compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

PROCÈS-VERBAL

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

MISSION D'INFORMATION commune

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle l'examen d'une demande conjointe des présidents des commissions des affaires sociales, des lois, des finances, des affaires culturelles, des affaires étrangères et des affaires économiques, tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner une mission d'information commune sur le bilan et les conséquences de la contamination par l'amiante.

Je vais consulter sur cette demande.

Il n'y a pas d'opposition ?...

En conséquence, en application de l'article 21 du règlement, cette mission d'information commune est autorisée.

Conformément aux propositions de désignations présentées par les commissions permanentes intéressées, les sénateurs membres de cette mission sont :

M. Bernard Angels, M. Gilbert Barbier, M. Paul Blanc, Mme Marie-Christine Blandin, M. Philippe Dallier, Mme Michelle Demessine, M. Gérard Dériot, M. Jean Desessard, Mme Sylvie Desmarescaux, M. Ambroise Dupont, M. Jean-Léonce Dupont, M. Pierre Fauchon, M. Bernard Frimat, M. Georges Ginoux, M. Francis Giraud, M. Jean Pierre Godefroy, M. Alain Gournac, Mme Adeline Gousseau, Mme Françoise Henneron, Mme Marie-Thérèse Hermange, M. Roger Madec, M. Roland Muzeau, Mme Catherine Procaccia, M. Henri de Richemont, Mme Janine Rozier, Mme Michèle San Vicente, M. Jean-Marc Todeschini et M. Jean-Marie Vanlerenberghe.

3

MISSIONs D'INFORMATION

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle l'examen des demandes d'autorisation de missions d'information suivantes :

1° Demande présentée par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner une mission d'information afin de se rendre en Afghanistan pour apprécier la reconstruction politique du pays et rencontrer les forces militaires françaises déployées à Kaboul dans le cadre de la Force internationale d'assistance à la sécurité ;

2° Demande présentée par la commission des affaires sociales tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner une mission d'information afin de se rendre au Liban consacrée à l'examen de la mise en place d'un système d'assurance maladie dans ce pays ;

3° Demande présentée par la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner deux missions d'information :

- sur les procédures accélérées de jugement en matière pénale ;

- sur la nouvelle génération de documents d'identité et la fraude documentaire ;

4° Demande présentée par la commission des affaires économiques et du Plan tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner une mission d'information afin de se rendre en Chine pour y étudier le système de recherche, la situation de l'environnement et l'état de l'appareil de production chinois.

Il a été donné connaissance de ces demandes au Sénat au cours de ses séances du mercredi 26 et du jeudi 27 janvier 2005.

Je vais consulter le Sénat sur ces demandes.

Il n'y a pas d'opposition ?...

En conséquence, les commissions intéressées sont autorisées, en application de l'article 21 du règlement, à désigner ces missions d'information.

4

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi portant statut général des militaires
Discussion générale (suite)

Statut général des militaires

Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi portant statut général des militaires
Demande de priorité

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant statut général des militaires (nos 126, 154).

Je rappelle que la discussion générale a été close.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais, en introduction à notre débat d'aujourd'hui, évoquer la séance d'hier pour remercier le président de la commission, le rapporteur et tous les orateurs du travail qui a été réalisé et de leur apport à la discussion.

L'ensemble de la séance d'hier montre qu'un travail approfondi a été effectué, notamment au sein de la commission, où une réflexion a été menée sur l'état militaire, mais aussi sur la réalité quotidienne de la vie de la communauté militaire - un certain nombre d'interventions s'en sont fait le net écho - et sur la place de cette communauté dans la cité, place dont il a été question sur toutes les travées.

A ce sujet - et avant de revenir sur les questions de fond qui ont été soulevées et dont quelques-unes trouveront leur traduction dans les amendements que nous examinerons tout à l'heure -, je tiens à corriger l'image déformée de nos armées qui pourrait résulter de certains des propos qui ont été tenus hier soir, en particulier par les derniers intervenants.

Je voudrais d'abord corriger l'image d'un militaire qui serait un « citoyen de deuxième zone » parce qu'il ne pourrait être syndiqué ou adhérer à un parti.

Je tiens à rappeler que les militaires ont les mêmes droits que l'ensemble des citoyens, avec cette différence que le militaire a une mission particulière et qu'on lui donne des pouvoirs particuliers pour l'accomplir, si bien que, pendant qu'il est dans l'accomplissement de cette mission, ses droits, dont il jouit comme tous les autres Français, il ne peut les exercer dans les mêmes conditions.

M. Josselin de Rohan. Très bien !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Le militaire se voit confier les armes de la France, la défense de la France et des Français : existe-t-il une meilleure démonstration de son statut de citoyen responsable, à part entière - peut-être même un peu plus qu'à part entière ! -, et de l'estime que lui porte la nation ?

Je voudrais également corriger, parce qu'elle est tout aussi fausse, l'image d'une armée qui serait coupée de la nation : la suspension du service national - dont la réforme a été adoptée avec le vote favorable des députés socialistes, à l'automne 1997 - n'a pas détruit le lien entre les armées et la nation, monsieur Rouvière, bien au contraire ! Elle en a seulement modifié la nature, sans l'atténuer, peut-être même en le renforçant, et nous le voyons bien lors des journées nation-défense que j'ai créées et qui se tiennent, tous les deux ans, les 8 et 9 mai.

Ces journées sont pour nous l'occasion de constater le plaisir et l'envie qu'ont les militaires de discuter avec l'ensemble de nos concitoyens ; et, alors même que cette initiative n'avait pas fait l'objet d'une communication très importante, nous avons vu la foule de ceux qui s'intéressent à ce que font nos militaires et aux matériels qu'ils utilisent et qui sont venus leur manifester, outre leur intérêt, leur reconnaissance, leur admiration et leur adhésion.

Et ce n'est pas seulement une fois tous les deux ans, lors de ces journées, que ce lien est attesté : c'est également à travers les sondages qui sont régulièrement réalisés que les Français montrent leur attachement aux militaires. Alors que les opinions favorables à l'égard des armées étaient dans une fourchette acceptable, mais moyenne, voilà encore quelques années, nous constatons depuis la suspension du service militaire, en particulier ces toutes dernières années, une très large adhésion des Français à leurs armées : 83 % des Français ont une opinion favorable à l'égard des militaires.

Il faut aussi être conscient que, dans le classement des professions les plus appréciées des Français, les militaires viennent aujourd'hui en deuxième position, juste après les pompiers, qui, pour beaucoup d'entre eux, sont aussi des militaires, du fait notamment de leur statut à Paris et à Marseille.

Je crois qu'il s'agit là de la meilleure réponse à l'assertion fausse qui a été entendue hier soir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Je voudrais encore m'élever contre l'image d'une armée qui ne recruterait des jeunes que parce que ceux-ci seraient attirés, dans le métier militaire, par les aspects matériels - on n'a pas osé dire « salariaux ».

Mme Hélène Luc. Personne n'a dit ça !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Affirmer cela, c'est ignorer totalement la réalité que je constate quand je me déplace sur le terrain : ceux que je rencontre, ce sont des jeunes hommes et des jeunes femmes qui sont attirés dans ce métier parce qu'ils ont un idéal, parce qu'ils ont le désir de s'impliquer totalement dans les missions qui sont celles de la défense de la France, de la défense de la paix, du secours à ceux qui sont les plus menacés et les plus fragiles, dans notre société et dans la société mondiale.

Je crois au contraire que, pour beaucoup de jeunes, l'armée répond à l'absence de repères et d'idéal qui est trop largement répandue dans notre société. Quand des jeunes cherchent un idéal, cherchent des principes, cherchent ce qui leur fera dépasser la vie quotidienne, c'est vers les armées qu'ils se tournent. C'est exactement le contraire de ce que nous avons entendu hier : l'armée recrute des jeunes qui ne trouvent pas, dans la société, l'idéal ou les valeurs qui, à leurs yeux, font une vie d'homme.

Mme Hélène Luc. C'est pour cela qu'il ne fallait pas supprimer la conscription !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Je voudrais enfin m'élever contre l'image d'une armée de « classes », dans laquelle les intérêts des états-majors et des officiers généraux et supérieurs s'opposeraient à ceux des officiers subalternes, des sous-officiers ou des militaires du rang : affirmer cela, c'est faire la preuve de son ignorance de la réalité quotidienne de la vie de nos régiments et de nos bases, c'est faire bien peu de cas de la cohésion et de la fraternité qui animent la communauté militaire et que je peux constater à chacune de mes visites dans les unités, sur le territoire national et, plus encore, au cours des opérations extérieures. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Après ces quelques mises au point qui me paraissaient nécessaires, je ne reviendrai pas sur les constats partagés par tous.

Ainsi, je ne reviendrai pas sur la volonté d'offrir aux militaires des droits civils et politiques adaptés aux évolutions de la société. Je ne reviendrai pas non plus sur les avancées marquantes réalisées en matière de protection juridique et de couverture sociale : nous le leur devions et nous sommes tous favorables à leur inscription dans ce projet de loi. Je ne reviendrai pas non plus sur la meilleure prise en compte de la situation des contractuels.

En revanche, je note qu'un certain nombre de points ont fait débat, et nous aurons sans doute l'occasion d'y revenir cet après-midi.

Les observations de Mme Luc, de MM. Boulaud, Rouvière et Michel sur les droits politiques et sociaux traduisent des divergences sur des sujets comme l'adhésion à un parti, l'exercice du droit syndical, le mode de désignation des instances de concertation, l'exercice du mandat électif ou le congé d'éducation.

Je voudrais repartir de la question que s'est posée la commission Denoix de Saint Marc : le militaire est-il un agent public comme les autres ? C'est en effet de la réponse à cette question que découlent les réponses à vos interrogations.

Plus que tout autre, le métier militaire a une spécificité. Le militaire est autorisé à faire usage de la force armée, il peut être amené à tuer et court le risque d'être tué. Cela a de nombreuses conséquences sur ses rapports avec la société.

Le militaire a vocation à être engagé dans des opérations dont la nature et les enjeux rendent indispensables la cohésion et la discipline : son efficacité et sa sécurité en dépendent.

De même, l'armée reste l'institution par excellence sur laquelle on doit pouvoir compter à tout moment. Une disponibilité totale du militaire est donc consubstantielle à son statut.

Le militaire appartient à une institution qui occupe une place singulière dans la nation, comme l'a rappelé justement M. Peyrat. Il ne saurait être le jouet d'intérêts partisans : la confiance dont les militaires jouissent aujourd'hui tient pour beaucoup à leur neutralité politique et à leur totale disponibilité pour sauver des vies. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Aucune crainte, aucun soupçon d'un possible usage de leurs armes pour une autre finalité que l'intérêt général national et international ne doit exister dans l'esprit des Français.

« L'armée, dans son fonctionnement interne et collectif ne peut pas être le lieu de luttes syndicales, de divisions philosophiques ou spirituelles, de joutes politiques ou de campagnes électorales (...) Il est évidemment impératif qu'il n'y ait pas une armée de droite, une armée de gauche (...) L'armée doit être celle de la nation tout entière et celle-ci doit la reconnaître comme telle. »

M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Très bien !

M. Adrien Gouteyron. Très belles phrases !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. L'auteur de ces phrases, auxquelles je souscris totalement, est M. Jean-Michel Boucheron, responsable des commissaires socialistes à la commission de la défense nationale et des forces armées de l'Assemblée nationale : elles ont été prononcées il y a quelques semaines lors de la première lecture de ce projet de loi au Palais-Bourbon. Je souhaite que chacun puisse s'y référer, en particulier s'agissant des travées sur lesquelles siègent ceux qui sont censées partager la même philosophie.

Le militaire a vocation à être engagé dans des opérations qui conditionnent l'efficacité militaire. La communauté militaire a admis et compris les contraintes qui pèsent sur elle et les limitations, non pas des droits, mais des modalités d'exercice de certains droits. Je dis bien « les modalités d'exercice, car l'appartenance à un parti est acceptée à partir du moment où le militaire est en position de détachement, en dehors du cadre militaire.

De même, le fonctionnement syndical est massivement rejeté par les militaires. J'ai entendu les arguments qui ont été développés hier, mais je les ai comparés à ce que m'ont dit les militaires du Conseil supérieur de la fonction militaire et ceux avec lesquels j'en ai discuté au sein des armées. On connaît le taux de syndicalisation en France - les partis politiques ne sont guère mieux lotis. Pourquoi vouloir à tout prix créer un dispositif qui peut poser problème alors nos concitoyens ne sont pas très attirés par ce genre d'institution ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Monsieur Boulaud, cela ne signifie pas pour autant qu'il ne peut pas y avoir de dialogue social constructif. Il convient d'éviter les erreurs qui ont provoqué les événements de 1989 et de 2001. Qui gouvernait alors ?

M. Didier Boulaud. Soyez prudente !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Ce qui compte, c'est la manière dont on procède. Si l'on arrive au CSFM avec des questions strictement encadrées et des réponses qui ont été préparées par les services, il n'y a pas de dialogue. En revanche, pour avoir conduit moi-même les discussions sur les retraites et avoir eu un échange sur des questions qui n'étaient pas préparées, je puis vous dire que l'on peut établir un véritable dialogue et créer la confiance.

La concertation doit donner lieu à des échanges et des débats ouverts : je partage ce sentiment avec M. le rapporteur, et c'est le sens que j'ai donné au travail de toutes les instances de concertation, y compris celle qui a permis d'aboutir à l'élaboration du texte que nous examinons aujourd'hui.

La hiérarchie joue un rôle, et il n'est pas dans ma nature de la remettre en cause, car elle me paraît nécessaire à l'efficacité et aux repères de chacun. C'est pourquoi j'ai voulu que les chefs d'état-major président leur conseil de la fonction militaire - CFM - et prennent leurs responsabilités. Le ministre préside le Conseil supérieur de la fonction militaire - CSFM. En effet, la hiérarchie, c'est la responsabilité personnelle.

Fallait-il s'aligner sur nos voisins au nom de la construction de l'Europe de la défense ? Monsieur Michel, contrairement à ce que vous avez dit, sur les cinq exemples que vous avez cités, quatre n'ont pas d'armée professionnelle.

M. Josselin de Rohan. Il faut se renseigner, monsieur Michel !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Nos voisins allemands pratiquent encore la conscription, les Pays-Bas aussi.

Par ailleurs, je le constate sur le terrain, les militaires français sont les plus admirés : leur absence de syndicalisation ne nuit pas, loin de là, à leur attitude, à leur efficacité ou à leur image. Et si rapprochement européen il doit y avoir, ce sera sans doute plutôt vers le modèle français. (M. Robert Bret s'exclame.)

C'est donc avec beaucoup de confiance que j'aborde la construction de l'Europe de la défense. Aujourd'hui, la France a probablement l'une des deux meilleures armées au monde. En ce sens, elle est un modèle et le statut de ses militaires apparaît comme une référence. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

J'ai retenu également, dans vos interventions, plusieurs préoccupations, relatives à la condition militaire et à différents aspects juridiques. Je serai brève car nous aurons l'occasion de revenir sur ces points lors de l'examen des articles.

S'agissant du congé d'éducation, madame Luc, je suis bien consciente du problème pour les femmes, mais pas seulement pour elles. Un certain nombre d'assouplissements sont déjà possibles, et c'est la raison pour laquelle il ne m'a pas paru utile de prévoir une disposition supplémentaire en la matière.

Mme Hélène Luc. Ce serait mieux en l'écrivant !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Je suis également très sensible aux préoccupations de M. Peyrat sur la reconversion des militaires, qui constitue également un élément de la promotion sociale.

Les armées sont l'un des rares lieux, pour ne pas dire le seul, où le principe républicain de l'égalité des chances et de la promotion sociale est réellement pris en compte : celui qui entre comme simple soldat peut, par ses qualités, sa volonté et la formation permanente, devenir officier général.

M. Jacques Peyrat. Absolument !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Toutefois, il est important de penser à la reconversion de ceux qui ne feront pas toute leur carrière dans les armées et qui les quittent à la fin de leur contrat de cinq ans, de dix ans ou de quinze ans.

Le statut ouvre des possibilités nouvelles pour les militaires sous contrat quittant l'institution : le dispositif d'intégration dans la fonction publique leur est désormais ouvert. Un projet de loi sur les emplois réservés est en préparation. Il ouvrira de nouvelles perspectives d'intégration dans les administrations civiles.

Plusieurs intervenants ont évoqué la rémunération au mérite.

Selon moi, aucune raison ne justifie que les mérites des militaires ne soient pas reconnus. Certes, il y a les décorations, et je sais toute l'importance que les militaires y attachent, mais on peut aller au-delà. Les situations sont très diverses : il y a les militaires qui combattent ; beaucoup de militaires assurent le soutien logistique ; des militaires travaillent au sein de la Direction générale pour l'armement, la DGA. Ils ne doivent pas être brimés par rapport à d'autres fonctionnaires qui font le même métier au sein d'autres administrations. Pourquoi dire que certains ont droit à la rémunération au mérite, et d'autres pas, alors que la participation de ces derniers à la réussite générale est aussi importante ?

Il conviendra d'examiner les critères d'appréciation avec prudence et sagacité, afin qu'ils soient justes et ne nuisent pas à l'indispensable cohésion de nos armées. Monsieur le président Vinçon, si vous le souhaitez, je serai heureuse de pouvoir en discuter au sein de la commission. Sur des sujets aussi importants, nous devons en effet confronter nos points de vue, afin d'aboutir à la meilleure solution possible.

S'agissant de la condition militaire en général, je partage le sentiment exprimé par M. Peyrat : les militaires doivent avoir droit, en pratique, à la reconnaissance de la nation. Pour autant, il ne s'agit pas de tomber dans le « toujours plus ».

De ce point de vue, les travaux sur la condition militaire doivent pouvoir être étayés par des constats objectifs. A mes yeux, le Haut comité -quelle que soit, d'ailleurs, son appellation, dont nous reparlerons tout à l'heure - est une instance d'experts chargée de faire des comparaisons afin de permettre au Président de la République, au Gouvernement et à vous-mêmes, mesdames et messieurs les parlementaires, d'avoir une vision objective et de trouver les bonnes solutions.

Il faut donc veiller à la crédibilité et à l'impartialité de cette instance. Sa composition doit être fixée par décret. En effet, dans ce texte, j'ai veillé à bien distinguer ce qui relève du domaine législatif et ce qui relève du domaine réglementaire. (Marques d'approbation sur le banc des commissions.) C'est d'ailleurs ainsi que nous sommes parvenus à passer d'un texte de plus de quatre cents articles à un texte de cent articles.

Bien entendu, j'ai pris en compte la mesure du problème. A cet égard, pour répondre à M. Peyrat, je suis tout à fait prête, là aussi, à consulter les commissions lors de l'élaboration de ce décret.

M. Jacques Peyrat. Très bien !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. D'autres sujets particuliers ont été abordés hier soir, et je les évoquerai rapidement afin de ne pas trop prolonger mon intervention.

Il s'agit, tout d'abord, de la position statutaire des retraités.

Comme l'a relevé M. Nogrix, le projet de loi amendé en première lecture au Palais-Bourbon a permis de rassurer les retraités. En effet, il ne s'agit pas de nier ce qu'ils ont fait ni de les exclure de la communauté militaire. Je rappelle simplement que le statut prévu par le projet de loi est centré sur les militaires d'active ; il n'atténue cependant en rien les droits des retraités.

M. André Boyer m'a interrogé sur l'accès des retraités aux soins du service de santé et sur leur représentation au sein du CSFM. Je lui confirme que l'un et l'autre seront maintenus. Il n'y a donc aucun problème en la matière.

Il s'agit, ensuite, des sanctions disciplinaires. Je rejoins la remarque de M. Nogrix sur la nécessité d'harmoniser la hiérarchie des sanctions disciplinaires avec celle qui prévaut dans la fonction publique. Je proposerai donc un amendement qui va dans ce sens. Au demeurant, si les règles étaient différentes, cela engendrerait sinon un sentiment d'injustice, du moins un trouble.

Il s'agit, enfin, de l'aménagement des carrières. Monsieur Dulait, cela relève essentiellement des statuts particuliers, sur lesquels le travail commencera véritablement dès lors que le statut général aura été voté. D'ailleurs, certains ont déjà commencé à y réfléchir. Dès l'automne, les projets pourront être soumis aux CFM et au CSFM. Par conséquent, nous pourrons, sur ce point, répondre assez vite aux interrogations ou aux inquiétudes.

J'espère que les orateurs à qui j'ai peut-être oublié de répondre voudront bien me le pardonner. Je me suis attachée à répondre aux questions les plus essentielles. Nous allons maintenant entrer dans le vif du sujet, avec la discussion des articles. Nous avons encore beaucoup de travail à faire ensemble cet après-midi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Mme la présidente. Nous passons à la discussion des articles.

Demande de priorité

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi portant statut général des militaires
Art. 1er

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. André Dulait, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, au nom de la commission, et pour la bonne information de nos collègues, je souhaiterais que nous examinions en priorité l'article 88 avant l'article 65.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Favorable.

Mme la présidente. La priorité est de droit.

PREMIÈRE PARTIE

DISPOSITIONS STATUTAIRES

Demande de priorité
Dossier législatif : projet de loi portant statut général des militaires
Art. 2

Article 1er

L'armée de la République est au service de la Nation. Sa mission est de préparer et d'assurer par la force des armes la défense de la patrie et des intérêts supérieurs de la Nation.

L'état militaire exige en toute circonstance esprit de sacrifice, pouvant aller jusqu'au sacrifice suprême, discipline, disponibilité, loyalisme et neutralité. Les devoirs qu'il comporte et les sujétions qu'il implique méritent le respect des citoyens et la considération de la Nation.

Le présent statut assure à ceux qui ont choisi cet état les garanties répondant aux obligations particulières imposées par la loi. Il prévoit des compensations aux contraintes et exigences de la vie dans les forces armées. Il offre à ceux qui quittent l'état militaire les moyens d'un retour à une activité professionnelle dans la vie civile et assure aux retraités militaires le maintien d'un lien avec l'institution.

Il est créé un Haut comité d'évaluation de la condition militaire dans lequel le Parlement est représenté. Cet organisme établit périodiquement un rapport adressé au Président de la République, chef des armées, et donnant lieu à débat devant le Parlement. Sa composition, son organisation et ses missions sont fixées par décret en Conseil d'Etat.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission, sur l'article.

M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je limiterai mon propos sur cet article à son dernier alinéa, qui prévoit d'intégrer dans le statut général, par le biais de l'institution d'un Haut comité d'évaluation, la notion très importante de condition militaire.

Il s'agit d'une question sensible, parce qu'il y va, comme l'a très justement rappelé la commission de révision du statut, du nécessaire respect de l'équilibre entre les contraintes et les compensations liées au métier militaire.

La condition militaire reflète ces contraintes. Elle intègre bien sûr, au premier chef, la rémunération et son évolution sur la durée. Mais elle intègre aussi d'autres aspects des conditions de vie quotidienne - vous y avez fait allusion tout à l'heure, madame la ministre -, je pense aux aides au logement, à la garde des jeunes enfants, au célibat géographique qui se développe avec l'activité professionnelle des conjoints, à la prise en compte des contraintes de mobilité qui pèsent de manière très particulière sur les militaires. Le temps d'activité en constitue également une composante majeure, au moment où les missions se succèdent à un rythme élevé.

La condition militaire, c'est aussi, plus largement, le résultat de l'effort de la nation, qui porte sur les équipements et sur les moyens de fonctionnement alloués aux armées, sur les capacités d'entraînement des unités, c'est-à-dire, en d'autres termes, sur les conditions de travail offertes aux militaires. Depuis votre arrivée, madame la ministre, de nombreux progrès ont été enregistrés en la matière. Il ne faut bien sûr pas baisser la garde.

C'est pourquoi proposer une analyse et un bilan régulier de tous les paramètres qui concourent à la condition militaire me paraît répondre à un vrai besoin, à une démarche cohérente avec l'interdiction de l'action syndicale dont, par ailleurs, le principe légitime se trouve également confirmé dans ce nouveau statut.

Nous avons malheureusement constaté il y a plus de trois ans que, faute d'avoir pu suffisamment prendre la mesure du sentiment de dégradation relative de la condition militaire, notamment par rapport au milieu civil, un malaise diffus s'était développé, auquel il avait fallu répondre dans l'urgence.

Pour toutes ces raisons, nous saluons la création, grâce à ce nouveau statut, du Haut comité d'évaluation de la condition militaire et nous souhaitons qu'il prenne toute sa place auprès des responsables politiques de notre pays.

Au total, il y va, mes chers collègues, du respect et de la considération du métier militaire, et des hommes et des femmes qui l'ont choisi.

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1 rectifié, présenté par M. Dulait, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le dernier alinéa de cet article :

Il est institué un Haut comité d'évaluation de la condition militaire, chargé d'établir un rapport annuel adressé au président de la République et transmis au Parlement. La composition du Haut comité d'évaluation de la condition militaire et ses attributions sont fixées par décret.

La parole est à M. le rapporteur.

M. André Dulait, rapporteur. Cet amendement porte sur l'instance chargée de suivre l'évolution de la condition militaire. Nous approuvons pleinement la modification apportée par l'Assemblée nationale, qui vise à transformer cette simple commission en Haut comité d'évaluation de la condition militaire. Il nous semble également extrêmement positif que le texte prévoie la transmission au Président de la République, chef des armées, d'un rapport élaboré par ce Haut comité.

L'amendement n° 1 rectifié de la commission a pour objet d'apporter quelques modifications au texte de l'Assemblée nationale.

S'agissant de la composition du Haut comité, nous proposons de revenir à la formule initialement prévue par le Gouvernement, à savoir une composition fixée par décret. Il nous a en effet paru difficile de mentionner les seuls parlementaires, sans trancher la question des autres membres.

En revanche, il nous semble logique de prévoir la transmission au Parlement du rapport de ce Haut comité, qui, à notre sens, devrait être annuel, et non simplement périodique.

Mme la présidente. L'amendement n° 34, présenté par Mme Luc, MM. Bret, Biarnès, Hue et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

I. - Dans la première phrase du quatrième alinéa de cet article, après les mots :

de la condition militaire

insérer les mots :

doté de la personnalité juridique

II. - Après les mots :

sa composition

rédiger comme suit la fin de la dernière phrase du même alinéa :

vise notamment à assurer la représentation équitable de chacune des parties prenantes à la politique de défense.

La parole est à Mme Hélène Luc.

Mme Hélène Luc. S'agissant de la nouvelle instance, l'appellation initiale « commission d'évaluation » me convenait tout à fait, et je ne vois pas l'utilité de retenir les termes « Haut comité ». A mon sens, le contenu importe beaucoup plus que la dénomination.

Du reste, le parlementaire très expérimenté qu'est Guy Teissier, le président de la commission de la défense et des forces armées de l'Assemblée nationale, ne peut ignorer l'inadéquation de certains arguments avancés. En effet, le Parlement ne sera pas replacé au coeur de la réflexion sur l'évolution de la fonction militaire simplement du fait que deux ou trois députés ou sénateurs participeront aux travaux d'un comité, même si cette participation est satisfaisante.

L'essentiel est que les différentes composantes du Haut comité soient représentatives des liens existant entre la nation et son armée.

Ainsi, la présence de parlementaires est une nécessité et une évidence. La présence de représentants des ministères parties prenantes - défense, finances, affaires sociales et travail, par exemple - est tout aussi indiscutable. Cela étant, il faut s'assurer que le Haut comité comprendra aussi des représentants des militaires eux-mêmes, comme d'autres forces sociales et d'autres personnes issues de la société civile.

De la même manière, outre sa fonction de rapporter annuellement sur la situation de la fonction militaire et sur son évolution, le Haut comité, aux fins de commanditer toute expertise adaptée, doit être doté de la personnalité juridique, comme c'est le cas pour de nombreuses autorités indépendantes de notre paysage institutionnel.

Sous le bénéfice de ces observations, nous vous invitons à adopter cet amendement, qui vise à préciser les contours de la nécessaire concertation sur le devenir de la fonction militaire.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. André Dulait, rapporteur. S'il était doté de la personnalité juridique, le Haut comité deviendrait une personne morale, et pourrait donc ester en justice ou posséder des immeubles, ce qui n'est pas indispensable à son action.

Quant à la composition, je rappelle que le Haut comité est non pas une instance de représentation,...

Mme Hélène Luc. Malheureusement !

M. André Dulait, rapporteur. ...mais un organe destiné à produire un rapport.

En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 34.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 1 rectifié. Il convient en effet de prévoir que la composition du Haut comité est fixée par décret.

Par ailleurs, madame Luc, il s'agit d'une toute petite instance technique et d'expertise. Son rôle est de donner les éléments qui permettront ensuite de discuter dans les commissions et dans tous les lieux appropriés. Elle sera composée d'experts, donc de techniciens, et non de politiques.

A cet égard, je réitère ma proposition faite au président Vinçon : je souhaite en effet que nous puissions discuter de la rédaction du décret au sein de la commission, pour étudier dans le détail la composition de ce Haut comité.

M. Serge Vinçon, président de la commission. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Boulaud, pour explication de vote sur l'amendement n° 1 rectifié.

M. Didier Boulaud. Le groupe socialiste votera pour cet amendement, sous réserve, comme cela avait été évoqué en commission, que le Gouvernement prenne l'engagement de faire figurer de façon explicite des parlementaires dans la composition du Haut comité.

En outre, pour que le rapport soit utile au Parlement dans le cadre du débat budgétaire, il nous semble que le Haut comité devrait le transmettre avant la fin du mois d'octobre.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l'amendement n° 34 n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'article1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)