en conclus logiquement qu'il devait s'en trouver une trace dans le dossier Landru.

Rentré à Paris, ma curiosité ainsi piquée, mon premier soin est de demander au greffier concerné de bien vouloir me communiquer le dossier Landru. Les jours passent et rien n'arrive : on ne retrouve pas de dossier Landru ! Ma demande se faisant insistante, on me répond que les Allemands l'ont emporté... Je veux bien croire beaucoup de choses, mais pas que les Allemands se sont intéressés au dossier Landru ! Je pèse donc de tout mon poids de ministre pour que l'on retrouve enfin ce dossier.

Un mois plus tard, un huissier arrive porteur de deux cartons à chapeau comme en transportaient les arpettes de jadis sur les Grands Boulevards, cartons qu'il pose sur la table de Cambacérès ! « Voilà le dossier Landru », me dit-il. Ivre de bonheur, je suis néanmoins quelque peu surpris de recevoir le dossier Landru dans des cartons à chapeau !

M. René Garrec, rapporteur. C'est normal, on lui avait coupé la tête ! (Sourires.)

M. Robert Badinter. Le dossier avait été retrouvé au fond d'une armoire du tribunal.

Je ne dirai pas ma délectation à lire les originaux du dossier Landru. J'indique simplement qu'il n'y avait pas, à mon vif regret, la moindre trace de correspondance avec Freud !

Quoi qu'il en soit, à partir de cet instant, le soupçon est né. J'en ai parlé à André Braunschweig, qui se passionnait lui aussi pour les archives des dossiers judiciaires. Nous avons procédé à quelques sondages et nous avons constaté, hélas, que nombre de dossiers judiciaires, souvent liés à des événements politiques, avaient disparu. C'est ainsi, par exemple, que le dossier de recours en grâce de Brasillach n'existe plus. En tout cas, s'il existe, il ne se trouve pas là où il devrait être ! D'autres dossiers de personnages moins importants ont également disparu. On a été ainsi incapable de retrouver le dossier Kravchenko. Ce n'étaient évidemment pas les mêmes personnes qui, dans un cas et dans l'autre, avaient porté aux pièces un intérêt particulier ! (Sourires.)

Bref, le moment était venu de réagir. Nous avons donc créé une commission avec le premier président Schmelk, qui, lui aussi, avait la passion les archives, le président Braunschweig et M. Favier, qui a été l'âme de cette commission. Nous sommes parvenus à la situation que l'on connaît et qui a régularisé le dépôt des archives judiciaires.

Après cet épisode, ma passion s'est portée plus spécifiquement sur les archives audiovisuelles. A ainsi été adoptée la loi de 1985, qui n'est malheureusement pas assez appliquée, je tiens à le redire, même si ce n'est pas le sujet en discussion aujourd'hui.

Au Conseil constitutionnel, en revanche, la situation était admirable. Les secrétaires généraux successifs du Conseil constitutionnel veillaient avec un soin jaloux à ce que les documents du Conseil constitutionnel soient conservés, classés et éventuellement consultés.

Longtemps, nous n'avons pas pris de décision formelle, mais la pratique a été constante, aussi bien sous ma présidence que sous celle de mes successeurs : les demandeurs ont toujours été accueillis et la consultation des archives du Conseil constitutionnel leur a toujours été ouverte autant qu'ils le souhaitaient. Le Conseil constitutionnel appliquait en fait, à cet égard, un régime de droit coutumier jusqu'à ce que, fort heureusement, en 2001, Pierre Mazeaud mette en place un règlement organisant le régime des archives du Conseil constitutionnel. Les documents sont versés aux archives, comme il sied, et le délai de consultation est de soixante ans, avec possibilité pour le président d'autoriser la communication à ceux qui s'intéressent aux archives du Conseil constitutionnel - généralement des doctorants, parfois des constitutionnalistes.

En tout cas, il est bien qu'une loi organique intervienne et règle la question importante des archives du Conseil constitutionnel.

Ayant indiqué que nous voterons évidemment ce projet de loi organique, je ferai seulement deux observations.

Je souhaite vous faire part, dans un premier temps, d'une interrogation. Je sais que Pierre Mazeaud, avec lequel j'entretiens des liens étroits d'amitié, s'inquiétait d'un raccourcissement éventuel des délais ; notre éminent rapporteur, qui a consacré beaucoup de temps à son travail, et je ne saurais trop l'en louer, le sait. Pierre Mazeaud se demandait, en particulier, si l'ouverture des archives du Conseil constitutionnel ne risquait pas de conduire les membres du Conseil constitutionnel, dans les délibérations, à réfréner quelque peu la spontanéité qui fait toujours le charme et l'intérêt des discussions de cet ordre.

Ce n'est pas du tout mon avis. En vérité, il faut lier, en France, la question de l'accès aux archives du Conseil constitutionnel à une question plus importante, qui est celle de l'opinion dissidente.

À ce sujet, on évoque toujours la Cour suprême des Etats-Unis, mais il n'y a pas qu'elle qui pratique l'opinion dissidente : nombre de juridictions internationales ou de cours suprêmes la pratiquent également. Ce n'est pas le cas en France, mais il faut reconnaître l'intérêt qu'il y a à ce que les opinions dissidentes demeurent quelque part dans les procès-verbaux.

L'opinion dissidente, même si je n'en suis pas partisan pour la France, a le mérite de permettre à la doctrine de s'interroger sur le bien-fondé de la décision rendue à partir du raisonnement juridique différent qu'ont fait les tenants de ladite opinion dissidente. Parfois, on se rend compte qu'un raisonnement juridique solide pouvait en effet aboutir à un résultat intéressant ; parfois, d'ailleurs, ce n'est que le raisonnement sur les motifs qui aboutit au même résultat ; parfois, au contraire, c'est une opinion totalement dissidente, dispositif et motifs.

Or c'est important pour la réflexion juridique, pour le travail des constitutionnalistes, et non pas seulement pour l'historien qui, lui, retrace l'évolution de la jurisprudence du Conseil et l'évolution des délibérations.

Donc, plus tôt sera ouverte la consultation de ces archives, mieux cela vaudra.

Prétendre que les membres du Conseil hésiteront à prendre position parce que, vingt-cinq ans plus tard, leur opinion sera connue me paraît dénué de tout fondement. Fort de mon expérience de neuf années au Conseil constitutionnel, je n'en crois rien. D'abord, dans un très grand nombre de cas, c'est à l'unanimité qu'est prise la décision et il est intéressant de voir par quels arguments on soutient en définitive le même choix. Par ailleurs, pour ceux qui ont argumenté en sens inverse de la majorité, il est quelque peu réconfortant de se dire que ce qu'ils ont fait valoir n'est pas définitivement perdu.

Par conséquent, dans les deux hypothèses, on ne peut que se féliciter de voir raccourci le délai de libre accessibilité des archives du Conseil constitutionnel, en dehors de la pratique courtoise et traditionnelle que j'évoquais.

Il reste un deuxième problème que, pour le plaisir de l'échange, j'ai tenu à évoquer devant M. Garrec et la commission des lois.

Le Conseil constitutionnel a une double fonction : outre le contrôle de constitutionnalité, c'est aussi, au plein contentieux, une juridiction en matière électorale. Devait-on plutôt pencher du côté de l'aspect juridictionnel ou plutôt considérer le caractère institutionnel particulier du Conseil constitutionnel ? Finalement, après avoir évoqué cette fonction de plein contentieux, pour ma part, je me suis rallié aux vues de notre éminent rapporteur, en me disant que, puisqu'il n'y a là rien qui concerne le moins du monde la vie privée des individus, qu'il s'agit en définitive de problèmes de pur droit électoral, là encore, plus tôt les archives seront ouvertes aux chercheurs, mieux cela vaudra.

Certes, vingt-cinq ans, surtout à mon âge, cela passe étrangement vite, mais certains hommes politiques survivants souffriront bien, pour la beauté de la vérité historique, que leur réputation puisse être écornée par le détail des délibérations concernant l'annulation de leur élection ! (Applaudissements.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale commune est close.

Projet de loi organique

 
 
 

Mme la présidente. Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi organique.

 
Dossier législatif : projet de loi organique relatif aux archives du Conseil constitutionnel
Article unique (fin)

Article unique

Il est ajouté à l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel un article 61 ainsi rédigé :

« Art. 61. - Les dispositions des articles L. 211-3, L. 212-1, L. 212-2, L. 212-3, L. 212-4, L. 213-3, L. 214-1, L. 214-3, L. 214-4, L. 214-5, L. 214-9 et L. 214-10 du code du patrimoine s'appliquent aux archives qui procèdent de l'activité du Conseil Constitutionnel. Le délai à l'expiration duquel ces archives peuvent être librement consultées est celui fixé au 1° du I de l'article L. 213-2 du même code. »

Mme la présidente. Sur cet article, je ne suis saisie d'aucun amendement.

Je mets aux voix l'article unique constituant l'ensemble du projet de loi organique.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 64 :

Nombre de votants 328
Nombre de suffrages exprimés 328
Majorité absolue des suffrages exprimés 165
Pour l'adoption 328

Le Sénat a adopté.

Je constate que ce texte a été adopté à l'unanimité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. Ivan Renar. C'est historique ! Cela mérite d'être archivé immédiatement ! (Sourires.)

Projet de loi

Article unique (début)
Dossier législatif : projet de loi organique relatif aux archives du Conseil constitutionnel
 

Mme la présidente. Nous passons à la discussion des articles du projet de loi.

TITRE IER

DISPOSITIONS PORTANT MODIFICATION DU CODE DU PATRIMOINE

 
Dossier législatif : projet de loi relatif aux archives
Articles additionnels après l'article 1er

Article 1er

Le titre Ier du livre II et le livre VII de la partie législative du code du patrimoine sont modifiés conformément aux articles 2 à 17 de la présente loi.

Mme la présidente. L'amendement n° 73, présenté par M. Garrec, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Garrec, rapporteur. Il s'agit de supprimer un article de présentation qui est inutile.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 73.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l'article 1er est supprimé.

Article 1er
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Article 2

Articles additionnels après l'article 1er

Mme la présidente. L'amendement n° 1, présenté par M. Garrec, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À l'article L. 211-1 du code du patrimoine, après les mots : « quels que soient leur date, » sont insérés les mots : « leur lieu de conservation, ».

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Garrec, rapporteur. C'est un amendement de clarification ; il vise à compléter la définition des archives donnée à l'article L. 211-1 du code du patrimoine.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er.

L'amendement n° 40, présenté par Mme Morin-Desailly, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À l'article L. 211-1 du code du patrimoine, le mot : « matériel » est supprimé.

La parole est à Mme le rapporteur pour avis.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à actualiser la définition générale des archives telle qu'elle est issue de l'article 1er de la loi du 3 janvier 1979.

Le développement des technologies numériques et celui de l'administration électronique, notamment, conduisent à une dématérialisation des supports d'archives.

Aussi est-il proposé par cet amendement de tirer les conséquences de cette évolution en précisant que les archives sont l'ensemble des documents, quel que soit leur support et non plus quel que soit leur support « matériel ».

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. René Garrec, rapporteur. Favorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 40.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er.

L'amendement n° 41, présenté par Mme Morin-Desailly, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 211-2 du code du patrimoine, il est inséré un article L. 211-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 211-2-1. - Le Conseil supérieur des archives, placé auprès du ministre chargé de la culture, est consulté sur la politique mise en oeuvre en matière d'archives publiques et privées.

« Il est composé, outre son président, d'un député et d'un sénateur, de membres de droit représentant l'État et les collectivités territoriales et de personnalités qualifiées.

« La composition, les modes de désignation de ses membres et les modalités de fonctionnement de ce Conseil sont fixés par arrêté. »

La parole est à Mme le rapporteur pour avis.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. Cet amendement prévoit de consolider le statut du Conseil supérieur des archives, créé par arrêté du ministère de la culture en date du 21 janvier 1988.

Donner une valeur législative à ce conseil et prévoir qu'un député et un sénateur y siégeront permet de le placer au même niveau que le Haut Conseil des musées de France ou que la Commission supérieure des monuments historiques.

Cette démarche, comme je l'ai expliqué dans la discussion générale, participe d'une valorisation de la politique des archives. Des réflexions sont en effet à conduire pour faire évoluer cette politique face au défi de la numérisation, ainsi qu'a évoqué tout à l'heure un de nos collègues, face également à la production massive d'archives, ou encore compte tenu de l'intérêt plus grand à accorder aux archives des entreprises.

Je crois que cette instance de dialogue et de consultation permettra de réunir l'ensemble des acteurs concernés et de les sensibiliser, notamment les producteurs d'archives, à l'intérêt de leur conservation.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. René Garrec, rapporteur. Nous avions un peu hésité en commission, considérant que ces dispositions figureraient au niveau du décret. Mais compte tenu de la position des autres instances, il nous a paru vraiment fâcheux que le Conseil supérieur des archives ne soit pas traité de la même manière. La commission a donc donné un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 41.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er.

Articles additionnels après l'article 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif aux archives
Article 3

Article 2

Le a et le de l'article L. 211-4 sont ainsi rédigés :

« a) Les documents qui procèdent de l'activité de l'Etat, y compris des pouvoirs publics constitutionnels, des collectivités territoriales, des établissements publics et des autres personnes de droit public ;

« b) Les documents qui procèdent de l'activité d'un service public géré ou d'une mission de service public exercée par une personne de droit privé ; ».

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 2 rectifié, présenté par M. Garrec, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

Le a et le b de l'article L. 211-4 du code du patrimoine sont remplacés par un a ainsi rédigé :

« a) les documents qui procèdent de l'activité de l'État, des collectivités territoriales, des établissements publics et des autres personnes morales de droit public ou des personnes de droit privé chargées de la gestion d'un service public, dans le cadre de leur mission de service public. Les actes et documents des assemblées parlementaires sont régis par l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Garrec, rapporteur. Il s'agit de l'autonomie des assemblées. Je ne reprendrai pas les propos que j'ai déjà tenus tout à l'heure à la tribune. Il nous semble parfaitement logique que les assemblées ne soient pas soumises au droit commun du code du patrimoine, ainsi que je m'en suis expliqué tout à l'heure.

Mme la présidente. L'amendement n° 42, présenté par Mme Morin-Desailly, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le a) du texte proposé par cet article pour l'article L. 211-4 du code du patrimoine :

« a) Les documents qui procèdent de l'activité de l'État, des collectivités territoriales, des établissements publics et des autres personnes morales de droit public ; les actes et documents des assemblées parlementaires sont régis par l'article 7 bis de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires ;

La parole est à Mme le rapporteur pour avis.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. Mon amendement a le même objet que celui que vient de présenter M. Garrec, mais le sien est plus complet.

Mme la présidente. L'amendement n° 68, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans le deuxième alinéa de cet article, après le mot :

établissements

insérer les mots :

et entreprises

La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Notre amendement vise à réintroduire les archives des entreprises publiques dans le champ des archives publiques.

En effet, si le projet de loi ne procède pas à une modification de ce qu'est une archive, son article 2 tend à modifier le code du patrimoine dans le but, nous est-il dit, de clarifier la définition de l'expression d'« archives publiques ».

Or la modification proposée pour le a) de l'article L.211-4 n'est pas anodine puisqu'elle écarte les archives des entreprises publiques du champ des archives publiques. Nous nous interrogeons, nous aussi, monsieur le rapporteur, sur un tel choix, d'autant que, comme vous le soulignez dans votre rapport, le projet de loi maintient les services publics industriels et commerciaux que le Gouvernement souhaite pourtant rapidement voir privatisés.

Les explications données tant dans le rapport que par la direction des archives de France sont tellement floues que nous ne comprenons toujours pas les raisons précises d'une telle exclusion, si ce n'est, peut-être, le contexte politique.

Nous savons en effet parfaitement que, dans le cadre de la réforme du ministère de la culture, qui s'inscrit elle-même dans celui de la révision générale des politiques publiques, le nombre de directions centrales est susceptible d'être divisé par deux, c'est-à-dire de passer de dix à quatre ou cinq. La direction centrale des archives pourrait se retrouver intégrée à un bloc « patrimoine » du ministère de la culture.

Vous le savez, madame la ministre, les archivistes redoutent la disparition d'une direction dédiée, comme ils craignent les conséquences des restructurations liées à la LOLF sur la gestion des archives et sur les moyens humains et financiers.

Ne plus inclure les archives des entreprises publiques dans le champ des archives publiques est le moyen pour le Gouvernement de se délester d'une part non négligeable d'archives à stocker, trier et conserver, et fait oublier dans le même temps que le réseau de cinq centres d'archives du monde du travail n'a pas été mis en place. Pourtant, l'exemple de Charbonnages de France montre que le service public d'archives est tout à fait apte à prendre en charge des archives d'entreprise publique quand on lui en donne les moyens.

Pour les entreprises publiques, nous pensons qu'il serait bon d'inscrire dans la loi de façon définitive le principe selon lequel leurs archives restent publiques et, pour les entreprises privatisées, qu'elles restent publiques pour la période antérieure à la privatisation.

Le choix retenu en l'espèce ne semble-t-il pas illustrer la volonté du Gouvernement d'enterrer le statut d'entreprise publique, ce qui nous paraît quelque peu prématuré ? L'avenir nous le dira et l'histoire tranchera : c'est son « métier » d'histoire !

Cela étant dit, nous pensons qu'il est essentiel de maintenir les archives des entreprises publiques dans le champ des archives publiques.

Tel est le sens de cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. René Garrec, rapporteur. Je comprends parfaitement la position de notre collègue Ivan Renar, mais je crois que la situation serait plus claire si l'on simplifiait !

Le projet de loi prévoit que les archives des entreprises qui exercent une mission de service public sont considérées comme archives publiques : cette catégorie inclut EDF, la RATP et la SNCF. Quant aux entreprises qui n'exercent pas une mission de service public, leurs archives sont classées comme archives privées ; si elles présentent un intérêt historique, il suffit que le ministère décide de les classer et le problème est réglé. Vous n'avez donc aucune inquiétude à avoir et vous pouvez nous faire confiance.

Je vous demanderai, par conséquent, mon cher collègue, de bien vouloir retirer votre amendement, sinon je serai obligé d'émette un avis défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Renar, l'amendement n° 68 est-il maintenu ?

M. Ivan Renar. Il s'agit d'une question non pas de confiance, mais de point de vue. Il faut distinguer entre la notion d' « entreprise chargée d'une mission de service public » et celle d' « entreprise publique ». Les nationalisations de 1945 ont permis la création d'entreprises publiques comme Charbonnages de France, que j'ai citée. En revanche, la RATP, la SNCF, les chaînes de télévision publiques, etc., exercent des missions de service public.

Je souhaite que nous conservions la notion d'entreprise publique, et c'est pourquoi je maintiens mon amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée sur les amendements nos 2 rectifié et 42.

S'agissant de l'amendement n° 68, présenté par M. Renar, rien dans le projet de loi ne fait obstacle à ce que les archives des entreprises publiques soient versées dans les services publics d'archives, comme c'est d'ailleurs largement le cas à l'heure actuelle. Pour autant, il serait hasardeux d'imposer une obligation de versement en faisant référence à la notion d'entreprise publique, qui est dépourvue de consistance juridique précise, comme le soulignait Guy Braibant dans son rapport de 1996.

Il convient donc de s'en tenir aux notions d'établissement public et de service public, qui permettent déjà de couvrir l'essentiel du champ concerné. Voilà pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l'article 2 est ainsi rédigé, et les amendements nos 42 et 68 n'ont plus d'objet.

Article 2
Dossier législatif : projet de loi relatif aux archives
Article additionnel avant l'article 4

Article 3

Les articles L. 212-1 à L. 212-5 sont remplacés par les dispositions suivantes :

« Art. L. 212-1. - Les archives publiques, quel qu'en soit le possesseur, sont imprescriptibles.

« Nul ne peut détenir sans droit ni titre des archives publiques. Celles-ci doivent être restituées sans délai lorsque l'autorité compétente en fait la demande.

« L'action en nullité de tout acte intervenu en méconnaissance de l'alinéa précédent ou en revendication d'archives publiques est exercée par le propriétaire du document, par l'administration des archives ou par tout autre service public d'archives compétent. L'action en restitution est exercée par l'administration des archives ou par tout autre service public d'archives compétent.

« Les modalités d'application des dispositions qui précèdent sont fixées par décret en Conseil d'État.

« Art. L. 212-2. - À l'expiration de leur période d'utilisation courante par les services, établissements et organismes qui les ont produits ou reçus, les documents mentionnés à l'article L. 211-4 autres que ceux mentionnés à l'article L. 212-3 font l'objet d'une sélection pour séparer les documents à conserver des documents dépourvus d'utilité administrative ou d'intérêt historique, destinés à l'élimination.

« La liste des documents ou catégories de documents destinés à l'élimination ainsi que les conditions de leur élimination sont fixées par accord entre l'autorité qui les a produits ou reçus et l'administration des archives.

« Art. L. 212-3. - Lorsque les documents mentionnés à l'article L. 211-4 comportent des données à caractère personnel collectées dans le cadre de traitements automatisés régis par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, ces données font l'objet, à l'expiration de la durée prévue au 5° de l'article 6 de ladite loi, d'une sélection pour déterminer les données destinées à être conservées et celles, dépourvues d'intérêt scientifique, statistique ou historique, destinées à être éliminées.

« Les catégories de données destinées à l'élimination ainsi que les conditions de cette élimination sont fixées par accord entre l'autorité qui a produit ou reçu ces données et l'administration des archives.

« Art. L. 212-4. - I. - Les documents visés à l'article L. 211-4 qui, à l'issue de la sélection prévue aux articles L. 212-2 et L. 212-3, sont destinés à être conservés sont versés dans un service public d'archives dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. Ce décret détermine les cas où, par dérogation aux dispositions qui précèdent, l'administration des archives laisse le soin de la conservation des documents d'archives produits ou reçus par certaines administrations ou certains organismes aux services compétents de ces administrations ou organismes. Il fixe les conditions de la coopération entre l'administration des archives et ces administrations ou organismes.

« Les dispositions qui précèdent ne sont pas applicables aux archives des collectivités territoriales.

« II. - La conservation des documents d'archives publiques procédant de l'activité des personnes visées à l'article L. 211-4 qui n'ont pas encore fait l'objet de la sélection prévue aux articles L. 212-2 et L. 212-3 est assurée par ces personnes sous le contrôle scientifique et technique de l'administration des archives. Lesdites personnes peuvent, après en avoir fait la déclaration à l'administration des archives, déposer tout ou partie de ces documents auprès de personnes physiques ou morales agréées à cet effet. Le dépôt fait l'objet d'un contrat qui prévoit les modalités de communication et d'accès aux documents déposés, du contrôle de ces documents par l'administration des archives et de leur restitution au déposant à l'issue du contrat. Un décret en Conseil d'État fixe les modalités de la déclaration préalable ainsi que les conditions d'octroi et de retrait de l'agrément des dépositaires et précise le contenu des clauses devant figurer dans les contrats de dépôt.

« Les données de santé à caractère personnel sont déposées dans les conditions prévues à l'article L. 1111-8 du code de la santé publique.

« III. - Les dispositions du II s'appliquent au dépôt de ceux des documents visés au premier alinéa du I qui ne sont pas soumis à l'obligation de versement dans un service public d'archives.

« Art. L. 212-5. - Lorsqu'il est mis fin à l'existence d'un ministère, service, établissement ou organisme détenteur d'archives publiques, celles-ci sont, à défaut d'affectation déterminée par l'acte de suppression, versées à un service public d'archives. »

Mme la présidente. L'amendement n° 3, présenté par M. Garrec, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article L. 212-1 du code du patrimoine :

« Art. L. 212-1. - Les archives publiques sont imprescriptibles.

« Nul ne peut détenir sans droit ni titre des archives publiques.

« Le propriétaire du document, l'administration des archives ou tout service public d'archives compétent peut engager une action en revendication d'archives publiques, une action en nullité de tout acte intervenu en méconnaissance de l'alinéa précédent ou une action en restitution.

« Les modalités d'application des dispositions qui précèdent sont fixées par décret en Conseil d'État. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Garrec, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de clarification.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 4, présenté par M. Garrec, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le début du texte proposé par cet article pour l'article L. 212-2 du code du patrimoine :

« Art. L. 212-2. - À l'expiration de leur période d'utilisation courante, les archives publiques autres que celles mentionnées à l'article L. 212-3 font l'objet...

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Garrec, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 43, présenté par Mme Morin-Desailly, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

À la fin du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 212-2 du code du patrimoine, après les mots :

intérêt historique

insérer les mots :

ou scientifique

La parole est à Mme le rapporteur pour avis.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. Cet amendement tend à élargir les critères de sélection des archives destinées à être conservées, que je juge par trop restrictifs, en prenant en compte l'intérêt scientifique des archives, au-delà du seul intérêt historique.

Pour préparer l'examen de ce projet de loi, nous avons procédé à un certain nombre d'auditions, qui nous ont toutes permis de mesurer la très grande diversité des archives et de leur évolution. Les archives sont, en effet, des réservoirs de connaissances utiles pour appréhender les phénomènes contemporains : c'est le cas, par exemple, en sociologie, en architecture, en urbanisme ou encore dans des domaines scientifiques tels que l'environnement. Aujourd'hui, les archives sont indispensables pour comprendre et anticiper les grandes évolutions du monde, comme la biodiversité ou le climat, sur une longue période.

Même si l'histoire est une science, cet amendement juxtapose les deux épithètes « historique » et « scientifique » afin, d'une part, de souligner l'intérêt historique majeur, mais non exclusif, des archives et, d'autre part, d'harmoniser les critères de sélection selon que les documents comportent ou non des données personnelles.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. René Garrec, rapporteur. Favorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 43.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 5, présenté par M. Garrec, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Au premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 212-3 du code du patrimoine, remplacer les mots :

documents mentionnés à l'article L. 211-4 par les mots :

archives publiques

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Garrec, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

M. Michel Charasse. Si cet amendement devait être adopté, ce qui semble probable, il conviendrait d'établir une coordination dans la suite du texte, en rétablissant l'accord grammatical, puisque nous avons substitué l'expression « archives publiques » au mot « documents ».

Mme la présidente. Merci, monsieur Charasse, de cette remarque pertinente. Le service de la séance en tiendra compte.

M. Michel Charasse. Il vaut mieux envoyer à l'Assemblée nationale des textes écrits en français ! (Sourires.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 75, présenté par M. Garrec, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 212-3 du code du patrimoine, après les mots :

collectés dans le cadre de traitements

supprimer le mot :

automatisés

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Garrec, rapporteur. Cet amendement tend à harmoniser le texte du projet de loi avec le texte de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, sur la demande de la CNIL.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 75.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 55, présenté par Mme Morin-Desailly, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 212-3 du code du patrimoine, après le mot :

dépourvues

insérer les mots :

d'utilité administrative ou

La parole est à Mme le rapporteur pour avis.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. Cet amendement tend à harmoniser les critères de sélection des documents d'archives contenant des données personnelles, en faisant référence à leur éventuelle utilité administrative, au-delà du seul intérêt scientifique, historique ou statistique.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. René Garrec, rapporteur. Favorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 55.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 6, présenté par M. Garrec, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Au premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 212-4 du code du patrimoine, remplacer les mots :

documents visés à l'article L. 211-4

par les mots :

archives publiques

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Garrec, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Charasse.

M. Michel Charasse. Comme précédemment, il conviendra de rectifier la suite du texte de l'article, dans un souci de correction grammaticale.

M. René Garrec, rapporteur. Vous avez raison, mon cher collègue. Nous avons été un peu dépassés, dans la précipitation créée par l'examen des amendements extérieurs. Cela peut arriver...

M. Michel Charasse. C'est rare !

M. René Garrec, rapporteur. C'est extrêmement rare mais, ce soir, vous nous avez pris en flagrant délit ! (Sourires.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 7, présenté par M. Garrec, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Compléter la deuxième phrase du premier alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 212-4 du code du patrimoine par les mots :

lorsqu'ils présentent des conditions satisfaisantes de conservation, de sécurité, de communication et d'accès des documents

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Garrec, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 8, présenté par M. Garrec, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Compléter le second alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 212-4 du code du patrimoine par les mots :

et des groupements de collectivités territoriales

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Garrec, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 69, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer les deuxième, troisième et quatrième phrases du premier alinéa du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 212-4 du code du patrimoine.

La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. L'article 3 du projet de loi prévoit, entre autres, la possibilité de confier des archives publiques au stade d'archives vivantes ou intermédiaires à des sociétés privées d'archivages. Ma collègue Josiane Mathon-Poinat s'est largement et justement attardée sur ce sujet, voilà un instant.

Cette brèche ouverte dans le mode de conservation des archives est grave. On pourra me répondre que l'article 3 ne fait que légaliser une pratique existante. Certes, mais ce n'est pas une raison pour ne pas en contester le fondement. Si les administrations versantes recourent au secteur privé, nous savons que c'est essentiellement pour une raison de coût.

Or, nous étions déjà particulièrement inquiets, avant même ce projet de loi, de voir le secteur privé s'immiscer dans la gestion des archives de la nation, de l'État, des pouvoirs publics constitutionnels, des autorités administratives et juridictionnelles, des collectivités territoriales, des établissements et entreprises publics et de l'ensemble des personnes morales de droit public.

Si, aujourd'hui, le champ de compétence de ces sociétés privées se restreint aux archives vivantes et intermédiaires, qu'est-ce qui interdirait de l'élargir demain aux archives définitives ? Par ailleurs, le terme de « dépôt », utilisé à l'article L. 212-4 du code du patrimoine, est assez ambigu : s'agit-il de tri, de stockage, de conservation ?

Cette incertitude pose inévitablement le problème de la communication des archives. Le projet de loi raccourcit considérablement, voire supprime les délais de communication des archives publiques. Plus tôt les archives sont communicables - et c'est une bonne chose -, plus les administrations versantes, et donc les sociétés privées, détiendront un gros stock d'archives communicables. Dans ces conditions, qui va assurer le tri de ces archives ?

Une archive ne doit pas, sous quelque prétexte que ce soit, à commencer par celui du coût, être gérée par une société privée. Elle est, dès son origine, imprescriptible et inaliénable. Introduire la loi du marché dans sa gestion, à un premier stade de son existence, aura des conséquences et affaiblira évidemment le service public des archives.

La possibilité d'externaliser la gestion des archives courantes ou intermédiaires publiques, en les confiant à des entreprises privées, crée un danger potentiel de perte d'archives dont l'intérêt historique se révélerait après coup. Il est important que le tableau de gestion des archives, c'est-à-dire le fléchage à l'avance de ce qui peut être conservé ou pilonné, ne soit pas transféré au privé. Il est primordial de préserver ce que j'appellerai le « droit au remords » : une archive considérée initialement comme subalterne peut s'avérer particulièrement intéressante avec le temps.

Autre question importante : la prospection des archives. Les archivistes reçoivent une formation très longue, ils détiennent un savoir et une expérience irremplaçables en matière de conservation mais aussi de préconisation et de prévention : quel document mérite d'être conservé ou non, cela ne s'improvise pas ! Pourquoi ce coup de chapeau ? Il est juste de saluer les archives, il est encore plus juste de saluer les archivistes du service public. Leur rôle de conseil et de sensibilisation est déterminant, d'autant que l'ignorance est grande en la matière chez ceux que l'on appelle « les décideurs ».

Je dois reconnaître que j'ai moi-même découvert beaucoup de choses lors de la préparation de cette discussion, en lisant le texte du projet de loi et les rapports. Je serai content en sortant de ce débat parce qu'il m'aura enrichi, même si je ne soutiens pas le projet de loi ! De nombreux collègues - j'ai moi-même été élu local - ont une attitude un peu méprisante sur ce sujet, par ignorance.

Dernière question : les archives politiques doivent rester publiques, qu'elles concernent des ministères, des cabinets, des mairies, des conseils généraux ou régionaux. Un archiviste écarté des allées du pouvoir n'est plus un archiviste. Sur cette question, j'ai l'impression que l'on recule : depuis Malraux, naturellement, mais aussi depuis les pharaons, toujours accompagnés de leur scribe, et pas seulement au Musée du Caire !

Pour toutes ces raisons, nous pensons qu'il ne faut pas abandonner une mission qui relève du service public. C'est pourquoi nous avons déposé cet amendement, que nous soumettons à votre vote.

Mme la présidente. L'amendement n° 44, présenté par Mme Morin-Desailly, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

Compléter la deuxième phrase du premier alinéa du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 212-4 du code du patrimoine, par les mots :

par ladite administration.

La parole est à Mme le rapporteur pour avis.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. Cet amendement tend à préciser qu'il appartiendra bien à l'administration des archives de délivrer l'agrément aux sociétés privées d'archivage, qui seront ainsi habilitées à recueillir des archives publiques.

Mme la présidente. L'amendement n° 9, présenté par M. Garrec, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Dans la troisième phrase du premier alinéa du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 212-4 du code du patrimoine, remplacer les mots :

modalités de communication et d'accès aux documents déposés

par les mots :

conditions de sécurité et de conservation des documents déposés ainsi que les modalités de leur communication et de leur accès

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur les amendements nos 69 et 44.

M. René Garrec, rapporteur. L'amendement n° 9 est de précision. Il vise à garantir que les sociétés d'archivage respectent bien, outre les conditions d'accès et de communication, les critères de sécurité et de conservation des documents déposés.

En ce qui concerne l'amendement n° 69, présenté par notre collègue Ivan Renar, j'ai appris récemment, de la bouche du directeur des Archives nationales, qu'il existait trois catégories d'archives : les archives vivantes, qui se trouvent dans votre bureau ; les archives intermédiaires, que vous y conservez également car elles peuvent vous être utiles dans votre travail...

M. Michel Charasse. Quand vous dites dans votre bureau, vous pouvez aussi bien dire dans la poubelle ! (Sourires.)

M. Ivan Renar. Ou dans la broyeuse !

M. René Garrec, rapporteur. C'est une éventualité, si le bureau est trop petit ! En ce qui me concerne, je n'ai jamais classé mes archives à la poubelle, sauf peut-être dans le brouillard, lors d'un passage en cabinet ministériel...

M. Michel Charasse. Les plus grands dépôts d'archives sont quand même les décharges d'ordures ménagères !

M. René Garrec, rapporteur. Mon cher collègue, nous aurons peut-être à discuter de la façon dont vous avez géré les archives de la présidence de la République ! (Nouveaux sourires.)

Le sujet me paraît très intéressant, mais ce n'est peut-être pas le moment !

M. Michel Charasse. Je suis à votre disposition, monsieur le rapporteur !

M. René Garrec, rapporteur. Je n'en doute pas !

Pour en revenir à l'amendement de notre collègue Ivan Renar, dans la mesure où l'agrément de l'administration est nécessaire pour que le stockage soit privé, nous pouvons être certains qu'il n'y aura jamais de stockage d'archives définitives dans une entreprise privée. Cette catégorie d'archives est conservée avec un soin jaloux par les Archives nationales, qui étaient même prêtes à accueillir les archives du Sénat : c'est dire !

M. Michel Charasse. C'est obsessionnel !

M. René Garrec, rapporteur. Il ne faut pas jouer à se faire peur, des solutions existent. Par exemple, les archives du Sénat, qui ont été rapatriées de Versailles, sont stockées dans des locaux loués à cet effet : elles seront triées et finiront sans doute aux Archives nationales, ce qui me paraît logique.

En tout état de cause, on constate de nos jours une fantastique production d'archives. L'électronique n'a d'ailleurs pas supprimé le recours au papier, puisque plus on utilise l'électronique, plus on imprime de documents, pour bien s'assurer que l'on tient des archives convenables !

Quoi qu'il en soit, c'est là une vraie question. La solution présentée par le texte me paraît élégante, c'est pourquoi je suis défavorable à l'amendement n° 69.

En revanche, je suis évidemment favorable à l'amendement n° 44.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 69, 44 et 9 ?

Mme Christine Albanel, ministre. La possibilité d'externaliser la gestion des archives publiques pour la confier à des prestataires professionnels constitue l'un des principaux outils de modernisation prévus dans le projet de loi. Son bien-fondé a été précisé dans l'exposé des motifs du texte et dans le rapport de la commission.

Par ailleurs, le projet de loi entoure cette externalisation, qui en fait est déjà largement entrée dans les moeurs, d'une série de précautions destinées à assurer que les prestataires présentent toutes les garanties nécessaires. Ces garanties seront d'ailleurs accrues par l'amendement n° 9 de M. Garrec.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 69 et donne un avis favorable sur les amendements nos 9 et 44.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 69.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 44.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 3, modifié.

(L'article 3 est adopté.)

Article 3
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Article 4

Article additionnel avant l'article 4

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 10, présenté par M. Garrec, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Avant l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. Après l'article L. 212-6 du code du patrimoine, il est inséré un article L. 212-6-1 ainsi rédigé :

« Art. 212-6-1. - Les groupements de collectivités territoriales sont propriétaires de leurs archives et sont responsables de leur conservation et de leur mise en valeur. Ils peuvent également confier la conservation de leurs archives, par convention, au service d'archives de l'une des communes membres du groupement ou les déposer au service départemental d'archives compétent.

« Le dépôt au service départemental d'archives est prescrit d'office par le préfet, après une mise en demeure restée sans effet, lorsqu'il est établi que la conservation des archives du groupement n'est pas convenablement assurée. »

II. L'intitulé de la sous-section 2 de la section 1 du chapitre 2 du titre Ier du livre II du code du patrimoine est ainsi rédigé : « sous-section 2. - Archives des collectivités territoriales et des groupements de collectivités territoriales ».

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Garrec, rapporteur. Il s'agit de combler un vide juridique, car il me semble essentiel que le texte vise, ce qui n'est pas le cas actuellement, l'ensemble des groupements de collectivités territoriales tenant des archives. En effet, ces structures conduisent souvent de grands chantiers, rencontrent des problèmes difficiles et sont parfois uniques. Je prendrai, à cet égard, l'exemple qui vous est cher, madame le ministre, du syndicat mixte à vocation unique Baie du Mont-Saint-Michel, que j'ai présidé lorsque j'étais président du conseil régional de Basse-Normandie. Sa mission est d'abord de construire les équipements nécessaires à la réalisation du projet, ensuite de les faire fonctionner.

Les archives de telles structures me paraissent présenter un très grand intérêt. Il serait dommage de ne pas les garder. Cette question a été évoquée par M. Hyest, qui souhaite l'élargissement du dispositif du texte à toutes les archives produites par ce type de collectivités territoriales.

Tel est donc l'objet de cet amendement.

Mme la présidente. L'amendement n° 45, présenté par Mme Morin-Desailly, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

Avant l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Après l'article L. 212-6 du code du patrimoine, il est inséré un article L. 212-6-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 212-6-1.- Les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre sont propriétaires de leurs archives et sont responsables de leur conservation et de leur mise en valeur. Ils peuvent également confier la conservation de leurs archives, par convention, au service d'archives de l'une des communes membres de l'établissement ou les déposer au service départemental d'archives compétent. 

« Le dépôt au service départemental d'archives est prescrit d'office par le préfet, après une mise en demeure restée sans effet, lorsqu'il est établi que la conservation des archives de l'établissement n'est pas convenablement assurée. »

II. - L'intitulé de la sous-section 2 de la section 1 du chapitre 2 du titre Ier du livre II du code du patrimoine est ainsi rédigé : « Sous-section 2. - Archives des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ».

La parole est à Mme le rapporteur pour avis.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. À l'instar de celui que vient de présenter M. Garrec, cet amendement vise à combler un vide juridique s'agissant des archives des établissements publics de coopération intercommunale, afin notamment de prendre en compte l'activité et le développement de ces EPCI depuis l'extension de leurs compétences intervenue à la suite de l'entrée en vigueur de la loi de 1979 sur les archives.

L'idée est de ne pas multiplier les structures et de s'adapter avec souplesse à chaque situation locale. L'amendement ouvre donc un triple choix : les archives des EPCI pourront soit être conservées par ces établissements dans des structures propres, que certaines agglomérations ont déjà mises en place, notamment celle d'Elbeuf, que l'on a citée tout à l'heure, soit être confiées par convention aux archives d'une des communes membres de l'EPCI, soit être déposées aux archives départementales.

Contrairement à la commission des lois, nous avons restreint le champ de notre amendement aux EPCI à fiscalité propre, qui sont à nos yeux des structures pérennes, à compétence plus générale que les syndicats intercommunaux à vocation unique ou les syndicats intercommunaux à vocation multiple, dont l'objet est peut-être plus limité.

Nous pensons en outre que les EPCI à fiscalité propre renvoient davantage que les autres à une identité territoriale, dimension qui nous semble importante en matière d'archives.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 45 ?

M. René Garrec, rapporteur. La commission des lois demande le retrait de cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 10 et 45 ?

Mme Christine Albanel, ministre. Le Gouvernement est favorable au principe posé à travers l'amendement n° 10, mais souhaite toutefois en restreindre la portée aux seuls EPCI à fiscalité propre, structures dotées de véritables moyens et d'une réelle permanence.

Il faut donc, nous semble-t-il, éviter de viser les groupements de collectivités territoriales dans leur ensemble, notion qui inclut les SIVOM ou les syndicats mixtes, structures qui peuvent certes être tout à fait importantes, mais qui sont tout de même plus hétérogènes que les EPCI à fiscalité propre et dont le siège et les compétences sont sujets à variation. Leur pérennité peut même éventuellement être mise en question.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 10 et se déclare favorable à l'amendement n° 45, dont la rédaction est identique à ceci près qu'elle ne vise que les EPCI à fiscalité propre.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. S'agissant de la conservation des archives, j'estime vraiment qu'il importe peu qu'une structure intercommunale soit pérenne ou à fiscalité propre... Nous connaissons tous de grands syndicats intercommunaux ou des syndicats mixtes dont le champ d'intervention est considérablement étendu.

À titre d'exemple, j'évoquerai un groupement de collectivités territoriales, l'Entente Marne, qui concerne cinq départements et deux régions et dont les archives présentent un intérêt essentiel en matière d'études, de risques d'inondations, etc. Or aucune obligation ne lui est faite de conserver de telles archives ! De même, j'ai longtemps présidé un syndicat d'aménagement de rivière regroupant trente-cinq communes. Ce syndicat existe depuis soixante-dix ans, il est donc pérenne. Sa durée d'existence est d'ailleurs indéfinie, et il ne pourra disparaître que si l'on décide un jour de le dissoudre.

Il s'agit donc de conserver des archives qui sont extrêmement importantes au regard de l'histoire, de la mémoire. On peut ensuite envisager diversement la question du lieu de leur dépôt, mais je ne vois pas au nom de quoi les établissements publics à fiscalité propre, qui ne sont pas si intéressants que cela, pour l'heure, sur les plans scientifique et historique, feraient l'objet d'un traitement privilégié. Ne pas viser tous les groupements de collectivités territoriales serait à mon sens une erreur profonde, parce que, précisément, tous ne conservent pas leurs archives. Si l'on ne prévoit pas d'obligation en la matière, ces archives seront perdues.

M. Yves Fréville. Tout à fait !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On ne peut pas prétendre que conserver de telles archives est inutile. C'est la mémoire de toute une partie de l'intercommunalité qui est en jeu. Ces structures prennent diverses formes : il y a de très nombreuses variétés de syndicats mixtes, mais ce serait une erreur profonde, je vous l'assure, de limiter aux EPCI à fiscalité propre le champ du dispositif. Ensuite, on peut bien entendu envisager de confier ces archives, par convention, à une commune membre ou aux archives départementales, mais ma préoccupation est qu'elles ne soient pas perdues.

Je vous demande instamment de résister, mes chers collègues, sinon c'est la mémoire de très nombreuses institutions de notre pays qui disparaîtra !

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote sur l'amendement n° 10.

M. Yves Détraigne. Mes propos rejoindront tout à fait ceux que vient de tenir M. Hyest. Ce ne sont pas les moyens ou le mode de financement des établissements publics de coopération intercommunale qui doivent déterminer le sort réservé à leurs archives, seul importe l'intérêt de la mission qu'ils accomplissent et des documents qu'ils produisent.

Par exemple, c'est toute l'histoire des transports en commun de Paris et de sa région qui est inscrite dans les archives du Syndicat des transports parisiens et de la région d'Île-de-France. Les archives du Syndicat des eaux d'Île-de-France ou celles des structures qui gèrent les barrages-réservoirs servant à écrêter les crues de la Marne ou de la Seine présentent une importance comparable. C'est vraiment l'histoire du Bassin parisien qui est retracée dans ces archives ! Pourtant, il ne s'agit pas d'EPCI à fiscalité propre.

J'en suis désolé pour ma collègue et amie Catherine Morin-Desailly, mais je crois donc véritablement qu'il faut préférer l'amendement de la commission des lois à celui de la commission des affaires culturelles.

M. Yves Fréville. Tout à fait !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 10.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 4, et l'amendement n° 45 n'a plus d'objet.

Article additionnel avant l'article 4
Dossier législatif : projet de loi relatif aux archives
Articles additionnels après l'article 4

Article 4

L'article L. 212-9 est ainsi complété :

« Les directeurs des services départementaux d'archives sont choisis parmi les conservateurs ou les conservateurs généraux du patrimoine de l'État. 

« Un décret en Conseil d'État fixe en tant que de besoin les modalités d'application du présent article. »

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 60 rectifié est présenté par MM. de Broissia, Nachbar, Richert, Leroy, Carle, Cléach et Jarlier.

L'amendement n° 70 est présenté par MM. Peyronnet, Lagauche, Mahéas, Sueur, Domeizel, Frimat et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Compléter le deuxième alinéa de cet article par les mots :

ou bien parmi les conservateurs territoriaux du patrimoine

La parole est à M. Philippe Nachbar, pour présenter l'amendement n° 60 rectifié.

M. Philippe Nachbar. Notre collègue Louis de Broissia, qui a pris l'initiative de déposer cet amendement, m'a demandé de le défendre en son absence. Il a pour objet d'élargir le champ de recrutement des directeurs départementaux des services d'archives. Je serai très heureux de connaître l'avis du rapporteur de la commission des lois sur cette proposition.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour présenter l'amendement n° 70.

M. Jean-Claude Peyronnet. J'ai évoqué cet amendement tout à l'heure lors de mon intervention dans la discussion générale. Initialement, sa rédaction était plus complète, car il était précisé que le recrutement d'un conservateur territorial du patrimoine devait entraîner une compensation par l'État au profit du département. Cependant, cette disposition a été supprimée à la demande de la commission des finances, qui a invoqué l'article 40 de la Constitution. Je le conteste, mais c'est ainsi !

Je présente donc maintenant une version simplifiée de mon amendement, avec le risque que cela comporte de création d'une charge supplémentaire pour les collectivités territoriales. J'y reviendrai.

Pour l'heure, ce qui fonde notre proposition, c'est la qualité et la qualification des conservateurs territoriaux du patrimoine, dont je rappelle qu'ils sont formés, par convention, par l'Institut national du patrimoine, lequel organise un concours de recrutement commun à l'État, à la Ville de Paris et aux collectivités territoriales, la durée de la scolarité étant de dix-huit mois.

Je rappelle par ailleurs que le Conseil d'État a annulé, en 1995, l'article 4 d'un décret qui prévoyait que les conservateurs territoriaux du patrimoine devaient exercer leurs missions « dans les services communaux ou régionaux des archives », au motif que cette disposition interdisait à ces fonctionnaires territoriaux de travailler dans les services départementaux d'archives.

Enfin, dans le même arrêt, le Conseil d'État précise que « si l'article 66 précité de la loi du 22 juillet 1983 modifiée autorise la mise à disposition des départements de fonctionnaires de l'État pour exercer leurs fonctions dans les services départementaux d'archives, ces dispositions ne leur ont pas conféré le droit exclusif d'occuper les emplois relevant de la conservation existant dans ces services et ne permettent pas d'exclure les conservateurs territoriaux de tout emploi dans ces services ».

Autrement dit, le Conseil d'État a jugé que les postes de directeur départemental des archives sont parfaitement ouverts à ces fonctionnaires territoriaux que sont les conservateurs territoriaux du patrimoine.

Voilà pourquoi j'ai maintenu cet amendement dans une version simplifiée, avec le risque de création d'une charge supplémentaire pour les collectivités territoriales que cela comporte, risque qui sera levé, je l'espère, grâce à l'amendement n° 61 rectifié. On m'a dit que ce dernier était satisfait, mais le sera-t-il toujours, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, lorsque le Sénat aura adopté la proposition présentée par M. de Broissia et moi-même ? L'amendement n° 61 rectifié prévoit, je le précise, que la mise en oeuvre des dispositions de la présente loi ne pourra entraîner aucune charge supplémentaire pour les collectivités territoriales et leurs groupements.

Je m'étonne d'ailleurs, soit dit en passant, que la commission des finances, si vigilante, ait laissé passer cet amendement, puisqu'il est tout à fait semblable à celui qui avait été écarté précédemment. Mais peut-être est-il un peu moins visible...

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. C'est le contraire !

M. Michel Charasse. Il est parfaitement conforme à l'article 40 de la Constitution !

M. Jean-Claude Peyronnet. Je pense qu'il l'est, en effet.

M. Michel Charasse. Absolument !

M. Jean-Claude Peyronnet. Mais ce n'était pas l'avis du fonctionnaire qui a donné son avis, ce qui n'est pas tout à fait normal.

En tout état de cause, je ne mésestime pas la qualité des fonctionnaires de l'État, en particulier de ceux qui sont issus de l'École nationale des chartes. Je la connais bien, pour avoir été, pendant plusieurs années, membre du conseil d'administration de cette école.

À ce propos, j'ai trouvé inélégant - vous me permettrez d'y faire allusion, madame la ministre - d'apprendre de son directeur, lorsque je l'ai appelé, il y a quinze jours, pour avoir son avis sur ce texte, que je n'étais plus membre dudit conseil d'administration et que j'avais été remplacé au titre des personnalités extérieures. Même si je ne souffre pas particulièrement de cette situation, il me semble que la moindre des choses aurait été de m'avertir, ce qui n'a pas été fait.

M. Michel Charasse. La décision est quelque part dans les archives où c'est un vrai capharnaüm !

M. Jean-Claude Peyronnet. Bref, ce sont des fonctionnaires de très haute qualité, mais ceux qui sont formés par le Centre national de la fonction publique territoriale par convention avec l'Institut national du patrimoine le sont aussi. Aussi, je maintiens mon amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. René Garrec, rapporteur. Pendant les auditions, nous nous sommes beaucoup interrogés sur le fait que des conservateurs d'État soient des directeurs des services départementaux des archives. Nous avions aussi soulevé une question secondaire : les personnes formées dans les universités qui sont des conservateurs territoriaux pourront-elles un jour avoir accès à des postes de direction départementale ?

Il nous a été répondu que 80 % des documents conservés aux archives départementales sont des archives d'État, et qu'il fallait donc assurer leur contrôle scientifique et technique, ce qui ne me paraît d'ailleurs pas choquant.

Il nous a également été précisé que les conservateurs territoriaux peuvent - même si la porte est étroite ! - devenir directeurs départementaux après un stage de six ans et le passage devant une commission. Cette passerelle existe donc, même si elle est limitée et si elle doit sans doute être modifiée.

Puisque le système fonctionne de cette façon, il ne nous a pas semblé choquant, après de très longues discussions, d'accepter la position de l'État.

Aussi, la commission s'en remet à la sagesse de notre assemblée.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement n° 70, pour trois raisons.

D'abord, comme l'a rappelé M. le rapporteur, 80 % des documents conservées par les archives départementales proviennent des services de l'État et de ses établissements publics.

Ensuite, les conservateurs placés à la tête des archives départementales ont également pour mission d'exercer, au nom de l'État, un contrôle scientifique et technique sur l'ensemble des archives publiques, y compris celles des collectivités territoriales, notamment des communes. Dans ces conditions, l'exercice de cette responsabilité par un fonctionnaire territorial pourrait aboutir à une forme de tutelle sur une commune versante, et donc d'une collectivité territoriale sur une autre.

Enfin, en toute hypothèse, rien ne fait obstacle à ce que les conservateurs territoriaux soient détachés dans le corps des conservateurs d'État en vue d'exercer ces fonctions, ce qui est déjà le cas dans trois départements.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

M. Michel Charasse. Il est vrai que les directeurs départementaux des archives sont responsables d'un service d'archives qui, comme l'a dit M. le rapporteur et le ministre l'a confirmé, gère 80 % d'archives qui sont des archives d'État ou assimilées. Il est vrai aussi qu'ils sont responsables au nom du préfet du contrôle de la gestion des archives des collectivités locales.

On ne peut pas toujours dire que les fonctionnaires d'État font preuve d'une grande souplesse dans ce domaine. Fort heureusement, ils inspectent rarement, donc nous ne sommes pas trop embêtés. Mais quand ils s'y mettent, je peux vous dire que comme président de l'association des maires généralement j'en entends parler !

Par conséquent, il n'est pas anormal que des fonctionnaires du cadre territorial puissent eux aussi accéder au grade de directeur départemental des archives. C'est la raison pour laquelle au risque de déplaire à notre ami M. le rapporteur - je m'en excuse - et au ministre, je soutiens ces deux amendements. Car en fait, monsieur le rapporteur, si les archives départementales sont à 80 % des archives d'État, le directeur départemental a compétence sur un volume global d'archives dont 80 % sont celles des collectivités locales.

Voilà les raisons pour lesquelles je voterai ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. Si j'ai bonne mémoire des proportions, c'est plutôt le contraire : 80 % d'archives d'État sont conservées au sein des archives départementales.

M. Michel Charasse. Oui, mais quand on compte les autres archives qu'ils contrôlent, celles des collectivités locales sont plus importantes que celles de l'État !

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. Je soutiens l'explication donnée par Mme la ministre. Il me semble important que ces missions, puisqu'elles sont régaliennes, soient remplies par les conservateurs du patrimoine de l'État.

Cette situation présente d'ailleurs un avantage pour les collectivités, puisque ces personnes sont mises à disposition par l'État à titre gratuit. Cela a d'ailleurs été confirmé par la loi du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique.

Certaines difficultés sont réelles : je pense aux effectifs réduits des conservateurs d'État et au faible volume de recrutement, a fortiori dans la spécialité archives. Il est parfois difficile de pourvoir les postes. C'est également le cas dans les bibliothèques, où il y a souvent des vacances de poste. Comme je l'ai souligné lors de la discussion générale, il faut absolument encourager les passerelles. Vous avez d'ailleurs évoqué cette possibilité, madame la ministre.

Par ailleurs, l'article 4 prévoit que les modalités d'application seront fixées par un décret en Conseil d'État. Madame la ministre, ce décret pourra-t-il notamment prévoir que les collectivités territoriales sont consultées pour la nomination de ces personnels, comme cela se fait très couramment pour les bibliothèques et les musées ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Peyronnet. J'en entends souvent de bonnes, madame la ministre, mais la tutelle d'une collectivité sur une autre par le biais des archives, on ne me l'avait jamais faite ! Reconnaissez que c'est un argument extraordinaire ! On peut parler de tutelle dans toutes sortes de domaines, notamment financière, mais par le biais des archives, c'est vraiment très fort ! Je ne peux retenir cet argument.

Les archives conservées dans les bâtiments départementaux sont à 80 % des archives d'État. Soit, mais l'argument que vous avancez pour défendre mordicus la position des fonctionnaires d'État dans ce secteur se retourne, car si 80 % des archives sont d'État, 90 % des personnels sont territoriaux. L'État fait donc subventionner la conservation de ses propres archives par le conseil général,...

M. Michel Charasse. C'est une dépense obligatoire.

M. Jean-Claude Peyronnet. ...qui assure le fonctionnement des bâtiments, le chauffage, le personnel. C'est ce que vous êtes en train de nous démontrer. Permettez-moi de vous dire que cette découverte est intéressante pour un certain nombre d'entre nous.

De ce point de vue, je reviens sur la position de Mme le rapporteur pour avis : ce n'est plus une subvention de l'État aux collectivités, c'est plutôt l'inverse. En l'occurrence, ce sont les collectivités qui sont flouées.

Le seul argument éventuellement valable serait celui du contrôle scientifique par les Archives de France. Il est tout à fait facile à résoudre : qu'il s'agisse des fonctionnaires de l'État ou des fonctionnaires territoriaux, il y a des inspecteurs généraux, et un contrôle par les conservateurs en chef. Les fonctionnaires territoriaux sont des fonctionnaires à part entière comme les fonctionnaires d'État, avec la même déontologie et la même formation. Pourquoi ne respecteraient-ils pas les règles qui leur seraient édictées au plan national par les Archives de France ?

J'ajoute que cela commence à faire beaucoup pour la fonction publique territoriale : chaque fois que l'on souhaite qu'elle ait la même dignité que la fonction publique de l'État, on nous rétorque qu'il existe diverses possibilités pour disposer de ces personnels, en l'occurrence par détachement. Et bien, prenez-les directement ! S'ils sont bons en détachement, ils doivent être bons directement ! Il n'est pas nécessaire de passer par l'entremise du détachement puisqu'ils exerceront de toute façon ces fonctions. Vous êtes donc opposée non pas au principe, mais à la situation qui est proposée !

M. Michel Charasse. C'est le corporatisme !

M. Jean-Claude Peyronnet. Il faut dire les choses : vous cédez au corporatisme des conservateurs du patrimoine de l'État.

M. Michel Charasse. Exactement !

M. le président. La parole est à M. Philippe Nachbar.

M. Philippe Nachbar. Compte tenu des éléments d'information apportés par la ministre et par les deux rapporteurs, je retire l'amendement dont j'étais le cosignataire.

Mme la présidente. L'amendement n° 60 rectifié est retiré.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La défense d'intérêts vaut des deux côtés ! Ce qui importe, c'est que les directeurs des archives soient nommés par l'État.

M. Michel Charasse. Absolument !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. En effet, ils assurent, au nom du préfet, le contrôle scientifique et technique des archives d'État, qui sont extrêmement importantes dans les départements. Quant aux archives des autres collectivités locales, il n'appartient pas à un service départemental de dire ce qui doit être fait. La nécessaire neutralité exige donc que la mission des archives soit régalienne. Elle a d'ailleurs toujours été une mission d'État.

Depuis toujours aussi, ce sont les départements qui entretiennent les bâtiments d'archives et qui fournissent le personnel. Auparavant, il y avait un peu de personnel d'État, qui a progressivement disparu ; aujourd'hui, il n'y en a plus du tout. Mais c'est une obligation depuis toujours pour le département.

M. Michel Charasse. C'est la loi de 1871 !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous avez cité des textes, vous auriez pu évoquer celui-là.

Je crois qu'il faut maintenir le statut actuel et ne pas décider si ce sont les conservateurs territoriaux du patrimoine ou les conservateurs d'État. Madame le ministre, si les conservateurs d'État sont en nombre insuffisant, il faudrait effectivement peut-être ouvrir le recrutement à des personnes bien formées et qui présentent toutes les garanties. Étant moi-même issu de la fonction publique territoriale, je suis très favorable aux passerelles entre les fonctions publiques.

Je ne voterai pas cet amendement, car bouleverser tout le système traditionnel signifierait que les présidents de conseil général voudront demain nommer leur directeur des archives. Si l'on maintient la nomination par l'État, ce dernier pourra toujours nommer des conservateurs territoriaux s'ils remplissent un certain nombre de conditions.

Prenons un exemple qui n'a rien à voir avec les archives : les directeurs des services départementaux d'incendie et de secours sont nommés conjointement par le président du conseil général qui gère l'établissement public et par le ministre de l'intérieur parce qu'ils remplissent une fonction opérationnelle pour l'État.

Il en va de même pour les directeurs des archives. C'est la raison pour laquelle j'ai toujours défendu le fait que la mission doit rester régalienne, car, je le reconnais, si tous les personnels sont issus de la fonction publique territoriale les collectivités font plus ou moins d'efforts. Le département dont je suis l'élu a toujours fait beaucoup en ce concerne les archives départementales.

Il ne faut pas entrer dans cette querelle entre les personnels territoriaux et les personnels d'État. L'important, c'est qu'ils continuent d'être nommés par le ministre de la culture.

En revanche, je souhaite que les postes soient aussi ouverts aux conservateurs territoriaux du patrimoine. Mais il ne faut pas prévoir que ces postes pourront être indifféremment affectés aux conservateurs d'État ou territoriaux, car vous n'aurez alors plus à les nommer. Voilà ce qui se cache à mon avis derrière ces amendements.

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. Je voudrais soutenir les propos de mon collègue Jean-Jacques Hyest. Pour répondre à M. Jean-Claude Peyronnet, je vais prendre un exemple très concret. À Rouen, ville dont je suis l'élue à la culture, la moitié des archives se trouve à la bibliothèque municipale, avec des fonds allant du xive siècle à la Révolution française. Sans remettre en cause les qualités intrinsèques et les compétences d'un conservateur - qu'il soit territorial ou d'État -, je ne vois pas comment un conservateur territorial pourrait exercer une mission scientifique et technique, avec l'autorité de bon aloi que cela suppose, sur des fonds gérés par un conservateur d'État, en l'occurrence le directeur de ladite bibliothèque. Il convient de garder une certaine logique dans toute cette organisation, et il faut donc que l'État nomme les conservateurs.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote sur l'amendement n° 70.

M. Jean-Claude Peyronnet. La fonction publique est une. Les termes « comparabilité » et « parité » - auxquels je crois encore - figurent dans la loi de 1983.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela n'a rien à voir !

M. Jean-Claude Peyronnet. On peut retenir l'argument présenté par M. Jean-Jacques Hyest et selon lequel il faut que ces personnels soient nommés par l'État. Les directeurs des services départementaux d'incendie et de secours, qui sont des fonctionnaires territoriaux, sont nommés par arrêté conjoint de l'État et du président du conseil général, sans que cela pose de difficulté. Pourquoi un fonctionnaire territorial ne pourrait-il pas exercer une mission d'État ? Je ne vois pas du tout où est le problème. Cet argument n'est donc pas valable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 70.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 11, présenté par M. Garrec, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Au dernier alinéa de cet article, supprimer les mots : en tant que de besoin

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Garrec, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel. L'expression « en tant que de besoin » est inutile.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 11.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 4, modifié.

(L'article 4 est adopté.)

Article 4
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Article 5

Articles additionnels après l'article 4

Mme la présidente. L'amendement n° 12, présenté par M. Garrec, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l'article L. 212-10 du code du patrimoine, après les mots : « aux collectivités territoriales » sont insérés les mots : « et aux groupements de collectivités territoriales ».

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Garrec, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination concernant le contrôle scientifique et technique de l'administration des archives sur les groupements de collectivités territoriales.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 12.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4.

L'amendement n° 13, présenté par M. Garrec, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. L'article L. 212-11 du code du patrimoine est complété par une phrase ainsi rédigée : « Dans ce cas, les documents peuvent être conservés soit par les communes elles-mêmes soit par le groupement de collectivités territoriales dont elles sont membres. »

II. Dans le premier alinéa de l'article L. 212-12 du code du patrimoine, après les mots : « délibération du conseil municipal, », sont insérés les mots : « aux archives du groupement de collectivités territoriales dont elles sont membres ou ».

III. Au début du second alinéa de l'article L. 212-12 du code du patrimoine, les mots : « Ce dépôt » sont remplacés par les mots : « Le dépôt au service départemental d'archives ».

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Garrec, rapporteur. Cet amendement tend à donner la possibilité aux grandes communes de faire conserver leurs archives par un groupement de collectivités territoriales.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 71, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

A. Dans le I de l'amendement n° 13, remplacer les mots :

le groupement de collectivités territoriales

par les mots :

l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre

B. Dans le II du même texte, remplacer les mots :

du groupement de collectivités territoriales

par les mots :

de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre

Ce sous-amendement n'a plus d'objet.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 13 ?

Mme Christine Albanel, ministre. Compte tenu du vote du Sénat sur l'amendement n° 10, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 13.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4.

L'amendement n° 61 rectifié, présenté par MM. Charasse, Peyronnet, Lagauche, Mahéas, Sueur, Domeizel, Frimat et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La mise en oeuvre des dispositions de la présente loi ne pourra entraîner aucune charge supplémentaire pour les collectivités territoriales et leurs groupements.

La parole est à M. Michel Charasse.

M. Michel Charasse. Il s'agit de préciser que les nouvelles dispositions législatives ne pourront pas entraîner de charges supplémentaires pour les collectivités territoriales et pour leurs groupements. Les archives étant une affaire d'État, elles doivent le demeurer, y compris budgétairement, sauf en ce qui concerne l'existant résultant des obligations des lois de 1871 et de 1884.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. René Garrec, rapporteur. Cet amendement est satisfait, car le texte ne créé aucune charge supplémentaire pour les collectivités territoriales, sauf si elles souhaitent une meilleure accessibilité à leurs archives. Mais dans ce cas, cette charge supplémentaire serait de leur fait.

M. Michel Charasse. C'est facultatif, pas obligatoire.

M. René Garrec, rapporteur. Ce n'est pas obligatoire. Cette disposition n'entraîne donc aucune charge supplémentaire pour les collectivités territoriales.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Comme vient de le rappeler M. le rapporteur, le présent projet de loi ne procède à aucun transfert de compétences.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 61 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels après l'article 4
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Article 6

Article 5

Au dernier alinéa de l'article L. 212-18, le mot : « six » est remplacé par le mot : « douze ».

Mme la présidente. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 14 est présenté par M. Garrec, au nom de la commission des lois.

L'amendement n° 46 est présenté par Mme Morin-Desailly, au nom de la commission des affaires culturelles.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 14.

M. René Garrec, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de suppression.

En effet, l'article 5 porte de six à douze mois le délai à l'issue duquel l'administration peut décider de classer des archives privées. Nous pensons que six mois sont largement suffisants.

Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 46.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. Cet allongement nous semble contraire à l'esprit du projet de loi, qui est de réduire les délais, de communicabilité par exemple.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 14 et 46.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. En conséquence, l'article 5 est supprimé.

Article 5
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Article additionnel après l'article 6

Article 6

L'article L. 212-23 est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. L. 212-23. - Le propriétaire d'archives classées qui projette de les aliéner est tenu d'en faire préalablement la déclaration à l'administration des archives dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat. Il en est de même pour le propriétaire, le détenteur ou le dépositaire d'archives classées qui projette de les déplacer d'un lieu dans un autre.

« Toute aliénation d'archives classées doit être notifiée à l'administration des archives par celui qui l'a consentie, dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat. Cette notification précise le nom et l'adresse du nouvel acquéreur.

« Il en est de même pour toute transmission d'archives classées par voie de succession, de partage, de donation ou de legs. La notification est faite par l'héritier, le copartageant, le donataire ou le légataire. »

Mme la présidente. L'amendement n° 47, présenté par Mme Morin-Desailly, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 212-23 du code du patrimoine :

Toute aliénation doit être notifiée à l'administration des archives par celui qui l'a consentie, dans les quinze jours suivant la date de son accomplissement.

La parole est à Mme le rapporteur pour avis.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à simplifier la rédaction du texte proposé par le projet de loi et, de fait, ses conditions d'application.

Ainsi, plutôt que de renvoyer à un décret en Conseil d'État la fixation du délai pour notifier l'aliénation d'archives privées, l'amendement tend à prévoir que celle-ci doit intervenir dans les quinze jours suivant son accomplissement.

Ces conditions sont ainsi alignées sur celles qui sont prévues à l'article L. 622-16 du code du patrimoine s'agissant des objets mobiliers classés.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. René Garrec, rapporteur. Favorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 47.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 6, modifié.

(L'article 6 est adopté.)

Article 6
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Article 7

Article additionnel après l'article 6

Mme la présidente. L'amendement n° 48, présenté par Mme Morin-Desailly, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 212-25 du code du patrimoine est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Tous travaux engagés sur des archives classées s'exécutent avec l'autorisation de l'administration des archives et sous son contrôle scientifique et technique. »

La parole est à Mme le rapporteur pour avis.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à compléter l'article L. 212-25 du code du patrimoine, par coordination avec l'amendement n° 53 de la commission des affaires culturelles.

Il apporte une précision utile, qui est déjà prévue dans le code du patrimoine s'agissant des objets mobiliers classés : ainsi les travaux de restauration ou de conservation engagés sur des archives privées classées devront-ils être réalisés avec l'autorisation de l'administration des archives et sous son contrôle scientifique et technique pour que les propriétaires puissent prétendre à une réduction fiscale. Cela permettra de garantir la qualité des interventions et des professionnels chargés de ces travaux, souvent délicats.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. René Garrec, rapporteur. Favorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

M. Michel Charasse. Cette disposition est-elle applicable aux archives communales ? De nombreuses communes font actuellement refaire les reliures des anciennes délibérations et les plus vieux registres d'état civil. Ce sont des documents fragiles. Pour l'instant, elles traitent avec des maisons spécialisées, sans en parler aux archives départementales. Votre amendement obligera-t-il désormais les communes à leur notifier ces travaux ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cette disposition s'applique aux archives privées classées.

M. Michel Charasse. Il est indiqué dans l'amendement que sont concernés les travaux « engagés sur des archives classées », mais non « privées ». Est-ce dans l'article L. 212-25 ?

M. René Garrec, rapporteur. Cet amendement s'applique aux archives privées. Autrement, ce sont des archives publiques.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 48.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6.

Article additionnel après l'article 6
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Article 8

Article 7

L'article L. 212-29 est modifié comme suit :

1° Le premier alinéa est complété par la phrase suivante :

« Il peut exercer ce droit pour son compte ou à la demande et pour le compte d'une collectivité territoriale, d'un établissement public ou d'une fondation reconnue d'utilité publique. » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Les reproductions auxquelles il a été ainsi procédé sont communicables à toute personne qui en fait la demande, sauf si le propriétaire en a stipulé autrement avant l'exportation. Cette information est donnée au propriétaire lors de la demande de reproduction. »

Mme la présidente. L'amendement n° 49, présenté par Mme Morin-Desailly, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

Compléter le second alinéa du 1° de cet article par une phrase ainsi rédigée :

Le demandeur et bénéficiaire de la reproduction en assume alors les frais.

La parole est à Mme le rapporteur pour avis.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. Cet amendement tend à préciser les conditions d'application du second alinéa de l'article 7. En effet, lorsque l'État fait usage du droit de reproduction d'archives privées avant l'exportation pour son propre compte, le code du patrimoine prévoit que cela est fait à ses frais.

Lorsqu'il exercera ce droit, comme le prévoit désormais le projet de loi, à la demande et pour le compte d'une collectivité territoriale, d'un établissement public ou encore d'une fondation reconnue d'utilité publique, c'est alors cette collectivité, cet établissement ou cette fondation qui prendra à sa charge les frais de reproduction.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. René Garrec, rapporteur. Favorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 49.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 7, modifié.

(L'article 7 est adopté.)

Article 7
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Article 9

Article 8

L'article L. 212-31 est complété par l'alinéa suivant :

« La société habilitée à procéder à la vente de gré à gré de documents d'archives privées dans les conditions prévues au dernier alinéa de l'article L. 321-9 du code de commerce notifie sans délai la transaction à l'administration des archives, avec toutes indications utiles concernant lesdits biens. »

Mme la présidente. L'amendement n° 50, présenté par Mme Morin-Desailly, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

À la fin du dernier alinéa de cet article, remplacer les mots :

lesdits biens

par les mots :

lesdits documents

La parole est à Mme le rapporteur pour avis.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. René Garrec, rapporteur. Favorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 50.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 8, modifié.

(L'article 8 est adopté.)

Article 8
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Article 10

Article 9

L'article L. 212-32 est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. L. 212-32. - S'il l'estime nécessaire à la protection du patrimoine d'archives, l'Etat exerce, sur tout document d'archives privées mis en vente publique ou vendu de gré à gré dans les conditions prévues au dernier alinéa de l'article L. 321-9 du code de commerce, un droit de préemption par l'effet duquel il se trouve subrogé à l'adjudicataire ou à l'acheteur.

« La déclaration par l'administration des archives qu'elle envisage d'user de son droit de préemption est faite, à l'issue de la vente, entre les mains de l'officier public ou ministériel dirigeant les adjudications ou de la société habilitée à organiser la vente publique ou la vente de gré à gré. La décision de l'autorité administrative doit, à peine de nullité, intervenir dans un délai de quinze jours à compter de la vente publique ou de la notification de la transaction de gré à gré. » - (Adopté.)

Article 9
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Article 11

Article 10

Au premier alinéa de l'article L. 212-33, après les mots : « collectivités territoriales » sont insérés les mots : «, de la Nouvelle Calédonie ». - (Adopté.)

Article 10
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Article additionnel après l'article 11

Article 11

Les articles L. 213-1 à L. 213-8 sont remplacés par les dispositions suivantes :

« Art. L. 213-1. - Les archives publiques, quels qu'en soient le support, le lieu de détention ou le mode de conservation sont, sous réserve des dispositions de l'article L. 213-2, communicables à toute personne qui en fait la demande.

« L'accès à ces archives s'exerce dans les conditions définies pour les documents administratifs à l'article 4 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal.

« Art. L. 213-2. - Par dérogation aux dispositions de l'article L. 213-1 :

« I. - Les archives publiques ne peuvent être librement consultées qu'à l'expiration d'un délai de :

« 1° Vingt-cinq ans à compter de la date du document ou du document le plus récent inclus dans le dossier :

« a) Pour les documents dont la communication porte atteinte au secret des délibérations du Gouvernement et des autorités responsables relevant du pouvoir exécutif, à la conduite des relations extérieures, à la monnaie et au crédit public, au secret en matière commerciale et industrielle, à la recherche, par les services compétents, des infractions fiscales et douanières ou au secret en matière de statistiques sauf lorsque sont en cause des données collectées au moyen de questionnaires ayant trait aux faits et comportements d'ordre privé mentionnées au 3° ;

« b) Pour les documents mentionnés au troisième alinéa de l'article 1er de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 précitée ;

« c) Pour les documents élaborés dans le cadre d'un contrat de prestation de service exécuté pour le compte d'une ou de plusieurs personnes déterminées, sauf si ces documents entrent, du fait de leur contenu, dans le champ d'application des dispositions des 2° à 4° du présent article ;

« 2° Vingt-cinq ans à compter de la date du décès de l'intéressé, pour les documents dont la communication porte atteinte au secret médical. Si la date du décès n'est pas connue, le délai est de cent vingt ans à compter de la date de naissance de la personne en cause ;

« 3° Cinquante ans à compter de la date du document ou du document le plus récent inclus dans le dossier, pour les documents dont la communication porte atteinte au secret de la défense nationale, aux intérêts fondamentaux de l'Etat dans la conduite de la politique extérieure, à la sûreté de l'État, à la sécurité publique ou au secret en matière de statistiques lorsque sont en cause des données collectées au moyen de questionnaires ayant trait aux faits et comportements d'ordre privé.

« Le même délai s'applique aux documents relatifs à la construction, à l'équipement et au fonctionnement des ouvrages, bâtiments ou partie de bâtiments utilisés pour la détention des personnes ou recevant habituellement des personnes détenues. Ce délai est décompté depuis la fin de l'affectation à ces usages des ouvrages, bâtiments ou partie de bâtiments en cause.

« Le même délai ou, s'il est plus bref, un délai de vingt-cinq ans à compter de la date du décès de l'intéressé, s'applique aux archives publiques dont la communication porte atteinte à la protection de la vie privée, ou rend publique une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique nommément désignée ou facilement identifiable, ou fait apparaître le comportement d'une personne dans des conditions susceptibles de lui porter préjudice. Ce délai s'applique notamment aux documents relatifs aux affaires portées devant les juridictions et à l'exécution des décisions de justice ainsi qu'aux minutes et répertoires des officiers publics ou ministériels.

« Le même délai s'applique, à compter de leur clôture, aux registres de mariage de l'Etat civil ;

« 4° Cent ans, à compter de leur clôture, pour les registres de naissance de l'Etat civil. Le même délai s'applique, à compter de la date du document, ou du document le plus récent inclus dans le dossier, aux documents mentionnés au troisième alinéa du 3°, qui se rapportent à une personne mineure.

« Le même délai s'applique aux documents relatifs aux affaires portées devant les juridictions et à l'exécution des décisions de justice en matière d'agressions sexuelles dont la communication porte atteinte à l'intimité de la vie sexuelle des personnes, ainsi qu'aux documents élaborés dans le cadre de l'enquête réalisée par les services de la police judiciaire.

« II. - Ne peuvent être consultées les archives publiques dont la communication est susceptible d'entraîner la diffusion d'informations permettant de concevoir, fabriquer, utiliser ou localiser des armes nucléaires, biologiques, chimiques ou toutes autres armes ayant des effets directs ou indirects de destruction d'un niveau analogue.

« Il en est de même pour les archives publiques dont la communication est de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ».

« Art. L. 213-3. - I. - L'autorisation de consultation de documents d'archives publiques avant l'expiration des délais fixés au I de l'article L. 213-2 peut être accordée aux personnes qui en font la demande dans la mesure où l'intérêt qui s'attache à la consultation de ces documents ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger. Sous réserve, en ce qui concerne les minutes des notaires, des dispositions de l'article 23 de la loi du 25 ventôse an XI, l'autorisation est accordée par l'administration des archives aux personnes qui en font la demande après accord de l'autorité dont émanent les documents. Toutefois elle est accordée, pour les documents produits ou reçus par l'une ou l'autre des assemblées parlementaires, par l'autorité désignée par cette assemblée.

« II. - L'administration des archives peut également, après accord de l'autorité dont émanent les documents, décider l'ouverture anticipée de fonds ou parties de fonds d'archives publiques. La décision est prise, pour les fonds ou parties de fonds produits ou reçus par l'une ou l'autre des assemblées parlementaires, par l'autorité désignée par cette assemblée.

« Art. L. 213-4. - Le versement des documents d'archives publiques émanant du Président de la République, du Premier ministre et des autres membres du Gouvernement peut être assorti de la signature entre la partie versante et l'administration des archives d'un protocole relatif aux conditions de traitement, de conservation, de valorisation ou de communication du fonds versé, pendant la durée des délais prévus à l'article L. 213-2. Les stipulations de ce protocole peuvent également s'appliquer aux documents d'archives publiques émanant des collaborateurs personnels de l'autorité signataire.

« Pour l'application de l'article L. 213-3, l'accord de la partie versante requis pour autoriser la consultation ou l'ouverture anticipée du fonds est donné par le signataire du protocole.

« Le protocole cesse de plein droit d'avoir effet en cas de décès du signataire et, en tout Etat de cause, à la date d'expiration des délais prévus à l'article L. 213-2.

« Les documents d'archives publiques versés antérieurement à la publication de la loi n° ........... du ............ demeurent régis par les protocoles alors signés. Toutefois, les clauses de ces protocoles relatives au mandataire désigné par l'autorité signataire cessent d'être applicables vingt-cinq ans après le décès du signataire.

« Art. L. 213-5. - Toute administration détentrice d'archives publiques ou privées est tenue de motiver tout refus qu'elle oppose à une demande de communication de documents d'archives.

« Art. L. 213-6. - Les services publics d'archives qui reçoivent des archives privées à titre de don, de legs, de cession ou de dépôt sont tenus de respecter les stipulations du donateur, de l'auteur du legs, du cédant ou du déposant quant à la conservation et à la communication de ces archives.

« Art. L. 213-7. - Les dispositions des articles L. 213-1 à L. 213-3, L. 213-5, L. 213-6 et L. 213-8 sont affichées de façon apparente dans les locaux ouverts au public des services publics d'archives.

« Art. L. 213-8. - Le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 213-9 détermine les conditions dans lesquelles sont délivrés les expéditions et extraits authentiques de documents d'archives.

« Il précise notamment les conditions dans lesquelles donnent lieu à rémunération :

« a) L'expédition ou l'extrait authentique des pièces conservées dans les services publics d'archives ;

« b) La certification authentique des copies des plans conservés dans ces mêmes services, exécutées à la même échelle que les originaux à la diligence des intéressés ;

« c) La certification authentique des photocopies et de toutes reproductions et fixations des documents conservés dans ces mêmes services.

« Art. L. 213-9. - Les modalités d'application du présent chapitre sont fixées par décret en Conseil d'État. »

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Madame la présidente, pour la clarté de nos débats, la commission demande l'examen par priorité, après l'amendement n° 16, des amendements identiques nos 19 rectifié et 56 rectifié bis, ainsi que du sous-amendement n° 66.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité formulée par la commission ?

Mme Christine Albanel, ministre. Favorable.

Mme la présidente. La priorité est de droit.

L'amendement n° 15, présenté par M. Garrec, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-1 du code du patrimoine :

Les archives publiques sont, sous réserve des dispositions de l'article L. 213-2, communicables de plein droit.

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Garrec, rapporteur. Le projet de loi pose le principe de libre communicabilité des documents à « toute personne qui en fait la demande ».

Cette rédaction paraît subordonner la communication des documents à l'existence d'une demande préalable. Or il nous paraît intelligent de mettre en ligne les documents, dans la mesure où ils intéressent une majorité de personnes, qui ont légitimement le droit d'y avoir accès en permanence.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 15.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 51, présenté par Mme Morin-Desailly, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le début du second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-1 du code du patrimoine :

« L'accès à ces archives est gratuit. Il s'exerce dans les conditions définies...

La parole est à Mme le rapporteur pour avis.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. Cet amendement tend à réaffirmer dans le code du patrimoine, pour l'expliciter, le principe de gratuité d'accès aux archives publiques, en parallèle de la consécration, par le projet de loi, de leur libre communicabilité. En effet, lors de nos rencontres, les usagers des archives nationales et territoriales nous ont fait part de leur intérêt pour un tel rappel, afin de prévenir tout risque de dérive.

Certes, j'en ai conscience, je fais acte de redondance - mes collègues ne manqueront pas de me le dire ! -, mais je pense qu'il est important de réaffirmer ici, dans cet hémicycle, le principe de gratuité d'accès aux archives publiques.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. René Garrec, rapporteur. Je demande le retrait de cet amendement car la précision qu'il tend à introduire figure dans la loi de 1978. Cet amendement est donc satisfait.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Même Avis.

Mme la présidente. Madame le rapporteur pour avis, l'amendement n° 51 est-il maintenu ?

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 51 est retiré.

L'amendement n° 16, présenté par M. Garrec, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le premier alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-2 du code du patrimoine :

Les archives publiques sont communicables de plein droit à l'expiration d'un délai de :

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Garrec, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination avec l'article L. 213-1 du code du patrimoine.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 16.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Nous en venons à l'examen par priorité des amendements nos 19 rectifié et 56 rectifié bis, ainsi que du sous-amendement n° 66.

Les deux amendements sont identiques.

L'amendement n° 19 rectifié est présenté par M. Garrec, au nom de la commission des lois.

L'amendement n° 56 rectifié bis est présenté par MM. Détraigne, Türk et les membres du Groupe Union centriste-UDF.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rédiger comme suit les quatre derniers alinéas du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-2 du code du patrimoine :

« 4° Soixante-quinze ans ou, s'il est plus bref, un délai de vingt-cinq ans à compter de la date du décès de l'intéressé, pour les documents dont la communication porte atteinte à la protection de la vie privée, ou rend publique une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique nommément désignée ou facilement identifiable, ou fait apparaître le comportement d'une personne dans des conditions susceptibles de lui porter préjudice. Ce délai s'applique en particulier aux documents relatifs aux enquêtes réalisées par les services de la police judiciaire, aux affaires portées devant les juridictions sous réserve des dispositions particulières applicables aux jugements, à l'exécution des décisions de justice, aux minutes et répertoires des officiers publics ou ministériels, et, à compter de leur clôture, aux registres de naissance et de mariage de l'état civil.

« Le même délai s'applique aux documents susceptibles de porter atteinte à la sécurité des personnes.

« 5° Cent ans ou, s'il est plus bref, un délai de vingt-cinq ans à compter de la date du décès de l'intéressé, à compter de la date du document ou du document le plus récent inclus dans le dossier, pour les documents mentionnés au 4° qui se rapportent à une personne mineure.

« Le même délai s'applique aux documents relatifs aux enquêtes réalisées par les services de la police judiciaire, aux affaires portées devant les juridictions sous réserve des dispositions particulières relatives aux jugements ainsi qu'à l'exécution des décisions de justice dont la communication porte atteinte à l'intimité de la vie sexuelle des personnes.

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 19 rectifié.

M. René Garrec, rapporteur. Cet amendement porte sur le délai applicable aux documents susceptibles de porter atteinte à la protection de la vie privée : soixante-quinze ans, ou, s'il est plus bref, un délai de vingt-cinq ans à compter de la date du décès de l'intéressé.

Nous proposons d'instaurer un délai de vingt-cinq ans lorsque la personne est décédée et de conserver le délai de soixante-quinze ans quand la personne concernée est toujours vivante, pour des raisons strictement liées à l'accroissement de la durée de la vie.

Voilà le troisième délai dont j'avais évoqué la création tout à l'heure.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Détraigne, pour présenter l'amendement n° 56 rectifié bis.

M. Yves Détraigne. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, comme vous l'aurez remarqué, cet amendement est identique à celui qui vient de nous être présenté par M. le rapporteur.

Je me référerai à l'exemple que j'avais mentionné lors de la discussion générale et aux propos que notre collègue Yves Fréville vient de tenir. Compte tenu de l'allongement de la durée de la vie, il est, me semble-t-il, souhaitable de prévoir un délai de soixante-quinze ans, et non de cinquante ans, s'agissant de la communication de certaines informations relatives à la vie privée.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 66, présenté par MM. Fréville et Texier, est ainsi libellé :

I - Dans la seconde phrase du premier alinéa du 4° du texte proposé par l'amendement n° 19, après les mots : officiers publics ou ministériels insérer les mots : ainsi qu'aux documents dont la communication porte atteinte au secret en matière de statistiques, lorsque sont en cause des données collectées au moyen de questionnaires ayant trait aux faits et comportements d'ordre privé, hormis les questionnaires du recensement de la population

II - Dans le second alinéa du 5° du texte proposé par l'amendement n°19, après les mots : police judiciaire insérer les mots : aux questionnaires du recensement de la population

La parole est à M. Yves Fréville.

M. Yves Fréville. Par dérogation au principe général que vient d'exposer le rapporteur de la commission des lois pour les faits personnels, mon collègue Yannick Texier et moi-même, qui siégeons au Conseil national de l'information statistique, souhaiterions que, pour les questionnaires du recensement, le délai de communication reste fixé à cent ans. Les enquêtes de recensement portent sur la totalité de la population française jusqu'en 1999, sur la totalité de la population des communes de moins de 10 000 habitants et sur une part très importante de la population des communes au-delà de 10 000 habitants aujourd'hui.

Lorsque le volet de la loi de 2002 sur les opérations de recensement a été mis en place, il avait été entendu que la durée de communicabilité resterait de cent ans.

Compte tenu des difficultés que rencontrent actuellement certains grands pays européens, qui ont dû arrêter les opérations de recensement, il est nécessaire de maintenir un certain niveau de confiance de la population dans les engagements pris par le législateur.

Étant donné l'allongement de la durée de la vie, au-delà de soixante-quinze ans très fréquemment, et compte tenu du fait que ces enquêtes touchent la totalité de la population, il serait opportun de maintenir la durée de cent ans.

Tel est l'objet de ce sous-amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?

M. René Garrec, rapporteur. La commission souhaite connaître l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 66.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques nos 19 rectifié et 56 rectifié bis, ainsi que sur le sous-amendement n  66 ?

Mme Christine Albanel, ministre. S'agissant des délais spéciaux de communication, le Gouvernement - cela a été arbitré ainsi - est attaché à l'équilibre d'ensemble du projet de loi.

À mon sens, dans sa rédaction actuelle, le projet de loi permet d'associer la nécessaire transparence, qui suppose d'ouvrir davantage les archives, à la protection d'informations dont la divulgation porterait atteinte à des intérêts publics ou privés légitimes.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement n'est pas favorable aux amendements identiques nos 19 rectifié et 56 rectifié bis, qui tendent à porter le délai de communicabilité de certains documents relatifs à la vie privée de cinquante ans à soixante-quinze ans.

En outre, le Gouvernement ne souhaite pas que des documents susceptibles de porter atteinte à la sécurité des personnes - le projet de loi exclut de tels documents de toute communication - puissent être consultés au terme d'un délai de soixante-quinze ans.

Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 19 rectifié et 56 rectifié bis, et, par voie de conséquence, il est également défavorable au sous-amendement n° 66.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. René Garrec, rapporteur. Nous avons abordé en commission la question des « documents susceptibles de porter atteinte à la sécurité des personnes ».

Nous proposons de supprimer cette mention de notre amendement.

Cela permettrait de satisfaire Mme la ministre, même si nous maintenons par ailleurs notre proposition de porter le délai à soixante-quinze ans. Nous reviendrions ainsi à l'ancienne version du texte législatif.

Mme la présidente. Je suis donc saisie d'un amendement n° 19 rectifié bis, présenté par M. Garrec, au nom de la commission des lois, et ainsi rédigé :

Remplacer les quatre derniers alinéas du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-2 du code du patrimoine par trois alinéas ainsi rédigés :

« 4° Soixante-quinze ans ou un délai de vingt-cinq ans à compter de la date du décès de l'intéressé si ce dernier délai est plus bref, pour les documents dont la communication porte atteinte à la protection de la vie privée, ou rend publique une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique nommément désignée ou facilement identifiable, ou fait apparaître le comportement d'une personne dans des conditions susceptibles de lui porter préjudice. Ce délai s'applique en particulier aux documents dont la communication porte atteinte au secret en matière de statistiques lorsque sont en cause des données collectées au moyen de questionnaires ayant trait aux faits et comportements d'ordre privé, aux documents relatifs aux enquêtes réalisées par les services de la police judiciaire, aux affaires portées devant les juridictions sous réserve des dispositions particulières applicables aux jugements, à l'exécution des décisions de justice, aux minutes et répertoires des officiers publics ou ministériels, et, à compter de leur clôture, aux registres de naissance et de mariage de l'état civil.

« 5° Cent ans ou un délai de vingt-cinq ans à compter de la date du décès de l'intéressé si ce dernier délai est plus bref, à compter de la date du document ou du document le plus récent inclus dans le dossier, pour les documents mentionnés au 4° qui se rapportent à une personne mineure.

« Le même délai s'applique aux documents relatifs aux enquêtes réalisées par les services de la police judiciaire, aux affaires portées devant les juridictions sous réserve des dispositions particulières relatives aux jugements ainsi qu'à l'exécution des décisions de justice dont la communication porte atteinte à l'intimité de la vie sexuelle des personnes.

La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote sur cet amendement.

M. Michel Charasse. Je voudrais demander à notre rapporteur qu'il me confirme ce que je crois comprendre, c'est-à-dire que, dans le 4° de son amendement, il vise les « documents dont la communication porte atteinte à la protection de la vie privée, ou rend publique une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique nommément désignée ou facilement identifiable ».

Il s'agit là notamment des dossiers des fonctionnaires et des agents publics,...

M. René Garrec, rapporteur. Oui !

M. Michel Charasse. ...qui sont actuellement protégés pendant 120 ans.

M. René Garrec, rapporteur. C'est bien cela !

M. Michel Charasse. Donc on les descend à 75 ans ?

M. René Garrec, rapporteur. Non !

M. Michel Charasse. Actuellement, c'est 120 ans ! Dans la loi de 1999, c'est 120 ans ! Sur les dossiers administratifs, c'est 120 ans !

Je le dis, parce qu'il y a eu un cafouillage voilà quelques années, avec la sortie des archives de l'Élysée de tous les dossiers de nomination des magistrats pendant les deux septennats du Président Mitterrand. Ces dossiers comportaient souvent des appréciations allant dans tous les sens qui ont cruellement circulé dans tout Paris. À l'époque, cela a fait un mini-drame.

Par conséquent, je pense qu'il faut rester très vigilant sur ce genre de choses.

Or, actuellement, la règle pour les dossiers nominatifs, dans la loi de 1999, c'était 120 ans. Alors, que l'on descende à 75 ans, je veux bien, mais il faut bien avoir conscience que cela concerne les dossiers individuels, disciplinaires et autres des fonctionnaires de toutes les catégories.

M. René Garrec, rapporteur. Bien sûr !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. René Garrec, rapporteur. Soyons clairs. L'objet d'un tel dispositif est de couvrir les dossiers des fonctionnaires exerçant des missions de services extérieurs, de services intérieurs, de police ou de douane, ainsi que ceux des indicateurs de police.

Ainsi, au même titre que les documents relatifs à la fabrication de la bombe A, ces dossiers ne seront pas concernés.

M. Michel Charasse. Il n'y a pas que ces agents-là ! Tous les fonctionnaires seront concernés !

M. René Garrec, rapporteur. Tous les fonctionnaires qui sont concernés par ce type de secrets.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Charasse.

M. Michel Charasse. D'après le 4° de cet amendement, le délai est de soixante-quinze ans pour les « documents dont la communication porte atteinte à la protection de la vie privée, ou rend publique une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique nommément désignée ou facilement identifiable ».

Je souhaite savoir ce qu'il en est pour les dossiers administratifs.

À force de déshabiller tout le monde, tout le monde sera bientôt nu dans Gala ! (Sourires.) Et tout cela pour faire plaisir à M. Braibant et à quelques obsédés du ragot, du scandale et de la diffamation.

M. René Garrec, rapporteur. Mais non ! Nous ne cherchons pas à faire plaisir à M. Braibant.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. René Garrec, rapporteur. Je précise à notre collègue Michel Charasse que tous les fonctionnaires concernés par ce type de problème pourront relever du dispositif que l'amendement vise à instituer.

Cela correspond d'ailleurs à la demande du Gouvernement, et nous avons accepté de rectifier notre amendement en ce sens.

M. Michel Charasse. Et cela concernera tous les corps administratifs ?

M. René Garrec, rapporteur. Oui.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Fréville, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 66.

M. Yves Fréville. Je maintiens mon sous-amendement.

En effet, nous sommes confrontés à une situation grave.

Nous sommes actuellement en pleine opération du recensement. Cette démarche a été initiée par l'INSEE après le vote d'une loi par le Parlement en 2002 sur la base d'une non-communicabilité des informations personnelles de ce recensement pendant 100 ans.

Nous sommes au milieu du gué. Si le Parlement modifie la règle en cours de recensement - je dis bien « en cours de recensement » -, cela suscitera une défiance dans toutes les opérations du recensement concernant la totalité de la population française.

C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande de faire bien attention à ce problème.

Pour ma part, en tant que membre du Conseil national de l'information statistique, j'ai été en relation avec l'INSEE. Au demeurant, mon collègue Jean-Claude Frécon, qui préside la commission nationale d'évaluation du recensement de la population, partage mon opinion.

Par conséquent, je maintiens mon sous-amendement. De mon point de vue, la règle des 100 ans doit être conservée pour toutes les enquêtes individuelles du recensement.

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 66.

(Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je constate que ce sous-amendement a été adopté à l'unanimité des présents.

Je mets aux voix l'amendement n° 19 rectifié bis, modifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l'amendement n° 56 rectifié bis n'a plus d'objet.

L'amendement n° 17, présenté par M. Garrec, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

À la fin du a) du 1° du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-2 du code du patrimoine, remplacer la référence :

par la référence :

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Garrec, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination avec l'amendement tendant à protéger le droit à la vie privée.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 64, présenté par MM. Fréville et Texier, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit les deux derniers alinéas du texte proposé par l'amendement n° 17 :

par les références :

4° et 5°

La parole est à M. Yves Fréville.

M. Yves Fréville. Ce sous-amendement est défendu.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?

M. René Garrec, rapporteur. Favorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 17 et le sous-amendement n° 64.

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 64.

(Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 17, modifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 18, présenté par M. Garrec, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Au c) du 1° du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-2 du code du patrimoine, remplacer les mots :

2° à

par les mots :

3° et

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Garrec, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de rectification d'une erreur matérielle.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 18.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 65 est présenté par MM. Fréville et Texier.

L'amendement n° 74 est présenté par M. Garrec, au nom de la commission des lois.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après les mots :

, à la sûreté de l'État

rédiger comme suit la fin du premier alinéa du 3° du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-2 du code du patrimoine :

ou à la sécurité publique

La parole est à M. Yves Fréville, pour présenter l'amendement n° 65.

M. Yves Fréville. Il s'agit d'un amendement de conséquence.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 74.

M. René Garrec, rapporteur. Cet amendement est défendu.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements identiques ?

Mme Christine Albanel, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 65 et 74.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. L'amendement n° 59 rectifié bis, présenté par M. Détraigne et les membres du groupe Union centriste-UDF, est ainsi libellé :

Compléter la première phrase du deuxième alinéa du 3° du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-2 du code du patrimoine par les mots :

dès lors que leur communication porte atteinte à la sécurité publique ou à la sûreté de l'État. Dans le cas contraire, le délai est fixé à 25 ans.

La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Cet amendement tend à ramener à vingt-cinq ans, et non pas à cinquante ans, comme cela est prévu par le projet de loi, le délai d'accessibilité aux « documents relatifs à la construction, à l'équipement et au fonctionnement des ouvrages, bâtiments ou partie de bâtiments utilisés pour la détention des personnes ou recevant habituellement des personnes détenues », ce délai étant « décompté depuis la fin de l'affectation à ces usages des ouvrages, bâtiments ou partie de bâtiments en cause ».

En effet, si une ancienne maison d'arrêt ne remplit plus cette fonction depuis des années, pourquoi attendre cinquante ans avant d'ouvrir les archives relatives à sa construction ? Si cet établissement n'a plus l'usage qui pouvait justifier l'embargo sur les documents le concernant, un délai de vingt-cinq ans, et non de cinquante ans, serait, me semble-t-il, suffisant.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. René Garrec, rapporteur. Il s'agit d'un amendement très intéressant. À titre d'exemple, un tel dispositif permettrait de rendre les plans des constructions anciennes accessibles plus rapidement.

À mon sens, le seul obstacle réside dans l'hypothèse où d'autres bâtiments construits selon les mêmes plans seraient encore utilisés en tant qu'établissements pénitentiaires.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il peut y avoir des dérogations.

M. René Garrec, rapporteur. Certes, nous pouvons effectivement envisager des dérogations.

L'amendement de M. Yves Détraigne est très intéressant pour les historiens spécialisés dans l'univers carcéral, mais si d'autres prisons du même type sont encore en activité, il peut y avoir un problème.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

M. Michel Charasse. Je pense qu'il faudrait que notre collègue trouve une autre rédaction.

Si l'on doit mettre dans la nature au bout de vingt-cinq ans tous les secrets de fabrication d'un bâtiment de détention, et notamment les systèmes de sécurité, cela signifie que les misérables qui prendront vingt ans en rentrant dans le bâtiment feront leurs vingt ans. Mais ceux qui les auront pris vingt-cinq ans plus tard auront peu de chances de les faire, puisqu'ils connaîtront toutes les combines pour s'envoler ! (Sourires.)

Par conséquent, je ne suis pas favorable à cet amendement. Ou alors il faudrait préciser que ce délai de vingt-cinq ans n'est pas applicable aux procédures, installations et systèmes de sécurité de l'établissement.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Je précise que le délai se compte à partir de la fin d'affectation du bâtiment. Il n'y a donc plus personne dans l'établissement pénitentiaire quand on commence à décompter le délai de cinquante ans.

Mais je partage l'objection soulevée par M. le rapporteur. Il faut peut-être trouver une autre rédaction ou prévoir un système de dérogations.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. René Garrec, rapporteur. Le seul problème est que certains bâtiments construits selon les mêmes plans soient toujours affectés.

Dans ces conditions, il faudrait préciser que le délai de vingt-cinq ans est applicable seulement dans les cas où la communication des documents ne porte pas atteinte à la sécurité publique ou à la sûreté de l'État, c'est-à-dire dans les cas où il n'existe plus de bâtiments identiques encore en activité.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Une telle précision figure déjà dans la rédaction actuelle de mon amendement.

M. René Garrec, rapporteur. Il faut autoriser la communication des documents seulement si les établissements sont désaffectés.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. À mon sens, il est très mauvais de rédiger en séance ; on fait souvent des erreurs.

Monsieur Détraigne, nous pouvons prendre le temps de réfléchir au dispositif que vous proposez ; il n'y a aucune urgence. En attendant, à cette heure avancée, je vous suggère de retirer cet amendement.

Mme la présidente. Monsieur Détraigne, l'amendement n° 59 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Yves Détraigne. Non, madame la présidente, je le retire.

Mme la présidente. L'amendement n° 59 rectifié bis est retiré.

L'amendement n° 20, présenté par M. Garrec, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Supprimer le second alinéa du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-2 du code du patrimoine.

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Garrec, rapporteur. Je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 20 est retiré.

L'amendement n° 21, présenté par M. Garrec, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Dans la deuxième phrase du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-3 du code du patrimoine, après les mots : les minutes

insérer les mots :

et répertoires

 

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Garrec, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 21.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 57 rectifié bis, présenté par M. Détraigne et les membres du groupe Union centriste-UDF, est ainsi libellé :

I - Compléter la deuxième phrase du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-3 du code du patrimoine par les mots :

après instruction par un mandataire qu'elle a elle-même désigné

II - Dans la première phrase du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-3 du code du patrimoine, après les mots :

après accord de l'autorité dont émanent les documents

insérer les mots :

suite à l'instruction par un mandataire qu'elle a elle-même désigné

La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Si cet amendement était adopté, la personne qui a déposé ses archives pourrait déléguer à quelqu'un d'autre le soin de donner l'accord requis avant tout accès à ces documents.

En effet, les demandes de consultation peuvent être fréquentes et contraignantes. La personne qui a versée ses archives ne doit donc pas être systématiquement contrainte de donner son accord, me semble-t-il.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. René Garrec, rapporteur. Cet amendement de précision, qui alourdit un peu la rédaction du projet de loi, n'est pas utile. En pratique, l'autorité est assistée par une personne, en général un fonctionnaire, qui instruit pour son compte les demandes.

C'est donc un fonctionnaire des archives qui répondra aux demandes et qui constituera, par définition, la personne adéquate.

Enfin, le terme « mandataire » appartient au droit privé plutôt qu'au droit public.

La commission demande donc le retrait de cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l'introduction de la notion de mandataire en matière d'archives. En effet, l'autorité administrative qui a versé ses archives et dont l'autorisation est demandée pour procéder, par dérogation, à la communication de celles-ci dispose de la permanence et des agents qui lui permettent de procéder aux vérifications nécessaires.

Mme la présidente. Monsieur Détraigne, l'amendement n° 57 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Yves Détraigne. Compte tenu des informations qui viennent de m'être données, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 57 rectifié bis est retiré.

Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 22 est présenté par M. Garrec, au nom de la commission des lois.

L'amendement n° 52 est présenté par Mme Morin-Desailly, au nom de la commission des affaires culturelles.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer la dernière phrase du I et la dernière phrase du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-3 du code du patrimoine.

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 22.

M. René Garrec, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination avec les dispositions relatives à l'autonomie de gestion des archives des assemblées. Il vise des dispositions de l'article 11 du présent projet de loi qui sont devenues sans objet.

Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 52.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 22 et 52.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. L'amendement n° 58 rectifié bis, présenté par M. Détraigne et les membres du groupe Union centriste-UDF, est ainsi libellé :

Compléter le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-4 du code du patrimoine par les mots :

après instruction par un mandataire qu'il a lui-même désigné

La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Cet amendement a pour objet d'améliorer l'accès aux documents qui ont été déposés auprès des archives publiques par un Président de la République, un Premier ministre ou un autre membre du Gouvernement, dans le cadre des protocoles évoqués précédemment.

Aux termes du texte présenté pour le deuxième alinéa de l'article L. 213-4 du code du patrimoine, l'accord de la partie versante est requis pour autoriser la consultation ou l'ouverture anticipée du fonds, et il est donné par le signataire du protocole.

Il n'existe aucune liberté d'interprétation de ce texte : le signataire du protocole, c'est la personne même qui a déposé les fonds. Cette disposition peut être extrêmement contraignante, me semble-t-il, si la loi n'apporte pas un peu de souplesse et n'autorise pas la personne qui a versé les fonds à désigner un mandataire.

Je veux bien modifier le texte de cet amendement pour y supprimer le terme « mandataire » si celui-ci possède un sens particulier, qui ne convient pas dans le cas présent. Toutefois, il me semble qu'il faut compléter le texte proposé pour l'article L. 213-4 du code du patrimoine, en précisant que l'accord de la partie versante est donné par le signataire du protocole ou par une personne qu'il aura désignée à cet effet, ou en adoptant une autre rédaction du même genre.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. René Garrec, rapporteur. Le Président de la République n'est pas seul : il travaille avec des collaborateurs et ce sont eux qui instruiront ces demandes. La notion de mandataire a été supprimée dans le projet de loi. Pour ces raisons la commission demande le retrait de cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Le projet de loi ne fait pas obstacle à ce que les signataires des protocoles recourent à des collaborateurs afin de vérifier le contenu de leurs cartons d'archives. En fait, il se borne à réserver à ces signataires la délivrance de l'autorisation de consultation.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Détraigne, l'amendement n° 58 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Yves Détraigne. Compte tenu des précisions qui viennent de m'être apportées par Mme la ministre, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 58 rectifié bis est retiré.

L'amendement n° 62, présenté par M. Charasse et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 213-4 du code du patrimoine par un alinéa ainsi rédigé :

« Le Président de la République peut décider de déposer tout ou partie de ses archives auprès d'une association, d'une fondation reconnue d'utilité publique ou de toute autre personne publique ou privée de son choix.

La parole est à M. Michel Charasse.

M. Michel Charasse. Les présidents de la Ve République - je n'ai pas vérifié pour ceux de la IVe République - ont dans la plupart des cas déposé seulement une partie de leurs archives aux Archives nationales, leurs autres documents ayant été confiés par eux à une association ou, plus souvent, à une fondation - je pense, en particulier, à la Fondation Charles de Gaulle, à l'Institut François Mitterrand et à l'Association Georges Pompidou, qui est sans doute également une fondation.

Cet amendement a pour objet de laisser au Président de la République le choix du sort de ses propres archives, voilà tout.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. René Garrec, rapporteur. Notre collègue Michel Charasse a raison : le protocole peut prévoir des modalités diverses de versement.

Toutefois, il a semblé souhaitable à la commission, pour faciliter la connaissance de l'histoire de France, que toutes les archives soient rangées au même endroit, puissent être retrouvées facilement et soient, si possible, versées dans un service public d'archives, où elles pourront être gardées dans de meilleures conditions de conservation, afin d'éviter tout risque de dispersion ou de perte.

La commission émet donc un avis défavorable, mais il est vrai que la pratique évoquée par Michel Charasse est autorisée par les textes.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Le Gouvernement rappelle que les documents émanant du Président de la République, du Premier ministre et des autres membres du Gouvernement constituent des archives publiques.

Compte tenu de la spécificité de ces archives, le projet de loi aménage la possibilité pour l'autorité dont elles émanent de conclure avec l'État un protocole relatif à leurs conditions de traitement, de conservation, de valorisation et de communication. Dans le cadre de ce protocole - qui cesse toutefois de produire ses effets lors du décès de son signataire -, il revient, notamment, à l'autorité versante d'autoriser ou non la consultation anticipée des fonds.

Le Gouvernement estime que le dispositif des protocoles de versement permet suffisamment de prendre en compte la spécificité des archives des Président de la République. Il ne paraît pas souhaitable que ces archives publiques, qui appartiennent au patrimoine de la nation, puissent faire l'objet d'un démembrement en étant confiées à toute personne publique ou privée.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

M. Michel Charasse. Tout cela est bel et bon, mais quand il existe des protocoles qui ne couvrent pas les documents qui ne sont pas déposés aux Archives nationales, comment fait-on ?

Pour ma part, j'ai l'expérience d'un cas précis : je fais partie des gardiens des archives du président François Mitterrand. En quittant l'Élysée, celui-ci a trié lui-même ses archives, en choisissant d'en confier une partie aux Archives nationales - par exemple, les menus de restaurant et de réception et autres documents de ce genre ou à peine plus importants - et de garder les dossiers importants au sein de sa fondation, qu'il a créée pour cela juste avant sa mort. Or le protocole qu'il a signé en 1984 puis en 1995 ne concerne que les documents déposés aux Archives nationales, pas les autres !

C'est la même chose pour la fondation Charles de Gaulle, d'après ce que j'en sais. Pour l'association Georges Pompidou, je pense que la situation est la même et peut-être aussi pour M. Giscard d'Estaing.

Par conséquent, la moindre des choses est que le Président de la République soit libre de ses papiers et de l'usage qui en sera fait après son départ, étant entendu qu'il n'appartient qu'à lui de faire la distinction entre une archive relevant d'une propriété d'État et une archive de la fonction présidentielle, qui ne relève pas forcément de la propriété d'État.

Pour ma part, les choses sont claires : vous n'empêcherez jamais un Président de la République de trier ses papiers, pas plus qu'un ministre, d'ailleurs, j'en sais quelque chose ! (Sourires.)

Vous n'empêcherez pas certains membres du Gouvernement ou certains présidents de la République de ne déposer que les documents qu'ils veulent bien déposer, ou de se refuser à tout dépôt. C'est le cas en particulier pour les dossiers sensibles, car quand vous subissez des polémiques de presse, deux ou trois ans - parfois un peu plus longtemps - après votre départ, et sachant que c'est parfois la croix et la bannière pour obtenir un papier enterré aux Archives nationales, parce qu'on vous demande parfois des délais très longs pour les repérer, les retrouver et les communiquer, il est préférable d'avoir ces documents sous la main dans un dépôt d'archives personnel et accessible sans complication ni délais !

Par conséquent, il s'agit d'une situation de fait, tout simplement, et les papiers des présidents que j'ai cités ne sont pas près d'aller aux Archives nationales, puisqu'ils ne sont compris dans aucun protocole.

Par parenthèse, je signale d'ailleurs à Mme la ministre que la directrice des archives aurait pu économiser un timbre et se dispenser d'écrire fin décembre à l'Institut François Mitterrand pour lui demander un inventaire qu'on ne lui donnera jamais ! Et on verra bien si on nous envoie la gendarmerie ! (Nouveaux sourires.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 62.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 23, présenté par M. Garrec, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le début du texte proposé par cet article pour l'article L. 213-8 du code du patrimoine :

Un décret en Conseil d'État détermine les conditions dans lesquelles sont délivrés...

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Garrec, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 23.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 24, présenté par M. Garrec, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Supprimer le texte proposé par cet article pour l'article L. 213-9 du code du patrimoine.

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Garrec, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 24.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 11, modifié.

(L'article 11 est adopté.)

Article 11
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Article 12

Article additionnel après l'article 11

Mme la présidente. L'amendement n° 25, présenté par M. Garrec, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. Le premier alinéa de l'article L. 222-1 du code du patrimoine est ainsi rédigé :

« L'enregistrement audiovisuel ou sonore est communicable à des fins historiques ou scientifiques dès que l'instance a pris fin par une décision devenue définitive. »

II. La première phrase du deuxième alinéa du même article est supprimée.

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Garrec, rapporteur. J'ai déjà évoqué l'objet de cet amendement, à savoir les archives judiciaires audiovisuelles.

Cet amendement a pour objet d'assouplir le régime de communication des archives judiciaires audiovisuelles institué par la loi du 11 juillet 1985 relative à l'enregistrement audiovisuel ou sonore des audiences des juridictions, qui est particulièrement rigoureux.

Dans un souci de transparence, cet amendement tend à doter ces archives d'un régime de communication de droit. En effet, après tout, seuls quatre grands jugements se trouvent concernés.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 25.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 11.

Article additionnel après l'article 11
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Article 13

Article 12

Le chapitre IV du titre Ier du livre II est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. L. 214-1. - Toute infraction aux dispositions de l'article L. 211-3 est passible des peines prévues aux articles 226-13 et 226-31 du code pénal.

« Art. L. 214-2. - Sans préjudice de l'application des articles 314-1 et 432-15 du code pénal, la violation, par un fonctionnaire ou agent chargé de la collecte ou de la conservation d'archives, des conditions de conservation ou de communication des archives privées mentionnées à l'article L. 213-6 est punie d'une peine d'emprisonnement d'un an et d'une amende de 15 000 €.

« Art. L. 214-3. - Sans préjudice de l'application des articles 322-2, 432-15, 432-16 et 433-4 du code pénal, le fait pour une personne détentrice d'archives publiques en raison de ses fonctions, de détourner ou soustraire tout ou partie de ces archives, ou de les détruire sans accord préalable de l'administration des archives, est puni d'une peine de trois ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende.

« Est puni des mêmes peines le fait pour une personne détentrice d'archives publiques en raison de ses fonctions, d'avoir laissé détruire, détourner ou soustraire tout ou partie de ces archives sans accord préalable de l'administration des archives.

« Lorsque les faits prévus aux premier et deuxième alinéas sont commis par négligence dans les conditions et selon les distinctions prévues à l'article 121-3 du code pénal, les peines sont d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende.

« La tentative des délits prévus au premier alinéa et le fait, pour la personne visée au deuxième alinéa, d'avoir laissé commettre une telle tentative, sont punis des mêmes peines.

« Art. L. 214-4. - Les personnes physiques coupables des infractions prévues par l'article L. 214-3 encourent également les peines complémentaires suivantes :

« 1° L'interdiction des droits civils, civiques et de famille, suivant les modalités prévues par l'article 131-26 du code pénal ;

« 2° L'interdiction, suivant les modalités prévues par l'article 131-27 du même code, d'exercer une fonction publique ou d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise ;

« 3° La confiscation, suivant les modalités prévues par l'article 131-21 du même code, des sommes ou objets irrégulièrement reçus par l'auteur de l'infraction, à l'exception des objets susceptibles de restitution.

« Art. L. 214-5 - Le fait, pour une personne détentrice sans droit ni titre d'archives publiques, de ne pas les restituer sans délai à l'autorité compétente qui lui en fait la demande comme prévu au deuxième alinéa de l'article L. 212-1, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende.

« Art. L. 214-6. - Est punie de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende la destruction par leur propriétaire d'archives privées classées, en infraction aux dispositions de l'article L. 212-27.

« Art. L. 214-7. - Sont punies d'une amende de 45 000 €, pouvant être portée jusqu'au double de la valeur des archives aliénées :

« 1° L'aliénation d'archives privées classées par leur propriétaire en infraction aux dispositions de l'article L. 212-23 ;

« 2° La vente d'archives privées en infraction aux dispositions de l'article L. 212-31.

« Art. L. 214-8. - Sont punis d'une amende de 30 000 € :

« 1° L'aliénation d'archives classées sans information de l'acquéreur de l'existence du classement dans les conditions prévues à l'article L. 212-24 ;

« 2° La réalisation, sans l'autorisation administrative prévue à l'article L. 212-25, de toute opération susceptible de modifier ou d'altérer des archives classées ;

« 3° Le refus de présentation d'archives classées ou en instance de classement aux agents mentionnés à l'article L. 212-22 ;

« 4° Le déplacement d'archives classées d'un lieu dans un autre en infraction aux dispositions du premier alinéa de l'article L. 212-23 ;

« 5° L'absence de notification d'une transmission d'archives classées par voie de succession, de partage, de donation ou de legs, en infraction aux dispositions du troisième alinéa de l'article L. 212-23 ;

« Art. L. 214-9. - Les personnes morales déclarées responsables pénalement des infractions prévues à l'article L. 214-3 encourent les peines mentionnées aux 2°, 8° et 9° de l'article 131-39 du code pénal.

« L'interdiction mentionnée au 2° de l'article 131-39 du code pénal porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise.

« Art. L. 214-10. - Toute personne ayant commis des faits susceptibles d'entraîner sa condamnation sur le fondement des articles 432-15 et 433-4 du code pénal peut faire l'objet d'une interdiction d'accès aux locaux où sont consultés des documents d'archives publiques. Cette mesure est prononcée par l'autorité administrative, pour une durée maximale de cinq ans, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. »

Mme la présidente. L'amendement n° 26, présenté par M. Garrec, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Dans le texte proposé par cet article pour l'article L. 214-5 du code du patrimoine, supprimer les mots : comme prévu au deuxième alinéa de l'article L. 212-1,

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Garrec, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 26.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 12, modifié.

(L'article 12 est adopté.)

Article 12
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Article 14

Article 13

À l'article L. 730-1 la référence à l'article L. 213-8 est remplacée par la référence à l'article L. 213-9 et la référence à l'article L. 214-5 est remplacée par la référence à l'article L. 214-10.

Mme la présidente. L'amendement n° 27 rectifié, présenté par M. Garrec, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

Dans les articles L. 730-1 et L. 770-1 du code du patrimoine, la référence : « L. 214-5 » est remplacée par la référence : « L. 214-10 ».

 

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Garrec, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 27 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l'article 13 est ainsi rédigé.

Article 13
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Article 15

Article 14

L'article L. 730-2 est abrogé.  - (Adopté.)

Article 14
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Article 16

Article 15

L'article L. 730-3 est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. L. 730-3. - Pour son application à Mayotte, au c de l'article L. 211-4 et au deuxième alinéa du 3° de l'article L. 213-2, après les mots : « officiers publics ou ministériels », sont insérés les mots : « et des cadis ». »

Mme la présidente. L'amendement n° 28, présenté par M. Garrec, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Dans le texte proposé par cet article pour l'article L. 730-3 du code du patrimoine, remplacer les mots : deuxième alinéa du 3° par les mots : premier alinéa du 4°

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Garrec, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 28.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 29, présenté par M. Garrec, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 730-3 du code du patrimoine par une phrase ainsi rédigée :

Il est procédé à la même insertion après le mot : « notaires » au I de l'article L. 213-3.

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Garrec, rapporteur. Cet amendement tend à corriger un oubli du présent texte.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 29.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 15, modifié.

(L'article 15 est adopté.)

Article 15
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Article 17

Article 16

Aux articles L. 760-2 et L. 770-1 la référence à l'article L. 213-8 est remplacée par la référence à l'article L. 213-9 et la référence à l'article L. 214-5 est remplacée par la référence à l'article L. 214-10.

Mme la présidente. L'amendement n° 30 rectifié, présenté par M. Garrec, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Garrec, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination, qui vise à tirer les conséquences de la suppression de l'article L. 213-9 du code du patrimoine.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 30 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l'article 16 est supprimé.

Article 16
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Article additionnel avant l'article 18

Article 17

L'article L. 770-2 est abrogé.  - (Adopté.)

TITRE II

DISPOSITIONS DIVERSES ET TRANSITOIRES

Article 17
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Article 18

Article additionnel avant l'article 18

Mme la présidente. L'amendement n° 53, présenté par Mme Morin-Desailly, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

Avant l'article 18, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Après l'article 199 unvicies du code général des impôts, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. ... - Les contribuables domiciliés fiscalement en France au sens de l'article 4 B bénéficient d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des dépenses qu'ils supportent au titre de travaux de conservation, de restauration ou de réalisation d'inventaire d'archives classées comme archives historiques dont ils sont propriétaires.

« La réduction d'impôt est égale à 25 % des sommes effectivement versées et restant à la charge du propriétaire, dans la limite de 20 000 euros par contribuable.

« La réduction s'applique lorsque les conditions suivantes sont remplies :

« a) les travaux sont autorisés et exécutés conformément aux prescriptions de l'article L. 212-25 du code du patrimoine ;

« b) dès l'achèvement des travaux, la consultation de ces archives est facilitée aux fins de la recherche historique et scientifique. »

II. La perte de recette résultant pour l'État de l'application du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme le rapporteur pour avis.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. Je propose d'étendre aux archives privées qui sont classées comme archives historiques le dispositif fiscal applicable depuis la loi de finances rectificative pour 2007 aux propriétaires d'objets mobiliers classés au titre des monuments historiques.

En effet, dans la mesure où le présent projet de loi se donne pour objectif d'aligner sur d'autres points le régime des archives classées sur celui des objets mobiliers, une telle disposition me semble légitime.

Elle vise par ailleurs à améliorer la protection d'un patrimoine peu connu, qui est souvent menacé, ainsi que cela m'a été souligné lors des auditions auxquelles j'ai procédé.

Il va de soi que les propriétaires de fonds classés qui feront l'effort d'engager des travaux de conservation, de restauration et de valorisation, par la réalisation d'un inventaire, pourront bénéficier d'une réduction d'impôt qui est plafonnée et subordonnée au respect de deux conditions.

D'une part, les travaux devront être autorisés par l'administration des archives et réalisés sous son contrôle scientifique, dans les conditions prévues par l'amendement n° 48. D'autre part, les propriétaires devront s'engager à faciliter la consultation de leurs fonds à des fins de recherche, une fois les travaux achevés.

Il s'agit d'un dispositif incitatif, en faveur de la préservation d'un pan majeur de notre patrimoine, qui, je le rappelle, est une source d'histoire et de connaissance d'une très grande richesse. Aujourd'hui, ce gisement est trop peu souvent exploité ; il est même menacé.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. René Garrec, rapporteur. Il s'agit d'un amendement très intéressant, qui vise à créer un dispositif de réduction d'impôt pour les bénéficiaires d'archives privées classées qui engagent des travaux de restauration.

La commission émet un avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Il s'agit en effet d'un amendement très intéressant, qui, malheureusement, n'a pas pu faire l'objet d'un arbitrage interministériel ou d'un dialogue budgétaire.

C'est pourquoi je suis contrainte d'émettre un avis défavorable. Mais cette disposition pourra bénéficier d'un examen très attentif dans le cadre du projet de loi de finances pour 2009. C'est ce que je souhaite en tout cas.

Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. Je tiens à souligner que l'impact de cette mesure serait relativement faible, puisque le nombre de fonds d'archives classés a été évalué à quarante-sept, alors qu'il existe 10 000 objets mobiliers classés. La proportion parle d'elle-même !

Pour ma part, je propose que nous profitions de la navette parlementaire pour poursuivre la discussion. Je ne souhaite pas retirer cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

M. Michel Charasse. Je comprends la position de Mme le ministre. Si aucun arbitrage interministériel n'a eu lieu, c'est ennuyeux pour elle, car il s'agit d'un amendement fiscal et surtout de dépense fiscale.

Mais nous n'en sommes pas encore à la dernière lecture du texte. D'ici à son examen par l'Assemblée nationale, Mme le ministre a le temps de faire expertiser cette disposition par le Gouvernement et, éventuellement, de demander à l'Assemblée nationale de la supprimer si nous la votons.

C'est pourquoi je suis partisan de voter cet amendement, sous réserve d'une confirmation par l'Assemblée nationale, qui est souveraine et qui fera ce qu'elle voudra, ou d'une éventuelle demande du Gouvernement à l'Assemblée nationale de suppression de cet article additionnel.

À titre conservatoire, je préférerais que nous réglions cela ce soir.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Très bien !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 53.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 18.

Article additionnel avant l'article 18
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Article 19

Article 18

Le de l'article 238 bis-O AB du code général des impôts est ainsi rédigé :

« b) L'entreprise s'engage à consentir au classement du bien comme monument historique en application de l'article L. 622-4 du code du patrimoine ou comme archives historiques en application de l'article L. 212-15 du même code. » -  (Adopté.)

Article 18
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Article 20

Article 19

L'article 6 de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l'obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques est modifié comme suit :

1° Au premier alinéa :

a) Après les mots : « code de procédure pénale » sont insérés les mots : « et de celles de l'article L. 213-3 du code du patrimoine, » ;

b) Les mots : « cent ans » sont remplacés par les mots : « cinquante ans » ;

2° Au deuxième alinéa, les mots : « trente ans » sont remplacés par les mots : « vingt-cinq ans ».

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 67, présenté par MM. Fréville et Texier, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

I. Les deux premiers alinéas de l'article 6 de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l'obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques sont ainsi rédigés :

« Sous réserve des dispositions des articles 40, 56, 76, 97 et 99 du code de procédure pénale et de celles de l'article L. 213-3 du code du patrimoine, les renseignements individuels figurant dans les questionnaires revêtus du visa prévu à l'article 2 et ayant trait à la vie personnelle et familiale et, d'une manière générale, aux faits et comportements d'ordre privé, ne peuvent, sauf décision de l'autorité administrative, prise après avis du comité du secret statistique et relative à une demande effectuée à des fins de statistique publique ou de recherche scientifique ou historique, faire l'objet d'aucune communication de la part du service dépositaire avant l'expiration d'un délai de soixante-quinze ans suivant la date de réalisation de l'enquête ou de cent ans suivant la date de réalisation du recensement ou, s'il est plus bref, d'un délai de vingt-cinq ans à compter de la date du décès de l'intéressé.

« Sous réserve des dispositions des articles 40, 56, 76, 97 et 99 du code de procédure pénale et de celles de l'article L. 213-3 du code du patrimoine, les renseignements individuels d'ordre économique ou financier figurant dans les questionnaires revêtus du visa prévu à l'article 2 ne peuvent, sauf décision de l'autorité administrative, prise après avis du comité du secret statistique, faire l'objet d'aucune communication de la part du service dépositaire avant l'expiration d'un délai de vingt-cinq ans suivant la date de réalisation du recensement ou de l'enquête. »

II. Le premier alinéa de l'article 6 bis de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l'obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques est ainsi rédigé :

« Il est institué un comité du secret statistique. Ce comité est appelé à se prononcer sur toute question relative au secret en matière de statistiques. Il donne son avis sur les demandes de communication de données individuelles collectées en application de la présente loi. »

La parole est à M. Yves Fréville.

M. Yves Fréville. L'article 19 modifie la loi du 7 juin 1951 sur l'obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques, qui prévoit déjà des dérogations au délai de communication des documents de type économique et financier selon une certaine procédure. Celles-ci sont soumises à l'autorisation par l'autorité administrative, en l'occurrence le directeur général de l'INSEE, après avis d'un comité du secret statistique, qui étudie les demandes de communication. Notre collègue Yannick Texier fait d'ailleurs actuellement partie de cette instance, qui dépend du Conseil national de l'information statistique.

Or nous venons de voter à l'article 11 la modification de l'article L. 213-3 du code du patrimoine, qui permet d'accorder également des dérogations au délai de communication, en les raccourcissant, après accord de l'autorité dont émanent les documents. Pour les documents statistiques, il s'agit du directeur général de l'INSEE.

Or, dans sa rédaction actuelle, l'article 19 ne prévoit pas une procédure identique à celle qui existe pour les données économiques et financières. L'avis du comité du secret statistique, que préside un conseiller d'État et dont sont membres des représentants du Parlement, des chercheurs et des représentants des entreprises, n'est pas requis.

Cet amendement vise donc à faire en sorte que la même procédure existe en matière d'enquête statistique pour les faits économiques et sociaux, ce qui est réglé par la loi de 1951, et pour les renseignements individuels relatifs aux faits et comportements d'ordre privé, tels qu'ils sont désormais prévus à l'article L. 213-3 du code du patrimoine : l'autorisation de l'autorité administrative est demandée, après avis du comité de secret statistique.

En tant qu'universitaire, je peux témoigner du nombre croissant de demandes de chercheurs en matière de communication de données individuelles. Cela ne concerne pas les données nominatives, je fais bien la distinction.

Dans tous les autres pays, une procédure a été aménagée pour définir dans quelles conditions le raccourcissement des délais de communication pouvait être obtenu. Il paraît opportun que cette décision ne relève pas uniquement du directeur de l'autorité administrative, mais qu'un avis du comité du secret statistique, institution qui fonctionne très bien depuis 1951, soit demandé dans le cas des renseignements d'ordre privé et individuel.

Tel est le sens de cet amendement, qui vise à rédiger l'article 19 afin de rendre les deux procédures similaires.

Mme la présidente. L'amendement n° 31, présenté par M. Garrec, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit l'avant-dernier alinéa (b) de cet article :

b) Les mots : « cent ans suivant la date de réalisation du recensement ou de l'enquête » sont remplacés par les mots : « soixante-quinze ans suivant la date de réalisation du recensement ou de l'enquête, ou s'il est plus bref, du délai de vingt-cinq ans à compter de la date du décès des intéressés ».

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Garrec, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination avec l'amendement protégeant le droit à la vie privée du vivant des personnes.

Mme la présidente. L'amendement n° 32, présenté par M. Garrec, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Remplacer le dernier alinéa (2°) de cet article par trois alinéas ainsi rédigés :

2° Au deuxième alinéa :

a) Après les mots : « code de procédure pénale », sont insérés les mots : « et de celles de l'article L. 213-3 du code du patrimoine » ;

b) Les mots : « trente ans » sont remplacés par les mots : « vingt-cinq ans ».

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 67.

M. René Garrec, rapporteur. L'amendement n° 32 vise à réparer un oubli du texte.

Sur l'amendement n° 67, la commission demande l'avis du Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 67, 31 et 32 ?

Mme Christine Albanel, ministre. L'amendement n° 67 vise, d'une part, à élargir les compétences du comité de secret statistique et, d'autre part, à modifier les délais de communication des informations statistiques.

Sur le premier aspect, la portée des modifications proposées aurait justifié une étude d'impact approfondie ; le Gouvernement ne peut donc qu'y être défavorable en l'état. Le Gouvernement est également défavorable au second aspect, pour les raisons qu'il a précédemment évoquées et qui touchent à la préservation de l'équilibre d'ensemble du projet de loi en matière de délais spéciaux de communication.

S'agissant de l'amendement no 31, le Gouvernement émet un avis défavorable. En revanche, il est favorable à l'amendement n° 32.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Fréville, pour explication de vote sur l'amendement n° 67.

M. Yves Fréville. Je reprendrai l'argument qu'a développé Michel Charasse.

Il est tout à fait souhaitable que nous posions immédiatement le principe selon lequel, pour les enquêtes statistiques, ce n'est pas l'autorité administrative seule qui prend la décision, mais est requis l'avis d'un comité auquel sont associés le Parlement et les grandes organisations administratives. Cette décision ne doit pas être discrétionnaire : il faut qu'elle soit justifiée.

La navette parlementaire permettra d'ôter les scories, s'il y en a. Mais j'ai veillé à prévoir des délais identiques à ceux que nous avons déjà votés. Par conséquent, je maintiens cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 67.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l'article 19 est ainsi rédigé et les amendements nos 31 et 32 n'ont plus d'objet.

Article 19
Dossier législatif : projet de loi relatif aux archives
Articles additionnels après l'article 20

Article 20

Au premier alinéa de l'article 36 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, la référence à l'article L. 212-4 du code du patrimoine est remplacée par la référence à l'article L. 212-3 du même code - (Adopté.)

Article 20
Dossier législatif : projet de loi relatif aux archives
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Articles additionnels après l'article 20

Mme la présidente. L'amendement n° 33, présenté par M. Garrec, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Après l'article 20, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Dans le dernier alinéa du IV de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, les mots : « trente ans » sont remplacés par les mots : « vingt-cinq ans, sous réserve des délais plus longs prévus à l'article L. 213-2 du code du patrimoine ».

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Garrec, rapporteur. Il s'agit d'appliquer le délai de vingt-cinq ans aux assemblées parlementaires.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 33.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 20.

Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 34 est présenté par M. Garrec, au nom de la commission des lois.

L'amendement n° 54 est présenté par Mme Morin-Desailly, au nom de la commission des affaires culturelles.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 20, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 7 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, il est inséré un article 7 bis ainsi rédigé :

« Art. 7 bis. - Chaque assemblée parlementaire est propriétaire de ses archives et responsable de leur conservation et de leur mise en valeur. Elle détermine les conditions dans lesquelles ses archives sont collectées, conservées, classées et communiquées. »

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 34.

M. René Garrec, rapporteur. Cet amendement vise à appliquer aux archives le principe constitutionnel d'autonomie des assemblées parlementaires, garant de la séparation des pouvoirs et du bon fonctionnement de nos institutions.

Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 54.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. Cet amendement est défendu.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 72, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par l'amendement n° 34 pour l'article 7 bis de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires par une phrase ainsi rédigée :

Elle précise les conditions dans lesquelles s'exerce la coopération scientifique et technique avec l'administration des archives de France.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre. L'amendement vise à tirer les conséquences, dans l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, du principe d'autonomie du Parlement dans la gestion de ses archives posé au code du patrimoine par les amendements nos 2 et 42, sur lesquels le Gouvernement s'en est remis à la sagesse de la Haute Assemblée.

Le Gouvernement propose un sous-amendement destiné à rappeler l'existence d'une collaboration scientifique et technique - qui existe d'ores et déjà - entre les services d'archives des assemblées parlementaires et la direction des Archives de France. L'autonomie des assemblées parlementaires dans la gestion de leurs archives n'exclut pas les échanges entre spécialistes sur le terrain scientifique.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. René Garrec, rapporteur. La commission a examiné avec intérêt ce sous-amendement, mais ne l'a pas trouvé utile, dans la mesure où cette collaboration scientifique et technique existe déjà. En outre, elle sera certainement portée dans le règlement du Sénat. Il semble donc que cela réponde à la question posée.

M. Ivan Renar. Autant que cela soit dans la loi !

M. René Garrec, rapporteur. Ce n'est pas nécessaire, car il faut rédiger le règlement après !

Mme la présidente. Madame la ministre, le sous-amendement n° 72 est-il maintenu ?

Mme Christine Albanel, ministre. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 72 est retiré.

La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 34 et 54.

M. Michel Charasse. Je me félicite de cette initiative de la commission des lois et de la commission des affaires culturelles pour que, comme l'ont souligné le rapporteur et le rapporteur pour avis, les choses soient bien claires et que les assemblées parlementaires restent seules maîtresses de ce qui les concerne, sans être soumises à des contrôles ou à des ordres extérieurs.

Je voudrais demander au rapporteur et au rapporteur pour avis ce qu'il faut entendre par « ses archives ». Faut-il comprendre qu'il s'agit aussi des archives déposées individuellement par les membres du Parlement ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !

M. René Garrec, rapporteur. Ce sont des archives privées !

M. Michel Charasse. On les dépose ici pour qu'elles soient protégées !

M. René Garrec, rapporteur. Oui, ce sont des archives privées, qui ne sont pas dans le circuit des archives publiques du Parlement. Elles sont déposées au Sénat ou à l'Assemblée nationale et y resteront.

À part vous, je ne sais pas qui les consultera. Peut-être l'un de vos lointains successeurs ! (Sourires.)

M. Michel Charasse. À mon avis, plusieurs membres du Parlement, actuels ou anciens, ont fait des dépôts ici et à l'Assemblée nationale.

Il est entendu que les membres du Parlement peuvent déposer leurs archives aux archives de leur assemblée et que celle-ci les conserve, les garde et les protège. On est bien d'accord ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui, ce n'est pas le même régime !

M. Michel Charasse. Parfait ! Cela veut dire qu'ici ce n'est pas une passoire !

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Ce débat m'intéresse concernant les groupes d'amitié. Je détiens une trentaine d'années d'archives sur les pays du Golfe. Si je pouvais les déposer, elles seraient utiles, notamment à ceux qui s'intéressent à cette région.

Mme la présidente. Madame Goulet, il faudrait peut-être vous entretenir de cette question avec les questeurs du Sénat.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Les groupes d'amitié relèvent de l'activité publique du Sénat ; leurs archives ne sont donc pas privées. Il me semble que, en raison peut-être de l'heure tardive, des confusions commencent à apparaître...

Il est évident que les documents résultant du travail d'un rapporteur sont destinés à figurer dans les archives publiques du Sénat. Force est de constater, monsieur Garrec, que le travail que vous avez accompli lors de la préparation du projet de loi que nous examinons aujourd'hui va produire un volume d'archives considérable !

Quant aux archives privées, leur propriétaire peut les déposer où il le souhaite. Elles peuvent être stockées au Sénat, mais je connais des parlementaires qui ont déposé les leurs dans leur département. Ces archives personnelles relèvent des règles de communication des archives privées. Ce cas de figure est réglé depuis longtemps.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 34 et 54.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 20.

L'amendement n° 35 rectifié, présenté par M. Garrec, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Après l'article 20, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :I. Dans la première phrase du deuxième alinéa de l'article premier de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal, les mots : « quel que soit le support utilisé pour la saisie, le stockage ou la transmission des informations qui en composent le contenu, les documents élaborés ou détenus » sont remplacés par les mots : « quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support matériel, les documents produits ou reçus ».

II. Les mots : « élaborés ou détenus » sont remplacés par les mots : « produits ou reçus » aux articles premier, 10 et 11 de la loi visée au I.

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Garrec, rapporteur. Une petite difficulté était apparue entre Mme le ministre et la commission des lois au sujet de l'harmonisation des définitions des documents administratifs et des archives publiques. En attendant la grande loi que nous appelons de nos voeux - je partage, en l'espèce, les idées émises par notre collègue Yves Détraigne -, nous souhaitons que soient réglés les quelques points qui posent problème.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. L'amendement n° 35 rectifié est le premier d'une série de trois qui ont été déposés par la commission des lois et qui tendent, très justement, à améliorer l'articulation des régimes juridiques de communication des documents administratifs, d'une part, et des archives, d'autre part, respectivement fixés par la loi du 17 juillet 1978 et par le code du patrimoine.

Le Gouvernement salue le souci de clarification et de mise en cohérence qui a animé la commission des lois tout au long de ses travaux. Il estime toutefois que, compte tenu des enjeux et de la portée des modifications apportées à la loi du 17 juillet 1978, bien connue des praticiens du droit et des citoyens, la clarification recherchée devrait faire l'objet d'un réexamen d'ensemble mûrement réfléchi et donner lieu à toutes les consultations préalables nécessaires auprès, notamment, du Conseil d'État, de la CADA, de la CNIL.

Cette position semble rejoindre, d'ailleurs, les ultimes conclusions de la commission des lois, qui « estime nécessaire d'engager dans les plus brefs délais une réforme encore plus ambitieuse consistant en la réécriture complète de la loi du 17 juillet 1978 afin de clarifier les régimes d'accès aux documents administratifs et archives publiques. »

Voilà pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 35 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 20.

L'amendement n° 36, présenté par M. Garrec, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Après l'article 20, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Dans le dernier alinéa de l'article premier de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal, les mots : « actes des assemblées parlementaires » sont remplacés par les mots : « actes et documents produits ou reçus par les assemblées parlementaires ».

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Garrec, rapporteur. Cet amendement tend à modifier la loi du 17 juillet 1978 et à clarifier la notion d'actes des assemblées parlementaires ; nous sommes donc directement concernés. Nous retrouvons en l'espèce la CADA.

La loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations exclut du champ des documents administratifs relevant du contrôle de la CADA « les actes des assemblées parlementaires », sans toutefois prendre le soin de définir avec précision cette notion. Selon les débats de l'époque, il semble que le législateur entendait exclure l'ensemble des actes et des documents qui se rapportent à des activités politiques ou administratives.

L'amendement n° 36 consacre expressément cette interprétation et se situe dans le prolongement de la position de la commission des lois relative aux travaux parlementaires.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

M. Michel Charasse. Si je comprends bien, on remplace les mots « actes parlementaires » par l'expression « actes et documents produits ou reçus ».

M. René Garrec, rapporteur. Oui !

M. Michel Charasse. Par conséquent, les archives déposées par un membre du Parlement sont un document reçu.

M. René Garrec, rapporteur. Oui, mon cher collègue !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 36.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 20.

L'amendement n° 37, présenté par M. Garrec, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Après l'article 20, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 6 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal est ainsi rédigé :

« I. - Ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents administratifs :

« - dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, au secret médical et au secret en matière commerciale et industrielle ;

« - portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable ;

« - faisant apparaître le comportement d'une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice.

« Les informations à caractère médical sont communiquées à l'intéressé, selon son choix, directement ou par l'intermédiaire d'un médecin qu'il désigne à cet effet, dans le respect des dispositions de l'article L. 1111-7 du code de la santé publique.

« II. Les documents administratifs, non communicables en application du I, sont communicables dans les conditions définies à l'article L. 213-2 du code du patrimoine.

« III. - Lorsque la demande porte sur un document comportant des mentions qui ne sont pas communicables en application du présent article mais qu'il est possible d'occulter ou de disjoindre, le document est communiqué au demandeur après occultation ou disjonction de ces mentions. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Garrec, rapporteur. Il s'agit de coordonner les différents régimes.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 37.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 20.

L'amendement n° 38, présenté par M. Garrec, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Après l'article 20, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Dans le troisième alinéa de l'article 20 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal, après les mots : « à l'exception des documents mentionnés » sont insérés les mots : « au troisième alinéa de l'article 1er de la présente loi et ».

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Garrec, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 38.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 20.

L'amendement n° 39, présenté par M. Garrec, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Après l'article 20, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

À l'article L. 1421-1 du code général des collectivités territoriales, après les mots : « collectivités territoriales », sont insérés les mots : « et des groupements de collectivités territoriales ».

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Garrec, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 39.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 20.

L'amendement n° 63, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l'article 20, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

I. Après l'article 311-4-1 du code pénal, il est inséré un article 311-4-2 ainsi rédigé :

« Art. 311-4-2. - Le vol est puni de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende lorsqu'il porte sur :

« 1° Un objet mobilier classé ou inscrit en application des dispositions du code du patrimoine ou un document d'archive privé classé en application des dispositions du même code ;

« 2° Une découverte archéologique faite au cours de fouilles ou fortuitement ;

« 3° Un bien culturel qui relève du domaine public mobilier ou qui est exposé, conservé ou déposé, même de façon temporaire, soit dans un musée de France, une bibliothèque, une médiathèque ou un service d'archives, soit dans un lieu dépendant d'une personne publique ou d'une personne privée assurant une mission d'intérêt général, soit dans un édifice affecté au culte.

« Les peines sont portées à dix ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende lorsque l'infraction prévue au présent article est commise avec l'une des circonstances prévues à l'article 311-4.

« Les peines d'amende mentionnées au présent article peuvent être élevées jusqu'à la moitié de la valeur du bien volé. »

II. Les quatrième, cinquième et sixième alinéas de l'article 322-2 du même code sont supprimés.

III. Au dernier alinéa de l'article 322-3 du même code, les mots : « d'un lieu de culte, » sont supprimés.

IV. Après l'article 322-3 du même code, il est inséré un article 322-3-1 ainsi rédigé :

« Art. 322-3-1. - La destruction, la dégradation ou la détérioration est punie de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende lorsqu'elle porte sur : 

« 1° Un immeuble ou objet mobilier classé ou inscrit en application des dispositions du code du patrimoine ou un document d'archive privé classé en application des dispositions du même code ;

« 2° Une découverte archéologique faite au cours de fouilles ou fortuitement, un terrain sur lequel se déroulent des opérations archéologiques, ou un édifice affecté au culte ;

« 3° Un bien culturel qui relève du domaine public mobilier ou qui est exposé, conservé ou déposé, même de façon temporaire, soit dans un musée de France, une bibliothèque, une médiathèque ou un service d'archives, soit dans un lieu dépendant d'une personne publique ou d'une personne privée assurant une mission d'intérêt général, soit dans un édifice affecté au culte.

« Les peines sont portées à dix ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende lorsque l'infraction prévue au présent article est commise avec la circonstance prévue au 1° de l'article 322-3. 

« Les peines d'amende mentionnées au présent article peuvent être élevées jusqu'à la moitié de la valeur du bien détruit, dégradé ou détérioré ». 

La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre. Ainsi que je l'ai indiqué dans mon intervention générale, cet amendement a un triple objet. Il tend d'abord à donner, dans le code pénal, une définition plus large et plus cohérente de la notion de biens culturels, ensuite à étendre la protection pénale spécifique de ces biens culturels en cas de vol - hypothèse en pratique beaucoup plus fréquente que celle des destructions ou des dégradations, comme le montre la multiplication des vols commis dans des églises - et enfin à prévoir des pénalités adaptées en fixant le maximum des peines encourues à sept ans d'emprisonnement et à 100 000 euros d'amende, peines portées à dix ans d'emprisonnement et à 150 000 euros d'amende s'il existe une autre circonstance aggravante, telle, notamment, la réunion. L'amende pourra représenter jusqu'à la moitié de la valeur des biens volés, détruits ou détériorés, comme c'est le cas en matière de recel.

À cette fin, deux articles nouveaux sont insérés dans le chapitre du code pénal consacré aux destructions, dégradations et détériorations. Dès lors que ces dispositions concernent également les archives, le Gouvernement estime qu'elles ont leur place dans ce projet de loi.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. René Garrec, rapporteur. Cet amendement tend à punir plus sévèrement les atteintes, vols ou dégradations relatifs à des biens culturels, dont font partie les archives. Cependant, la commission des lois émet deux réserves.

D'abord, cet amendement me paraît un peu éloigné de l'objet du projet de loi dont nous discutons.

M. Jean-Jacques Hyest m'indiquait voilà quelques instants, mezzo voce, qu'il s'agissait d'un régiment de cavaliers...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous sommes habitués !

M. Michel Charasse. C'est Bartabas !

M. René Garrec, rapporteur. Par ailleurs, les peines encourues - sept ans de prison en cas de vol ou de dégradation de biens culturels, voire dix ans en cas de circonstances aggravantes - paraissent sévères.

Toutefois, il paraît légitime de punir plus sévèrement la destruction de la Joconde que celle d'un abribus !

La commission des lois s'en remet donc à la sagesse du Sénat.

Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. Mes chers collègues, vous noterez que l'année 2007 a été marquée par une recrudescence d'actes de malveillance commis à l'encontre de biens culturels, ces agissements ayant suscité une très vive émotion. Relevons le vol à main armée de quatre tableaux de maître au musée des Beaux Arts de Nice au mois d'août dernier, le pillage de la cathédrale Saint-Jean-Baptiste à Perpignan et le coup de poing qui a dégradé un tableau de Monet lors d'une intrusion au musée d'Orsay.

Ces actes sont intolérables. S'attaquer à une oeuvre d'art, c'est s'attaquer à une part de notre patrimoine, de notre histoire et de notre propre identité. Il faut, en effet, madame la ministre, être plus sévère, lorsque ce genre de vols et d'incidents graves est relevé. Or, de tels actes ont mis en évidence les faiblesses de notre système de répression et de prévention.

J'ai déjà souligné l'effort budgétaire qui a été consenti dans la loi de finances pour 2008 en faveur, notamment, des musées et de la sécurisation des biens de ceux qui sont situés en région. Cependant, il reste beaucoup à faire, en particulier pour les églises, le patrimoine rural et de nombreux autres monuments.

La commission des affaires culturelles n'a pas examiné l'amendement n° 63 mais, à titre personnel, je le soutiendrai ; je pense, en effet, qu'il faut réprimer plus fermement ces actes de délinquance.

En conclusion, je veux souligner que le trafic d'oeuvres, comme chacun le sait, est international et qu'il ne pourra pas être réglé au seul échelon national. Les pays devront unir leurs efforts pour lutter contre cette forme de délinquance organisée.

Nous espérons que ces avancées pourront avoir lieu sous la présidence française de l'Union européenne.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Madame la présidente, vous connaissez les réticences de la commission des lois face à l'absence d'échelle des peines cohérente. Or, de nouvelles peines sont sans cesse ajoutées : chaque fois que de nouveaux faits sont constatés, les sanctions sont aggravées au sein du code !

Mais, en réalité, la répression prévue par les tribunaux ne s'accroît pas. C'est ainsi qu'il a été nécessaire d'adopter une loi en matière de récidive instaurant des peines planchers parce que l'on s'est aperçu que, lorsque des petites peines étaient prononcées, la sanction était très minime par rapport à la gravité des faits.

Madame la ministre, ce n'est pas en aggravant les peines que l'on résout le problème ; il s'agit de mettre en oeuvre une répression efficace. Pensez-vous qu'un juge condamnera le responsable de la dégradation d'un tableau à une peine de prison de sept ou de dix ans ? Je peux vous assurer qu'il n'en fera rien. Un magistrat prononcera peut-être une peine de prison avec sursis, si, toutefois, la sanction n'est pas limitée à une simple admonestation du procureur ! En revanche, prévoir une amende pouvant aller jusqu'à la moitié de la valeur du bien me semble être une bonne mesure. En effet, pour ma part, je crois beaucoup plus aux sanctions financières qu'à des peines de prison qui, souvent, ne sont pas appliquées.

Je vous donne acte que de plus en plus de dégradations et de vols sont commis ; des objets sont dérobés dans des églises ou dans des musées qui ne sont pas toujours bien protégés, surtout lorsqu'ils sont situés en province. Bien entendu, une réelle répression est nécessaire. Cependant, ne croyons pas que parce que nous adoptons des textes pénaux, nous allons régler les problèmes. En réalité, ce qui est en cause, c'est l'efficacité de la répression et des poursuites.

Il existe, certes, des outils efficaces, tel l'Office central de lutte contre le trafic des biens culturels, qui a recensé toutes les oeuvres. Mais de grâce, n'introduisons pas la pénalisation dans tous les textes ! Les infractions et les sanctions sont tellement nombreuses que plus personne ne s'y retrouve !

Depuis que le code pénal a été réécrit - cela ne fait pas si longtemps - l'échelle des peines a été complètement bouleversée. Même si la Chancellerie a donné son accord, on risque de s'apercevoir que l'on sanctionne peut-être plus sévèrement la dégradation d'une oeuvre d'art que des actes plus graves. Un jour, nous devrons reprendre l'ensemble des dispositions du code pénal pour essayer de trouver une échelle des peines à peu près cohérente.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

M. Michel Charasse. Je partage assez largement le point de vue du président de la commission des lois. Cela ne signifie pas pour autant qu'il n'y a rien à faire, mais le texte que nous examinons ce soir n'est peut-être pas forcément la meilleure occasion de le faire.

Madame le ministre, en dehors des cas que vous avez sans doute en tête lorsque vous présentez l'amendement du Gouvernement, la majorité des communes rurales, voire la totalité de celles qui ont des églises classées ou inscrites contenant des objets classés ou inscrits, connaissent un vrai problème : elles n'ont pas les moyens d'acheter les équipements nécessaires pour assurer une protection efficace de ces oeuvres.

Si, actuellement, des réflexions sont en cours au ministère de la culture sur ce sujet, il serait peut-être également utile d'envisager une loi de programme de cinq ans qui nous permettrait, avec le concours de l'État, de mettre en place des dispositions assurant une meilleure protection.

Quand la protection sera meilleure, le nombre de cambriolages diminuera forcément. Il sera alors toujours temps de voir s'il faut renforcer la législation pénale.

Mais comment faire si vous n'aidez pas le milieu rural ? Ainsi, quand une commune de 150 habitants a une église avec des objets classés ou inscrits, comment voulez-vous qu'elle installe des systèmes électroniques qui coûtent des milliers d'euros ? C'est absolument impossible ! Elle ne le fait pas et, par conséquent, ses biens sont volés, car les voleurs connaissent très bien les lieux où les objets sont protégés et ceux dans lesquels ils ne le sont pas. Une loi de programme adoptée pendant le quinquennat du Président Sarkozy serait, de ce point de vue, la bienvenue.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.

M. Ivan Renar. Madame la ministre, j'ai participé récemment, au ministère de la culture, à la réunion passionnante que vous avez organisée avec votre collègue Mme Rachida Dati. Je salue le travail formidable qui a été réalisé, tous les cas de figure possibles - vols, violences, agressions commises à l'encontre d'oeuvres d'art - ayant été étudiés par des policiers et des magistrats détachés, qui se sont spécialisés dans ce domaine. Le ministère joue là pleinement son rôle.

Je partage les propos que vient de tenir M. le président de la commission des lois. En effet, les peines que tend à instituer l'amendement n° 63 ont plus leur place dans le code pénal que dans une loi relative aux archives.

Cependant, il serait peut-être judicieux de faire part à tous nos collègues du travail concret qui a été fait et des études qui ont été effectuées, de l'appel à la vigilance, des aspects relatifs à la prévention, à la protection, toutes indications qui méritent d'être connues. Certaines mesures sont, d'ailleurs, déjà mises en oeuvre ; point n'est besoin d'une loi.

Je suis étonné que nos débats s'achèvent sur cette chute un peu brutale et glaçante !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Peyronnet. Je partage tout à fait l'avis de M. le rapporteur, de M. Renar et de M. Charasse : il n'y avait pas de raison de terminer ce texte par cet amendement.

D'ailleurs, pourquoi un amendement ? Pour quelle raison cette mesure n'a-t-elle pas été prévue dès le départ ? Nous ne comprenons pas très bien. Nous avons l'impression que, sous le coup de nous ne savons quel événement, le Gouvernement prévoit, comme dans beaucoup d'autres domaines, une aggravation des peines qui n'aura pas d'effet.

Il vaudrait mieux aider les collectivités à protéger leur propre patrimoine, en particulier leur patrimoine cultuel.

Des expériences sont tentées dans certains départements, en particulier dans la Creuse : des conventions ont été signées entre les maires, le conseil général et la gendarmerie, aux termes desquelles des recensements complets du patrimoine que recèlent les églises sont faits, des photographies sont prises,...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Bien sûr ! On le fait depuis longtemps.

M. Jean-Claude Peyronnet. ...afin de sensibiliser les maires à l'importance de ce patrimoine et les amener à prévoir une protection en coopération avec la gendarmerie.

Cela a d'ores et déjà produit des effets. Toutefois, peut-être est-il nécessaire, dans certains cas, d'aller plus loin et de mettre en place une protection électronique.

Je ne voterai pas cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 63.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 20.

Vote sur l'ensemble

Articles additionnels après l'article 20
Dossier législatif : projet de loi relatif aux archives
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Yannick Texier, pour explication de vote.

M. Yannick Texier. Le texte qui nous est aujourd'hui soumis traduit la volonté du Gouvernement de faciliter, dans un souci de transparence, l'accès des usagers aux archives publiques en actualisant le cadre juridique issu de la loi du 3 janvier 1979.

Nous saluons cette initiative, madame la ministre, tant il est vrai que ce projet de loi permettra de répondre aux fortes attentes exprimées par nos concitoyens, soucieux d'accéder avec une plus grande facilité aux sources de leur histoire.

Le groupe de l'UMP se félicite des nombreuses avancées apportées par ce projet de loi, qui s'inscrit dans une véritable démarche de modernisation de la politique des archives.

Le principe de la libre communicabilité des archives publiques est désormais établi, tandis que les délais de communicabilité relatifs aux intérêts protégés par la loi sont réduits.

Le régime des archives des autorités publiques, notamment gouvernementales, est précisé, afin qu'en soit améliorée la collecte.

Enfin, le régime de protection des archives privées classées comme archives historiques se trouve renforcé.

Ainsi, grâce à ce projet de loi est assuré un juste équilibre entre les exigences de la recherche contemporaine, la nécessité d'ouverture des archives au profit de la collectivité et l'impératif de protection des données individuelles et personnelles.

Je tiens, au nom des membres du groupe de l'UMP, à saluer nos deux excellents rapporteurs, Mme Catherine Morin-Desailly et M. René Garrec, ainsi que les deux présidents de commission, MM. Jean-Jacques Hyest et Jacques Valade. Sous leur impulsion, les travaux de la commission des lois, saisie au fond, et de la commission des affaires culturelles, saisie pour avis, ont permis d'enrichir le texte du Gouvernement en confortant, notamment, l'effort d'accessibilité des documents relatifs à la vie publique.

Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe de l'UMP votera ce projet de loi tel qu'enrichi par les pertinentes propositions de nos deux rapporteurs. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Nous serions parfaitement heureux si nos amendements avaient été adoptés. Cependant, ce texte, que les professionnels n'osaient plus attendre, comporte de nombreuses dispositions positives. Aussi, nous le voterons de bon coeur. (Applaudissements.)

M. René Garrec, rapporteur. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.

M. Jean-Claude Peyronnet. J'avais déjà indiqué lors de la discussion générale que nous voterions en faveur de ce texte, dont nous approuvons les grands principes.

Certes, que quelques petites choses - que nous avions proposées - aient été adoptées nous aurait fait plaisir. Cela n'a pas été le cas. Malgré tout, nous voterons en faveur de ce texte très positif.

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté à l'unanimité.)

Mme la présidente. Je tiens à signaler que Mme Catherine Morin-Desailly présentait ce soir son premier rapport. Elle l'a fait avec beaucoup de talent, ce dont il convient de la féliciter. (Applaudissements.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif aux archives
 

10

DÉpÔt de rapports

Mme la présidente. J'ai reçu de Mme Catherine Procaccia un rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi relatif à la réforme du service public de l'emploi (urgence déclarée) (n° 141, 2007-2008).

Le rapport sera imprimé sous le n° 154 et distribué.

J'ai reçu de M. Ladislas Poniatowski un rapport fait au nom de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative aux tarifs réglementés d'électricité et de gaz naturel (n° 137, 2007-2008).

Le rapport sera imprimé sous le n° 155 et distribué.

11

DÉpÔts rattachÉs pour ordre au procÈs-verbal de la sÉance du 20 dÉcembre 2007

dépôt de projets de loi

Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, pour le pouvoir d'achat.

(Dépôt enregistré à la présidence le 21 décembre 2007 et rattaché pour ordre au procès verbal de la séance du 20 décembre 2007)

Ce projet de loi sera imprimé sous le n° 151, distribué et renvoyé à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation internationale ITER pour l'énergie de fusion relatif au siège de l'Organisation ITER et aux privilèges et immunités de l'Organisation ITER sur le territoire français.

(Dépôt enregistré à la présidence le 3 janvier 2008 et rattaché pour ordre au procès verbal de la séance du 20 décembre 2007)

Ce projet de loi sera imprimé sous le n° 153, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

dépôt d'une proposition de loi

Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de MM. Thierry Repentin, Jean-François Picheral, Pierre-Yves Collombat, François Marc, Claude Saunier, Jean-Marc Todeschini, Jacques Mahéas, Mmes Patricia Schillinger, Gisèle Printz, Annie Jarraud-Vergnolle, Monique Cerisier-ben Guiga, Claire-Lise Campion, Josette Durrieu, MM. Bertrand Auban, Michel Dreyfus-Schmidt, Claude Domeizel, Bernard Piras, Roland Courteau et Serge Lagauche une proposition de loi tendant à permettre l'identification des victimes.

(Dépôt enregistré à la présidence le 3 janvier 2008 et rattaché pour ordre au procès verbal de la séance du 20 décembre 2007)

Cette proposition de loi sera imprimée sous le n° 152, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

texte soumis au sénat en application de l'article 88-4 de la constitution

Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 3286/94 arrêtant des procédures communautaires en matière de politique commerciale commune en vue d'assurer l'exercice par la Communauté des droits qui lui sont conférés par les règles du commerce international, en particulier celles instituées sous l'égide de l'Organisation mondiale du commerce.

(Dépôt enregistré à la présidence le 27 décembre 2007 et rattaché pour ordre au procès verbal de la séance du 20 décembre 2007)

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3746 et distribué.

12

ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui mercredi 9 janvier 2008, à quinze heures et le soir :

Discussion du projet de loi (n° 141, 2007-2008) relatif à la réforme du service public de l'emploi (urgence déclarée).

Rapport (n° 154, 2007-2008) de Mme Catherine Procaccia, fait au nom de la commission des affaires sociales.

Délai limite pour le dépôt des amendements : ouverture de la discussion générale.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 9 janvier 2008, à une heure vingt.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD