Séance du 11 décembre 1999







M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les crédits relatifs à la communication : crédits du Conseil supérieur de l'audiovisuel, d'aides à la presse et à l'audiovisuel inscrits aux services généraux du Premier ministre.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Claude Belot, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, voilà un instant, je voyais un ministre de la culture heureux, avec un budget voté par tout le monde, avec des frontières bien délimitées. La culture est un sujet qui, manifestement, ne pose pas de problème, même si, bien loin d'ici, sur la côte ouest des Etats-Unis, on en discute. En l'occurrence, faire savoir ce qui est français n'est pas trop compliqué.
Il en est de même de la presse. Depuis que je suis chargé de rapporter ce budget, j'ai rencontré les responsables de la presse. Tous m'ont dit : certes, il s'agit d'une usine à gaz très compliquée, car, au fil du temps, chacun a apporté sa pierre et personne n'a rien retiré, mais, surtout, n'y touchez pas ! (Sourires.) Alors, respectons l'histoire et les dispositifs très complexes. D'ailleurs, cela ne porte pas sur des sommes considérables.
Permettez-moi cependant de formuler quelques observations.
D'abord, la loi de finances de 1998 a instauré un fonds de modernisation de la presse, qui, en deux ans, a rapporté 300 millions de francs. C'est beaucoup moins que ce qu'on attendait, mais ces 300 millions de francs ne s'en « entassent » pas moins ; ils ne sont pas dépensés, car on ne sait pas exactement ce qu'il faut en faire ! En effet, un désaccord oppose les responsables de presse et les techniciens qui sont sous votre autorité, madame le ministre. Nous avons le sentiment que la situation ne se débloque guère.
Dans ces conditions, de deux choses l'une : ou bien on trouve une solution qui a l'accord de toutes les parties et qui constitue une véritable modernisation - c'est-à-dire une solution qui n'impose pas des solutions techniques déjà dépassées - ou bien on supprime cette taxation qui, pour l'instant, n'a d'autre effet que d'assurer un meilleur état de ses finances à la nation, ou tout au moins à sa trésorerie.
Pendant longtemps, en France - il faudra bien résoudre cette question, qui est une des scories de l'histoire - on a vécu en faisant travailler les services publics et les entreprises publiques. Ainsi, la SNCF et la poste transportaient la presse. Or, le statut de ces entreprises a changé. Elles ont maintenant une obligation d'équilibre de leurs comptes, mais on ne transfère jamais les sommes nécessaires pour assurer une juste rémunération du service.
Cette année, vous avez trouvé une solution. En effet, vous transférez une partie de la charge au SERNAM, le Service national des messageries. Or, vous le savez, ce service est en si mauvaise posture qu'il faudra le recapitaliser et changer complètement son statut vraisemblablement d'ici à très peu de temps. C'est d'ailleurs ce que m'a dit M. Gallois voilà quelques jours. La situation actuelle ne peut perdurer. Alors, de grâce, n'aggravez pas une situation qui est déjà désastreuse.
Enfin, il est un problème qui me semble très important, c'est celui de l'Agence France-presse.
Vous avez désigné un nouveau responsable. Il a l'ambition de changer la façon dont se porte le regard de la France sur le monde, car c'est cela l'Agence France-presse ! Il s'agit en effet d'informer en temps réel l'ensemble des médias, des moyens de connaissance du monde entier. Sur le plan de la technicité, c'est une superbe entreprise. Mais elle n'a cessé de perdre des parts de marché au fil des ans. Voilà vingt ans, l'Agence France-presse jouait dans la même cour que Reuter Associated Press. Or, aujourd'hui, son chiffre d'affaires représente vingt fois moins que celui de ses concurrents.
Si l'on n'y prend garde, l'Agence France-presse disparaîtra purement et simplement - ce serait bien dommage ! - car elle n'aura plus la crédibilité ni les moyens d'informer convenablement dans tous les domaines, y compris dans le domaine économique. Aussi, madame le ministre, il faut traiter ce dossier très rapidement, car le temps presse.
D'ailleurs, sans vouloir gêner le moins du monde l'entreprise, j'ai l'intention d'aller faire, comme les textes m'y autorisent, un contrôle sur pièces et sur place afin de comprendre pourquoi un plan de modernisation qui me semblait intéressant n'a pas suscité plus d'enthousiasme. Les personnels doivent se rendre compte qu'il en va de l'existence même de l'entreprise.
J'en viens à l'audiovisuel. Malheureux audiovisuel, car c'est un domaine où les frontières ne sont plus celles de l'Hexagone. Dans de nombreux lieux, en Europe la plus proche, là où la culture de la France est la plus présente, en particulier dans l'Europe du Sud, la voix de la France s'est tue. Il est impossible de capter les radios françaises. On m'explique qu'il y a à cela des raisons techniques. Aujourd'hui, on émet effectivement de plus en plus en modulation de fréquence, les autres modes d'émission ayant disparu ou étant résiduels.
On ne peut donc plus capter les radios françaises. Lorsqu'on le dit aux responsables, ils répondent qu'il suffit de se connecter à leur site sur Internet, comme si les Français qui vont en Espagne ou en Italie emmenaient ce qu'il faut pour se connecter à Internet ! C'est une certaine façon d'être à l'avant-garde, mais c'est aussi être en dehors du monde réel.
Radio France internationale, qui a ses zones d'action, fait un très bon travail, mais avec très peu de moyens.
S'agissant de la télévision, la situation est inquiétante. En effet, c'est la première fois dans l'histoire de l'image que l'on assiste simultanément à tant d'évolutions technologiques. C'est désormais sur la place publique. Aujourd'hui, tous les grands journaux consacrent de nombreuses pages à l'évolution des médias. Ils ont raison, parce que cela intéresse le public, parce que nous sommes concernés et qu'informer est leur métier. Dans les médias, cela bouge tous les jours. Or, on constate que l'initiative n'appartient plus au secteur public.
Depuis six mois, j'ai l'honneur de présider un groupe de travail de la commission des finances. Nous avons procédé à de très nombreuses auditions et voulu voir ce qui se passait ici et dans le reste du monde. Certes, nous ne sommes pas allés partout, mais nous avons tout de même voyagé un peu. Nous l'avons constaté, il y a aujourd'hui un certain nombre de certitudes. Je vous l'accorde, le monde bouge très vite.
Ainsi, les archives de tous ceux qui étudiaient l'évolution de la télévision en 1995 et 1996 révèlent que, à l'époque, le doute subsistait encore sur l'avènement du numérique. Or, aujourd'hui, il est partout, sauf précisément à la télévision et à la radio publiques.
Dans ce groupe de travail, j'ai eu le sentiment - c'est une bonne chose, car il s'agit d'un sujet qui peut nous rassembler - que nous étions porteurs d'une des grandes civilisations du monde, d'une civilisation qui s'est toujours illustrée dans la création artistique, et vous le savez bien, madame le ministre, compte tenu des responsabilités qui sont les vôtres.
Nous souhaitons un audiovisuel public fort, parce qu'il ne faut pas laisser le marché arbitrer. Dans les conclusions que nous rendrons bientôt, ce sera précisément un des points majeurs, peut-être le plus important, le reste étant de l'intendance.
Nous refusons, comme c'est le cas en Grande-Bretagne, d'être soumis au jeu de personnes qui nous manipulent, nous informent, nous désinforment, nous montrent ce qu'elles ont envie de nous montrer parce que cela leur rapporte le plus d'argent possible. Ce n'est pas l'objectif que cherche à atteindre le Sénat. Les sénateurs, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, ont le sens de l'intérêt national. Or, celui-ci nous commande d'avoir un audiovisuel public fort.
Cela signifie que la révolution numérique doit être vécue. Le président de Radio France, Jean-Marie Cavada, m'a dit qu'il n'avait pas les moyens financiers pour renouveler son parc de machines et que l'on ne retrouve plus de pièces détachées. Or tous ses collègues des radios privées disposent, eux, des moyens pour travailler autrement. De même, les journalistes de France 3 couvrent parfois les événements locaux avec des caméras lourdes, très chères et anciennes. Or, au Québec, la télévision locale de Baie-Saint-Paul émet deux heures par jour avec un budget annuel de 1,3 million de francs, somme dérisoire compte tenu de l'enjeu. Elle est équipée d'une caméra numérique japonaise coûtant 8 000 francs. Voilà la réalité !
Qu'on le veuille ou non, le numérique va s'imposer partout et il faut donc s'adapter.
A ce propos, nous pourrions parler sans fin du problème des « tuyaux ». Pour vous éclairer sur ce sujet, madame le ministre, vous avez demandé l'élaboration de rapports, qui sont d'ailleurs de qualité.
Aujourd'hui, la diffusion hertzienne est partout battue en brèche. Deux événements importants sont à noter à cet égard.
Tout d'abord, l'an dernier, à peu près à la même date, je vous avais indiqué que 1,5 million de personnes en France recevaient des « bouquets » de télévisions par satellite ; au moment où nous parlons, ce chiffre a pratiquement doublé.
En outre, on constate une nouvelle jeunesse du câble. Voilà un an, le câble était un peu considéré comme le « La Villette » de l'audiovisuel. Or, aujourd'hui, on s'aperçoit que les câblo-opérateurs, essentiellement américains - et le CSA a attiré votre attention sur ce point - sont en train d'acheter au prix de l'or ce qui, hier, ne valait pratiquement rien.
En effet, l'enjeu est fantastique, puisqu'il s'agit de la propriété de la « boucle » locale, alors que l'on sait que la convergence se met en place. Ainsi, de grandes sociétés mondiales préparent le raccordement, sur le même téléviseur et par l'intermédiaire d'un même câble, au réseau téléphonique, à Internet et aux chaînes de télévision. La convergence est donc bien en voie de réalisation, non pas pour le quatrième millénaire, mais pour les premiers mois du troisième millénaire, et l'on sait que celui qui est maître des « tuyaux » est maître du jeu.
En Amérique, aujourd'hui, les câblo-opérateurs se font payer pour diffuser les images. Ce n'est donc pas un organisme public qui fixera les prix. Quand on voudra être diffusé par tel câble ou par tel satellite, il faudra payer sa place. Tel est le système qui se mettra en place, d'où la bataille qui fait rage entre les câblo-opérateurs. Les réseaux qui se payaient 1 000 francs la prise il y a un an s'achètent désormais au prix de 6 500 francs par foyer raccordé.
En un an, le monde a été bouleversé. L'accélération fait sentir ses effets depuis un an, depuis que je me suis adressé à vous ici même au Sénat, voilà quelques mois seulement. L'évolution est très rapide, et l'on sait qu'elle va s'accentuer.
A ce propos, je ne suis pas de ceux qui croient que l'avenir de la France se joue à la corbeille, mais on est bien obligé d'observer ce qui s'y passe : l'accroissement fabuleux de la capitalisation boursière du secteur de l'audiovisuel depuis un an - on sait que la Bourse anticipe toujours les évolutions - signifie que les marchés financiers ont confiance dans l'avenir de ces nouveaux « tuyaux », dans leur succès et dans leur rentabilité futurs.
C'est une affaire que vous vous contentez d'observer, madame le ministre, parce que vous n'avez pas les moyens de faire grand-chose d'autre. Vous disposez d'une certaine marge de manoeuvre, notamment par le biais du Conseil supérieur de l'audiovisuel - et c'est tant mieux - mais le délit de réception n'existe pas en droit français. C'est ainsi, et il faut être conscient des réalités.
Les sociétés françaises sont bien présentes dans la diffusion satellitaire, mais le câble est en train de nous échapper ; or, celui qui en aura la maîtrise l'utilisera comme il l'entend, pour diffuser images et sons. Je ne suis pas technicien, la physique n'est pas mon fort, mais je lis et j'écoute ceux qui savent, et ceux-ci affirment que la compression numérique progressera encore, permettant d'intensifier le flux des données transitant par le câble.
En outre, les seuls satellites actuels, par exemple Astra et Eutelstat, peuvent transmettre 2 000 chaînes simultanément. Cette capacité de diffusion sans cesse croissante impose la mise en place d'une offre nouvelle de programmes, et la télévision publique ne sera plus qu'une télévision résiduelle, ce qui est, madame le ministre, inacceptable.
Actuellement, la majorité de nos compatriotes se contentent encore de la télévision hertzienne analogique et de ses six canaux, mais ce n'est plus la situation qui prévaut dans la plupart des grands pays du monde. Préparons-nous donc à des changements rapides, car les hommes d'affaires sont dynamiques et disposent de moyens importants. Très vite, les câblo-opérateurs se constitueront une véritable clientèle, et vous n'y pourrez rien, madame le ministre. Ils auront le droit d'émettre, et vous aurez beau invoquer les quotas, il faudra bien alimenter en programmes des centaines de chaînes.
En fait, le problème des « tuyaux » est aujourd'hui en voie de se résoudre de lui-même. Nous en viendrons au numérique hertzien, même si le « switch off », c'est-à-dire l'arrêt de la diffusion analogique en France, n'est pas programmé, ce qui affaiblit notre industrie de la télévision, car ses responsables ignorent ce qui se passera dans les années à venir. Cependant, il faudra bien que l'on produise en grande quantité des images de qualité pour alimenter tous les « tuyaux ».
Tels sont les enjeux actuels.
Vous me rétorquerez que, pour faire face à cette situation, il faut des moyens, et que vous n'en avez pas. Pourtant, la redevance audiovisuelle est une recette « dynamique », grâce à l'adoption, voilà quatre ans, d'un amendement sénatorial qui prévoyait le croisement des fichiers de la taxe d'habitation et de ceux de la redevance. Cette mesure a permis de dynamiser la recette, qui s'élève cette année à 13 milliards de francs, contre 12 milliards de francs l'année dernière.
Mais ce succès a attiré l'attention des fonctionnaires de Bercy. Pour avoir été ici même pendant neuf ans rapporteur du budget des charges communes, je connais leur mode de raisonnement : ils récupèrent les surcroîts de recettes de l'année précédente ! Vous ne devez pas l'accepter, madame le ministre ! Certes, il est ardu de résister à l'administration de Bercy, mais il faut que vous obteniez qu'une recette affectée soit utilisée comme elle doit l'être, et sans attendre l'exercice budgétaire n + 1, n + 2 ou n + 10. C'est important, et un amendement sera examiné tout à l'heure, visant à vous aider dans ce combat.
Par ailleurs, vous avez décidé de réduire le temps alloué à la publicité sur les chaînes publiques.
C'est un choix, mais, outre qu'il entraîne une baisse des recettes correspondantes, j'observe autour de moi que les jeunes aiment bien la publicité, alors que ma mère l'apprécie moins ; je ne suis donc pas certain que vous vous situiez à l'avant-garde !
Cela étant, vous connaissez la vérité : les recettes publicitaires baissaient de toute façon, et de manière significative, tout simplement parce que l'audimat indiquait un recul de l'audience des chaînes publiques. C'est ce que me disent les responsables de la régie de publicité, dont je suis l'un des clients en tant que responsable d'une collectivité locale, et même un partenaire pour la réalisation, dans mon département, de l'émission de jeux télévisés Fort Boyard .
Cela ne me fait pas plaisir, mais vous êtes obligé de compenser ce manque à gagner par des crédits venant du budget général. Vous avez ainsi obtenu un peu mieux que la compensation pour la redevance non perçue ; il est vrai, madame le ministre, que cela représente 1,5 milliard de francs, soit beaucoup plus qu'auparavant - je ne le nie pas - mais, en regard, l'enjeu est immense.
Parallèlement, le passage aux 35 heures - je ne discuterai pas aujourd'hui de son opportunité, tel n'est pas le sujet - aura un coût, qu'il faudra également financer. Votre budget se trouve dans la même situation que la mer à La Rochelle, qui est bue par le sable et dont le niveau ne monte pas ! (Sourires.) Nous devons traiter cette question en profondeur, avec de vrais moyens !
Face à ce constat, la redevance a le mérite d'exister. Puisque nous nous trouvons aujourd'hui devant un enjeu national majeur - les Français sont capables de le comprendre, et je suis sûr que le Sénat en est tout à fait conscient - pourquoi ne pas faire comme les Anglais ? En Grande-Bretagne, la redevance est beaucoup plus élevée. Il n'est certes pas très populaire d'augmenter le prix du tabac ou le montant de la redevance, mais au diable l'impopularité ! Les peuples forts et les gouvernements responsables osent une telle mesure ! Pour ma part, je défendrai cette proposition, tellement je suis convaincu de l'importance du sujet.
Il faudra y venir un jour, sinon d'autres arbitreront. Sur TPS, sur Canalsat et ailleurs, la télévision française aura alors simplement la même place que toutes les autres télévisions du monde, que l'on nous propose déjà gratuitement ! Personnellement, je ne souhaite pas du tout une telle évolution, madame le ministre, et le Sénat non plus.
Dès lors, s'il y a une révolution culturelle à faire, eh bien essayons d'y réfléchir ensemble, si vous le voulez bien. Pour l'instant, nous avons le sentiment que vous nous présentez un budget de reconduction, comme ce fut le cas en 1938 : la loi de finances de 1939 avait alors été votée en reconduction de la loi de finances de 1937. Mais certains événements sont survenus...
Il s'agit là d'un enjeu national majeur, je le répète. Je ne dirai pas que la patrie est en danger, mais la culture française l'est à coup sûr, au moins sa diffusion dans le monde. Adopter ma suggestion est le seul moyen de changer complètement de « braquet », pour faire en sorte que les Français soient un peuple fort, fort de ce qu'il est capable de produire, fort de son esprit de rébellion qui s'est manifesté en certaines heures de notre histoire.
C'est aussi un problème existentiel. Dans l'ensemble des problèmes qui se posent aujourd'hui à notre pays, il est sans doute l'un des plus importants. Je me suis permis d'attirer votre attention sur lui, mais vous saviez déjà, bien sûr, tout ce que je viens de dire ! Vous ne pouvez que le savoir, au poste qui est le vôtre, et cela ne doit pas être drôle de ne pas avoir de prise sur les événements !
M. le président. Monsieur le rapporteur, votre temps de parole est épuisé. Je suis contraint de vous demander de conclure.
M. Claude Belot, rapporteur spécial. J'y viens, monsieur le président, veuillez m'excuser.
J'indiquerai simplement que, si la commission a émis un avis favorable à l'adoption de l'article 51 et de l'article 55 sous réserve de l'amendement qu'elle propose, elle n'a pas cru pouvoir préconiser, contrairement à l'année dernière, l'adoption du budget de la communication audiovisuelle, parce qu'il n'offre pas au secteur public les moyens adaptés à la gravité de la situation actuelle. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Hugot, rapporteur pour avis.
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la communication audiovisuelle. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il y a deux façons complémentaires d'aborder l'examen du projet de budget de l'audiovisuel public pour 2000 : considérer les chiffres bruts, ou bien - M. le rapporteur spécial l'a fait de façon très opportune - les mettre en perspective.
En commentant les chiffres bruts devant la commission des affaires culturelles, vous nous aviez invités en quelque sorte, madame la ministre, à ne pas négliger la mise en perspective. L'exercice budgétaire 2000 serait, nous disiez-vous, « la première étape de la mise en oeuvre des engagements pris par le Gouvernement en vue de redonner au secteur public de l'audiovisuel toute sa légitimité et d'assurer son développement ».
Ayant trouvé dans les chiffres du projet de budget des motifs de satisfaction, j'ai suivi votre conseil, mais la mise en perspective m'a apporté quelques raisons d'inquiétude.
Il y a, dans votre projet de budget, des choses très positives en ce qui concerne tant l'évolution globale des ressources que l'évolution de la structure de financement des organismes.
Ainsi, les crédits de l'audiovisuel public augmenteront globalement de 9,8 % en 2000 par rapport à la loi de finances initiale de 1999. Cette augmentation, la plus forte enregistrée depuis 1996, traduit le caractère effectivement prioritaire de l'audiovisuel public dans un projet de budget général dont la croissance est alignée sur la hausse prévisionnelle de 0,9 % des prix à la consommation.
Les dotations de France 2 et de France 3 progressent, quant à elles, de façon accentuée : 7,6 % pour France 2 et 5,8 % pour France 3, contre 3,7 % pour la Sept-Arte et 3,1 % pour La Cinquième, ce qui confirme le rôle prééminent déjà reconnu, en 1999, aux chaînes généralistes du secteur public.
Pour autant, soyons clairs, la Sept-Arte et La Cinquième ne sont pas sacrifiées, puisque le taux de progression de leurs dotations est assez nettement supérieur à celui de 1999.
Bien entendu, tous les organismes publics ne sont pas logés à l'enseigne du « bonus » budgétaire. L'INA, l'Institut national de l'audiovisuel, voit ainsi sa dotation gelée au niveau de 1999, RFO, la société de radiodiffusion et de télévision pour l'outre-mer, voit la sienne augmenter de 3 % et, enfin, le budget de Radio France progressera, en 2000, de 2,2 %, pour atteindre 2,877 milliards de francs.
Par ailleurs, le projet de loi de finances pour 2000 engage la mutation de la structure de financement de l'audiovisuel public. Les ressources publiques représenteront, en 2000, 74 % du total des recettes, contre 69,4 % en 1999, les ressources de publicité et de parrainage passant, quant à elles, de 26 % à 21,9 %.
Cette évolution est rendue possible par l'augmentation sensible du produit de la redevance et par la très importante augmentation des crédits budgétaires de remboursement des exonérations de redevance.
En ce qui concerne la redevance, le taux d'augmentation du tarif sera, comme en 1999, égal à celui de l'inflation prévisionnelle, soit 0,9 %.
Quant aux crédits budgétaires, ils sont en très large augmentation et seront désormais affectés, afin de les mettre à l'abri de la régulation budgétaire, au compte d'emploi de la redevance audiovisuelle. J'approuve tout à fait cette intention.
Il faut aussi retenir que l'augmentation de 1,499 milliard de francs des ressources publiques du secteur audiovisuel est supérieure à la baisse des ressources propres des organismes, qui est estimée à 616 millions de francs, dont 572,7 millions de francs de baisse des recettes publicitaires de France 2 et de France 3.
Je note enfin, sans m'y attarder, que ces évolutions se retrouvent dans les projets de budget de France 2 et de France 3.
Tout cela est globalement satisfaisant, bien que fragile, certes, puisque l'avenir ne confirmera pas forcément le pari sous-jacent que vous faites, madame la ministre, sur la pérennité des recettes budgétaires. Mais nous n'allons pas juger le projet de budget d'après les choix des futurs gouvernements. Notons simplement aujourd'hui que le Gouvernement a réalisé pour l'audiovisuel public un effort estimable, et passons, comme je l'indiquais, à la mise en perspective.
La mise en perspective ne nécessite pas la construction d'hypothèses sur les choix politiques et financiers de l'avenir. Je me contenterai de tirer les leçons du proche passé.
Que faut-il constater à cet égard ? Tout simplement que les prévisions du projet de budget pour 2000 sont largement bâties sur le sable, celui des déficits cumulés des exercices passés, celui de la crise des ressources publicitaires, celui de l'inquiétante crise de l'audience : tout ce qui pèse et pèsera sur le financement de l'indispensable entrée de l'audiovisuel public dans l'ère numérique et dans la société de l'information.
Je ne donnerai qu'un seul chiffre pour illustrer la crise des ressources publicitaires du secteur public : au premier semestre 1999, la part d'audience des écrans publicitaires diffusés par France Télévision a diminué de 11 % à 12 % par rapport aux six premiers mois de l'année précédente ; par rapport à 1996, la chute est de 24 % sur France 2 et de 17 % sur France 3.
Cette situation, qui prolonge celle de 1998, provoque peut-être la satisfaction des partisans les plus virulents de la diminution à marche forcée des ressources propres des chaînes publiques. Manifestement, le marché précède leurs désirs. J'y vois plutôt, avec regret, la conséquence d'une fragilité d'image et d'une fragilité financière qui m'inquiètent.
La situation financière globale des chaînes publiques est, en fait, assez profondément dégradée. Selon certaines informations, France Télévision pourrait enregistrer, en 1999, un déficit budgétaire avoisinant 200 millions de francs.
Toutes les informations dont nous disposons sur la situation budgétaire de France 2 et de France 3 conduisent à un diagnostic de précarité : un cycle de déficits semble se profiler, cycle que l'infléchissement autoritaire de la structure des ressources prévu par votre projet de loi accentuera nécessairement si les ministres de la culture n'obtiennent pas, année après année, auprès du Premier ministre et du ministre des finances, les crédits budgétaires nécessaires à l'apurement des comptes et au financement de la diversification.
Par ailleurs, le projet de budget pour 2000 n'ouvre guère de véritables perspectives en matière de mesures nouvelles et ne peut donc être présenté comme le point de départ de l'ère nouvelle que vous nous promettez, madame la ministre, de manière optimiste.
Reprenons le raisonnement où je l'avais interrompu. Lors de votre audition par la commission des affaires culturelles, vous avez parlé de traiter le problème du déficit budgétaire de France 2 et de France 3 en 1999 dans le cadre de la loi de finances rectificative afin, disiez-vous, « de ne pas empiéter sur les marges de financement supplémentaires que le budget de 2000 accorde aux chaînes ». Vous estimiez par ailleurs cette marge de développement à quelque 300 millions de francs.
Si le déficit s'élève à plus de 200 millions de francs, comme on le dit, si la loi de finances rectificative répond imparfaitement à vos espoirs - j'ai bien noté l'énergie que le Gouvernement a été obligé de déployer à ce sujet à l'Assemblée nationale, et tout n'est pas encore dit - ou même si la loi de finances rectificative répond à vos espoirs, le reliquat disponible sera bien modeste et le développement des chaînes durement oblitéré à un moment crucial de leur devenir.
« Voilà qui est joliment dit, mais que proposez-vous, vous-même ? », m'ont demandé quelques collègues de la commission, quand j'ai présenté mon projet d'avis budgétaire.
Il ne m'appartient naturellement pas de refaire les budgets de l'audiovisuel public, mon collègue Claude Belot et la commission des finances étant mieux placés que moi à cet égard et y travaillant avec beaucoup d'ardeur. Mais la commission des affaires culturelles a bien voulu me nommer rapporteur du projet de loi sur la communication audiovisuelle, et, dans le cadre de cette mission, je tente de dessiner des perspectives d'avenir pour l'audiovisuel public, j'élabore des propositions, que je soumettrai à la commission à la fin de ce mois. Je pense, en particulier, au numérique terrestre, qui constitue, pour les chaînes publiques, la meilleure - peut-être l'unique - voie d'accès au monde du multimédia et à la société de l'information. C'est dire l'importance de cet enjeu pour le service public. Nous aurons l'occasion d'en débattre très prochainement dans cette enceinte, madame la ministre, comme nous discuterons de stratégies de développement, de principes de financement et de perspectives de croissance.
La commission des affaires culturelles du Sénat a la volonté de favoriser le développement du service public de l'audiovisuel, comme vous-même, bien entendu, madame la ministre. Mais nous n'avons trouvé dans le projet de budget qu'une amorce incertaine de ce que nous souhaitons, vous et nous, pour l'audiovisuel public. Alors, pour manifester un engagement fort en faveur de son développement, au moment de rendez-vous économiques et législatifs cruciaux, la commission des affaires culturelles a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat sur l'adoption ou le rejet des crédits de la communication audiovisuelle pour 2000. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. de Broissia, rapporteur pour avis.
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la presse écrite. Monsieur le président, madame la ministre, dans mon rapport de l'année dernière, je décrivais le projet de budget des aides à la presse écrite comme une « honnête reconstitution ». Les crédits augmentaient en effet, à cette époque, de 2,6 %, après avoir baissé de 1 % l'année précédente. A partir de cette constatation, je préconisais une consolidation pour l'an 2000.
Je crois pouvoir constater cette consolidation dans le projet de budget pour 2000. Celui-ci vise en effet à une augmentation de 3,2 % des aides directes, alors que les dépenses de l'Etat progresseront globalement au rythme de l'inflation prévisionnelle, c'est-à-dire de 0,9 %. Le montant total des aides directes s'établira donc, en 2000, à 260,8 millions de francs.
Les aides à la presse revêtent un caractère prioritaire, ce dont nous nous réjouissons. Je ne note, par ailleurs, rien de nouveau dans l'évolution relative des différents fonds. Tout cela s'inscrit dans une logique globale de recentrage des aides au profit de la presse d'information générale, que la commission des affaires culturelles a approuvée à plusieurs reprises.
Il faut dorénavant ajouter aux aides directes traditionnelles le compte d'affectation spéciale du fonds de modernisation des quotidiens et assimilés, dont je voudrais dire quelques mots.
Ce fonds a été créé par la loi de finances de 1998. Il a été mis en place en 1999 avec un crédit de 150 millions de francs, non consommé l'année dernière. Les recettes sont estimées, en l'an 2000, à 200 millions de francs, auxquels s'ajoutera le report des 150 millions de francs non consommés en 1999.
Ces montants - c'est un sujet important pour nous - restent très éloignés des estimations de recettes avancées lorsque la taxe sur la publicité hors médias fut créée pour financer le fonds de modernisation. Le chiffre de 300 millions de francs avait alors été évoqué.
Cet écart est d'autant plus criant que le taux de la taxe est de 1 % et que le chiffre d'affaires estimé de la publicité hors médias a été de plus de 50 milliards de francs en 1998.
J'ai interrogé le service juridique et technique de l'information sur les raisons de cette situation. Il m'a été répondu que la base taxable théorique pouvait se situer autour de 35 milliards de francs à 40 milliards de francs, qu'il fallait, en outre, opérer des déductions, dont le montant est difficile à identifier, pour évaluer la base effectivement taxable. Il m'a aussi été indiqué, madame la ministre, que vous aviez demandé au ministre chargé du budget d'analyser les conditions de la perception de la taxe en 1999 et d'envisager les améliorations souhaitables. Tout cela suggère une certaine difficulté des comptables d'entreprise, et aussi certainement des services fiscaux - ils ont considéré qu'ils avaient d'autres priorités que la perception de cette taxe - à identifier les dépenses susceptibles d'entrer dans l'assiette de la taxe. Mais nous sommes là pour vérifier l'exécution du budget !
Il est certain, en revanche, que la presse a, de son côté, préparé ses demandes de subventions avec espoir et sans doute beaucoup d'illusions. Je ne dispose pas du montant des demandes. On sait simplement que le niveau des concours proposés par le comité de gestion du fonds a été revu à la baisse afin de laisser à chacun sa chance. On entre donc manifestement dans une logique de saupoudrage. C'est regrettable, car tel n'était pas le souhait des parlementaires qui ont voté en faveur de ce fonds. J'espère avoir votre démenti sur cette perspective, madame la ministre.
Je ne rappellerai pas dans le détail l'évolution des différents fonds. J'indique seulement, pour illustrer le sens des nécessaires recentrages en cours, que l'aide aux quotidiens nationaux à faibles ressources publicitaires augmentera de 33 % en 2000, après avoir progressé de 5,3 % en 1999, pour s'établir à 26,6 millions de francs, ce qui représente quelque 10 % du montant total des aides directes.
Je précise aussi que l'aide au portage des quotidiens augmentera de 2 %, après avoir progressé de 10 % en 1999, et atteindra un montant de 50,5 millions de francs en 2000.
Madame la ministre, le développement de cette dotation traduit la priorité que le Gouvernement accorde à juste titre à cette forme de distribution. Cette priorité, qui remonte à l'adoption du plan de réforme des aides à la presse d'avril 1995 - un autre gouvernement était alors au pouvoir - répond à la conviction, partagée par les éditeurs, que le portage constitue un des axes principaux des stratégies de développement de la presse. En d'autres termes, l'écrit papier doit être disponible à domicile comme l'écran.
L'allusion au plan de 1995 m'incite à un retour très sommaire sur l'évolution récente des aides à la presse. Ce plan m'apparaît en effet rétrospectivement comme le point de départ d'une redistribution des cartes que chaque nouvel exercice budgétaire confirme depuis, et dans la logique duquel il me semble que vous inscrivez vous-même votre action, madame la ministre. Je tiens à l'indiquer, car vous aimez vous situer par rapport au proche passé et vous y faites parfois allusion. Mais il faut se réjouir de la continuité de l'action gouvernementale.
Je voudrais faire un très bref rappel de cette évolution. S'agissant des aides indirectes, les accords Galmot de 1996 et de 1997 entre l'Etat, la presse et La Poste ont apporté des modifications très significatives à la fois en matière de tarifs postaux et de réglementation du transport des publications par La Poste.
S'agissant des aides directes, la politique conduite depuis quelques années met l'accent sur l'aide à la modernisation des entreprises de presse, sur l'aide à leur développement par la réduction de certains de leurs coûts, ainsi que sur la nécessité d'aider particulièrement la presse quotidienne et assimilée.
Les onze fonds d'aide directe existants ont été soit créés depuis moins de cinq ans - c'est le cas pour six d'entre eux - soit, dans le même délai, fortement modifiés dans leurs conditions de fonctionnement.
Quelles conclusions tirer de l'analyse de nos interventions en matière d'aides directes et d'aides indirectes ? J'en vois deux.
On ne peut reprocher à l'Etat une abstention coupable. Il agit, il va globalement dans le bon sens et il souhaite rectifier le sens de son action.
Mais les initiatives qu'il a prises suscitent souvent des réserves, qui sont parfois plus que de détail. Je voudrais en citer une à cet égard.
Le fonds d'aide à l'investissement dans le multimédia, créé en 1997, qui répondait à la nécessité de voir la presse écrite investir dans le multimédia, a permis de modifier les fonds d'aide à la transmission par fac-similé.
A cet égard, la presse quotidienne régionale, pour laquelle l'allégement des charges téléphoniques constituait un sérieux appoint, ne perçoit plus rien. Pourtant, elle utilise beaucoup les transmissions numériques, cette numérisation que nous évoquons chaque année lors de l'examen du budget de la communication. Ce procédé représente une part importante des charges d'exploitation et je crois qu'il faudrait réfléchir à la possibilité d'alléger ces coûts.
Sans entrer dans le détail de l'évolution des aides, je m'interroge néanmoins sur leur bilan. La presse s'est-elle améliorée de façon significative ? C'est peut-être le cas globalement, mais cette amélioration est due plus à ses recettes publiques qu'à son lectorat. En effet, le principal problème de la presse, madame la ministre, mes chers collègues, est, en dernière analyse, celui du vieillissement et de la raréfaction de son lectorat. Dans ces conditions - et je souhaite vivement que nous revenions sur ce point demain, à l'occasion de l'examen du budget de l'éducation nationale - il faut éduquer la jeunesse scolaire à la lecture en général, et à celle de la presse en particulier.
Il existe déjà des initiatives et des efforts ont été faits, dans ce sens, mais sans doute faudrait-il mieux les coordonner. On peut penser, ainsi, à un mécanisme du type fonds de concours, mais il nous faudra y réfléchir. Il s'agit en tout cas d'un chantier que j'ai proposé à la commission des affaires culturelles et je souhaite que le ministère de l'éducation nationale nous relaie sur ce point.
J'avais également proposé, l'an dernier, une réorientation budgétaire allant dans le sens de la pluriannualité, car cela me paraît nécessaire pour sécuriser les efforts de modernisation qu'engage la presse avec l'aide de l'Etat.
M. le rapporteur spécial a beaucoup insisté sur ces perspectives. Au moment où le Gouvernement reconnaît au profit de l'audiovisuel public la nécessité pour l'entreprise moderne de communication de disposer de repères pluriannuels sur l'engagement financier de l'Etat, il serait nécessaire de réfléchir à l'élaboration d'instruments juridiques permettant à la presse de planifier les concours qu'elle peut attendre de la puissance publique en moyenne période.
Madame la ministre, je terminerai en disant un mot de l'Agence France-Presse, ce qui ne vous surprendra sans doute pas.
J'ai été sensible à ce qu'a dit M. le rapporteur spécial à ce sujet. Toutefois, entre le moment où nous nous sommes rencontrés à la commission des affaires culturelles et le dépôt du plan qui porte le nom du président de l'entreprise, il s'est produit une évolution qui nous inquiète : il y a eu une initiative dynamique et, selon toute apparence, pertinente et féconde, pour adapter ce bel et unique instrument aux besoins nouveaux. Or, cette initiative semble à présent enterrée. Chacun sait pourtant que, dans la communication, ne pas avancer, cela signifie aujourd'hui nécessairement régresser.
A trop reporter la décision de rassembler les moyens financiers lourds nécessaires au développement de la seule agence de presse dont la France dispose, sa situation se fragilisera vite.
Il est clair que le surplace ne peut être payant dans un monde devenu « une grande tribu médiatique » où des initiatives concurrentes de l'AFP peuvent être prises chaque jour en Amérique, en Asie et en Europe.
Vous vous attendiez sans doute, madame la ministre, à être interrogée au Sénat sur la position et sur les intentions de l'Etat propriétaire et de l'Etat garant de l'intérêt général, du pluralisme des sources d'information et du rayonnement de la francophonie. J'attends votre réponse avec d'autant plus d'intérêt que la presse a récemment fait état de « la stratégie Trautmann » pour l'AFP. (Mme la ministre sourit.) J'espère que nous serons éclairés, ce soir, sur cette stratégie.
Au terme de ce survol - sans doute un peu trop long - il me reste à indiquer au Sénat que la commission des affaires culturelles a émis un avis favorable sur les crédits consacrés à l'aide à la presse pour 2000. (Applaudissements.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 18 minutes ;
Groupe socialiste, 16 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 20 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes.
La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « la communication n'est pas la perversion de la démocratie, elle en est plutôt la condition de fonctionnement ». Je partage profondément cette affirmation de Dominique Wolton, mais j'y ajouterai un adjectif essentiel : la communication « pluraliste », et c'est bien cela que doit garantir l'Etat.
Préserver le pluralisme de la presse et renforcer le service public de l'audiovisuel dans un univers de plus en plus concurrentiel sont, me semble-t-il, les lignes directrices de votre budget.
S'agissant du budget des chaînes publiques, je dirai, madame la ministre, à l'inverse du slogan publicitaire bien connu : « Nous l'avons rêvé, vous l'avez fait ! ».
Depuis des années, les parlementaires socialistes s'inquiétaient de la part grandissante des recettes publicitaires à la télévision et, parallèlement, du désengagement de l'Etat. Après deux années de restauration du secteur public, en 1998 et en 1999, vous avez qualifié à juste titre le présent budget d'« excellent ». C'est, en fait, un véritable budget de rupture puisqu'il anticipe la réforme du financement du secteur public, que nous examinerons à partir du 18 janvier prochain au Sénat.
Au coeur de cette réforme, vous avez inscrit la volonté de restaurer le secteur public dans sa légitimité et dans ses moyens. Cela passe par une moins grande dépendance des chaînes publiques à l'égard des recettes publicitaires, mais aussi par un accroissement global des moyens des chaînes publiques.
Dès 2000, le volume horaire de publicité sur les chaînes publiques passera de 12 minutes à 10 minutes, puis de 10 minutes à 8 minutes en 2001.
Les crédits des entreprises de l'audiovisuel public connaîtront une progression sans précédent de 883 millions de francs, contre déjà 473,2 millions de francs supplémentaires en 1999, soit une hausse de 4,8 %. Ils atteindront ainsi, pour la première fois, 19,3 milliards de francs. Mais, surtout, les ressources publiques représenteront 74 % des moyens, contre 69,4 % en 1999.
Pour la télévision, qui en est la principale bénéficiaire, il s'agit presque d'une révolution : pour France 2, la publicité et le parrainage sont ramenés à 40,1 % des ressources de la chaîne, alors qu'ils représentaient 51 % dans le budget de 1997, dernier budget présenté par le gouvernement que soutenait la majorité de cette assemblée ; pour France 3, cette part est de 27,8 %, contre 32 % en 1997.
Il est clair que, si nous défendons la baisse des recettes publicitaires, ce n'est pas par idéologie ou publiphobie, mais parce qu'il s'agit fondamentalement de la nature même du service public.
Les téléspectateurs ne supportent plus les tunnels publicitaires. Or, la durée de la publicité sur France 2 et France 3 entre dix-neuf heures et vingt-deux heures, tranche horaire qui assure plus de 60 % des recettes publicitaires de France Télévision, a augmenté de plus de 65 % en cinq ans. Sur France 3, en particulier, ce sont 95 % des recettes publicitaires qui sont réalisées dans la tranche dix-huit heures trente - Soir 3.
Mais, surtout, comme je l'avais largement démontré l'année dernière, la publicité pèse beaucoup trop sur l'élaboration des grilles de programmes. Votre réforme, madame la ministre, permettra donc de libérer les chaînes publiques de l'emprise grandissante des annonceurs. Cela devrait permettre à France Télévision de prendre davantage de risques, de programmer plus de fictions françaises ou européennes, d'émissions culturelles et d'information ou de documentaires à des heures de grande écoute.
J'ajoute que, pour cette première année de mise en oeuvre anticipée de cette loi tant attendue, vous avez tenu vos promesses : faire progresser les ressources des chaînes publiques au-delà de la simple compensation des baisses de recettes publicitaires. Cette mesure est assurée par le remboursement des exonérations de redevance, qui rapportent cette année 881,5 millions de francs, contre 122,5 millions de francs en 1999. Des moyens supplémentaires seront ainsi octroyés aux chaînes publiques. Les chiffres sont éloquents : plus 404,7 millions de francs pour France 2 et plus 307,2 millions de francs pour France 3. Ces moyens devraient être utilisés pour enrichir les programmes, et principalement augmenter les investissements dans la fiction et les programmes pour les jeunes.
Les deux chaînes de France Télévision sont, en effet, confrontées à une érosion de leur audience préoccupante. France 2 a perdu cinq points en cinq ans, passant de 27,7 % de parts de marché en 1994 à 22,2 % en 1999 ; quant à France 3, après avoir bien progressé jusqu'en 1996, avec 18,1 % de parts de marché, elle est redescendue à 16,2 % en 1999.
S'il est normal et irréversible que les chaînes généralistes voient leur audience s'éroder, il est indispensable pour le groupe public de conquérir de nouveaux publics par le développement de nouvelles offres ; or, ce développement est aujourd'hui en panne.
Par ailleurs, quelques sujets d'inquiétude persistent que vous pourrez peut-être dissiper, madame la ministre.
Première question : les chaînes publiques termineront l'année 1999 avec un déficit, évalué au minimum à 200 millions de francs pour France Télévision. Il me semblerait utile de prévoir, pour ne pas oblitérer l'avenir, de combler au moins partiellement ce déficit par une affectation des excédents de redevance de 1999, dont le montant exact n'est pas encore connu, mais qui, semble-t-il, devrait atteindre 400 millions de francs.
Deuxième question : les budgets de France 2, France 3, la Sept-Arte et La Cinquième progresseront respectivement de 7,6 %, 5,3 %, 3,7 % et 3,1 % en 2000. Mais le chiffre d'affaires de leurs concurrents privés augmentera autant, sinon davantage - la moyenne actuelle est entre 6 % et 10 % - puisque, outre la croissance du marché publicitaire, ces chaînes profiteront de la limitation des espaces publicitaires sur les chaînes publiques.
Vous connaissez, madame la ministre, ma préoccupation - je l'ai souvent exprimée dans cet hémicycle - en matière de rééquilibrage des moyens au sein de notre paysage audiovisuel entre le secteur public et le secteur privé. Il semble que nous n'en prenons malheureusement pas encore le chemin. A titre d'exemple, en 1998, le chiffre d'affaires cumulé des trois chaînes hertziennes privées était de 19 milliards de francs, et celui des trois chaînes publiques de 12,6 milliards de francs.
Nous devrions, me semble-t-il, envisager de donner au secteur public un ballon d'oxygène en amenant progressivement la redevance à un niveau comparable à celui de nos principaux voisins. En Grande-Bretagne, elle atteindra 1 000 francs et, en Allemagne, 1 200 francs, contre 751 francs en France. Cela a une conséquence immédiate sur les budgets des chaînes publiques : par exemple, les ressources des télévisions allemandes publiques étaient, en 1996, de l'ordre du double de celles des télévisions françaises.
Troisième question : dans l'hypothèse où nous adopterions un plan d'ouverture du numérique hertzien en janvier prochain, avez-vous prévu, madame la ministre, de donner au secteur public les moyens de tenir sa place dans ce nouvel univers ?
Quatrième et dernière question : pourriez-vous nous donner quelques précisions sur le plan de passage aux 35 heures à France Télévision et sur les moyens financiers dégagés ?
Je vais clore ce chapitre de mon intervention par une note optimiste : je veux parler de nos exportations de programmes, en croissance de 35 % en 1998, et l'année 1999 ne devrait pas être décevante à cet égard. Avec les coproductions, elles ont représenté 1,8 milliard de francs, et ce sont désormais presque 20 % des ressources du secteur qui proviennent de l'exportation. C'est nouveau, et prometteur !
J'évoquerai tout à l'heure plus en détail les problèmes du budget de Radio France, dans le cadre d'un amendement que j'ai déposé avec le président du groupe socialiste du Sénat, M. Claude Estier.
Certes, les crédits de Radio France pour 2000 enregistrent une progression de 63 millions de francs par rapport à l'an dernier, soit une hausse de 2,2 %. Mais cette entreprise se trouve actuellement dans l'impossibilité de mettre en oeuvre la plan de développement pour lequel son président a été élu.
Je dirai maintenant quelques mots du budget de la presse, qui progresse de 3,2 %.
Dans notre société de plus en plus tournée vers l'image - qui, chacun le sait, cherche à susciter l'émotion - il nous paraît essentiel de continuer à défendre l'écrit, qui permet le recul nécessaire à l'analyse et à la réflexion.
Ce qui caractérise le projet de budget pour 2000 des aides à la presse, c'est un meilleur ciblage. Il s'agit d'abord de mieux soutenir la presse d'information générale, représentative des différentes sensibilités d'opinion dans notre pays. Il s'agit aussi de favoriser la modernisation des entreprises de presse, dont le savoir-faire constitue un potentiel formidable pour la France dans la société de l'information. L'accent est mis, en particulier, sur l'aide au portage et sur le développement des services multimédia.
Des problèmes subsistent dans le secteur de la distribution. Peut-être pourrez-vous nous dire ce que vous entendez faire pour rendre ce secteur plus concurrentiel et plus transparent.
Mais il n'est pas possible de parler des aides à la presse sans parler de la situation de l'Agence France-presse.
Je tiens à dire à quel point la crise traversée par cette entreprise est préoccupante. On pourrait la qualifier de vitale puisqu'il s'agit non seulement de son développement mais sans doute de son existence même. Nous sommes très attachés à cette agence, qui est maintenant la seule agence d'information dans notre pays et la seule grande agence mondiale non anglo-saxonne.
Certes, l'AFP est la troisième agence mondiale, mais son rayonnement est incomparable avec celui de l'agence Reuterr ou celui d'Associated Press.
De plus, elle joue un rôle irremplaçable aussi bien pour la presse française que pour la présence française et francophone dans le monde. Elle est présente dans 165 pays et elle communique en six langues, grâce à 2 000 salariés.
Aujourd'hui, l'AFP doit pouvoir s'adapter à la révolution du numérique ou elle disparaîtra. « Il n'y a pas de futur sans Internet pour un groupe comme le nôtre », disait avant-hier, dans une interview, l'un des dirigeants de Reuter. L'agence française a donc absolument besoin d'un plan de développement qui soit financé. Elle ne pourra le faire seule.
Son nouveau président, M. Eric Giuily, avait élaboré un plan qui nécessitait un investissement de 800 millions de francs. Ce plan impliquait un changement du statut de l'AFP et prévoyait le passage en société avec création d'un capital et ouverture de ce capital à des opérateurs publics et privés. Il a été violemment contesté par le personnel, et il a été retiré.
Le Gouvernement vient d'accepter de donner à l'AFP 90 millions de francs supplémentaires sur deux ans par un abandon de créances. Cela permettra peut-être d'amorcer le développement en 2000. Nous ne pourrons, bien entendu, en rester là.
Je tiens d'ores et déjà à préciser que, pour permettre à l'AFP de devenir une grande agence mondiale multimédia, il nous faudra mettre en oeuvre un vrai plan de développement, et non pas un plan fait avec des « bouts de ficelle ». Le rôle de l'AFP, qui remplit une véritable mission de service public, justifie une forte implication de l'Etat.
Si, néanmoins, l'obstacle de l'annualité budgétaire et l'importance des sommes en jeu nécessitent un changement de statut et le recours à des partenaires extérieurs, il me semble important que quatre conditions soient prises en compte.
Premièrement, la principale richesse de l'AFP, c'està-dire son personnel, doit être au coeur de ce plan.
Deuxièmement, le changement de statut devra être présenté, avant toute mise en oeuvre, au Parlement.
Troisièmement, on doit rechercher plutôt des partenaires publics, comme France Télécom ou la Caisse des dépôts, pour compléter un tour de table dans lequel les entreprises de presse privées garderont, bien entendu, leur place.
Quatrièmement, ce plan de développement doit être élaboré en concertation avec le personnel.
Je souhaite que, dans un avenir proche, nous puissions trouver des solutions. Les parlementaires socialistes sont prêts à y contribuer.
Je conclurai donc en appelant le Sénat à approuver l'augmentation du budget appréciable de l'audiovisuel public et des aides à la presse.
Quant au groupe socialiste, c'est avec enthousiasme, madame la ministre, qu'il votera ce budget. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Maman.
M. André Maman. Madame la ministre, votre budget est avant tout un budget d'anticipation de la future réforme du secteur public.
En progression de 4,8 %, il atteint 19,3 milliards de francs. Les ressources publiques, c'est-à-dire la redevance et les dotations budgétaires, augmentent de 11,7 % par rapport à 1999. De cette façon, vous allez théoriquement pouvoir compenser la baisse des ressources publicitaires imposée aux chaînes publiques à partir du 1er janvier prochain.
France Télévision est, cette année, la grande bénéficiaire de la manne publique : les ressources de France 2 augmentent de 7,6 %, celles de France 3 de 5,3 %. Les autres chaînes du secteur public voient leurs dotations augmenter dans des proportions légèrement inférieures.
Ce budget affiche donc des priorités claires : renforcer les moyens du service public et assurer les conditions de la réussite de la réforme.
Cela se traduit par une rupture dans la structure du financement de l'audiovisuel : en 2000, la part du financement public passera à 74 %, contre 69,4 % en 1999.
L'augmentation des crédits publics résulte, pour moitié, de la hausse du rendement de la redevance et, pour moitié, de l'augmentation des crédits budgétaires. Ces derniers passeront de 122 millions de francs en 1999 à 900 millions de francs, pour compenser les exonérations de redevance et les pertes de recettes publicitaires.
En réalité, si votre budget traduit vos engagements et vos promesses, il laisse cependant planer un certain nombre d'incertitudes.
Tout d'abord, le coût de la réforme de l'audiovisuel public n'est pas totalement cerné. Par ailleurs, rien n'apparaît sur le passage aux 35 heures à France Télévision. Rien n'apparaît non plus sur le projet numérique de la chaîne. Pourtant, ces questions auront un coût important et nécessiteront un financement public.
La récente grève dans l'audiovisuel public aura largement profité aux chaînes privées. En effet, les journaux d'information de TF1 ont enregistré des audiences records, avec près de 14 millions de téléspectateurs, contre 5 millions pour ceux de France 2.
Le budget pour 2000 ne permet pas aux entreprises publiques de l'audiovisuel de faire face à la mise en place des 35 heures.
Concernant le numérique hertzien, comment France Télévision pourra-t-elle relever un tel défi sans crédits ? Ce dossier essentiel sera au coeur du projet de loi que nous examinerons au mois de janvier.
Déjà, les marchés financiers anticipent cette révolution dont l'ampleur sera sans commune mesure avec celle de la bande FM dans les années quatre-vingts. Les trois chaînes privées ont vu leur cours en bourse exploser ces derniers jours.
La France est en retard par rapport à ses voisins européens : elle sera le dernier pays à se doter d'un cadre législatif nécessaire pour mettre en oeuvre le numérique terrestre.
Chacun sait cependant que ce mode de diffusion va entraîner d'importants bouleversements économiques, avec le renouvellement, à terme, de 36 millions de terminaux.
On peut également se demander quelles instances géreront le spectre des fréquences et l'attribution des autorisations.
Par ailleurs, comment sera financée cette révolution digitale ? Les sommes à engager sont considérables, comme l'ont indiqué les rapporteurs.
L'exemple britannique est intéressant, à ce titre. La BBC, qui diffuse déjà gratuitement et en numérique la quasi-totalité de ses productions sur ses différents réseaux, se fixe comme objectif de prendre la tête de cette révolution et d'étendre le taux de pénétration du nouveau système, qui est d'environ 10 % actuellement, jusqu'à 90 % ou 95 % de la population d'ici à six ans. Cela lui permettra de revendre aux sociétés de communication intéressées et à l'Etat l'espace analogique ainsi libéré pour la somme de 50 milliards à 60 milliards de francs. Il s'agit d'un montant astronomique dont il nous faut prendre conscience.
Pour relever ce défi, la BBC aura besoin de 2 milliards de francs supplémentaires à partir de l'an prochain, de 5 milliards de francs en 2003 et de 7,3 milliards de francs en 2006. Déjà, les groupes privés, au rang desquels on compte le groupe Murdoch, crient à la concurrence déloyale. Il appartient maintenant au gouvernement de Tony Blair de trancher et d'accorder ou non une rallonge budgétaire à la BBC, rallonge qui pourrait être financée par une redevance sur le numérique.
En France, la situation n'est pas aussi avancée et, aujourd'hui, nous n'avons que quelques certitudes sur vos intentions, madame la ministre.
D'abord, il semble acquis que l'offre sera gratuite. Ensuite, les ressources hertziennes du numérique terrestre ne devraient pas être attribuées par blocs aux opérateurs. Le CSA et le Gouvernement sont plutôt favorables à ce que ces derniers se regroupent par affinités dans des « mini-bouquets ».
Mais, comme l'a indiqué notre excellent rapporteur, M. Claude Belot, le pari numérique de France Télévision n'est pas financé.
De plus, l'explosion du nombre des chaînes engendrera une demande croissante de programmes. Afin d'éviter un déferlement des productions américaines, que nous redoutons tous à juste titre, il est indispensable de développer les aides en faveur des productions françaises et européennes. Les quotas, vous le savez bien, ne sont qu'une protection illusoire et temporaire.
L'exemple canadien démontre que la seule solution est de favoriser l'apparition d'une forte industrie de programmes audiovisuels adaptés aux standards internationaux. Nous en sommes encore loin.
Entre 1996 et 1998, la production de fictions françaises est passée de 700 heures à 550 heures. La fiction nationale ne représente en France que 47 % de la fiction diffusée aux heures de grande écoute, alors que la proportion est de 70 % en Allemagne et de 89 % en Grande-Bretagne.
Il est temps de mettre en oeuvre des mécanismes d'encouragement. Nous attendons, madame la ministre, que vous apportiez des précisions sur vos intentions.
Incontestablement, le dossier du numérique hertzien s'annonce comme l'élément central du prochain débat sur votre projet de loi. A cela viendra s'ajouter le problème de la fusion de La Cinquième et d'Arte, qui pourrait, en raison d'un différend avec l'Allemagne, ne plus faire partie de la future holding.
Enfin, j'évoquerai rapidement la situation de l'audiovisuel extérieur. Je dois dire qu'elle s'améliore très nettement, comme je peux le constater lors de mes nombreux déplacements à l'étranger.
Concernant Radio France internationale, il apparaît que les difficultés financières tiennent, pour une grande part, aux restrictions budgétaires qui lui ont été imposées ces dernières années. Cette année encore, les concours publics ont accusé une diminution. Pourtant, RFI est un vecteur important de la présence de la France dans le monde. Il est dommage de négliger cette radio.
En revanche, je me réjouis que la France ait consenti un effort à l'égard de TV 5. La chaîne pourra ainsi mettre en oeuvre son projet d'entreprise et mettre à niveau sa grille de programmes.
Nous savons tous que TV 5 a enregistré un échec aux Etats-Unis. Son président, M. Jean Stock, a même parlé de fiasco. Nous espérons qu'une solution pourra être trouvée. Il n'y a pas de raison qu'un grand pays comme les Etats-Unis ne soit pas couvert par TV 5.
L'ensemble de ces remarques montrent, madame la ministre, que ce budget comporte beaucoup d'incertitudes : incertitudes sur la pérennité des crédits consacrés à la réforme du secteur public, incertitudes sur le financement des 35 heures, incertitudes enfin, sur le financement du numérique hertzien.
Ce budget comporte aussi des carences, notamment en ce qui concerne les crédits alloués à Radio France.
Dans le domaine de la presse écrite, il néglige la nécessité de ventiler différemment les aides entre presse nationale et presse régionale, et il oublie, alors que c'est indispensable, d'apporter des aides aux nouveaux moyens de transmission.
En somme, ce budget n'est que l'instrument financier de la réforme de l'audiovisuel en cours d'examen par le Parlement, de cette réforme de circonstance qui ne prend pas en compte les mutations du paysage audiovisuel.
Pour toutes ces raisons, mes collègues de l'Union centriste et moi-même ne pourrons pas le voter.
M. le président. La parole est à M. de Broissia.
M. Louis de Broissia. Je suis très heureux de monter de nouveau à la tribune pour m'exprimer sur le budget de la communication audiovisuelle, cette fois au nom du groupe du Rassemblement pour la République.
A travers ce budget, madame la ministre, vous essayez de mettre en oeuvre une réforme dont notre assemblée aura à débattre dès la rentrée 2000.
Nous avons été heureux de vous recevoir récemment en commission des affaires culturelles. Nous savons désormais que nous aurons beaucoup à faire sur le texte voté par l'Assemblée nationale.
Le budget de la communication se caractérise par une forte progression des ressources publiques, qui permet de compenser la réduction des recettes publicitaires à la suite de la diminution de la durée de la publicité sur France Télévision, et ce grâce à la hausse du produit de la redevance.
Le secteur public de l'audiovisuel - je passerai rapidement sur les chiffres, car ils ont déjà été cités par mes collègues, quelle que soit la formation politique à laquelle ils appartiennent - connaît une augmentation différenciée.
Si les dotations du secteur public de l'audiovisuel, c'est-à-dire de France 2 et de France 3, de la Sept-Arte et de La Cinquième, connaissent une augmentation assez sensible, la dotation de Radio France ne progresse que de 2,2 %, celle de Radio France internationale est gelée, celle de l'INA est reconduite et celle de RFO augmente de 3 %. L'engagement de l'Etat est donc significatif dans l'audiovisuel public, mais plus encore dans le pôle de l'audiovisuel.
Cependant, et je ne suis pas le premier orateur à le souligner - c'est décidément une ritournelle ce soir, madame le ministre - ce que vous présentez comme un budget d'anticipation et de développement de la première phase de la réforme audiovisuelle m'apparaît davantage comme un budget de soutien et de rattrapage. Nous avons eu l'occasion de le souligner tous ensemble, non seulement les parlementaires, mais aussi les salariés du secteur public, qui se sont interrogés, voilà peu, en faisant une grève qui m'a d'autant plus étonné, madame le ministre, qu'elle n'a frappé personne puisque les téléspectateurs ont pu « zapper ».
Je rejoins tout à fait les conclusions assez alarmistes de M. le rapporteur spécial : on est en train d'installer en France un paysage audiovisuel où il est possible de se passer de la télévision publique, un paysage dont les bouleversements importants - vous le savez bien, mes collègues ont insisté sur ce point avant moi - avantagent aujourd'hui plus le secteur privé que le secteur public. Car, même si vous ne le souhaitez pas, la situation que nous observons est bien celle-là !
Se pose par conséquent - cela a d'ailleurs été relevé à quatre reprises avant moi - la question du décalage de ce budget face aux enjeux et aux changements qui attendent l'audiovisuel, en particulier le développement du numérique. Je me permets d'insister : pour l'audiovisuel public et pour l'audiovisuel français en général, les perspectives du numérique sont extraordinairement importantes.
Il faut, d'abord, développer une offre de chaînes répondant aux attentes et aux demandes des téléspectateurs, avec des programmes devenant du sur-mesure en quelque sorte. Je rejoins ce qu'a dit M. Maman tout à l'heure : le numérique est aujourd'hui une nécessité pour l'ensemble des médias, pour l'audiovisuel en particulier.
Il faut, ensuite, développer une télévision de proximité. Certes, j'enfonce des portes ouvertes en disant cela, mais, à l'heure de la communication mondiale, même si l'on ne parle pas à son voisin, on veut savoir ce qui se passe à sa porte !
Il faut, enfin, développer une télévision de services, c'est-à-dire une télévision interactive. Madame la ministre, votre budget ne permettra pas d'accéder à ce nouveau mode de diffusion.
Je n'insisterai pas sur l'exemple de Radio France, dont la situation est particulièrement délicate.
Les moyens financiers de votre budget seront peut-être corrigés par un amendement que nous proposeront M. Belot et Mme Pourtaud. En tout cas, il va de soi que nous serions heureux de vous entendre à ce sujet.
Le numérique a un coût, un coût énorme ; M. Maman l'a indiqué. Nous pensons très sérieusement que ce ne sont ni quelques amendements ni même un rapport d'étape réalisé par un conseiller d'Etat ou par un conseiller économique et social, aussi sympathique soit-il, qui permettront d'améliorer, au mois de janvier, un budget que nous aurions voté de façon précipitée.
D'autres sujets ont encore retenu l'attention du groupe du Rassemblement pour la République.
Nous nous interrogeons légitimement sur la situation de la Sept-Arte par rapport au holding France Télévision. Il est normal que la Haute Assemblée obtienne des réponses à ce sujet. Nous avons en effet appris par la presse que le projet de loi relatif à l'audiovisuel qui nous sera prochainement soumis et dont nous débattrons, si j'ai bien compris, la semaine prochaine en commission des affaires culturelles ne respecte pas le traité franco-allemand. Pensez-vous que nous puissions concilier cette intégration avec l'obligation de respecter la spécificité de ces chaînes ?
Enfin, rien n'est prévu pour le passage aux 35 heures ; l'audiovisuel public est inquiet. Ma question est simple : les répercussions de l'application de la diminution du temps de travail ont-elles été chiffrées pour chaque organisme du secteur de l'audiovisuel public ? Nous attendons, bien entendu, des réponses.
Les interrogations du groupe du Rassemblement pour la République sont importantes, madame le ministre. Voter votre budget reviendrait, par conséquent, à vous donner carte blanche, ce qui serait, à mon avis, une mauvaise habitude que nous prendrions. Les parlementaires de notre groupe voteront donc contre les crédits de la communication audiovisuelle.
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le secteur de la communication est un secteur extrêmement mouvant et qui connaît, depuis quelques années, de nombreuses mutations.
De l'ouverture de l'audiovisuel à la concurrence, déjà bien ancienne, à l'émergence des nouvelles technologies, qui ont multiplié de manière phénoménale les canaux et les réseaux de transmission, la frontière n'est plus si nette aujourd'hui entre communication audiovisuelle, télécommunication et informatique.
Dans ce contexte de profondes transformations ébauché très synthétiquement, nul ne niera que l'audiovisuel public se trouve investi de missions particulières, que le projet de loi sur l'audiovisuel réaffirme.
Quand on regarde le budget de l'audiovisuel public, on voit bien que l'augmentation de 4,8 %, soit 883 millions de francs, va dans le sens des orientations affirmées par le projet de loi sur l'audiovisuel que nous allons examiner très prochainement.
Cette hausse devrait permettre, comme nous le demandons, un rééquilibrage des ressources de nos chaînes publiques. La part des recettes publicitaires dans le budget des chaînes devrait être ramenée à 40 % pour France 2 et à 27 % pour France 3.
Nous nous félicitons également, madame la ministre, du respect des engagements pris en matière de remboursement des exonérations de redevance pour parvenir, à l'horizon 2001, à un remboursement intégral.
Cette progression des crédits de l'audiovisuel dans notre pays ne doit pas nous faire perdre de vue que la part que notre pays consacre à sa télévision reste bien inférieure à la part consacrée à ces mêmes missions par les pays voisins, la Grande-Bretagne et l'Allemagne notamment.
En outre, l'évolution du secteur et la multiplication de l'offre de programmes rendent plus que jamais nécessaire d'anticiper la réflexion sur une éventuelle réforme de notre redevance.
Au-delà des chiffres eux-mêmes, et sans vouloir ouvrir dès maintenant le débat de l'audiovisuel, je pense qu'il y a matière pour notre représentation nationale à participer plus activement à la définition des missions du service public de l'audiovisuel.
Nous ne pensons pas pour notre part, que les missions du CSA soient incompatibles avec une réflexion plus générale du Parlement sur les axes d'une politique nationale de l'audiovisuel.
Nous attendons beaucoup, madame la ministre, des contrats d'objectifs et de moyens, qui permettront, nous l'espérons, un recentrage des orientations des missions des chaînes publiques.
France 2 comme France 3 voient leur audience s'éroder. L'identité de France 2, à trop vouloir ressembler à ses concurrentes, se dilue ; le rôle de France 3 en région est à renforcer et à amplifier.
Des pans entiers des missions de service public ne sont pas satisfaits ; je pense notamment à la sous-représentation de la culture et de la création artistique sur nos chaînes publiques.
La place de la musique, la place du théâtre, celle du cinéma et de la critique cinématographique sont autant d'éléments à reconquérir par nos chaînes généralistes.
A la multiplication des canaux, il convient de répondre par une capacité renforcée de production audiovisuelle.
Certes, notre pays peut s'enorgueillir d'avoir su préserver une bonne part de sa production cinématographique ; on connaît le rôle déterminant de la puissance publique dans cette action, via les différentes modalités de soutien.
Mais la télévision publique ne doit-elle pas montrer l'exemple ?
L'offre de programme se développe aujourd'hui, encore qu'elle n'échappe pas à un certain « formatage », au détriment des droits les plus essentiels de ceux qui la réalisent. Je pense aux techniciens, artistes et créateurs de l'audiovisuel.
L'intermittence du spectacle est devenue un mode de gestion au sein de l'audiovisuel et, dans un contexte où la concurrence est féroce, les salariés en bout de chaîne sont ceux sur lesquels la pression s'exerce le plus fortement.
L'Etat se doit de respecter ses engagements et de tout mettre en oeuvre pour voir appliquer dans les meilleurs délais des garanties collectives pour les salariés de l'audiovisuel. Le quasi non-droit qui règne actuellement est inacceptable et, comme nous le savons, l'audiovisuel public ne montre pas l'exemple.
Le développement de l'industrie des programmes passe par des règles partagées et consenties par tous, des producteurs de programmes aux diffuseurs et aux salariés.
Les aides publiques pour la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail ne sont pas versées aux entreprises publiques. Il va sans dire qu'une telle façon de faire met en situation inégale les chaînes publiques et les chaînes concurrentes. Nous pensons qu'il y a lieu de revenir sur de telles dispositions, qui fragilisent le secteur public.
Aux côtés de la télévision, il y a un instrument dont le coût n'est pas comparable, mais qui a tout l'agrément de nos compatriotes ; je pense à la radio.
Le cadre budgétaire fixé par le projet de loi de finances pour 2000 permettra-t-il à Radio France de s'engager dans les chantiers de la modernisation que sont la numérisation de l'entreprise, le réseau des radios locales et le développement de l'Internet, quand les mesures nouvelles suffisent à peine à couvrir l'évolution des dépenses ordinaires, telles que l'augmentation des tarifs de l'AFP ?
Alors que la progression des ressources de l'audiovisuel a été de 124,8 % de 1986 à 1999, la progression des ressources de Radio France s'est située aux alentours de 52 %.
Le développement des radios locales du groupe, qui ne couvrent que 60 % du territoire, est en panne depuis dix ans.
Autant dire que les investissements et la recherche de nouveaux produits nécessaires au développement de Radio France pourraient prendre, cette année encore, du retard.
J'en viens à présent aux questions de la presse et, plus précisément, à celle qui est relative au devenir de l'AFP.
La mobilisation des personnels et la sagesse des uns et des autres auront permis de surseoir au plan proposé par la direction de l'agence. Pour autant, et j'ai longuement insisté sur cette question à l'occasion de chaque saisine de notre commission, on ne peut se satisfaire du statu quo.
L'enjeu de la modernisation de l'Agence France-Presse reste posé, comme reste posée la question d'un éventuel changement de statut de l'agence. Le Parlement doit pouvoir accomplir sa mission dans ce domaine.
Nous pensons, pour notre part, qu'il y va du devenir et de la place de l'entreprise et de ses salariés - salariés qui sont un atout et non un handicap - et, au-delà, de l'outil d'information incomparable que constitue l'AFP.
Peut-être pourrez-vous, madame la ministre, nous apporter quelques éclaircissements sur cette position.
Le budget de la communication réalise un effort important en matière d'aides à la presse. Ainsi, on va vers un doublement des aides à la presse à faibles ressources publicitaires. C'est une bonne chose, mais je ne peux cacher ma grande inquiétude pour l'avenir de la presse écrite dans notre pays.
Celle-ci est traversée, comme l'ensemble du secteur de la communication, par de profondes restructurations. Elu, vous le savez, de la région Nord - Pas-de-Calais, je citerai, vous le comprendrez, le cas du journal Nord-Eclair, menacé par des restructurations, et le rachat par le groupe Hersant de l'autre titre régional, La Voix du Nord.
Nous assistons à de vastes parties de Monopoly qui sacrifient l'emploi - 300 emplois sont menacés à Nord-Eclair - précarisant les journalistes et les salariés de la presse et menaçant les statuts. Mais elles conduisent aussi à un véritable appauvrissement démocratique, à la constitution d'une presse aseptisée, ce qui explique, en partie, la chute du lectorat.
Dans ce contexte de bras de fer entre géants de la communication, quelle place pour la presse d'opinion - si tant est que les journaux des grands groupes soient « sans opinion » ? Prévert disait déjà : « Quand la vérité n'est pas libre, la liberté n'est pas vraie. »
Aussi, je considère - comme vous, madame la ministre - que la presse écrite n'est pas une simple marchandise, qu'elle est constitutive de notre démocratie et de notre liberté.
Les mesures prises dans ce budget en matière d'aides à la presse vont dans le bon sens, je le disais. Mais cela est-il suffisant face aux enjeux financiers des restructurations, suffisant également face à l'enjeu de l'existence d'une presse libre et démocratique dans le pays ? On voit bien qu'il n'y a pas, derrière tout cela, qu'une question financière.
Le Nord - Pas-de-Calais, fort de 4 millions d'habitants, risque, demain, de ne plus compter qu'un seul quotidien régional d'information. Il y en avait quatre voilà encore quelques années. Cet appauvrissement démocratique ne justifie-t-il pas, madame la ministre, que soit engagée une vaste réflexion sur l'avenir de la presse écrite ? Comme le disait si bien Camus : « La liberté dans le désert n'est pas la liberté ! »
On peut déplorer que la taxe sur le hors-média n'abonde pas à la hauteur du marché publicitaire en plein développement le fonds de modernisation de la presse. Différents correctifs et un effort accru des services en charge de la collecte de ces fonds devraient permettre un meilleur abondement.
Nous savons pouvoir compter sur vous, madame la ministre, pour tenir vos engagements, et nous connaissons votre détermination à développer l'ensemble des services publics de la communication.
Pour autant, et cette opinion est de plus en plus largement partagée, y compris dans notre assemblée, l'audiovisuel appelle de nouvelles formes de financement et un financement renforcé. Il y a là, nous le pensons, un véritable enjeu de civilisation et de culture, et il nous faut faire vite.
Moins que dans la multiplication des chaînes et des services de l'audiovisuel, l'enjeu de développement se situe dans notre capacité à fournir des contenus : contenus nouveaux sur le terrain de l'information - on voit, dès lors, la position essentielle de l'Agence France-Presse -, contenus nouveaux également pour la création, l'Institut national de l'audiovisuel, la Société française de production ou France Télévision, pour ne citer qu'eux, devant tenir un rôle essentiel.
En outre, chacun sait que la création artistique, la création audiovisuelle, l'industrie des programmes sont génératrices d'emplois.
L'heure n'est plus au simple constat du déséquilibre entre les industries de programmes française et européenne et l'industrie d'outre-Atlantique.
Le formatage des oeuvres audiovisuelles, la mercantilisation des idées et de l'imaginaire : voilà les priorités des sociétés de marché, beaucoup plus que le pluralisme, nous le savons bien !
OEuvrer au développement d'une industrie de programmes, donner à l'audiovisuel public les moyens d'un rayonnement qui le place en situation privilégiée au sein du paysage audiovisuel est - mon ami Jack Ralite ne m'en voudra pas de le citer - « un besoin essentiel, un droit universel, le signe d'un rapport social entre une société et son imaginaire ».
Au lieu de quoi, le fonds européen de développement de la communication reste à un niveau ridiculement faible. Loin d'être pilotée par les pouvoirs publics, la télévision est soumise aux diktats des sociétés privées qui, par le jeu de l'audimat et de la loi du marché, imposent leur conception de la création et du pluralisme.
Je voudrais, avant de conclure, évoquer le développement de l'Internet dans notre pays.
Le développement de l'Internet se fonde, à l'origine, sur l'échange des savoirs et des connaissances. C'est un espace ouvert, libre, interactif, où chacun participe selon ses moyens à l'enrichissement du contenu du réseau.
Dans le même temps, l'Internet rend possible le commerce et son développement sous des formes nouvelles.
Nous pensons, pour notre part, que le commerce ne doit pas prendre le pas sur l'ouverture et l'interactivité de ce support. A cet égard, l'action des pouvoirs publics est déterminante pour établir des règles du jeu qui permettent à chacun une utilisation de ce réseau.
Si des efforts ont été réalisés pour rendre le coût des connexions plus abordable, nous savons que celui-ci reste un frein dans bien des cas.
Quelles sont aujourd'hui les possibilités de développement de cet outil, étant entendu que le ministère de la culture et de la communication a un rôle déterminant à jouer ?
Nous prenons acte, madame la ministre, de votre engagement en faveur de la communication et de l'audiovisuel. Vous avez, dans la limite des possibilités, donné des signes forts de votre volonté de promouvoir et de moderniser notre audiovisuel public, conformément aux engagements de M. le Premier ministre.
Peut-être me suis-je exprimé longuement sur la politique des contenus audiovisuels. Mais ces questions nous paraissent à ce point essentielles que nous souhaiterions les voir aborder très vite avec l'ensemble des acteurs politiques et économiques de notre pays.
Nous soutenons, madame la ministre, le projet de budget qui nous est soumis, en formant le voeu que vous-même et l'ensemble de notre majorité plurielle s'emparent du débat qui vient de s'ébaucher. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat. En nous présentant, madame le ministre, un budget de la communication audiovisuelle en progression de 4,8 %, soit 883 millions de francs d'augmentation des crédits, vous tenez les engagements que vous avez pris dans le cadre du projet de loi portant réforme de l'audiovisuel, adopté en première lecture par l'Assemblée nationale. Cela ne peut que me réjouir.
Mais, en analysant plus avant ce budget, ma satisfaction première est quelque peu amoindrie.
Vous me permettrez donc, madame le ministre, de vous faire part de mes regrets devant les lacunes de ce budget par rapport à l'essence même de votre projet de loi sur l'audiovisuel.
En effet, alors que vous nous annoncez depuis des mois une nécessaire prise en compte du numérique hertzien, à propos duquel nous attendons un rapport qui doit être remis de manière imminente, votre budget pour l'année 2000 n'aborde pas ce sujet. Les enjeux de la révolution numérique sont pourtant considérables, et le secteur audiovisuel public ne saurait les négliger !
Je disais dans ce même hémicycle, à l'occasion de la discussion des deux précédents budgets de la communication, d'une part, que j'avais pu mesurer l'importance du numérique hertzien, qui touche maintenant l'ensemble des secteurs de transmission, et, d'autre part, combien notre pays était en retard par rapport à ses voisins dans l'exploitation de ce mode de diffusion. Je citais alors le cas du Royaume-Uni, qui se lançait dans la télévision numérique hertzienne avec CTI, filiale de TDF, choisie par la BBC comme diffuseur !
Eh bien, ce retard continue de s'accroître, de mois en mois, de jour en jour, madame le ministre !
Et je ne parle pas du DAB, cette technologie française, également développée par TDF et décidément trop négligée par les pouvoirs publics !
Je vous rappelle que, là aussi, nous en sommes, dans notre pays, encore et toujours, au stade expérimental, en vertu de la loi Fillon de 1996, que j'ai d'ailleurs fait amender en avril dernier afin que les expérimentations puissent être poursuivies.
Quant au système de financement de l'audiovisuel public, je n'ai pas trouvé dans votre projet de budget les modifications importantes que nous aurions pu escompter.
Si je me réjouis de la diminution de la part des recettes publicitaires dans le financement des chaînes publiques et de la compensation que vous opérez par le remboursement de l'exonération, je ne saurais dire qu'elles constituent une révolution financière dans le secteur public de l'audiovisuel, d'autant que la réduction du temps de publicité y est, selon moi, insuffisante.
Certes, le remboursement des exonérations de redevance que vous annoncez est une bonne mesure. Vous savez cependant comme moi qu'elle est sujette aux aléas budgétaires. En la matière, seul le ministère du budget a un pouvoir de décision, et l'annualité budgétaire est un impératif qui s'impose à tous dans notre République.
Qu'avez-vous prévu, madame le ministre, pour que le système de rembourseement des redevances soit pérenne dans les années futures ? Comme vous le savez, et comme je le dis depuis des mois, voire des années, des modifications profondes doivent être décidées pour renforcer et pérenniser le financement propre du secteur public de l'audiovisuel.
Au-delà de la création d'un système pérenne de remboursement des exonérations de redevance, qu'il reste à imaginer et à mettre en place, il convient de prendre acte de la totale obsolescence du système actuel de la redevance.
Ma proposition, vous la connaissez, mais peut-être n'est-il pas totalement inutile que je la formule une nouvelle fois. Elles se fonde sur l'évolution technologique et consiste à simplifier l'assiette de la redevance en retenant comme fait générateur, non plus le binôme « poste de télévision » et « point de réception », mais simplement le « point de réception ». Celui-ci étant un point de communication potentiel - quel que soit le mode de communication - toute personne sera redevable de la redevance, que je propose d'ailleurs de dénommer : « redevance de communication ».
De plus, en vertu du principe : « pas de taxe sur une taxe », je propose que la redevance ne soit plus soumise à la taxe CNC et que soit augmenté, à due concurrence, le taux de cette taxation pour toutes les recettes publicitaires, qu'elles soient publiques ou privées, à l'exclusion des recettes provenant des abonnements, qui ne bénéficieront pas, elles, d'un transfert du fait de la diminution du temps de publicité sur les chaînes publiques.
Vous avez vous-même annoncé à plusieurs reprises, et encore tout récemment, que le système de la redevance devait être réformé. Prenez-vous l'engagement, madame le ministre, que cette réforme verra le jour dans le courant de l'année 2000 ? Sans doute aurons-nous l'occasion d'en débattre lors de la discussion de votre projet de loi sur l'audiovisuel, qui devrait intervenir dans les tout premiers jours de l'année 2000.
J'ajoute que l'avenir, à l'intérieur de l'Hexagone, de notre service public de l'audiovisuel - et même de l'audiovisuel français pris dans sa globalité - ne saurait être abordé hors du contexte de la compétition internationale.
Une étude du CSA a récemment montré que notre secteur public de l'audiovisuel était structurellement sous-financé et que notre redevance était très insuffisante par rapport à ce qu'on observe chez nos voisins. En 1998, par exemple, quand la redevance rapportait 10 milliards de francs en France, elle en rapportait 20 au Royaume-Uni et 30 en Allemagne. Depuis, l'écart s'est encore probablement creusé.
Nous devons notamment prendre en considération la faible santé de notre industrie de programmes. Ainsi, il est inquiétant que la production de fictions nationales connaisse, par rapport à nos concurrents, les mêmes proportions de déséquilibre que la redevance : en 1998, alors que la production de fictions était de 700 heures en France, elle était de 1 000 heures au Royaume-Uni et de 1 700 heures en Allemagne.
Quant à la radio, madame le ministre, elle continue d'être maltraitée, elle aussi. Savez-vous que, depuis dix ans, la part de Radio France dans le financement de l'audiovisuel public n'a cessé de décroître, laissant accréditer l'idée d'un désintérêt pour la radio publique, alors que la radio est le média le plus populaire en France, et de loin, comme à l'étranger d'ailleurs.
C'est pourquoi, dans la perspective de la nécessaire modernisation de Radio France, qui suppose, vous le savez, la numérisation de l'entreprise, le développement des radios locales et le développement d'Internet, je tiens à dire, d'ores et déjà, que je voterai l'excellent amendement déposé par M. le rapporteur spécial et tendant à répartir les excédents de redevance dégagés en 1998 en accordant 60 millions de francs de mesures nouvelles au bénéfice de Radio France.
Pour finir, madame le ministre, je rappellerai simplement que, à l'heure où la télévison privée connaît un essor très important en Europe, en particulier en France, par la diffusion satellitaire, il est primordial d'assurer la présence d' un secteur public de l'audiovisuel uni, fort et phare dans le paysage audiovisuel français, par le maintien d'un financement public affecté, qui est le meilleur garant de sa stabilité et de sa pérennité.
Aussi longtemps que le problème du financement ne sera pas réglé, nous pourrons tout craindre pour l'avenir du secteur public de l'audiovisuel.
Aujourd'hui, celui-ci demeure un vaste chantier : il doit s'adapter à un paysage concurrentiel en profonde mutation, tant en France qu'à l'échelle internationale. La France prend de plus en plus de retard, madame le ministre ! Nous devons le combler, et le combler vite !
Dans les toutes prochaines semaines, la discussion au Sénat de votre projet de loi sur l'audiovisuel nous donnera l'occasion d'essayer de définir clairement la place de l'audiovisuel public. C'est ce que j'attends depuis fort longtemps et j'espère aujourd'hui plus que jamais voir cette attente enfin satisfaite.
Je sais combien l'audiovisuel est un domaine complexe, madame le ministre, et je n'oublie pas que votre budget, en dépit des très nombreuses critiques qu'il suscite, est tout de même encourageant. C'est pourquoi, pour ma part, malgré ses insuffisances, je le voterai.
(M. Gérard Larcher remplace M. Paul Girod au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président

M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avant de répondre aux rapporteurs ainsi qu'aux différents intervenants, je voudrais d'abord exprimer ma reconnaissance à tous ceux qui ont pris le temps d'examiner ce budget, d'y apporter des commentaires, tantôt critiques, tantôt encourageants. Cela dit, dans l'ensemble, il m'est apparu que ce budget n'avait pas donné lieu à des jugements trop sévères.
Ce budget marque en effet plusieurs avancées dans la mise en oeuvre des orientations que le Gouvernement a tracées dans ce secteur essentiel pour notre vie démocratique que constituent la presse et l'audiovisuel.
D'une part, il va permettre de mieux soutenir le pluralisme de l'information écrite et la nécessaire modernisation de la diffusion des titres comme de l'outil de production des entreprises de presse.
D'autre part, il engage la réforme du financement du secteur public audiovisuel, en réduisant la dépendance des chaînes publiques de télévision à l'égard de la publicité, en clarifiant l'objet des crédits budgétaires affectés au financement du secteur public audiovisuel et en renforçant les moyens dont sont dotées la télévison et la radio publiques, en matière de programmes notamment.
Les aides directes à la presse continuent de bénéficier d'une priorité au sein du budget de l'Etat. Je remercie M. le rapporteur d'avoir souligné l'effort important de l'Etat en la matière et je partage sa préoccupation quant au devenir de la presse et à la baisse du lectorat.
Avec une progression de 3,2 %, contre 2,6 % en 1999, les aides directes à la presse augmentent plus sensiblement en 2000 que la norme d'évolution des dépenses de l'Etat.
Dans un contexte difficile pour certains titres, le Gouvernement entend favoriser le maintien d'une offre pluraliste en matière de presse d'information générale, tant au niveau local que sur un plan national, représentative des sensibilités d'opinion de notre pays. Il entend, en même temps, soutenir l'indispensable modernisation des entreprises de presse. Ce projet de budget pour 2000 concourt à ces deux objectifs.
Comme ceux des deux précédents exercices dont j'ai assuré la préparation, le présent budget prévoit une augmentation des aides directes aux quotidiens nationaux à faibles ressources publicitaires, aux quotidiens de province à faibles ressources en matière de petites annonces et à la presse hebdomadaire régionale.
En outre, il renforce le soutien accordé à la diffusion de la presse française à l'étranger.
Il n'omet pas d'accroître l'aide au développement du portage, qui, par la conquête de nouveaux lecteurs, constitue une dimension essentielle de la modernisation des entreprises de presse.
Il confirme, par ailleurs, l'inscription au budget général de l'Etat d'une dotation consacrée aux projets des entreprises de presse dans le domaine du multimédia.
L'évolution de la dotation correspondant aux abonnements de l'Etat à l'Agence France-Presse, en hausse de 1,2 %, permettra, quant à elle, de soutenir la réorganisation de l'agence et son adaptation à son nouveau contexte concurrentiel.
Le marché mondial de l'information est aujourd'hui bouleversé par le développement de l'offre multimédia. Forte de son savoir-faire et de son réseau mondial, l'AFP doit, afin de ne pas être distancée, engager une politique ambitieuse de modernisation et d'investissement.
C'est au regard de cet objectif que des partenariats, professionnels et financiers, apparaissent aujourd'hui nécessaires. Le Parlement débattra, le moment venu, des adaptations des statuts de l'agence que pourrait requérir la réalisation de cet objectif.
Mais il est indispensable que soit d'abord élaboré un plan de développement. Aujourd'hui, les conditions du développement de l'AFP me semblent réunies. Il s'agit d'une première étape. En effet, le Gouvernement a décidé de renoncer à une créance de 45 millions de francs correspondant à la moitié du principal d'un prêt participatif qui avait été accordé à l'AFP dans le passé. L'Assemblée nationale a adopté un amendement présenté à cet effet par le Gouvernement lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative de 1999. Bien entendu, l'autre moitié suivra.
Au-delà de l'augmentation de la dotation de 1,2 % liée aux abonnements de l'Etat à l'AFP, au travers de la proposition gouvernementale et de la décision du Parlement, l'Etat fait une avancée significative : un plan de développement pourra faire l'objet d'une concertation avec les personnels, avec les partenaires de l'agence, avec la presse, qui est représentée au conseil d'administration, et avec l'Etat. Nous exprimons là, en cette fin d'année 1999, un signe de confiance. Les décisions à venir ne pourront pas concerner uniquement les ressources de l'Etat.
L'AFP est, certes, une entreprise d'un type particulier, mais c'est une entreprise de droit privé. Elle exerce cependant des missions importantes de service public et nous devons impérativement lui garantir son indépendance, sa crédibilité et son envergure internationale.
Bien évidemment, ainsi que plusieurs intervenants l'ont dit à cette tribune, il n'est pas question, pour le Gouvernement, d'envisager des modifications en faisant l'impasse sur l'avis du Parlement. Je l'ai d'ailleurs indiqué en répondant à une question à l'Assemblée nationale. Il s'agit d'une cause nationale et nous devons le prendre en compte.
Je me réjouis que cette préoccupation ait été exprimée sur l'ensemble des travées. Pour l'heure, il convient que les grandes lignes directrices du plan de développement de l'AFP fassent l'objet d'une discussion. Nous verrons ensuite quelles conclusions il convient d'en tirer. S'il y a modification du statut, à ce moment-là, le débat devra nécessairement être porté devant le Parlement.
Au sein des aides directes à la presse, l'aide au transport par la SNCF continue de peser d'un poids particulier ; elle suscite aussi une insatisfaction croissante. Nous serons prochainement amenés à ouvrir une réflexion de fond sur l'évolution de ce dispositif, au-delà des adaptations des taux de prise en charge par l'Etat qu'impose, à court terme, la réalité des flux transportés.
La situation du fonds de modernisation de la presse a été évoquée par plusieurs orateurs à cette tribune. Le produit de la taxe sur la publicité affecté au fonds n'est, en effet, pas à la hauteur des espoirs qu'avait suscités sa création. Les causes de cette situation doivent être éclaircies. J'ai saisi en ce sens mon collègue Christian Sautter.
Toutefois, le niveau des recettes du fonds ne doit pas occulter d'autres constats qui, eux, sont positifs.
En premier lieu, le fonds a suscité un intérêt marqué de la part des entreprises de presse, et cela est très encourageant.
En second lieu, les subventions dont l'attribution m'a été proposée par le comité d'orientation du fonds, à l'issue de sa première séance, viennent d'être notifiées à leurs bénéficiaires. Sur l'ensemble de l'année 1999, le comité d'orientation du fonds aura proposé l'attribution de près de 300 millions de francs. Cela représente deux cent cinquante projets concernant aussi bien des quotidiens que des agences.
En dépit de moyens inférieurs à ceux qui étaient attendus, le fonds joue un rôle tout à fait significatif d'effet de levier pour la modernisation des entreprises de presse, et c'est là un acquis positif.
Néanmoins, ce fonds de modernisation de la presse doit conserver son rôle d'aide aux projets. Il n'est pas question qu'il soit transformé en une sorte d'aide proportionnelle banalisée. Il faut absolument que cet effet de levier soit continuellement affirmé et réaffirmé.
Par conséquent, je suis heureuse que nous ayons pu franchir cette première étape et que ce fonds ait été maintenu en l'état. J'espère qu'avec les mesures qui pourront être prises après examen des conditions de collecte des fonds nous aurons également la possibilité d'en augmenter l'enveloppe budgétaire.
J'en viens au budget du secteur public audiovisuel pour 2000. Le budget de la radio et de la télévision publiques pour 2000 que je soumets à votre approbation est un budget qui réaffirme la légitimité du service public et prévoir les moyens nécessaires au développement des missions de l'ensemble de ses composantes.
Je vous rappelle, mesdames, messieurs les sénateurs, que ma première tâche avait consisté, dans le cadre du budget de 1998, à réparer les conséquences d'une loi de finances de 1997, que j'avais qualifiée à l'époque, de « télécide » : abattement de près de 600 millions de francs des ressources publiques ; explosion de la durée de la publicité ; stagnation du budget de France 2 impliquant une réduction des moyens consacrés aux programmes ; coupes claires - moins 120 millions de francs - dans les budgets de programme de la Sept-Arte et de La Cinquième, ainsi vouées à pratiquer rediffusion sur rediffusion pour « meubler » l'antenne du cinquième canal.
On ne sort pas si vite, mesdames, messieurs les sénateurs, de telles difficultés. Toutes les chaînes ont été profondément touchées et fragilisées.
Il faut donc procéder par étapes, avec le plus d'ambition et le plus de moyens possible. Mais il faut également agir avec lucidité et exiger que ces entreprises fassent l'objet d'une gestion rigoureuse. En effet, si nous relevons ensemble que des moyens leur sont nécessaires, il nous faut aussi faire en sorte que ces moyens soient correctement employés. En tout cas, nous ne devons pas demander des moyens supplémentaires qui ne seraient pas réellement utiles, notamment à la modernisation et à la transformation de ces entreprises.
Le budget de 1999 comportait une première phase de développement, notamment pour France 3. Mais cette embellie budgétaire n'avait pas permis de remédier au constat d'un relatif sous-financement du secteur public audiovisuel de notre pays par rapport à ses principaux homologues européens.
En prévoyant une augmentation de 883 millions de francs, soit 4,8 %, du budget des entreprises audiovisuelles publiques, le projet de loi de finances pour 2000 traduit la volonté du Gouvernement de procurer au secteur public audiovisuel les moyens de se moderniser, d'améliorer la qualité de ses programmes et de s'adresser à l'ensemble de nos concitoyens. Par son ampleur, cette augmentation du budget du secteur public audiovisuel en 2000 marque une rupture par rapport aux tendances récentes. Cette rupture est particulièrement sensible pour France 2 et France 3, dont les budgets augmentent respectivement de 7,6 % et de 5,3 %.
France 2 est ainsi dotée des moyens nécessaires à l'exercice de sa mission de grande chaîne de référence du service public tournée vers un public diversifié. France 3, quant à elle, est confortée dans ses missions de chaîne généraliste et de télévision de proximité, segment où une concurrence accrue doit la conduire à se renforcer, à se renouveler et à montrer une plus grande capacité d'innovation.
En ce qui concerne les déficits enregistrés par France 2 et France 3 - je réponds là à M. Belot, rapporteur spécial, et à M. Hugot, rapporteur pour avis -, le collectif budgétaire de 1999 prévoit l'attribution d'un complément de redevance de 95 millions de francs, dont 35 millions de francs pour France 2 et 60 millions de francs pour France 3, au titre des moins-values de recettes publicitaires en 1999. Une incertitude demeure sur la réalisation des recettes publicitaires en fin d'année ; il est possible - nous l'espérons ! - qu'une amélioration se produise au cours du mois de décembre.
Pour une part, les déficits annoncés pour France 2 et France 3 correspondent à des dépassements de charges. Le Gouvernement n'estime pas souhaitable, par principe, d'accompagner le dépassement des budgets annuels par des ressources publiques supplémentaires : ce ne serait pas un comportement tout à fait responsable. En revanche, nous accompagnons ce dépassement, bien sûr, lorsque les difficultés constatées sont liées, je dirais objectivement à une situation problématique.
Les déficits de 1999 n'impliquent pas obligatoirement, je tiens à le dire, des déficits en 2000. Les moins-values de recettes publicitaires en 2000 ont fait l'objet d'une évaluation sérieuse et il est permis d'espérer que l'audience se redressera grâce à un effort d'innovation et à un renouvellement de la programmation.
J'espère, d'ailleurs, que la baisse du temps de publicité - la réduction des « tunnels » - aura un effet attractif et qu'elle favorisera le retour vers les chaînes publiques des téléspectateurs qui ont pu parfois être tentés de les quitter.
Je me refuse donc, à ce stade, à envisager un déficit de France 2 et de France 3 en 2000. En effet, on ne peut pas se contenter de dire que les recettes ne sont pas aussi importantes que ce qui était prévu. Il faut prendre le taureau par les cornes et raisonner en termes de programmes : c'est ce qu'attendent les uns et les autres ; cela a été dit à cette tribune, je n'y reviens pas.
Si France 2 et France 3 voient leurs budgets augmenter fortement, l'évolution du budget du secteur public audiovisuel pour 2000 tient compte du rôle tenu par les autres entreprises de notre paysage audiovisuel. C'est ainsi que les moyens de Radio France augmentent, dans le projet de loi de finances pour 2000, dans une proportion comparable à celle qu'avaient prévue les deux précédents budgets, dont j'ai assuré la préparation.
Le plan de numérisation de l'outil de production bénéficie d'une mesure nouvelle de 63 millions de francs, dans le projet de loi de finances pour 2000. Mais il faut y ajouter le détail de la loi de finances rectificative pour 1999, c'est-à-dire 15 millions de francs, ainsi que les concours supplémentaires de 40 millions de francs adoptés par l'Assemblée nationale, ce qui représente, au total, 55 millions de francs supplémentaires. En définitive, si cela était confirmé, le budget de Radio France connaîtrait une augmentation, en mesures nouvelles, de 118 millions de francs. Cela correspondrait à l'objectif de progression qui a été inscrit dans l'un des amendements soumis à votre approbation. En tout état de cause, en ce qui concerne Radio France, les moyens supplémentaires seront largement suffisants pour la prise en compte des stations locales.
Radio France ne connaît pas une augmentation du coût de ses programmes, comme c'est le cas pour la télévision, s'agissant du sport. L'effort accompli en sa faveur est donc significatif.
En entendant certains pronostics, on a l'impression que nous sommes dans une situation désastreuse en ce qui concerne la numérisation. Or, tel n'est pas le cas. L'équipement numérique est déjà fourni en partie. Les télévisions sont notamment dotées de caméras numériques. Comme je le disais lors du débat précédent sur le budget de la culture, nous avons également engagé la numérisation des archives. Par conséquent, nous avons une démarche très volontariste, dont il convient de mesurer l'ampleur au moment où l'on parle du passage au numérique hertzien.
Nous aurons bientôt l'occasion d'assister à l'inauguration d'un nouveau studio numérique à Radio France. On ne peut pas dire que nous soyons vraiment distancés par nos concurrents européens ; une réflexion a été menée à cet égard. Simplement - et je souhaite que nous continuions d'agir ainsi - nous passons le cap lorsque nous sommes prêts ! Nous cherchons à faire en sorte que les moyens attribués dans ce domaine soient le plus efficace possible.
Le budget de Radio France internationale, RFI, augmentera de 2,8 % en 2000 par rapport aux moyens dont a effectivement été dotée la radio internationale cette année. De nouveaux développements pourront ainsi être engagés afin de renforcer la présence de la France à l'étranger, par une diffusion élargie de ses programmes.
Au-delà de ce projet de loi de finances pour 2000, l'extension du réseau en modulation de fréquence des programmes de RFI, dont la qualité est reconnue, dans de grandes ville européennes et mondiales, devra être poursuivie. A cet égard, là aussi, vos collègues députés ont souhaité qu'un effort supplémentaire soit consenti dans le cadre de la loi de finances rectificative de fin d'année.
Les ressources publiques consacrées à RFO enregistrent, elles aussi, une augmentation importante, destinée à permettre un indispensable retour à l'équilibre d'exploitation, fortement malmené depuis deux ans.
J'espère que nous y parviendrons prochainement en conjuguant rigueur dans la gestion interne de RFO et maintien d'une offre radiophonique et télévisuelle publique diversifiée dans l'ensemble des départements et territoires d'outre-mer.
En attribuant, dans la discussion du projet de loi de finances rectificative de fin d'année 1999, un complément de redevance de 10 millions de francs, l'Assemblée nationale a marqué l'attention qu'elle porte au rétablissement financier de RFO. C'est un appui financier supplémentaire.
Je voudrais souligner, par ailleurs, la bonne progression du budget de La Cinquième et d'Arte.
La Cinquième et le groupement européen d'intérêt économique Arte sont ainsi confortés dans l'exercice de leurs missions de chaîne éducative, d'une part, et de chaîne culturelle franco-allemande à ouverture européenne, d'autre part.
Sans exclure toute innovation, il importe que la nature de la programmation de La Cinquième et d'Arte demeure conforme à celle de leurs missions. Je veux dire ici mon attachement au respect de ces missions et à leur pérennité.
Pour ce qui est d'Arte par rapport au projet de la loi sur l'audiovisuel, j'ai proposé au président d'Arte de constituer un groupe de travail afin d'examiner les questions qui ont été posées par nos partenaires allemands. Cependant, je tiens d'ores et déjà à rappeler que, d'une part, le projet de loi de réforme de l'audiovisuel public a été soumis au Conseil d'Etat et que, d'autre part, le Sénat, en adoptant le texte déposé par mon prédécesseur, avait déjà voté la fusion de La Cinquième et d'Arte. S'il y avait eu une contradiction aussi nette avec le traité, cela aurait suscité des questions depuis longtemps.
Certes, nous pouvons répondre de façon plus claire encore aux préoccupations de nos interlocuteurs ; néanmoins, nous devons assurer non seulement le respect du traité mais aussi l'évolution de notre audiovisuel public, ainsi que la pérennité des moyens de La Cinquième et d'Arte, et ce dans les mêmes proportions, aux termes du traité, proportions sur lesquelles le Gouvernement et le Parlement s'engagent.
A partir de là, les questions ne devraient pas être posées dans des termes qui empêchent le projet de loi de garder en quelque sorte son intégrité pour ce qui est de la construction du groupe de télévision publique.
Dans le projet de loi de finances pour 2000, la stabilité du budget de l'Institut national de l'audiovisuel recouvre d'importants redéploiements internes tournés vers la modernisation de ses conditions d'activité. C'est ainsi qu'il est prévu d'accroître la part du budget consacrée à la numérisation de la chaîne d'exploitation des archives. Situé au coeur des missions patrimoniales de l'INA, le plan de sauvegarde et de restauration des archives est donc pris en compte.
Les députés ont souhaité voter des moyens supplémentaires, mais certains ici se plaignent de ce que le budget de l'INA soit constant. A quoi je réponds que l'on ne peut pas en même temps vouloir faire preuve de rigueur dans la gestion et satisfaire à toutes les demandes de mesures nouvelles, qu'au demeurant l'entreprise ne formule même pas !
Je tiens d'ailleurs à saluer les dirigeants de ces entreprises, qui font eux-mêmes, avec leurs équipes de direction et leurs personnels, des efforts de gestion. Si l'on obtient des résultats, mesdames, messieurs les sénateurs, il faut s'en féliciter. Ce qui sera apporté en plus sera bel et bon. Mais il n'y avait pas de volonté de priver l'INA de ses moyens de fonctionnement, puisque nous nous en sommes tenus strictement à ce qui avait été proposé par l'entreprise elle-même.
Budget de développement du service public, le budget 2000 est également, et de manière indissociable, le premier budget de mise en oeuvre de la réforme audiovisuelle. Je vous présenterai prochainement le texte qui la sous-tend.
Le projet de loi de finances pour 2000 pose les premières fondations de cette réforme. Il engage ainsi une réduction importante de la durée de la publicité sur les antennes de France 2 et France 3, renforce les moyens du service public dans son ensemble et assure un indispensable rééquilibrage de sa structure de financement dans un sens plus conforme à des missions de service public réaffirmées.
Redevance et crédits budgétaires destinés à rembourser les exonérations de redevance confondus, la progression des ressources publiques s'élève à 1,5 milliard de francs dans le projet de loi de finances pour 2000 et à 1,6 milliard de francs une fois prises en compte les attributions complémentaires de redevance prévues par le projet de loi de finances rectificative pour 1999.
Plusieurs questions ont été posées à propos des exonérations de redevance. Quelles assurances aurons-nous, à terme, du remboursement total des exonérations de redevance ? Je crois que, tant qu'il s'agira de notre gouvernement, les choses seront claires ; nous montrons déjà par ce budget 2000 que nous respectons notre parole, et je remercie ceux qui ont bien voulu le souligner. Bien sûr, le budget de l'audiovisuel public reste soumis au principe de l'annualité budgétaire. Cependant, j'ai proposé d'inscrire dans la loi le principe du remboursement intégral des exonérations de redevance. Cette disposition a été votée lors de la discussion en première lecture à l'Assemblée nationale. J'espère que la Haute Assemblée la votera également, car c'est en effet, en quelque sorte, un gage de pérennité.
Ces exonérations de redevance seront, je le rappelle, versées au compte d'emploi de la redevance, ce qui, d'une part, les garantira contre les régulations en cours d'année et, d'autre part, évidemment, les intègre dans l'assiette de la taxe pour le compte de soutien à la production.
Les exonérations de redevance ne seront donc pas moins assurées que la redevance elle-même, également votée chaque année en loi de finances. Ce qu'une loi aura permis ne pourra être remis en cause que par une loi, sauf décisions qui contreviendraient à la volonté du Parlement.
Certains ont évoqué la perspective ou la nécessité d'une augmentation de la redevance.
Il est absolument indispensable de conserver une ressource qui permet de financer dans de bonnes conditions la radiodiffusion publique. En France, en effet, la redevance est moins élevée qu'elle ne l'est chez nos voisins, mais je n'ai pas souhaité proposer une augmentation supérieure au taux d'inflation parce que je souhaite procéder en deux temps.
Dans un premier temps, il s'agit de diminuer la publicité et d'obtenir la compensation des exonérations, afin de permettre aux téléspectateurs de bénéficier de programmes de meilleure qualité, dégagés de la contrainte de rentabilité commerciale. Dans un deuxième temps, la compensation complète des exonérations de redevance permettra de financer les programmes.
Les ressources supplémentaires s'élèvent à un milliard de francs au total pour l'ensemble des chaînes et de leurs activités, ce qui est beaucoup, puisque, de toute façon, la diminution de la publicité sur les deux années 2000 et 2001 est intégralement compensée. Nous verrons alors comment peut évoluer la redevance.
En tout état de cause, le Gouvernement souhaitera examiner l'ensemble des prélèvements et leur impact sur les redevables français, en particulier sur les familles, au regard de critères non seulement sociaux mais aussi économiques.
Pour l'heure, je me réjouis que les conditions de la perception, singulièrement la forte motivation des services de collecte de la redevance mais aussi le croisement des données, nous permettent une évolution très positive des ressources publiques.
Avant même que le projet de loi ne soit débattu par votre assemblée, nous avons voulu montrer qu'il reposait déjà sur un socle financier, gage d'une volonté d'assurer tout à la fois la stabilité, la solidité, la pérennité de l'audiovisuel public et son retour à une identité forte tout en intégrant le passage au numérique hertzien.
Mais le secteur public a-t-il les moyens de passer au numérique hertzien ? Comme vous, je pense que nous ne devons pas prendre de retard en la matière. Nous devons répondre à un certain nombre de questions de nature juridique et technologique, notamment en ce qui concerne les modalités de répartition des fréquences.
Nous avons rédigé un Livre blanc. Les réponses qu'il a suscitées sont examinées par un groupe de travail présidé par M. Hadas-Lebel, qui remettra son rapport au début du mois de janvier. Ce document viendra alimenter la réflexion que j'ai déjà engagée aussi bien avec les entreprises privées et publiques qu'avec les différents services des ministères concernés. Nous tenterons de répondre du mieux possible au regard tant du cadre communautaire que de l'enjeu économique, car nous souhaitons être assurés de la capacité des entreprises à faire l'effort d'investissement pour passer au numérique terrestre. Nous le ferons dans des délais attractifs pour l'ensemble des téléspectateurs concernés.
Si je regarde comment les choses se passent à l'échelon européen, je ne suis pas du tout pessimiste, et je pense que nous aurions tort de soutenir que nous sommes en retard. Simplement, nous avons une autre méthode. Contrairement à d'autres, en effet, nous n'avons pas avancé par étapes successives ; nous avons fait le choix d'une démarche beaucoup plus large, peut-être beaucoup plus significative.
Forts de ce principe de prudence et de l'analyse de l'ensemble de ces conditions de réussite, nous pourrons, je l'espère, faire un grand bond en avant.
J'ajouterai quelques mots concernant le développement d'Internet, qui a été évoqué par M. Renar.
Le large développement d'Internet appelle un régime de large liberté qui doit cependant assurer la sécurité nécessaire à tous, c'est-à-dire aussi bien la sécurité des transactions que le respect de la propriété littéraire et la protection des droits de la personne. Les principes fondateurs du droit d'auteur et du droit de la presse conservent toute leur validité.
Le Gouvernement a soutenu l'amendement déposé par M. Patrick Bloche lors de la première lecture à l'Assemblée nationale du projet de loi portant réforme de l'audiovisuel public, amendement prévoyant la suppression du régime déclaratif pour les services Internet. Une simple identification des éditeurs paraît, en effet, suffisante en ce domaine. Cet amendement précise également les conditions de responsabilité des intermédiaires techniques. Le Sénat aura l'occasion de débattre dans quelques jours de ces dispositions.
Au-delà de ces aspects juridiques, le ministère de la culture et de la communication se préoccupe, bien entendu, du développement des contenus en ligne. Le développement des services sur Internet et des chaînes publiques comme la numérisation des grands fonds culturels et patrimoniaux - musées et bibliothèques - font partie, vous le savez, de mes priorités.
S'agissant du financement des 35 heures, Mme Pourtaud a souhaité savoir sur quels crédits ce plan serait financé.
Le Gouvernement a veillé, dans le dialogue avec les présidents qui a conduit à la détermination des mandats, à tenir compte des capacités financières de chaque entreprise. Au cas par cas, en fonction des besoins de chacune, des financements publics complémentaires ont été prévus. C'est bien évidemment le cas pour France Télévision.
Je peux ainsi rassurer tous ceux qui se préoccupent de cette question. Les chaînes publiques ne seront pas pénalisées par rapport aux entreprises privées. Bien au contraire, le passage aux 35 heures, en permettant aux salariés de bénéficier de plus de temps libre tout en offrant aux sociétés une meilleure capacité d'organiser efficacement le travail, renforcera les entreprises audiovisuelles publiques et leur permettra d'offrir un meilleur service aux auditeurs et aux téléspectateurs. C'est ce qu'ils attendent, c'est ce qu'on leur doit si nous voulons qu'ils soient fidèles. Cela fait partie de l'ensemble des questions qui sont aujourd'hui posées. Le budget du secteur public audiovisuel est un budget d'expansion. Le budget pour 2000 fait donc un sort à la crainte d'une paupérisation, terme qui a été évoqué à propos de la réduction ou du risque de réduction de la publicité. Je crois que le choix politique fort est perceptible dans ce budget 2000. Les engagements sont respectés.
Mesdames, messieurs les sénateurs, avec le remboursement intégral des exonérations, j'attends, bien sûr, au moment de l'élaboration et de la discussion des contrats d'objectifs et de moyens, de voir aussi, en regard des efforts financiers apportés, une ambition exprimée dans l'ensemble des entreprises publiques, car c'est aussi leurs dirigeants, leurs personnels qui portent le devenir de ces entreprises. Le cadre législatif et les moyens financiers doivent motiver dirigeants et personnels pour relever ce défi qui leur est lancé.
Ainsi, je partage le souci de développer une création audiovisuelle et cinématographique de qualité. Nous en avons en effet besoin, et plusieurs d'entre vous, notamment M. Belot, ont évoqué ce point. Ce sont les contenus qui sont attendus dès lors qu'il y a multiplication de canaux et de possibilités. Nous prenons déjà en compte dans ce budget ce besoin de production audiovisuelle nouveau.
En ce qui concerne les développements et l'effet sur la création, comme le développement à travers le numérique hertzien, je ne prolongerai pas mes réponses puisque nous aurons l'occasion d'en débattre très prochainement.
En conclusion, j'ai eu le sentiment de ne pas présenter ce budget et de le défendre dans les mêmes conditions que je l'ai présenté et défendu lors des exercices précédents. Précédemment, j'ai eu le sentiment de devoir rattraper, et largement. Je sais que ce rattrapage n'est pas encore complètement acquis. Cependant le présent budget est une étape fondamentale dans la réaffirmation des fondements de la légitimité du service public - je tenais à le faire et je le dis ici - au moment où pouvait être remise en question l'exception culturelle dans les négociations internationales.
Si j'ai pu obtenir du Premier ministre des moyens aussi importants, c'est, bien sûr, pour pouvoir traduire l'ambition dont je parlais. Mais s'ils vous sont présentés avec ce niveau et cette répartition, c'est bien aussi parce qu'il y a un message politique extrêmement fort. Celui-ci ne peut passer que si des résultats sont obtenus en ce qui concerne les programmes et l'audience. Ce sera le rendez-vous de cette année, lorsque les téléspectateurs verront, je l'espère, une nouvelle couleur à la télévision de service public et entendront ce que Radio France a toujours défendu, à savoir la différence.
Cela ne signifie pas que nous n'ayons pas, dans l'ensemble de notre pays, de quoi être fiers de la qualité de ce qui est proposé aux auditeurs et aux téléspectateurs. Nous devons simplement continuer de garantir - cela a été dit à cette tribune avant moi - la qualité des productions audiovisuelles à la radio et à la télévision si nous voulons réussir le passage au numérique de terre et en même temps être de fieffés concurrents face à tous ceux qui tentent de pénétrer que ce soit par les ondes, par les « tuyaux », par les oreilles ou par les yeux de nos téléspectateurs ou auditeurs. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - MM. Michel Pelchat et André Maman applaudissent également.)
M. le président. Nous allons maintenant examiner les articles 55 et 55 bis et les lignes 39 et 40 de l'Etat E annexé à l'article 51.

Article 55