SEANCE DU 18 AVRIL 2001


M. le président. « Art. 4. - I. - Le quatrième alinéa de l'article L. 432-1 du code du travail est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :
« En cas de dépôt d'une offre publique d'achat ou d'offre publique d'échange portant sur une entreprise, le chef de cette entreprise réunit immédiatement le comité d'entreprise pour l'en informer. Au cours de cette réunion, le comité décide s'il souhaite entendre l'auteur de l'offre et peut se prononcer sur le caractère amical ou hostile de l'offre. Ce dernier adresse au comité de l'entreprise qui en fait l'objet, dans les trois jours suivant sa publication, la note d'information mentionnée au troisième alinéa de l'article L. 621-8 du code monétaire et financier. L'audition de l'auteur de l'offre se déroule dans les formes, les conditions, les délais et sous les sanctions prévus aux alinéas suivants.
« Dans les quinze jours suivant la publication de la note d'information, le comité d'entreprise est réuni pour procéder à son examen et, le cas échéant, à l'audition de l'auteur de l'offre. Si le comité d'entreprise a décidé d'auditionner l'auteur de l'offre, la date de la réunion est communiquée à ce dernier au moins trois jours à l'avance. Lors de la réunion, l'auteur de l'offre, qui peut se faire assister des personnes de son choix, prend connaissance des observations éventuellement formulées par le comité d'entreprise. Ce dernier peut se faire assister préalablement et lors de la réunion d'un expert de son choix dans les conditions prévues aux septième et huitième alinéas de l'article L. 434-6.
« La société ayant déposé une offre et dont le chef d'entreprise, ou le représentant qu'il désigne parmi les mandataires sociaux ou les salariés de l'entreprise, ne se rend pas à la réunion du comité d'entreprise à laquelle il a été invité dans les conditions prévues aux deux précédents alinéas ne peut exercer les droits de vote attachés aux titres de la société faisant l'objet de l'offre qu'elle détient ou viendrait à détenir. Cette interdiction s'étend aux sociétés qui la contrôlent ou qu'elle contrôle au sens de l'article L. 233-16 du code de commerce. Une sanction identique s'applique à l'auteur de l'offre, personne physique, qui ne se rend pas à la réunion du comité d'entreprise à laquelle il a été invité dans les conditions prévues aux deux alinéas précédents.
« La sanction est levée le lendemain du jour où l'auteur de l'offre a été entendu par le comité d'entreprise de la société faisant l'objet de l'offre. La sanction est également levée si l'auteur de l'offre n'est pas convoqué à une nouvelle réunion du comité d'entreprise dans les quinze jours qui suivent la réunion à laquelle il avait été préalablement convoqué. »
« II. - Non modifié.
« III. - Le troisième alinéa de l'article L. 621-8 du code monétaire et financier est complété par une phrase ainsi rédigée :
« La note sur laquelle la commission appose un visa préalable contient les orientations en matière d'emploi de la personne physique ou morale qui effectue l'offre publique. »
Par amendement n° 5, M. Marini, au nom de la commission, propose, à la fin de la deuxième phrase du premier alinéa du texte présenté par le I de cet article pour remplacer le quatrième alinéa de l'article L. 432-1 du code du travail, de supprimer les mots : « et peut se prononcer sur le caractère amical ou hostile de l'offre ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Yann Gaillard, rapporteur. La commission n'estime pas utile de prévoir que le comité d'entreprise pourra se prononcer sur le caractère amical ou hostile de l'offre, et ce non pas par méfiance envers les comités d'entreprises, mais parce que la définition juridique, le contenu même de cette appréciation paraissent extrêmement difficiles à cerner. En effet, une offre est toujours amicale pour quelqu'un et hostile pour quelqu'un d'autre. La disposition ne nous paraît donc pas du tout opérationnelle.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Il souhaite en effet que le comité d'entreprise, qui n'est nullement contraint de prendre position s'il ne le souhaite pas, puisse être consulté sur l'offre ou, en tout cas, en avoir communication.
Cette disposition, à la fois démocratique et sociale, nous semble conforme à l'esprit du texte.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 5.
M. Paul Loridant. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Bien évidemment, la commission des finances ne peut pas admettre que le présent projet permette - même s'il ne s'agit que de dispositions tout à fait marginales et, somme toute, de portée limitée - aux comités d'entreprise, et donc aux salariés, de se prononcer sur la mise en oeuvre d'offres publiques d'achat ou d'échange.
Lecteur attentif des débats de l'Assemblée nationale, M. le rapporteur nous invite en effet à supprimer une disposition relative au jugement du comité d'entreprise sur le caractère amical ou hostile de l'offre, disposition que nous avions souhaité introduire lors de la première lecture du texte au Sénat et qu'un amendement de nos collègues de l'Assemblée nationale, légèrement rectifié par le Gouvernement, a permis de prendre en compte.
On peut évidemment s'interroger sur ce qui conduit la commission des finances à supprimer la faculté ainsi laissée au comité d'entreprise.
Sur le fond, nous pouvons en effet faire observer qu'il s'agit non pas d'une obligation mais d'une simple faculté. On pourrait donc rapidement en conclure que la portée du texte est limitée.
En réalité, cet amendement de suppression a un caractère symbolique. En effet, ce que pourchasse la commission des finances, c'est ni plus ni moins la moindre possibilité pour les salariés d'être, d'une manière ou d'une autre, partie prenante au débat ouvert par une procédure d'offre publique, alors qu'on sait que celle-ci est souvent à la source de restructurations ayant de profondes répercussions sur l'emploi.
La démarche de la commission des finances du Sénat est donc bien symbolique, pour ne pas dire idéologique.
M. Gérard Braun. Ah !
M. Paul Loridant. Il nous semble pourtant naturel que ce droit soit reconnu à ceux qui seront toujours, en dernière instance, les premiers concernés par ces restructurations.
Voilà pourquoi nous nous opposons farouchement à cet amendement n° 5 et à la démarche juridique mais aussi politique qui le sous-tend.
M. Yann Gaillard, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Yann Gaillard, rapporteur. Je n'entrerai pas dans le débat théologique ouvert par notre ami Paul Loridant.
Je dois dire que, personnellement, dans toutes les instructions et tous les conseils que j'ai reçus, je n'ai jamais entendu dire qu'il fallait s'opposer systématiquement au rôle du comité d'entreprise. C'est si vrai que notre amendement suivant vise - veuillez m'excuser, monsieur le président, d'anticiper quelque peu - à offrir une session de rattrapage au comité d'entreprise qui n'aurait pas jugé utile de convoquer l'auteur d'une offre en temps voulu. Cela prouve bien que nous n'avons rien contre le comité d'entreprise.
Simplement, je le répète, il est très difficile de donner un contenu précis à l'appréciation du caractère hostile ou amical d'une offre. Mais si le Gouvernement est amené, par la suite, à prendre un décret qui précise tout cela, nous pourrons toujours revenir, dans un projet de loi portant DDOEF, sur cette affaire.
M. Hilaire Flandre. C'est amical pour le plus fort, hostile pour le plus faible !
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Je ne suis pas favorable à l'amendement n° 5, mais il se trouve que je comprends parfaitement et la position du Gouvernement et la position de la commission. Cependant, ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi la commission ne s'est pas contentée de supprimer les mots : « amical ou hostile », et donc d'écrire : « et peut se prononcer sur le caractère de l'offre ».
En effet, M. le rapporteur n'a pas complètement tort, monsieur le secrétaire d'Etat, et c'est peut-être un point qu'il faudra voir au cours de la navette : comment dire si une offre a un caractère amical, si elle a un caractère hostile, si elle a des conséquences pour l'entreprise ?... On risque de ne pas s'en tenir seulement au caractère financier pour juger si l'offre est amicale ou hostile, mais de tenir également compte des conséquences pour l'emploi des travailleurs, etc.
C'est une source de « chicayas », alors que si, dans la suite de la navette, on supprimait purement et simplement les mots : « amical ou hostile », on lèverait un grand nombre d'obstacles juridiques qui peuvent s'attacher à la définition de ces termes. Je ne sais pas si la commission pourrait se rallier à cette solution, mais, dans ce cas-là, que le comité d'entreprise soit réuni et se prononce sur le caractère de l'offre n'a quand même rien d'abusif, et c'est tout à fait conforme à ce que disait M. le rapporteur il y a un instant quant aux intentions de la commission à l'égard des comités d'entreprises.
M. Michel Sergent. Très bien !
M. Gérard Braun. C'est la sagesse !
M. Yann Gaillard, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Yann Gaillard, rapporteur. Je suis séduit, comme toujours, par l'extraordinaire agilité intellectuelle et par l'inventivité de notre collègue Michel Charasse ; mais, en ce qui me concerne, je ne saurais définir ce qu'est un caractère qui ne serait pas affecté d'un adjectif quelconque.
Dès lors, je suggère que le Gouvernement examine à nouveau la question, et je propose, en attendant, que le Sénat adopte notre amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 6, M. Marini, au nom de la commission, propose de remplacer le début de la dernière phrase du premier alinéa du texte présenté par le I de l'article 4 pour remplacer le quatrième alinéa de l'article L. 432-1 du code du travail par les dispositions suivantes : « Le comité peut, lors d'une réunion ultérieure dans le délai de quinze jours suivant la publication de la note et s'il ne l'a pas décidé lors de la première réunion mentionnée à cet article, décider qu'il souhaite entendre l'auteur de l'offre. Cette audition de l'auteur... »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Yann Gaillard, rapporteur. Cet amendement vise à offrir un délai de grâce aux comités d'entreprise. Cela montre à quel point la commission est soucieuse de les voir bien fonctionner et d'affirmer les droits des salariés dans ces opérations.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. Ce débat a déjà eu lieu en première lecture. La proposition de M. le rapporteur, en introduisant un second délai qui s'articule mal avec le premier, rend la disposition beaucoup plus complexe. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est, comme en première lecture, défavorable à cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 7, M. Marini, au nom de la commission, propose :
A. - De compléter in fine le texte présenté par le I de l'article 4 pour remplacer le quatrième alinéa de l'article L. 432-1 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :
« Aucune autre sanction que la suspension des droits de vote prévue par le présent article n'est applicable à l'auteur de l'offre. Aucun recours ne peut être interruptif des formalités requises par le calendrier de l'offre. »
B. - En conséquence, dans le premier alinéa du I de l'article 4, de remplacer les mots : « quatre alinéas » par les mots : « cinq alinéas ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Yann Gaillard, rapporteur. L'amendement n° 7 a pour objet de rétablir le texte voté par le Sénat en première lecture et de prévoir qu'aucune sanction autre que la suspension des droits de vote inscrite à l'article 4 n'est applicable à l'auteur de l'offre, cela afin d'éviter le délit d'entrave et le cumul des sanctions, et qu'aucun recours ne peut être interruptif des formalités requises par le calendrier de l'offre, ce qui permettra de faire en sorte que la réunion du comité d'entreprise ne devienne un moyen dilatoire.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Patriat, secrétaire d'Etat. Il s'agit là d'un amendement important, qui comporte deux dispositions de nature différente.
Tout d'abord, il vise à exclure toute autre sanction que la suspension des droits de vote en cas de refus de l'auteur de l'offre de se rendre devant le comité d'entreprise. Or le Gouvernement ne peut accepter une telle disposition, car, s'agissant de prérogatives du comité d'entreprise, il n'y a aucune raison, monsieur le rapporteur, de ne pas appliquer les sanctions de droit commun prévues dans le code du travail, à savoir le délit d'entrave. Et M. Charasse sait bien de quoi je parle !
Par ailleurs, l'amendement prévoit qu'aucun recours interruptif des formalités requises par le calendrier de l'offre ne peut jouer. Cette précision ne me semble pas non plus nécessaire, car l'intervention du comité d'entreprise est strictement limitée dans le temps.
Par conséquent, les deux dispositions présentées ne sont pas acceptables pour le Gouvernement, lequel préconise le rejet de cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4, modifié.

(L'article 4 est adopté.)

Article 5