SEANCE DU 23 NOVEMBRE 2000


PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2001, adopté par l'Assemblée nationale.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 65 minutes ;
Groupe socialiste, 53 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 39 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 36 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 23 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 20 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 9 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà maintenant bientôt quatre ans, le Premier ministre fixait les priorités du Gouvernement, au premier rang desquelles figuraient le retour à l'emploi et une plus juste répartition des richesses. Aujourd'hui, le bilan est plutôt positif et, en tout cas, en contradiction flagrante avec les invariables récriminations de mes collègues de la majorité sénatoriale.
M. Claude Estier. Très bien !
M. Jean Chérioux. Ben voyons !
M. Bernard Angels. De nombreuses réformes ont été concrétisées, de nombreux chantiers sont ouverts, de nombreuses perspectives seront encore tracées.
A travers une politique budgétaire résolument de gauche, nous avons su, pour notre pays, allier non seulement les vertus de justice sociale et d'innovation, mais aussi - et c'était là une nécessité absolue - les valeurs de responsabilité et de courage.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Ça, c'est bien !
M. Bernard Angels. Le budget 2001 s'inscrit dans la continuité de cette politique budgétaire qui a, depuis plus de trois ans, remis la France sur la voie de la croissance.
Il ne sombre ni dans la dilapidation des acquis ou le conservatisme, ni dans l'utopie ou la gestion à courte vue, ni dans la surenchère ou la résignation. C'est un budget équilibré, un budget d'équilibre.
Cet équilibre doit s'appuyer sur la croissance, la soutenir, mais aussi et surtout la faire partager au plus grand nombre.
S'appuyer sur la croissance, c'est profiter de ce socle de crédibilité sur lequel de nouvelles ambitions collectives peuvent être posées. Aujourd'hui, notre ambition doit consister non plus à lutter simplement contre le chômage, mais à aller vers le plein-emploi, non plus seulement à agir contre les exclusions, mais à s'engager pour une France plus juste, non plus seulement à respecter les critères de Maastricht, mais à installer un cycle durable de prospérité en France et en Europe.
Selon les dernières études, la croissance sera comprise en 2001 dans une fourchette de 3 % à 3,6 %. Ces études montrent aussi que le retour de la croissance s'est accompagné d'un retour de la confiance.
Aussi, animés par ce renouveau de confiance, les Français ont légitimement le sentiment qu'ils ont, par leurs efforts passés et leur travail actuel, contribué à ces résultats. C'est donc tout aussi légitimement qu'ils aspirent à en retirer les fruits, pour eux-mêmes et pour leurs enfants.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Là, il y a du travail !
M. Bernard Angels. Nous devons répondre à ces nouvelles attentes par une politique volontaire en matière d'emploi, de services publics et de justice sociale. Ce doit être le sens de notre programme de dépenses publiques. Pour autant, notre volonté a été, depuis 1997, de ne pas dilapider les acquis économiques, de ne pas rompre la dynamique de notre pays par un laxisme budgétaire, de maintenir un cap économique qui tienne compte, tout à la fois, des aspirations des Français et des nécessités de pérennisation de la croissance.
C'est dans cette optique que se situe notre volonté de maîtriser les dépenses publiques. Cela ne signifie pas nécessairement moins d'Etat ; cela signifie surtout mieux d'Etat. Nous devons dépasser les aspects dogmatiques de cette question pour nous attacher à la nécessité de réformer progressivement l'Etat et ses services, dans la transparence et la concertation.
M. Michel Moreigne. Très bien !
M. Bernard Angels. Au-delà de la simple - et parfois simpliste - dichotomie du « plus ou moins d'Etat », notre action doit avant tout tendre à redonner aux services publics les moyens de fonctionner de façon moderne, d'assurer la cohésion sociale et l'égalité de traitement sur l'ensemble du territoire, d'encourager les initiatives et de soutenir le dynamisme économique. C'est au travers des services publics dont bénéficie l'ensemble des Françaises et des Français que nous pourrons assurer la solidarité et mettre en oeuvre les principes d'égalité et de libertés publiques auxquels nous sommes tous attachés.
Tels sont, en effet, les principes qui doivent nous animer dans la définition de nos priorités budgétaires, et c'est à l'aune de ces choix - car il est bien question ici de choix - que se définit l'action du Gouvernement. En finir avec une gestion à court terme, privilégier la responsabilité et la volonté politique, tout cela passe encore une fois par des décisions économiques et budgétairesd'équilibre.
Pour l'année 2001, le Gouvernement a ainsi retenu une progression en volume des dépenses de 0,3 %. Ce taux me paraît raisonnable dans la mesure où il répond à nos engagements européens et permet le financement de nos priorités : l'éducation, dont les crédits s'élèvent à 388 milliards de francs, en progression de 2,7 %, avec 6 600 créations d'emplois prévues ; la justice, qui bénéficie d'une augmentation de 3 % débouchant sur la création de plus de 1 500 emplois ; l'environnement, qui augmente de 8 %, avec 324 créations de postes déconcentrés ; la sécurité, dont les crédits augmentent de 4,9 %, avec 800 postes supplémentaires pour la police nationale et 1000 pour la gendarmerie.
Je ne pense pas que quiconque puisse, dans ces conditions, nous accuser de brader ou de sacrifier les services publics. Je ne pense pas non plus que quiconque puisse nous faire le procès du gaspillage ou de la dilapidation. Encore une fois, l'équilibre est de mise et nous permet, je le crois fermement, d'améliorer le quotidien des Français sans casser la croissance. Il donne une nouvelle ambition à notre pays, sans freiner son dynamisme.
Certes, nous sommes désormais dans une phase de croissance, mais les stigmates de la longue crise que nous avons traversée et la possibilité d'un retournement de conjoncture ne nous mettent pas à l'abri de nouvelles difficultés. C'est pourquoi, à l'image de notre choix demaîtrise des dépenses publiques, nous devons préparer l'avenir et affermir la croissance par des actions résolues en matière de déficit budgétaire et de dette publique.
Soutenir la croissance, c'est avant tout tenir compte des impératifs de solidarité et de partage qu'implique notre responsabilité envers nos enfants et nos petits-enfants. En ce sens, la lutte contre les déficits est une priorité incontournable, car laisser l'économie vivre en déficit, en crédit renouvelé et permanent, relève d'une politique égoïste, à courte vue et irresponsable pour l'avenir.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Les résultats restent imparfaits !
M. Bernard Angels. De même, il est nécessaire de réduire de manière forte le service de la dette pour dégager les marges de manoeuvre nécessaires à la mise en place d'une politique ambitieuse et moderne.
Sur ce terrain, les résultats sont encore une fois significatifs.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Mais à parfaire !
M. Bernard Angels. Depuis 1997, le déficit budgétaire aura reculé de près de 100 milliards de francs, et la dette aura été ramenée de 60 % à 57,2 %.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Parlez en valeurs absolues et non en pourcentage !
M. Bernard Angels. Si nous nous accordons tous, je pense, sur les principes que j'ai formulés, en revanche, monsieur le président, nous divergeons fortement sur la méthode et le chemin à emprunter. Chaque année, depuis 1997, M. Marini, dans ses rapports, appelle le Gouvernement à faire « toujours plus et toujours plus vite ».
M. Henri de Raincourt. Il a raison !
M. Bernard Angels. Sans ironiser sur la propre capacité de vos amis, monsieur le rapporteur général, à appliquer cette exhortation lorsqu'ils étaient en fonction,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il n'y avait pas de croissance !
M. Bernard Angels. ... je tiens à souligner les risques que comporte une telle attitude.
M. Philippe Marini, rapporteur général. On n'avait pas d'argent, pas de « cagnotte » !
M. Bernard Angels. La politique budgétaire d'un pays est avant tout affaire de pondération, et agir de la sorte reviendrait purement et simplement à rompre l'équilibre construit patiemment depuis plus de trois ans et à compromettre par là même l'ensemble des résultats acquis pendant cette période.
« Le budget ne peut plus être l'addition de moyens, coupés des objectifs poursuivis par l'action publique et votés sans considération des résultats obtenus. » Je me permets d'emprunter cette phrase pleine de bon sens au récent rapport de notre président de la commission des finances, M. Alain Lambert, tant elle me paraît résumer tout à la fois la pertinence des choix gouvernementaux et la menace que ferait peser sur notre économie l'application des injonctions répétées de notre rapporteur général.
Toute la cohérence de notre projet - et sa réussite aussi sans doute - réside, en effet, dans la fidélité et le respect des priorités et des objectifs que nous nous sommes fixés dès le début de la législature. A chaque difficulté rencontrée, d'aucuns n'ont pas manqué de souligner que les choix du Gouvernement n'étaient pas les bons et que nous faisions preuve d'un optimisme béat devant le retour de la croissance. A chaque fois, nous avons répété que, si un taux de croissance ne se décrétait pas, il ne fallait pas réduire pour autant la politique économique à l'impuissance. La continuité et le respect de nos engagements, telle est la méthode que nous nous sommes donnée et elle semble porter ses fruits. Nous continuerons donc à l'appliquer pour renforcer notre économie, lui donner encore plus de vitalité, libérer les énergies et favoriser les initiatives. C'est la seule voie possible, à mon sens, pour réussir ce pari que nous nous sommes fixé : une société de travail pour tous, plus juste et où chacun bénéficierait des fruits de la croissance retrouvée.
Car, outre le fait de s'appuyer sur la croissance et de la soutenir, l'équilibre budgétaire que nous mettons en place, loi de finances après loi de finances, doit avoir pour ambition de faire partager la croissance.
Faire partager la croissance, c'est aussi bien poursuivre notre action pour l'emploi, privilégier la participation de tous à la création de la richesse que valoriser le pouvoir d'achat des Français.
La lutte contre le chômage est bien engagée, mais elle n'est pas encore gagnée. Nous ne nous situons pas sur une pente naturelle de décrue du chômage où nous pourrions nous laisser glisser jusqu'au plein emploi. Nous devons, au contraire, nous battre, jour après jour, pour faire reculer ce fléau social et ne pas nous satisfaire, comme je l'ai entendu dire ici ou là, d'un chômage structurel à 8 % ou 9 %.
Notre ambition, je le répète, c'est le plein emploi et c'est ce vers quoi nous allons mobiliser toutes les énergies. D'ores et déjà, plus de 1 300 000 emplois ont été créés depuis juin 1997 et il est prévu que 900 000 emplois supplémentaires seront créés entre 2000 et 2001.
Ainsi, 800 000 personnes sont sorties du chômage ; en outre, nous avons accueilli 500 000 actifs supplémentaires. Le dynamisme de notre économie, renforcé par le plan emplois-jeunes, la réduction du temps de travail et la modernisation de notre appareil industriel nous a permis de remporter ces premières batailles contre l'inactivité. La route reste longue, surtout pour ceux qui sont encore sur le bord du chemin, et nous devons multiplier nos efforts pour offrir aux 2 millions de Françaises et de Français encore en recherche d'emploi une place dans la communauté du travail.
La réforme de notre système de formation professionnelle, la validation des acquis d'expérience professionnelle, la recherche constante d'une meilleure qualité de l'emploi et d'une plus grande protection des travailleurs sont autant de chantiers qu'il nous faut poursuivre.
En donnant la priorité à la création massive d'emplois, nous avons changé le rythme de la croissance économique, mais nous avons aussi changé sa nature et la répartition de ses résultats. La participation croissante de tous les acteurs de notre économie à la création de richesses a profondément modifié la répartition de la progression du revenu entre activité et capital. De 1994 à 1996, revenus du travail et du capital progressaient faiblement, à concurrence de 1,1 % par an environ. Depuis 1998, le revenu des ménages a augmenté de 2,8 % par an et, de plus, le partage de cette richesse supplémentaire a largement profité aux revenus du travail, pour plus de 80 %.
Nous avons donc engagé un véritable renversement de logique, tant au plan économique, puisque la croissance est tirée vers le haut par la consommation et l'emploi, qu'au plan social, puisque le partage de la richesse se fait désormais au profit des travailleurs, qu'au plan politique enfin, car ce nouveau partage n'est pas sans conséquence sur le rapport de forces sur le marché du travail et, au-delà, dans la société.
A une croissance faible et mal distribuée a succédé une croissance plus forte et plus juste. Il nous faut poursuivre en ce sens sans jamais opposer emploi et pouvoir d'achat. C'est cette évolution que les choix budgétaires et fiscaux du Gouvernement pour 2001 se proposent de prolonger et d'amplifier.
Je ne détaillerai pas l'ensemble des mesures fiscales qui ont déjà été exposées avec clarté par M. le ministre des finances, je me bornerai à vous présenter simplement les raisons qui justifient, à mon sens, de telles mesures.
Tout d'abord, la baisse des prélèvements obligatoires était nécessaire car, à l'évidence, leur niveau était élevé.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Ah oui, alors !
M. Bernard Angels. Pour autant, elle ne pouvait s'effectuer en portant préjudice aux services publics ou en négligeant la nécessaire redistribution des richesses dont la croissance nous ouvre la perspective. Il semble clair que les mesures fiscales proposées ont évité cet écueil.
Ensuite, cette baisse était nécessaire pour la simple et bonne raison que nous nous y étions engagés. En cela, l'attitude de la majorité n'a pas varié du précepte énoncé par Lionel Jospin en 1997 : « Faire ce que l'on dit et dire ce que l'on fait ».
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. Bernard Angels. En outre, les résultats de notre politique économique nous permettaient - j'irai plus loin - nous obligeaient à redistribuer les fruits de la croissance retrouvée.
Ainsi ces mesures fiscales, de par leurs cibles, servent-elles l'emploi et bénéficient-elles en premier lieu aux ménages, aux salariés et aux petites entreprises.
Enfin, face au renchérissement des cours du pétrole, ces propositions se présentent comme des mesures contracycliques pertinentes et comme de nouveaux outils propres à réinjecter des revenus dans le circuit économique.
Mes chers collègues, je souhaiterais enfin profiter de cette discussion pour élargir le débat fiscal à l'échelon européen.
A quelques jours du sommet européen de Nice, je souhaite plaider une fois encore pour une harmonisation fiscale accélérée. Il nous faut répondre avec la plus grande vigueur aux menaces de délocalisation, de dumping fiscal, d'appauvrissement de nos services publics dont nous sommes en droit de vouloir nous prémunir à l'avenir. (M. Jean Arthuis applaudit.)
Les Etats membres, sur l'initiative de la France, ont effectué des propositions fort intéressantes pour lutter contre les paradis fiscaux et le blanchiment d'argent sale, propositions qu'il convient de saluer.
Des efforts ont également été entrepris pour lever les blocages quant à l'harmonisation commune sur l'imposition à la source des produits d'épargne ou sur l'échange d'informations fiscales.
Pour autant, les résistances sont encore bien réelles et les avancées trop lentes au regard des enjeux.
Je souhaite, pour ma part, que des réponses institutionnelles puissent rapidement être trouvées en matière de vote à la majorité qualifiée et de coopérations renforcées. Ces réformes permettraient sans conteste d'accélérer la construction de l'Europe au service de la croissance et du plein emploi.
Monsieur le ministre, je connais votre attachement comme celui du Gouvernement à tous les dossiers que j'ai évoqués. Je ne doute pas que vous poursuivrez le travail déjà entrepris pour respecter les engagements que nous avons collectivement pris devant les Français. Ce budget d'équilibre en est une preuve évidente, c'est pourquoi vous pourrez compter sur le total soutien du groupe socialiste tout au long de sa discussion. (Applaudissements sur les travées socialistes. - Mme Luc applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. de Rohan. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Josselin de Rohan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « un taux de dépenses de l'Etat plus bas n'est pas le signe d'un retrait de l'Etat, d'un Etat faible.
« L'Etat doit se concentrer sur ce qu'il a à résoudre de manière obligatoire. Nous savons que bien des choses peuvent être réalisées bien, voire mieux sans l'Etat. Là où l'individu peut s'aider lui-même, une aide de l'Etat n'est pas absolument nécessaire.
« L'excédent du PIB sera pour les deux tiers consacré à des investissements pour le futur, le dernier tiers à la baisse des prélèvements obligatoires. Les dépenses de l'Etat devront à l'avenir croître deux fois moins vite que le PIB. »
Ces propos comme ces engagements ne sont, hélas ! pas ceux du gouvernement français, ce sont ceux du ministre allemand des finances. On voit par là même qu'il y a deux manières d'être socialiste et deux manières de gérer en deçà et au-delà du Rhin...
Pour ce qui est de la conduite des finances publiques, nous regrettons de ne pas être sur la bonne rive !
Pourtant, les premières déclarations de M. le ministre de l'économie et des finances étaient prometteuses : « Il s'agit de substituer à une logique de dépenses une logique de résultats. Il s'agit que l'administration rompe avec une logique du toujours plus et qu'elle soit rendue sans cesse plus attentive à l'efficacité de son action. » Vous voyez que j'ai de bons auteurs, mes chers collègues !
Je souhaiterais, bien entendu, que ce que l'on disait quand on était à l'Assemblée nationale se traduise dans les faits une fois que l'on est au pouvoir. Mais, est-ce qu'un socialiste ministre fait un ministre socialiste, ou inversement, comme disait Bismarck ? Nous verrons.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Excellentequestion !
M. Claude Estier. Et au RPR, comment cela se passe-t-il ?
M. Josselin de Rohan. La dérive constatée à l'occasion de la présentation du collectif budgétaire d'automne est de mauvais augure, puisqu'on annonce un déficit de 209 milliards de francs, en hausse de 3 milliards de francs par rapport à celui de 1999 ; on est loin des 185 milliards de francs prévus avant l'été, et ce malgré des recettes fiscales en forte croissance !
D'ores et déjà, une hypothèque lourde pèse sur nos capacités à respecter nos engagements européens, à savoir de limiter la hausse annuelle des dépenses à 1 % en francs constants de 2001 à 2003, soit 0,3 % par an.
En 1998, le Gouvernement annonce une stabilité de la dépense en volume ; le résultat est une hausse de 3 %. En 1999, l'annonce est de 1 % de hausse, la réalisation de 2,8 %. Comment, dans ces conditions, peut-on croire à l'annonce d'une croissance zéro des dépenses publiques cette année et à celle d'une légère progression de 0,3 % l'an prochain ?
En effet, en débudgétisant certaines dépenses de nature sociale, on ne diminue pas les dépenses, on ne fait que les déplacer. Ainsi, le FOREC voit ses charges passer de 67 milliards de francs à 85 milliards de francs en 2001. Ainsi, les organismes de sécurité sociale devront assumer le poids des allégements de la CSG et de la CRDS pour les bas salaires consentis par l'Etat.
Dans tous les cas, ces manipulations, qui conduisent à accroître la dépense publique d'une année sur l'autre de 4,61 % et non de 0,31 %, ne trompent pas les autorités communautaires, qui s'inquiètent de notre volonté d'assumer nos engagements.
Pour les laudateurs de la dépense publique, son seul caractère public suffit à la parer de toutes les vertus. Pour ses détracteurs, c'est cette spécificité qui est la source de tous les maux. En fait, la dépense publique doit être examinée à l'aune des mêmes exigences de transparence et d'efficacité que les dépenses des entreprises, chacune l'étant selon ses objectifs propres.
Avec plus de 52 points de son PIB consacrés à la dépense publique, la France reste le mauvais élève de la classe Union européenne et de la classe OCDE. L'écart s'accentue par rapport à nos partenaires lorsque l'on prend en compte la dépense publique hors charge de la dette. Si nos finances publiques étaient gérées comme celles de l'Allemagne, notre dépense publique serait inférieure de 500 milliards de francs. Par rapport à l'Italie, ce chiffre passerait à 635 milliards de francs. Pourquoi ce qui est possible chez nos partenaires est-il irréalisable chez nous ?
M. Xavier de Villepin. Très bien !
M. Josselin de Rohan. Nos partenaires ont, dans l'ensemble, concentré leurs efforts sur les deux postes les plus importants de la dépense : la charge des prestations sociales et la rémunération des agents publics. Ces efforts se sont manifestés par des réformes de structure et des méthodes de gestion des dépenses qui ont permis à la fois de mieux maîtriser leur utilisation et d'assurer une plus grande transparence.
Inspirons-nous de la sagesse de ces Etats !
Il est regrettable que nos concitoyens ne soient pas informés qu'il existe des alternatives crédibles et efficaces au modèle français de service public.
M. Xavier de Villepin. Très juste !
M. Josselin de Rohan. C'est bien l'Etat qui est à l'origine du dérapage de la dépense publique : alors que les dépenses de la fonction publique représentent plus de 42 % du budget général, elles continuent de progresser chaque année.
Au 30 septembre 2000, dernier état budgétaire disponible, les rémunérations, pensions et charges sociales s'établissaient à 438,5 milliards de francs, contre 424,9 milliards de francs un an plus tôt et 411,1 milliards de francs en 1998. En un an, la progression est donc de 3,2 % et s'accentue par rapport au mois d'août.
Dans le dossier des négociations salariales dans la fonction publique, l'arbitrage prononcé par le Premier ministre en faveur du ministre en charge de ce secteur, contre votre avis, monsieur le ministre, et contre la rigueur budgétaire bien opportune que vous prôniez, a de quoi inquiéter en termes d'évolution des dépenses jusqu'en 2002. Le Gouvernement s'est en effet engagé à ce que la valeur du point d'indice ne soit pas inférieure à l'inflation sur les années 2000, 2001 et 2002. Pour la seule année 2000, il s'agit de 3 milliards de francs. Pour l'an prochain, ce sont 8 milliards de francs qui seront nécessaires. A l'examen des documents budgétaires, on constate que seuls 3,2 milliards de francs ont été provisionnés au titre de 2000 et de 2001, comme le soulignait M. le rapporteur général ce matin.
Mauvais employeur, l'Etat est incapable de gérer correctement ses ressources humaines.
Que dire de l'insincérité croissante de l'évaluation des effectifs budgétaires opérée dans la loi de finances ? Les transformations d'emplois en crédits de vacation, les missions permanentes confiées à des emplois-jeunes et la pratique des « surnombres » sont autant de cas où le Parlement se voit dépossédé de son droit d'information budgétaire et de son pouvoir d'autorisation préalable à toute création d'emploi public.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !
M. Josselin de Rohan. Pis, le ministre de la fonction publique déclarait il y a peu que l'Etat ne connaissait pas le nombre de ses fonctionnaires !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Quel aveu !
M. Josselin de Rohan. Néanmoins, les documents budgétaires récapitulant les effectifs nouveaux autorisés en 2001 recensent la création de deux emplois au ministère de la culture et la suppression de deux emplois au ministère des finances, alors même que l'Etat reconnaît qu'il ignore le nombre de ses fonctionnaires à l'unité près. En outre, cette suppression de deux emplois au ministère des finances en dit long sur la volonté réelle du Gouvernement d'entreprendre une véritable réforme de l'administration des finances !
Le nombre de fonctionnaires ne cesse de progresser. Ainsi, chaque fois que la population d'âge actif a augmenté de 100 dans les pays du G7, pris dans leur ensemble, on a assisté à la création de 68 emplois privés, de 11 emplois publics, ainsi qu'à l'apparition de 18 chômeurs et de 3 inactifs. En Allemagne, ces chiffres s'élèvent respectivement à 32, 10, 34 et 24. La France, quant à elle, a détruit 18 emplois privés mais créé 27 emplois publics, 45 chômeurs et 46 inactifs.
Dispendieuse, la politique de la fonction publique menée par le Gouvernement n'est, de surcroît, guère cohérente. Depuis trois ans, on affichait le maintien des effectifs à leur niveau et la volonté d'utiliser la voie des redéploiements. Or, pour 2001, le Gouvernement programme une vaste campagne de recrutements dans la fonction publique. Ces recrutements sont justifiés par la nécessité d'améliorer la qualité du service public. Pourtant, c'est bien cette amélioration qui engendre des gains de productivité, seuls à même de permettre une réduction des effectifs.
Près des deux tiers des 10 112 emplois créés en 2001 le seront dans l'éducation nationale, alors que le nombre d'élèves diminue chaque année !
Que dire des 263 000 emplois-jeunes qui, à deux ans de l'expiration de leur contrat, ne savent toujours pas de quoi leur avenir sera fait ? Notons que, avant de répondre à cette question capitale en termes de finances publiques, le Gouvernement s'est fixé pour objectif les 350 000 emplois-jeunes d'ici à la fin de 2001. Leur avenir passe, semble-t-il, par une titularisation dans la fonction publique, après pérennisation de leurs emplois, pour un coût estimé en 2001 à 37 milliards de francs à l'issue de tous les recrutements.
La ressource humaine est la ressource la plus gâchée par l'Etat. Le risque est majeur d'en voir les conséquences dans la qualité des services rendus aux usagers des services publics.
Face à ces dérapages de la dépense publique, nous proposons, depuis plusieurs années, qu'elle soit stabilisée et réduite. Immanquablement, face à une telle proposition, la réaction du Gouvernement est double.
D'abord, réduire le nombre des agents publics nuirait, dit-il, à la qualité du service. Mais le coût n'est pas forcément synonyme de qualité. Pourquoi l'éducation nationale, par exemple, refuse-t-elle la publication des différences constatées entre établissements scolaires dans l'amélioration moyenne du niveau des élèves au cours de la scolarité, afin de mesurer la qualité du travail ? Les « géniteurs d'apprenants », puisque c'est ainsi qu'on appelle les parents d'élèves, doivent-ils être maintenus dans l'ignorance de la seule information qui vaille : le rapport entre le taux d'encadrement des élèves et l'efficacité de l'enseignement que ceux-ci reçoivent ?
Ensuite, le Gouvernement nous met au défi de choisir les secteurs dans lesquels on pourrait réaliser des économies. Or il existe plusieurs « viviers » où des réductions d'effectifs ou le non-remplacement des départs à la retraite peuvent être décidés sans remettre en cause la qualité du service.
Tel est le cas de l'éducation nationale. Selon la commission d'enquête du Sénat sur les personnels de l'éducation nationale, 50 000 agents décomptés en tant qu'enseignants ne voient jamais un élève.
M. Martial Taugourdeau. Qu'est-ce qu'ils font ?
M. Josselin de Rohan. Or ces 50 000 personnes représentent les besoins de la totalité des établissements scolaires - maternelles, établissements primaires et secondaires - de huit départements, absences de courte et moyenne durée comprises. Cela représente une académie !
Bien qu'on enregistre en trois ans 190 000 élèves en moins dans nos écoles, les emplois budgétaires de l'enseignement scolaire sont passés de 941 075 - compte tenu de la politique de réduction lancée par le Gouvernement d'Alain Juppé - à 945 140, soit une progression de 4 174 unités. Les effets de la politique menée en 1995-1997 ont donc été effacés.
Prenons maintenant l'exemple de l'agriculture.
Le nombre d'agents du ministère de l'agriculture se situe peu ou prou aux alentours de 30 000 depuis le début des années quatre-vingt-dix, alors que la population active agricole s'est réduite de près de 40 %, soit un fonctionnaire pour cinquante agriculteurs au début des années quatre-vingt-dix pour un fonctionnaire pour trente agriculteurs à la fin de cette décennie.
M. Roland du Luart. Ce sera bientôt un pour dix !
M. Josselin de Rohan. Des sommes se chiffrant en milliards de francs sont affectées chaque année sous forme de crédits d'équipement informatique ou à l'amélioration des moyens de télécommunication. Quelle est l'incidence de ces sommes sur la productivité des services administratifs ? Se traduit-elle par une diminution de leurs effectifs, une évolution de ces derniers vers des emplois plus qualifiés, une réduction du nombre d'agents d'exécution ?
Une telle réduction n'interviendra, je le note, ni au ministère des finances - conséquence de l'accord tacite conclu à la suite de la grève survenue au mois de février dernier -, ni au ministère de l'équipement, ni au ministère de l'intérieur, ni dans les services des préfectures, qui comptent pourtant de nombreux agents d'exécution.
Les dépenses publiques évoluent à l'inverse des exigences d'une gestion saine : la part des dépenses de fonctionnement s'accroît d'année en année, tandis que celle des dépenses d'investissement connaît une évolution inverse, puisque celles-ci atteignent 78 milliards de francs en 2001, soit 3 milliards de moins qu'en l'an 2000.
L'ensemble des dépenses d'investissement consacrées aux universités, à l'aménagement du territoire, à l'environnement ou au patrimoine est inférieur de 10 milliards au montant des crédits consacrés aux 35 heures. Les crédits des titres V et VI - investissements - diminueront de manière sensible d'une année sur l'autre : de 3,5 %.
M. Philippe Marini, rapporteur général. On prépare l'avenir !
M. Josselin de Rohan. La réduction de la dépense publique est affaire de courage politique et doit s'accompagner de la nécessaire simplification des structures publiques. Ainsi, le principe de responsabilité deviendra la base du fonctionnement des services publics. Il s'agira ensuite d'élaborer les outils de contrôle de l'efficacité et de l'utilité comparée de chaque dépense. Le bon emploi des ressources dont dispose le service public concerné sera alors analysé et amélioré.
La réduction d'un point de PIB par an de la dépense publique semble un objectif raisonnable, à condition qu'elle soit conduite dans la durée.
En préférant la redistribution des fruits de la croissance à la réduction des déficits publics, le Gouvernement suit sa pente naturelle. Il est vrai que des échéances électorales ne sont pas éloignées !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Ces élections, il les perdra !
M. Josselin de Rohan. La baisse des prélèvements obligatoires proposée dans ce projet de budget pour 2001 est non pas gagée par une réduction du train de vie de l'Etat, mais financée par une partie des recettes fiscales exceptionnelles résultant de la croissance, le solde de ces recettes finançant pour sa part des recettes nouvelles. Voilà bien la preuve que l'Etat finance des dépenses structurelles par des recettes conjoncturelles. La conséquence de cette politique, c'est la persistance des déficits en période de croissance.
Mme Hélène Luc. Mais vous, quelle est votre politique, monsieur de Rohan ? Que proposez-vous ?
M. Josselin de Rohan. Entre 1997 et 1998, la réduction du déficit de l'Etat était de 0,6 point de PIB ; elle n'est plus que de 0,3 point entre 2000 et 2001.
Passons sur l'épisode tragicomique de la « cagnotte », qui était vraiment digne de Labiche, et sur les plus-values fiscales camouflées, puis avouées. Passons sur les reports de recettes sur les exercices 2000 et 2001, réalisés en violation de l'ordonnance de 1959 et dénoncés par la commission des finances comme par la Cour des comptes.
En franchissant à nouveau le seuil des 200 milliards de francs de déficit budgétaire, nous nous distinguons de la plupart de nos partenaires de l'Union européenne puisque, dès cette année, huit d'entre eux dégageront des excédents budgétaires.
Le Gouvernement annonce aux Français, pour 2001-2003, un plan de diminution des prélèvements obligatoires de 120 milliards de francs, mais, dans le même temps, depuis 1997, dix-huit taxes et impôts nouveaux ont été créés, représentant plus de 400 milliards de francs de prélèvements obligatoires supplémentaires.
Alors que nos prélèvements obligatoires ramenés au PIB sont parmi les plus élevés du monde occidental, le Gouvernement continue d'ajouter de la pression fiscale.
En 1997, la pression atteignait 44,9 % du PIB. En 1998, le Gouvernement annonçait une baisse des prélèvements obligatoires de 0,2 point : il n'en a rien été. En 1999, une baisse de 0,2 point a été annoncée. Le résultat ? Une hausse de 0,8 point !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Que depromesses !
M. Josselin de Rohan. Pour cette année, l'annonce d'une baisse de 0,5 point de PIB reste en deçà des annonces du programme pluriannuel du début de l'année. A la fin du mois de septembre, le dynamisme des recettes fiscales fait douter du caractère réalisable de cet objectif.
Pour 2001, le Gouvernement a annoncé un objectif de 44,7 % du PIB, soit celui qu'il s'était fixé initialement en 1998.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Encore de belles promesses !
M. Josselin de Rohan. Voilà illustré le « théorème de DSK » : « Les impôts baissent et les prélèvements obligatoires augmentent » !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il avait raison !
M. Josselin de Rohan. Entre mai 1997 et décembre 2000, l'écart entre les promesses du Gouvernement et la réalité représente 2,2 points du PIB, soit environ 200 milliards de francs de prélèvements : les 120 milliards de francs du plan pluriannuel à compter de 2001 apparaissent plutôt comme un mirage.
Les ménages modestes non « smicards », les familles et les retraités attendent pourtant de bénéficier des fruits de la croissance sous forme d'une baisse de leur imposition. Mais il est vrai qu'il est plus facile de sanctionner les familles par le plafonnement du quotient familial ou de prodiguer des « générosités » au détriment des collectivités locales et de transférer à celles-ci de nouvelles charges que de réformer l'administration.
En outre, l'endettement de la France reste à un niveau très élevé. En quatre ans, notre endettement s'est accru de plus de 800 milliards de francs, soit près de 15 000 francs supplémentaires par Français. Pour la première fois depuis 1997, les dépenses destinées au paiement des intérêts de la dette s'accroissent à nouveau : 240 milliards de francs en 2001, contre 234 milliards de frances en l'an 2000.
Les choix opérés par le Gouvernement pour le budget de 2001 risquent d'obérer l'avenir du fait de leur manque de rigueur.
Un certain nombre de blocages risquent de limiter nos perspectives de croissance.
Songeons aux difficultés grandissantes de nos entreprises pour recruter leur personnel, en dépit du nombre encore élevé de chômeurs ; notre système de formation et notre système d'aide sociale, qui favorise les « trappes » d'inactivité, sont à l'origine de ces difficultés.
Pensons aussi aux conditions dans lesquelles s'applique la réduction du temps de travail, qui prive également de souplesse nos entreprises et affecte leur compétitivité. A cet égard, mes critiques sont d'ailleurs infiniment moins vives que celles d'augustes personnages...
N'oublions pas la faiblesse relative des taux d'activité des moins de vingt-cinq ans et des plus de cinquante-cinq ans par rapport à ce qu'ils sont dans les autres pays industrialisés.
Comment ne pas mentionner, enfin, la saturation des capacités de production et l'insuffisance des créations d'entreprises, ainsi que le manque d'investissement de ces dernières, qui nous font prendre du retard par rapport à nos partenaires ?
Le projet de budget pour 2001 n'apporte guère de remèdes à l'excès de prélèvements et de contraintes en tous genres ainsi qu'au poids du secteur public dont souffre notre économie.
Dans la mesure où le Gouvernement attend de la seule conjoncture qu'elle réduise les déficits publics, il prend de sérieux risques, car un retournement de cette conjoncture pèsera lourdement sur l'équilibre de nos comptes. Au lieu d'agir sur les structures en période de croissance économique, le Gouvernement préfère l'utilisation immédiate des marges de manoeuvre en finançant des dépenses structurelles par des recettes conjoncturelles.
« Défiez-vous du premier mouvement, c'est le bon », disait Talleyrand. Votre premier mouvement, monsieur le ministre, était de réclamer une fiscalité moins lourde, une application raisonnable des 35 heures, la modération des rémunérations dans la fonction publique, une politique de recrutement des agents publics adaptée aux impératifs réels de notre administration. Malheureusement, la plupart des arbitrages rendus par le Premier ministre vous ont été défavorables.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Quelle tristesse !
M. Josselin de Rohan. Dans notre jeunesse, hélas ! aujourd'hui lointaine...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mais non !
M. Josselin de Rohan. ... le parti communiste couvrait les murs d'inscriptions « Libérez Henri Martin »...
Mme Hélène Luc. C'est vrai !
M. Josselin de Rohan. ... du nom d'un militant emprisonné pour sabotage pendant la guerre d'Indochine. Nous demandons à notre tour au Premier ministre « Libérez Laurent Fabius » (Sourires), libérez-le des quémandeurs de la gauche plurielle qui réclament à l'envi des crédits pour leurs clients...
Mme Hélène Luc. Ça n'a rien à voir !
M. Josselin de Rohan. ... libérez-le des idéologues qui divinisent la dépense publique de ceux qu'il nomme lui-même les « étatolâtres », libérez-le de la technostructure administrative, toujours réfractaire aux innovations ou aux allégements fiscaux, ou de la technostructure syndicale adepte du « toujours plus ».
M. Daniel Goulet. Il n'en aura que plus de mérite !
M. Josselin de Rohan. Mais parce que je crains que la levée d'écrou de M. Fabius ne soit pas immédiate, je crois surtout, monsieur le président, mes chers collègues, que, pour nous libérer définitivement, mieux vaut nous appuyer sur les sages avis de M. le président et de M. le rapporteur général de la commission des finances...
M. Paul Loridant. Pour dissoudre l'Assemblée nationale !
M. Josselin de Rohan. ... et sur nos propres forces pour convaincre l'opinion qu'une autre politique est souhaitable et qu'elle est possible, qu'elle est même la seule possible si nous voulons tirer un profit durable des acquis de la croissance. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et indépendants et de l'Union centriste.)
M. Claude Estier. Vous n'avez pas fait une seuleproposition !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Lisez le rapport de la commission des finances, vous trouverez les propositions !
M. Claude Estier. Tout y est mauvais !
M. le président. La parole est à M. Arthuis.
M. Jean Arthuis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais d'abord vous demander pardon... (Mais non ! sur les travées du RPR.)
M. Claude Estier. Pardon d'avoir été ministre des finances ?
M. Jean Arthuis. Ce n'est pas une repentance (Ah ! sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants) mais, ce matin, je n'ai pu être présent en séance pour écouter M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie,...
M. Claude Estier. Vous avez beaucoup perdu !
M. Jean Arthuis. ... M. le rapporteur général, M. le président de la commission des finances et M. le président de la commission des affaires sociales. En effet, j'avais répondu à l'invitation de M. le président de l'Assemblée nationale, en sa qualité de président de la commission spéciale chargée de la réforme de l'ordonnance de 1959.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous étions sur le même sujet !
M. Jean Arthuis. Cette réforme-là, monsieur le ministre, est peut-être l'instrument de votre libération. (Exclamations amusées sur les travées du RPR.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Libérons Fabius ! (Sourires.)
M. Jean Arthuis. S'il est une démarche qui doit être suprapartisane et bicamérale, c'est bien la réforme de la discussion des lois de finances. Il faut tout le talent du ministre, du rapporteur général et du président de la commission des finances pour ne pas accéder à la tentation de penser que nous vivons un exercice hallucinant, formel. Dans quelques semaines, à la veille de Noël, nous examinerons un projet de loi de finances rectificative et il faudra la période complémentaire, le mois de janvier, pour l'exécuter ; démarche absurde, ridicule, dans laquelle nous nous trouvons enfermés.
Alors, je souhaite en effet que, au-delà des partis, et en rassemblant le Sénat, l'Assemblée nationale et le Gouvernement, nous réformions l'ordonnance de 1959. Je n'étais pas présent ce matin, monsieur le ministre, mais j'ai noté votre volonté d'y parvenir. Cette réforme structurelle sera une épreuve de vérité, de transparence, de lucidité et de courage. Si nous n'y procédons pas, mes chers collègues, les désinformateurs courront toujours plus vite et bloqueront toutes les réformes possibles en portant l'accent sur les peurs.
Dans la discussion budgétaire qui s'ouvre aujourd'hui, nos interventions doivent désormais, suivant en cela l'initiative heureuse de la commission des finances, être marquées du sceau de la concision et de la pugnacité. Je ne peux qu'approuver cette démarche, gage de vitalité et d'efficacité renouvelée. Elle préfigure, je le souhaite, l'évolution d'une procédure budgétaire jusqu'à présent rituelle pour le Gouvernement, frustrante pour les parlementaires, illusoire pour nos concitoyens.
Pourtant, la loi de finances demeure l'acte fondateur de l'action politique. Elle détermine le pacte républicain. Dans le contexte économique international favorable que nous connaissons, nous espérions nous éloigner enfin de la singularité française. Hélas ! monsieur le ministre, ce n'est pas le cas. Votre projet de loi de finances pour 2001, tel qu'il vient d'être voté par l'Assemblée nationale, apparaît extrêmement décevant. Il porte la marque de la résignation, comme si le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie avait oublié les engagements du président de l'Assemblée nationale.
Résignation, celle du Gouvernement face au déficit, plaçant la France parmi les mauvais élèves de l'Europe. Est-ce l'exemple que doit donner la nation présidant l'Union européenne jusqu'à la fin de l'année ? Est-ce la bonne manière, monsieur le ministre, pour stabiliser l'euro par rapport au dollar ?
Résignation face à l'endettement qui, en près de quatre années de croissance robuste, aura augmenté de plus de 700 milliards de francs.
Résignation face aux dépenses publiques puissamment nourries à coup de création d'emplois publics. Le ministre de l'éducation nationale vient à cet égard, par ses annonces récentes, de dissiper avec fracas toute ambiguïté. J'ai bien noté vos propos de ce matin, monsieur le ministre : vous remettez en cause ce qui, au début des années quatre-vingt dix, apparaissait comme une priorité nationale ; la réhabilitation de la dépense publique. Mais de la déclaration aux actes, il y a encore une distance.
Résignation face au dogme malthusien de la réduction du temps de travail.
Résignation face aux réformes structurelles. Votre ministère, qui compte tant de talents, ne s'est-il pas lui-même livré récemment à un exercice révélateur au travers de l'hypothétique rapprochement de la comptabilité publique et de la direction générale des impôts ?
Résignation face aux jeunes générations, trompant leurs espérances et leur laissant en héritage le financement des régimes de retraite et le remboursement des dettes publiques.
Résignation face à la nécessaire harmonisation fiscale européenne.
Les communiqués se suivent, à l'issue des conseils des ministres des finances. Ils ont tous la même saveur tiède et ne traduisent aucun progrès.
Résignation, enfin, face à la réforme de nos impôts, condition pourtant essentielle de la cohésion sociale. C'est ce dernier point que je souhaite commenter.
Après les épisodes, toujours en mémoire, du feuilleton de la désormais célèbre « cagnotte », après le constat du record absolu de prélèvements obligatoires, vous avez, monsieur le ministre, tenté de convaincre les Français de votre volonté de faire baisser les impôts. Intention louable !
C'est ainsi que vous avez présenté, sans aucune concertation, sans aucun dialogue avec le Parlement, une mosaïque de mesures fiscales estivales, disparates, illisibles, ponctuelles et quelque peu clientélistes. Chacun y cherche vainement l'expression d'une vision de la fiscalité moderne, intégrant les exigences de la mondialisation de l'économie, comme le rappelait M. Angels tout à l'heure, comme la construction européenne. Est-ce la raison pour laquelle vous avez renoncé à nous proposer le grand débat que nous attendons sur la fiscalité ? J'avais pourtant cru lire voilà peu de temps, sous votre plume, dans un journal du soir, que ce qui comptait, pour vous, c'était la capacité à « entraîner notre économie vers l'avenir ».
Pensez-vous que l'on puisse, en quelques heures, àl'occasion de l'examen des articles de la première partie du projet de loi de finances, engager le débat sur la réforme fiscale ? Certainement pas ! Pis, en remettant en cause la CSG sur les bas salaires, vous brisez, monsieur le ministre, la seule vraie réforme accomplie, discrètement il est vrai, par les gouvernements successifs durant les années quatre-vingt dix et qui consistait à mettre en place un impôt proportionnel sur tous les revenus.
Vous réalisez ainsi le dramatique exploit d'enfermer les plus modestes de nos concitoyens dans de redoutables « trappes à bas salaires ». De combien l'employeur devra-t-il augmenter le coût du travail pour permettre à ses collaborateurs de percevoir un supplément de salaire net significatif ?
Plusieurs sénateurs du RPR. Très bien !
M. Jean Arthuis. N'est-ce pas bloquer l'ascension sociale dont la République tire l'une de ses fiertés ? « Le progrès social a besoin de développement économique » écriviez-vous. Il est temps de dire aux Français que vous faites le contraire.
Le contenu et la forme sont décidément critiquables. L'objectif consiste bien à favoriser la création de richesses, sans lesquelles le progrès social est impossible, nous le savons bien. Nous y sommes attachés et la voie que vous empruntez est, en réalité, une impasse.
Le groupe de l'Union centriste retient donc trois priorités, dont devrait être imprégné un budget porteur d'avenir.
Tout d'abord, il importe d'alléger les cotisations sociales, en écrêtant progressivement les effets restrictifs, les seuils, les dispositions de toute nature qui multiplient les blocages, les stratégies de contournement et qui font perdre aux Français les chances d'améliorer leur niveau de vie. La cohésion d'une communauté de destins en découle. C'est en effet la condition du plein emploi et de la mobilisation de toutes les ressources de la nation.
Le moment paraît venu de désacraliser les salaires comme assiette des cotisations sociales. Nous devons désormais rechercher un autre impôt, mieux adapté aux nouvelles contraintes économiques. Cet autre impôt ne doit-il pas être fondé sur la valeur ajoutée ? N'existe-t-il pas, monsieur le ministre ? Il faudra ouvrir ce débat sur l'évolution des cotisations sociales et l'impôt de consommation.
Deuxième priorité : il faut rendre l'impôt sur le revenu supportable. Il est au coeur de la solidarité citoyenne. Il doit être compris et accepté par l'ensemble des contribuables qui y sont assujettis, par les classes moyennes si pénalisées aujourd'hui.
Après avoir bloqué la réforme engagée en 1996, la majorité plurielle, particulièrement divisée sur ce sujet, procède au travers de ce projet de budget à de bien timides avancées, prenant le risque de reléguer la France au rang des pays les moins compétitifs. Au surplus, quel dommage, monsieur le ministre, que vous n'ayez pas cru devoir suivre certaines des dernières recommandations du Conseil national des impôts !
Il est vraiment temps que des réformes aussi attendues soient débattues dans le cadre de projets de loi spécifiques, hors de l'examen des articles de la première partie de la loi de finances initiale. Peut-être accepterez-vous, un jour, dans le cadre de la réforme de l'ordonnance de 1959, de déposer le projet de loi de finances dès le printemps, mettant à l'écart un débat d'orientation budgétaire dont je ne suis pas certain qu'il réponde aux attentes de ses promoteurs. Ainsi, nous aurons le temps d'engager le débat sur les réformes fiscales.
Troisième priorité, que vous semblez partager, sans toutefois oser passer à l'acte : libérer l'offre de travail en assouplissant le régime autoritaire et généralisé des 35 heures, notamment dans les petites et moyennes entreprises.
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Jean Arthuis. A défaut de remettre en cause les 35 heures, élargissons l'enveloppe d'heures supplémentaires...
Mme Hélène Luc. Ça ne passe pas, les 35 heures !
M. Jean Arthuis. ... et donnons du temps aux petites et moyennes entreprises. En s'abstenant de ce geste d'élémentaire pragmatisme, vous mettez en péril la croissance, vous bridez notre potentiel productif, vous détruisez une partie du tissu économique français. Nous sommes loin de l'hypothèse d'école puisque, selon certaines analyses récentes, notre pays a créé cette année davantage d'emplois que de richesses. Pour ce qui est de l'emploi, les effectifs ont progressé de 3,5 %, tandis que les richesses ne croissaient que de 3,4 %.
J'ajoute que ce n'est pas en travaillant moins que nous parviendrons à financer décemment et durablement les retraites.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est clair !
M. Jean Arthuis. Vous comprendrez, monsieur le ministre, que nous ne puissions accepter votre projet de budget en l'état. Fort heureusement, la commission des finances va nous aider à l'améliorer, à l'engager sur la voie du réalisme, de la cohésion sociale...
Mme Hélène Luc. Pas du progrès social !
M. Jean Arthuis. ... - mais vous nous aiderez dans ce sens, madame Luc - et du dynamisme économique.
Je tiens à saluer la démarche et l'autorité du président de la commission des finances, M. Alain Lambert,...
M. Jacques Oudin. Elle est grande !
M. Jean Arthuis. ... et de son rapporteur général, M. Philippe Marini. Leur talent et l'éclairage qu'ils nous proposent vont redonner du sens à notre discussion.
Je ne doute pas que, grâce à eux, grâce au Sénat, le débat qui s'ouvre marque la fin d'une pratique et signe la renaissance d'un pouvoir parlementaire pleinement assumé.
C'est dire, monsieur le ministre, si nous devons réformer avec courage et audace la discussion budgétaire et l'ordonnance de 1959. C'est une épreuve de vérité. C'est aussi le socle de la cohésion sociale et du pacte républicain. Tous les parlementaires doivent pouvoir examiner l'article d'équilibre comme un document lisible. De même, tous nos concitoyens doivent s'approprier laproblématique budgétaire. Sinon, mes chers collègues, méfions-nous : le pacte républicain pourrait bien se trouver en danger, et je ne suis pas sûr que nous serions alors en situation de combler le fossé d'incompréhension qui peut séparer le politique de la nation. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon collègue non inscrit Philippe Darniche aurait souhaité intervenir dans cette discussion générale. Aussi, mon intervention s'inspire largement de ce qu'il aurait voulu exprimer aujourd'hui.
L'examen du projet de loi de finances pour 2001 apporte, cette année encore, la preuve que la priorité gouvernementale, dans une conjoncture favorable, est non pas d'assainir durablement nos finances publiques, mais, à l'opposé, d'ouvrir toutes grandes les « vannes » de la dépense publique.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, si l'on tient compte du financement des 35 heures et de la CMU, les dépenses de l'Etat augmenteront en 2001 de plus de 2 %.
Je dénonce ce laxisme budgétaire coupable, qui se caractérise par un emballement des dépenses de fonctionnement, alors que l'investissement continue de régresser année après année.
Les 35 heures pèsent sur la compétitivité intérieure et internationale de nos PME-PMI. Elles coûteront plus de 80 milliards de francs en 2001, soit l'équivalent du tiers de l'impôt sur le revenu ou de deux points de TVA.
De plus, alors que les perspectives démographiques de la fonction publique devraient nous inciter à réduire ses effectifs, le Gouvernement décide une nouvelle fois de les accroître par la création de 11 000 postes et la titularisation de 10 000 vacataires.
Enfin, en matière de dette publique, nous demeurons les « mauvais élèves » de l'Europe. Elle représente, dans notre budget, 5 200 milliards de francs, soit 86 000 francs par habitant, tandis que le service de la dette, qui ne retrace pourtant que le paiement des intérêts, absorbe, pour l'année 2001, plus de 240 milliards de francs.
En 2001, l'Etat empruntera 542 milliards de francs, dont 186 milliards de francs pour combler le déficit, 348 milliards de francs pour s'acquitter des titres arrivant à échéance et 8 milliards de francs pour répondre à des engagements divers. A l'inverse, la dette publique des Etats-Unis sera totalement effacée dans une dizaine d'années et plusieurs pays européens commencent d'ores et déjà à enregistrer des excédents budgétaires, donc à réduire leur dette publique.
Je voudrais maintenant, monsieur le ministre, attirer votre attention sur trois budgets en particulier : le budget des collectivités locales, celui qui est consacré aux sports et celui du ministère des affaires étrangères.
En ce qui concerne le budget des collectivités locales, les élus n'ont plus les moyens de supporter les charges croissantes qui leur incombent et une réforme fondamentale de la fiscalité locale s'avère indispensable.
Les besoins financiers des collectivités augmentent du fait de charges obligatoires croissantes, alors que, dans le même temps, nous assistons à un effort rampant de « recentralisation » des finances locales par leGouvernement et à l'étatisation des impôts locaux àhauteur de plus de 50 milliards de francs - taxe professionnelle, taxe d'habitation et vignette automobile.
Tout cela entraîne une perte réelle d'autonomie des collectivités locales, qui deviennent ainsi dépendantes de l'Etat et n'ont plus les ressources nécessaires pour mener à bien leurs propres projets.
Je souhaite que, dans le cadre des prochains débats, nous marquions notre volonté d'approfondissement de la décentralisation en même temps qu'une transparence et une responsabilité accrues dans l'action des élus locaux. C'est pourquoi je soutiens la proposition de loi constitutionnelle sénatoriale relative à l'autonomie financière et fiscale des collectivités locales, et je défends l'idée, simple, d'une « fiscalité locale comportant une fraction d'impôt d'Etat et du partage d'impôts d'Etat donnant lieu au Parlement à un vrai débat politique sur la part des ressources nationales consacrée aux besoins croissants descollectivités ».
En ce qui concerne le budget des sports, je suis gêné, monsieur le ministre, de devoir dire de la sixième nation olympique que, avec 0,18 % de son budget, cette nation consacre au budget des sports une somme très inférieure au 1 % de la culture, que je ne conteste pas, mais qui résulte d'un véritable choix politique.
Toutefois, il ne suffit pas de simples effets d'annonces pour mener à bien une politique sportive nationale de grande ampleur. Le sport demeure une formidable école d'insertion sociale que nous ne devons pas négliger et pour laquelle nous devons accroître les moyens financiers et humains au niveau tant municipal, départemental que national. Mais cette école se doit avant tout d'englober tout le monde, des plus défavorisés aux plus professionnels, des personnels d'encadrement aux bénévolesassociatifs.
Pour résumer, on ne peut se glorifier de remporter des médailles prestigieuses et rester si « chiche » quant aux moyens alloués par l'Etat. Les résultats olympiques de Sydney sont l'arbre qui cache de la forêt. Nous n'attendons pas seulement du ministre compétent qu'il soit présent médiatiquement au côté de chaque médaillé. Nous appelons plutôt de nos voeux la mise en place d'une véritable politique sportive dans notre pays, dès l'école primaire, dotée de moyens appropriés.
Enfin et surtout, je regrette que notre budget des affaires étrangères reste très insuffisant au regard des enjeux de la globalisation. Ainsi, notre pays, malgré le record des recettes fiscales enregistré cette année, n'assure pas le paiement des cotisations à certaines organisations internationales, en particulier à l'Organisation mondiale du commerce et à l'Organisation mondiale météorologique.
Pour conclure, mes chers collègues, sachant que, en 1999, 70 % des fruits de la croissance ont été captés par le fisc, j'espérais - comme l'ensemble de mes concitoyens soucieux d'une gestion maîtrisée de la dépense publique par le Gouvernement - voir diminuer les impôts, les taxes et les cotisations. C'est l'inverse qui se produit, avec la création, depuis 1997, de quinze nouvelles taxes, l'augmentation des prélèvements obligatoires pour plus de 500 milliards de francs - pour un niveau record de 45,6 % en 1999 - et un déficit public qui demeure supérieur à 200 milliards de francs.
Inquiet de la progression rapide et régulière des dépenses de fonctionnement, qui accroît la dette et alimente les déficits à venir et qui place la France en contradiction totale avec ses engagements européens, je considère préoccupant de voir amputer des budgets d'investissement civils qui, eux, devraient être prioritaires en période de croissance.
Avec certains de mes collègues, je tiens à signifier ma profonde désapprobation sur les orientations de ce projet de budget pour 2001, que j'estime avant tout non conforme à l'intérêt national. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. du Luart.
M. Roland du Luart. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quand on a le privilège de monter régulièrement à cette tribune pour y exposer une analyse des finances publiques, on ressent à chaque période budgétaire, tout particulièrement depuis trois ans, une désagréable sensation d'impuissance de l'Etat, de la nation tout entière, à se réformer paisiblement.
En effet, la fonction publique continue - de fait - de commander le Gouvernement, et non l'inverse ; le fonctionnement continue d'évincer l'investissement, car il est électorablement plus rentable ; la politique fiscale est de nouveau calibrée en fonction de considérations idéologiques, et non en vue de renforcer notre dynamisme économique ; la politique de défense nationale est sans cesse écornée et nos armées abaissées dans leur potentiel et leur moral ; des politiques sociales généreuses sont lancées, mais elles ne sont pas financées durablement par la maîtrise des dépenses.
Rappelons-nous un instant ces violentes critiques proférées par l'équipe aujourd'hui au pouvoir sur le non-financement présumé de la réforme de l'impôt sur le revenu initiée, hier, par Alain Juppé : critiques purement partisanes, car chacun peut constater que la réforme Jospin d'aujourd'hui n'est pas le moins du monde gagée par de moindres dépenses mais qu'elle repose sur le pari de la croissance continue.
Ce seul exemple illustre la fragilité de la politique de la demande conduite depuis plusieurs années. Habillée de considérations théoriques parfois justifiées, cette politique freine, voire interdit toute réforme structurelle audacieuse, ou simplement courageuse. Augmentation des effectifs et des rémunérations de la fonction publique, revalorisation du SMIC et des minima sociaux, financement des emplois-jeunes et des 35 heures : assurément, toutes ces mesures soutiennent la demande et constituent souvent des avancées sociales, mais ce sont des avancées sociales sans financement pérenne assuré et qui ne répondent en rien aux déficits structurels auxquels notre économie est confrontée. Or, le plus souvent, une avancée sociale dont le financement pérenne n'est pas assuré ressemble plus à une mesure électorale qu'à un progrès durable.
Car il ne peut être véritablement contesté que la politique budgétaire de notre pays, largement fondée sur cette politique de la demande, suscite plus la perplexité qu'elle ne soulève l'enthousiasme.
Mes chers collègues, le Gouvernement semble malheureusement n'avoir « rien appris ni rien oublié » de la politique budgétaire catastrophique des années 1988-1992, qui a conduit à l'effondrement de 1993, avec un déficit avoisinant les 6 % du produit intérieur brut.
L'enchaînement est pourtant simple. En période de bonne conjoncture, le Gouvernement laisse filer les dépenses : le déficit global est contenu, voire diminué, mais le déficit structurel s'accroît. Comme cet indicateur structurel n'est que rarement commenté, personne ne critique véritablement la politique conduite. Quand la conjoncture se retourne, le déficit global réapparaît avec force, car les recettes diminuent quand les dépenses rigides sont impossibles à diminuer. L'équilibre ne se rétablit ensuite que par des ponctions fiscales accrues qui pèsent sur la croissance future. Dans notre raisonnement, nous prenons date aujourd'hui.
Ces dépenses accrues en période de conjoncture favorable, aujourd'hui comme hier, constituent une espèce de « prion budgétaire » (Sourires), qui demeure invisible en période de hautes eaux économiques, mais qui s'active en cas de « coup de tabac ». Certes, ce « prion » est détruit par la croissance, mais à la condition que celle-ci dure au moins une dizaine d'années. Rien n'est malheureusement moins sûr ici. Sans jouer les Cassandre, il convient de poser quelques repères à ce propos.
Le taux de 3 % de croissance du produit intérieur brut, tel que nous l'avons enregistré ces dernières années, est deux fois supérieur à la croissance moyenne des années quatre-vingt. Il est, de plus, supérieur au taux de croissance potentielle de l'économie française, qui s'établit aux alentours de 2,5 %, ce qui n'est pas une situation durablement tenable sans politique active de l'offre. Il est, par certains aspects, inespéré, en tant qu'il repose sur les charmes imprévus mais éphémères d'une monnaie faible. Enfin il est, par nature, fragile, dans le seul pays développé, le nôtre, qui ne place pas les entreprises privées et les emplois qu'elles créent au centre de ses préoccupations, le seul pays développé qui ne soit pas business friendly , selon le jargon à la mode.
On peut donc affirmer que notre croissance est fragile sur le moyen terme et qu'elle ne sera pas indéfiniment conciliable avec une politique budgétaire qui penche beaucoup plus vers le laxisme que vers la rigueur. Il faut être bien distrait ou posséder la foi du charbonnier pour ne pas s'inquiéter des clignotants passés au rouge : déficit structurel plus élevé que celui de nos partenaires de l'euro 11, abandon en rase campagne de la maîtrise des dépenses et de la réforme de l'Etat, maintien des prélèvements obligatoires à un niveau plus élevé que celui de nos concurrents directs. Le « prion » est encore vivace et nous menace directement.
Je n'en veux pour preuve supplémentaire que les analyses pertinentes développées par le récent rapport de notre collègue Joël Bourdin, qui les exposera d'ailleurs lui-même dans quelques instants à cette tribune. En effet, le rapport de la délégation pour la planification du Sénat, qu'il préside, estime que le déficit public pourrait être supérieur à celui qui est prévu par le Gouvernement dans les années à venir. Une simulation commandée à l'OFCE - Observatoire français des conjonctures économiques - par la délégation fait apparaître que, si la croissance s'établissait à 3 % en moyenne dans les cinq prochaines années, ce serait déjà une performance considérable ; le déficit public en 2001 atteindrait 1,4 % du produit intérieur brut, au lieu de 1 % selon le projet de loi de finances, et 1,1 % en 2003, au lieu de 0,3 % selon le programme pluriannuel des finances publiques. En 2005, le déficit serait encore supérieur - de 0,7 % - à celui qui est prévu pour 2003. Bref, cela tend à prouver que le programme pluriannuel transmis aux autorités communautaires par le Gouvernement souffre d'un manque évident de crédibilité.
Alors même que nos finances publiques ne sont pas durablement assainies, est-il vraiment raisonnable de continuer la fuite en avant, toujours plus de dépenses, en priant pour que la conjoncture reste durablement bien orientée ? Je ne le crois pas. Je suis même persuadé du contraire, même si je ne saurais méconnaître les vertus de la prière.
Le projet de budget qui est soumis à notre appréciation est un nouveau budget de facilité. Alors que de 1994 à 1997, le gouvernement que nous soutenions avait réduit de plus de moitié le déficit structurel, en le ramenant de 4,6 % à 2,2 % du produit intérieur brut, le gouvernement auquel vous appartenez l'a laissé à ce niveau depuis son entrée en fonctions - 1,8 % - en 1999...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. C'est exact !
M. Roland du Luart. ... alors même que la croissance n'a jamais été aussi « belle » depuis la fin des années quatre-vingt. De plus, la barque des dépenses est encore lourdement chargée pour 2001. Le taux de croissance affiché, à savoir 1,5 % en valeur, apparaît bel et bien comme un taux d'affichage. Hors changements de périmètre, l'augmentation est en fait de 4,3 %. Selon les calculs de certains experts, elle atteint même 4,6 %, à périmètre constant cette fois-ci. De tels écarts ne sont d'ailleurs pas facilement compréhensibles et laissent supposer que le mouvement vers la transparence des comptes publics s'apparentera plus à une « longue marche » qu'à une promenade d'agrément. Ces chiffres sont d'ailleurs vraisemblablement sous-estimés car ils n'intègrent pas totalement les augmentations prévisibles des traitements dans la fonction publique ni le coût des mesures prises ou à prendre en faveur de la filière bovine, mesures qui ont été évoquées ce matin par le président Lambert.
Cette absence de maîtrise de la dépense entraîne les autres conséquences bien connues : impossibilité de baisser suffisamment le niveau des prélèvements obligatoires, sauf à dégrader le solde d'exécution, et accroissement de l'endettement de l'Etat, en valeur absolue comme en valeur relative.
Bref, d'aussi faibles résultats enregistrés en matière d'assainissement des finances publiques, alors qu'entre 1998 et 2000 la croissance aura été supérieure à 3 % en moyenne, ne conduisent pas à un optimisme sans nuance.
N'en déplaise aux Chantecler de l'exception française (Sourires) , ce n'est pas la France qui apporte la croissance à l'Europe et au monde, mais l'inverse. Les économies mondiales sont quasiment à l'unisson depuis 1991, les variations de croissance sont étroitement corrélées, les Etats-Unis, jusqu'en 1999, et la Grande-Bretagne, jusqu'en 1998, étant sensiblement au-dessus des autres nations. Notre éminent collègue Joël Bourdin précisera cette analyse, qui devrait nous inciter à plus de modestie et de prudence en matière budgétaire.
On commence par annoncer des réformes ambitieuses de l'Etat, au ministère des finances ou à l'éducation nationale, et cela se termine par une augmentation des effectifs nets de fonctionnaires à structures désespérément constantes. On annonce une réforme fiscale ambitieuse et l'on ne voit venir qu'un saupoudrage électoraliste qui se moque des entrepreneurs et qui stigmatise le fruit monétaitre de l'audace et du travail. On annonce, discipline européenne oblige, une maîtrise des dépenses de l'Etat, mais toutes les astuces et les ficelles sont mises en oeuvre pour en gommer la progression réelle.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le FOREC !
M. Roland du Luart. Tout cela n'est pas convenable. Tout cela est même proprement inadmissible en période de forte croissance.
Dans ces conditions, le groupe des Républicains et Indépendants soutiendra la commission des finances du Sénat dans sa volonté de programmer un retour à l'équilibre des finances publiques et défendra en séance des amendements en cohérence avec elle.
Monsieur le président, mes chers collègues, mon groupe ne pourra, bien évidemment, accepter le budget de facilité que nous présente le Gouvernement. A l'inverse, nous défendrons et soutiendrons toutes les initiatives qui vont dans le sens de la sincérité et de la responsabilité budgétaire. Nous en faisons une question de principe et de courage politique. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord une réflexion. Le Sénat dispose d'un droit constitutionnel, garanti par un délai, pour s'exprimer sur le budget. Or, une fois de plus, nous nous trouvons non pas devant un coup d'Etat - ce serait excessif - mais, à tout le moins, devant un abus du Gouvernement. En effet, en plein débat budgétaire, celui-ci nous impose le retour du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 et, si mes souvenirs sont exacts, de la proposition de loi relative à la contraception d'urgence. Cela réduit d'autant nos possibilités d'expression. Je tenais d'emblée à faire état de cet élément qui concerne la déontologie des relations entre le Gouvernement et le Parlement.
En matière budgétaire, nous avons des textes complexes, c'est le moins que l'on puisse dire, monsieur le ministre. Je traiterai, d'une part, de la politique budgétaire du Gouvernement et, d'autre part, des problèmes de relation avec les collectivités territoriales.
D'après ce que j'entends, les hypothèses de croissance pour 2000 se situeraient aux environs de 3,4 %. Peut-être ? Est-on sûr que l'impact des 35 heures sur la réalité du fonctionnement de notre économie permettra de maintenir ce pourcentage ? Pour ma part, je n'en suis pas vraiment persuadé. Parallèlement, les déficits publics s'élèveront à 1,4 % du produit intérieur brut et les prélèvements obligatoires à 45,2 % du produit intérieur brut. Nous sommes, cette fois, dans le domaine des records, alors que voilà un instant nous étions peut-être dans celui de l'illusion.
Le Gouvernement nous dit qu'il mène une politique budgétaire rigoureuse. Ainsi, les chiffres annoncés décriraient une faible croissance des dépenses, un allégement d'impôts important et une réduction sensible du déficit budgétaire d'environ 30 milliards de francs. Monsieur le ministre, je ne suis pas absolument certain que, derrière les annonces, il n'y ait pas, en la matière, en réalité un certain laxisme.
Si je lis bien, les dépenses de l'Etat pour 2001 croîtront plus rapidement que les richesses nationales, alors que l'on nous explique qu'elles seront quasi stables en francs constants.
Le Gouvernement ne propose de rendre sous forme de baisse d'impôts que le tiers de la croissance des recettes fiscales. Ces baisses d'impôts, plus apparentes que réelles, sont globalement consacrées aux ménages. Monsieur le ministre, les entreprises qui subissent une légère hausse ne méritent-elles pas un sort différent de celui qu'on leur réserve ?
Nous constatons aussi que ce projet de budget marque l'arrêt du mouvement de réduction du déficit budgétaire qui avait été enclenché en 1994. Le niveau de déficit ne diminue pas si l'on tient compte de la réalité des recettes non fiscales. En effet, le Gouvernement reporte 15 milliards de francs de produits de l'exercice 1999 sur l'exercice 2001 pour limiter l'impact sur le déficit. Est-ce sérieux ? En fait, en baissant les impôts sans réduire les dépenses, le Gouvernement creuse en réalité le déficit. Pour le financer, devrons-nous faire appel à l'emprunt et donc le reporter sur les générations futures ? Cette question commence à sourdre de certaines réflexions.
Le collectif budgétaire, qui est un moment important et qui marque le virage d'un exercice sur un autre, souligne, me semble-t-il, le manque de régularité dans la réduction du déficit, si on le prend en considération à périmètre constant.
En effet, le déficit budgétaire pour 2000 a peut-être atteint le niveau initialement affiché par le Gouvernement. Néanmoins, le 11 juillet dernier, monsieur le ministre, vous faisiez état - ce n'est pas moi qui l'ai inventé - après les réévaluations effectuées par le collectif de printemps pour l'année en cours, d'un nouveau surplus de recettes fiscales de 30 milliards de francs qui serait affecté à la réduction du déficit et, par conséquent, à l'allégement du poids de la dette.
Je ne suis pas certain que ce soit concrétisé dans les documents qui nous ont été communiqués. Certes, la conjoncture vous aide plus que les réformes de fond. S'agissant de la conjoncture, soyons clairs : tout le monde s'est trompé. Nous n'y avons pas cru lorsque ses aspects positifs se sont fait sentir. Je crains que le Gouvernement ne se soit trompé en s'en attribuant le mérite. La conjoncture, c'est la conjoncture. Nous n'avons pas su en profiter. Vous l'avez abusivement confisquée.
Voilà qui m'amène à poser une question. Assistera-t-on à un accroissement du déficit budgétaire en 2001 par rapport à 2000, compte tenu de l'impact sur notre économie des 35 heures et des incertitudes, voire des trous que vous êtes en train de laisser se creuser ? Monsieur le ministre, pour être tout à fait franc, je ne peux pas croire que ce soit cela et personne ne peut accepter de croire que ce soit vous qui soyez à l'origine d'une telle contradiction.
Que ce soit en matière de déficit budgétaire, de dépenses publiques ou de prélèvements obligatoires, nous retrouvons une fois encore « l'exception française ». D'exception en exception, cela commence à faire beaucoup !
En admettant que les prélèvements obligatoires représentent 44,7 % du PIB l'an prochain - à mon avis, ils s'élèveront à 45,2 % - ils seront toujours supérieurs à ceux du Royaume-Uni et de l'Allemagne qui est en train de réformer profondément ses finances. Pourtant, il s'agit d'un gouvernement dont vous vous sentez proche ! De ce côté, je ne vois rien arriver. Même l'Italie, le Portugal et la Grèce connaîtront des prélèvements inférieurs aux nôtres ! Où va-t-on ?
Monsieur le ministre, il n'existe pas trente-six créateurs de richesses. Il y a les entreprises. Elles ne peuvent pas devenir les boucs émissaires des cadeaux faits aux ménages.
M. Paul Blanc. Très bien !
M. Paul Girod. Je n'ose pas dire que votre main gauche ignore ce que fait votre main droite. En effet, je ne sais pas si votre main gauche est en direction des entreprises et votre main droite en direction des ménages, ou l'inverse. Mais, en l'état actuel, je constate une contradiction dans l'action du Gouvernement : ou bien on vise les familles et les individus en renforçant les entreprises, ou bien on fait des cadeaux électoraux, en tuant l'avenir.
M. Paul Blanc. Eh oui !
M. Paul Girod. Votre projet de budget ne comporte pas la répartition qui convient pour tenir compte de ces deux éléments. Si on y ajoute le projet de loi de financement de la sécurité sociale, ma perplexité est accrue. Or, pour un parlementaire - et vous le savez mieux que personne, monsieur le ministre, puisque vous l'avez été très longtemps -, rien n'est pire que la perplexité, surtout face à un gouvernement dont l'action aboutit à ce que, d'année en année, les cerveaux soient plus nombreux à fuir notre pays. Et ce ne sont ni le Gouvernement, ni l'administration, ni les cadeaux accordés aux ménages qui les retiendront. Ce sera la capacité qu'ils auront de pouvoir s'épanouir au sein de notre société et au coeur de notre économie.
M. Paul Blanc. Très bien !
M. Paul Girod. Est-ce cette direction que nous prenons ? Je n'en suis pas sûr.
J'en viens aux collectivités territoriales.
La Constitution précise que les collectivités territoriales s'administrent librement dans les conditions prévues par la loi ». Depuis 1981, j'entends les mots « décentralisation », « autonomie », « liberté de gestion ». Très bien ! Il n'y a pas longtemps, notre collège Mauroy - votre estimé prédécesseur au poste de Premier ministre - nous expliquait que l'on devait renforcer la décentralisation et l'autonomie financière. Avec la suppression tant de la taxe d'habitation perçue par les région que de la vignette dont le produit revenait aux départements, l'autonomie financière peut se concevoir ; mais cela veut dire, si l'on pousse le raisonnement jusqu'au bout, que l'on substituera des dotations de l'Etat à la fiscalité locale. Cela justifierait au moins un changement de vocabulaire : ce serait non plus l'effort de l'Etat, mais la reconnaissance de l'Etat, le tribut de l'Etat.
En plus de cela, quelles seraient les caractéristiques de répartition des dotations baptisées d'avance « effort » par vos services et récusées d'avance par nous dans cette formulation ? Quel serait le système de répartition tenant compte plus ou moins des ukases que l'Etat, par politiques interposées et dotations truquées, veut imposer aux collectivités territoriales ? C'est une question qui mérite d'être posée, et ce n'est pas au moment où l'on plaide en faveur de la décentralisation et où l'on réduit l'autonomie fiscale des collectivités territoriales que l'on peut esquiver le fond de la question.
Monsieur le ministre, j'entends bien les bonnes intentions proclamées, mais je constate les difficultés croissantes des collectivités locales. Je ne suis pas certain que l'on puisse aussi facilement qu'on le dit ou qu'on manipule les concepts aboutir à une réforme profonde de la fiscalité locale autrement qu'en transférant le poids de la charge du contribuable local vers le contribuable national. En définitive, au regard des prélèvements sur le PIB, nous serons dans la même situation qu'avant, et l'exception française perdurera.
Tout cela n'est pas franchement résolu, nous semble-t-il, ni même malheureusement franchement posé en tant que question, encore moins en tant que solution, dans le projet de budget que vous nous proposez.
Je siège au sein d'un groupe non pas pluriel (Sourires), mais pluraliste - ce n'est pas la même chose ! - dont les membres auront bien évidemment des approches différentes face à ce projet de budget. Ainsi, la majorité observera avec intérêt les propositions de la commission des finances et les suivra très vraisemblablement. D'autres seront probablement quelque peu troublés par la réalité des débats. Et même ceux qui vous apporteront leur soutien, monsieur le ministre, auront ici ou là - vous le savez d'ailleurs bien - quelques restrictions mentales.
C'est au nom de ce groupe pluraliste que j'exprime en cet instant les préoccupations des uns, les doutes des autres, l'angoisse de tous devant un avenir qui n'est pas aussi riant que quelques proclamations de tréteaux l'affirment ici ou là, et notre perplexité face à vos propres évolutions - il y a quelques différences entre les thèses que vous défendiez naguère et les propositions que vous nous soumettez aujourd'hui -, notre souci n'étant que de servir l'intérêt collectif avec vous et en essayant quelquefois de jouer les garde-fous. (Applaudissements sur les travées du RSDE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion de ce projet de loi de finances pour 2001 s'inscrit, pour l'essentiel, dans un contexte marqué par un certain nombre de données économiques et sociales qu'il est primordial de restituer avant toute analyse des dispositions de la loi.
Fortement engagé depuis 1997, le processus de croissance économique de la France continuerait, quant à l'équilibre général du projet de loi, de marquer l'exécution budgétaire de l'année 2001.
S'interroger sur la réalité de cette croissance, ce qui a pu la prolonger et encore la développer, est, à notre avis, une priorité du débat.
Le nombre des créations d'emploi, la baisse du nombre des faillites d'entreprises, le maintien à un haut niveau de la rentabilité des entreprises, que matérialisent, par exemple les profits de Total Fina - plus 165 % -, de PSA - plus 39 % -, d'Aventis - plus 57 % -, le développement de la consommation et de l'investissement sont certains caractères parmi d'autres de la situation.
De même, quoi qu'en disent certains, la mise en oeuvre des accords de réduction négociée du temps de travail a participé et participe encore de la croissance économique.
Pour autant, il conviendrait, à notre avis, d'éviter à ce stade de la discussion deux écueils essentiels : le premier serait de tout voir en rose et de considérer que la croissance se suffirait à elle-même pour terminer de résoudre les difficultés que connaît encore notre pays, qu'il s'agisse de l'emploi ou des déficits publics qui y sont profondément liés ; le second serait, à l'inverse, de tout voir en noir et de dire que rien de ce qui a pu être entrepris depuis 1997 n'a permis de répondre aux nécessités du temps.
Comment, dès lors, inscrire dans le texte du projet de loi de finances pour 2001 nos choix de justice sociale, de soutien à la croissance solidaire ? Comment aller plus loin dans la direction indiquée, notamment par le Gouvernement ?
Notre position sera donc définie avec le souci de construire, dans le cadre de la discussion budgétaire, un projet de loi de finances permettant de faire de l'action publique un vecteur essentiel de la poursuite du processus de croissance, de réduction des inégalités sociales, de réponse aux besoins collectifs tels que les exprime la communauté des habitants de ce pays.
Des signes de mécontentement existent, vous le savez, notamment pour les plus modestes, sur les salaires, les minima sociaux, les retraites, l'aggravation des inégalités, mais aussi la permanence de la pauvreté, alors que la croissance retrouvée, l'explosion des profits et la financiarisation extrême encouragent au développement de l'action revendicative, non sans résultats, comme le montre, par exemple, le collectif de printemps.
C'est, en la matière, peu de dire que nous ne sommes qu'imparfaitement convaincus de la qualité et de la teneur d'une partie des mesures contenues dans l'actuel projet de loi.
Ainsi, le ministère des finances a fait le choix de consacrer une part importante de la croissance et des recettes fiscales que cette dernière occasionne, naturellement et mécaniquement, à la poursuite d'une réforme fiscale portant, notamment, sur les impôts directs, et singulièrement sur l'impôt sur le revenu et sur l'impôt sur les sociétés.
Ce choix n'est pas forcément le meilleur, et nous aurons l'occasion d'y revenir.
M. Paul Blanc. Ah !
M. Thierry Foucaud. La problématique de notre système fiscal nous invite en particulier à nous demander si une mesure visant la fiscalité indirecte - et je pense ici à la taxe sur la valeur ajoutée - n'aurait pas été la plus indiquée.
La réduction du taux normal de la TVA n'a pas, en effet, à l'examen des données disponibles, profondément détérioré la situation des comptes publics, les recettes nettes de TVA ayant crû de deux points entre septembre 1999 et septembre 2000, c'est-à-dire de 10 milliards de francs environ.
Est-ce à dire qu'une réduction supplémentaire du taux normal, revenant définitivement sur la majoration « Juppé », aurait eu sa place dans la loi de finances de 2001 ? Nous le pensons.
S'agissant des dispositions relatives à la réforme des impôts directs, permettez-moi tout d'abord de souligner que l'angle d'attaque choisi n'est pas nécessairement le plus adapté.
Réduire les taux d'imposition des différentes tranches du barème de l'impôt sur le revenu ne permet pas, à notre avis, de faire abstraction du débat essentiel : celui des modalités de prise en compte de chaque catégorie de revenu et, notamment, de l'importante distorsion de traitement qui continue d'exister entre revenus du travail, salarié ou non, et revenus du capital et du patrimoine.
Je sais bien que l'on nous rétorquera - et ce serait justifié - que l'assiette de la contribution sociale généralisée a été élargie, que les prélèvements sociaux pesant sur les salaires ont été relativement allégés et sont encore modifiés d'ailleurs par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, que la taxe d'habitation est aujourd'hui réformée, etc.
Certes, mais on persiste à tourner autour de la question essentielle : celle qui veut que l'impôt sur le revenu continue de donner une image tronquée du revenu des ménages, les salaires en constituant plus de 60 % de l'assiette.
Je citerai une autre de ces inégalités persistantes : le fait que l'essentiel de la très importante dépense fiscale liée à l'impôt sur le revenu continue d'être concentré sur le traitement des revenus du capital et du patrimoine, dépense fiscale qui atteint, par exemple, 25,8 milliards de francs sur l'assurance vie, plus de 15 milliards de francs sur les plans d'épargne en actions, 15 milliards de francs sur l'avoir fiscal ou 23,2 milliards de francs sur les plus-values.
Ce ne sont là que quatre exemples d'une législation fiscale qui, au motif d'encourager au développement de l'épargne, coûtent 80 milliards de francs, au détriment de la justice et de l'équité.
La véritable réforme de l'impôt sur le revenu est donc, nous le pensons, encore à faire et ne peut s'arrêter à modifier seulement les taux d'imposition des tranches du barème.
Concernant l'impôt sur les sociétés, nous sommes dans une situation identique.
Le calcul de l'impôt est éminemment plus favorable aux grands groupes qu'aux petites et moyennes entreprises et, de manière plus générale, aux sociétés qu'aux entreprises individuelles, toujours taxées au barème progressif de l'impôt sur le revenu.
L'équilibre global des mesures préconisées dans le projet de loi ne constitue encore qu'un premier pas.
Nous devons clairement et définitivement tourner la page de l'avoir fiscal, notre pays étant désormais l'un des derniers à appliquer ce dispositif complexe et archaïque de rémunération du capital par l'impôt.
La suppression de la surtaxe « Juppé », que vous aviez acceptée ici à l'été 1995, sans doute à contre-coeur, ne devait pas intervenir tant que la situation des comptes publics ne serait pas parvenue à un état plus satisfaisant ; ou alors elle doit aller de pair avec le retour au taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée, votée au même moment et pour les mêmes motifs.
Une véritable réforme fiscale, monsieur le ministre - et je crois que vous partagez cette analyse - est une réforme qui favorise la croissance, permet la relance de l'investissement et pénalise la spéculation.
Cela me permet de faire le lien avec la question des déficits publics.
La majorité sénatoriale, dont la discussion générale et la discussion des articles permettront de mettre en évidence les contradictions, est particulièrement soucieuse de mettre notre pays en situation de « rattraper son retard » en matière de déficit public.
Dans son rapport général, notre éminent collègue M. Marini qualifie ainsi la France de « mauvais élève » de l'Union européenne, le pourcentage des déficits publics s'y avérant plus élevé que dans bon nombre d'autres pays de la zone euro ou encore qu'aux Etats-Unis, où l'on trouve des excédents budgétaires.
Une question se pose d'emblée quand on examine cette situation : parlons-nous nécessairement de la même chose, monsieur le rapporteur général ?
On peut en effet constater, de-ci, de-là, une situation budgétaire florissante ; mais doit-on en conclure que les habitants de ces pays sont plus heureux, que les besoins collectifs et sociaux sont mieux couverts ?
Quand quarante millions d'Américains - sans doute une partie des cent millions qui n'ont pas voulu choisir entre Bush et Al Gore - demeurent dépourvus de couverture sociale, peut-on se féliciter de l'existence d'excédents budgétaires ?
Quand les enfants de Liverpool, de Glasgow ou de Belfast sont obligés de travailler à huit ou à douze ans pour compléter le maigre salaire de leurs parents, quelle est la valeur d'une situation « assainie » des comptes publics ?
Non, monsieur Marini, nous ne serons jamais des partisans de la réduction des déficits publics coûte que coûte et quel qu'en soit le prix, prix qui pourrait aller jusqu'à l'abandon pur et simple de l'action publique et à la soumission aux seules règles du marché, donc à la loi des inégalités sociales.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous êtes des partisans de l'impôt !
Mme Hélène Luc. « Coûte que coûte », a-t-il dit, monsieur Marini !
M. Thierry Foucaud. Mais il est normal que les gens qui gagnent beaucoup d'argent paient de l'impôt ! Je ne vais pas revenir sur le préambule de la Constitution !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous les incitez à partir ailleurs !
M. Thierry Foucaud. Certains facteurs essentiels de déficit public existent encore aujourd'hui, parce qu'il faut que l'action publique réponde aux défis de la formation des jeunes, de la lutte contre les exclusions, de l'action contre le chômage de masse, parce que le marché et ceux qui le dirigent n'ont pas, en ces matières, la volonté politique et éthique de répondre à hauteur des besoins.
La dépense publique, saine, certes, et judicieusement utilisée, est seule, selon nous, en situation de répondre à ces défis. Car que veulent nos compatriotes en contrepartie des impôts et taxes qu'ils acquittent ? Ils veulent un service public de l'éducation digne de ce nom, ils veulent des agents hospitaliers et des services de santé performants, ils veulent une présence sur le terrain des fonctionnaires de police pour assurer leur sécurité.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Oui, et il n'y en a pas assez !
M. Thierry Foucaud. Certes, mais cela coûte cher, monsieur Marini !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Oui, grâce aux 35 heures !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Il faut choisir !
M. Thierry Foucaud. De la même manière, la réforme fiscale doit se prolonger pour répondre à ces défis.
A taux constant, depuis 1985, l'impôt sur les sociétés rapporterait 140 milliards de francs de plus, et le déficit de l'Etat serait ramené à 0,5 point du produit intérieur brut, en dessous des taux de la plupart de nos partenaires européens.
Cet exemple est sans doute un peu audacieux, mais il tend à montrer que la réforme fiscale prend tout son sens, pour peu qu'elle soit équilibrée et vise effectivement des objectifs de soutien à la croissance par le jeu de l'incitation à l'utilisation vertueuse des richesses créées et de la pénalisation des comportements nocifs au développement de l'activité.
Le véritable défi que nous devons relever pour améliorer durablement la situation des comptes publics est bien connu, mais il faut pourtant chaque fois le rappeler : c'est celui du chômage.
Que vous le vouliez ou non, mes chers collègues, l'amélioration des comptes publics n'est pas liée, dans la dernière période, au développement forcené des prélèvements fiscaux et sociaux, mais à l'amélioration de la situation économique qui, bon an mal an, fait par exemple entrer 15 milliards de francs supplémentaires dans les caisses de l'Etat au titre de l'impôt sur le revenu, et a conduit à cette amélioration des comptes sociaux que tous vos plans de rigueur malthusienne n'avaient jamais pu atteindre entre 1993 et 1997.
De la création d'emplois dans notre pays dépend étroitement l'amélioration des comptes publics.
Tout doit donc être fait pour favoriser effectivement la création d'emplois, et cela passe, d'ailleurs, par d'autres solutions que celles qui sont encore un peu trop facilement utilisées avec les allégements des cotisations sociales.
C'est là que se situe aujourd'hui le débat essentiel : comment la politique publique peut-elle favoriser la création d'emplois tout en répondant aux exigences de réparation des difficultés sociales qui procèdent de la pure application des règles économiques du marché ?
Conscient que beaucoup a été fait - nous le rappelons souvent, notamment dans cette enceinte - je souhaitais néanmoins rappeler l'orientation que, au travers de ses amendements et propositions dans la discussion des articles, face aux initiatives de la majorité sénatoriale, notre groupe va, à la mesure de la situation, faire sienne, et sur laquelle nous reviendrons tout au long de cette discussion budgétaire qui s'ouvre (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Mes chers collègues, permettez-moi de vous indiquer les temps de parole dont disposent encore les différents groupes, compte tenu des décisions de la conférence des présidents : groupe socialiste, trente-trois minutes pour deux orateurs ; groupe du Rassemblement pour la République, quarante-quatre minutes pour quatre orateurs ; groupe de l'Union centriste, vingt-quatre minutes pour deux orateurs ; groupe des Républicains et Indépendants, vingt-quatre minutes pour deux orateurs ; groupe du Rassemblement démocratique et social européen, douze minutes pour deux orateurs ; groupe communiste républicain et citoyen, six minutes pour un orateur.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Sergent.
M. Michel Sergent. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après mon ami Bernard Angels, qui a largement développé la position de notre groupe sur ce projet de loi de finances, il m'appartient de me pencher sur les finances locales et leur impact sur nos collectivités territoriales.
Dans le contexte d'un budget 2001 qui marque un progrès constant de l'équilibre des finances publiques, félicitons-nous que la situation des collectivités locales soit en progrès, tant en raison de l'augmentation des recettes fiscales que de l'évolution favorable des concours financiers de l'Etat, qui passeront de 293,5 milliards de francs en 2000 à 337 milliards de francs en 2001, soit une progression de 14,8 %.
Ce budget apparaît comme un budget de consolidation, 2001 devant être la troisième année d'application du contrat de croissance et de solidarité entre l'Etat et les collectivités locales, plus respectueux des besoins des collectivités que le pacte de stabilité, ce pacte tant décrié par les maires avant 1997.
Et il est satisfaisant qu'au titre de ce contrat de croissance et de solidarité un tiers de la croissance du produit intérieur brut soit pris en compte dans le calcul de l'évolution des dotations de l'Etat, même s'il serait souhaitable de parvenir, à terme, à 50 %.
C'est que la politique du Gouvernement, telle qu'elle se traduit dans le budget dont nous commençons la discussion, est profitable aux citoyens non seulement directement en tant que tels, mais, indirectement, par l'intermédiaire des collectivités locales, qui profitent elles aussi de la croissance.
Jusqu'en 1997, les collectivités locales subissaient la double contrainte de dépenses de fonctionnement qui croissaient rapidement et de recettes insuffisantes, en particulier pour ce qui est des dotations de l'Etat, les dotations de fonctionnement étant restées stables et les dotations d'équipement ayant très nettement baissé.
Des modifications d'indexation et des ponctions diverses avaient entraîné des pertes financières pour les collectivités locales, qui, d'un côté, avaient dû restreindre leur effort d'équipement et, de l'autre, augmenter fortement leur fiscalité.
Depuis 1997, c'est avec constance que les collectivités locales s'efforcent de limiter la pression fiscale qui s'exerce sur les contribuables locaux. L'année 2000 est, de fait, la quatrième année consécutive pendant laquelle les collectivités ont limité la croissance de leurs taux d'imposition, qu'il s'agisse des communes ou des groupements, qui bénéficient, certes, de la baisse des taux d'intérêt, mais aussi de dotations supérieures à l'inflation.
Les départements ont, eux aussi, fortement limité la progression de leurs taux, puisque, en moyenne, ceux-ci ont baissé.
Pour ce qui concerne les régions, beaucoup d'entre elles ont maintenu une politique de stabilité fiscale.
Par ailleurs, les collectivités locales profitent, dans leur ensemble, d'une croissance très soutenue des bases de la taxe professionnelle du fait de l'amélioration de la situation économique de notre pays.
La fiscalité directe des collectivités locales devrait donc poursuivre une évolution satisfaisante, une part plus importante que par le passé du produit de cette fiscalité devant toutefois être perçue sous la forme de compensations.
Il est vrai que le remplacement des impôts locaux par les dotations n'augmente pas les ressources de ces collectivités, Parfois même il les réduit, lorsque ces compensations, même indexées, évoluent moins vite que certains impôts dynamiques auxquels ces compensations se substituent : je pense notamment à la taxe professionnelle.
J'ajoute que cela se traduit par une augmentation des dépenses de fonctionnement de l'Etat.
La taxe d'habitation a vu sa part régionale supprimée et les mécanismes de dégrèvement remplacés par un dispositif faisant varier le montant de la taxe en fonction du revenu du contribuable.
En 2001, la suppression de la vignette, perçue par les départements, confirmera cette tendance. J'ai noté avec satisfaction que la compensation de la suppression de la vignette serait intégrale et indexée sur la dotation générale de décentralisation, entraînant une progression de 3,4 %.
J'ajoute que chaque citoyen ne peut que se réjouir de la suppression d'une taxe ou d'un impôt, et je suis certain que M. de Rohan, qui se plaignait tout à l'heure des taxes et des impôts supplémentaires, se réjouira, lui aussi, de la disparition d'une taxe.
M. Claude Estier. Sans aucun doute !
M. Michel Sergent. Que n'entendions-nous chaque année, à cette même époque - et y compris ici, dans cet hémicycle -, sur cet impôt instauré voilà quarante-quatre ans et que beaucoup jugeaient obsolète ! Bien des départements, d'ailleurs, avaient enclenché le mouvement de baisse, et se plaisaient à paraître les plus vertueux et à figurer parmi ceux où le prix de la vignette était le plus bas !
Néanmoins, à la suite de cette suppression - venant après la disparition de la part régionale de la taxe d'habitation et de la part « salaires » de la taxe professionnelle -, un débat s'est instauré sur le problème de la nécessaire autonomie financière des collectivités locales et sur le principe de leur libre administration, M. Paul Girod l'évoquait voilà quelques instants. Pourtant, ces deux notions ne sont pas forcément liées. Dans certains pays, telle l'Allemagne, citée également en exemple tout à l'heure, il n'y a pas d'autonomie financière des collectivités locales, les finances de ces dernières étant alimentées essentiellement par des dotations de l'Etat et le principe de leur libre administration n'est nullement entamé pour autant.
M. Jean-Pierre Demerliat. Eh oui !
M. Michel Sergent. De plus, la France reste quand même l'un des rares pays où l'autonomie fiscale des collectivités locales est grande, même si, dans la France d'aujourd'hui, les collectivités locales dépendent, pour 50 % environ de leurs recettes, des dotations de l'Etat.
Les recettes des départements, quant à elles, dépendent pour un tiers des concours de l'Etat. Or je pense qu'il est bon qu'un lien étroit continue à exister entre le contribuable local et la collectivité locale, surtout pour les communes ou les groupements de communes.
La commission sur l'avenir de la décentralisation, présidée par notre collègue et ami Pierre Mauroy, s'est saisie de ce débat. N'est-il pas temps en effet de revoir le système en profondeur, même si l'autonomie fiscale des collectivités locales doit être doublée, en tout état de cause, par un système de péréquation aussi ambitieux que généreux, conduit par un Etat jouant pleinement son rôle de régulateur, garant de la solidarité et, par conséquent, de la réduction des inégalités ?
M. Jean-Pierre Demerliat. Très bien !
M. Michel Sergent. Globaliser et simplifier les règles de répartition des dotations de l'Etat par les marges de manoeuvre que ces réformes induiraient serait sans doute une façon d'amplifier une politique de péréquation qui se cherche encore dans une large mesure.
Par ailleurs, s'il semble souhaitable que la fiscalité demeure une recette prépondérante des budgets des collectivités locales, ne serait-il pas plus judicieux, dans un souci de lisibilité, d'aboutir à une spécialisation des impôts entre les divers niveaux de collectivités : communes, intercommunalités, départements, régions ?
La question est désormais posée, mais je reconnais que la réponse n'est pas si simple.
Enfin, pour moderniser la taxe d'habitation et réduire ainsi les inégalités fiscales engendrées par cet impôt, ne conviendrait-il pas d'associer pleinement les maires dans la responsabilité de la révision tant attendue des valeurs locatives servant de base à cette taxe ?
M. Michel Charasse. Ah oui ! Très bien !
M. Michel Sergent. Quant à son assiette, ne devrait-elle pas être revue pour que soit davantage pris en compte, dans le calcul de l'impôt, la capacité contributive de chaque foyer ?
J'en reviens au projet de loi de finances et aux dotations.
Le total des dotations sera donc de 167 milliards de francs. Au sein de l'enveloppe normée, la dotation globale de fonctionnement occupe une place prépondérante. Avec 114 milliards de francs, elle augmente de 3,42 % par rapport à la loi de finances de 2000, soit une progression de 3,8 milliards de francs en volume. Comment, monsieur le ministre, mes chers collègues, ne pas se réjouir de la plus importante augmentation octroyée ces dernières années ?
La DGF de l'année 2001 est, par ailleurs, abondée de trois majorations exceptionnelles inscrites au projet de loi de finances, pour un montant de 1,850 milliard de francs : 500 millions de francs pour la DSU prévus dès la loi de finances 1999, auxquels il faut ajouter 350 millions de francs aujourd'hui pour cette même DSU et un milliard de francs demain pour la dotation d'intercommunalité, soit un doublement par rapport au budget 2000.
Je me félicite que cette majoration, destinée à renforcer et à simplifier la coopération intercommunale, soit la conséquence du succès croissant des nouvelles communautés d'agglomération, même s'il est vrai - il faut bien le reconnaître - que ce succès croissant va nous amener à voir leur nombre doubler au cours de l'année qui vient.
Cependant, dans le même temps, je me permettrai d'attirer l'attention du Gouvernement sur ce qui pourrait être un déséquilibre, même s'il est explicable, entre les masses consacrées aux agglomérations urbaines et celles qui sont consacrées aux structures rurales.
M. Jean-Pierre Demerliat. Très bien !
M. Michel Sergent. Les crédits alloués à la ville augmentent, pour leur part, de 70 %.
La dotation de solidarité rurale a été abondée de 150 millions de francs dans sa fraction bourg-centre, après avoir augmenté de 25 % en 2000.
Plusieurs dotations évoluent comme la DGF ; c'est le cas de la dotation « instituteur » et de la dotation « élu local ».
La dotation générale de décentralisation s'élève à 37,3 milliards de francs et intègre, outre la progression de 3,42 %, la compensation de la suppression de la vignette aux départements, dont le montant, 12,5 milliards de francs cette année, progressera comme la DGD, dans laquelle il est intégré.
Ainsi, en masse, les concours de l'Etat s'élèveront, je le répète, à 337 milliards de francs, soit une augmentation de 15 %, alors même que le budget de l'Etat ne progresse que de 1,5 %. Les concours de l'Etat progresseront donc dix fois plus que son budget. Il s'agit bien là d'un véritable accompagnement de la croissance.
Pour autant, ces ressources seront bien nécessaires aux collectivités territoriales, car les charges ne manquent pas.
M. Michel Charasse. Les pompiers, le traitement des déchets, etc. !
M. Michel Sergent. Les normes, les réglementations, les règles de sécurité, de plus en plus contraignantes, irritent les élus et la population.
Le statut des agents territoriaux, la réduction du temps de travail et l'intégration des emplois-jeunes auront un impact financier.
Je n'aurai garde d'oublier les services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS...
M. Michel Charasse. C'est une gangrène !
M. Michel Sergent. ... dont la gestion est de plus en plus coûteuse. L'augmentation est de 10 % dans la quasi-totalité des départements.
M. Michel Charasse. Elle est de 20 % dans le Puy-de-Dôme !
M. Michel Sergent. Ajoutons à cela les dossiers liés à l'environnement : le ramassage, le tri et l'élimination des déchets, l'assainissement ou la garantie de la qualité de l'eau, qui génèrent des coûts considérables.
Nous pourrions aussi reparler, hélas !, des effets de la tempête de décembre 1999,...
M. Jean-Pierre Demerliat. Très bien ! Il ne faut pas l'oublier !
M. Michel Sergent. ... plus particulièrement dans les petites communes rurales, mais pas seulement.
Les effets de la tempête sont loin d'avoir été réparés et les conséquences des travaux de déblaiement et de réparation se font et se feront encore durement sentir tout au long de l'hiver prochain, notamment sur les routes communales, sur les voies forestières ou dans le lit des rivières !
M. Jean-Pierre Demerliat. Très bien !
M. Michel Sergent. Ne serait-il pas possible, monsieur le ministre, afin de venir en aide aux collectivités locales qui se trouvent confrontées à une forte augmentation de leurs dépenses d'investissement, de proroger, l'an prochain, la dérogation à la règle du décalage de deux ans pour le versement du fonds de compensation pour la TVA ?
M. Jean-Pierre Demerliat. Très bien !
M. Michel Sergent. Cela étant, comment ne pas marquer notre satisfaction, monsieur le ministre, en voyant que la mise en oeuvre de la réforme des marchés publics interviendra dès janvier prochain ? Ce sera un progrès non seulement pour les collectivités locales, mais aussi pour les entreprises, et surtout pour les plus petites d'entre elles, qui pourront ainsi bénéficier de ces marchés.
Monsieur le ministre, depuis 1997, les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales ont fait de gros progrès dans le sens de la concertation, de la coopération et de l'équilibre. Je ne peux que souhaiter que ces progrès se poursuivent au cours des prochaines années.
Permettez-moi donc, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au nom du groupe socialiste, de féliciter le Gouvernement d'avoir compris que, devant l'ampleur des missions qui sont assignées aux collectivités locales, il était indispensable de leur donner les moyens financiers permettant d'accomplir ces missions, d'autant que cet accomplissement a pour conséquence un formidable effet de levier, du fait des dépenses et des investissements locaux, sur l'ensemble de la vie économique du pays.
Les collectivités n'ont pas oublié comment elles avaient été traitées par le gouvernement Juppé. C'est pourquoi elles apprécient, monsieur le ministre, le projet de budget que vous leur proposez. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Paul Blanc. Ça, c'est moins évident !
M. le président. La parole est à M. Trégouët. (Applaudissement sur les travées du RPR.)
M. René Trégouët. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite, dans mon intervention de ce jour, ne vous parler que d'une seule ligne de ce projet de budget pour 2001, mais une ligne particulièrement symbolique et importante pour l'avenir de notre pays.
Cette ligne, c'est celle de la téléphonie de troisième génération permettant l'accès mobile à Internet, plus communément connue maintenant sous le sigle UMTS.
Vous avez décidé, monsieur le ministre, de demander 32,5 milliards de francs à chacun des quatre opérateurs qui seront retenus par l'Autorité de régulation des télécommunications pour déployer ces nouvelles technologies sur l'ensemble de notre pays, soit un total de 130 milliards de francs.
Cette somme, à mes yeux, n'est pas réaliste, si par ailleurs nous avons véritablement la volonté d'imposer aux opérateurs retenus de couvrir l'ensemble du territoire, ce qui devrait avoir un coût réel de 50 milliards à 70 milliards de francs par opérateur - et encore, en utilisant l'itinérance en dessous d'une certaine densité de population !
Un véritable vent de folie a balayé l'Europe en cette année 2000. Les opérateurs majeurs de télécommunications, dont France Télécom, ont répondu dans l'irrationnel à des mises aux enchères, souvent irréfléchies, lancées par plusieurs gouvernements européens. Ils se sont ainsi déjà engagés à dépenser quelque 2 500 milliards de francs pour rémunérer les licences et déployer cette nouvelle technologie, l'UMTS, qui n'est pas encore totalement maîtrisée et pour laquelle, surtout, nous n'avons aucune certitude quant à son appropriation, au niveau des usages, par le consommateur européen.
M. Xavier de Villepin. Très bien !
M. René Trégouët. Ce pourrait être une erreur fatale de croire que l'UMTS sera une réussite pour la simple raison que le téléphone portable de première génération, le GSM, est un incontestable succès.
Il faudra que les opérateurs réalisent de nombreux investissements connexes s'ils veulent que l'UMTS atteigne les objectifs ambitieux qu'ils se sont fixés dans le domaine d'Internet et de l'image.
Pendant plusieurs mois, les grands acteurs des télécommunications semblent avoir flotté dans l'irréel ; ils semblent être revenus récemment aux terribles réalités, comme l'indique le récent échec des enchères en Italie et leur annulation en Suisse.
Ce froid qui souffle maintenant, après le chaud qui a marqué le printemps et l'été, vient d'atteindre la France puisque, après le retrait de Deutsche Telekom, ces jours derniers, nous nous retrouvons avec quatre candidats seulement là où il y a quatre licences à attribuer par l'Autorité de régulation.
Comment, dans ces conditions, cette autorité, qui pourtant remplit avec rigueur et compétence sa difficile mission, pourra-t-elle imposer des règles strictes à sesopérateurs, surtout au niveau de l'aménagement duterritoire ?
M. Paul Blanc. Très bien !
M. René Trégouët. J'arrive au coeur de mon intervention.
Dans quelques années, les entreprises, non seulement les grandes mais aussi les moyennes et même les petites, quel que soit leur secteur d'activité, devront, si elles veulent rester dans la compétition - donc continuer à vivre - avoir la capacité de se connecter à des réseaux larges bandes, car, avant dix ans, l'image animée de haute qualité se sera substituée aux fichiers textes actuellement utilisés.
Pour qu'une entreprise reste dans la course, aussi bien dans ses relations avec ses clients qu'avec ses fournisseurs, il lui sera aussi vital de disposer d'un signal à haut débit qu'il lui est nécessaire aujourd'hui de disposer de l'électricité ou du téléphone.
M. Jacques Chaumont. Très bien !
M. René Trégouët. L'enjeu est d'une telle importance que les principaux acteurs mondiaux des télécommunications ont développé cinq technologies concurrentes - le câble, l'ADSL, la boucle locale radio, le satellite et l'UMTS - pour porter ce signal à haut débit.
Malheureusement pour notre pays, qui, géographiquement, avec ses 560 000 kilomètres carrés, est le plus grand d'Europe, aucune de ces technologies ne sera déployée dans des conditions économiques satisfaisantes dans le monde rural si une volonté politique ne s'exprime pas clairement et très rapidement.
MM. Jacques Chaumont et Xavier de Villepin. Très bien !
M. René Trégouët. Alors que le câble est très largement développé aux Etats-Unis et chez nos principaux partenaires d'Europe du Nord, il est presque inexistant en France, en dehors de quelques unités urbaines. Ce grave déficit de la France est dû aux erreurs politiques des années quatre-vingt, et nous n'avons aucune chance de combler ce déficit tant que sera maintenu le regrettable amendement sur les fibres noires voté par l'Assemblée nationale il y a quelques mois.
M. Paul Blanc. Très bien !
M. René Trégouët. L'ADSL, qui permettra de porter les hauts débits sur les fils en cuivre de notre vieux téléphone, devrait être proposée sur une large échelle dans les grandes villes à partir du 1er janvier prochain. Mais, là aussi, cette nouvelle technologie ne sera pas diffusée dans le monde rural, et ce pour une simple raison technique : l'ADSL ne permet pas de transporter des hauts débits dès que le terminal se trouve à plus de trois kilomètres de l'autocommutateur.
La boucle locale radio, plus connue sous ses initiales, BLR, a porté de grands espoirs. Malheureusement, là aussi, les déceptions seront nombreuses pour le monde rural.
En effet, à la suite d'une erreur technique peu compréhensible, les fréquences permettant d'installer les relais assez loin les uns des autres ont été attribuées aux opérateurs nationaux, qui auront tout intérêt à équiper de préférence les territoires qui leur rapporteront le plus, c'est-à-dire les villes.
Les fréquences exigeant d'installer les relais à cinq kilomètres les uns des autres ont été attribuées aux opérateurs régionaux. C'est à eux qu'aurait dû être confiée la mission de déployer la BLR dans le monde rural. Or, comment voulez-vous qu'un opérateur régional amortisse en milieu rural des relais placés à cinq kilomètres les uns des autres, alors que la densité de population est faible ?
Aussi - je l'affirme sereinement - M. le ministre de l'industrie a tort d'annoncer que le problème de la BLR est résolu en France parce que de nouveaux candidats viennent de se présenter pour des régions essentiellement rurales, comme l'Auvergne ou la Franche-Comté, en remplacement de ceux qui avaient baissé les bras il y a quelques mois.
Une simple équation nous permet de constater que ces opérateurs régionaux ne pourront installer la BLR que dans des unités urbaines de 20 000 habitants au mieux et que tous les territoires situés en dehors de ces unités urbaines, qui représentent près de 90 % de la surface de ces régions rurales, ne bénéficieront jamais de la BLR si les règles du jeu ne sont pas profondément modifiées.
Quand nous abordons ce problème des hauts débits pour le monde rural, certains esprits avisés nous affirment que les satellites résoudront tous les problèmes.
Si nous parlons des flux descendants, ils ont tout à fait raison : les satellites ont parfaitement la capacité de nous apporter des larges débits, et ce pour des prix qui deviendront de plus en plus accessibles.
Mais il n'en est pas de même pour la voie remontante, qui permettrait à tout un chacun, sur l'ensemble du territoire, d'envoyer des signaux lourds au reste du monde. Cela est techniquement possible, mais, en raison de la complexité du problème, cela restera toujours une opération onéreuse, donc inaccessible aux petites et moyennes entreprises, et plus encore à l'internaute de base.
Ces quatre technologies que sont le câble, l'ADSL, la BLR et le satellite ne permettant pas, pour des raisons politiques, réglementaires, technologiques ou financières, de desservir le monde rural, qui représente une grande partie du territoire de la France, il ne reste qu'une technologie, l'UMTS, qui semble avoir la capacité, pour des coûts acceptables, de porter les hauts débits sur l'ensemble de notre pays.
Or, là encore, pour des raisons irréfléchies qui privilégient trop l'instant par rapport à l'avenir, le Gouvernement, en ne posant pas l'équation élémentaire qui s'impose, prend le grand risque de voir l'UMTS être déployé seulement dans les unités urbaines où, pour un investissement raisonnable, un gros chiffre d'affaires est garanti, et de reporter aux calendes grecques le déploiement de l'UMTS dans le monde rural.
S'il en était ainsi, ce serait une véritable fracture numérique qui se creuserait dans notre pays entre les villes et le monde rural. Pour un simple respect de la devise de la France qui fait l'unité et la force de notre pays, cela serait intolérable. Aussi, mes chers collègues, nous nous devons d'envoyer un message fort aux Français pour leur dire que nous n'acceptons pas cette fracture numérique.
C'est pourquoi, mes chers collègues, nous serons plusieurs à vous proposer, dans la discussion budgétaire de cette première partie de la loi de finances, une autre répartition des 130 milliards de francs attendus de l'attribution des licences UMTS.
M. Pierre Laffitte. Très juste !
M. René Trégouët. Nous vous proposerons que la moitié de cette somme soit réservée au déploiement de ces technologies large bande pour les régions déshéritées de notre pays.
M. Serge Vinçon. Très bien !
M. René Trégouët. Si nous ne le faisions pas, nous manquerions à notre mission, en laissant se creuser la fracture entre les régions nanties et les régions pauvres. J'espère de tout coeur que nous serons très nombreux à nous retrouver sur cette nécessaire volonté. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. de Villepin.
M. Xavier de Villepin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion budgétaire s'engage aujourd'hui dans une conjoncture économique pour le moins incertaine. Il est vrai que les menaces qui pèsent sur la croissance européenne et mondiale se sont accumulées ces derniers mois. Je pense, bien sûr, au renchérissement du prix du pétrole, avec ses incidences sur l'inflation et notre balance commerciale, ainsi qu'aux problèmes que connaît l'euro. Or, à un an et demi d'échéances politiques capitales, le Gouvernement cherche à entretenir l'illusion d'une poursuite de la croissance au même rythme, relativement soutenu, que ces dernières années.
Le projet de budget pour 2001, fondé sur des hypothèses excessivement optimistes, apparaît comme un cadre virtuel en décalage par rapport à l'évolution de la situation économique internationale.
De 1997 à 1999, nous avons connu des années fastes, des recettes fiscales supérieures aux prévisions. Notre pays et notre continent, quoique dans une proportion moindre que d'autres régions du monde, ont profité de la reprise de l'activité et des échanges internationaux. Mais la France n'a pas su en profiter pour mener les réformes structurelles qui s'imposent.
Que constate-t-on en effet ? La France reste à la traîne des nations industrialisées en matière de réduction des dépenses publiques et des impôts. Je rappellerai juste à ce sujet que la France est l'un des pays de l'OCDE où les prélèvements obligatoires sont les plus élevés et qui possède un taux de dépenses publiques de près de 53 % du produit intérieur brut. Dans ces conditions, il est logique que notre pays ait malheureusement encore un taux de chômage supérieur à celui de ses principaux partenaires, avec 1,5 point de plus que la moyenne européenne.
Les solutions au « mal » français dépendent évidemment en premier lieu de la capacité des responsables de ce pays à engager les réformes dont il a impérativement besoin.
Mais ces solutions résident également au niveau européen, dans l'affermissement d'une union monétaire actuellement en crise : ce sera le premier point de mon propos.
Les difficultés de l'euro se sont en effet accélérées au début du mois de mai. Elles favorisent les tendances inflationnistes et la hausse des taux d'intérêt, avec toutes les conséquences que l'on peut imaginer à terme sur l'activité.
Les gouvernements, ainsi que les acteurs économiques, ont sans doute eu tort de croire, dans un premier temps, aux bénéfices de l'érosion de l'euro pour la compétitivité de nos exportations. En réalité, conjuguée au renchérissement du prix du baril de pétrole, cette érosion est devenue un facteur de déstabilisation pour l'intégration économique et pour la construction européenne elle-même. Voilà pour le constat.
Comment expliquer la chute de la devise européenne face à un dollar qui ne nous avait pas habitués depuis longtemps à une telle solidité ? Le dollar reste fragile. Il est un peu facile de faire peser la responsabilité de cette situation sur une Banque centrale européenne qui, en dehors de maladresses de communication évidentes, remplit correctement son mandat. Responsable de la politique monétaire, elle se trouve confrontée à une reprise de l'inflation dans la zone euro de 2,8 % sur un an en septembre dernier. Les causes de la perte de confiance des investisseurs internationaux vis-à-vis de l'euro sont plus profondes : l'Euroland, en dix ans, a accumulé au regard des Etats-Unis un retard de croissance de 10 % environ et un retard d'investissement de plus de 30 %.
Je crois sincèrement au caractère irréversible de l'euro. Mais il faut reconnaître que le processus engagé dès 1979 avec le système monétaire européen reste inachevé : face à une Banque centrale responsable de la politiquemonétaire, il manque encore une véritable coordination des politiques économiques entre les différents gouvernements européens.
Il est vrai que la croissance économique de ces dernières années n'a pas été une invitation à coopérer et à coordonner nos politiques économiques. La tentation est grande, dans une conjoncture favorable, de « nationaliser » la croissance et de réserver la coordination aux périodes de récession économique.
Ainsi en est-il de la gestion de la « cagnotte » fiscale française ou de la réforme de la fiscalité allemande au printemps 2000. Ni l'une ni l'autre n'ont fait, à notre connaissance, l'objet d'une consultation des pays partenaires. La coordination des politiques économiques figure pourtant dans le traité de Maastricht parmi l'un des objectifs des pays membres.
Ainsi faut-il clarifier les principes et les règles de conduite grâce à la définition, par les pays membres de la zone euro et la Banque centrale, d'une véritable charte de la politique économique.
Cette charte pourrait comprendre, par exemple, les principes de réponse face aux chocs économiques, ou ceux d'une approche à moyen terme de la politiquebudgétaire prenant en compte les engagements futurs à la charge de l'Etat. Il paraît également indispensable de transformer l'Euro 11 en un véritable conseil de politique économique de la zone et de le doter d'une représentation extérieure crédible, ce qui n'est pas le casactuellement.
Le dynamisme de la France au sein de l'économie mondiale dépend également de sa capacité à se réformer. Deux priorités s'imposent : réduire les dépenses publiques et réformer la fiscalité.
En matière de réduction du déficit et de la dette, la France est encore en retrait par rapport à ses principaux partenaires, notamment vis-à-vis de son voisin allemand. Il suffit de rappeler les principaux objectifs du programme de stabilité en Allemagne : l'équilibre budgétaire en 2006, une dette publique de moins de 55 % du produit intérieur brut dès 2004. Nous en sommes très loin en France : l'effort de réduction du déficit budgétaire y connaît un net ralentissement depuis 1998 alors même que les recettes fiscales sont importantes. L'année 2000 constituera « une année blanche » en la matière, le déficit restant le même qu'en 1999.
Autre fait inquiétant : l'importance croissante des dépenses de fonctionnement de l'Etat. Elles représentent 48 % du budget général, soit 4 points de plus par rapport à 1996 ; 20 000 emplois publics seront créés en 2001 et ce n'est qu'un début si l'on en croit les annonces de créations de postes.
Non, manifestement, ce n'est pas un hasard si la France a été montrée du doigt pour son laxisme budgétaire par la Commission européenne le 16 octobre dernier.
La résolution de nos partenaires allemands contraste avec les hésitations d'un gouvernement français obligé de composer sans cesse entre les obligations du pacte de stabilité au niveau européen et les revendications irréalistes de sa majorité parlementaire.
A cet égard, des divergences apparaissent de plus en plus nettement au sein de la majorité et du Gouvernement lui-même. Ce fut le cas en particulier ces derniers jours sur la question de la revalorisation des salaires de la fonction publique.
Parmi les réformes de structures, une réforme s'impose particulièrement : celle de la fiscalité. Je n'y reviendrai pas, après les interventions du président de la commission des finances Alain Lambert, du rapporteur général Philippe Marini et du président du groupe de l'Union centriste Jean Arthuis. La plupart des pays européens et les Etats-Unis ont ramené à moins de 50 % le taux marginal de l'impôt sur le revenu. En Allemagne, notre principal partenaire économique, le gouvernement social-démocrate l'a d'ores et déjà réduit de 53 % à 42 %.
Un effort de modération fiscale est vital pour notre pays alors que s'intensifie un mouvement très inquiétant de migration des talents vers l'étranger, ce que démontre le rapport publié en juin 2000 par la commission des affaires économiques du Sénat.
A ce propos, il serait bon que la loi de finances comportât chaque année, monsieur le ministre, en annexe, un tableau comparatif des taux d'imposition dans les différents pays de la zone euro. Le vote de l'impôt, première fonction du Parlement, doit se faire en toute transparence et tenir compte de la nouvelle réalité qui est celle dès aujourd'hui des entreprises de notre pays : un marché unique doté d'une monnaie unique.
Je sais que la commission des finances est particulièrement soucieuse d'une amélioration de l'information budgétaire. Elle vient de rendre public un rapport remarquable intitulé : En finir avec le mensonge budgétaire. Notre démocratie gagnerait en crédibilité et en efficacité si le Parlement, à l'occasion de la discussion budgétaire, disposait de données plus claires et plus fiables sur les recettes et les dépenses.
Je conclurai en rendant hommage à l'excellent travail réalisé par mon ami Alain Lambert, président de la commission des finances, et par notre rapporteur général. Avec mes collègues du groupe de l'Union centriste, nous voterons les amendements et suivrons les différents avis de la commission des finances sur le projet de budget pour l'année 2001. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Puech.
M. Jean Puech. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, maîtrise des dépenses publiques, réduction du déficit budgétaire, baisse des impôts, voilà des engagements que l'on aime entendre. Mais ce projet de budget pour 2001 est-il conforme à ces objectifs ?
Avec ce projet de loi de finances, quelle voie empruntez-vous ? On a plutôt le sentiment que c'est, encore et encore, le tonneau des Danaïdes !
Or, pour ces trois orientations générales, comme pour les choix de répartition des résultats de la croissance, une question est omniprésente dans toutes les interventions, celle du poids de la dépense publique et de ses évolutions.
La maîtrise de la dépense publique est à la fois, vous le savez, une nécessité et une obligation.
C'est une nécessité, car nous devons tenir nos engagements européens en faveur d'un rétablissement de nos comptes. C'est une obligation pour nos concitoyens et nos entreprises, tant nous dépassons le seuil de l'inacceptable en matière de prélèvements.
Or, les propositions qui nous sont faites dans ce projet de loi de finances vont à l'encontre de cet objectifimpérieux.
La France continue à cultiver des dogmes d'un autre temps, et la loi de finances pour 2001 y contribue.
Quelle est la situation actuelle ? Alors que l'année 2000 s'achève et que tout le monde s'accorde à dire qu'il s'agira, en termes de croissance, d'une année exceptionnelle - ce sera la meilleure performance de la décennie ! - au même moment, les experts se demandent si la croissance, justement dans un proche avenir, ne pourrait pas « caler », comme vient de le souligner M. Xavier de Villepin.
Il aura suffi de la hausse des produits pétroliers, d'un léger fléchissement des indicateurs économiques, d'un moral des ménages en chute significative au mois de septembre pour qu'on s'inquiète. Il y a pourtant d'autres paramètres qui nous inquiètent.
En France, on constate que, malgré un taux de chômage encore important, les entreprises éprouvent de plus en plus de difficultés à recruter, on parle même de pénurie de main-d'oeuvre. C'est un véritable paradoxe pour un pays qui, malheureusement, doit déplorer encore, hélas ! 2,5 millions de chômeurs.
Peut-on voir dans ce phénomène seulement le fait qu'en France nous souffririons d'une inadaptation de l'offre de travail à la demande des entreprises ? Cela ne peut être la seule cause de cette difficulté à recruter.
On sait bien que la difficulté réside aussi dans le faible écart entre le montant des aides à caractère social et celui du salaire minimum, qui ne constitue pas, reconnaissons-le, une saine émulation au travail.
Par ailleurs, on voit que cette croissance a finalement peu de prise sur le recul de l'exclusion. A cet égard, dans le projet de budget que vous nous soumettez, le poste de financement du RMI n'augmente-t-il pas de un milliard de francs ?
Par ailleurs, on constate également un taux d'activité faible par rapport à celui des pays industrialisés ; c'est particulièrement vrai pour les moins de vingt-cinq ans et pour les plus de cinquante-cinq ans. Après cinquante-cinq ans et jusqu'à soixante-quatre ans, seules 38 % des personnes de cette classe d'âge travaillent encore.
On a fait un choix clair dans notre pays, celui de tenter de réduire le chômage par le partage du temps de travail plutôt que par la croissance, qui génère l'emploi. C'est un choix, un choix politique qui n'est pas sans conséquence, et, tout d'abord, pour la compétivité de nos entreprises.
Appliquer les 35 heures dans les petites et moyennes entreprises n'est pas chose facile et il est évident, aux yeux de tous, qu'il est indispensable d'adapter la loi pour éviter de faire courir aux entreprises des risques insurmontables.
On voit bien aussi combien ce choix pèse sur les finances publiques. On a déjà rappelé ce matin ce chiffre qui fait frémir, mais il est bon de l'avoir toujours présent à l'esprit : la perte de recettes pour les régimes sociaux décidée par le Gouvernement pour financer les 35 heures est, au titre de 2001, de l'ordre de 40 milliards de francs !
On sait aussi que ce choix n'est pas neutre dans le règlement du dossier des retraites. On se souvient du premier rapport Charpin, qui préconisait de repousser l'âge de la retraite. Voilà une vraie question, que l'on feint toujours d'ignorer.
Cela a été dit et redit, mais il est bon de rappeler cette autre particularité française : le nombre d'heures travaillées par les Français est plus faible que partout ailleurs. Avec 1 539 heures, un Français travaille 438 heures de moins qu'un Américain, 360 heures de moins qu'un Japonais, 183 heures de moins qu'un Anglais. C'est la conséquence de ce choix politique de partage du temps de travail qui consiste à faire croire qu'on peut avoir une économie forte en travaillant moins.
Quand on évoque la création d'entreprises, signe tangible de la vitalité de notre économie, nos experts disent que notre pays affiche le plus mauvais résultat des pays industrialisés, et ce malgré un engagement et un soutien à la création d'entreprises. L'effort est important. Mais, les conditions et l'environnement n'étant pas favorables, le taux de création est faible et le taux de mortalité des entreprises est très fort. Une entreprise sur deux ne passe pas le cap des cinq ans.
Aux difficultés que je viens de rappeler s'ajoute la croyance, typiquement française, qui voudrait qu'un déficit élevé soit un mal nécessaire, chronique. Cela relève d'un comportement irréaliste, d'un comportement d'un autre temps.
Il faut sortir de ce déficit chronique.
Le déficit pour l'année 2000 est en augmentation sur les prévisions. Une question se pose à nous : pourquoi les autres pays, qui n'affichent pas forcément notre bon taux de croissance réduisent-ils ce déficit, voire réalisent des excédents, alors que nous laissons notre déficit de gestion enfler, ce qui alimente chaque année la dette.
La France a l'un des taux de prélèvements obligatoires les plus élevés. De 1997 à 2001, ils se sont accrus de 470 milliards de francs.
La dette publique s'élève à 5 200 milliards de francs, soit 86 000 francs par habitant et une somme bien évidemment plus importante par foyer fiscal. Elle a progressé de 800 milliards de francs entre 1997 et 2001. Le poids de nos intérêts s'élève à 243 milliards de francs, c'est-à-dire que, chaque jour ouvré, notre pays doit payer 1 milliard de francs pour se libérer uniquement des intérêts de la dette !...
Aujourd'hui, on peut dire que ce déficit nous relègue, pour reprendre une expression utilisée en réaction à ce constat, « parmi les tout derniers de l'Union européenne ». Un journaliste, certainement un peu sévère, nous a même traités de « cancres de la classe » !
Nous avons ainsi un Etat budgétivore en fonctionnement et particulièrement chiche en investissement !
Le train de vie de l'Etat ne baisse pas ! On choisit l'accroissement des effectifs de notre fonction publique - c'est la solution de facilité - plutôt que de prendre à bras le corps le problème de sa valorisation et de sa modernisation, afin de la rendre plus performante. Cela pèse bien sûr sur le budget, sans résoudre des questions de fond.
Par ailleurs, les dépenses dans bien d'autres secteurs ne sont pas maîtrisées. Alors que les dépenses de fonctionnement augmentent, les dépenses d'investissement, elles, régressent dans ce projet de budget.
Ce n'est pas une bonne nouvelle, car l'investissement public participe à la croissance, c'est-à-dire à l'emploi. Cette diminution signifie que l'Etat n'entend pas assumer pleinement ses responsabilités en garantissant le niveau d'équipement en infrastructures dont il a la charge. Ce désengagement touche bien évidemment l'aménagement du territoire, ou ce qu'il en reste.
Il est vrai qu'en la matière l'Etat a pris la mauvaise habitude, depuis de nombreuses années, par ses politiques contractuelles, de laisser les collectivités locales s'engager dans le financement des équipements publics normalement à sa charge. Les contrats de plan 2000-2006 n'échappent pas à cette règle, maintenant presque écrite.
Comme on sait que l'Etat garde la maîtrise d'ouvrage des opérations concernées et récupère la TVA, c'est autant de moyens financiers en moins qu'il engage réellement. Et je ne parle pas des avances de trésoreries faites par les collectivités locales à l'Etat pour préfinancer les dossiers soutenus par les fonds européens !
Il n'y a donc pas de véritable engagement en faveur d'un assainissement de nos comptes. Comment une telle pratique peut-elle perdurer sans qu'un jour l'Etat ne se trouve non seulement en décalage avec l'opinion, avec les contribuables, mais aussi sans moyens pour réagir en cas de baisse de conjoncture ?
Par ailleurs, je rappelle que les collectivités locales doivent voter leurs budgets en équilibre. Leurs ratios d'endettement sont bien encadrés. Depuis plusieurs années, on constate qu'elles ont assaini leurs comptes, qu'elles optent pour une politique de modération fiscale. Or, l'Etat joue en permanence les vertueux en étant très exigeant à leur égard. Qu'il commence donc par lui-même et qu'il s'inspire de leur gestion !
Quant aux annonces de baisse des impôts, vous me permettrez, en tant que représentant des collectivités locales, de dire que c'est du trompe-l'oeil !
Faut-il rappeler que, en trois ans, de nombreuses taxes et cotisations, de nouveaux impôts ont été créés, comme l'écotaxe, dont le Conseil d'Etat a dénoncé le caractère inégalitaire, la taxe sur les logements vacants, une contribution sociale sur les bénéfices ?...
Faut-il rappeler encore l'extraordinaire hypocrisie d'une baisse des impôts qui concerne nos collectivités locales ? Les suppressions unilatérales de la part régionale de la taxe d'habitation et de la vignette constituent une baisse de l'impôt pour le contribuable local. Mais, comme il y aura une compensation nationale, c'est le contribuable national qui sera appelé à financer cette baisse d'impôt local. Globalement, il n'y a donc pas de baisse d'impôt ; il s'agit d'une illusion. Ces deux mesures coûteront près de 20 milliards de francs.
Si vous ne réduisez pas la dépense publique et si vous ne réduisez pas la dette, ne faites pas croire que vous pouvez réduire les recettes, c'est-à-dire les impôts.
Il ne peut y avoir de véritable baisse des impôts sans véritable baisse de la dépense publique et sans maîtrise de la dette. Pour parvenir à une situation saine, il faut accepter une totale remise en cause de notre action publique.
Dans cette perspective, il est indispensable de procéder à une véritable réforme de l'Etat. Une évolution de ses missions, de son organisation, de son administration centrale et de son administration déconcentrée, un nouveau partage des compétences entre les collectivités locales et l'Etat sont des passages obligés pour un assainissement en profondeur de nos finances publiques.
La modernisation de l'Etat doit être synonyme de suppression des doublons, de redéploiements, d'optimisation de la dépense. Pour cela, il faut une vraie volonté, une adhésion du plus grand nombre, à commencer par celle de l'ensemble des corps constitués. Plus qu'un changement d'état d'esprit, c'est effectivement à un changement de modèle de société qu'il faut procéder.
Encore une fois à l'occasion de l'examen de ce projet de loi de finances, le problème de la transparence des comptes et de leur sincérité a été abordé. Je rends à cet égard hommage à l'excellent travail de notre commission des finances, de son président et de son rapporteur général. Je souhaite qu'il inspire le Gouvernement dans les mesures à prendre.
Nos collègues ont démontré, dans leur rapport intitulé En finir avec le mensonge budgétaire, combien la représentation nationale et, à travers elle, nos concitoyens étaient mis en quelque sorte à l'écart de la réalité de la situation des finances publiques de notre pays. Dans une démocratie comme la nôtre, eu égard au poids de notre dette, cette situation n'est pas acceptable.
Il ne s'agit pas d'amener le Parlement à se substituer au Gouvernement, qui a la responsabilité de préparer le budget et de l'exécuter. Il s'agit de permettre au Parlement de disposer des éléments qui sont nécessaires pour éclairer ses débats et ses choix. De tout temps, on a fait dire beaucoup de choses aux chiffres ! Le Sénat a fait des propositions très concrètes pour modifier l'ordonnance de 1959. J'attends avec intérêt les évolutions.
Il faut que l'Etat s'impose à lui-même, une bonne fois pour toutes, ce qu'il exige des autres et de tous ses partenaires. La transparence est en effet le gage non seulement de la responsabilité, mais aussi de la réhabilitation du politique auprès de nos concitoyens. C'est en tout cas la priorité qui surpasse toutes les autres ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous propose, à ce stade du débat, d'interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante-cinq.)