SEANCE DU 7 DECEMBRE 2001


M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'emploi et la solidarité : II. - Santé et solidarité.
J'indique au Sénat que, pour cette discussion, la conférence des présidents a opté pour la formule expérimentée l'an dernier et fondée sur le principe d'une réponse immédiate du Gouvernement aux différents intervenants, rapporteurs ou orateurs des groupes.
Ainsi, M. le ministre répondra immédiatement et successivement au rapporteur spécial, puis aux deux rapporteurs pour avis, et enfin à chaque orateur des groupes.
Ces réponses successives se substitueront à la réponse unique en fin de discussion.
Chacune des questions des orateurs des groupes ne devant pas dépasser cinq minutes, le Gouvernement répondra en trois minutes à chaque orateur, ce dernier disposant d'un droit de réplique de deux minutes maximum.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Alain Joyandet, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons aujourd'hui la discussion d'un budget important tant par ses objectifs que par les sommes en jeu : 14,8 millions d'euros destinés à conduire en 2002 un certain nombre d'actions.
Depuis 1997, le budget de la santé et de la solidarité a augmenté d'un tiers. Si nous ne contestons pas le bien-fondé de cette augmentation considérable, nous pouvons cependant nous interroger quelques instants sur l'utilisation passée de ces sommes.
Je n'accumulerai pas les chiffres, monsieur le ministre ; je souhaite simplement examiner la situation et dresser quelques constats.
Premier constat : jamais autant d'argent n'aura été consacré aux minima sociaux, alors que jamais depuis les Trente Glorieuses notre pays n'a connu une telle prospérité !
Deuxième constat, qui, d'ailleurs, apporte peut-être un début d'explication au premier : les charges de fonctionnement de votre ministère - ou, plus exactement, du ministère de Mme Guigou, mais je considère qu'aujourd'hui vous le représentez - ont considérablement augmenté.
Vous savez que, sur l'initiative du Sénat notamment, des agences pourvues de moyens très importants, tant sur le plan budgétaire que sur le plan des effectifs, ont été mises en place. On aurait pu penser que le ministère de la solidarité et de la santé transférerait des moyens à ces agences. Or il s'avère que les moyens se sont ajoutés.
Puisque je parle du fonctionnement, monsieur le ministre, je relève que les moyens en personnel de l'administration centrale ont considérablement augmenté depuis 1997 puisqu'ils ont connu une hausse de 16 %, alors que ceux des services déconcentrés n'ont augmenté que de 5 %. Or ce sont les personnels des services déconcentrés qui sont sur le terrain, dans les administrations, auprès du public et de ceux de nos concitoyens qui ont besoin d'aide. Ce n'en sont pas moins les effectifs de l'administration centrale qui ne cessent de gonfler !
Le budget de la santé et de la solidarité est un budget exceptionnel, en constante augmentation : les minima sociaux augmentent, les frais de fonctionnement de l'administration centrale augmentent... Bref, il vous faut trouver des moyens financiers supplémentaires.
Vous n'avez que deux solutions : transférer certaines charges soit vers d'autres administrations ou à l'intérieur de votre propre administration, soit - et c'est, hélas ! la solution que vous avez choisie - vers la sécurité sociale et les collectivités locales.
Ces transferts aux collectivités locales ont été évoqués dans le cadre d'autres projets de budget. Dans votre domaine de compétence comme ailleurs, monsieur le ministre, ils risquent de déclencher le fameux effet de ciseaux. Et je ne parle pas des difficultés que vous avez rencontrées pour trouver les financements des encore plus fameuses 35 heures, qui ont aussi beaucoup occupé nos débats et qui contribueront à augmenter considérablement le déficit de la sécurité sociale.
Votre politique, monsieur le ministre - celle de Mme Guigou - se caractérise donc par de nombreux transferts, et par toutes sortes d'opérations de gestion que la commission des finances a dénoncées.
Il y a aussi des dysfonctionnements, et je voudrais insister tout particulièrement sur un dossier d'une grande importance pour nos hôpitaux, notamment dans les départements et les régions, celui du fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux, le FIMHO.
Les subventions de ce fonds sont indispensables pour restructurer nos hôpitaux. Hélas ! les démarches administratives freinent considérablement le déblocage des crédits. Ainsi, vous proposez aujourd'hui d'augmenter les crédits alors même que des crédits déjà inscrits au FIMHO ne sont pas encore consommés !
Monsieur le ministre, je regrette d'avoir à vous adresser ces observations que j'aurais souhaité faire à Mme Guigou - c'est cependant avec plaisir que nous vous accueillons ! ( M. le ministre délégué sourit.) Nous aurions de même souhaité poser nos questions à Mme Guigou, d'autant que nous les lui avons déjà posées à plusieurs reprises et qu'à ce jour elle ne nous a toujours pas répondu !
Si elle avait été présente, je lui aurais dit que, lorsque nous l'interrogeons c'est non pas pour la mettre en difficulté, mais pour essayer de comprendre, car, quand on comprend, on est en général plus compréhensif. Hélas ! nous n'avons toujours pas de réponse...
Je prendrai deux exemples tirés du questionnaire budgétaire.
A la suite du contrôle de la Cour des comptes, nous avons interrogé Mme Guigou sur l'augmentation continue des crédits de la politique de communication du ministère : pas de réponse !
Nous l'avons interrogée sur la mission interministérielle de lutte contre la drogue, qui a fait l'objet d'un contrôle de M. du Luart : pas de réponse !
Cette situation est regrettable, car elle nous ôte toute possibilité de connaître ses arguments et de les commenter.
Mais j'en reviens au projet de budget : les dépenses indispensables toujours repoussées, les nouvelles demandes que générera certainement le retour du chômage, la hausse continue des minima sociaux, le taux de croissance qu'il faudra bien revoir à la baisse, tous ces éléments nous font craindre que l'avenir ne soit difficile.
Et, monsieur le ministre, nous pensons que cet avenir n'a pas été suffisamment préparé par votre gouvernement. En effet, quand tout va bien c'est qu'il faut préparer l'avenir en prévision de périodes plus difficiles. Mais je n'ai pas l'impression que le Gouvernement soit un adepte de La Fontaine...
On sait aussi - et ce n'est pas M. le président de la commission des finances qui dira le contraire - que, compte tenu de la situation générale des finances de la nation, il faut plus que jamais contrôler la dépense publique et veiller à son utilité : chaque franc dépensé doit être un franc efficace.
Priorité doit donc être donnée aux dépenses en faveur de ceux de nos compatriotes qui ont le plus besoin d'aide. Inutile de doter de moyens supplémentaires des administrations centrales déjà bien pourvues !
Mais, d'après l'expertise que nous avons pu conduire, il semble bien, monsieur le ministre, que le ministère de la santé et de la solidarité n'ait pas d'outils de gestion modernes.
La loi organique relative aux lois de finances adoptée sous l'impulsion, notamment, du président de notre commission des finances sera prochainement mise en oeuvre, mais votre ministère n'a pas encore, si nos renseignements sont exacts, commencé à étudier le sujet ! Vos services ne disposent pas des outils de gestion et de prévision performants qui leur seront nécessaires pour se préparer à cette nouvelle « constitution » financière, à laquelle vous devrez pourtant, comme les autres, vous soumettre.
J'en viens, monsieur le ministre, à des aspects plus techniques, que je souhaite aborder sous l'angle des objectifs recherchés, car la question est bien de savoir à quoi l'argent ponctionné aux Français doit être utilisé en matière de santé et de solidarité.
Vous le savez, monsieur le ministre, chaque jour dans notre pays, 1 000 personnes ou meurent du cancer ou apprennent qu'elles sont touchées par cette maladie. Le Gouvernement a-t-il fait de celle-ci une priorité nationale ? Tous les moyens que nous pourrions mettre en oeuvre sont-ils consacrés à la recherche et au dépistage ? Je crains que non !
Personne en effet ne saurait prétendre que, dans nos départements, les hôpitaux croulent sous les moyens en personnels ou les moyens financiers, techniques, immobiliers... Il n'est que de voir les nombreuses manifestations - et les rallonges budgétaires accordées en catastrophe qui leur font suite - pour en prendre conscience.
Quant aux médecins, ils ne bénéficient pas de conditions de travail et de rémunération en relation avec la difficulté de leurs études et le dévouement dont ils font preuve chaque jour. Je pense là tout particulièrement aux médecins généralistes, qu'ils exercent en ville ou en milieu rural.
Je veux insister tout particulièrement sur le thème de la solidarité, parce que je crois que l'on se trompe dans notre pays.
La solidarité, monsieur le ministre, consiste-t-elle à favoriser prioritairement certaines catégories sociales qui veulent prendre leur retraite avant les autres, ou encore à mobiliser des moyens financiers colossaux pour la réduction du temps de travail ? Ne devrait-elle pas plutôt être orientée vers ceux qui en ont vraiment besoin, vers les exclus de la société qui n'en bénéficient pas aujourd'hui ? Je pense évidemment aux handicapés qui attendent une place en établissement, et tout particulièrement aux handicapés qui vieillissent de plus en plus nombreux, et c'est heureux, mais dont les parents s'inquiètent pour l'avenir.
J'ai cependant le sentiment, monsieur le ministre, que ces priorités n'en sont pas pour les pouvoirs publics. Je constate sur le terrain, comme beaucoup d'élus locaux, que, s'il arrive que la situation d'une personne en difficulté s'améliore, c'est plus souvent grâce aux associations qui se dévouent mais qui, pour financer leur action, sont obligés de quêter sur la voie publique !
Tous les moyens mis en oeuvre ont, finalement, très peu contribué à apaiser la douleur, à renforcer la solidarité et la fraternité, et ils n'ont sûrement pas permis de combattre suffisamment la maladie.
Monsieur le ministre, si l'on veut privilégier les solidarités essentielles, il faudra changer complètement de politique. C'est pourquoi - et cela ne vous étonnera pas - la commission des finances propose le rejet des crédits de la santé et de la solidarité.
Puisque nous avons accepté de nous plier à la procédure expérimentale des questions-réponses pour rendre nos débats un peu plus vivants, je vais, monsieur le ministre, vous poser cinq questions qui se rattachent au corps de mon propos.
Premièrement, comment expliquez-vous que, malgré le recul du chômage et la croissance économique, les crédits finançant les minima sociaux ne cessent de progresser ?
Deuxièmement, pouvez-vous nous expliquer pourquoi les crédits du FIMHO ne sont pas employés en totalité et, dans le même temps, pourquoi il est aussi difficile de faire aboutir les dossiers relevant de ce fonds ?
Troisièmement - et c'est une question que j'ai déjà posée à Mme Guigou, mais qui est restée sans réponse - comment le protocole hospitalier de mars 2000 sera-t-il financé au cours de l'exercice 2002 ?
Quatrièmement, de la même façon, comment la prime de Noël, qui est une bonne mesure, sera-t-elle financée ?
J'en viens à ma cinquième question, que je vous pose en fait à la demande de notre collègue Michel Mercier.
Si le transfert d'une partie de la charge de l'APA aux départements a donné lieu à débat, le financement des 35 heures dans le secteur hospitalier public risque d'en faire autant, bien que les choses se passent de manière un peu plus discrète. Il semble en effet que, parmi les 45 000 emplois dont vous avez annoncé la création pour faire face à la réduction du temps de travail dans le secteur hospitalier public, une bonne part - de mémoire, environ 8 000 - devrait être prise indirectement en charge par les départements.
Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des éclaircissements sur cet autre transfert de charges ? (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé. Monsieur le rapporteur spécial, je vous remercie de la clarté de vos questions... et de vos critiques !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Cela permet un dialogue direct !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. En effet ! Je vais donc tenter de vous répondre directement !
S'agissant tout d'abord de la concomitance de la hausse des dépenses liées aux minima sociaux et de la réduction du chômage, je vous sais gré, monsieur le rapporteur spécial, d'avoir reconnu que, malgré un infléchissement de la courbe sur les six derniers mois, le nombre des demandeurs d'emploi était en recul depuis quelques années. Si je déplore comme vous l'augmentation persistante des dépenses consacrées aux minima sociaux, dont l'existence est nécessaire, celle-ci ne sera pas, à la différence de ce qui avait été constaté pour les précédents exercices, la cause principale de la progression des crédits du ministère de l'emploi et de la solidarité.
Cela étant, l'écart se creuse-t-il, dans notre pays, entre ceux qui sont à l'écart du progrès de la société et ceux qui bénéficient de cette évolution générale et y contribuent ? Je le crois, monsieur le rapporteur spécial, et cela peut donc expliquer la hausse des dépenses liées aux minima sociaux, qui connaît d'ailleurs un ralentissement. Ce dernier a permis au Gouvernement de dégager des marges de manoeuvre pour élaborer ou poursuivre l'application d'autres politiques, en particulier les programmes de santé publique, dont la dotation, vous l'avez souligné, progresse de près de 60 %.
En outre, le nombre des bénéficiaires du RMI a baissé en métropole depuis plus d'un an, comme cela avait d'ailleurs été relevé, me semble-t-il, lors du précédent débat budgétaire. La réduction de la dotation correspondante traduit cette évolution, alors même que sont pris en compte la prévision de revalorisation de l'allocation, la poursuite de l'alignement du montant du RMI servi dans les départements d'outre-mer sur celui qui est en vigueur en métropole et l'allongement de un à deux trimestres de la période de cumul autorisé du minimum avec les revenus d'activité, dans l'optique du programme de lutte contre les exclusions.
En ce qui concerne l'augmentation de l'allocation aux adultes handicapés, elle reflète notre souci commun de ces personnes, dont vous avez d'ailleurs abondamment parlé, monsieur le rapporteur spécial.
Des progrès sont certainement nécessaires dans la gestion et le contrôle des mécanismes d'attribution au sein des commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel, les COTOREP.
A cet égard, lors du débat à l'Assemblée nationale, nous avons annoncé un important processus de rénovation de ces commissions, qui prendra en compte plusieurs des recommandations figurant dans le rapport établi par la mission d'évaluation.
S'agissant toujours des minima sociaux, le financement de la couverture maladie universelle est-il une dépense excessive ou nécessaire ? A l'époque où nous avons décidé de créer la CMU, il existait des aides médicales dont le montant était variable et qui relevaient des collectivités locales, notamment des villes.
M. Jean Chérioux. Non, des départements !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Des départements, oui, mais des villes aussi. Permettez-moi de vous rappeler, monsieur Chérioux, que la carte santé était un dispositif mis en place par les villes.
M. Jean Chérioux. Non, il relevait des départements !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Par conséquent, l'instauration de la couverture maladie universelle, qui a bien entendu coûté très cher, au titre d'un autre budget, était-elle une bonne initiative ?
Je pense pour ma part que cette mesure représente un progrès. Le seul fait d'avoir été amené à la prendre démontre que certains de nos concitoyens éprouvent de grandes difficultés à accéder aux services de santé, tout n'étant d'ailleurs pas réglé à cet égard. Pourtant, nous disposions d'un système d'assurance-maladie que beaucoup nous enviaient ; mais cela n'était pas suffisant...
En effet, quand on commence, dans ce pays, à « dériver », à s'écarter du mouvement général de la société qui, je le crois tout de même, nous procure à tous davantage de bien-être, les conséquences sont très graves et le décalage avec le reste de la population s'accroît très vite. Ce constat explique l'effort que nous avons consenti.
M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. Monsieur le ministre, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Bernard Kouchner, ministre délégué Je vous en prie, monsieur le rapporteur spécial.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial, avec l'autorisation de M. le ministre.
M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. S'agissant de ce thème essentiel des minima sociaux, monsieur le ministre, je ne remets pas en cause, pour ma part, le fait que nous devions faire preuve de solidarité à l'égard de nos concitoyens les plus démunis : là n'est pas la question.
La question est de savoir pourquoi, en période de croissance et d'amélioration de la situation de l'emploi, les dépenses consacrées aux minima sociaux continuent d'être aussi élevées. Ce paradoxe est au coeur du débat budgétaire concernant le ministère de l'emploi et de la solidarité.
En effet, je crois que l'on ne s'attaque pas aux racines du mal. Que constate-t-on ? Lorsque des emplois sont créés, les personnes immédiatement « employables », comme on dit, sont embauchées...
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Oui !
M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. ... et celles qui se trouvent au bord de la route y restent. C'est ainsi que l'on dénombre simultanément 2,3 millions de chômeurs et 800 000 offres d'emploi non satisfaites.
Or il me semble qu'il serait préférable que les crédits très importants alloués à la solidarité soient utilisés pour s'attaquer aux racines du mal, c'est-à-dire redéployés en faveur de l'insertion par l'emploi et par la formation. Cela nous ramène presque à la discussion du précédent budget, mais ce point est à mon sens très important.
Cette question doit être posée, car dépenser autant d'argent sans réussir à réinsérer nos concitoyens les plus éloignés de l'emploi est désolant. Devons-nous nous contenter de leur distribuer des allocations, que ce soit au titre du RMI ou de la CMU ? Je voulais, monsieur le ministre, attirer votre attention sur le fait que nous devrions orienter notre action au profit de ceux qui en ont le plus besoin, en l'occurrence, s'agissant du domaine de l'emploi, ceux qui sont dépourvus de formation et complètement à l'écart de la société.
Nous devons concentrer les moyens sur cet objectif, car sinon le chômage cessera de régresser. Notre pays continuera de compter 2 millions de chômeurs « structurels », même si je n'aime pas ce terme, et, parallèlement, 1 million d'offres d'emploi non satisfaites. La tâche du ministère de la solidarité et de l'emploi est de parer à cette menace.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Je ne souhaite pas faire preuve d'esprit de contradiction à votre encontre, monsieur le rapporteur spécial, mais tous les gouvernements ont tenté d'appliquer la recette que vous préconisez, et aucun, jusqu'à présent, n'y est vraiment parvenu. J'ai l'impression de participer à un jeu de rôles, si vous me permettez cette image !
Il serait bien entendu préférable que nous puissions insérer tout le monde par le biais de l'emploi, mais ce n'est pas si simple ! Si cela l'était, nous l'aurions fait depuis longtemps !
En ce qui concerne les minima sociaux, j'ai évoqué la régression du nombre des bénéficiaires du RMI, mais j'aurais pu citer d'autres exemples d'une telle évolution. A cet égard, vous ne souhaitez pas, bien sûr, une diminution des dépenses liées à l'allocation aux adultes handicapés, même si la meilleure façon d'aider ces personnes serait, je suis bien d'accord avec vous sur ce point, de les insérer dans le monde du travail.
Sur ce plan, nous avons accompli des efforts considérables. Ainsi, nous avons assorti d'un suivi individuel le programme de recherche d'emploi de l'ANPE et nous avons accompagné pendant plus d'une année les publics concernés, en particulier les jeunes, dans cette recherche d'emploi personnalisée. Les résultats ont d'ailleurs suivi - vous le reconnaissez vous-même - puisque le nombre de chômeurs a baissé de manière très importante, mais, pour les cas les plus difficiles, nous ne sommes pas au bout de nos peines et vous le savez très bien, monsieur le rapporteur spécial !
Cependant, au cours de ces six derniers mois où la courbe du chômage s'est quelque peu redressée, les jeunes ont trouvé assez facilement des emplois, ce qui signifie que l'impulsion que nous avons donnée continue de produire ses effets. Je ne prétends pas que tout soit parfait, car il est certain qu'un chômage important subsiste dans notre pays, en dépit de nos efforts. Si nous établissons une comparaison avec d'autres pays à cet égard, nous pouvons estimer que les progrès sont réels, même s'ils demeurent encore insuffisants.
S'agissant maintenant du FIMHO, je rappelle, monsieur le rapporteur spécial, qu'il a pour objet de financer des projets d'établissements publics et privés sous dotation globale et de contribuer ainsi à l'adaptation de l'offre de soins en soutenant les opérations d'investissement qui s'inscrivent dans des objectifs régionaux d'amélioration, d'harmonisation et de modernisation de l'offre : rapprochement entre plusieurs établissements de santé, modernisation d'établissements qui s'engagent dans des activités diverses ou dans un processus de modifications structurelles concernant notamment la psychiatrie ou les urgences, y compris d'ailleurs dans le secteur privé.
Depuis trois ans, le FIMHO a ainsi permis d'engager 232 opérations de recomposition de l'offre hospitalière, qui ne sont pas toutes achevées, car des années de négociation sont parfois nécessaires pour trouver un accord entre les diverses spécialités.
Quoi qu'il en soit, les différents acteurs du système de santé soulignaient la nécessité d'une reprise de l'investissement en faveur du patrimoine hospitalier. Sur quatre ans, le montant des autorisations de programme affectées s'élèvera à 354 millions d'euros, soit 2 327 millions de francs, permettant de financer 280 opérations, ce qui n'est pas rien ! La part des crédits de paiement déjà délégués ne traduit aucunement la désuétude des opérations envisagées, qui sont d'ailleurs pilotées par les agences régionales de l'hospitalisation, les ARH. L'exécution des programmes est parfois un peu lente : en 1998, elle a été tributaire, d'une part, des délais de mise en oeuvre de la sélection des opérations, qui sont en voie de réduction pour 2002, et, d'autre part, des délais de préparation puis d'instruction des dossiers techniques.
Enfin, le champ d'intervention du FIMHO a été élargi, à la suite de la conclusion du protocole du 14 mars 2000, au financement des opérations internes d'investissement hospitalier, ce qui a empêché l'affectation des autorisations de programme avant la fin de l'année. Dans ces conditions, le délai d'affectation entraîne évidemment des répercussions sur le délai de délégation, donc sur l'engagement et le déroulement des travaux.
S'agissant du FIMHO 2000, le Gouvernement a décidé d'accélérer les notifications de programmes, qui seront connues des agences régionales avant la fin du premier trimestre de 2002. Ainsi, en ajoutant près de 100 millions d'euros à l'occasion du collectif de printemps de 2000 et en décidant, à la suite de l'adoption d'un amendement à l'Assemblée nationale en première lecture, d'augmenter encore de 152 millions d'euros les crédits, le Gouvernement manifeste clairement sa volonté de poursuivre la mise en oeuvre de cette politique en 2002.
A propos du protocole hospitalier et du FIMHO, je voudrais indiquer au passage que seulement deux manifestations se sont déroulées aujourd'hui devant mon ministère.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Seulement deux ? ( Sourires.)
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Vous me reprochez - en termes très mesurés, il est vrai, monsieur le rapporteur spécial, et je vous en remercie - à la fois de dépenser trop et de ne pas dépenser suffisamment. Il faudrait savoir !
M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. Je n'ai pas dit que vous ne dépensez pas suffisamment !
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la solidarité. Il faut dépenser mieux !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Si je le pouvais, je dépenserais beaucoup plus encore !
En ce qui concerne le plan cancer, j'y ai fait allusion hier à l'Institut Gustave-Roussy, à l'occasion d'une visite assez agitée. En effet, on peut proposer un plan cancer sans que cela satisfasse quiconque pour autant !
En outre, j'ai rencontré ce matin pour la première fois les spécialistes du cancer de la prostate.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Tournez-vous vers ces messieurs, monsieur le ministre ! ( Rires.)
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Je me suis également intéressé au cancer du sein et au cancer du col de l'utérus, madame Beaudeau, et j'en suis assez fier. Cependant, ce n'est bien sûr jamais assez.
S'agissant du cancer de la prostate, nous allons élaborer un plan, dont l'exécution sera coûteuse. J'ai décidé de prendre quand même cette initiative - j'ignore si ce sera en janvier ou en février - parce que c'est nécessaire. Mais comment financera-t-on ce plan ? Les chiffres de la mortalité due au cancer que vous avez avancés sont proches de la vérité, monsieur le rapporteur spécial. On compte 750 000 cancéreux en France et nous devons bien entendu lutter contre cette affection, c'est-à-dire mettre un plan en oeuvre, comme cela a été fait pour le cancer du sein sur l'ensemble du territoire et comme cela le sera, l'année prochaine, pour les cancers colorectaux, dans une dizaine de départements.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Je ne serai plus très long, monsieur le président, mais la question est d'importance. Dès que je commence à dire des choses intéressantes, on veut m'interrompre ! (Rires.)
De tels plans coûtent horriblement cher, mais le ministre grec de la santé m'a annoncé ce matin que le modèle français était adopté en Grèce, où seront mises en place des agences de santé et des agences régionales de l'hospitalisation, à l'imitation de la réforme que nous avons entreprise.
M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. C'est l'organisation mise en place par M. Juppé, cela !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. C'est une organisation que nous avons bien améliorée, sans l'avoir entièrement corrigée. Mais nous l'avons bien améliorée ! (Nouveaux rires.)
Ce matin, le ministre britannique Alan Milburn a demandé à la France d'admettre les malades en provenance de son pays, dont le voyage aller et retour sera désormais remboursé. Notre système de santé est formidable, même s'il ne sera jamais suffisant. Voilà quelques années, nous étions limités par la technique, en particulier dans le domaine du cancer. Si j'avais le temps, je vous raconterais l'histoire du cancer de la prostate, pour lequel les choses ont traîné pendant trois ou quatre années car on avait seulement une vision chirurgicale, qui était fausse, je crois.
Aujourd'hui, nous sommes limités non par la technique mais par les finances. Les dépenses de santé, qui ne se limitent pas seulement aux 722 millions de francs de l'assurance-maladie, s'élèvent à 1 000 milliards de francs par an. C'est beaucoup et ce n'est pas assez. Je veux bien que l'on harmonise. Cependant, je voudrais que les Français sachent que, à chaque fois, entre l'offre et la demande, il faut procéder à un ajustement. Il convient de pouvoir le faire presque automatiquement dès lors que - et nous le ferons en juin au cours d'un débat de santé publique - les lignes de santé publiques seront adoptées. Trois mois après, on parlera des finances. Peut-être alors pourrons-nous financer.
Pardonnez-moi de ne pas avoir répondu aux autres questions qui m'ont été posées.
M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis dans l'obligation d'essayer de faire respecter une règle du jeu qui avait été fixée pour assurer la fluidité du débat budgétaire. J'en suis conscient, cela représente des inconvénients et peut conduire notamment un ministre ou un rapporteur à interrompre son propos alors qu'il livre un certain nombre d'informations à notre assemblée.
Je m'efforce de faire la part des choses, sachant que, lors des treize réponses que vous pourrez encore apporter, monsieur le ministre, vous aurez l'occasion de fournir les compléments d'information que cet hémicycle attend.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Monsieur le président, vous faites très bien la part des choses.
Je veux remercier M. le ministre d'avoir accepté de participer à la discussion rénovée de ces fascicules budgétaires et je tiens à mon tour à le rassurer : le nombre de questions est tel qu'il pourra apporter des précisions supplémentaires sur les points qu'il a déjà évoqués.
Monsieur le ministre, vous vous prêtez de bonne grâce à ce débat et c'est donc très bien parti. Je tenais à le préciser pour l'ensemble des intervenants.
M. le président. Je note avec satisfaction les circonstances atténuantes que vous voulez bien accorder aux uns et aux autres, monsieur le président Lambert !
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Paul Blanc, rapporteur pour avis.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour la solidarité. Monsieur le ministre, nous avons en effet engagé un dialogue et nous souhaiterions tous, en particulier les membres de la commission des affaires sociales, qu'il se poursuive. Pour ma part, j'ai envie de vous poser des questions qui se rapportent directement à la santé mais que je n'avais pas prévu d'aborder dans mon propos. Ainsi, monsieur le ministre, la situation dans laquelle se trouve aujourd'hui l'imagerie médicale en France vous paraît-elle satisfaisante ?
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Non !
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Dans ce domaine, notre pays se classe en effet avant-dernier devant la Turquie. Je n'en dirai pas davantage car ce point sera sans doute évoqué par un certain nombre d'orateurs d'ici à la fin de la discussion.
Pour examiner les crédits relatifs à la solidarité pour 2002, la commission des affaires sociales a adopté la grille d'analyse que notre collègue Jean Chérioux avait utilisée depuis 1997. Je tiens d'ailleurs à le remercier très chaleureusement de m'avoir fait confiance pour poursuivre le chemin qu'il a tracé depuis cinq ans.
Face à l'immensité des besoins dans les domaines de la lutte contre les exclusions et de la solidarité envers les personnes âgées ou handicapées, la question est non pas de savoir si ce budget permet de dépenser plus, mais de contrôler si le ministère se donne les moyens de dépenser mieux.
Une fois de plus, la commission des affaires sociales a constaté que ce budget se caractérisait par un certain attentisme et ne répondait pas aux difficultés à venir. C'est pourquoi, je le dis très clairement, elle a émis un avis défavorable sur les crédits relatifs à la solidarité pour 2002.
Concernant le volet relatif à la lutte contre les exclusions, il est vrai que, cette année, une économie nette de 470 millions de francs a pu être réalisée sur le revenu minimum d'insertion - RMI - grâce à une conjoncture plus favorable qui a permis une baisse du chômage de longue durée, vous l'avez dit, monsieur le ministre. Toutefois, cette économie paraît encore fragile au regard des sommes globalement en jeu car le RMI représente au total une dépense de près de 46 milliards de francs. L'économie annoncée est d'autant plus incertaine que nous savons déjà que la prime de fin d'année, qui n'est pas inscrite dans ce budget, mais qui a pourtant été confirmée par le Premier ministre avant-hier, représentera près de 2 milliards de francs de dépenses nouvelles.
S'agissant de la couverture maladie universelle, on ne peut que s'étonner que le Gouvernement table sur une économie de 450 millions de francs en 2002 sur ce dispositif alors que, on le sait, la question de l'effet de seuil pour les personnes titulaires d'un minimum social, tel que le minimum vieillesse ou l'allocation aux adultes handicapés, qui dépasse d'à peine plus de cinquante francs le seuil pour obtenir la couverture complémentaire, n'est toujours pas résolue.
Enfin, les marges de manoeuvre qui sont apparues semblent minces au regard de l'explosion des besoins constatée depuis deux ans en matière d'hébergement d'urgence des personnes étrangères en situation précaire.
Nous avons pris acte que le Gouvernement tentait enfin de répondre à cette question en prévoyant le financement de places nouvelles en centres d'accueil et d'hébergement d'urgence pour demandeurs d'asile. Toutefois, on peut s'étonner que les sommes consacrées à ce poste soient près de cinq fois plus importantes que celles qui sont réservées aux centres d'hébergement et de réinsertion d'urgence traditionnels, qui sont pourtant confrontés au même problème, et donc à des risques de saturation depuis deux ans. Dernièrement, des reportages télévisés ont montré combien ces centres rencontrent des difficultés.
Ma première question est la suivante : dans la mesure où les personnes étrangères en situation précaire actuellement hébergées en CHRS - centre d'hébergement et de réinsertion sociale - n'iront pas, à l'évidence, rejoindre massivement les centres d'accueil spécifiques pour demandeurs d'asile, et ce pour des raisons pratiques ou juridiques, est-il envisagé en cours d'année de permettre des virements internes de crédits permettant de répondre aux besoins des CHRS à partir des sommes exclusivement réservées aux demandeurs d'asile ?
S'agissant de l'action relative aux personnes handicapées, nous avons pris acte de la poursuite du plan triennal d'action décidé en janvier 2000, qui vient conforter les crédits prévus au titre du plan précédent. Mais la mise en place de crédits supplémentaires, permise par une conjoncture favorable, fait l'impasse sur la question des dysfonctionnements des dispositifs actuels qui semblent avoir atteint leurs limites. L'augmentation continue du nombre de titulaires de l'allocation aux adultes handicapés est symptomatique des dysfonctionnements des COTOREP qui ont largement ouvert le bénéfice de l'allocation à des personnes considérées comme affectées d'un handicap social ou encore à des victimes de troubles psychiques mal déterminés.
Vous avez fait allusion, monsieur le ministre, au fonctionnement des COTOREP. Elles aggravent les incapacités individuelles en privilégiant l'assistance, au lieu d'inciter à l'autonomie et à l'intégration. Elles ne peuvent prendre que des décisions binaires sans pouvoir assurer des modulations entre les différentes catégories de prises en charge ou permettre des aller et retour entre les divers modes d'accueil en fonction des différents âges de la vie. Enfin, leurs décisions ne sont nullement coordonnées et les COTOREP sont dans l'incapacité d'intégrer les conséquences financières des décisions qu'elles prennent.
Les COTOREP devraient être articulées dans le cadre d'un réseau homogène, sous l'autorité d'une agence unique assurant un vrai rôle de coordination. Il s'agirait notamment d'assurer une meilleure adéquation entre les besoins des personnes handicapées à prendre en charge et les places disponibles dans les institutions sociales et médico-sociales qui connaissent des phénomènes de saturation. Ces phénomènes sont aggravés par des dysfonctionnements comme celui que j'ai constaté et qui a conduit à créer un centre d'aide par le travail pour adultes autistes dont toutes les places sont loin d'être occupées. Autorisation : vingt places, occupation : cinq places !
Ma deuxième question est la suivante : dans le cadre de la réforme de la loi d'orientation du 30 juin 1975 relative aux personnes handicapées, dont la préparation est annoncée - c'est la deuxième loi -, quelles sont les orientations du Gouvernement en matière de réforme des COTOREP ?
Monsieur le ministre, je pourrais vous citer bien d'autres exemples de dysfonctionnements de la COTOREP. Tout récemment encore, j'ai eu à en connaître un tout à fait gravissime que j'aurai peut-être l'occasion de vous exposer ici même.
Concernant toujours les personnes handicapées, l'une des clés de la réussite est de faciliter, pour ceux qui le peuvent, l'accès à la vie autonome. Pour cela, il est important que les personnes handicapées puissent accéder à des soins infirmiers à domicile. Outre le retard du projet de décret annoncé sur ce dossier, on ne peut que regretter, comme le font les associations de personnes handicapées, que les mesures envisagées ne prennent pas suffisamment en compte le droit à compensation que réclament les personnes handicapées.
De toute façon, la pénurie des infirmières exerçant à titre libéral, qui sera encore aggravée par les récentes mesures prises en matière de réduction du temps de travail dans le secteur hospitalier, rend très difficile la vie des personnes handicapées, en particulier en milieu rural. Au-delà de la mise en place des sites pour la vie autonome, les personnes handicapées ont besoin d'un accès plus facile à des soins infirmiers sur tout le territoire.
D'où ma troisième question : quelles mesures entendez-vous prendre pour développer les soins infirmiers à domicile en faveur des personnes handicapées et, surtout, quels moyens financiers et humains entendez-vous mettre en place pour que le nouveau décret ne soit pas une simple coquille vide ?
Enfin, s'agissant du secteur social et médico-social pris en charge notamment par les départements, tous les observateurs ont le sentiment que les années 2000 et 2001 vont marquer la fin d'un cycle de modération des dépenses, et notre collègue M. Joyandet y a fait allusion tout à l'heure. A partir de 2002, sous les effets conjugués de la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail et de la mise en place de l'allocation personnalisée d'autonomie, les départements devront faire face à de fortes augmentations de dépenses. Ces dépenses nouvelles ne sont pas contestables quand elles sont utiles. En revanche, il est regrettable que, par imprévoyance, le Gouvernement prenne le risque d'aggraver une situation déjà tendue. A cet égard, on ne peut que regretter que ne soit toujours pas publié le décret relatif aux heures d'équivalence dans les chambres de veille alors même que la jurisprudence de la Cour de cassation tend à mettre à la charge des établissements des dépenses lourdes sur une base rétroactive.
Les services extérieurs de la direction du travail ne font qu'aggraver les choses lorsque des directeurs d'établissement se voient dresser des procès-verbaux alors même qu'aucune mesure n'est prise sur le plan réglementaire pour clarifier la situation.
Dans ce contexte, la décision prise dans le projet de loi de modernisation sociale de majorer le taux de l'indemnité de précarité charge encore la barque, si vous me permettez cette expression, des établissements qui ont traditionnellement recours à de nombreux contrats à durée déterminée.
Enfin, les conditions dans lesquelles la réduction du temps de travail est mise en oeuvre dans le secteur hospitalier remettent en cause la perspective de la parité entre le médico-social et le secteur sanitaire, faisant courir le risque d'une remise en cause globale des accords qui avaient été conclus dans le secteur au cours de l'année 2000.
J'en viens à ma dernière question. Un amendement au projet de loi rénovant l'action sociale et médico-sociale offre une chance au Gouvernement d'ouvrir la voie d'un véritable dialogue sur les conditions dans lesquelles sont examinés les accords collectifs devant la commission nationale d'agrément. Le Gouvernement devrait désormais présenter des orientations sur les évolutions de masse salariale pour l'année en cours. Pouvez-vous nous assurer, monsieur le ministre, que vous donnerez des instructions pour que le rapport qui sera présenté devant la commission nationale ne soit pas simplement un effet d'affichage mais réponde aux souhaits de tous les intervenants du secteur de disposer d'un état des lieux très précis sur l'ensemble des dépenses salariales à venir dans le secteur social et médico-social ?
Je vous remercie des réponses que vous apporterez à ces différentes questions. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Barbier, rapporteur pour avis.
M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la santé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable sur les crédits de la santé pour 2002.
Cette position se fonde principalement sur quatre griefs, qui me donneront l'occasion de poser autant de questions.
Premier grief, le financement des formations médicales et paramédicales se caractérise cette année par un désengagement financier de l'Etat. Les crédits consacrés à cette formation diminuent ainsi de 40 millions d'euros, soit une baisse de 30 %.
En réalité, cette diminution apparente cache deux opérations de débudgétisation massive aux dépens, une nouvelle fois, de l'assurance-maladie.
Ainsi, à compter de 2002, les dépenses des écoles de formation relevant d'un établissement public de santé et les dépenses liées aux stages pratiques des résidents seront supportées par l'assurance-maladie, via la dotation globale hospitalière.
Ces deux transferts représentent, au total, 61 millions d'euros - soit 400 millions de francs - de dépenses nouvelles pour l'assurance-maladie.
Pratique, hélas !, récurrente, la débudgétisation atteint cette année un niveau sans précédent, puisqu'elle concerne plus du quart - 27 % - du montant de l'agrégat « offre de soins » en 2001.
J'aimerais, par conséquent, monsieur le ministre - et ce sera ma première question - que vous nous expliquiez les raisons qui justifient, à vos yeux, cette débudgétisation.
Le deuxième grief que je souhaite soulever a déjà été évoqué par M. le rapporteur spécial. Or, monsieur le ministre, vous avez apporté à sa question une réponse qui ne me paraît pas tout à fait claire. C'est pourquoi je reviens sur ce point : l'aide aux investissements hospitaliers relève, en 2002, de la gesticulation politique.
Les crédits de la santé ont aussi pour vocation de financer le fonds d'aide à l'adaptation des établissements hospitaliers, créé en 1998 et plus communément appelé fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux, ou FIMHO.
Ce fonds se caractérise par une faible utilisation de ses crédits. Voilà quelques minutes, vous nous avez expliqué qu'en 1998 il s'agissait d'obtenir des délais pour opérer une sélection entre les opérations, qu'en 1999 des raisons techniques d'affectation justifiaient la non-utilisation des fonds. Pour 2000, quelles sont ces raisons ? En effet, sur les 2 milliards de francs qui ont été ouverts sous forme d'autorisations de programme de 1998 à 2001, seuls 282 millions de francs ont été effectivement dépensés sur la même période, soit 14 % des crédits votés par le Parlement.
L'arrêté du 21 mai 2001 a annulé 50 millions de francs d'autorisation de programme et 25 millions de francs de crédits de paiement sur les crédits du FIMHO, témoignant, en quelque sorte, du « succès » rencontré par le fonds.
Il convient, dès lors, de ne pas se laisser abuser par l'affichage d'autorisations de programme très importantes qui, comme toutes les « autorisations de programme dormantes », risquent de devenir, à brève échéance, des « autorisations de programme annulées ».
Le projet de loi de finances 2002 inscrivait, au titre du FIMHO, 300 millions de francs, mais zéro franc pour les crédits de paiement. Confronté à la « grogne » d'une partie de sa majorité plurielle, qui menaçait de ne pas voter le projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement a été contraint de mobiliser en urgence des moyens supplémentaires pour les établissements hospitaliers. Se refusant à augmenter la dotation hospitalière incluse dans l'ONDAM 2002, il a été obligé de recourir à des expédients en mobilisant les différents fonds hospitaliers existants.
Le Gouvernement avait, à ce titre, promis 1 milliard de francs supplémentaire pour le FIMHO. En réalité, cette promesse s'est traduite par l'adoption, à l'Assemblée nationale, d'un amendement du Gouvernement majorant les autorisations de programme à ce titre de 1 milliard de francs et les crédits de paiement de seulement 100 millions de francs, soit 10 % seulement.
A l'évidence, le Gouvernement n'a pas les moyens de sa politique : il n'affiche que 198 millions d'euros, soit 1,3 milliard de francs - la somme paraît plus importante en francs (Sourires) - pour l'hôpital. Pourtant, chacun en convient, les besoins en investissements hospitaliers sont considérables, comme en témoignent les retards que connaît notre pays en matière d'imagerie médicale.
Ma deuxième question, monsieur le ministre, est donc simple : comment pouvez-vous expliquer, plus précisément que vous ne l'avez fait tout à l'heure, pourquoi le Gouvernement n'a inscrit, pour le FIMHO, que 100 millions de francs en crédits de paiement, alors qu'il affiche, parallèlement, 1,3 milliard de francs d'autorisations de programme ?
Troisième grief, les crédits nécessaires au remplacement des personnels hospitaliers semblent avoir été une nouvelle fois oubliés. Vous n'avez pas eu le temps de répondre à ce sujet à M. le rapporteur spécial. Peut-être le trouverez-vous tout à l'heure !
Le protocole signé le 14 mars 2000 prévoyait, au titre des années 2000, 2001 et 2002, des crédits à hauteur de 2 milliards de francs chaque année pour financer les remplacements de personnels hospitaliers. Si ces crédits ont bien été inscrits dans le collectif de juin 2000, rien de tel n'avait été prévu dans le projet de loi de finances pour 2001.
La somme nécessaire est donc finalement inscrite dans le projet de collectif pour 2001, qui vient d'être déposé au Parlement. Mais il sera trop tard pour la répartir en 2001. Or les personnels sont en place et les établissements doivent les payer, ce qui pose de graves problèmes de trésorerie aux gestionnaires hospitaliers.
En outre, persistant dans cette méthode, qui, du point de vue comptable, présente une certaine particularité, le Gouvernement n'a pas davantage inscrit dans ce projet de loi de finances les 2 milliards de francs dus au titre de l'année 2002. Une nouvelle fois, il faudra, en cours d'année, procéder par régularisation.
Donc, monsieur le ministre, ma troisième question est la suivante : pour quelle raison le Gouvernement a-t-il choisi de ne pas inscrire ces crédits en loi de finances initiale pour 2002 ?
Enfin, monsieur le ministre, dernier grief : le projet de budget consacré à la santé ne fait nullement mention du financement en 2002 du plan gouvernemental dit « Biotox ».
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Ah ! Il est arrivé !
M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis. Si 90 millions de francs sont bien inscrits dans le projet de collectif de 2001, qui vient d'être déposé au Parlement, aucun crédit n'était, jusqu'à ces dernières minutes, prévu dans le présent projet de loi de finances.
Le Gouvernement a, en réalité, choisi de faire supporter à l'assurance-maladie, qui sera déficitaire, rappelons-le, de près de 13 milliards de francs en 2002, l'essentiel de la charge financière liée au financement de ce plan. Il a ainsi fait adopter par l'Assemblée nationale un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 prévoyant, à hauteur de 1,3 milliard de francs en 2001, le versement d'une contribution de la caisse nationale de l'assurance-maladie des travailleurs salariés au budget de l'Etat.
La commission des affaires sociales, monsieur le ministre, a, à cette occasion, dénoncé la confusion de l'action publique, qui fait peser le poids de la lutte contre le bioterrorisme sur la sécurité sociale. Elle a considéré, pour sa part, que cette lutte constituait pour le Gouvernement l'occasion unique d'affirmer l'existence d'un véritable budget de la santé publique correspondant aux missions régaliennes de l'Etat et distinct de celui de l'assurance-maladie.
Je voudrais, par conséquent, que vous nous expliquiez, monsieur le ministre - c'est ma quatrième question -, pour quelle raison l'Etat a été incapable d'assurer la prise en charge de cette mission régalienne que constitue le financement d'un plan de lutte contre le bioterrorisme. Quelques crédits semblent devoir être inscrits en toute dernière minute, mais ils sont bien loin du 1,3 milliard de francs qui est mis à la charge de la Caisse nationale de l'assurance-maladie.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de bien vouloir répondre à ces quatre questions. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Je répondrai d'abord à M. Blanc sur les questions relatives aux minima sociaux et aux COTOREP.
La baisse du nombre des bénéficiaires du RMI a permis au Gouvernement non seulement de financer sans surcoût majeur l'amélioration du pouvoir d'achat de nos concitoyens les plus démunis en métropole, mais aussi d'aligner, comme je l'ai dit tout à l'heure, le montant du RMI dans les départements d'outre-mer sur les montants servis en métropole et de mettre enfin un terme à une inégalité majeure.
Ces revalorisations successives ont ainsi permis d'améliorer la situation des bénéficiaires du RMI sans toutefois créer de « désincitation » à la reprise d'un emploi, puisque le Gouvernement a revalorisé plus fortement le SMIC que les minima sociaux : 4,05 % en juillet 2001, contre 2,2 % pour le RMI.
Vous vous réjouissez d'avoir voté un revenu minimum d'activité, le RMA, tendant à faciliter l'insertion professionnelle des titulaires des minima sociaux au sein des entreprises. Tel n'est pas la position prise par le Gouvernement, qui a exprimé son avis très défavorable lors de l'examen de cette proposition de loi.
Enfin, concernant le financement de l'allocation de parent isolé, l'API, je constate que, depuis que cette allocation est financée par l'Etat, le Gouvernement a eu le souci constant de favoriser l'insertion des parents isolés dans la vie économique du pays.
Les mesures de cumul entre le revenu d'activité et certaines allocations, prises dès la fin de l'année 1998 en application de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, ont permis de lever les obstacles financiers à la reprise d'un emploi et ont, en effet, couvert les parents isolés au même titre que les bénéficiaires du RMI et de l'allocation de solidarité spécifique.
Les efforts du Gouvernement se sont ensuite poursuivis avec, d'une part, la création de l'aide à la reprise d'activité des femmes, annoncée lors d'une conférence de la famille en juin 2002, et, d'autre part, l'allongement de la période de cumul intégral d'un trimestre à deux trimestres entre l'allocation et le revenu issu de la reprise d'une activité, conformément aux engagements pris dans le programme de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale.
Concernant vos incertitudes sur les économies prévues au titre de la CMU, j'aurais voulu vous rassurer, mais je m'aperçois que vous n'avez pas posé de question précise sur ce sujet. Je passe donc aux COTOREP.
Plusieurs des recommandations contenues dans le rapport de la mission d'évaluation ont déjà été prises en compte. Des mesures de rénovation ont ainsi été annoncées, notamment le 25 janvier 2001 et lors du débat budgétaire à l'Assemblée nationale.
La définition d'une nouvelle architecture passe par le principe, qui sera prochainement soumis à la concertation des partenaires, de la fusion des deux sections des COTOREP, ainsi que, sur le plan national, par la mise en place d'un comité de pilotage des directeurs d'administration centrale et, sur le plan local, par le renforcement des liens entre les directions départementales des affaires sanitaires et sociales, les DDASS, et les équipes des directions départements du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, les DDTEFP - grâce à des équipes d'animation conjointes et à des conventions portant sur les moyens - et par le développement de contrats d'objectifs entre l'administration centrale et les services déconcentrés.
Pour faciliter le travail en réseau, plusieurs mesures sont prévues, notamment la création de postes de médecins coordonnateurs, et une circulaire sera publiée sur la fonction médicale précisant le rôle de chacun et la prise en compte de ses besoins dans l'élaboration d'un nouveau système d'information.
Concernant les personnels, diverses mesures sont prises - je pense aux actions de formation pour les personnels administratifs et médicaux - et les rémunérations des médecins ont été revalorisées.
Sur le plan des moyens, les efforts poursuivis pour doter les COTOREP d'une gestion électronique des documents devraient - et ne n'était pas un luxe ! - améliorer les conditions d'archivage.
Le plan de relogement et de réhabilitation des COTOREP, l'entretien et l'équipement des locaux seront poursuivis en 2002.
Ce processus de rénovation devrait également conduire à mieux articuler l'action de ces commissions avec les autres dispositifs concernant les personnes handicapées et les personnes âgées et avec les mesures pour l'emploi.
Il est vrai que nous avions songé à ériger les COTOREP en agences. Nous avons toutefois choisi, monsieur Blanc, d'explorer les possibilités d'une optimisation des ressources et des volontés qui existent au sein des services. Il nous paraissait préférable, en effet, de ne pas changer l'institution mais de rendre plus efficace la politique qui y est menée.
S'agissant de la prime de Noël pour les bénéficiaires du RMI, dont le principe a été décidé, le Gouvernement n'en a pas encore fixé les modalités ; nous sommes en train de les préparer. Je précise que la baisse des crédits affectés au RMI devrait permettre, une fois les comptes consolidés, de dégager des excédents au titre de la gestion de 2001.
J'en viens aux centres d'hébergement et de réadaptation sociale, les CHRS.
Je crois, monsieur le rapporteur, que l'heure n'est plus à faire des virements internes entre la commission d'accès aux documents administratifs, la CADA, et les CHRS. Il s'agit maintenant d'accroître les moyens affectés à ces deux types de centres. C'est ce que nous faisons avec la création de 2 000 places de CADA et de 500 places de CHRS. Je pense que le fonctionnement du dispositif d'accueil d'urgence en sera amélioré.
S'agissant du contentieux sur les équivalences d'heures effectuées en chambre de veille, je vous répondrai que les conditions juridiques de mise en oeuvre de ce dispositif ne sont pas encore réunies à ce jour.
Les dispositions conventionnelles comportent des dispositifs d'équivalence qui ne correspondent plus à la loi et que des tribunaux ont sanctionné en appel.
Aucun contentieux n'a complètement abouti à ce jour.
Toutefois, plusieurs associations condamnées sont aujourd'hui mises en demeure de payer au requérant les heures réalisées, les décisions de justice étant exécutoires.
En ce qui concerne la mise en conformité juridique du dispositif, un décret en cours de signature doit conforter les dispositions conventionnelles et tarir le contentieux.
En ce qui concerne les incidences financières des contentieux en cours pour les associations, nous ferons un examen au cas par cas. Cet examen est déjà engagé dans les services afin de remédier aux situations qui entraîneraient une mise en cause sérieuse du fonctionnement des organismes concernés.
Monsieur Blanc, le décret étendant le champ des compétences du service de soins infirmiers à domicile aux handicapés et permettant de moderniser le mode de fonctionnement par le passage à la dotation globale va sortir avant la fin de l'année ou au début de l'année prochaine.
Je pense que vous n'aurez pas à craindre que ce soit une coquille vide en raison de la pénurie d'infirmières.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Ah ça !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Je ne nie pas, bien entendu, qu'il existe une pénurie d'infirmiers dans un certain nombre d'endroits, mais le Gouvernement essaie d'y remédier. Cette année le nombre des infirmiers en formation atteint 26 436. C'est beaucoup plus que jamais !
Je suis convaincu que la réforme de l'ensemble du service de soins infirmiers à domicile en fera un instrument attractif, capable de mobiliser les professionnels et de répondre aux besoins des personnes âgées, désormais des personnes handicapées, dans de meilleures conditions.
Je vous rappelle qu'un plan de création de 4 000 places de service de soins infirmiers à domicile sur cinq ans a été adopté en 2001. Au demeurant, je ne peux tout de même pas inciter les infirmiers à choisir cette voie s'ils ne le souhaitent pas ! Il en va de même d'ailleurs, pour de nombreuses spécialités dans les professions médicales.
Vous m'avez interrogé sur le plan d'installation des IRM. Certes, notre pays n'en est pas suffisamment doté. Mais que voulez-vous que j'y fasse ? Que j'invente l'argent ? C'est ce que j'ai fait finalement, contraint et forcé, en ayant recours aux indices. Cette pratique n'avait jamais été mise en oeuvre. Comme vous le savez, en vertu d'une décision centralisée, je devais choisir, moi, le ministre, de façon très arbitraire entre les exigences, en général aussi importantes et aussi fondées les unes que les autres, de nos différents services.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. En général, il pleut là où c'est mouillé !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Oui, parfois, mais en fait c'est chacun son tour ; ce qui gomme les différences !
J'ai en main le plan des installations dans les différentes régions. Evidemment, je ne peux vous en donner connaissance dans le détail.
Certes, nous manquons de scanners, d'IRM et d'appareils de radiothérapie. J'ai chargé une commission de travailler sur le sujet. Avec elle, nous avons ouvert les indices. Les radiologues et échographistes que j'ai reçus hier, au sujet de l'affaire Perruche, ont exprimé leur satisfaction à propos de la manière dont nous travaillons.
Après avoir examiné les indices dont nous disposerons, nous déterminerons les appareils nécessaires selon les régions. Nous veillerons alors, évidemment, à ce qu'ils soient fournis.
Il ne faut pas oublier en outre que 141 appareils supplémentaires d'IRM ont été fournis en 2001, soit 50 % de plus que prévu, et que la plupart des pays européens ont moins d'un appareil pour 143 habitants, excepté l'Allemagne et la Finlande.
Une réflexion est menée à cet effet. J'espère que nous nous en tirerons à notre avantage.
Je ne nie pas une seconde que nous soyons sous-équipés. Cependant, j'ai constaté hier à Gustave-Roussy qu'un certain nombre d'équipements de pointe, de scanners couplés avec IRM, étaient en fonctionnement. Ce n'est pas mal, mais leur nombre est évidemment insuffisant par rapport aux besoins.
S'agissant des 2 milliards de francs attribués par le protocole hospitalier, vous avez raison de dire qu'ils ne figurent pas dans le projet de loi de finances ; ils seront inscrits dans le projet de loi de finances rectificative. Il est de bonne gestion, m'a-t-on dit, qu'une mesure temporaire étalée sur trois ans figure les trois années, en l'occurrence, dans les budgets 2000, 2001 et 2002.
MM. Alain Joyandet, rapporteur spécial, et Paul Blanc, rapporteur pour avis. Il ne figurent pas dans le projet de loi de finances pour 2002 !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Oui, mais ils figureront dans la loi de finances rectificative.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Pour 2001 !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Oui, c'est le budget 2001 qui sera appliqué en 2002. (Sourires.)
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. C'est de l'argent perçu en 2001 qui sera versé en 2002 !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Sur le plan Biotox, je ne partage pas du tout votre sentiment, monsieur le rapporteur. Vous dites que c'est du devoir régalien de l'Etat de doter le pays de ce dont il a besoin en la matière. Nous avons, en l'occurrence, besoin d'antibiotiques, comme nous avons besoin de vaccins, d'appareils de réanimation personnelle, etc.
Comme j'en ai fait la démonstration plusieurs fois, et je ne comprends pas que vous ne soyez pas d'accord, il s'agit de médicaments. S'ils ne sont pas utilisés en urgence, ce que j'espère bien entendu, ils seront employés pour leur usage habituel. Nous n'en avions pas suffisamment. C'est pourquoi nous avons décidé d'en commander pour près de 1 milliard de francs à deux firmes : Aventis-Pasteur et Bayer.
Nous avons fait en sorte que nos stocks soient à flux tendus, et que les médicaments concernés ne soient pas en voie de péremption.
Par conséquent, les médicaments seront utilisés quoi qu'il arrive.
Ces médicaments sont remboursés par l'assurance-maladie. Personne n'a protesté quand la plus importante a été soumise à l'assurance-maladie. S'agissant d'autres commandes, nous avons effectivement décidé qu'elles seraient à la charge de l'Etat.
La commande la plus importante concernait bien les fluoroquinolones, pour un milliard de francs. Si, comme je l'espère, nous n'utilisons pas tous ces médicaments à l'occasion d'une attaque bioterroriste, nous les utiliserons en temps voulu, de manière étalée, au cours des années.
Nous essayons d'opérer une mutualisation au sein de l'Europe. Nous avons même rencontré des Américains, des Canadiens, etc., pour discuter d'un projet de mutualisation de nos ressources qui pourraient être affectées à la lutte contre la menace terroriste.
Je ne vois donc pas ce que vous pouvez trouver à redire.
Quand, au début, on a fait des réserves, ce que nous avons d'ailleurs condamnés, vous n'avez pas protesté, monsieur Barbier. Ensuite, les médicaments ont été achetés en pharmacie et l'assurance-maladie a remboursé. Or, il s'agissait des mêmes médicaments, les fluoroquinolones. Qu'y a-t-il donc de nouveau ? Rien. Si nous n'en n'avons pas besoin, évidemment, j'en serai très content.
M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Barbier, rapporteur pour avis.
M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, il ne faut pas confondre les médicaments à caractère stratégique, qui seront éventuellement stockés dans les hôpitaux militaires ou ailleurs, et les médicaments qui seront à la charge de l'assurance-maladie.
En tout cas, il n'est pas raisonnable de laisser les assurés sociaux supporter cette charge.
Il s'agit de faire face à un danger stratégique pour notre pays, ce qui, effectivement, relève des obligations régaliennes de l'Etat. Autant il est judicieux de prévoir une éventuelle fabrication et un éventuel stockage de ces produits, autant il ne me semble pas normal d'obliger les assurés sociaux à les payer.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Paul Blanc, rapporteur pour avis.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Je souhaiterais très brièvement, monsieur le président, revenir sur deux points concernant les COTOREP.
Je pense que l'idée de l'agence serait une bonne solution. En tout cas, il ne me semble pas possible de pouvoir continuer ainsi. Il faut dépasser le pilotage à vue pour parvenir à une véritable coordination. Aujourd'hui, nous voyons trop de COTOREP fonctionner alternativement avec une présidence « travail » et une présidence « DASS ». Finalement, les uns et les autres se renvoient la balle.
Mon second point concerne le service de soins infirmiers à domicile et la pénurie d'infirmières. A ce propos, je m'attendais à ce que vous me répondiez que, depuis le temps, on aurait pu ouvrir davantage les portes des écoles d'infirmières.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. On les a ouvertes !
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Oui, mais depuis cette année seulement et, entre-temps, on a augmenté la durée de formation d'un an !
Je vous rappelle que gouverner, c'est prévoir. Or vous êtes au gouvernement depuis 1997. Il aurait fallu prévoir que l'on manquerait d'infirmières. Je regrette que les portes n'aient pas été ouvertes plus tôt et que, avec l'application des 35 heures chères à M. Chaboux, on aggrave encore la pénurie d'infirmières.
La question qui se pose aujourd'hui est celle des infirmiers à domicile et des infirmiers libéraux qui ne peuvent plus travailler parce qu'ils ont atteint leur quota. Ils se trouvent devant le dilemme suivant : ou continuer à prodiguer leurs soins gratuitement ou tout arrêter parce qu'ils ont atteint leur quota.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. S'agissant des quotas, d'abord, il n'y a pas un syndicat qui nous dise qu'il faut les relever.
Cela dit, je n'ignore pas que, dans certains endroits, parce qu'il faut bien répondre à la demande de soins, des dépassements se produisent. Mais cela ne concerne qu'une infime minorité : 5 %, 6 % ou 7 %. Evidemment, ceux-là sont dans l'embarras !
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Surtout en milieu rural !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Absolument !
Quoi qu'il en soit, il nous faut remédier à cette situation. Mais ce n'est pas simple ! Surtout quand les syndicats vous expliquent que 93 % des gens sont contents, qu'il n'y a pas de dépassement, et qu'ils vous prouvent qu'il faut faire je ne sais combien d'heures supplémentaires pour dépasser le quota journalier. C'est donc très compliqué !
Il reste que, en milieu rural, c'est vrai, il peut y avoir des soins qui ne sont pas assurés.
En revanche, monsieur Blanc, vous ne pouvez pas me dire que nous aurions pu ouvrir plus largement l'accès aux écoles et former des infirmiers plus tôt. Force m'est tout de même de vous rappeler que le gouvernement précédent a fermé les écoles d'infirmières, et que non seulement il n'a pas créé de nouveaux postes mais qu'il en a supprimé 200 !
Moi, en 1998, en arrivant au Gouvernement, j'ai obtenu 1 000 postes ; j'en avais demandé beaucoup plus, mais c'était déjà ça ! En 1999, j'en ai obtenu 1 200, et plus de 8 000 en 2000. Alors ne dites pas que nous n'avons rien prévu ! Certes, ce n'est pas assez, mais à chaque fois on m'a répondu que cela entraînait des dépenses supplémentaires.
Aujourd'hui, nous formons 26 436 infirmiers ! Les écoles sont pleines à 100 % ! On pourrait même en ouvrir d'autres !
Concernant les COTOREP, la fusion de deux secteurs, c'est-à-dire le reclassement professionnel et l'évaluation médico-sociale, permettra de commencer à opérer le début de coordination que, comme nous, vous appelez de vos voeux.
Par ailleurs, je ne suis pas du tout d'accord avec votre analyse concernant les fluoroquinolones. Si nous avions procédé autrement, les gens se seraient précipités dans les pharmacies pour acheter des fluoroquinolones avec une ordonnance délivrée par leur médecin habituel. Et qui aurait remboursé ? L'assurance-maladie ! C'est précisément ce que nous avons voulu éviter.
Qu'aurait-il fallu faire ? Fallait-il mettre cela au compte des dépenses militaires alors qu'on ne savait même pas s'il existait vraiment une menace toxique ? Et même si la menace avait été avérée, les personnes atteintes seraient allées à l'hôpital ! Est-ce qu'on aurait fait une comptabilité à part sous prétexte que les personnes avaient été contaminées par une certaine bactérie ? Allons donc ! On ne peut pas soutenir cette thèse ! Ce sont des malades, et ils sont pris en charge par l'hôpital, un point c'est tout ! Les autres dépenses sont prises en charge par le budget. Si nous n'avions pas prévu les inscriptions nécessaires, vous n'auriez pas manqué de nous le reprocher !
M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis. Nous sommes tous les deux médecins et nous savons bien que les médecins ne prescrivent pas comme ça ! Ils sont raisonnables !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Eh bien, pas tant que cela, figurez-vous ! La consommation des fluoroquinolones à l'automne 2000 était de 10 000 boîtes par semaine. Dès que les premiers cas aux Etats-Unis ont été connus, pendant deux semaines, on est passé brutalement à 100 000 boîtes par semaine ! Et il est évident que les médecins, sans doute sous la pression des patients, ont prescrit, ce que l'on ne peut d'ailleurs pas vraiment leur reprocher. En tout cas, il fallait bien faire quelque chose !
M. le président. Mes chers collègues, nous passons maintenant aux questions.
La parole est à M. Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que l'Organisation mondiale de la santé classe le système de santé français au premier rang, le Gouvernement réaffirme dans le budget pour 2002 la place majeure qu'il accorde à la politique de santé.
Les moyens des agences régionales de l'hospitalisation, les ARH, qui continuent d'être renforcés, illustrent le rôle prépondérant qu'elles exercent, au niveau régional, à la fois dans l'élaboration et dans la mise en oeuvre de la politique de santé ; ce sont les ARH qui se verront confier la gestion du programme de financement des équipements coûteux décidé par le Gouvernement pour combler le retard de la France en matière, notamment, d'IRM et de scanners.
L'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, l'ANAES, qui est engagée dans plus de 3 000 démarches d'accréditation voit son champ d'action élargi en termes de recommandations de bonnes pratiques.
Témoigne aussi de cette volonté politique forte l'annonce faite par le Gouvernement, lors du vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale, de moyens supplémentaires pour les hôpitaux et, en particulier, le milliard destiné au FIMHO, le fonds d'investissement et de modernisation des hôpitaux. Ce fonds permet, avec le fonds d'accompagnement social de modernisation, ou FASMO, de financer des opérations de recomposition hospitalière. Les critères d'atribution ont été élargis par la circulaire du 4 mai 2000, ce qui est effectivement nécessaire pour accélérer la modernisation des établissements hospitaliers. D'ailleurs, ce fonds est de plus en plus sollicité.
Toutes ces mesures et tous ces outils sont essentiels et efficaces, mais peut-être prennent-ils mal en compte la dimension territoriale de l'offre de soins. S'agissant du FIMHO, il peut paraître paradoxal qu'aucun texte ne semble prévoir de critères d'équilibre géographique dans l'allocation des subventions, alors que les inégalités territoriales sont importantes, en particulier en termes de démographie médicale.
En effet, plus que le nombre global de médecins - même si c'est là un problème réel -, c'est l'inégale répartition entre les territoires qui paraît le plus à craindre. La poursuite du plan d'augmentation des différents quotas d'étudiants, les subventions aux organismes de formation, les créations d'emplois dans la fonction publique hospitalière témoignent de l'effort entrepris par le Gouvernement en matière de renforcement des moyens.
Toutefois, ces mesures ne suffiront pas, je le crains, à résoudre les problèmes de certains territoires. En effet, la majorité des étudiants sont attirés par les mêmes spécialités et les mêmes territoires : l'héliotropisme et l'attraction de la capitale jouent aussi sur la démographie médicale.
Aujourd'hui, certains territoires doivent déjà faire face à une véritable crise sanitaire, crise qui risque de s'aggraver dans les années à venir. Le constat est unanime ; les départements ruraux, pour de mulitples raisons, n'attirent plus les jeunes médecins, aussi bien en cabinet qu'à l'hôpital, rendant par là même les conditions de travail des médecins y exerçant plus difficiles encore.
C'est le cas dans le département de la Manche, que je connais bien, ainsi que dans de nombreux départements situés au nord de la Loire. Dans la Manche, le nombre de médecins généralistes ne cesse de diminuer, et cette tendance s'accentue depuis une dizaine d'années. De 633 médecins généralistes en 1995, nous sommes passés à 425 en 2000, soit une densité en nette diminution, de 130 pour 100 000 habitants en 1995 à moins de 100 en 2000, alors que la moyenne nationale est de 170. De même, le vieillissement de la population médicale est plus important dans la Manche. Or la carence en médecins remplaçants et la non-reprise de cabinets médicaux sont deux phénomènes déjà très inquiétants.
La situation de certaines spécialités est également critique, en particulier en milieu hospitalier : la densité des médecins anesthésistes - réanimateurs n'est que de 11,7 pour 100 000 habitants en Basse-Normandie, et seulement de 9,4 pour 200 000 habitants dans le Cotentin, pour une moyenne nationale de 14,3 pour 100 000 habitants, avec des pics de 18,8 dans certaines régions « favorisées ».
Nous assistons, dans ce domaine si sensible pour le fonctionnement des hôpitaux, à une véritable paupérisation. Les centres hospitaliers concernés perdant toute attractivité du fait de conditions de travail dégradées et de gardes répétitives, bien souvent à la limite de la réglementation, ils sont contraints de faire appel à des vacataires, dont le coût, à certaines périodes de l'année, est prohibitif et générateur de dépenses supplémentaires pour la sécurité sociale. Sans parler du fonctionnement précaire et aléatoire que cela peut engendrer pour les opérations chirurgicales programmées ni du traitement inégalitaire entre vacataires et praticiens hospitaliers, les établissements étant dépendants des négociations sur les vacations, parfois dans des conditions qui pourraient leur attirer les foudres des chambres régionales des comptes.
Ce dysfonctionnement est malheureusement tout aussi réel pour d'autres spécialités telles que l'imagerie médicale et la gynécologie obstétrique.
Personne ici ne contestera que la politique de santé et l'aménagement du territoire doivent être liés ; l'égal accès pour tous à des soins de qualité est évidemment un aspect de l'égalité des territoires au sein de la République.
Dans ces conditions, ne serait-il pas opportun, monsieur le ministre, d'envisager la reconnaissance de zones prioritaires de santé ?
S'il n'est pas question de revenir sur le principe fondamental de la libre installation des médecins, ne serait-il pas envisageable d'instituer un système d'incitation forte, de discrimination positive en faveur de ces départements en crise et d'instaurer, à titre temporaire, un plafonnement au niveau actuel pour les régions sur-dotées ?
Les aides à l'installation en milieu rural ou en zone urbaine sensible pour les médecins et infirmières libérales décidées par le Gouvernement dans la loi de modernisation sociale sont des mesures qui vont dans le bon sens.
Mais il faut, je crois, créer des incitations permanentes, de manière à pousser les jeunes médecins, infirmiers ou infirmières à s'installer dans ces départements qui en ont cruellement besoin : avancement de carrière plus rapide en milieu hospitalier, financement de l'équipement à l'installation en cabinet, mesures fiscales permanentes. Je salue et je soutiens la politique dynamique et ambitieuse menée par votre ministère, mais je n'oublie pas que la situation, dans certains points de notre territoire, réclame des mesures plus fortes : c'est la santé des populations concernées qui en dépend. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Votre analyse recueille toute mon approbation, monsieur le sénateur.
Vous savez que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 a prévu une aide à l'installation pour les professionnels. Dès les prochaines semaines, dans huit régions, dont la Basse-Normandie, avec les ARH, les URCAM, les DRASS, les DDASS, etc., les professionnels de santé et les collectivités territoriales - ce qui est fait en Haute-Normandie, et donc dans la Manche, est un véritable modèle à cet égard - vont sélectionner les zones où peuvent être identifiées de réelles difficultés quant à l'accès aux soins et où le remplacement des professionnels s'avère difficile. C'est vrai, il y a des médecins qui partent et qui ne sont pas remplacés, même dans des cabinets de groupe.
Au ministère, pendant deux jours, nous allons conduire une réflexion sur la démographie médicale.
Deux rapports, l'un qui émane de la direction générale de la santé, l'autre qui a été établi par le professeur Nicolas, donnent à penser qu'il n'y a pas péril en la demeure, sauf dans certains points du territoire, tels ceux que vous avez évoqués, mais qu'à partir de 2015 ou 2002 la situation deviendra très grave.
Peut-on envisager une installation autoritaire ? Ce n'est pas dans les habitudes de notre pays, du moins en ce qui concerne les médecins, car, chez les enseignants - profession noble s'il en est ! -, on va là où on vous demande d'aller. Mais, c'est vrai, ce n'est pas le genre des médecins. Alors, que peut-on faire ? Nous avons proposé 10 000 euros à l'installation pour un praticien hospitalier dans une zone qui n'est pas réputée particulièrement attractive ; mais tout est affaire de goût ! Evidemment, si tout le monde veut s'installer à Nice... En plus de 10 000 euros, les praticiens gagneraient deux ans de carrière sur cinq ans. Est-ce que ce sera suffisant ? Je n'en sais rien. Si tel n'est pas le cas, nous irons plus loin.
Il faut bien reconnaître que, d'une manière générale, les professions pénibles ne sont plus choisies. C'est un changement de mentalité que je constate tous les jours, dans mon ministère, dans la rue, dans les hôpitaux partout !
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Les 35 heures !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Certes, de ce point de vue, cette mesure ne facilite pas la tâche.
Vous savez que l'internat a été organisé différemment. Désormais, tous les médecins généralistes seront internes pendant quatre ans.
Par ailleurs, nous avons mis en avant trois spécialités dans lesquelles nous manquons de praticiens : en anesthésie - réanimation, en obstétrique, en pédiatrie. Il a été question d'inclure les psychiatres. Or la France a deux fois plus de psychiatres que les pays environnants. Mais peut-être sont-ils particulièrement mal répartis, notamment au détriment du secteur public.
J'ai rencontré récemment des chirurgiens de Paris. La baisse des vocations est très importante dans leur discipline. Peut-on imposer le choix d'une telle spécialité ? Si une personne n'a pas la vocation, il est difficile... - voire dangereux ! - de la forcer à embrasser une carrière de chirurgien... En tout cas, c'est un problème que nous n'avons pas résolu. Mais nous avons le moyen d'y remédier. On fera choisir arbitrairement sur des listes de spécialités déficitaires. Encore faut-il le décider, ce qui n'est pas facile.
Concernant la médecine générale et les secteurs où manquent des praticiens, au sein du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, nous avons prévu une aide à l'installation ; il s'agit donc bien de discrimination positive. Nous ne connaissons pas encore le montant de cette aide. Nous allons en discuter. Nous nous inspirerons de l'exemple de la Manche.
M. le président. La parole est à M. Fortassin.
M. François Fortassin. Nous avons en France deux secteurs : d'une part, l'hospitalisation publique, d'autre part, le système privé. A priori , ces deux systèmes sont complémentaires. Mais, à y regarder de plus près, cette complémentarité n'est souvent qu'apparente. Je vais m'en expliquer très simplement.
Si vous souffrez d'une affection cardiaque ou d'un cancer, vous pourrez être soigné dans n'importe quelle région et dans n'importe quel établissement, qu'il relève du secteur public ou du secteur privé. En revanche, si vous êtes atteint d'une affection comme le sida, il faudra, comme on dit chez moi, vous « lever de bonne heure » pour trouver un établissement privé qui veuille bien vous soigner. Puisque les réactions sont très différentes, on ne peut pas tout mettre sur le même plan.
Monsieur le ministre, vous avez posé, au travers du FIMHO, un certain nombre de règles qui, globalement, vont dans le bon sens.
M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis. Des règles, mais pas d'argent !
M. François Fortassin. Vous avez aussi, par la signature d'un protocole, fait en sorte que les cliniques privées qui sont en difficulté ou qui ont de moins bonnes pratiques médicales ne sombrent pas dans l'oubli. Mais nous vous appelons, vous et vos services, à la vigilance. C'est quand même la première fois qu'en France, des actionnaires, en l'occurrence des patrons, incitent leurs salariés à faire grève !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Cela a surpris, en effet !
M. Guy Fischer. C'est louche ! (Sourires.)
M. François Fortassin, Je veux bien qu'on relève le niveau des rémunérations du secteur privé, notamment des infirmières et du personnel soignant, puisqu'ils sont nettement moins payés que dans le secteur public. Mais il faudrait quand même veiller très scrupuleusement à ce que les fonds qui seront dispensés ne servent pas à augmenter les salaires des médecins, tout au moins de ceux qui sont, à mes yeux, surpayés ou, pis encore, à faire les choux gras des actionnaires. C'est un élément d'une extrême importance.
Enfin, monsieur le ministre, s'il est normal que tous les élus et tous nos concitoyens se soucient de ne pas aggraver le déficit de la sécurité sociale, il est moins normal - pour moi, en tout cas - que les actes des médecins généralistes ne soient pas payés au niveau convenable, notamment dans les zones urbaines.
MM. Paul Blanc et Gilbert Barbier, rapporteurs pour avis. Très bien !
M. Guy Fischer. Il a raison ! Cela va tout juste passer à 121 francs !
M. François Fortassin. A l'évidence, il coûte plus cher à un médecin de s'installer dans des villes comme Paris, Lyon, Marseille ou Toulouse, ne serait-ce que du fait des loyers. De plus, en raison de la circulation, les visites leur prennent plus de temps que dans les zones rurales.
Loin de moi l'idée, en augmentant les honoraires des médecins, de favoriser ceux d'entre eux - ils sont très rares, mais il en existe encore - qui font de la médecine « d'abattage ». Ce point précis mériterait sans doute un contrôle. Car, à l'évidence, - du moins est-ce mon sentiment - si la médecine est libérale dans ses pratiques, elle ne saurait être totalement libérale dès lors que les honoraires dépendent des deniers publics.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Monsieur le sénateur, sur la première question, je comprends le sens de vos critiques. Le secteur public et le secteur privé complémentaires, différents, caractérisent le système de santé français que le monde entier envie.
D'un secteur à l'autre, les malades, vous l'avez dit très justement, ne sont pas les mêmes. Si certaines pathologies sont traitées de la même manière, on demande à l'hôpital public un effort considérable. On lui demande, par exemple, d'assurer les urgences en permanence. La tenue de ce service est bien difficile puisque les urgences sont maintenant l'un des succès, certes, mais un succès pervers de l'hôpital, qui répond en permanence, nuit et jour, à cette attente, en offrant assistance, plateau technique et prise en charge. Cela n'existe pas dans les cliniques.
Il y a bien d'autres exemples que vous auriez pu citer - que vous avez d'ailleurs cités - qui concernent les pathologies. Elles ne sont pas les mêmes. Pourtant, les cliniques assurent 60 % de l'activité chirurgicale de notre pays.
Telle est la situation. Il faut en tenir compte. D'ailleurs, entre nous - je le dis parce que nous sommes entre nous ! - lorsque les uns et les autres, quelle que soit la travée sur laquelle vous siégez, vous venez nous encourager à aider une clinique de votre circonscription, vous ne faites pas la différence ! C'est ainsi, c'est aussi un avantage de notre système.
Je reconnais qu'il est difficile de faire comprendre à l'étranger que le privé soit payé par le public. On me perçoit mal quand je dis que, en effet, le secteur est payé par les mêmes enveloppes, moins d'ailleurs en fonction des missions spécifiques de l'hôpital public qui fait notamment de l'enseignement et de la recherche. Nous nous dirigeons vers une tarification à la pathologie qui, je l'espère, remettra les choses un peu plus en équation.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Justement, où en est-on ?
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Franchement, ce n'est pas facile, c'est même très difficile, mais, enfin, nous y parviendrons.
Les critiques entendues sont, à mon avis, à la fois fondées et infondées. Que 60 % ou presque - en tout cas, 40 à 50 % de l'obstétrique par exemple - soient pris en charge par les cliniques privées, nous ne pouvons pas ne pas en tenir compte et laisser aller à vau-l'eau l'ensemble des cliniques qui nous rendent un service considérable et qui versent des salaires moindres que l'hôpital. Votre remarque, monsieur le sénateur, est très juste.
Le dispositif d'aide que nous avons mis en place récemment attribue 3,9 milliards de francs aux hôpitaux et 1,7 milliard de francs aux cliniques privées.
Mais rassurez-vous, cette aide aux cliniques est suivie par un observatoire tripartite - Etat, syndicats et patronat - notamment en ce qui concerne les salaires des infirmières et du personnel. La différence sur le salaire mensuel d'une infirmière était, en gros, de 3 000 francs. Le service public peut s'enorgueillir d'avoir réussi à payer ses infirmières à ce tarif, car elles font du travail. Mais il faut reconnaître que, dans le secteur privé, elles en font parfois plus encore.
M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Ce n'est pas le discours habituel, mais, moi, je connais la réalité. Donc, nous avons - et je crois que c'était sage - permis ce rattrapage.
Evidemment, c'est l'assurance-maladie qui finance. Pour 2002, elle finance l'hôpital public à hauteur de 284 milliards de francs et les cliniques privées - qui sont, je vous le signale, tout de même importantes dans notre pays - à hauteur de 46 milliards de francs. Mais il n'empêche que c'est elle qui finance, il n'y a aucun doute.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Tout le monde paye !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Il y a des dépassements, mais ce n'est pas l'assurance - maladie qui les prend en charge.
Nous avons veillé - vous vous en êtes inquiété - à ce que ce soit non pas les propriétaires des cliniques qui soient avantagés, mais le personnel.
Pour ce qui est des rémunérations des médecins généralistes, voulez-vous mon sentiment ? Vous avez raison...
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Ah !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Je l'ai dit très clairement à plusieurs reprises. Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité et moi-même avons saisi la commission de la nomenclature de l'assurance - maladie pour étudier comment - à quel niveau et dans quels délais - nous pourrions améliorer la tarification tant des visites que des consultations. Les tarifs n'ont pas été augmentés depuis quatre ans.
Je comprends leur demande, elle est légitime. Sans quoi, ils seront obligés de multiplier les actes au détriment de la santé publique et du portefeuille de cette dernière ! S'ils en arrivaient là, cela reviendrait pratiquement au même sur le plan financier, mais la qualité des soins dispensés risquerait de baisser.
Ce matin a eu lieu la dernière manifestation en date des médecins vacataires. Savez-vous combien touche un médecin vacataire ? Une « vacation » est devenue pratiquement un mot péjoratif ! Je tiens pourtant beaucoup à ce pont entre l'hôpital et la ville. Le médecin vacataire touche 130 francs ! Quand il consacre la matinée, ce n'est pas sérieux !
M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis. Trois heures et demie !
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Il touche quatre fois moins qu'un plombier !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Oui, ce n'est pas sérieux ! Je le sais à la fois comme médecin et comme ministre de la santé.
Mais savez-vous combien il en coûterait de les augmenter ? Quatre cents à cinq cents millions ! Pourtant, il va bien falloir le faire un jour, et au plus vite ! Ce sont les contradictions auxquelles nous sommes confrontés, sans parler de celles qui sont contenues dans le dossier des internes, lesquels n'ont pas très bien compris mes dernières propositions.
Il paraît qu'hier ils étaient 5 000 dans la rue. Je ne les ai pas comptés, mais ils étaient nombreux.
Alors que l'application de la directive européenne est prévue pour 2009, nous allons instaurer pour la première fois le repos de sécurité en faveur des anesthésistes - c'est moi qui l'ai créé, je ne suis pas suspect.
Et voilà que les internes demandent à en bénéficier. Il existe a une directive européenne - c'est parfait, me direz-vous. Le repos de sécurité, c'est soit onze heures après une garde, soit le jour suivant. Savez-vous combien cela représente en moyenne pour les internes ? Je dis « en moyenne », parce qu'il faut distinguer selon les spécialités, certains prennent beaucoup de gardes et d'autres moins. En moyenne, cinquante-cinq jours par an seront donc dégagés au titre du repos de sécurité, ce n'est quand même pas mal ! Evidemment, cela aura un coût parce qu'il faudra multiplier les postes d'internes. Je le conçois, c'est normal.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Et s'il n'y en a plus ?
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Aucun risque ! Je vous signale que le numerus clausus, que d'aucuns - pas vous - avaient baissé, est maintenant à 4 700 et j'espère le faire passer à 5 700 l'an prochain : nous en avons bien besoin. Cela signifie un petit effort financier.
Il faut distinguer selon les spécialités. Je comprends bien les internes qui prennent neuf gardes - je dis bien neuf, pas cinq, ni trois, ni même deux ! Dans des spécialités comme la réanimation, la chirurgie, l'obstétrique, c'est indispensable, sauf à compromettre la continuité des soins. Il faudra distinguer entre ceux-là et les autres, comme nous l'avons fait pour les personnels hospitaliers. C'est un effort considérable, nous le consentons progressivement.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Comme n'aurait pas manqué de le dire notre excellent collègue Alain Gournac, le projet de budget relatif aux personnes handicapées est décevant, surtout en raison des enjeux considérables que représente ce secteur. En effet, ce ne sont pas moins de 3 millions de personnes handicapées qui ont des besoins immenses en termes d'accueil, de prise en charge à domicile et d'aide pour la vie quotidienne. Je reconnais volontiers, monsieur le ministre, que l'enjeu est énorme.
Le Gouvernement a présenté cet été un plan d'action en faveur des personnes handicapées. C'est bien, mais cela demeure insuffisant si le budget ne se donne pas les moyens de mener une politique volontariste pour permettre une meilleure intégration. C'est surtout cet aspect - qualitatif et non plus quantitatif - qui est important.
Il importe aussi, parallèlement, de mener les réformes nécessaires pour remédier aux dysfonctionnements des dispositifs existants. Bien des dossiers demeurent en suspens. J'en exposerai quelques-uns brièvement.
Tout d'abord, en ce qui concerne les maisons d'accueil spécialisées, les MAS, il manque encore de nombreuses places, en particulier des places adaptées aux personnes atteintes de traumatismes crâniens ou de syndromes autistiques.
Autre sujet qui revient souvent : le problème posé par l'amendement Creton n'est toujours pas résolu. L'encombrement des établissements d'éducation spécialisée perdure toujours - et cela depuis des années -, au détriment des enfants handicapés qui ne peuvent accéder aux structures qui leur sont destinées.
Autre dossier en suspens, le traitement fiscal de l'épargne des parents d'enfants handicapés qui veulent anticiper les difficultés financières que risquent de connaître leurs enfants après leur disparition. Ainsi, la fiscalisation des produits d'assurance de rente de survie et d'épargne de survie apparaît tout à fait anormale. En dépit de la loi de financement de la sécurité sociale votée en 1998, qui a exonéré ces produits de toute fiscalisation, l'administration fiscale persiste à leur appliquer les prélèvements sociaux. Monsieur le ministre, intervenez auprès de votre collègue de Bercy !
Concernant une aide de vie autonome, là encore, des efforts doivent être accomplis, en particulier pour que les personnes handicapées ne rencontrent plus autant de difficultés pour trouver des infirmières.
Le décret pour l'extension du service des soins infirmiers à domicile aux personnes handicapées est toujours en attente. Pourriez-vous nous préciser quand il paraîtra, monsieur le secrétaire d'Etat ?
Telles sont les quelques questions, peu nombreuses, que je souhaitais vous poser, monsieur le secrétaire d'Etat. Ces questions portent surtout sur des dysfonctionnements. J'attends de vous que vous précisiez les mesures que vous entendez prendre pour y remédier.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire. Monsieur Chérioux, à la fin de l'année 1998, le nombre de jeunes adultes handicapés maintenus, en application de l'amendement Creton, dans les établissements d'éducation spécialisée, faute de places disponibles dans un établissement pour adultes, demeurait élevé malgré une légère décrue des effectifs enregistrée entre 1997 et 1998.
Au 31 décembre 1998, 3 920 jeunes adultes relevaient encore du dispositif, ce qui représentait une baisse de 2 % par rapport à 1997. Les dernières données recueillies auprès des DDASS, les directions départementales des affaires sanitaires et sociales, au mois de novembre 2002, font apparaître que 3 201 jeunes adultes bénéficient encore de ce dispositif. Sachez que ces données sont encore incomplètes et qu'elles mériteront d'être précisées par la suite.
Pour ce qui est de la rente-survie, je précise qu'il s'agit d'un contrat d'assurance permettant de verser une rente viagère à l'enfant handicapé de l'assuré après le décès de ce dernier. Ce dispositif avait connu des incertitudes voilà quelques années. Une table ronde, organisée sur l'initiative des pouvoirs publics entre les assureurs et les associations de personnes handicapées, avait permis d'aboutir à un moratoire satisfaisant.
Il n'y a donc plus lieu, comme le reconnaissent les associations, de nourrir des inquiétudes quant aux droits acquis par les bénéficiaires des rentes viagères.
Les parents d'enfants handicapés souscripteurs d'un contrat de rente-survie bénéficient d'avantages fiscaux et les bénéficiaires de la rente viagère n'ont pas à inclure cette rente dans les revenus pris en compte pour l'attribution d'allocations telles que l'AAH ou l'allocation logement.
Ces avantages accordés aux bénéficiaires de la rente-survie sont parfaitement logiques. Ils visent à ce que les efforts consentis par les parents pour, après leur décès, mettre leurs enfants à l'abri de difficultés matérielles et soudaines, ne soient pas annihilés par une réduction, à même hauteur, de l'effort de solidarité.
Il nous apparaît cependant difficile d'aller au-delà, au risque de créer des inégalités.
S'agissant des sites pour la vie autonome, autre sujet que vous avez évoqué, je vous indique, monsieur Chérioux, que le développement des moyens de compensation fonctionnelle du handicap est indispensable pour offrir aux personnes handicapées qui le souhaitent la possibilité de demeurer dans leur milieu de vie ordinaire, grâce à des aides techniques adaptées, des aides humaines, des aides animalières et des aménagements de logements.
Les pouvoirs publics ont soutenu le développement d'expérimentations en matière d'aide technique sur quatre sites dénommés « sites pour la vie autonome », dans l'Isère, dans le Morbihan, dans la Loire et dans la Saône-et-Loire.
Ces expérimentations ont montré la nécessité de disposer d'un lieu unique de traitement administratif et financier des demandes, d'une évaluation médico-sociale par une équipe pluridisciplinaire composée de médecins, d'ergothérapeutes, d'assistantes sociales et d'une coordination des interventions des multiples partenaires financiers.
Dans le cadre du plan triennal annoncé par le Premier ministre au conseil national consultatif des personnes handicapées, le 25 janvier 2000, il est prévu la généralisation progressive de ce dispositif à l'ensemble des départements d'ici à 2003. A cet effet, 200 millions de francs de mesures sont prévues. Quinze sites ont été créés en 2000, 28 sites ont été financés en 2001, et 27 nouveaux sites seront financés en 2002, ce qui couvre 70 départements.
Une circulaire du 19 juin 2001 a été adressée aux préfets afin de préciser le rôle de pilotage et d'animation du nouveau dispositif incombant aux DDASS et leur indiquant les principaux instruments de ce dispositif. Il est souhaitable que celui-ci s'incrive à terme dans un cadre réglementaire stabilisé, ce qui devrait permettre, d'une part, la réforme de la loi de 1975 relative aux institutions médico-sociales dont les travaux sont largement avancés aujourd'hui, notamment pour les équipes techniques d'évaluation, et, d'autre part, la réforme envisagée de la loi d'orientation en faveur des personnes handicapées, s'agissant par exemple des mécanismes de financement des solutions de compensation des incapacités.
Pour ce qui est de la question des infirmières, je dirai, et ce n'est pas une boutade, que Bernard Kouchner a largement développé le sujet de manière comparative et décrit à la fois la situation antérieure ainsi que les différents progrès qui ont été annoncés pour prendre en compte une évolution légitime dans le secteur public et dans le secteur privé.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Je voudrais intervenir très brièvement sur deux points.
D'abord, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'en est-il de l'insuffisance du nombre de places adaptées aux personnes atteintes de traumatismes crâniens ou du syndrome autistique ?
Ensuite, en ce qui concerne les rentes-survie, je n'ai pas très bien compris votre réponse.
Pour ma part, je considère qu'il est anormal que des prélèvements sociaux portent sur ces rentes ; or il apparaît que Bercy n'est pas de cet avis. J'ai par ailleurs cru comprendre que c'était pour éviter d'éventuelles inégalités que les prélèvements continuaient. Je me permets donc d'insister : ce n'est pas normal !
Il s'agirait en effet d'une inégalité, certes, mais en faveur de personnes souffrant d'un handicap très grave dans leur propre vie par rapport à leurs concitoyens. Le moins qu'on puisse dire, c'est que vous n'employez pas un bon argument.
M. le président. La parole est à M. Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, chaque année, la présentation du budget des affaires sociales me donne l'occasion de parler de la couverture sociale des 1 900 000 Français qui vivent à l'étranger.
Compte tenu de la nouvelle procédure, mon propos se limitera à la Caisse autonome de sécurité sociale des Français de l'étranger, que je préside. Mais je regrette de ne pas pouvoir vous entretenir des retraites, du chômage et des difficultés d'application des conventions entre la France et certains pays, notamment africains.
Depuis trente ans, la Caisse autonome de sécurité sociale des Français de l'étranger fonctionne d'une façon satisfaisante, puisqu'elle présente, une fois de plus cette année, un bilan positif.
Son originalité, vous la connaissez : il s'agit d'un système d'assurance volontaire destiné aux Français de l'étranger expatriés, et ce quel que soit leur statut, qu'ils soient salariés, non-salariés, retraités, mères de famille. Lorsqu'ils sont à l'étranger, tous les Français peuvent bénéficier d'une couverture de sécurité sociale de source française.
Au cours de l'année écoulée, à plusieurs reprises, j'ai eu l'occasion de vous entretenir de l'évolution de la Caisse des Français de l'étranger et des mesures qui sont applicables à cette dernière.
Il est clair que la loi de modernisation sociale, qui est en cours d'examen par le Parlement est, dans son article 8, entièrement consacrée à cette caisse de sécurité sociale. Je me réjouis, bien entendu, que le Parlement - Assemblée nationale et Sénat - ait voté conformes ces propositions consensuelles.
Je ne reviendrai pas sur les mesures nouvelles induites par cet article. Je me bornerai à citer la création d'une troisième catégorie bis de cotisants qui seront aidés par l'Etat pour le paiement de leurs cotisations maladie et l'allégement des cotisations maladie pour tous les jeunes Français de moins de trente-cinq ans ainsi que la suppression de toute rétroactivité pour ces mêmes personnes.
Cette diminution des cotisations permet à nombre de jeunes qui partent à l'étranger et qui n'ont aucune couverture sociale de source française d'adhérer à notre caisse.
Nous sommes aujourd'hui dans l'attente du vote définitif de ce texte. Nos compatriotes expatriés attendent avec impatience la mise en vigueur des nouvelles dispositions de cet article 8. Nous serons vigilants, vous l'imaginez, sur la date de parution des décrets d'application, d'autant plus que nous espérions que cette loi entrerait en vigueur plus tôt.
Un second sujet mérite également de retenir notre attention : la Caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger est une caisse d'assurance volontaire, non obligatoire, et, de ce fait, soumise à la concurrence. Son pilier, ce sont les grandes entreprises françaises qui envoient leurs salariés à l'étranger, qui adhèrent à la caisse et qui paient leurs cotisations en première catégorie. Or ce sont elles qui sont les plus soumises à la concurrence des assureurs privés, qui leur proposent des assurances au premier franc.
Nous voulons que ces entreprises continuent de cotiser à cette caisse de sécurité sociale, qu'a voulu le législateur, par la loi Bettencourt du 31 décembre 1976, d'abord, mais aussi par la loi Bérégovoy de 1984, donc toutes sensibilités politiques confondues. La Caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger doit pouvoir leur proposer un certain nombre d'aménagements. C'est le seul moyen pour elle de faire face aux assureurs privés.
J'insiste sur ce point, monsieur le secrétaire d'Etat : il faut que vous donniez des instructions à vos représentants au sein du conseil d'administration pour qu'ils réservent un accueil favorable à nos propositions.
Si nous n'obtenons pas ces assouplissements, si nos délais d'intervention sont trop longs, si nous ne sommes pas en mesure de faire face à la concurrence très vive des assurances privées, la Caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger n'aura plus le même niveau d'efficacité, le même impact vis-à-vis de nos concitoyens.
Soyons clairs, la Caisse des Français de l'étranger ne pourra survivre que si elle est en mesure de concurrencer de façon efficace ces assureurs privés dont je viens de vous entretenir et qui, eux, n'ont pas à convaincre une tutelle qui ne fait toujours pas la différence entre les caisses d'assurances obligatoires et les caisses d'assurances volontaires. C'est un régime extrêmement original, je l'avoue, mais les Français qui vivent à l'étranger l'apprécient.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, permettez-moi, avant de répondre à votre question, d'apporter une précision à M. Chérioux.
Monsieur Chérioux, une enveloppe supplémentaire de 20 millions d'euros affectée notamment aux autistes et aux traumatisés crâniens a été inscrite récemment dans la loi de financement de la sécurité sociale. Elle vient s'ajouter à la poursuite du plan quinquennal lancé en 1999 en matière de création de places et à l'enveloppe de 50 millions de francs déjà dévolue à l'autisme qui a été mise en oeuvre dans le cadre du plan triennal concernant ce secteur.
Cette précision étant apportée, j'en viens à la question qui était la vôtre à l'instant, monsieur Cantegrit, et qui concerne les dispositions de la loi de modernisation sociale en cours de discussion.
Je tiens à souligner l'intérêt que porte le Gouvernement aux Français de l'étranger, en particulier à leur protection sociale. L'article 8 de la loi de modernisation sociale, actuellement en troisième lecture, vise à permettre ou à faciliter l'accès à l'assurance maladie volontaire de la Caisse des Français de l'étranger à un nombre significatif de nos compatriotes qui ne disposent pas de revenus suffisants pour souscrire une assurance volontaire.
Par ailleurs, le projet de loi prévoit des mesures qui encourageront les jeunes expatriés à s'affilier à l'assurance volontaire maladie de la CFE dès le début de leur carrière.
Les dispositions de la loi de modernisation sociale s'appliqueront dès le 1er janvier 2002. Les textes réglementaires d'application ont d'ores et déjà été préparés mais, compte tenu des délais, le Conseil d'Etat ne pourra les examiner qu'à la mi-janvier. Le ministère des affaires étrangères prépare actuellement une circulaire qu'il adressera à tous les postes consulaires qui seront chargés d'examiner les demandes d'aide des Français expatriés.
S'agissant de l'assujettissement des pensions aux cotisations d'assurance maladie, l'assujettissement des pensions françaises perçues par les Français de l'étranger à la cotisation d'assurance maladie est légitime dans la mesure où cette cotisation revêt un caractère de solidarité.
Par ailleurs, je rappelle que le bénéfice d'une pension française ouvre droit pour ces compatriotes à la prise en charge, s'ils le souhaitent, de leurs soins en France selon les règles de droit commun. Tels sont les deux éléments dont je souhaitais vous faire part pour répondre à votre question.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous ne m'avez pas répondu sur le point précis que j'ai évoqué, à savoir la concurrence de la part d'assureurs privés à laquelle est soumise la Caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger, qui est une caisse d'assurance volontaire.
Monsieur le secrétaire d'Etat - j'attire aussi l'attention de M. Kouchner sur cette question -, j'aimerais que vous soyez mon interprète auprès de vos collaborateurs qui assistent - ce que nous apprécions - au conseil d'administration de la Caisse des Français de l'étranger que je préside. Le prochain aura lieu dans dix jours. La CFE est une caisse d'assurance volontaire, et non obligatoire, c'est-à-dire que les Français expatriés ont le choix d'y adhérer ou non pour conserver une couverture de la sécurité sociale française. Cette caisse étant soumise à la concurrence d'assureurs privés, à laquelle il nous faut faire face, nous devons obtenir un minimum de souplesse, monsieur le secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, afin d'avoir la même pugnacité et la même rapidité d'intervention que nos concurrents.
Monsieur le ministre, notre principal client, TotalFinaElf, vient de nous quitter, car un assureur privé a fait à ce groupe une proposition supérieure à celle de la Caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger. C'est ainsi que nous avons perdu plus de mille de nos compatriotes, qui ont quitté la CFE, et donc la sécurité sociale française.
Voilà pourquoi j'insistais sur la nécessité d'être en mesure de proposer certains aménagements, portant, par exemple, sur la modulation de cotisations, cela, bien sûr, avec prudence et sous votre contrôle, je le conçois.
M. le président. La parole est à Mme Demessine.
Mme Michelle Demessine. Ma question concerne la couverture maladie universelle.
Permettez-moi, monsieur le secrétaire d'Etat, de faire un bref rappel.
La loi du 27 juillet 1999, créant la couverture maladie universelle, compte parmi les réformes sociales majeures de cette législature.
Indiscutablement, l'accès aux soins d'environ cinq millions de personnes, jusque-là exclues du système de santé, a effectivement été rendu possible par l'affiliation immédiate et automatique à un régime de base de sécurité sociale et par la couverture complémentaire gratuite pour les plus démunis, garantissant la prise en charge à 100 % des dépenses de santé, ticket modérateur et forfait hospitalier compris, sans avoir à faire l'avance des frais.
De plus - il convient de le noter ici, tant les craintes de la majorité sénatoriale étaient grandes concernant l'accélération des « dérapages » des dépenses de santé - la CMU n'a pas eu d'impact démesuré sur les dépenses remboursées par le régime général.
Toutes les différentes études en témoignent, les associations humanitaires le soulignent, le bilan de la CMU est globalement positif. Pour autant, le dispositif n'est pas exempt de limites, voire de défauts, qu'il nous appartient de gommer pour donner tout son sens et toute sa portée au principe d'universalité.
Lors de l'examen de ce texte, dès juin 1999, un grand nombre de parlementaires de la majorité plurielle, et les parlementaires communistes en particulier, avaient déploré le caractère particulièrement injuste et pénalisant du plafond de ressources retenu initialement, à savoir 3 500 francs. Nous avions alors proposé de porter ce dernier au niveau du seuil de pauvreté tel qu'il est défini par les organismes internationaux - 3 800 francs - afin notamment d'intégrer dans le champ de la CMU les bénéficiaires de minima sociaux.
A défaut de voir cette demande entendue, nous avions alors argumenté en faveur de l'accès de plein droit à la CMU, c'est-à-dire sans condition de ressources pour les titulaires de l'allocation aux adultes handicapés et ceux du minimum vieillesse, à l'instar de ce qui était prévu pour les titulaires du RMI. Il nous avait alors été objecté l'argument de l'enveloppe budgétaire.
Dans le même temps, notre groupe avait proposé un dispositif de nature à lisser les effets de seuil et permettant à toutes les personnes dépassant cette barre fatidique d'accéder, à des tarifs préférentiels, à une couverture complémentaire.
Il est vrai que, depuis janvier 2001, le seuil a été porté à 3 600 francs. Toutefois, comme, dans le même temps, les minima sociaux ont été revalorisés, le problème des bénéficiaires de l'AAH, du minimum vieillesse, au regard de la CMU n'a pas pour autant été résolu.
De plus, la sortie du dispositif du million d'allocataires de l'ancienne aide médicale a été reportée au 31 décembre 2001. Dans le PLFSS de cette année, il a été acquis que les sortants du dispositif continueront durant un an à bénéficier de la dispense d'avance de frais.
Vous conviendrez, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'aujourd'hui la question de la « révision indispensable des conditions d'attribution de la CMU » demeure posée. J'emprunte là, d'ailleurs, l'intitulé d'une partie du rapport d'Odette Grzegrzulka, députée chargée du suivi de l'application de la loi, rapport qui est riche d'enseignement et dont je partage totalement les conclusions.
Monsieur le ministre, l'examen des crédits de votre ministère nous amène à nouveau à vous demander de rehausser le niveau du seuil de ressources de la CMU, afin de mettre définitivement un terme à l'exclusion de ce droit de certaines catégories de personnes, les personnes handicapées, notamment, et cela quelquefois pour une cinquantaine de francs. Nous renouvelons notre demande, car nous pensons que les marges de manoeuvre financières existent.
Je vous rappelle qu'initialement le nombre de bénéficiaires potentiels a été évalué à 6 millions de personnes, avec un financement assuré pour 9 milliards de francs. Or, en raison principalement des effets de la reprise économique, on recense actuellement 4,4 millions de bénéficiaires. Toutes les ressources du fonds de financement de la CMU pour l'année 2000 n'ont pas été consommées : 5,7 milliards de francs ont été dépensés sur les 8,3 milliards de francs qui étaient prévus.
Pour la deuxième année consécutive, la dotation de ce fonds enregistre une économie de l'ordre de 500 millions de francs. De plus, par arrêté du 14 novembre 2001, 521 millions de francs de crédits du chapitre 46-82 relatif à la CMU et à l'aide médicale ont été annulés.
Comment, dans ces conditions, comprendre que l'on ne puisse satisfaire aujourd'hui cette demande, qui n'a rien perdu de sa légitimité ?
Pourquoi proposer des demi-solutions aux 600 000 titulaires de l'AAH, qui n'ont droit à l'exonération du forfait hospitalier qu'à partir du deuxième mois d'hospitalisation ?
Outre l'ouverture du dispositif de la CMU aux bénéficiaires de minima sociaux, des solutions de nature à permettre à toutes les personnes dont les revenus dépassent le seuil d'accéder à une mutuelle sont, elles aussi, très attendues.
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité a annoncé que la concertation avec les organismes complémentaires en vue de mettre en place une aide à la mutualisation était bouclée. Pouvez-vous nous apporter des précisions quant au champ des personnes concernées, aux modalités de la délivrance de cette aide et à son montant ?
Il a été fait référence à la mobilisation pour 2002 de 700 millions de francs sur les crédits d'action sanitaire et sociale des caisses primaires d'assurance pour aider à l'acquisition des contrats de couverture complémentaire.
Afin que, sur l'ensemble du territoire, le droit ouvert soit le même pour tous, comment comptez-vous faire pour éviter toute disparité de traitement dans la gestion des enveloppes par chaque caisse ?
Enfin, vous avez, à juste titre, monsieur le ministre, mis l'accent sur le rôle des opérateurs de la couverture maladie complémentaire, les mutuelles notamment, dans le fonctionnement de la CMU. Un certain nombre d'entre elles nous ont fait part de résolutions adoptées par leurs assemblées générales, actant de leur volonté de se retirer du dispositif faute, pour les pouvoirs publics, de prendre en compte le coût réel moyen par « CMUiste ».
En conséquence, le Gouvernement est-il prêt à revoir très rapidement le montant de sa contribution au financement de la CMU pour le bon fonctionnement du dispositif ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. Madame la sénatrice, je vous remercie d'avoir rappelé, au début de votre intervention, que la CMU n'avait engendré aucun dérapage des dépenses, comme le craignait la majorité de votre assemblée.
Ce budget est fondé sur l'hypothèse d'une stabilisation du nombre de bénéficiaires de la CMU au cours de l'année 2002 à environ 4,8 millions de personnes.
Il est vrai que le problème principal, parfois vécu douloureusement, auquel nous confronte le fonctionnement de la CMU, est celui de l'effet de seuil entraîné par le plafond de ressources.
Deux solutions sont possibles.
La première consisterait à relever ce plafond, mais elle aurait pour effet de déplacer ce problème et ne le ferait nullement disparaître.
Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité a engagé une concertation avec la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés et les organismes dispensateurs de couvertures maladie complémentaires afin d'élaborer un nouveau dispositif permettant de réduire le coût d'acquisition d'un contrat de couverture maladie complémentaire par les personnes dont les ressources sont à peine supérieures au plafond de la CMU.
Le dispositif proposé présente les caractéristiques suivantes.
Il profitera à titre pérenne à toutes les personnes, relevant du régime général de la sécurité sociale, dont les ressources n'excèdent pas de plus de 10 % le plafond de ressources de la CMU. Pour les personnes isolées, cela correspondra à des ressources comprises entre 3 600 et 3 960 francs par mois. Il sera financé au moyen des crédits d'action sanitaire et sociale des caisses primaires d'assurance maladie.
L'aide versée par les caisses primaires d'assurance maladie sera utilisée par les bénéficiaires pour acquérir un contrat assurant une couverture maladie complémentaire équivalente à celle qui est procurée par la CMU. Les bénéficiaires de ces contrats seront dispensés de l'avance des frais. Le montant de l'aide s'établira, en moyenne, à 750 francs par an pour une personne seule, soit la moitié environ du coût d'un contrat « équivalent-CMU ».
Des négociations à l'échelon local entre les caisses primaires et les organismes complémentaires détermineront les tarifs auxquels ces contrats devront être offerts.
Ce nouveau dispositif ne fera pas obstacle au développement de partenariats locaux en matière d'accès aux soins des personnes démunies, élargis notamment aux conseils généraux.
Ces dispositions seront prochainement mises en oeuvre par voie d'avenant à la convention d'objectifs et de gestion de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés.
Je considère donc que les conditions sont à présent réunies pour que les personnes dont les ressources sont à peine supérieures au plafond de la CMU, et parmi elles celles dont le droit à la CMU s'éteindra au début 2002, puissent conserver une couverture maladie de bonne qualité. Ce nouveau dispositif constituera un complément très utile à cette grande réforme sociale qu'est la CMU.
S'agissant de la situation des bénéficiaires de l'AAH au regard du droit à la CMU, il faut se replacer dans le contexte.
Les titulaires de l'AAH n'ont pas vocation à bénéficier de la CMU et le mode d'attribution directe de cette allocation au regard d'un handicap ne doit pas télescoper le mode d'attribution de la CMU sous condition de ressources. Le code de la sécurité sociale prévoit leur affiliation au régime général sans participation contributive.
Pour bénéficier de la CMU complémentaire, une personne seule doit disposer de ressources inférieures au montant mensuel nécessaire pour bénéficier de la CMU. Or le montant de l'AAH est légèrement supérieur. Mais une partie des titulaires isolés de l'allocation était précédemment bénéficiaire de l'aide médicale. Ils ont vu, à ce titre, leurs droits prolongés jusqu'au 31 décembre 2001 si leurs ressources annuelles sont inférieures à 7 317 EUR, soit environ 48 000 F.
Par ailleurs, le ministère a veillé à ce que les ressources des personnes hospitalisées ou placées dans une maison d'accueil spécialisée soient désormais appréciées selon des conditions plus favorables. Ainsi, certaines personnes qui effectuent un long séjour en établissement hospitalier pourront remplir la condition de ressources pour l'accès à la CMU. Ce sont les termes de la lettre qui a été adressée en juillet 2001 à l'ensemble des partenaires de la CNAMTS et à la CNAF. Une décision générale tendant à ouvrir l'accès à la CMU à tous les titulaires de l'AAH du seul fait qu'ils en sont titulaires ne va pas de soi, parce qu'elle créerait des disparités par rapport à d'autres types d'allocataires et par rapport aux références de ressources qui ont une vocation générale ou universelle, et non pas liée spécifiquement à l'AAH.
M. le président. La parole est à Mme San Vicente.
Mme Michèle San Vicente. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la qualité et la constance de la politique conduite par le Gouvernement en faveur des personnes handicapées méritent d'être soulignées à bien des égards.
En premier lieu, cette politique s'accompagne des moyens à la hauteur de ses ambitions. Il suffit d'ailleurs, pour s'en convaincre, de citer quelques chiffres : le montant des crédits consacrés aux personnes souffrant d'un handicap par le budget de la solidarité s'élève, pour 2002, à 38 milliards de francs, soit une progression de 5,8 %. Si l'on y ajoute les autres crédits budgétaires et ceux de l'assurance-maladie, au total, toutes institutions publiques confondues, la solidarité nationale y consacre environ 90 milliards de francs, sous diverses formes.
En deuxième lieu, il s'agit d'une politique s'inscrivant sur la durée et qui n'a eu de cesse d'être amplifiée et améliorée en fonction des besoins et des enjeux. La mise en oeuvre des deux plans pluriannuels en est, à cet égard, une parfaite illustration.
Enfin, et peut-être surtout, il s'agit d'une politique cohérente et novatrice. Elle est novatrice car elle est pensée non plus seulement en termes de protection d'une minorité, mais en termes d'intégration des personnes handicapées dans une société qui doit être destinée à tout le monde et planifiée pour tous.
Afin de favoriser l'autonomie et les perspectives d'insertion des personnes handicapées dans la vie ordinaire, plusieurs mesures de fond ont été mises en place et des moyens nouveaux ont été développés, conformément au plan triennal de janvier 2000.
Sans être exhaustif, on pourrait citer le plan « handiscol » en faveur de l'intégration scolaire des enfants et adolescents handicapés ; l'extension progressive des « sites pour la vie autonome », en vue de la compensation fonctionnelle du handicap ; le développement des services auxiliaires de vie qui jouent un rôle primordial dans le maintien à domicile.
Je souhaite insister sur les mesures en faveur de l'insertion professionnelle et du maintien de l'emploi.
Le 9 octobre dernier a été signé un protocole sur l'emploi des travailleurs handicapés dans la fonction publique de l'Etat, qui prévoit notamment des sanctions financières et en termes de postes en cas de non-respect d'un taux d'emploi de 6 % de travailleurs handicapés d'ici à trois ans. C'est une très bonne chose.
En outre, le budget « solidarité » prévoit pour les personnes handicapées bénéficiant de l'allocation aux adultes handicapés, l'AAH, une attribution plus juste de cette allocation par la suppression de l'évaluation forfaitaire des ressources afin de ne plus pénaliser les salariés qui exercent une activité professionnelle réduite. Il prévoit aussi le renforcement des commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel et la création de places supplémentaires dans les centres d'aides par le travail.
Nous ne pouvons que nous en réjouir. Mais vous savez bien, monsieur le secrétaire d'Etat, que le handicap a de multiples facettes et que les délais d'attente sont très longs dans ces centres.
Pourquoi une collectivité locale ne peut-elle recruter en contrat emploi-solidarité des personnels de catégorie B dont le handicap peut être réversible ?
Pourtant, monsieur le secrétaire d'Etat, le cumul des revenus serait appréciable pour les bénéficiaires, quand on sait que le montant maximum de l'AAH est de 557,12 euros, soit 3 654,50 francs.
Le fait d'occuper un emploi salarié relevant du milieu ordinaire du travail ne peut que contribuer à la réinsertion professionnelle. C'est le principe même du droit des personnes handicapées de bénéficier d'une citoyenneté réelle qui est ainsi posé ! (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. Je serai bref, mais il s'agit d'un sujet important. Des progrès ont été enregistrés dans ce domaine. Il est vrai que la société française a du mal à se mobiliser. On le constate quelques années après la création de l'Association pour la gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés, l'AGEFIPH et on peut le déplorer. Il faut effectivement remédier à cette situation.
S'agissant de la création des places, la semaine dernière encore, j'ai moi-même été saluer la transformation d'un atelier protégé en SCOP, société coopérative ouvrière de production. Comme vous pouvez le constater, les deux sujets se rejoignent.
La question que vous posez mérite effectivement une étude. Je n'ai pas de réponse complète à vous apporter ! Vous aurez compris que, parfois, la conjugaison du statut d'insertion et de l'allocation entraîne le dépassement du plafond fixé. A ce moment-là, on retombe dans une espèce de situation complètement kafkaïenne. De ce point de vue, il nous faut sans doute faire évoluer les choses. Je transmettrai le message de manière que puissent être évités les désagréments causés par certains dispositifs cumulatifs.
M. le président. La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc. Dans un élan de galanterie tout naturel, j'ai laissé notre collègue Mme Demessine évoquer certains problèmes liés à des distorsions dans le dispositif de la CMU eu égard à l'effet de seuil et à la CMU complémentaire. Je serai donc assez bref.
Ma question porte également sur la CMU et sur le bilan qui pourrait être dressé trois ans après son adoption.
Récemment, Mme Guigou a demandé, me semble-t-il, une étude sur le coût réel de la CMU. N'aurait-il pas été plus utile d'engager une réflexion complète sur ce dispositif, notamment pour mettre fin à certains aspects inégalitaires, en particulier l'effet de seuil - M. Paul Blanc l'a également souligné - tout à fait pervers.
Nous étions hostiles à l'instauration d'un plafond de ressources non dégressif et nous avions raison puisque, mardi dernier, à l'Assemblée nationale, Mme Guigou a annoncé que vous envisagiez, dès l'année prochaine, de mettre en place un nouveau dispositif autorisant le relèvement de 10 % du seuil des ressources mensuelles ouvrant droit à l'équivalent de la CMU complémentaire. On ne peut que s'en réjouir, tout en constatant que vous avez attendu bien longtemps pour réagir.
Malgré cela, vous n'avez pas réglé le problème essentiel du coût de la CMU. En effet, nombreuses sont les mutuelles qui, à l'heure actuelle, ne veulent plus ou plutôt ne peuvent plus assurer la CMU pour 1 500 francs.
Pour étayer mon propos, permettez-moi de prendre comme exemple la situation de la mutuelle nationale des personnes handicapées, Intégrance. Cette dernière nous a fait savoir qu'elle était contrainte de suspendre sa participation au dispositif CMU, ce pour des raisons bien simples.
Son équilibre financier est, à l'heure actuelle, compromis par le déficit qu'elle doit supporter face à l'insuffisance de l'aide de l'Etat pour couvrir le coût réel de la consommation moyenne des bénéficiaires de la CMU. Il s'agit d'un problème que ne connaissent pas, je le rappelle au passage, les caisses primaires d'assurance maladie qui sont remboursées au franc le franc et ne contribuent pas à l'abondement du fonds réservé à la CMU.
Or, cette mutuelle refuse, par souci de justice, de faire supporter plus longtemps ce déficit par ses adhérents, composés à 74 % de personnes handicapées et de familles aux revenus parfois modestes, qui, en contrepartie de leur cotisation à la mutuelle, ont droit, pour un grand nombre d'entre elles, à un panier de soins inférieur à celui des bénéficiaires de la CMU.
Malheureusement, cet exemple n'est pas un cas isolé.
En réalité, l'ensemble des mutuelles souhaitent non seulement que ce forfait soit réévalué, mais également qu'il soit mis un terme à cette distorsion de concurrence entre organismes complémentaires, distorsion qui résulte, je le rappelle, de la coexistence de deux systèmes : l'un contenu dans une enveloppe fermée, l'autre figurent dans une enveloppe non limitée.
Je souhaite profiter de la présence de M. Kouchner dans l'hémicycle pour évoquer la situation des internes en pharmacie et en médecine.
Monsieur le ministre, vous avez reçu, ces derniers jours, des internes en médecine. Je ne voudrais pas que l'on caricature leur démarche. Je fais allusion non pas à vous, monsieur le ministre, mais à la presse, qui a écrit : « Les 35 heures : les internes veulent leur part du gâteau. » Sincèrement, ce n'est pas possible !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé. Je n'écris pas les articles !
M. Dominique Leclerc. Ce que veulent les internes, vous le savez, c'est le respect du décret de janvier 2000, qui découle d'une directive européenne de 1993. Or vous leur proposez d'instaurer le repos de sécurité en le finançant aux dépens de leurs jours de congés.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Pas du tout !
M. Dominique Leclerc. Mais si ! Ce qu'ils veulent, c'est la comptabilisation des gardes dans leur temps de travail.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. C'est fait !
M. Dominique Leclerc. Non, vous l'avez avoué vous-même ! Chacun sait quelle place essentielle tiennent aujourd'hui les internes dans le dispositif hospitalier.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Arrêtez !
M. Dominique Leclerc, leur statut n'est pas celui d'étudiants en formation ! Monsieur le ministre, compte tenu des propos qui sont tenus dans cet hémicycle par nos collègues qui soutiennent l'action de votre gouvernement s'agissant des 35 heures, vous ne pouvez pas continuer à cautionner de telles injustices et de telles tensions ! En outre, vous les accentuez.
On connaît tous les difficultés que vous rencontrez avec vos fonctionnaires pour amener les uns et les autres à approcher les 1 600 heures. Vous savez quelle est la vie quotidienne des internes. La distorsion est tellement grande ! Ils vivent au sein de la société : ils ne sont ni sourds ni aveugles ! Ce sont les disparités dans la société qui sont créatrices de bien des conflits actuels.
C'est la raison pour laquelle nous ne devons pas caricaturer la démarche des internes. Eux aussi ont droit à une vie familiale ! Ils ne peuvent plus assurer autant de gardes si les repos compensateurs sont pris sur les congés auxquels ils ont droit.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Ils ne sont pas pris sur les congés !
M. Dominique Leclerc. Telle est leur demande ! En outre, ils veulent aussi pouvoir se former et assurer des soins sécurisés.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. Ma réponse sera brève en ce qui concerne la CMU.
S'agissant tout d'abord de l'effet de seuil, l'aménagement concerne toutes les personnes qui dépassent le seuil de 10 %, de manière qu'elles puissent accéder à la couverture complémentaire. L'aide s'élèvera à 750 francs en moyenne pour une personne seule et elle sera modulée selon l'âge et la composition de la famille.
Par ailleurs, une étude demandée au directeur du fonds de la CMU et relative à l'évaluation du forfait de 1 500 francs que les organismes complémentaires déduisent de leurs contributions est en cours. Elle devrait permettre éventuellement d'ajuster ce forfait aux dépenses maladie engagées par les bénéficiaires. Nous en tiendrons compte dès que nous aurons les résultats définitifs.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Monsieur Leclerc, pas vous ! Vous avez lu la presse, vous en avez le droit ! Moi aussi, je l'ai lue : elle caricature la position du Gouvernement. Jamais, vous pouvez me croire, je n'ai proposé que les internes, dont je connais la vie et l'importance à l'hôpital, et qui ont à assurer plus de gardes encore, voient réduits leurs jours de congés. Jamais, je dis bien « jamais », je ne le ferai ! Je préfèrerais m'en aller !
Au début, on a également caricaturé ma position sur les praticiens hospitaliers, les PH, et, dans les rues, on a dit : « c'est un scandale, le peuple aura ta peau ! ». Par la suite, toutes les organisations intersyndicales de PH ont signé un accord parce que ce qui était dit n'était pas vrai. Aujourd'hui, caricaturer la position du Gouvernement est une manière de négocier. Monsieur Leclerc, je vous invite à faire la différence - je la fais ! - entre ceux qui n'assurent pas de garde ou très peu et ceux qui en assurent beaucoup parce qu'ils y sont obligés. Sachez aussi que c'est moi qui, en France, ait introduit le repos de sécurité. On ne va tout de même pas m'accuser aujourd'hui de ne pas l'avoir fait ! D'ailleurs, personne n'a eu l'occasion de le prendre, sauf les internes, qui seront les premiers à le faire.
Statutairement, les internes doivent assurer cinq gardes : quatre gardes de nuit - une par semaine éventuellement - et une garde le week-end. Ceux-là - c'est-à-dire ceux qui, théoriquement, seraient dans la moyenne - se sont vu proposer cinquante-cinq jours de repos. Ce n'est tout de même pas rien ! Auparavant, ils ne bénéficiaient de rien du tout et, d'ailleurs, ils s'en contentaient. C'était l'honneur des internes et de tous les médecins, dont je suis, qui prenaient les gardes ! Nous étions heureux non seulement d'apprendre notre métier, mais aussi d'être responsable de l'hôpital. Cette culture évolue. Il n'empêche que les internes travaillent énormément. Du jour au lendemain, donc, les internes qui assuraient les cinq gardes statutaires se sont vu proposer cinquante-cinq jours de repos pris non pas sur leurs vacances, mais sur leur temps de travail.
Il est cependant vrai, monsieur Leclerc, que certains internes assurent beaucoup plus de gardes, et je souhaite que l'on procède à une réorganisation complète de celles-ci. Sans citer de nom, je prends l'exemple d'un CHU où il y a 126 internes ; savez-vous combien de ces internes prennent des gardes ? Vingt-cinq !
Evidemment, ces vingt-cinq internes sont très défavorisés par rapport aux autres, mais je ne veux pas qu'un glissement se produise qui conduirait tout le monde à prendre de fausses gardes.
Ceux qui, pour des raisons de service et de santé publique - c'est d'ailleurs précisé dans l'arrêté que je leur ai proposé, excusez-moi si je n'ai pas été assez clair -, ne prendront de garde ni pendant les vacances, ni pendant leurs formations ne seront jamais pénalisés de ce fait.
Ceux-là, mais ceux-là seuls, qui, du fait de la réorganisation des gardes, devront en prendre six, sept, huit ou neuf, le feront sur le temps de travail, mais pas les autres, sinon je provoquerais un mouvement : les autres internes viendraient faire des gardes qui ne seraient pas nécessairement utiles. Il faut, savoir, en effet, que durant les gardes, - j'en ai assuré suffisamment pour le savoir - on ne travaille pas tous : selon les spécialités, c'est très variable, mais il est évident qu'au grand jamais je n'aurais empiété sur le temps de vacances des intéressés.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai noté avec intérêt la création de 2 000 places en centre d'accueil de demandeurs d'asile et de 500 places en centre d'hébergement et de réinsertion sociale, ou CHRS.
Ma question porte précisément sur la situation financière préoccupante des centres d'hébergement et de réinsertion sociale, et, plus largement, sur la nécessité de mieux prendre en compte leur rôle irremplaçable au sein des dispositifs de lutte contre l'exclusion.
Je prendrai l'exemple des CHRS du Rhône. Entre 1997 et 2000, la hausse de 9,75 % de leur budget a uniquement permis de couvrir l'augmentation des charges de personnel, conformément à la convention collective du secteur. Quant aux dépenses de fonctionnement directement liées au projet d'insertion des personnes accueillies, elles n'ont pas été réévaluées durant quatre ans. De ce fait, ces établissements se trouvent constamment dans une logique de gestion de la précarité et estiment qu'ils ne sont entendus ni par le Gouvernement ni par la DGAS.
Depuis trop longtemps déjà, la fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale tire la sonnette d'alarme. L'été dernier, j'ai moi-même provoqué une réunion à la préfecture du Rhône pour mettre autour d'une même table toutes les parties prenantes à l'occasion de l'élaboration du schéma départemental de l'accueil, de l'hébergement et de l'insertion. Rien n'en est résulté et les CRHS du Rhône sont aujourd'hui dans une situation hautement paradoxale : ce schéma, conformément à la loi contre les exclusions, devait être un outil pour améliorer les conditions d'accueil, d'hébergement et d'insertion des personnes en difficulté, mais, dans le même temps, les moyens financiers alloués sont en régression.
L'inquiétude des directeurs de CHRS est amplifiée par les transferts de crédits de la rubrique « crédits pérennes » à la rubrique « crédits ponctuels », lesquels ne sont pas forcément reconductibles l'année suivante.
De plus, je crois savoir qu'une circulaire sera prochainement signée en application du décret CHRS du 3 juillet 2001, circulaire demandant aux DDASS de circonscrire le plus possible l'activité des équipements à l'hébergement d'urgence, selon les préconisations de la DGAS. Ainsi, seraient abandonnées, tout ou en partie, des missions fondamentales d'accompagnement des plus démunis pour cantonner les CHRS dans la mission d'accueil de nuit qui était la leur lors de leur création.
Ma question est double. D'une part, est-il exact que la DGAS entend réduire la mission des CHRS à un rôle d'hébergement-repas ? D'autre part, avez-vous la volonté de créer une instance de concertation qui ait enfin pour mission de démarrer une réflexion sur les missions fondamentales des CRHS - en adéquation avec la loi contre les exclusions - et sur leur financement ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, apporter un soutien plus affirmé à ces structures dont le rôle est essentiel est une préoccupation tout à fait légitime.
Vous le savez, année après année, leurs moyens ont connu une progression supérieure à la progression d'ensemble, puisqu'elle a été de plus de 3 % l'année dernière, et que la progression prévisionnelle pour 2002 est de 3,5 %. Dans la région Rhône-Alpes, que vous connaissez bien, la progression a été de plus de 10 % sur trois ans.
J'en viens à vos questions, auxquelles je tiens à apporter des réponses claires et sans ambiguïté.
Non seulement, il n'a jamais été question de réduire les missions des CHRS, qui sont définies par la loi du 29 juillet 1998 : bien au contraire, les nouvelles dispositions reconnaissent la diversité de ces missions et donnent les moyens de les exercer dans un cadre rénové et transparent.
Les instances de concertation ayant pour mission de réfléchir aux missions fondamentales des CHRS que vous appelez de vos voeux existent.
Le projet de circulaire est actuellement soumis - comme l'avait été précédemment le projet de décret - à la concertation entre, d'une part, le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, d'autre part, le Conseil national de l'insertion par l'activité économique. Ces instances feront remonter leurs observations dans les prochains jours et, bien évidemment, elles savent qu'elles ont une écoute.
M. le président. La parole est à M. Vantomme. M. André Vantomme. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je ne voudrais pas débuter ma première intervention publique au Sénat sans saluer l'effort sans précédent consenti par le Gouvernement dans le cadre de sa politique de santé publique en faveur des grands programmes prioritaires, qu'il s'agisse de la lutte contre le cancer, des actions contre le suicide, du renforcement de la contraception ou des plans nutrition et santé mentale.
Je crois essentiel de se donner les moyens de répondre aux enjeux fondamentaux de la santé publique aujourd'hui, en termes de prévention, de dépistage, d'information, mais aussi de recherche et de formation. Le projet de budget de la santé pour 2002, avec une progression de près de 7 % des crédits par rapport aux dotations inscrites pour 2001, participe pleinement à ces objectifs.
Je crois également nécessaire d'anticiper sur les besoins et les enjeux de demain, en termes d'accélération de la recherche, de prévention, de soins ou de démographie médicale.
A cet égard, j'ai accueilli favorablement l'annonce, au mois d'octobre, d'un dispositif spécifique pour la prise en charge de la maladie d'Alzheimer, mais je me demande s'il ne serait pas possible, dans le cadre d'une approche globale et peut-être plus efficace, d'étendre ce plan à l'ensemble des maladies « dégénératives », telles que la maladie de Parkinson ou la sclérose en plaques ? Une telle approche ne permettrait-elle pas de favoriser la recherche dans ce domaine et de traiter plus tôt et plus largement l'ensemble de ces maladies ?
Je voudrais en venir maintenant à la seconde partie de ma question, qui concerne plus généralement les problèmes de santé mentale.
L'Organisation mondiale de la santé, dans son rapport consacré à l'année 2001, rappelle qu'une personne sur quatre présente un ou plusieurs troubles mentaux ou de comportement au cours de sa vie, et ce quel que soit le pays.
Le 14 novembre dernier, M. le ministre délégué à la santé a présenté au conseil des ministres une communication sur la santé mentale et a proposé un plan global d'actions destiné à placer l'usager au centre d'un dispositif à rénover.
La réorganisation de l'offre de soins, proposée par le Gouvernement, prévoit trois déclinaisons : l'adaptation de l'hospitalisation complète, le renforcement des alternatives à l'hospitalisation complète et l'organisation de centres d'accueil intersectoriels de soixante-douze heures.
La mise en oeuvre de cette politique de santé mentale volontariste n'en soulève pas moins des questions auxquelles il me serait agréable que vous puissiez apporter des réponses.
La pénurie de personnel infirmier se constate à l'échelle nationale. Cependant, certaines régions seront plus que d'autres confrontées à ce problème, et cela pour les raisons suivantes : le départ à la retraite de bon nombre d'agents hospitaliers dans les cinq prochaines années et la création de postes hospitaliers dans l'ensemble des régions au titre des 35 heures, ce qui favorise les mutations en nombre vers les régions au climat plus propice. Des transferts sont actuellement en cours et devraient s'accentuer dans les trois mois qui viennent.
Ne faudrait-il pas par conséquent engager une politique spécifique afin d'essayer de maintenir sur place des personnels compétents et indispensables ?
A ce titre, une prime d'installation avait été mise en place par l'arrêté du 19 juillet 1971 pour certaines communes des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne, ainsi que de l'agglomération lilloise, en faveur d'agents prenant leur premier poste. L'extension de ce texte à d'autres départements sinistrés serait une mesure incitative. Y seriez-vous favorable, monsieur le ministre, ou envisagez-vous d'autres réponses ?
Autre sujet, le nombre actuel de psychiatres - plus de 13 000 - peut sembler suffisant si l'on ne prend pas en compte les disparités géographiques. En outre, parmi les médecins, les psychiatres sont ceux dont la moyenne d'âge est la plus élevée : 48 ans.
La spécialité sera parmi les premières touchées par les effets du numerus clausus. Dès 2012, une diminution de 12 % du nombre de psychiatres est quasi inéluctable compte tenu des choix déjà opérés et d'un délai minimum de onze ans avant que ces choix ne se matérialisent. En conservant un nombre de 176 DES en psychiatrie à l'avenir, la diminution du nombre de psychiatres serait de 40 %. Ainsi, à l'horizon 2020, il ne resterait que 7 800 psychiatres, soit environ 5 400 spécialistes de moins pour des missions qui ne cessent d'augmenter, avec des charges croissantes. L'équation ne pourra être résolue par de simples transferts vers les généralistes ou des paramédicaux.
Envisagez-vous, monsieur le ministre, l'augmentation du nombre d'étudiants en DES de psychiatrie ? (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Monsieur le sénateur, à question précise, réponse précise !
Je suis très fier que ce gouvernement ait présenté un « plan Alzheimer », qui, je le précise, a été très bien accueilli par les professionnels et, sourtout, par les familles de malades. J'ajoute qu'il concerne d'ores et déjà les maladies apparentées. Si la maladie d'Alzheimer touche, hélas ! de nombreuses personnes dans notre pays - mais cela tient au fait que l'on vit plus longtemps - et est de ce fait au centre du plan, il est clair dans notre esprit qu'elle n'est pas la seule maladie qui doive être prise en compte.
Par ailleurs, vous m'avez posé des questions précises sur le plan de santé mentale. La France compte aujourd'hui 13 300 psychiatres contre 8 400 en 1984, soit une hausse de 57 %. Est-ce trop ou pas assez ? En réalité, de nombreux psychiatres ont quitté l'hôpital public pour le secteur privé. Peut-être ne les payait-on pas suffisamment ? Mais il est difficile de concilier réductions budgétaires et augmentations de salaire ! Sans doute les économistes y parviennent-ils, mais moi, je ne sais pas faire !
Les choses, vous le savez, ont évolué, et je ne vous ferai pas l'injure de rappeler les grandes lignes du plan de santé mentale, si ce n'est pour dire qu'il s'est, en particulier, traduit par l'ouverture des gros hôpitaux périphériques vers les hôpitaux généraux, parallèlement au renforcement du secteur et à la prise en charge communautaire.
Ce plan est-il facile à mettre en oeuvre ? Non !
Peut-il l'être immédiatement ? Non !
A cet égard, j'ai bien conscience d'avoir déçu quelques psychiatres aux idées avancées mais je pense avoir eu raison de dire qu'une mise en oeuvre immédiate n'était pas possible parce qu'il y a des besoins en lits et parce qu'il s'agit de pathologies mentales - les maires le savent - qu'il est difficile de traiter. Il est facile de parler d'appartements thérapeutiques et plus difficile de les réaliser. Je veux y parvenir, mais il faut nous laisser le temps nécessaire.
S'agissant du personnel infirmier, 26 000 sont en formation. J'ai proposé - à la demande d'ailleurs de la profession - qu'il y ait une année de spécialité d'infirmier psychiatrique parce que je crois, et je pense que vous en serez d'accord avec moi. Même si trois années sont nécessaires pour former un infirmier général, on n'apprend pas en médecine générale la prise en charge des patients psychiatriques.
S'agissant de la prime d'installation, elle a été mise en place pour les médecins exerçant à l'hôpital public. Pourquoi ne pas l'accorder aux infirmiers pour combler le déficit démographique ? Il faudra sans doute le faire. Je n'ai pas réfléchi plus avant, mais votre question est pertinente, car nous avons en effet besoin d'infirmiers psychiatriques. Je visite parfois, notamment la nuit, les hôpitaux psychiatriques périphériques, et il m'arrive encore d'assister à des scènes dont je rougis.
Cela étant, il ne suffit pas d'augmenter le numerus clausus pour la psychiatrie, il faut aussi inciter les étudiants à choisir cette spécialité. Peut-être devrons-nous imposer un quota aux concours de l'internat, même si la psychiatrie ne figurait pas parmi les trois disciplines que nous avions mises en avant au départ. En effet, à population égale, on compte, je le répète, deux fois plus de psychiatres en France que dans les pays environnants, ces derniers, en particulier l'Italie et la Grande-Bretagne, étant néanmoins plus performants que nous.
Quoi qu'il en soit, une grande réunion se tiendra au ministère, un « Ségur » de la démographie médicale sera organisé, à l'occasion duquel nous débattrons des problèmes d'installation et de nombre de spécialistes avec toutes les parties concernées.
M. le président. La parole est à M. André.
M. Pierre André. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, frappé d'un malaise cardiaque à la tribune de notre assemblée, j'étais, quelques mois plus tard, victime d'une mort subite. J'ai pu toutefois ressusciter, grâce à Dieu, grâce aussi à une parfaite organisation des soins d'urgence dans l'hôpital qui m'a accueilli. Qu'il me soit permis de remercier à cet instant tous ceux à qui je dois la vie, tout particulièrement la brillante équipe du service de cardiologie du Val-de-Grâce.
Vous m'objecterez, monsieur le ministre, que si tous les sénateurs commencent à évoquer leurs « bobos » en séance, le débat sur le projet de budget de la santé risque d'être long ! (Sourires.) Pourtant, voyez-vous, si je peux prendre la parole aujourd'hui, si je peux assumer normalement mes mandats de sénateur et de maire d'une ville moyenne dans de bonnes conditions de sécurité, c'est parce que j'ai eu la chance de bénéficier de l'implantation d'un défibrillateur cardiaque.
En France, chaque année, de 30 000 à 50 000 personnes sont victimes d'une mort subite, ce chiffre étant de six à sept fois supérieur à celui des tués dans les accidents de la route. Ces victimes sont très souvent des adultes dans la force de l'âge. La mort subite est due à une fibrillation ventriculaire, et seul un choc électrique délivré dans les trois minutes peut permettre de sauver la personne.
Voilà une vingtaine d'années, ce constat a donné l'idée à un médecin français de miniaturiser ces énormes défibrillateurs que l'on aperçoit dans certaines séries télévisées, notamment dans Urgences , pour les rendre implantables dans le corps.
Le défibrillateur permet de traiter efficacement les récidives de fibrillation ; c'est aussi un moyen de prévenir, chez les personnes à risques, un phénomène dont elles ne réchappent pratiquement jamais.
Malheureusement, monsieur le ministre, la France prend du retard dans ce domaine puisque seulement dix-huit défibrillateurs par million d'habitants y sont implantés, contre vingt-six en Angleterre, trente-sept en Italie, quatre-vingts en Allemagne et davantage encore aux Etats-Unis. Derrière la sécheresse de ces statistiques, vous savez quelle détresse humaine peut exister.
Hélas ! la sécurité sociale ne rembourse pas les défibrillateurs. Les hôpitaux publics ou militaires doivent donc les financer sur leurs budgets propres et le secteur privé, qui traite pourtant 50 % des malades cardiaques, ne peut pratiquer cette technique. C'est là une discrimination grave dans l'accès aux soins et une source d'inégalité des chances de survie pour nombre de patients.
Certes, un défibrillateur coûte cher, entre 80 000 et 100 000 francs, ce qui signifie que seules les personnes les plus favorisées peuvent s'en faire implanter un. Je sais, monsieur le ministre, que ce n'est pas ce que vous souhaitez, mais telle est la réalité. Devant celle-ci, je voudrais simplement savoir quelles dispositions le Gouvernement pourrait prendre pour mettre fin à une situation profondément injuste et dangereuse. (Applaudissements.)
M. le président. Mon cher collègue, nous sommes heureux que vous ayez pu, en pleine forme, formuler votre question !
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Je suis moi aussi très heureux, monsieur André, que vous puissiez intervenir ce soir.
Comme vous l'avez dit très justement, vous avez survécu, au contraire de nombre de personnes frappées par cette pathologie, grâce à une intervention pratiquée en urgence.
Que puis-je ajouter au constat que vous avez dressé ?
S'agissant des défibrillateurs non implantables, il existe en effet une discrimination entre les professionnels qui sont habilités à l'utiliser en urgence et les autres, en particulier les pompiers. Je me suis insurgé à maintes reprises contre cet état de chose, et j'espère avoir obtenu gain de cause, en tout cas pour l'urgence immédiate.
Une seconde discrimination, que vous avez également soulignée, existe par ailleurs entre l'hôpital public, qui peut implanter des défibrillateurs miniaturisés, et les cliniques privées, dans lesquelles pratiquer cet acte chirurgical ne peut être envisagé, puisqu'il ne figure pas dans la nomenclature des actes professionnels.
Cela étant, je ne suis pas la sécurité sociale ! Je formule des demandes, la commission de nomenclature se réunit et prend des décisions, que je peux ensuite accepter ou non. La navette peut durer longtemps...
Enfin, aucun défibrillateur implantable ne fait l'objet de l'inscription nécessaire au tarif interministériel des prestations sanitaires. Je m'efforcerai, plus encore que par le passé, d'agir dans le sens que vous souhaitez, monsieur André, car c'est là un problème de santé publique qui devrait être réglé très rapidement. (M. Chérioux applaudit.)
M. Pierre André. Je vous remercie, monsieur le ministre.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Là où il y a une volonté, il y a une voie !
M. le président. La parole est à M. Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Je voudrais aborder la question de l'aide personnalisée à l'autonomie, l'APA. C'est là une grande réforme, que l'on doit à l'actuel gouvernement. Elle entrera en vigueur dans quelques jours, et il me semble important de l'évoquer au cours de ce débat.
Récemment, j'ai entendu s'élever un certain nombre de critiques, émanant en particulier de quelques présidents de conseil général. Selon ces derniers, la mise en place de l'APA va coûter cher à leurs collectivités locales. Pourtant, puisque l'ambition est de passer d'une prestation spécifique dépendance touchée par 130 000 personnes aujourd'hui à une allocation qui, demain, sera perçue par plus de 800 000 bénéficiaires, il est tout de même normal qu'une telle mesure soit plus coûteuse. On ne comprendrait pas qu'il en aille autrement.
A cet égard, le dispositif financier mis en oeuvre prévoit toute une série de compensations. Je pense ainsi au fonds de l'APA, qui représentera 5,7 milliards de francs pour 2002, c'est-à-dire plus de la moitié de la dépense supplémentaire engendrée par la réforme.
De plus, une péréquation entre les départements est désormais prévue, qui n'existait pas dans l'ancien dispositif, et un certain nombre de départements ont gagné de l'argent ou en ont dépensé moins qu'ils n'en versaient autrefois au titre de l'allocation compensatrice pour tierce personne, qui était plus coûteuse pour eux que la PSD.
Ces précisions étant apportées, j'aimerais savoir quelles dispositions seront prises afin que la réforme puisse effectivement entrer en vigueur au 1er janvier prochain, c'est-à-dire dans quelques jours.
Sur ce point, il est très important que tous les textes d'application soient publiés et qu'un gros effort d'information soit accompli en direction des personnes qui seront chargées d'appliquer la réforme. A ce titre, il est essentiel de multiplier les centres locaux d'information et de coordination.
Il faudra aussi très vite former les personnels, car l'APA n'est pas sous-tendue par la même philosophie que le PSD. Il s'agit en effet d'une allocation à la fois universelle et personnalisée, et il conviendra donc de faire du « sur mesure », de prendre en compte les aspirations de chaque bénéficiaire, d'étudier quels aménagements doivent être effectués dans le logement, bref d'envisager toutes les formes d'aide qui permettront de lutter contre la dépendance et d'accroître la part d'autonomie. A cet égard, une large formation devra être assurée.
Enfin, Mme Guinchard-Kunstler a récemment déclaré que cette réforme, nécessaire et très ambitieuse, devrait entraîner la création de 40 000 emplois dans les deux ou trois années à venir. Il est vrai que si le dispositif doit profiter à 800 000 allocataires, les besoins en personnel seront importants, et apparaît alors le problème du recrutement. Les conditions d'emploi seront-elles suffisamment motivantes ? Quelle formation devront avoir ou recevoir les personnes recrutées ?
Telles sont les questions que je souhaitais poser au Gouvernement, en rappelant à quel point nous sommes, pour notre part, attachés à cette très forte réforme. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, vous l'avez dit, mais cela mérite d'être rappelé : la loi a été votée au mois de juillet dernier, les décrets d'application sont parus le 20 novembre, le processus avance à grands pas et l'APA entrera donc en vigueur, comme prévu, le 1er janvier 2002. Actuellement, environ 250 000 personnes sont allocataires de la PSD, notre ambition étant que 800 000 personnes bénéficient à terme de l'APA.
S'agissant des conditions de ressources pour prétendre à l'APA, un barème a été établi. Le montant versé sera inversement proportionnel aux revenus quand l'APA sera accordée à titre individuel ; si la personne concernée vit déjà de façon continue dans un établissement, celui-ci recevra une dotation visant à compenser les frais de séjour.
Je n'entrerai pas dans tous les détails, mais, au-delà des dispositifs de financement, le montant de l'enveloppe affectée à l'accompagnement médical sur la période 2000-2004 s'élève à 6 milliards de francs.
De ce point de vue, la loi a prévu un mécanisme transitoire permettant de couvrir l'ensemble de la montée en charge du dispositif, afin notamment d'éviter toute rupture de droits pour les personnes qui bénéficiaient auparavant de la PSD et qui pourraient momentanément pâtir du basculement d'un dispositif à l'autre : une allocation différentielle leur sera versée. Tout est donc, vous le voyez, prêt à fonctionner.
En ce qui concerne enfin les besoins en personnel liés à l'instauration de l'APA, le chiffre de 40 000 emplois que vous avez cité, monsieur le sénateur, représente l'hypothèse basse ; l'hypothèse haute est de plus du double. Telle est la théorie, mais il est vrai que nous devons tenir compte des réalités de la formation, du recrutement, du degré de mobilité accepté par les personnes pour occuper les emplois, des dispositions techniques et financières à prendre pour que les services naissent et vivent sur tout le territoire.
A ce propos, je me suis rendu hier à Besançon avec ma collègue Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'Etat aux personnes âgées, afin de visiter des services. Tous les aspects que j'ai évoqués sont en train d'être étudiés ou traités.
Un défi est devant nous, cela est vrai, et nous devons tous le relever.
M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Alain Joyandet, rapporteur spécial. Je voudrais intervenir très brièvement pour préciser que personne ne conteste le principe de l'APA : c'est le financement qui est discuté, car il reste en grande partie à la charge des départements.
A cet égard, le programme pluriannuel de dépenses publiques pour 2003-2005 fait apparaître une progression de 6,6 % des dépenses des administrations publiques locales. On ne peut pas, d'un côté, regretter que les dépenses des collectivités locales, notamment celles des départements, augmentent, et, de l'autre, mettre à leur charge des dépenses nouvelles.
M. Philippe Adnot. Très bien !

(M. Guy Fischer remplace M. Daniel Hoeffel au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER
vice-président

M. le président. La parole est à M. Goulet.
M. Daniel Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ferai, à mon tour, un rapide constat de santé dans un registre tout à fait différent de celui qui a été évoqué par notre sympathique collègue Pierre André. En effet, j'évoquerai la santé d'un département rural...
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Ah !
M. Daniel Goulet. ... parmi d'autres, l'Orne : 6 123 kilomètres carrés et 290 000 habitants.
Je citerai simplement quelques chiffres issus d'une étude objective réalisée par le quotidien Ouest-France , qui justifieront mes préoccupations.
S'agissant des médecins spécialistes, on en dénombre 51 pour 100 000 habitants, alors que la moyenne nationale est de 91 pour 100 000 habitants. Le département compte six pédiatres, soit deux pour 100 000 habitants. Il y a un dentiste pour 2 500 habitants, et il faut attendre six mois pour obtenir un rendez-vous chez un ophtalmologiste.
En outre, les médecins généralistes qui cessent leur activité ne trouvent pas de successeurs, ce qui est compréhensible compte tenu de la non-revalorisation des honoraires et de l'augmentation croissante des tracasseries administratives.
Je dirai un mot de la médecine scolaire. Pour 42 000 élèves dans l'enseignement public, on compte seulement cinq médecins scolaires en activité.
La médecine du travail n'échappe pas à la règle et nous faisons le même constat d'incurie.
Je dirai un mot également sur l'hôpital.
En zone rurale, l'hôpital est plus particulièrement confronté à la spécificité de ce milieu, et notamment à une population vieillissante qui est de plus en plus dépendante.
Je prendrai deux exemples.
A Vimoutiers, une toute petite ville rurale de 4 600 habitants, 6 500 pour le bassin de vie, l'hôpital doit faire face à un déficit en personnel de plus de neuf personnes avant même la mise en place des 35 heures. Quel sera le déficit lorsqu'il faudra appliquer la réduction du temps de travail ?
Cet hôpital a, par ailleurs, un besoin urgent de modernisation et d'humanisation. A cet effet, un projet de 26 millions de francs doit être réalisé en trois tranches. Vous voyez, monsieur le ministre, ce que cela représente sur le plan financier. Je souhaite que votre ministère puisse faire bénéficier cet hôpital de l'enveloppe supplémentaire annoncée par le Gouvernement.
On peut dresser le même constat pour la commune de Ceton, un gros bourg percheron. Là aussi, la maison de retraite a besoin de personnel et d'une restructuration, la commune ne pouvant en assurer seule le coût.
Je pourrais très bien m'arrêter là et vous dire, monsieur le ministre : que faites-vous, que pouvez-vous faire face à cette situation ?
En réalité, je vais vous parler d'avenir et d'espoir pour le monde rural, et pas seulement d'argent et de moyens immédiats.
Pourquoi aider les jeunes agriculteurs à s'installer dans un secteur où ils n'auront pas d'écoles pour leurs enfants, où ils auront peu de loisirs accessibles, des services publics défaillants, où le commerce de proximité sera inexistant et où ils n'auront pas de médecin pour les soigner ?
Comment, après le drame de Moulinex, réussir la réindustrialisation de la région que je représente et, par conséquent, le retour à l'emploi, compte tenu des conditions sanitaires que je viens de rappeler ?
C'est un véritable appel au secours que nous vous lançons. Nous espérons enfin être entendus.
La France à deux vitesses, que j'ai dénoncée tant de fois dans cette enceinte, n'est pas la France.
Ce constat est encore plus intolérable s'agissant du secteur de la santé.
Je tente de mettre en place, avec les services de la région et certaines collectivités territoriales candidates, dans le cadre de contrats de pôle intercommunaux existants, quelques « maisons de la santé ». Il s'agit d'expériences, afin de mettre les médecins, en particulier les jeunes qui sortent de la faculté, dans des conditions d'accueil favorables, en leur fournissant des locaux et les moyens nécessaires pour l'exercice de leur profession, comme nous l'avons d'ailleurs déjà fait pour d'autres secteurs de l'économie et pour des services publics défaillants.
Monsieur le ministre, acceptez-vous de soutenir cette initiative en engageant une sorte de table ronde avec vos collègues de Bercy - pour étudier bien sûr des mesures d'incitation fiscales -, de l'éducation nationale et, surtout, de l'enseignement supérieur, avec votre collègue de l'agriculture aussi, afin de faire de l'Orne un département pilote sur la santé, comme il l'a été avec succès en matière d'enseignement en milieu rural, par l'expérience réussie des regroupements pédagogiques ? (M. le rapporteur spécial applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Monsieur le sénateur, il est une remarque générale à laquelle je ne peux que souscrire : les départements ruraux se dévitalisent. Je n'en suis pas satisfait, vous non plus. Vous le savez, 80 % de la population française vit dans les villes. Est-ce bien ? Est-ce mal ? Ne me demandez pas de porter un jugement moral.
Je vous répondrai précisément. J'ai sous les yeux l'article auquel vous avez fait allusion. Je crois que sa teneur est d'ailleurs un peu exagérée. S'agissant du manque de médecins, « il n'y a pas une seule cause », dit un médecin. Il poursuit : « Tout d'abord, les médecins aspirent à une vie plus régulière ; autrefois ils étaient des militants de la santé au détriment de la vie privée. » Il est vrai qu'ils étaient cela. La culture dont je parlais tout à l'heure est effectivement en train de se modifier. Je ne dis pas que c'est bien ou que c'est mal ; je ne les accuse de rien ; c'est ainsi ! Ils pensent aussi à leur famille, à leur vie privée. Nous l'avons bien sûr constaté lorsque nous avons ouvert le dossier de la réduction du temps de travail.
Vous me demandez très précisément ce que je compte faire. Tout d'abord, je suis d'accord pour rencontrer mes collègues, mais, vous le comprenez, si tous les ministères doivent se réunir, la concertation sera très longue.
Les pédiatres et les ophtalmologistes ne manquent pas seulement dans l'Orne, mais dans ce département ils font cruellement défaut. Quant à savoir si je peux, grâce à une discrimination positive, les inciter à s'installer, la réponse est : « oui ». Nous l'avons fait. Il faudra voir dans quelle mesure cela fonctionne. A Essay, il existe un syndicat de communes. Sur l'initiative d'un médecin, M. Heuzé, a été créée une structure qui comprend des professionnels de santé, un cabinet de médecins, dentistes - il en manque aussi, bien sûr -, infirmières et kinésithérapeutes. Peut-il y avoir des regroupements sur l'initiative des collectivités locales ? J'encouragerai de tels regroupements. C'est notre politique. Récemment, une émission de France 3 Normandie a alerté le public sur ce problème, et j'en suis heureux. Nous sommes prêts à soutenir ces initiatives. Elles s'inscrivent dans la politique globale de prise en charge des urgences.
Vous n'avez pas évoqué les urgences. Or, à cet égard, se pose un problème, qui est général dans notre pays. En effet, les médecins généralistes, pour les raisons que vous avez évoquées et qui sont mentionnées dans cet article, assument de moins en moins d'urgences, ce qui surcharge l'hôpital.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 comporte un dispositif expérimental, qui sera étendu. Nous voulons savoir comment le faire. Un financement a été prévu pour que l'aide à l'installation en zone rurale soit effective. Ce sera une aide matérielle s'agissant de l'installation elle-même. Comment inciter les médecins à remplacer ceux qui partent à la retraite, et donc à reprendre leur clientèle et à prendre la suite ? Je ne vois pas comment nous pourrions le faire autrement que par une incitation par la loi. Il y aura, il le faut, des incitations matérielles. Nous sommes disposés à les prévoir.
S'agissant du problème général de la revalorisation des actes médicaux, j'ai répondu tout à l'heure. Cependant, là, je ne suis pas seul à décider. Mme Guigou et moi-même avons demandé à la commission concernée de la sécurité sociale d'examiner ce problème, qu'il faudra trancher. Mais nous soutiendrons les dispositifs précis dans l'Orne, que j'ai cités.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Très bien !
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant l'emploi et la solidarité : II. - Santé et solidarité.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 29 604 337 euros. »