SEANCE DU 18 NOVEMBRE 2002


M. le président. L'amendement n° 40, présenté par M. Gouteyron, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
« Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Chaque année avant le 15 octobre, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport faisant une présentation détaillée des méthodes d'élaboration et de suivi de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, permettant notamment d'en apprécier l'évolution ainsi que celle des enveloppes qui le composent et des objectifs quantifiés nationaux qui en découlent. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Tout à l'heure, au cours de la discussion générale, l'un de nos collègues a traité de l'ONDAM, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie. Il a estimé, de manière tout à fait abusive, que l'ONDAM était fixé cette année de façon arbitraire, pour ne pas employer un adjectif plus sévère.
Pour notre part, nous sommes sensibles au fait que, contrairement à ce qui s'était passé les années précédentes, vous avez consenti un effort, monsieur le ministre, pour cerner au plus près l'évolution prévisible des dépenses. Cela m'a beaucoup frappé lorsque, pour la première fois, j'ai participé à la commission des comptes de la sécurité sociale. Votre argumentaire m'avait marqué, parce qu'il était solide et très élaboré.
Comment ne pas rappeler à cet instant que, pour 2002, l'objectif en matière de croissance des dépenses d'assurance maladie était fixé à 3,9 % ? Le dérapage a été totalement incontrôlé, puisque la hausse finale, cela a été dit tout à l'heure, sera de 6,9 %. J'avais même un pourcentage supérieur en tête.
M. Jean-François Mattei, ministre. La hausse sera de 7,2 %.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. En effet ! Il est donc nécessaire d'y voir plus clair. Vous vous y employez, monsieur le ministre, mais c'est aussi l'affaire de l'ensemble des pouvoirs publics et du Parlement. L'amendement n° 40 a donc pour objet de conduire le Gouvernement à préciser la façon dont sont faits les choix en matière de santé publique et dont est fixé le niveau de l'ONDAM.
Je pourrais rappeler, à cet égard, ce qu'a écrit la Cour des comptes dans son rapport. Elle a souligné le caractère parfois arbitraire du champ de l'ONDAM, le degré variable d'encadrement des postes de dépenses qui le composent, les faiblesses des méthodes de préparation, etc. Nul doute qu'il s'agit là d'un élément de clarification, voire de démocratisation : il est particulièrement important que l'on puisse porter un jugement sur la fixation de l'ONDAM.
Cela étant, je reconnais que l'article 2 traite de ce problème. Sa rédaction ne me semble pas tout à fait satisfaisante, mais sans doute, monsieur le ministre, allez-vous nous donner votre point de vue.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. La commission des affaires sociales comprend quel objectif cherche à atteindre la commission des finances. Nous considérons cependant que l'article 2 devrait être de nature à répondre aux attentes de M. Gouteyron.
Certes, il existe peut-être une nuance purement sémantique entre les rédactions de l'article 2 et de l'amendement n° 40 : dans celui-ci, M. Gouteyron fait référence aux méthodes d'élaboration et de suivi de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, tandis que l'article 2 prévoit la production d'un rapport analysant l'évolution, au regard des besoins de santé, des soins financés au titre de l'ONDAM.
Néanmoins, on admettra que les objectifs visés sont proches et que l'esprit sous-tendant les deux rédactions est le même. En effet, il s'agit bien de se donner les moyens de procéder à une évaluation de l'évolution des dépenses de santé au regard des besoins de santé publique, de telle façon que le Parlement, mais aussi le Gouvernement, qui pourra tirer parti de l'outil créé, puissent ajuster à chaque étape, en tant que de besoin, l'ONDAM et, à travers l'ONDAM, les dépenses et les recettes.
Nous partageons donc le souci de la commission des finances, mais il me semble que l'article 2 satisfait, pour l'essentiel, l'attente de M. Gouteyron.
Je conclurai en soulignant que le fait que l'on demande la remise de tant de rapports apporte une nouvelle fois la démonstration de la nécessité de conforter, par une loi organique prévoyant la production d'annexes au rapport, la loi de financement de la sécurité sociale. Cela va dans le sens, me semble-t-il, de ce qui a été dit par ce grand spécialiste de la Constitution qu'est notre collègue Michel Charasse !
Lorsque nous aurons modifié la loi de 1996 afin de pouvoir disposer de ces annexes, nous pourrons nous dispenser de tous ces rapports. M. le ministre ne pourra que s'en féliciter, et il lui restera à obtenir de M. le Premier ministre la nomination d'un secrétaire d'Etat qui pourra l'épauler et le soulager de tous les problèmes liés à la comptabilité de la sécurité sociale.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Mattei, ministre. Premièrement, le Gouvernement partage le souci de M. Gouteyron. Il est vrai, comme cela a souvent été dit, notamment par M. Vasselle, que la fixation de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie doit reposer sur des critères médicaux et non pas être une variable d'ajustement budgétaire.
Deuxièmement, et en conséquence, j'ai constitué, au sein de la commission des comptes de la sécurité sociale, un groupe spécifique travaillant sur la médicalisation de l'ONDAM. Nous connaîtrons les résultats de ses réflexions au cours du premier trimestre de l'année 2003, et disposerons ainsi d'éléments pour éventuellement intervenir l'année prochaine si nous en éprouvons alors le besoin.
Troisièmement, la demande de M. Gouteyron est satisfaite, me semble-t-il, par le rapport prévu à l'article 2, même si la formulation n'est pas exactement identique à celle qui est présentée par l'amendement n° 40.
Je souhaitrais donc, monsieur le rapporteur pour avis, que vous acceptiez de retirer votre amendement.
M. le président. L'amendement n° 40 est-il maintenu, monsieur le rapporteur pour avis ?
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 40 est retiré.
L'amendement n° 77, présenté par MM. Chabroux et Godefroy, Mme Campion, MM. Vantomme et Domeizel, Mme Printz, M. Cazeau et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Chaque année, le Gouvernement présente un rapport sur la mise en oeuvre de la réduction des cotisations prévue par la loi n° du relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi, à l'article L. 241-13-1 nouveau du code de la sécurité sociale.
« Ce rapport présente le bilan de la mise en oeuvre de la compensation intégrale aux régimes de sécurité sociale de la réduction des cotisations à la charge des employeurs au titre des assurances sociales, des accidents du travail et des maladies professionnelles, et des allocations familiales par le budget de l'Etat.
« Il porte également sur l'impact sur l'emploi. »
La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Lors de la discussion du projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi, présenté par M. Fillon, nous avons eu un débat sur le coût et l'effet sur l'emploi des allégements de charges sociales patronales.
Nous avions alors émis des doutes sur la contrepartie de ces allégements en termes d'emploi, et nous voudrions pouvoir les dissiper. Nous souhaiterions savoir ce que coûtent les allégements de cotisations sociales patronales qui ont été décidés dans le cadre de la loi Fillon, et par conséquent nous demandons que le Gouvernement présente un rapport sur la mise en oeuvre de ces allégements.
Ce rapport présenterait le bilan de l'application de la compensation intégrale par le budget de l'Etat, pour le régime de sécurité sociale, de la réduction des cotisations à la charge des employeurs au titre des assurances sociales, des accidents du travail et des maladies professionnelles et des allocations familiales. Il comporterait également une étude sur les conséquences, pour l'emploi, de la mise en oeuvre des dispositions de la loi Fillon.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je suis assez surpris par cet amendement, mais sans doute le fait d'être passé de la majorité à l'opposition donne-t-il à mes collègues l'occasion de réfléchir sur leurs erreurs passées ! Ils considèrent peut-être que la majorité actuelle pourrait faire à leur place ce qu'ils n'ont pas su faire quand leurs amis étaient au pouvoir ! (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. Réfléchissez sur vos futures erreurs !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Ils demandent aujourd'hui que l'on prévoie des moyens de contrôler la compensation des allégements de cotisations sociales patronales pour le régime de sécurité sociale, alors même que, sous le gouvernement précédent, les engagements qui avaient été pris devant la représentation nationale quant aux allégements de charges accordés en contrepartie de l'instauration des 35 heures, qui devaient être financés par des dotations d'Etat, n'ont pas été respectés !
Vous êtes allés chercher le financement nécessaire dans les caisses de la sécurité sociale, et, aujourd'hui, vous entendez veiller à ce que ce gouvernement, lui, respecte ses engagements !
Votre demande est d'ailleurs tout à fait superfétatoire, monsieur Chabroux, parce que figurent en annexe au FOREC tous les éléments qui vous permettront d'assurer ce contrôle. Je vous renvoie à l'annexe du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour ce qui concerne les comptes du FSV, du FRR, du FOREC et de la CADES. Vous y trouverez, pour 2003, le montant des compensations à compter du 1er juillet 2003, qui s'établit à 7 milliards d'euros.
M. Gilbert Chabroux. Et le nombre d'emplois créés ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Cher collègue, vous savez que cet élément est extrêmement difficile à mesurer sur une année. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
M. Guy Fischer. On donne l'argent, mais on ne connaît pas la contrepartie !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Il faut suffisamment de recul pour l'apprécier !
M. Gilbert Chabroux. C'est un aveu !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je sais bien que, quand on est dans l'opposition, il est facile d'adopter une attitude comme celle qui est la vôtre ce soir. Mais, quand nous y étions, nous n'avions pas votre art consommé ! (M. Guy Fischer s'exclame.)
Vous savez très bien, pour en avoir vous-mêmes fait l'expérience, que les experts et les grands spécialistes en la matière ont du mal à estimer quelle sera l'évolution de la croissance d'une année sur l'autre, voire d'un semestre sur l'autre. Dans ces conditions, comment pourrait-on avoir des garanties de résultats en termes d'emploi, ceux-ci étant la conséquence de la croissance et de l'augmentation du PIB ?
L'incertitude est telle que ce serait rêver que de nous croire en mesure, au travers d'une annexe, de vous donner des chiffres s'agissant de l'emploi.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Là, on est d'accord !
M. Alain Vasselle, rapporteur. En revanche, le point le plus important, c'est que la compensation intégrale de l'allégement des charges sociales soit assurée, ce que vous et vos amis n'aviez pas su faire ! (Mme Marie-Claude Beaudeau s'exclame.)
Madame Beaudeau, si vous le permettez, M. le ministre vous répondra et confortera sans aucun doute mon argumentation. Mais si vous parlez en même temps que moi, je ne vous entends pas !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Plus vous donnez d'argent aux patrons, plus ils licencient !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Et plus vous augmentez les charges, plus ils embauchent ? (Vives exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Je suis défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Mattei, ministre. Il a fallu attendre un rapport de l'INSEE publié à la fin de l'année 2001 pour que soit indiqué que 460 000 emplois avaient été créés grâce aux allégements de charges consentis entre 1994 et 1996. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Avis défavorable.
M. Gérard Le Cam. C'est faux !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Aucun grand économiste ne l'a dit !
M. Gilbert Chabroux. Ce rapport est contesté par la direction de l'INSEE !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 77.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 2 bis