Séance du 11 décembre 1999







M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant la culture.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de budget du ministère de la culture pour 2000 paraît, à première vue, flatteur.
En termes de dépenses ordinaires et de crédits de paiement afférents aux autorisations de programme, il croît en effet deux fois plus vite que celui de l'Etat, soit de 2,09 %, contre 0,9 %.
Avec 329 millions de francs supplémentaires, il atteint 16,039 milliards de francs : nous voilà donc tout près, avec 0,98 % du budget de l'Etat, contre 0,95 % en 1998 et 0,97 % en 1999, de ce mythique « 1 % de la culture ».
Français, encore un effort, si vous voulez être républicains,... donc cultivés, pourrait-on dire en prolongeant la formule célèbre d'un écrivain maudit passé de l'enfer de la Bibliothèque nationale au paradis de celle de la Pléiade. (Sourires.)
Les autorisations de programme, en peu d'années, augmentent, pour leur part, de 4,64 % pour atteindre 3,702 milliards de francs. Cette évolution correspond à un léger tassement des crédits de paiement, qui diminuent de 0,08 % pour s'établir à 3,556 milliards de francs dans le projet de loi de finances pour 2000, contre 3,559 milliards de francs l'an dernier.
Notons aussi la volatilité des autorisations de programme : elles ont augmenté de 20 % en 1998, diminué de 4,91 % en 1999 et elles progresseront de nouveau de 4,64 % en 2000. Mais ne chipotons pas. La majorité sénatoriale n'a pas la religion de la dépense budgétaire.
Elle a cru néanmoins pouvoir se réjouir, s'agissant de la culture, qui ne saurait la laisser indifférente, du fait que la marche en avant ait repris et que, en 1999, ce budget n'ait pas eu à subir, en cours d'année, de régulation, contrairement à ce qui s'était passé en 1997 et en 1998.
Hélas ! au moment même où j'écrivais ces lignes, j'ai eu la surprise, madame la ministre, de découvrir que l'arrêté annexé au projet de loi de finances rectificative annule pratiquement 70 millions de francs de crédits.
Certes, les ouvertures nettes s'élèvent à près de 323 millions de francs, mais elles correspondent aux dépenses relatives à la célébration de l'an 2000 - qui sont, par nature, interministérielles - et à la rénovation, qui était urgente, des bibliothèques municipales.
Pour autant fallait-il gager ces dépenses à raison d'annulations de crédits de 21 millions de francs sur le chapitre 43-92 relatif aux achats d'oeuvres d'art et de 48,43 millions de francs sur le chapitre 56-20 concernant le patrimoine monumental ?
J'aimerais, madame la ministre, que vous puissiez justifier ces annulations, qui portent sur des secteurs sensibles auxquels le Sénat attache une importance toute particulière.
Les priorités affichées n'appellent pas non plus de critiques de principe, même si le patrimoine, qui avait été bien traité en 1998 et en 1999, n'apparaît pas au premier plan.
Ces priorités sont au nombre de trois.
La première va aux dépenses d'intervention du titre IV, qui bénéficient de 172 millions de francs sur les 369 millions de francs supplémentaires prévus, avec deux mesures phares : la poursuite de l'effort en faveur du spectacle vivant - les 80 millions de francs de cette année s'ajoutent aux 110 millions de francs de mesures nouvelles qui marquent le budget de 1999 - et la démocratisation culturelle, avec notamment l'extension de la gratuité d'accès pour les jeunes dans les monuments historiques et sa généralisation le premier dimanche de chaque mois dans tous les musées.
La deuxième priorité, qui ne peut que recueillir l'approbation de la Haute Assemblée, porte sur le rééquilibrage entre Paris et les régions. Les subventions à la réalisation d'équipements culturels locaux passent ainsi, en autorisations de programme, de 379 millions de francs à 490 millions de francs. Ce budget prévoit donc, pour les équipements culturels en régions, 540 millions de francs, soit un montant du même ordre de grandeur que celui qui est prévu pour Paris, à savoir 563 millions de francs. Cette évolution est favorisée, comme nous allons le voir, par l'achèvement des grands chantiers de l'ère post-mitterrandienne.
La troisième priorité concerne les créations d'emplois, qui sont, cette année, au nombre de deux cent quatre-vingt-quinze, contre deux en 1999 et vingt-sept en 1998. Sur ce total, deux cent soixante-trois sont consacrées à la résorption de ces fameux emplois précaires qui ont été à l'origine des grèves dans les monuments historiques et les musées l'été dernier, au grand dam des touristes et des finances de la RMN, la Réunion des musées nationaux, qui a perdu 16 millions de francs, dont la moitié pour le seul Louvre. Il est aussi prévu deux cent six postes pour la surveillance dans les musées et à la Bibliothèque nationale de France.
Tout va-t-il désormais pour le mieux dans le meilleur des mondes culturels ? Le budget du ministère de la culture permettra-t-il, à l'avenir, de faire face aux charges nées des grandes opérations lancées dans les années quatre-vingt ou quatre-vingt-dix et de continuer à aider la création vivante ? Ce serait évidemment miraculeux.
Aussi accepterez-vous sans doute, madame la ministre, que je formule maintenant quelques observations critiques, ou dubitatives, qui font partie de la mission d'un rapporteur spécial.
Dans cet exposé introductif, je me contenterai de traiter trois points, chacun d'eux étant relatif à l'une de vos trois priorités. Ceux de nos collègues qui auront eu la curiosité de parcourir le rapport écrit en auront trouvé quelques autres qui ne sont pas moins dignes d'intérêt et qui feront l'objet d'investigations approfondies l'année prochaine ou la suivante.
J'attendrai de même les débats sur les textes à venir sur les fouilles archéologiques ou la protection des trésors nationaux, depuis longtemps annoncés et dont nous réclamons impatiemment le dépôt, pour vous faire part des observations de la commission des finances si, comme je l'espère, celle-ci se saisit pour avis.
En ce débat budgétaire, je me contenterai donc de formuler trois observations.
Ma première observation a trait à la priorité donnée aux spectacles vivants, donc aux subventions correspondantes. Il faudrait, à mon sens, mettre en place des outils plus performants de suivi de la dépense, sans quoi, on risque de tomber dans un travers bien connu, c'est-à-dire la persistance d'une prospère clientèle d'abonnés aux subventions publiques, semblables à ces colonies de procaryotes qui prolifèrent auprès des sources de chaleur, au fond des mers.
On attend toujours le décret harmonisant la présentation des comptes des théâtres nationaux et créant des conseils d'administration délibérants. On souhaiterait des tableaux de bord homogènes pour suivre l'exécution budgétaire. Certes, des progrès ont été accomplis, et votre direction unifiée de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles s'y emploie. Néanmoins, dans les grands établissements culturels, dont les dépenses de fonctionnement, je le rappelle, s'échelonnent de 90 millions de francs pour le Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris à 871 millions de francs pour l'Opéra, on tarde encore à mettre en place une comptabilité analytique digne de ce nom.
La déconcentration des crédits est souhaitable, et elle s'accélère. En 1999, elle a porté sur près de 45 % de la dépense, hors charges en personnel, dotations décentralisées et dotations des établissements publics, contre 30 % en 1997. Encore faudrait-il pouvoir suivre l'utilisation de ces crédits, et la refonte de vos logiciels « Ensemble » en régions et « SIAD » à l'administration centrale en un nouvel outil appelé « Quadrille » ne sera pas terminée en 2000.
Ma deuxième observation concerne le processus de résorption de l'emploi précaire, qui porte sur 450 agents cette année. D'ici à cinq ans, c'est la situation de 2 000 salariés qui devra être régularisée. Gigantesque effort, pour un ministère grand par la pensée, modeste par les moyens ! Mais c'est ce décalage entre celle-là et ceux-ci qui crée une menace perpétuelle de débordements. Est-on sûr que l'on ne recrutera pas subrepticement, pour répondre à l'urgence, par commodité décentralisée, de nouveaux vacataires ? Votre directeur de l'administration générale, dont je ne mets pas en doute la compétence et l'obstination, affirme s'y employer. Sera-t-il suivi ? Il y a encore trop d'emplois précaires dans vos services et dans vos établissements, ce qui nuit au moral des personnels, comme j'ai pu le constater lors de la récente réunion du conseil d'orientation du Centre Georges-Pompidou - très habilement présidé par notre collègue M. Vidal - dont je salue au passage la magnifique rénovation en voie d'achèvement.
Au-delà même des problèmes statutaires, c'est le décalage entre les ambitions monumentales et la pauvreté fonctionnelle qui est la plaie de votre ministère. Certes, ces ambitions ne sont pas le fait du seul ministre de la culture, chacun le sait. Mais à quoi bon multiplier les opérations de prestige si l'intendance ne suit pas ? Le Grand Louvre est redevenu le premier musée du monde, dont la splendeur fait honneur à la France. Hélas ! faute de gardiens, il faut fermer des salles par rotation, ce qui n'empêche pas les vols, et vous en serez réduite, par manque de caisses ou de moyens d'accès, à créer six emplois d'animateur ou animatrice de files d'attente en l'an 2000. Surréaliste et charmante dénomination !
J'en viens à ma troisième observation, qui confirme sur le plan des investissements ce qui vient d'être dit sur le plan du fonctionnement.
Le rééquilibrage entre Paris et la province, qui nous réjouit, est dû pour une grande part, l'enveloppe des grands équipements étant constante, à l'achèvement des opérations parisiennes - musée Guimet, théâtre de l'Odéon, Centre Georges-Pompidou, Grand Louvre - mais aussi à des retards de programmation, voire à des bavures, comme celle du Grand Palais. La baisse des crédits affectés à cette opération casse-tête, qui vise sans doute à se donner le temps de la réflexion, a permis de donner une impulsion à certains projets régionaux. La dimension de ceux-ci est au surplus modeste, sauf dans le cas du Cargo de Grenoble et du centre fantôme de la mémoire contemporaine à Reims. Au fait, madame la ministre, ce fantôme rémois s'évanouira-t-il définitivement ?
A tant faire, vous auriez pu profiter de l'occasion pour vous montrer plus généreuse pour le patrimoine rural non protégé, dont les crédits restent fixés à 35 millions de francs, ou pour l'entretien du patrimoine monumental, dont le budget, en stagnation pour les monuments n'appartenant pas à l'Etat, n'augmente, pour ceux qui relèvent de celui-ci, que de 3 millions de francs pour 150 millions de francs de dépenses : une fois encore, on préfère investir plutôt qu'entretenir, guérir plutôt que prévenir. Nous imitons ces Persans du xviie siècle, dont le voyageur Jean-Baptiste Tavernier écrivait qu'ils « aiment mieux faire un bâtiment nouveau que d'en relever un vieux qu'ils laissent tomber en ruine faute de quelques réparations de peu d'importance ».
Et s'il ne s'agissait que d'entretien défaillant ! J'ai visité récemment certains chantiers avec M. Scanvic, directeur de l'administration générale, et M. Moreno, directeur de l'EPMOTC, l'établissement public chargé de la maîtrise d'ouvrage des travaux culturels. Instructive visite !
Première étape, l'immeuble dit des Bons-Enfants, qui doit accueillir les services de votre ministère, actuellement dispersés sur dix-neuf sites, qui coûtent à l'Etat 30 millions de francs de loyers par an.
Cet ancien entrepôt des grands magasins du Louvre a été abandonné en 1989 par le ministère des finances, qui y a dépensé 160 millions de francs en pure perte. De 1989 à 1994, rien ne s'est passé, sinon une mise aux enchères publiques infructueuse. En février 1994, il est affecté au ministère de la culture, et le choix de l'architecte intervient en 1995. Le chantier est confié à l'EPMOTC en janvier 1998. Douze ascenseurs dorment dans des caisses depuis des années, l'édifice n'est habité que par les pigeons, et 350 millions de francs en autorisations de programme ont été affectés à cette opération.
Il est peu probable, compte tenu des délais de passation des marchés, que les travaux commencent avant 2002. Quant à l'emménagement du ministère, il est prévu pour 2003. Bien entendu, deux départements ministériels et plusieurs gouvernements ont participé à ce gâchis : voilà 18 000 mètres carrés au coeur de Paris laissés à l'abandon depuis près d'une décennie !
Deuxième étape de cette tournée, le Grand Palais, fermé depuis la chute d'un boulon en 1994. Il tend en effet à « piquer du nez » vers la Seine et à se disloquer.
En autorisations de programme, le financement de la première phase de consolidation de la nef et de l'aile sud est inscrit dans les documents budgétaires pour 400 millions de francs. Le coût de la réalisation de la seconde phase est évalué à 384 millions de francs, et une nouvelle autorisation de programme de 30 millions de francs a été prévue dans ce projet de loi de finances.
Le coût de cette opération lourde a de grandes chances de déraper, en raison notamment de certains contentieux qui ont donné lieu à la nomination d'un médiateur. Mais, surtout, rien n'est prévu quant à l'utilisation future de cet équipement, que presque tous ses occupants ont déserté. Voilà 140 000 mètres carrés culturels, dont 18 000 pour la seule nef, auxquels il faudrait ajouter les 17 000 mètres carrés du Palais de la découverte, situés dans un endroit combien prestigieux, et dont l'avenir n'est pas déterminé ! La Foire internationale de l'art contemporain se tient désormais porte de Versailles et s'y trouve bien. Même les galeries nationales du Grand Palais, qui fonctionnent encore dans l'aile nord, pourraient déménager.
Poursuivant ma tournée, je me suis rendu au Palais de Tokyo, inauguré pour l'exposition de 1937 par Léon Blum et qui a abrité le Musée national d'art moderne jusqu'en 1976. Ce palais aurait dû accueillir le musée et l'école du cinéma, mais vous avez décidé leur transfert à Bercy, dans l'immeuble de l'American Center. Ainsi, 30 millions de francs de crédits d'études pour la création du Musée du cinéma ont donc été dépensés en pure perte.
Actuellement, vous songez à affecter un plateau de 3 000 mètres carrés à la réalisation d'un centre d'exposition de la jeune création française, ou plutôt de la jeune création en France. Un tel lieu manque cruellement à Paris, comme en témoigne le rapport n° 330 de la commission des finances du Sénat sur le marché de l'art. Vous avez prévu 17 millions de francs d'autorisations de programme et 2 millions de francs de crédits de paiement à cet effet.
Restent donc sans affectation prévisible 30 000 mètres carrés au Palais de Tokyo, dont 20 000 seraient pourtant facilement utilisables.
On pourrait continuer l'énumération : quid du MAAO, le Musée des arts africains et océaniens, qui va être vidé de ses collections au profit du futur Musée des arts et civilisations voulu par le Président de la République et qui sera situé quai Branly ? Ce magnifique souvenir de l'exposition coloniale de 1931 et du maréchal Lyautey, qu'en ferez-vous ? Ce sont donc des centaines de mètres carrés qui vont encore se trouver à l'abandon.
Au total, plus de 100 000 mètres carrés de lieux culturels font actuellement l'objet de travaux engagés par l'EPMOTC. Il faudrait y ajouter les quelque 140 000 mètres carrés du Grand Palais, et ce sans tenir compte des surfaces à réaménager du MAAO et du Musée de l'homme.
Cette tendance à ouvrir sans cesse des lieux nouveaux et à délaisser les anciens n'est pas propre aux arts plastiques. La musique aussi aime à se disperser. Pour m'en tenir à la capitale, et sans revenir sur la multiplicité des salles lyriques, je dirai que la musique symphonique succombe à son tour à ce vertige : nous avons un orchestre sans toit, l'Orchestre de Paris, depuis la vente de la salle Pleyel, et plusieurs projets concurrents de salles de concert, sans garantie quant au taux de remplissage.
Je ne voudrais pas terminer cet exposé introductif à notre débat sans ajouter à mes trois points un codicille, que je ne développerai pas, car tout le monde sait bien de quoi il s'agit.
Madame la ministre, où en est-on avec la Bibliothèque nationale de France ? Cet établissement, le dernier des grands travaux du président Mitterrand, va-t-il enfin, et dans quel délai, répondre aux espoirs ? La « galère informatique » va-t-elle bientôt se terminer ? Pouvez-vous, au surplus, nous expliquer dans quelles conditions la société Cap Gemini a quitté cette galère, et si elle a été pénalisée ?
En conclusion, le rapporteur que je suis porte sur ce projet de budget un jugement nuancé. Au cours des entretiens et des visites que j'ai pu faire, j'ai cru déceler chez les responsables du ministère et des organismes qui en dépendent une volonté affirmée de rompre avec la tentation de la facilité et du spectaculaire. Nous devons aussi tenir compte des rigidités structurelles et psychologiques auxquelles vous devez faire face. La commission des finances, sur mon rapport, a donc donné un avis favorable à l'adoption de ce budget... au bénéfice du doute ! (Sourires. - Applaudissements sur les travées RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Nachbar, rapporteur pour avis.
M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers colègues, le projet de budget du ministère de la culture peut s'apprécier de deux manières, selon que l'on examine son évolution globale ou la manière dont il répond aux missions qui lui sont dévolues depuis l'origine, en France. J'examinerai donc tour à tour ces deux aspects - l'évolution globale, d'une part, la démocratisation de la culture à travers votre budget, d'autre part - afin d'apporter à notre assemblée l'éclairage le plus complet possible sur ce projet de budget.
S'agissant tout d'abord de l'évolution globale, le budget de la culture s'élèvera, pour l'an 2000, à 16,39 milliards de francs, soit une hausse de 2,1 % par rapport à la loi de finances de 1999.
Globalement, le chiffre est satisfaisant puisque le budget de l'Etat n'augmente lui-même que de 0,9 %. Une ombre, un soupçon d'inquiétude apparaissent néanmoins, madame la ministre, dans la mesure où, si j'ose dire, vous avez trop bien fait les années précédentes pour que nous ne soyons pas sensibles, cette année, à la décélération de la progression de vos crédits : 2,1 %, contre 3,8 % en 1998 et 3,5 % en 1999. Il faut souhaiter, eu égard à l'importance que revêt pour la Haute Assemblée la culture dans notre pays, que cette décélération ne se poursuivra pas l'année prochaine.
J'ai noté que cette évolution se fait à structure budgétaire constante, ce qui est une excellente chose : c'est un point que j'avais d'ailleurs déjà souligné l'an dernier. Les compétences de votre ministère sont désormais stabilisées et, de surcroît, les grands travaux sont pour l'essentiel achevés en investissements - naturellement, nous reviendrons tout à l'heure sur leur coût de fontionnement - ce qui vous confère une marge de manoeuvre accrue, d'autant que vous avez su préserver des convoitises d'autres administrations l'enveloppe budgétaire qui vous est dévolue. Il convient de souligner l'exploit d'un ministère qui parvient à conserver son budget alors même que les aléas de ses fonctions ont beaucoup évolué.
Il importe de noter également le caractère satisfaisant des conditions d'exécution de la loi de finances : les reports de crédits ont été modestes et les annulations symboliques, avec 67 millions de francs seulement.
Nous avions souligné à plusieurs reprises devant la Haute Assemblée à quel point les opérations consistant, en cours d'année, à faire de ce budget une variable d'ajustement enlevaient toute efficacité au contrôle parlementaire exercé lors du vote de la loi de finances. Il n'en a rien été en 1999, comme d'ailleurs - je tiens à le rappeler - l'année précédente.
En résumé, ce budget représentera 0,98 % du budget de l'Etat, contre 0,97 % l'année dernière. Je ne suis pas de ceux qui cèdent au fétichisme du 1 % culturel, seuil symbolique réclamé voilà plus de trente ans par Jean Vilar. En effet, d'une part, l'Etat affecte hors ce budget, à peu près la même somme à l'action culturelle à travers d'autres ministères et, d'autre part - il convient ici plus qu'ailleurs de le souligner avec force - les collectivités locales consacrent chaque année, pour autant qu'on puisse le savoir, à peu près autant de crédits que l'Etat à travers l'ensemble de ses ministères pour soutenir la diffusion culturelle en France, soit 37 milliards de francs. Il était, à mes yeux, important de le dire ici au Sénat, et je reviendrai tout à l'heure sur ce point, notamment à propos du patrimoine.
Si l'on détaille l'évolution des différents chapitres, on constate que la progression du budget pour l'an 2000 profitera plus aux dépenses ordinaires qu'aux dépenses en capital, alors que, l'année dernière, la progression était à peu près équivalente pour les unes et les autres.
Les dépenses ordinaires augmentent de 2,73 % ; il s'agit, je le rappelle, du titre III - « Moyens des services » - et du titre IV - « Dépenses d'intervention publique » - qui s'élèveront à 12,482 milliards de francs. Les dépenses en capital, en revanche, restent quasiment identiques, avec 3,556 milliards de francs ; contre 3,559 milliards de francs.
L'évolution des dépenses ordinaires reflète, en fait, une double action du ministère qui ne peut que recueillir l'accord de la Haute Assemblée.
Il s'agit, tout d'abord, de la résorption de l'emploi précaire, que le titre III et les crédits importants qu'il prévoit vont permettre, à la fois par la création et la transformation de postes. Le nombre excessif d'emplois précaires, notamment dans les musées et à la Bibliothèque nationale de France, avait eu de graves conséquences sur le fonctionnement de ces institutions, comme nous l'avions constaté l'année dernière. Il était donc essentiel, en termes à la fois de progrès social et d'efficacité dans l'accueil du public, que cette politique soit enfin dotée des moyens qu'elle méritait. C'est le cas dans le budget de cette année, ce qui explique la hausse des dépenses du titre III.
Par ailleurs, les subventions de fonctionnement aux établissements publics, figurant au titre IV, progressent de 2,1 % si l'on enlève de l'augmentation les crédits nécessaires à la résorption des emplois précaires. Un effort significatif est consenti en faveur du spectacle vivant - plus 4,3 % - et de la création artistique, avec une augmentation de 5 % en faveur du Centre national des arts plastiques, ce qui est symbolique et important tout à la fois.
Une inquiétude se fait jour néanmoins pour l'avenir, avec la montée en puissance du coût des grandes institutions. Je ne citerai à cet égard que le seul exemple de la Bibliothèque nationale de France, que j'ai particulièrement développé dans mon rapport écrit, à la suite de la visite effectuée dans cette institution par la commission des affaires culturelles et de la longue et fructueuse discussion que les membres de cette dernière ont eue avec le président et la direction.
La subvention versée par le ministère de la culture à la Bibliothèque nationale de France s'élève à 620 millions de francs, en progression de 3 %, somme à laquelle il convient d'ajouter 300 millions de francs qui, destinés aux dépenses de personnel, sont imputés sur votre budget et sur celui de l'éducation nationale ; le total s'élève donc à 920 millions de francs, sans compter l'investissement ; c'est évidemment une somme tout à fait considérable qui, année après année, va peser sur l'évolution du ministère.
En ce qui concerne le titre IV, les crédits d'intervention sont importants, car ils reflètent les orientations de votre politique culturelle. Ils progressent de 2,58 %. Un certain nombre de mesures nouvelles permettent d'apprécier les priorités que vous avez données à votre budget et qui ont recueilli l'assentiment de la commission des affaires culturelles : le spectacle vivant, un plan social pour les bourses accordées aux élèves des écoles d'architecture, la diffusion du patrimoine à travers la gratuité, et les enseignements artistiques.
Les dépenses en capital, en revanche, reflètent un double mouvement.
Tout d'abord, leur progression est quasiment inexistante, compte tenu de leur stagnation d'une année sur l'autre, bien qu'il faille opérer une distinction entre les autorisations de programme et les crédits de paiement. Globalement, ces crédits n'augmentent pas, mais, comme je l'ai expliqué, c'est au profit des dépenses ordinaires, ce qui, en soi, n'est pas critiquable.
Par ailleurs, une évolution plus positive, du moins pour la majorité de notre assemblée, concerne la poursuite du rééquilibrage en faveur de la province. Très schématiquement, 51 % des crédits sont destinés à Paris et 49 % à la province. Cela signifie qu'un certain nombre de grands équipements de province pourront être aidés. L'arrêt des grands travaux parisiens a facilité cette évolution. Elle permettra néanmoins de financer les équipements culturels en province et d'augmenter les subventions aux monuments historiques n'appartenant pas à l'Etat. L'augmentation de plus de 25 % est tout à fait appréciable.
La finalité de votre projet de budget, madame la ministre, est la démocratisation de la culture. Ce souhait a rencontré, depuis quelques années, l'assentiment de la Haute Assemblée.
Les décisions prises à travers ce projet de budget permettent tout d'abord de renforcer l'accès de tous à la culture, qui, depuis Malraux, est le critère, la pierre de touche de ce budget : « Rendre accessibles les oeuvres capitales de l'humanité, et d'abord de la France, au plus grand nombre possible de Français », disait-il.
Jusqu'à présent, le spectacle vivant était privilégié. Pour 2000, trois autres domaines font l'objet d'un effort soutenu, mais à certains égards insuffisant : le patrimoine, les musées et les enseignements artistiques.
L'élargissement de l'accès au patrimoine est évidemment l'un des axes d'une politique de démocratisation.
Le succès des journées du patrimoine a montré combien nos concitoyens étaient attachés à la visite du patrimoine de leur ville, de leur province, de leur pays. Ce projet de budget prévoit l'extension de la gratuité d'accès aux monuments gérés par la Caisse nationale des monuments historiques, dont le coût - c'est assez rare pour être souligné - sera compensé intégralement. L'Etat n'essaie pas de faire de la trésorerie sur le coût de ses institutions, ce qui est méritoire. Une somme de 15 millions de francs a été affectée à cette opération tout à fait intéressante.
En revanche, l'effort de conservation du patrimoine semble se relâcher. Si, comme je l'ai indiqué à l'instant, les dotations pour le patrimoine historique n'appartenant pas à l'Etat augmentent dans des proportions tout à fait substantielles - 24,9 % - une faiblesse importante se fait cependant jour dans ce projet de budget, avec l'insuffisance criante des crédits affectés au patrimoine rural non protégé.
La France possède un patrimoine tout à fait exceptionnel que nos concitoyens aiment visiter et à la remise en valeur duquel les communes et les départements consacrent, année après année, des crédits croissants. Malheureusement, la somme prévue au projet de budget pour 2000 n'est que de 34,5 milliards de francs, soit, en moyenne, 1,5 million de francs par région. Ce n'est pas même le coût de la rénovation d'une église ! Il serait par conséquent essentiel, madame la ministre, que, année après année - on ne peut bien évidemment pas rattraper le retard sur un seul exercice - les crédits affectés au patrimoine rural non protégé puissent être soutenus par l'Etat comme ils le sont par les départements et par les régions.
J'en viens au deuxième axe en matière de démocratisation, à savoir le renforcement de la diffusion culturelle qu'assurent les musées ; la fréquentation de ces derniers a augmenté considérablement, progressant, de 1997 à 1998, de 7,1 % dans les musées nationaux, de 11 % au musée d'Orsay et de 10,7 % au Louvre.
En 1998, les entrées gratuites dans les musées nationaux ont représenté un peu plus de quatre millions de visiteurs supplémentaires. C'est essentiel.
De même, madame la ministre, vous avez prévu un rééquilibrage important des crédits en faveur des musées de province, ce dont il convient de se féliciter. Les collectivités locales font, là encore, un effort qui méritait d'être soutenu.
C'est d'autant plus important que nous connaissons les limites financières et juridiques de la politique d'enrichissement des collections. Compte tenu du marché de l'art aujourd'hui, ce n'est pas le budget de l'Etat qui permettra de mener une politique d'acquisition ambitieuse. Peut-être faudra-t-il - mais ce sera sans doute l'objet d'un prochain rapport - étudier d'autres manières de financer les acquisitions dans les musées français.
Le troisième et dernier axe essentiel en matière de démocratisation est le développement des enseignements artistiques : ce budget prévoit une progression globale de 6,7 % des crédits qui y sont affectés, avec des opérations tout à fait intéressantes telles que le programme de musique à l'école ou le programme de généralisation des ateliers d'expression artistique dans les lycées.
La commission des affaires culturelles a estimé que, malgré les retards accumulés depuis de nombreuses années et les insuffisances, un effort tout à fait soutenu existait sur les trois axes que constituent l'élargissement de l'accès au patrimoine, le renforcement du rôle de diffusion culturelle des musées et le développement des enseignements artistiques.
C'est donc en raison tant de l'évolution globale du budget de la culture que des axes que je viens de détailler en matière de démocratisation que la commission des affaires culturelles a émis un avis favorable quant à l'adoption des crédits de la culture pour 2000. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Vidal, rapporteur pour avis.
M. Marcel Vidal, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour le cinéma et le théâtre dramatique. Madame la ministre, monsieur le président, mes chers collègues, avant d'aborder l'analyse comptable des crédits du cinéma, j'évoquerai en quelques mots la situation économique de ce secteur, situation qu'il faut qualifier de contrastée. En effet, en dépit de certaines évolutions très positives, des signes de faiblesse demeurent.
Avec 170 millions d'entrées en 1998, soit 14 % de plus que l'année précédente, le redressement de la fréquentation est confirmé. Les salles multiplexes ont joué un rôle déterminant dans cette évolution ; elles représentent 12 % seulement de l'offre cinématographique, mais 22 % de la fréquentation. On a assisté, cette année, à une intensification du développement de ce nouveau type de salles. Faut-il s'inquiéter de ce phénomène ? Les conclusions du rapport que vous avez confié au conseiller d'Etat M. Francis Delon seront sans doute éclairantes, madame la ministre. Après les appréciations que j'ai pu recueillir à l'occasion des auditions auxquelles j'ai procédé à l'occasion de la préparation de mon rapport, il m'apparaît désormais que les salles multiplexes sont devenues un « mal nécessaire ».
Cependant, il apparaît également - et cela rejoint ma conviction - que la transposition des règles de l'urbanisme commercial à l'exploitation cinématographique constitue une solution peu adaptée.
Des améliorations devront sans doute être apportées au dispositif adopté en 1996. En dépit de la circulaire que vous avez adressée aux préfets, madame la ministre, les préoccupations d'aménagement du territoire sont insuffisamment prises en compte par les commissions départementales d'équipement cinématographique, les CDEC. Ne pourrait-on pas envisager de délivrer les autorisations sous réserve, pour les exploitants, de respecter un cahier des charges ? Il me semblerait souhaitable d'envisager de substituer aux commissions départementales des commissions au niveau régional. Enfin, pour mieux tenir compte de la spécificité de ces équipements, il serait, à mon avis, opportun de renforcer en leur sein la représentation des professionnels du cinéma, mais aussi des services déconcentrés du ministère de la culture. En tout état de cause, compte tenu du rythme de dépôt des dossiers en CDEC, les modifications législatives doivent intervenir très rapidement.
La production cinématographique, quant à elle, enregistre des évolutions encourageantes, avec 183 films produits en 1998 ; de tels chiffres n'avaient pas été atteints depuis 1980.
Je noterai également l'important renouvellement de la création nationale, qui constitue une assurance de sa diversité.
Toutefois, le recul des parts de marché du cinéma français jette une ombre sur le dynamisme de la production nationale : 24 % en 1998, contre 34 % en 1997. Ce chiffre ne peut pas laisser indifférent. C'est en effet l'efficacité même du soutien public qui risque d'être mise en cause si cette évolution se poursuit.
Les aides versées à l'industrie cinématographique ont pour objet de garantir le pluralisme de la création, mais aussi l'existence d'une production dynamique.
Ces deux objectifs sont, en pratique, étroitement liés. En effet, faute d'oeuvres nationales appréciées du public, il y a fort à craindre que les quotas et les obligations de financement imposés aux chaînes de télévision soient, à terme, remis en cause.
L'analyse des causes du recul du cinéma français est engagée. Elle ne manquera pas de susciter des polémiques, mais elle apparaît nécessaire, alors que le Gouvernement s'est engagé dans la défense de la diversité culturelle.
Si nous avons réussi à faire admettre à nos partenaires de l'Union européenne, dans le cadre de la préparation de la conférence de Seattle, le maintien du principe de l'exception culturelle, nous devrons rester vigilants dans les années à venir.
Nous devrons notamment être vigilants à l'égard des Etats-Unis, car, en dépit d'une absence d'accord lors de la conférence de Seattle, des négociations commerciales multilatérales reprendront, et alors les Américains n'hésiteront pas à contourner les positions européennes, notamment sur la question du commerce électronique.
Le devoir de vigilance s'imposera également à l'égard des Etats européens, que nous devons continuer à convaincre du bien-fondé d'une intervention publique en faveur de l'industrie audiovisuelle et, plus largement, de la création.
Les termes du mandat donné à la Commission par le Conseil le 26 octobre dernier constituent un acquis incontestable. Cependant, il faut, je crois, aller plus loin.
A cet égard, les débats auxquels donneront lieu l'élaboration du plan Média III ou la révision de la directive Télévision sans frontière seront autant d'occasions pour faire prévaloir notre conception de la diversité culturelle.
J'en viens maintenant aux données comptables.
Le budget du cinéma s'établit, en 2000, à 1 686,2 millions de francs, en augmentation de 2,7 % par rapport à 1999.
Cette progression provient essentiellement de l'augmentation de 4,1 % des crédits de la section « cinéma » du compte de soutien - 1 400 millions de francs - tandis que les dotations budgétaires du ministère de la culture - 287,1 millions de francs - enregistrent, pour leur part, une très légère diminution.
L'augmentation des crédits de la section « cinéma » du compte de soutien permet de renforcer l'aide automatique au secteur de la distribution, notamment aux entreprises indépendantes.
L'objectif est d'assurer une meilleure diffusion des films français. Cet effort financier devra, pour porter ses fruits, être accompagné de mesures complémentaires destinées à limiter les effets de la concentration qui affecte ce secteur.
En ce qui concerne les crédits du CNC, le Centre national de la cinématographie, les crédits d'intervention augmentent de 4,8 %, pour s'établir à 219 millions de francs.
Les interventions financées sur ces crédits sont essentielles. Je rappelle qu'elles constituent le coeur de la politique de soutien au cinéma conduite par le ministère, dans la mesure où les crédits du compte de soutien s'apparentent à un mécanisme de redistribution des résultats financiers dégagés par ce secteur.
Elles passent par le soutien accordé par le CNC aux associations. J'évoquerai ainsi la contribution de l'association française du festival international du film au rayonnement international du cinéma français, ou encore, dans un autre domaine, l'aide apportée par l'association pour le développement régional du cinéma à l'équipement cinématographique des villes moyennes et des bourgs-centres.
Les crédits consacrés aux actions conduites en partenariat avec les collectivités locales apparaissent indispensables pour renforcer l'action culturelle, notamment à l'égard des jeunes, mais aussi pour accroître le soutien à l'industrie du cinéma et accroître son implantation en région.
Je ne puis qu'inciter le Gouvernement à intensifier sa politique en ce domaine.
Les collectivités locales accordent au cinéma une place croissante dans leur politique culturelle et sont très attentives aux évolutions qui affectent ce secteur, comme en témoigne, par exemple, l'activité de l'association Ville et cinéma, dont notre ancien collègue, Jacques Carat, alors sénateur-maire de Cachan, a été l'un des piliers.
Des modifications législatives sont sans doute à envisager pour lever les contraintes juridiques qui limitent les initiatives locales. Cependant, toutes les régions ne fournissent pas encore un effort comparable et un engagement plus net de l'Etat permettrait sans doute de créer un effet d'entraînement.
En ce qui concerne les crédits d'investissement, nous nous félicitons de la réalisation - longtemps repoussée - du projet de Maison du cinéma : 102 millions de francs d'autorisations de programme sont inscrits à ce titre dans le projet de budget. Permettez-moi de vous interroger sur le coût de fonctionnement estimé de cette nouvelle institution et sur son statut juridique.
J'en viens maintenant aux crédits du théâtre.
En 2000, l'augmentation de 4,33 % des crédits consacrés au spectacle vivant profitera, pour une part, à la politique du théâtre et permettra de poursuivre la nécessaire remise à niveau des aides de l'Etat aux structures théâtrales qui avait été engagée en 1999. L'ensemble des structures du théâtre public devraient en bénéficier.
Les subventions de fonctionnement versées aux théâtres nationaux progressent de 6,4 % afin, notamment, de compenser la perte de recettes qui résulte de l'instauration d'un tarif unique le jeudi.
Le réseau de la décentralisation dramatique voit ses moyens renforcés. En ce domaine, l'effort budgétaire s'accompagne d'une volonté de clarifier les modalités d'intervention de l'Etat afin de tirer les conséquences de la déconcentration. L'objectif est louable, mais il y a incontestablement des progrès à accomplir.
Les dépenses d'investissement consacrées au théâtre passent, en 2000, de 153 millions de francs à 193 millions de francs. Cette progression, conjuguée à l'achèvement du centre de costumes de scène à Moulins, permet de conforter la politique d'équipement conduite par les collectivités territoriales. Ce rééquilibrage territorial me paraît être le gage d'une politique bien comprise de démocratisation des pratiques culturelles.
Cependant, la progression des crédits du théâtre ne lève pas toutes les incertitudes qui pèsent sur l'équilibre financier des structures théâtrales, notamment celles qui sont liées à l'application du nouveau statut fiscal des associations.
En dépit des assouplissements bienvenus apportés par le projet de loi de finances, un alourdissement des charges pesant sur les associations théâtrales qui, pour l'essentiel, seront considérées comme des associations à but lucratif, n'est pas à exclure. Les conséquences de ces nouvelles règles sont encore mal appréciées, essentiellement faute d'une connaissance statistique de la « géographie » de ce secteur.
Il serait sans doute utile, à terme, de remédier à cette lacune, dans le souci d'assurer un meilleur suivi des dépenses déconcentrées.
En conclusion, je soulignerai que la progression des dépenses prévue par le projet de budget s'accompagne incontestablement de la volonté d'accroître l'efficacité du soutien public au cinéma et au théâtre dramatique. Compte tenu de ce constat, les membres de la commission des affaires culturelles ont décidé de donner un avis favorable à l'adoption des crédits du cinéma et du théâtre dramatique. (Applaudissements.)
M. Raymond Courrière. Très bien !
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 30 minutes ;
Groupe socialiste, 26 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 15 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 15 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 13 minutes.
La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite. Voici le troisième budget que vous nous présentez, madame la ministre, et notre rôle essentiel est d'en analyser les aspects quantitatif et qualitatif. Je vais donc le faire à partir du document budgétaire et de mon expérience de la vie culturelle.
D'emblée, les circonstances me dictent cependant de parler surtout de la culture et de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, au travers de la réunion de Seattle, où j'étais - vous aussi, madame la ministre, et je le souligne pour vous en féliciter : vous étiez le seul ministre de la culture présent parmi les 135 pays participants, et vous n'y étiez pas en spectatrice.
Je dirai, tout d'abord, quelques mots sur votre budget.
Il progresse plus, par rapport à l'an passé, que la majorité des autres budgets ; il commence à régler la question si vive des personnels de votre administration, encore jeune et confrontée à la précarisation ; il équilibre Paris et la province ; il continue concrètement de travailler à la rencontre de la culture avec le plus grand nombre - l'expérience du théâtre du peuple de Bussang est une source de pensée pour ce faire - et il ne néglige pas la grande tâche de l'Etat, qui consiste à faire toujours mieux pour soutenir l'audace de la création dans son pluralisme, ce qui implique, premièrement, aide à la production - je crois qu'il faut faire plus, notamment pour ce qui naît - deuxièmement, maîtrise de la diffusion - il faut imaginer plus, sinon, l'homogénéisation des programmes avance inexorablement et l'Europe, pour faire un saut de frontière, continuera à cohabiter plus qu'à échanger - et, troisièmement, travail dans le monde - il faut consacrer plus vers le Sud, vers l'Est, sans oublier les Etats-Unis, le pays le plus ultralibéralement autoprotégé.
Je veux aussi me questionner tout haut.
Qu'en est-il de l'intermittence ? Il avait été question que l'Etat favorise la reprise des négociations à ce propos. Pouvez-vous nous dire où en est le dossier ?
Qu'en est-il des établissements publics culturels ? Le projet dont mon collègue M. Ivan Renar est le promoteur a obtenu votre aval. Pourtant, cela ne débouche pas.
Qu'en est-il de la régulation des multiplexes, qui prolifèrent grâce à des décisions commerçantes et tièdes où le cinéma nouveau a, dans le meilleur des cas, une niche bloquant son saisissement ?
Qu'en est-il de la librairie théâtrale de la rue Bonaparte, où un privé met en cause sa pérennité de foyer d'histoire et de culture théâtrale ? Nous faisons actuellement la quête, mais c'est insuffisant.
Qu'en est-il de la grande salle de musique jumelée à la cité du même nom à Paris ?
Qu'en est-il des contrats de plan Etat-région ? Vous avez apporté, avec le Gouvernement, 2,539 milliards de francs, soit un milliard de plus que dans le budget précédent. Quelles indications avez-vous données ?
Qu'en est-il de l'enseignement artistique à l'école ? Un pas est fait dans ce budget avec une complicité nouvelle de l'éducation nationale. Mais le « lire-écrire-compter » de l'école du xixe siècle n'est pas encore enrichi au niveau souhaitable. Tous les enfants, à égalité de dignité, doivent pouvoir rencontrer les artistes. Et, si je parle cinéma, le nouveau « lire-écrire-compter » doit surtout éveiller les regards.
Qu'en est-il des droits de la propriété intellectuelle des artistes interprètes de la musique et de la danse ? Lundi 13 décembre, un colloque de la société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes de la musique et de la danse, la SPEDIDAM, va combattre l'offensive contre le droit à rémunération équitable par l'industrie du disque, qui, sur le plan européen, réclame le libéralisme sans rivage.
Qu'en est-il, enfin, de cette convention collective de l'audiovisuel, voulue par le ministère du travail et qui, si elle a pour but de protéger les nouveaux arrivants, notamment dans les petites chaînes câblées, met en cause les acquis des techniciens intermittents de la fiction audiovisuelle ?
Je ne souhaite pas aller au-delà de ce questionnement responsable et d'avenir que je sais recevable par vous, madame la ministre, vous qui connaissez le terrain et êtes acharnée, quand une idée vous prend la main, à la faire aboutir.
Précisément, j'en arrive à l'OMC, qui, à Seattle, n'a pas connu un échec, comme il est trop souvent dit, mais s'est trouvée confrontée à une obligation de conversion. Sans doute, parmi les négociateurs officiels, y avait-il suffisamment de contradictions lourdes, notamment la contradiction Nord-Sud, pour que la ville américaine de Boeing et de Microsoft ne soit pas l'Eden d'un enlacement du monde par les seuls grands intérêts financiers. Mais, précisément, il y avait, pour la première fois dans l'histoire moderne, un négociateur extérieur qui réclamait autre chose, autrement, et respectueux de l'autre.
J'ai vécu Seattle avec plusieurs collègues de toutes sensibilités de notre assemblée, qu'avait invités si justement le Gouvernement.
La mondialisation incontournable a commencé à conquérir là sa dimension populaire. Au passage du siècle s'est produit un hiatus constructif dans l'histoire. La rue a dit à l'enceinte : « Vous ne pouvez rien de bien sans nous. » Après Seattle, rien n'est plus tout à fait comme avant, à condition de continuer d'être des « je » actifs, soucieux du pluriel.
C'est dans ces conditions que vous êtes venue avec ces deux expressions jumelées qui vous sont chères : « diversité culturelle, c'est l'objectif ; exception culturelle, c'est le moyen. »
Vous nous l'avez répété à nous, parlementaires, vous l'avez redit au conseil général de l'OMC, vous l'avez expliqué dans une conférence de presse fort suivie internationalement.
Il était convenu que la culture était hors débat, mais plusieurs délégations, par souci respectable mais dangereux, voulaient une mention relative à la culture. Eh bien ! votre rigueur et l'accompagnement courageusement calme de François Huwart ont tenu l'engagement : la culture est restée hors ce débat avorté du round du Millénaire.
Satisfaction, assurément, et, pourtant, chacun le sait, cela ne fait pas le compte. Nous l'avons confirmé hier, mais ce souvenir de l'avenir implique de construire demain ; et des initiatives sont à prendre par la France, qui a de l'influence à condition qu'elle s'en serve.
Je pense que l'Europe balbutie encore sur la culture. Elle est en deçà d'un SMIC face aux défis.
Pour me limiter au programme « Média », même qualifié « Média plus », c'est un perpétuel « Média moins ». Un tournant radical est à prendre, que l'Agenda 2000 n'autorise pas.
Dans six mois, la France va présider l'Europe. Je sais que vous vous y préparez. Je vous propose de le faire avec d'autres : organisez, madame la ministre, un colloque sur le thème : « Voilà ce que propose la France pour la culture en Europe », et faites-le dès ce printemps 2000.
L'Europe, culturellement, n'a qu'un budget de 0,05 %. Face à cela, osez, entourée de beaucoup de complicités dynamiques, appuyer la revendication de 1 % du PIB. La culture pluraliste et créative en Europe, n'ignorant pas les nouvelles technologies, n'aura de réponse valable qu'une fois ce seuil atteint.
Les Américains, à la fin des guerres de 1914 et de 1945, ont délibéré gouvernementalement, par exemple, sur le cinéma. L'Europe doit cesser d'être traînante, ruminante, inaboutie, insignifiante, à l'arrêt, dans le domaine de l'esprit et de la création. Elle doit agir sans oublier - les accords de Lomé devraient y contribuer - le Sud.
Mais il n'y a pas que l'Europe, il y a le monde et, au moment de Seattle, du Pacifique nous est parvenu de Mme Tjibaou et de M. Paul Vergès l'appel de Nouméa qui dit au monde que l'Océanie plurielle ne veut pas mourir.
Ensemble sauvons, mieux, déplissons notre pluralité, notre mêlée.
Je vous prie, madame la ministre, d'être mon « passeur » auprès de M. Lionel Jospin de ce que j'ai évoqué ici même le 23 novembre : il y a eu un « Rio de l'environnement ».
Eh bien je rêve d'un « Paris de la culture et des arts » qui serait un élancement, s'il se tenait fin 2000 début 2001, sans modèle, mais avec un coeur capable d'accueillir toutes les tendresses. La France serait à la hauteur de son histoire et de son possible avenir, qui a pour partenaire d'abord les femmes et les hommes et, parmi eux, les artistes, ensuite les dernières technologies. Il y a beaucoup à réfléchir sur leur rôle dans le nouage entre la création et les êtres du quotidien.
Des artistes déjà loin de notre aujourd'hui, je pense à Valéry et à Péguy, des essayistes aussi loin, je pense à Walter Benjamin, ont lancé des pistes. A nous de continuer ce travail de skieurs au fond du puits.
Vous avez d'ailleurs des atouts. Je vous ai vu animer, après l'avoir construite, la rencontre à l'UNESCO de cinquante-huit ministres de la culture qui ont ratifié la diversité culturelle. Il faut maintenant que l'UNESCO fasse un plan de travail traitant de l'alphabet des questions culturelles qui, un jour, auront à être articulées avec l'OMC.
Madame la ministre, votre ministère a quarante ans. Des livres d'essayistes sont publiés à ce propos : le Cinquième Pouvoir de Claude Mollard ou le Gouvernement de la culture de Maryvonne de Saint-Pulgent ; des livres de Clio aussi, la Politique culturelle, genèse d'une catégorie d'interventions publiques de l'historien-sociologue Vincent Dubois ; une Bibliographie de l'histoire des politiques culturelles de Philippe Poirier.
C'est tout ce matériau qui permet d'avoir - je cite Gracq - « une référence décrochée de la durée qui projette vers l'avant et amalgame au présent les images du passé, au lieu de tirer l'esprit en arrière ».
Vous savez bien que se confrontent aujourd'hui la pensée d'Antonin Artaud, protestant contre « l'idée séparée que l'on se fait de la culture, comme s'il y avait la culture d'un côté et la vie de l'autre » et celle de Flaubert appelant « à cultiver le bourgeois » plutôt qu'à faire du peuple l'ambition des entreprises de prosélytisme culturel.
Ne sommes-nous pas dans une période où tout, de la rue de Seattle à Internet, et sans mythification, travaille à un élan de reconstruction du sujet ? C'est Vito Acconci qui s'interroge : « Pourquoi le musée n'a pas de fenêtre ? » ; c'est Patrick Cahuzac qui crée aux « Métafort d'Aubervilliers » une revue littéraire sur Internet « Inventaires-inventions », qui se donne pour but d'être « un lien de recensement et de création, un lien de questionnement où l'écriture, loin d'être fermée sur elle-même, apparaîtra comme une voie d'accès au corps de notre monde ». Tout cela nous concerne beaucoup.
A l'inverse, beaucoup trop de spécialistes doublés de comptables de la culture voudraient nous enfermer dans des célébrations, ces friponneries idéales où viennent se costumer les « identités vacantes ». Allons, nous ne sommes pas des touristes sillonnant en car un site protégé ! Nous sommes avec ces artistes qui ont nom Vertov, Bunuel, Germaine Dulac, Fernand Léger, Stan Brakghage, Jean-Luc Godard, Orson Welles, Mikaël Snow, Paul Sharits, Chantal Ackerman, Jonas Mekas, Guy Debord, Jean Eustache, Ingmar Bergman, Vito Acconci, Jacques Tati, Marguerite Duras, Chris Marker, Robert Bresson, Johan Van der Keuken, Eija-Lïïsa Ahtila ou encore Sadie Benning. J'emprunte cette liste que je fais mienne à un livre « roboratif » de Jean-Charles Masséra, Amour, gloire et CAC 40. Ces artistes ont, à un moment donné, abandonné les figures imposées - héritées - pour se tourner vers la constitution de sujets en phase avec l'histoire en cours.
Madame la ministre, je ferai tenir à la présidence du Sénat mon souhait que se constitue un intergroupe parlementaire associant le Sénat et l'Assemblée nationale ainsi que l'assemblée européenne sur l'OMC, mais vous pouvez vous préfigurer tout cela dans le domaine dont vous avez la responsabilité.
L'exception culturelle, outil de diversité culturelle, que d'aucuns identifient avec archaïsme, protection Maginot, et que j'approche moi - mais je pense que nous nous rejoignons - comme la naissance conquise de la directive Télé sans frontière à Seattle, en passant par le GATT, l'AMI, NTM et l'anticonvergence de Birmingham, comme la naissance conquise d'un nouvel espace public de dimension internationale où la liberté de penser n'est pas limitée par la liberté du commerce.
Le concept d'agriculture multifonctionnelle va dans le même sens, comme la construction d'un espace sportif libéré de la tutelle autoritaire de l'argent, comme la revendication de l'intégrité du vivant.
Sans doute tout cela doit encore progresser et ne pas être remis en cause par la discussion des services, laquelle continue dans la foulée des accords de Marrakech. Attention au commerce électronique, qui peut servir de contournement !
Fellini disait : « La révolte est toujours féconde. Seule la révolte porte en elle la nécessité organique de l'expression. Au contraire, l'approbation amène l'indifférence. On s'endort. »
A Seattle, artistes et citoyens étaient éveillés, et je sais, madame le ministre, que vous ne dormez pas. (Mme le ministre sourit. - Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après avoir salué le talent oratoire de l'orateur précédent, je n'aurai pas l'outrecuidance de paraphraser les propos de nos excellents rapporteurs, qui viennent de nous présenter les crédits du ministère de la culture.
Aussi, dans un premier temps, je centrerai mon intervention sur les difficultés du développement culturel dans un département rural, bien loin de Seattle, bien sûr. (Mme le ministre sourit.)
La lecture publique y accuse un retard important, si l'on compare sa situation à la moyenne nationale. Le nombre d'usagers des bibliothèques s'élève en effet à 11,3 % de la population des communes desservies par la BDP, contre 17,1 % sur le plan national.
Certes, l'impact modeste de la BDP peut s'expliquer par l'existence d'un réseau associatif parallèle. Mais la véritable raison est l'insuffisante structuration du réseau rural, qui comprend très peu de vraies bibliothèques. On ne propose à la population que des micro-services médiocrement pourvus, peu ouverts et disposant rarement d'un personnel qualifié.
Seule une solide politique d'aide aux communes pourrait apporter l'impulsion nécessaire à la lecture publique en zone rurale. Les municipalités doivent disposer de réels équipements, attractifs, largement ouverts, et offrir au public l'usage des nouvelles technologies de l'information et de la communication.
Or les communes désireuses d'aménager une bibliothèque sont peu soutenues. Ainsi, en 1998, le conseil général a investi 2,90 francs par habitant dans la lecture, ce qui est relativement peu.
La situation en milieu rural est également préoccupante en matière de développement culturel : plusieurs musées n'offrent pas les conditions satisfaisantes d'accueil pour le public ni pour la conservation des collections.
C'est le cas d'un écomusée qui présente d'importantes collections d'objets de la région ayant trait à l'ensemble de la vie rurale et, notamment, à la distillation des eaux-de-vie de fruits. Malheureusement, depuis quelques années, ce musée, installé dans une ancienne distillerie, subit une stagnation de sa fréquentation, principalement en raison du manque de confort et de modernité des infrastructures.
On peut également citer un musée qui présente des collections d'archéologie, de dentelles et des oeuvres de Jules Adler. Depuis le départ du conservateur, en 1988, les collections sont présentées et conservées de manière déplorable.
Quant à un musée consacré à l'exaltation du terroir et présentant les modes de vie dans les villages, il est une mémoire collective vivante. Or, une visite de la direction régionale des affaires culturelles et de l'inspection générale des musées, en 1993, a mis en exergue des problèmes de sécurité, de conservation des objets et des lacunes dans les inventaires et la documentation.
Les départements ruraux possèdent un potentiel et des atouts touristiques indéniables du fait de leur patrimoine archéologique, historique et rural particulièrement abondant. Il est de notre devoir de le sauvegarder, de le promouvoir et de le transmettre.
Je souhaiterais, enfin, signaler le problème de la diffusion du spectacle vivant, qui se trouve handicapée par l'obsolescence des lieux d'acccueil et par l'absence d'équipes professionnelles. Je pense notamment à un théâtre, classé monument historique, mais qui est actuellement fermé pour des raisons de sécurité.
Néanmoins, dans ce domaine, les départements ruraux font preuve d'initiatives intéressantes qui participent largement à la richesse de notre patrimoine.
J'ai en mémoire un théâtre dont la programmation est particulièrement innovante, une compagnie nationale d'art lyrique reconnue au niveau national, ou encore le festival des cinémas d'Asie, dont la qualité professionnelle est appréciée de la profession.
Ces différentes initiatives ne peuvent pas, à elles seules, promouvoir le développement culturel en milieu rural. Depuis bien longtemps, la décentralisation culturelle est effective. Toutefois, je voulais vous convaincre que l'aide de l'Etat reste un des paramètres incontournables. Pourquoi ne pourrait-elle pas prendre la forme de conventions entre l'Etat et les départements ?
Permettez-moi maintenant, à l'occasion de l'examen de ce budget pour l'an 2000, de faire état de mes vives préoccupations en ce qui concerne la politique de l'architecture. Celles-ci se focalisent sur trois sujets : le premier concerne la mise en oeuvre de la loi de 1997 relative au recours contre les décisions des architectes des Bâtiments de France, les ABF ; la deuxième est relative aux ZPPAUP, les zones de protection du patrimoine architectural urbain et paysager, et la dernière à la situation des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement.
Madame la ministre, je souhaiterais connaître les raisons pour lesquelles il a fallu deux ans au Gouvernement auquel vous appartenez pour publier les décrets relatifs à l'application de la loi n° 99-78 du 5 février 1999 concernant la commission régionale du patrimoine et des sites et l'instruction de certaines autorisations de travaux.
Adoptée sur l'initiative du Parlement, cette loi est d'une importance capitale pour les élus, auxquels elle permet de demander l'appel des décisions et des avis émis par les architectes des Bâtiments de France. Vous noterez, au passage, que nous sommes tous convaincus de l'importance du rôle des architectes des Bâtiments de France, mais il était plus qu'urgent d'ouvrir aux communes une voie de recours contre leurs décisions.
A ce propos, je vous rappelle que les services départementaux de l'architecture et du patrimoine se sont engagés depuis trois semaines dans un mouvement de revendication lié à la faiblesse de leurs moyens de fonctionnement et aux difficultés qu'ils rencontrent dans l'accomplissement quotidien de leurs missions. Ce mouvement a pris la forme d'un renvoi des dossiers de permis de construire et de permis de démolir au ministère ; aujourd'hui la moitié des services suivent cette action.
Une telle pratique pénalise fortement les pétitionnaires privés ou publics et risque, à court terme, de leur poser d'importants problèmes liés à l'allongement des délais d'instruction.
Que comptez-vous faire, madame la ministre, pour permettre à ces services un fonctionnement décent et pour ne pas pénaliser les autorisations d'urbanisme à un moment de reprise économique ? Les architectes des Bâtiments de France sont des hommes et des femmes responsables. Il ne s'agit en aucun cas d'un mouvement d'humeur.
Pourquoi, madame la ministre, n'avez-vous pas prévu d'accroître le nombre des représentants des collectivités locales dans les commissions régionales du patrimoine et des sites chargées de proposer une décision au préfet saisi de l'appel d'un avis de l'architecte des Bâtiments de France ?
J'observe que ces commissions, qui se substituent aux commissions régionales du patrimoine historique, archéologique et ethnologique, les COREPHAE, ont néanmoins une composition très voisine de celle de leurs devancières. Que n'avez-vous, madame la ministre, saisi l'occasion qui vous était offerte de renforcer le nombre des élus locaux dans ces commissions !
J'en viens à la question des ZPPAUP. Celles-ci sont destinées à définir des périmètres de protection de façon souple et adaptée. La création de ces zones est, de l'avis unanime, préférable à l'application de la loi sur le périmètre de visibilité applicable aux abords des édifices classés.
Le Gouvernement auquel vous appartenez s'emploie à introduire de la durabilité, si je puis reprendre à mon compte ce néologisme, dans tous les aspects de l'action publique. Hélas ! que ne consacrez-vous plus de crédits à la réalisation de ZPPAUP !
J'observe que l'accroissement des crédits consacrés à la qualité architecturale et aux études urbaines, qui passent de près de 17 millions de francs en 1999 à un peu plus de 20 millions de francs, pour l'ensemble du territoire, demeure largement insuffisant pour faire face aux besoins ressentis par les collectivités locales !
Mais ces préoccupations ne sont rien à côté de celles qui sont ressenties par tous les élus qui apprécient l'action que mènent les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement, les CAVE.
Depuis trois ans, plusieurs de mes collègues sénateurs et moi-même, de toutes convictions politiques, intervenons régulièrement pour souligner les problèmes rencontrés par ces associations dont l'action, en matière d'architecture, d'urbanisme et de conseil aux collectivités locales, est irremplaçable. Aucune des questions que nous vous avons soumises, à d'innombrables reprises, n'a trouvé de réponse.
En matière financière, tout d'abord, je vous ai, madame la ministre, écrit la lettre que voici (l'Orateur montre une lettre au ministre), par laquelle je vous demandais les mesures que vous entendiez prendre pour le CAUE de mon département. Elle est restée sans réponse depuis le 26 août dernier ! Ma préoccupation ne se limite d'ailleurs nullement à ce département.
Ainsi, j'ai vainement cherché, dans le document budgétaire établi par vos services, le montant de la subvention destinée à la rétribution des vacations effectuées par les architectes consultants. Ceux-ci délivrent un conseil de façon gratuite et sont consultés de plus en plus souvent par les personnes ou les petites communes désireuses d'obtenir une aide en amont de tout permis de construire ou de toute déclaration de travaux.
J'observe, en outre, que la question de la légalité des conventions conclues par certaines collectivités locales avec les CAUE, à titre onéreux, est enfin tranchée depuis huit jours. Il subsistait une divergence d'interprétation de la notion de gratuité, qui figure dans la loi sur l'architecture de 1977 fixant le régime applicable aux CAUE.
En la matière, l'Etat semble en contradiction avec lui-même, puisque les trésoriers-payeurs généraux appliquaient la loi précitée selon leur bon plaisir.
Une autre question non résolue tient à l'évolution du mode de financement des CAUE. Ceux-ci attendent la convention type agréée par le ministère des finances pour signer éventuellement des contrats avec les collectivités locales.
De l'avis général, le montant de la taxe prélevée par les départements reste insuffisant pour satisfaire les besoins des CAUE. En outre, dans certains départements, le montant recouvré ne correspond pas au montant liquidé, faute de procédures de mise en recouvrement efficaces. Toutes ces questions restent, pour nous, sans réponse.
Or, voilà un an, vos services nous avaient assurés que ces questions seraient résolues par le vote de la loi relative à l'architecture actuellement en préparation. Où en est ce texte ? Quand nous sera-t-il soumis ?
Madame la ministre, le transfert de l'architecture au ministère de la culture avait, voilà quatre ans, suscité de grands espoirs. Aujourd'hui, il nous faut constater, non sans amertume, qu'aux grandes espérances ont succédé les ambitions anéanties, les illusions perdues et les promesses non tenues.
M. le président. La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. « Un jour viendra où le laboureur pourra être aussi un artiste, sinon pour exprimer, du moins pour sentir le beau », écrivait George Sand.
Depuis votre arrivée rue de Valois, madame la ministre, vous avez fait de la démocratisation de l'accès à la culture votre préoccupation majeure. Votre budget pour 2000 traduit pleinement « votre ambition politique d'une culture mieux partagée, dans la pluralité de ses expressions, par l'ensemble de nos concitoyens », selon vos propres termes.
Après quatre ans d'immobilisme et de régression, entre 1993 et 1997, où le ministère de la culture avait été amputé de 20 % de ses financements, votre budget, madame la ministre, est en augmentation pour la troisième année consécutive. Il progresse de 2,1 % par rapport à l'an dernier, soit deux fois plus que la hausse des dépenses de l'Etat prévue pour l'an 2000. La culture est bien l'une des priorités de ce gouvernement, qu'il s'agisse de préserver notre héritage culturel, de soutenir nos créateurs et, surtout, d'élargir le cercle des publics.
Cela ne date pas d'hier, les pratiques culturelles sont loin d'être accessibles au plus grand nombre. Depuis plus de vingt-cinq ans, toutes les analyses du département des études et de la prospective du ministère de la culture convergent dans le même sens. Elles révèlent que la composition sociologique du public n'évolue quasiment pas, même si la fréquentation des lieux culturels est en légère augmentation.
Alors que seulement un Français sur trois est entré au moins une fois dans un musée en 1997, contre un sur quatre en 1973, le profil des visiteurs reste peu diversifié. Ainsi, 33 % des ouvriers, 21 % des employés, 25 % des « laboureurs » (Sourires), n'ont jamais visité un musée au cours de leur vie. Quant au public du théâtre, il est composé à 65 % de cadres supérieurs et d'étudiants. En fait, il apparaît que ceux qui vont déjà au théâtre et au musée y sont allés un peu plus dans les dernières années, sans que les publics s'élargissent vraiment.
Les freins à la démocratisation de la culture sont bien connus. Les grandes orientations de ce budget y apportent des solutions.
Premier frein : l'accès aux oeuvres de l'esprit requiert un solide bagage éducatif et culturel. Pour celui qui se sent dépourvu de connaissances ou de références, le théâtre, le musée ou le monument historique est considéré, au mieux, comme une « institution éducative », au pire, comme le lieu d'une « culture élitiste », qui se dérobe nécessairement à lui.
L'accès véritable à l'oeuvre d'art, source de tous les plaisirs, nécessite une formation de la sensibilité dès le plus jeune âge et tout au long de la vie.
Vous l'avez bien compris, madame la ministre, et nous ne pouvons que saluer les 17 millions de francs supplémentaires émanant de la délégation au développement et à l'aménagement du territoire qui seront consacrés à l'enseignement artistique à l'école, en étroite collaboration avec le ministère de l'éducation nationale.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que seulement 3 % des publics scolaires bénéficient actuellement d'un enseignement artistique ! Néanmoins, si nous souhaitons inscrire une telle action dans la durée, je crois qu'il faudra renforcer, à l'avenir, les crédits d'investissement de cette délégation, qui sont en baisse de 33 % cette année !
Pourrez-vous par ailleurs, madame la ministre, nous préciser les mesures que vous comptez prendre pour soutenir les pratiques amateurs ? Il n'est pas normal que, dans une ville comme Paris, de jeunes compagnies non professionnelles ou des ateliers de théâtre aient autant de difficultés pour trouver des lieux de répétition et des salles où se produire.
Le deuxième frein est économique.
Il est certain que le coût élevé des places ou des droits d'entrées ne facilite pas l'accès des familles les plus modestes à la culture. C'est pourquoi nous ne pouvons que saluer la politique tarifaire que vous engagez cette année.
L'entrée sera libre pour tous dans les cent monuments nationaux et dans les trente-trois musées nationaux le premier dimanche de chaque mois. Les moins de dix-huit ans bénéficieront en plus d'une entrée gratuite tous les jours de l'année dans les cent monuments nationaux. Chaque jeudi, la place de théâtre sera fixée à 50 francs dans les cinq théâtres nationaux : la Comédie-Française, l'Odéon, la Colline, Chaillot et le Théâtre national de Strasbourg.
A ceux qui douteraient de l'opportunité d'une telle politique, j'opposerai l'expérience réussie du premier dimanche gratuit au Louvre. Les enquêtes ont montré que la fréquentation a augmenté de 70 % et que les ouvriers, les employés, les cadres moyens sont trois fois mieux représentés ce jour-là. Par ailleurs, 44 % des visiteurs nationaux ont déclaré qu'ils ne seraient pas venus sans la gratuité.
Le dernier frein est la distance géographique.
Il faut rapprocher la culture de tous les citoyens ! Jean Vilar le constatait dès 1970 : « La culture, ce n'est pas seulement le Louvre et l'Opéra, le Panthéon ou la Bibliothèque nationale, l'architecture ou la direction des lettres. C'est d'abord, le long, le délicat, le studieux recensement des besoins culturels de chacun et aussi bien celui du paysan des villages perdus que celui de l'ouvrier des villes. »
Plus un établissement est éloigné du lieu d'habitation, moins un public peu coutumier des sorties culturelles fera l'effort de s'y rendre.
Les pionniers de la décentralisation culturelle considéraient que, puisque les citoyens ne vont pas d'eux-mêmes à l'art, c'est à l'art d'aller à leur rencontre. Jean Vilar, Louis Jouvet, Jacques Copeau, Jean Dasté, et bien d'autres parcouraient les routes de France en direction de tous les publics.
Une nouvelle étape sera donc franchie en l'an 2000 dans le rééquilibrage des activités culturelles entre Paris et la province. C'est ainsi que 563 millions de francs seront consacrés à la sauvegarde et à la construction des lieux culturels de la capitale, contre 540 millions de francs à la province.
Par ailleurs, les subventions en région augmenteront de 25 %, notamment pour la restauration des monuments historiques appartenant, pour l'essentiel, aux collectivités locales. Tout cela est nécessaire. Néanmoins, en tant que sénatrice de Paris, je ne peux pas oublier les chantiers parisiens, pour lesquels l'Etat devra d'autant plus intervenir que la Ville de Paris s'en désintéresse.
Cette année, les budgets que les collectivités locales consacreront à la culture dépasseront nettement ce que l'Etat investit. Cette saine émulation ne trouve malheureusement pas d'écho dans la plus grande ville de France !
Les travaux Garnier, au Palais de Chaillot et au Grand Palais sont en bonne voie d'achèvement, mais des incertitudes - c'est un euphémisme ! - pèsent sur la destination de ce dernier bâtiment.
Par ailleurs, la situation est particulièrement alarmante pour l'Orchestre de Paris, qui ne dispose toujours pas d'un lieu à la mesure de son talent. Certes, la salle Pleyel sera bientôt classée, mais les mélomanes savent bien que son acoustique n'est pas des meilleures. Aucune ligne budgétaire n'est prévue pour la réalisation d'un auditorium de 2 000 places à la Cité de la musique. Quand verra-t-on, madame la ministre, la construction d'une véritable salle de concert à Paris ?
Quant à la Gaîté lyrique, il n'est pas certain que la mairie de Paris saura faire le meilleur usage de cette somptueuse salle, laissée à l'abandon depuis dix ans. Peut-on envisager la création d'un lieu multiculturel, une sorte de Maison de la culture du troisième millénaire ? J'ai reçu des comédiens qui seraient prêts à se lancer dans cette aventure. Vous nous direz peut-être, madame la ministre, si vous êtes prête à étudier ces propositions.
Je ne peux clore ce chapitre sans évoquer la multiplication des salles multiplexes. Sur les 206 nouvelles salles ouvertes en 1998, 124, c'est-à-dire 60 % sont des multiplexes. Ce phénomène menace la survie des salles indépendantes, des cinémas d'art et d'essai, qui savent encore prendre des risques ; surtout, il amplifie la domination du cinéma américain en salle.
Il me semble, à l'unisson de M. le rapporteur, Marcel Vidal, que les commissions départementales ne sont pas forcément le bon échelon de décision pour assurer le meilleur équipement culturel du territoire. Par ailleurs, on pourrait peut-être envisager d'imposer des obligations de programmation d'oeuvres françaises et européennes lors de la délivrance des autorisations. Vous venez, madame la ministre, de confier une mission sur ce sujet. Peut-être pourrez-vous nous préciser ce que vous en attendez.
Au-delà des équipements, madame la ministre, votre ambition de démocratisation de la culture s'appuie sur une gestion plus saine et plus transparente du service public. Un certain nombre de problèmes, en suspens depuis plusieurs années, sont en bonne voie d'être résolus. Vous avez obtenu la création de 295 postes, en l'an 2000, pour résorber l'emploi précaire contre seulement deux postes en 1999. Ils permettront sans doute d'améliorer l'accueil dans les musées et à la Bibliothèque nationale de France.
Votre charte des missions de service public pour le spectacle vivant est en application cette année. Elle permettra à l'Etat de mieux contrôler les institutions et les compagnies qui reçoivent des subventions publiques. En effet, leur responsabilité n'est pas seulement artistique et citoyenne, elle est aussi financière.
J'ai toujours défendu le projet artistique de Stanislas Nordey au théâtre Gérard-Philipe : des places de spectacle à 50 francs, une programmation très riche en oeuvres contemporaines, un festival de compagnies tout au long de l'année. Je reste convaincue que son théâtre citoyen et populaire est emblématique d'une politique de démocratisation de la culture.
En revanche, je ne crois pas que l'Etat puisse cautionner un déficit de près de 10 millions de francs en l'espace de seulement deux ans ! Je ne crois pas non plus qu'il faille en déduire que le ministère de la culture sous-estime totalement les moyens de sa politique et que la démocratisation n'est qu'un idéal hors de portée !
Je pense, au contraire, qu'il faut définitivement mettre un terme à ces pratiques qui consistent à dépasser systématiquement le budget établi en concertation avec l'Etat et les collectivités territoriales. On en connaît trop les effets : les acteurs publics se retrouvent, quelques mois plus tard, pris en otage ! Oui, l'art est inestimable et les artistes « se situent rarement du côté raisonnable et comptable de l'Etat », comme l'a déclaré récemment Jean-Pierre Vincent. Mais n'oublions pas que ce qui est accordé à l'un est toujours retiré à l'autre !
Il est très important d'augmenter régulièrement les crédits d'intervention comme vous le faites ; ils sont le coeur même de l'action du ministère en faveur des artistes et des créateurs. Entre 1998 et 2000, ils auront progressé de 13,1 % et les deux tiers de ces crédits seront déconcentrés.
Comme l'an dernier, le spectacle vivant bénéficie d'une priorité, avec 80 millions de francs de mesures nouvelles. Je souhaite vivement que cette manne soit répartie le plus équitablement possible.
L'action engagée en faveur des arts de la rue, du cirque ou des musiques actuelles sera poursuivie, avec 20 millions de francs de mesures nouvelles.
La danse, discipline longtemps négligée par rapport au théâtre et à la musique, sera mieux prise en compte cette année.
Il faut aussi veiller à donner une chance à toutes les formes d'initiatives dans notre pays. Je salue, au passage votre réforme du financement des compagnies dramatiques. La généralisation de l'aide au projet permettra sans doute de soutenir un plus grand nombre de créations. En 1999, 1500 compagnies de théâtre se sont déclarées professionnelles et 624 ont été soutenues par le ministère.
Leur situation, vous le savez, est souvent difficile. La plupart doivent faire appel à de nombreux coproducteurs pour réunir l'argent nécessaire à une création. Dans les années soixante-dix, des directeurs de compagnie comme Jean-Pierre Vincent ou Georges Lavaudant savaient qu'ils auraient à terme des moyens accrus et la possibilité d'entrer dans l'institution. Il semble que cela ne soit plus le cas actuellement.
Si nous voulons toujours créer des oeuvres d'aujourd'hui destinées à un public d'aujourd'hui, il est certainement nécessaire d'augmenter durablement les crédits d'intervention, mais également de favoriser le renouvellement des talents à la tête des institutions. Vous avez peut-être commencé à explorer quelques pistes, madame la ministre.
Ce budget va permettre d'inscrire durablement dans le paysage culturel français de nouvelles pratiques.
Des solutions concrètes sont mises en oeuvre pour toucher cette frange de Français désignée souvent comme le « non-public » et qui demeure totalement démunie par rapport à toutes les formes d'art.
Enfin le ministère de la culture se dote de règles écrites qui permettront de clarifier les relations entre l'Etat et tous les acteurs culturels afin de mieux soutenir la création sous toutes ses formes et de se tenir à l'écoute des aspirations en perpétuelle mutation de nos publics.
La culture est redevenue une priorité de l'action gouvernementale.
Le groupe socialiste, madame la ministre, votera avec plaisir ce budget. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Maman.
M. André Maman. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en 2000, le budget du ministère de la culture, que le Sénat est appelé à examiner aujourd'hui, s'élèvera à 16,39 milliards de francs. Il augmente donc, par rapport aux crédits inscrits dans la loi de finances initiale pour 1999, de 329 millions de francs, soit de 2,1 %, hors réserve parlementaire, et de 369 millions de francs, soit de 2,4 %, si l'on tient compte de celle-ci. Nos excellents rapporteurs l'ont déjà mentionné, mais je tenais à le rappeler.
Cette progression est supérieure à l'évolution générale du budget de l'Etat, même si l'objectif de 1 % annoncé par le Premier ministre dans son discours d'investiture n'est toujours pas atteint. Il nous faut tout de même reconnaître que l'évolution des crédits de 1997 à 2000 est assez substantielle puisque, avec un peu plus de 1,5 milliard de francs, elle représente environ 10,5 %.
Le budget met l'accent sur les crédits d'intervention, tout en prévoyant un accroissement sensible des crédits de fonctionnement afin de résoudre le problème des emplois précaires.
Le projet de budget sur lequel nous sommes appelés à nous prononcer est assez contrasté. En effet, s'il comporte indéniablement un certain nombre de points positifs, il reste néanmoins marqué par un certain nombre de zones d'ombre qui auraient pu être évitées.
Au titre de l'investissement, j'estime que les efforts sont louables. Je souscris à vos choix de priorités, madame la ministre. En effet, la démocratisation culturelle est importante, voire vitale.
Mais, à mon sens, tout commence à l'école. Si les laboureurs ou les ouvriers ne fréquentent pas les musées, c'est parce qu'ils n'y ont pas été invités quand ils étaient jeunes. C'est à ce niveau que le travail n'est pas assez bien fait. On veut mettre la charrue avant les boeufs.
Il est nécessaire - j'y reviens - d'élargir les lieux d'accès de la culture. Les mesures prises répondent à cet objectif.
Par ailleurs, sur le plan de la déconcentration, vous faites, là encore, oeuvre utile. Les interventions déconcentrées du titre IV progressent de 5,7 %. Au total, les crédits relatifs à la réalisation d'équipements culturels dans les régions feront désormais jeu égal avec ceux qui sont consacrés aux équipements culturels nationaux. J'espère que cette tendance se confirmera dans les années à venir, car certaines grandes métropoles régionales demeurent encore sous-équipées, et les petites et moyennes villes ont trop longtemps été négligées.
Quant au monde rural, il faut souligner qu'il est totalement ignoré,...
M. Louis de Broissia. C'est vrai !
M. André Maman. ... alors qu'il souhaiterait de plus en plus bénéficier d'une véritable politique culturelle.
J'espère, madame la ministre, que vous n'oublierez pas, en concertation avec M. le ministre des affaires étrangères, les nombreuses associations culturelles françaises de l'étranger, qui effectuent, dans des circonstances souvent difficiles, un travail remarquable de défense et de promotion de la culture française.
M. Jean Chérioux. Très bien !
M. André Maman. Ce sont les meilleurs agents de la francophonie, les sénateurs des Français établis hors de France ne cessent de le rappeler. Au total, 1 800 000 de Français sont installés à l'étranger. C'est l'arme la plus utile dont nous disposions. A Seattle, dans cet enfer de Dante, vit une magnifique communauté française, avec deux petites écoles françaises et une représentation de l'Alliance française. Si l'on pensait à eux de temps en temps, nous en serions très satisfaits.
En ce qui concerne la gestion des personnels, votre projet de budget, madame la ministre, témoigne de votre volonté de traiter du problème des emplois précaires. Ces derniers représentent près de 10 % des personnels du ministère. Il faut dire que la situation n'était plus tenable. Les fermetures des musées nationaux pour cause de grève ont largement porté atteinte à l'image de la France auprès des touristes étrangers. La direction des musées de France a estimé à 16 millions de francs le coût de ces grèves.
Au rang des satisfactions, je soulignerai encore que le projet de budget pour 2000 prévoit une création nette de cent emplois et assure le transfert de cent quatre-vingt-quinze emplois de personnels non titulaires du budget du ministère sur celui des établissements publics dans lesquels ils étaient effectivement employés. Au total, ce sont deux cent quatre-vingt-quinze emplois nouveaux qui seront dégagés pour les effectifs propres du ministère, alors que les établissements publics bénéficieront, eux, de soixante-dix-neuf créations de postes. Il s'agit là d'une orientation favorable qui demandera à être consolidée dans les prochains budgets puisqu'en 2000 seuls 20 % des emplois précaires bénéficieront d'une consolidation. La résorption sera bien longue !
J'en termine avec les satisfecit. Vous avez pris conscience du retard de notre pays dans le domaine de l'enseignement artistique.
Vous augmentez donc de 53 millions de francs les crédits d'intervention du titre IV consacrés à ces enseignements. Ces crédits supplémentaires doivent permettre d'améliorer les conditions de vie et de travail des étudiants, de renforcer la qualité des enseignements spécialisés, l'architecture notamment, sans oublier les étudiants français résidant à l'étranger.
Car c'est toujours le même problème : on a tendance à oublier, au-delà des départements et des territoires d'outre-mer, le troisième cercle que représentent les Français à l'étranger. Ce prolongement des actions devrait être naturel, et je compte sur vous, madame la ministre, pour que cette prise de conscience ne se limite pas au seul exercice budgétaire de cette année ! Il vous faudra pérenniser cet effort.
J'attire maintenant votre attention sur les ombres et les regrettables impasses de votre budget.
Les crédits destinés au patrimoine évoluent dans des proportions bien modestes. Je regrette aussi que la Fondation du patrimoine, mise en place par votre prédécesseur, ne soit pas prolongée. Elle permettrait pourtant de valoriser des monuments souvent tenus à l'écart du budget de l'Etat.
Là encore, il ne faudrait pas oublier les monuments français qui se trouvent dans les pays étrangers où se sont installées des communautés françaises et dans les pays où la France a été longtemps présente. Je pense, par exemple, parmi les comptoirs français de l'Inde, à Pondichéry ; aux établissements et aux installations vinicoles des huguenots en Afrique du Sud, près du Cap ; au magnifique ensemble du fort de Louisbourg, en Nouvelle-Ecosse, au Canada ; aux établissements alsaciens et lorrains en Algérie, avec les cigognes, les toits alsaciens qui sont si touchants ; aux comptoirs établis par les explorateurs au Canada et dans le Midwest jusqu'à la Louisiane, en passant par l'Ohio et le Mississippi ; je pense, enfin, à l'île Maurice.
Par ailleurs, les crédits d'entretien des monuments classés ne bénéficient que de maigres augmentations. Je vous rappelle que les estimations font état d'un besoin de 20 millions à 30 millions de francs supplémentaires pour assurer le maintien en l'état des bâtiments. Votre budget, madame la ministre, en prévoit dix fois moins.
Sans doute, le budget pharaonique de la Bibliothèque nationale de France, dont on a déjà parlé, trois fois supérieur à celui du Louvre, pour des résultats que l'on peut vraiment juger comme ubuesques, vous a empêchée d'abonder ces crédits indispensables à toute politique culturelle digne de ce nom. Nous le regrettons d'autant plus que le fonctionnement de la BNF ne semble toujours pas satisfaisant, malgré les efforts consentis.
Une autre de mes inquiétudes concerne les crédits d'acquisition. Comme en 1999, ils sont vraiment sacrifiés en 2000. La plupart des directions voient les crédits qui leur ont été alloués maintenus au niveau de 1999, voire de 1998. La dotation de la délégation aux arts plastiques est même réduite de plus d'un million de francs. Celle de la direction des Musées de France demeure insuffisante, même si elle a été accrue de près de 8 millions de francs ces trois dernières années. Mais comment pourra-t-elle faire face aux besoins d'enrichissement des collections déjà existantes et à la nécessité de constituer celles du nouveau musée des arts et civilisations et celles de la Maison du cinéma ?
Au total, le budget de la direction des Musées de France diminue de 7,52 %, les dépenses ordinaires baissent de 2,19 % et les autorisations de programme s'effondrent de 17,72 %. L'explication de cette chute réside naturellement dans la diminution des dépenses liées aux grands travaux. Mais n'aurait-t-on pas pu affecter ces sommes à d'autres opérations de la direction des Musées de France ?
A propos de l'art lyrique, j'évoquerai la grave crise que traverse l'Opéra-Comique. Privée de budget artistique, sans orchestre permanent, sans atelier de décors et de costumes, la salle Favart se heurte à une réalité économique, qui est de produire de l'opéra sans subventions, et à une réalité artistique, puisque son répertoire est présenté dans quatre autres salles parisiennes. La subvention allouée par le ministère de la culture est largement insuffisante pour maintenir l'Opéra-Comique en état de marche. Comment la prochaine saison pourra-t-elle débuter dans ce contexte, alors que la salle nécessite d'importants travaux de sécurité ?
Votre responsabilité, madame la ministre, est engagée dans ce dossier. Il vous faudrait débloquer 12 millions de francs pour apurer le déficit, faire passer la subvention de 28 millions à 43 millions de francs, et procéder à 100 millions de francs de travaux. Voilà une facture bien lourde ! Mais la question est bien simple : voulez-vous, oui ou non, sauver la salle Favart ?
Permettez-moi aussi de vous faire part d'autres inquiétudes. Le Grand Palais est fermé depuis six ans. Sa restauration n'a toujours pas dépassé le stade des études. Espérons que les 30 millions de francs en autorisations de programme prévus dans le budget pour 2000 seront correctement utilisés !
Ensuite, le Palais de Tokyo, qui devait accueillir le musée et l'école du cinéma, verra s'installer un centre de la jeune création française. Les tergiversations sur ce dossier ont déjà coûté 30 millions de francs !
Madame la ministre, j'attends que vous nous apportiez des précisions sur vos intentions.
Malgré ces critiques, auxquelles je vous sais très attentive, j'estime que votre budget témoigne d'un effort de rigueur. C'est pourquoi mes collègues du groupe de l'Union centriste et moi-même le voterons.
M. le président. La parole est à M. de Broissia.
M. Louis de Broissia. Madame la ministre, vous présentez au Parlement un budget que vous qualifiez de prioritaire dans l'ensemble du projet de loi de finances pour 2000. Nous sommes, je crois, tous, convaincus de l'importance des crédits alloués à la culture.
Ainsi, comme l'ont dit mes collègues avant moi, en particulier MM. les rapporteurs, ce budget représentera, pour 2000, 0,98 % des charges nettes de l'Etat, contre 0,967 % en 1999. Je n'ai pas le fétichisme du 1 %. Il atteindra 16 milliards de francs, avec une progression de 369 millions de francs, c'est-à-dire qu'il connaîtra une hausse non négligeable de 2,1 % par rapport à l'année dernière.
Reconnaissons-le objectivement : ces chiffres sont satisfaisants et les axes directeurs de votre budget permettront, pour une part, la démocratisation de la culture. Permettez-moi donc de me réjouir, dans un premier temps, de certaines de ces orientations qui vont dans le bon sens, c'est-à-dire dans le sens de l'élargissement, que nous souhaitons tous, et de l'amélioration de l'accès à la culture, notamment pour les jeunes.
Certains oublis ne manquent pas de m'inquiéter et, avec moi, bon nombre de mes collègues. J'en parlerai dans un second temps.
J'aborderai, tout d'abord, les mesures globalement positives de ce budget.
Je voudrais, après d'autres, souligner l'extension de la gratuité du dimanche à l'ensemble des musées nationaux, la gratuité pour les monuments historiques pour les jeunes de douze à dix-huit ans, la mise en place d'un tarif unique, le jeudi, de cinquante francs dans les cinq théâtres nationaux, l'alignement du régime des bourses des étudiants des écoles d'art et des écoles d'architecture sur celui de l'éducation nationale, etc.
De même, vous développez - c'est un point qui me semble positif sur le plan budgétaire - les enseignements artistiques. Vous mettez l'accent sur le soutien à la création et vous accordez 80 millions de francs supplémentaires au spectacle vivant.
Néanmoins, nous nous interrogeons, madame la ministre : si le passage à la société de l'information - et la culture, l'art, passera, passe, par la société de l'information, par le multimédia - si ce passage, disais-je, reste encore extrêmement décevant, la poursuite, en 2000, du programme d'accès à Internet, avec les 130 centres culture-multimédia, ne peut être que saluée, mais le maintien de ce programme était un minimum.
On peut constater que les subventions d'investissement à des maîtres d'ouvrage locaux pour la rénovation ou la construction d'équipements culturels locaux seront augmentées, avec une priorité, que je salue, accordée aux archives départementales et municipales, aux musées classés et contrôlés, aux équipements de spectacle.
Voilà donc bien des points positifs. Mais les efforts affichés par votre budget sont-ils tous aussi satisfaisants qu'ils le paraissent ? J'en doute.
Votre budget mérite également d'être abordé sous l'angle des interrogations ; c'est le rôle de la majorité sénatoriale, c'est le rôle d'un élu représentant l'opposition nationale.
L'enthousiasme me fait donc un peu défaut ; vous allez comprendre pourquoi.
L'an dernier, lors de l'examen des crédits consacrés à la culture, je vous avais interrogé, madame la ministre - je n'étais pas le seul - sur le problème de la précarité des emplois relevant de votre ministère. Nous avions reçu, à l'époque, les représentants des personnels, qui nous avaient fait part avec vivacité du malaise existant : résorption insuffisante des vacations, sous-effectif chronique, bref, lâchage du Gouvernement ; il avait bien fallu défendre l'intérêt national.
Depuis, des grèves sont intervenues - il faut le rappeler - en fin d'année 1998, au printemps 1999. Ces manifestations se sont terminées - espérons-le, définitivement - avec l'adoption d'un protocole qui inscrit la solution du conflit dans un plan pluriannuel. Comme l'a dit en substance l'excellent rapporteur M. Gaillard, d'ici à cinq ans, la situation de près de 2 000 salariés sera régularisée, tandis que 500 vacataires au contrat de travail de moins de dix mois verront ces contrats renouvelés.
Mme la ministre - ce chiffre a déjà été évoqué par d'autres - si votre budget prévoit la création de 295 emplois et si vous dites vouloir lutter contre la précarité, nous souhaiterions cependant avoir des garanties. Quant à la résorption effective de ces postes précaires, nous attendons que des mesures soient prises et que vous nous en précisiez la teneur. Un encadrement rigoureux de l'embauche des vacataires doit être mis en place. Permettez-moi de dire que la presse le souligne aujourd'hui : « Emplois précaires, l'Etat négrier ! ». Je l'ai lu dans le train en venant de chez moi. Telle est ma première interrogation.
Ma deuxième interrogation porte sur l'importance que revêtent les crédits consacrés au patrimoine. A cet égard, je ne serai pas non plus le premier à vous interroger, mais je me permettrai d'insister et d'enfoncer le clou.
La diminution des crédits d'investissement du patrimoine consacrés aux opérations sur les palais nationaux, l'achèvement de certains grands travaux, en particulier parisiens, vont permettre le soutien à la réalisation d'équipements culturels dans les régions et ce que vous appelez le renforcement du maillage du territoire et des zones urbaines en équipements de qualité.
Sur ce sujet, permettez-moi de vous interroger sur l'affectation de ces crédits et sur leur durée.
Permettez-moi également de mettre en évidence la très faible part des crédits consacrés à la restauration du patrimoine, même si la diminution des sommes allouées aux monuments appartenant à l'Etat va permettre, heureusement, le renforcement des concours à l'investissement pour la restauration des nombreux monuments appartenant à des collectivités locales.
La volonté officiellement marquée - mais quel est le ministre qui ne l'a pas revendiquée ? Et j'en ai connu quelques-uns ! - d'engager un certain rééquilibrage Paris-province et le caractère volontariste que vous prétendez insuffler à cet effort ne sont pas tout à fait crédibles.
En effet, ce qui peut sembler être un effort accru de votre part - ce rééquilibrage tant attendu - n'est dû, en fait, qu'à ce que M. le rapporteur Gaillard appelle, fort justement, « un jeu de bascule ».
Cet effort de votre ministère est avant tout permis par un mécanisme, sûrement astucieux, de vases communicants qui arrange la lecture du budget.
Mais jusqu'à quand ? Pour combien de temps ? Permettez-moi de vous poser ces questions.
De même, le renforcement des concours à l'investissement pour la restauration des monuments n'appartenant pas à l'Etat sera-t-il durable ?
Vous le savez, madame la ministre, la charge des coûts que représentent pour les collectivités locales la préservation, la restauration, la protection du patrimoine local est considérable.
Nous sommes tous ici attachés, comme nos concitoyens, bien sûr, aux cathédrales, mais aussi aux églises, aux lavoirs, aux édifices historiques qui s'élèvent dans nos régions, nos départements, nos communes.
Les collectivités locales, dont le Sénat assure en tout premier lieu la représentation, ont souvent du mal à budgétiser ces dépenses. Je le répète, mais d'autres l'ont dit avant moi, notamment M. Maman, votre budget en ce qui concerne le patrimoine rural est insatisfaisant.
Enfin, ma troisième et dernière question porte sur la question des fouilles archéologiques préventives.
Je vous ai déjà interrogé à plusieurs reprises sur cette question, notamment lors de votre audition par la commission des affaires culturelles. Permettez-moi de vous dire, madame la ministre, que vos réponses ne m'ont pas encore totalement convaincu. Je ne demande pourtant qu'à l'être.
Les fouilles préventives qui doivent être effectuées avant certains travaux d'urbanisme engendrent, par l'ampleur du chantier mis en place, des problèmes non seulement en termes de délais mais également, surtout et de plus en plus, en termes de coûts pour les collectivités locales qui en ont la charge.
Il serait intéressant de connaître précisément et la part consacrée à ces chantiers par les collectivités et la part engagée par l'Etat. Cette dernière est, nous devons en convenir, beaucoup trop modeste. Comptez-vous y remédier ?
Je m'interroge d'ailleurs - et je l'ai dit en commission - sur l'absence de consultation publique qui prévaut dans le cadre des marchés publics en ce qui concerne les fouilles archéologiques préventives. J'espère que vous m'éclairerez sur cet aspect des fouilles.
Pour conclure, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je dirai que le groupe du RPR du Sénat manifeste son attachement à une véritable politique nationale culturelle. Mais une politique nationale concerne 60 millions de Français et non pas 1 million ou 10 millions, je dis bien 60 millions, c'est-à-dire les habitants des 36 000 communes, des 102 départements et assimilés et des 22 régions.
Puisse la discussion budgétaire qui est engagée nous convaincre d'adopter votre budget madame la ministre ! (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Vidal.
M. Marcel Vidal. Madame la ministre, le budget que vous présentez devant le Sénat traduit un engagement essentiel en faveur de la culture, avec la claire ambition qu'elle soit mieux partagée par l'ensemble des citoyens, mais également mieux répartie sur l'ensemble du territoire national.
L'augmentation de 2,1 % par rapport à la loi de finances pour 1999, soit deux fois plus que la progression moyenne des dépenses de l'Etat, lui confère un « label » de budget prioritaire.
Ainsi, vous proposez d'atteindre, d'ici à la fin de cette législature, l'objectif de 1 % posé par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale.
Nous nous en félicitons, en gardant à l'esprit les mesures fortes qui accompagnent l'exposé de votre budget, notamment la politique tarifaire visant à favoriser l'accès aux théâtres, musées et monuments, ainsi que l'effort constructif que vous poursuivez en matière de déconcentration des crédits dans les régions.
Madame la ministre, j'appellerai votre attention sur trois sujets d'actualité dans nos collectivités locales : la valorisation du patrimoine, la restauration des oeuvres d'art et, enfin, le développement de la musique et de la facture d'orgue.
Avec 11,5 millions de visiteurs en 1999 comme en 1998, le succès d'affluence que connaissent les Journées du patrimoine témoigne de l'intérêt accru du grand public pour les sites et les monuments historiques, pour ces lieux de mémoire qui sont le reflet de nos identités régionales et nationales, comme notre collègue Philippe Nachbar l'a dit dans son excellent rapport.
Ces manifestations conduisent à se familiariser davantage avec l'architecture, avec l'histoire de l'art et, surtout, avec l'histoire de sa région.
A plus long terme, la question posée aux collectivités territoriales est très simple : comment faire pour que les richesses dont disposent nos villes, nos communes puissent avoir un effet multiplicateur sur le plan économique ?
Une première réponse est de consolider la connaissance de ce patrimoine, grâce au travail préalable et indispensable de l'inventaire, réalisé en concertation avec les services des DRAC, directions régionales des affaires culturelles, dont il faut accroître les effectifs et améliorer les moyens d'intervention.
La seconde réponse consiste à engager des crédits pour la restauration de plus nombreux bâtiments, qu'ils soient déjà classés monuments historiques, inscrits à l'inventaire supplémentaire ou encore non protégés.
Enfin, la mise en place d'itinéraires de découvertes, de cycles de conférences et d'animations est un moyen intelligent pour réhausser le niveau des prestations offertes au public en matière de confort, d'accueil et de visite.
Un exceptionnel héritage patrimonial constitue, pour la France, un atout considérable sur la carte du tourisme en Europe.
Je citerai un chiffre extrait d'une étude publiée en 1998 par votre ministère : sur les 65 millions de touristes ayant visité notre pays, il est significatif que 20 % déclarent s'intéresser en priorité pendant leur séjour à l'éventail extraordinaire de nos richesses patrimoniales.
Ce débat budgétaire doit nous donner l'occasion, madame la ministre, de rappeler les dispositions prises en faveur de l'entretien et de la valorisation du patrimoine.
La baisse des crédits pour les « grandes opérations » permettra, en effet, d'augmenter l'enveloppe destinée aux restaurations de monuments historiques appartenant notamment aux collectivités locales.
Cette enveloppe enregistre une hausse de 59,6 millions de francs, soit une progression de 24 % par rapport à l'exercice précédent.
En outre, 11 millions de francs de mesures nouvelles en autorisations de programme bénéficieront à la relance des procédures concertées avec les collectivités locales, telles que la mise en oeuvre des zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, la détermination des secteurs sauvegardés et la réalisation d'études pour la mise en valeur des espaces publics.
A cet égard, les conservateurs du patrimoine sont aujourd'hui unanimes pour demander l'intégration des données du bâti ancien dans les politiques d'urbanisme.
A ce titre, on ne peut que souligner le rôle positif joué par les CAUE ; cela a été dit, qui sont un relais territorial majeur pour engager des réflexions innovantes, tout particulièrement en milieu rural.
J'observe cependant, madame la ministre, que les architectes des Bâtiments de France sont encore en nombre insuffisant pour suivre avec toute l'attention nécessaire les campagnes de réhabilitation engagées ici et là.
Pour l'essentiel, une nouvelle étape devrait être franchie et susciter progressivement chez les acteurs locaux une véritable culture patrimoniale si la pratique des conventions passées entre villes et départements s'étendait, demain, de façon significative à l'échelon des communautés de communes, les districts étant appelés à disparaître compte tenu de l'évolution de la loi en la matière.
Nous sommes convaincus que le volet culturel est une chance unique pour les projets de pays qui seront constitués dans le cadre de la future loi d'aménagement du territoire.
Madame la ministre, vous avez, de même, entrepris la réforme, très intéressante, de la gestion des subventions et de la programmation des restaurations, dont les directions régionales des affaires culturelles auront désormais la responsabilité.
Autre innovation : la création des fonds régionaux d'aide à la restauration, les FRAR, qui s'ajouteront aux crédits déconcentrés et seront financés à parité par l'Etat et les collectivités.
Là encore, évitons les saupoudrages et encourageons le développement des pôles d'excellence en mesure d'irriguer les bassins d'emplois locaux.
Dans cette perspective, la direction du patrimoine estime que, pour un million de francs investis dans une campagne de restauration, trois emplois sont créés.
Avant de conclure, j'indiquerai que la facture d'orgue mérite également d'être soutenue, dans le respect de ses compétences artisanales et dans la recherche de débouchés au-delà même de nos frontières.
Cette profession, qui relève de l'aménagement « musical » du territoire, notamment dans nos régions et nos départements, mérite notre total soutien. Cette démarche est aussi importante sur le plan culturel que sur le plan économique.
Nous nous félicitons du renforcement des crédits dégagés par votre ministère en direction des écoles nationales et des conservatoires régionaux de musique, en émettant le souhait que la musique d'orgue ne soit pas oubliée, mais bien au contraire encouragée et mise à l'honneur dans l'année où nous célébrons le centenaire du grand facteur d'orgue du xixe siècle Cavaillé-Coll.
Cette actualité n'est pas celle d'une élite citadine, car nombreux sont les concerts et festivals d'orgue qui se déroulent dans les arrière-pays.
Un effort en faveur des orgues s'impose vraiment. Je signale, par exemple, que plusieurs villes importantes n'ont pas d'orgue dans leur cathédrale : c'est le cas, entre autres villes, de Grenoble et Saint-Dié. Quant à l'orgue de la cathédrale de Lyon, sa qualité n'est pas à la hauteur de cette capitale des nations européennes.
Il reste donc encore beaucoup à faire pour dynamiser et entretenir la pratique de cet art. Nous y reviendrons ultérieurement, non seulement en commission des affaires culturelles, mais aussi au sein du groupe de travail relatif aux métiers d'art.
En définitive, madame la ministre, votre budget définit une approche à la fois généreuse et cohérente de la politique culturelle. Nous le voterons avec autant de fermeté que d'enthousiasme. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d'abord exprimer mes remerciements aux rapporteurs, qui ont analysé avec vigilance et exigence, à la lumière des exercices précédents, les propositions que je leur ai soumises.
Ils ont noté la cohérence de l'ensemble et relevé les progrès réalisés par rapport aux années passées ; leurs conclusions m'ont paru tout à fait encourageantes.
En effet, le projet de budget que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui permet de déceler ce qui a été entrepris depuis mon arrivée dans ce ministère, c'est-à-dire depuis le milieu de l'année 1997, à savoir le redressement des finances, la clarification du budget, la réalisation de certains transferts qui permettent de faire une priorité du rééquilibrage entre Paris et les régions, la majoration des budgets les plus faibles, le soutien au spectacle vivant, la mise en oeuvre d'options fondamentales comme la démocratisation et le développement de l'éducation artistique, de façon à toucher le plus grand nombre de Français.
Ce projet de budget pour 2000, après les budgets de 1998 et de 1999, permet de situer l'étape à laquelle nous sommes parvenus et de constater que ce que j'avais annoncé est aujourd'hui concrètement engagé.
Cette année encore, conformément à l'engagement pris par M. le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale d'un budget de la culture destiné à représenter 1 % du budget de l'Etat, un caractère prioritaire a été reconnu au budget de la culture.
C'est ainsi que, dans le présent projet de loi de finances, le budget de la culture augmente de 329 millions de francs, soit une progression de 2,1 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1999, ce qui correspond à un rythme plus de deux fois supérieur à la prévision d'évolution des prix à la consommation, qui constitue la norme de progression des dépenses de l'Etat pour 2000, à savoir 0,9 %.
De projet de loi de finances à projet de loi de finances, comparaison qui donne une mesure plus exacte de l'évolution des moyens dont est doté mon département ministériel, le budget de la culture augmente de 369 millions de francs, soit 2,4 %, par rapport à 1999.
En 2000, le budget de la culture représentera ainsi 0,968 % des charges nettes de l'Etat, ou encore 0,98 % de ces mêmes charges selon la structure de 1998 du budget général de l'Etat. Il atteindra 1 % au cours de cette législature, comme cela a été annoncé.
Mais, au-delà de ces chiffres globaux, c'est sur la traduction budgétaire de la politique culturelle que je conduis que je souhaite m'exprimer devant vous, tout en répondant à vos interrogations.
Le projet de budget de la culture pour 2000 comporte trois avancées majeures : un soutien mieux affirmé à la création artistique sous toutes ses formes ; une meilleure distribution de l'offre culturelle sur l'ensemble du territoire ; un élargissement de l'accès aux lieux de culture.
Il va tout d'abord permettre la mise en oeuvre des mesures tarifaires destinées à élargir l'accès aux lieux de culture, mesures que j'ai annoncées en juin dernier lors d'une communication en conseil des ministres sur la démocratisation des pratiques culturelles.
Il s'agit de l'extension à l'ensemble des musées nationaux de la gratuité d'accès le premier dimanche de chaque mois - elle était jusque-là limitée au seul musée du Louvre - de l'extension aux jeunes de douze à dix-huit ans de la gratuité d'accès aux monuments nationaux, de l'application aux monuments nationaux, depuis le 1er octobre dernier, de la gratuité d'accès le premier dimanche de chaque mois, d'octobre à avril compris, et enfin du tarif unique à 50 francs le jeudi dans les cinq théâtres nationaux.
Je n'ai certes pas la naïveté de croire que ces mesures tarifaires se suffisent à elles-mêmes. Pour être pleinement efficaces, elles devront s'accompagner d'actions de sollicitation des publics, tout particulièrement des publics de proximité, qui ont trop souvent été négligés alors qu'ils constituent une cible prioritaire de la démocratisation culturelle, et cela en application de la charte des missions de service public. Les établissements publics du ministère de la culture et de la communication doivent faire preuve de volontarisme à cet égard. Il devront se montrer plus actifs, et j'y veillerai.
La question tarifaire méritait d'être posée. D'ores et déjà, j'observe que les premiers dimanches gratuits dans les monuments nationaux ont conduit à des résultats très favorables.
Le projet de budget de la culture pour 2000 va, par ailleurs, permettre un renforcement de l'action du ministère de la culture et de la communication dans le domaine des enseignements, qu'il s'agisse des enseignements à vocation professionnelle - je pense ici à ce qui est prévu pour les écoles d'architecture, en particulier, mais aussi pour nos écoles d'art, conservatoires, etc. - ou des enseignements destinés à favoriser une ouverture culturelle, notamment de la part des jeunes.
Comment pourrait-on oublier que le développement des pratiques artistiques est le fondement de toute politique de démocratisation des pratiques culturelles ?
Ainsi, en 2000, des mesures fortes seront mises en oeuvre dans le domaine des enseignements.
J'évoquerai, en premier lieu, l'alignement du régime des bourses des étudiants des écoles d'art et des écoles d'architecture sur celui de l'éducation nationale. Il me paraît indispensable qu'il n'y ait pas de différence entre les étudiants des universités et les étudiants de nos écoles qui forment à des diplômes supérieurs.
Je mentionnerai, en deuxième lieu, la mise en place d'ateliers de pratiques artistiques dans les lycées, en partenariat avec l'éducation nationale, en ayant pour objectif une généralisation en 2001.
Enfin, en troisième lieu, je rappellerai qu'il est procédé à un renforcement sélectif des concours de l'Etat aux écoles nationales et municipales d'arts plastiques et aux écoles nationales et conservatoires régionaux de musique, en fonction de leurs projets pédagogiques.
Au total, les crédits d'intervention consacrés aux enseignements sont en augmentation de 6,9 %, soit 53 millions de francs.
C'est une étape importante. Nous souhaitons que cet effort porte ses fruits, et nous tenons à voir notre partenariat avec l'éducation nationale se développer de façon solide. Dans cette perspective, il importe que nous tirions les conséquences des premières initiatives qui ont été lancées, par exemple le programme « Musique à l'école ».
J'ai également souhaité que puissent être organisées, dans nos écoles comme dans l'éducation nationale, des formations permettant de favoriser l'intervention de professionnels de la culture. En effet, cela suppose que les enseignants soient formés et puissent vraiment tirer parti de cet enseignement artistique dans le cursus scolaire de leurs élèves. D'un autre côté, il s'agit aussi de former les professionnels de la culture à intervenir en classe. Ayant interrogé un grand nombre de personnes qui ont fait le choix de consacrer une partie de leur temps à l'enseignement artistique à l'école, j'ai pu mesurer combien il était important, pour ces personnes, de disposer d'un certain nombre d'éléments pédagogiques, car il n'est pas toujours facile de se retrouver devant une classe.
Nous en sommes donc, dans ce domaine, à une étape déterminante, celle de la fondation. Le budget pour 2001 et les budgets suivants nous permettront de généraliser progressivement ce dispositif, de manière qu'il puisse toucher toute la population jeune.
Outre les bourses, les moyens consacrés à l'enseignement de l'architecture seront de nouveau accrus en 2000. Les subventions de fonctionnement aux écoles d'architecture bénéficient d'une mesure nouvelle. L'augmentation de la dotation consacrée aux investissements dans les écoles d'architecture, portée de 55 millions de francs en 1999 à 120 millions de francs en 2000, permettra d'engager les travaux nécessaires à la mise en oeuvre de la nouvelle carte de l'enseignement de l'architecture en Ile-de-France, ainsi que la réalisation d'opérations importantes dans les régions.
La priorité donnée au titre IV dans l'élaboration du projet de loi de finances pour 2000, qui se traduit par 172 mesures nouvelles, conduit, comme en 1999, à reconnaître un caractère prioritaire au spectacle vivant, qui se verra attribuer 80 millions de francs de mesures nouvelles, enseignements compris, après 110 millions de francs en 1999.
L'augmentation des moyens consacrés au spectacle vivant permettra notamment d'accompagner la réforme de l'aide aux compagnies dramatiques, de mieux soutenir les compagnies chorégraphiques et de favoriser l'essor des esthétiques nouvelles - musiques actuelles, cirque, arts de la rue - toujours dans le souci de prendre en compte l'intégralité des disciplines du spectacle vivant.
En 2000, un haut niveau d'exigence sera maintenu à l'égard des structures subventionnées.
Je précise, à l'intention de M. le rapporteur spécial, que le suivi des crédits du titre IV, notamment les crédits déconcentrés, est opéré par un logiciel dénommé « Ensemble » ; en 2001, un nouvel outil, qui va s'appeler « Quadrille », dont j'ai décidé le principe dès mon arrivée, sera opérationnel. Il permettra d'aller plus loin dans l'analyse des situations financières des structures subventionnées et de poursuivre l'amélioration de l'information du Parlement quant à l'utilisation des crédits.
A mes yeux, il est indispensable que l'Etat soit à la fois respectueux de sa parole et juste dans l'attribution des moyens. Je remercie d'ailleurs Mme Pourtaud d'avoir si remarquablement dit combien il est important de gérer l'argent public à la fois correctement et de façon équitable.
Les outils que je viens d'évoquer nous permettront d'agir très efficacement.
Je voudrais maintenant aborder la question des droits des artistes interprètes, qu'a soulevée M. Ralite.
Mon cabinet et mes services seront présents au colloque de la SPEDIDAM qu'il a évoqué.
Je ne saurais envisager de remettre en cause les droits des musiciens. Je crois seulement utile de poser clairement le problème de la limite entre la radiodiffusion et la distribution. Vous conviendrez que, dans l'univers numérique, cette frontière est fluctuante et qu'il vaut mieux en parler et savoir résoudre les questions qui nous ont été posées. C'est pourquoi, depuis plusieurs mois, nous nous consacrons à des rencontres et à l'examen des dispositions qui peuvent être prises.
Mon souci est bien de rester guidée par la volonté ferme de protéger les filières musicale et cinématographique.
En ce qui concerne un point d'actualité sensible pour les professionnels de la culture, à savoir celui du régime des intermittents du spectacle, le Gouvernement est attaché à préserver la pérennité d'un dispositif d'assurance chômage spécifique au spectacle vivant et enregistré au sein du régime de solidarité interprofessionnelle géré par l'UNEDIC. Il est aussi soucieux de respecter la liberté de négociation des confédérations professionnelles et syndicales.
Les modalités d'application du régime conventionnel d'assurance chômage sont précisées par des accords conclus pour une durée déterminée - trois ans - sur le plan national et interprofessionnel. C'est dans ce cadre juridique que les partenaires sociaux ont signé le 20 janvier dernier un accord relatif à la reconduction jusqu'au 31 décembre des annexes 8 et 10 propres aux intermittents du spectacle.
Pour la première fois, ces annexes reprennent certaines dispositions qui ont été négociées par les partenaires sociaux des secteurs professionnels du spectacle vivant et enregistré, en ce qui concerne le champ d'application et le mode de calcul de l'allocation journalière des ouvriers, techniciens et réalisateurs du cinéma et de l'audiovisuel relevant de l'annexe 8.
Je reste, évidemment, très vigilante sur ce dossier sensible et particulièrement attentive aux négociations en cours. C'est un point que nous avons évoqué cette semaine même avec le conseil national des professionnels du spectacle.
Nous en sommes bien conscients, la reconduction du régime d'assurance chômage est nécessaire pour permettre la permanence de l'activité d'un certain nombre de professionnels et de structures. Le Gouvernement souhaite en tout cas que les discussions en cours aboutissent positivement.
Dans ce dialogue, la position du MEDEF reste celle qui présente, en quelque sorte, le plus de risque. Je n'ai pas perçu, chez les autres partenaires, des réserves quant à la volonté de poursuivre le dialogue. Par ailleurs, il n'existe pas de changement dans l'attention que nous portons, ma collègue Martine Aubry et moi-même, à ce dossier et dans notre désir de le voir aboutir.
Si le domaine du spectacle vivant est fortement soutenu dans le projet de budget pour 2000, les autres secteurs d'intervention du ministère de la culture et de la communication, notamment patrimoniaux, ne sont pas négligés.
C'est ainsi que les grandes expositions en régions et la restauration des oeuvres appartenant aux musées classés et contrôlés seront mieux soutenues. La réorientation des interventions du fonds du patrimoine vers un soutien accru aux acquisitions des musées classés et contrôlés sera poursuivie.
Un soutien spécifique, sur crédits déconcentrés notamment, sera mis en oeuvre pour les actions de conservation et de diffusion des langues régionales et minoritaires, qui constituent un élément important de notre patrimoine culturel. La transformation de la délégation générale à la langue française en délégation générale des langues de France marquera, je l'espère, symboliquement et matériellement cette reconnaissance.
Chaque fois que cela sera possible, le champ des conventions de villes et pays d'art et d'histoire sera étendu au patrimoine du xxe siècle.
Enfin, les conventions ville-lecture seront développées afin de favoriser un usage accru du livre par les publics qui en sont éloignés.
Le projet de budget de la culture pour 2000 marque également une priorité affirmée en faveur d'un renforcement du soutien apporté par l'Etat à la réalisation d'équipements culturels dans les régions.
Ainsi, il comporte une nouvelle augmentation des concours de l'Etat à la réalisation d'équipements culturels locaux - il s'agit du chapitre 66-91 - dont la dotation atteindra 490 millions de francs, contre 397 millions de francs cette année, soit une progression de 23,4 %.
Cet effort profitera notamment aux archives, aux équipements du spectacle vivant, aux musées classés et contrôlés, et aux équipements culturels de proximité. Il intervient dans un contexte parfaitement sain : les retards de mandatement de subventions d'investissement aux collectivités locales dont j'avais hérités, à savoir 300 millions de francs, sont aujourd'hui totalement comblés.
Depuis mon entrée en fonctions rue de Valois, le montant des subventions d'investissement à la réalisation d'équipements culturels locaux a doublé : 490 millions de francs figurent dans le projet de loi de finances pour 2000, contre 234 millions de francs dans la loi de finances initiale de 1997.
La progression continue des subventions d'investissement à la réalisation d'équipements culturels dans les régions et la maîtrise du nombre et du coût unitaire des nouveaux équipements culturels nationaux à Paris vont conduire, en 2000, à une véritable rupture dans la destination des investissements du ministère de la culture et de la communication.
En 2000, les crédits destinés à la réalisation d'équipements culturels dans les régions feront jeu égal - ou quasiment, à 1 % près - avec ceux qui sont consacrés aux équipements culturels nationaux à Paris. En 1997, ce rapport était de trois à un en faveur de Paris.
Ce nouvel équilibre, qui concourt à une meilleure distribution de l'offre culturelle sur l'ensemble du territoire, n'a pas un caractère conjoncturel. Si la possibilité m'en est donnée, je souhaite le faire évoluer dans un sens encore plus favorable aux équipements culturels décentralisés.
Par ailleurs, M. le Premier ministre a accédé à ma demande d'une ouverture exceptionnelle de 96 millions de francs de crédits dans le projet de loi de finances rectificative pour 1999, afin de mieux soutenir les investissements des communes dans le domaine des bibliothèques municipales, au-delà, bien évidemment, de la dotation prévue, en 2000, au titre de la dotation générale de décentralisation.
Je tiens à préciser à l'intention de M. Gaillard, rapporteur spécial, qui m'a interrogée sur ce sujet, que les crédits destinés aux opérations de l'an 2000, c'est-à-dire 185,7 millions de francs, représentent une ouverture nette au titre de l'annuité 2000 consacrée aux manifestations qui seront organisées. Même si certaines d'entre elles concernent, bien sûr, le ministère de la culture, il n'y a pas eu de ponction sur les dépenses courantes de notre département ministériel.
Certes, nous avons la responsabilité du suivi de ces opérations au nom de l'ensemble des ministères, mais les crédits de notre ministère n'en pâtissent pas, ainsi que M. le Premier ministre l'avait décidé.
Les 96 millions de francs auxquels j'ai fait allusion précédemment constituent donc bien une ouverture brute en autorisations de programme et en crédits de paiement au titre de l'investissement dans les bibliothèques municipales.
Les 50 millions de francs, figurant au titre IV, gelés par le ministère de l'économie et des finances dans le cadre du contrat de gestion sur l'exécution budgétaire de 1999 étaient condamnés. De fait, ils ont été préservés et redéployés pour cet investissement jugé prioritaire dans les bibliothèques municipales. Par ailleurs, 46 millions de francs en autorisations de programme et en crédits de paiement ont été prélevés sur les crédits prévus pour les grandes opérations, mais les moyens de droit commun de la direction de l'architecture et du patrimoine ne sont pas touchés. En réalité, toutes ces sommes ont été prises sur les ouvertures de crédits au titre des grandes opérations, lesquelles avaient pris de l'avance par rapport au calendrier des travaux.
Gouverner, c'est faire des choix ! J'ai préféré que les sommes non mobilisées dans l'exercice 2000 soient affectées en priorité à la lecture publique. J'ai donc proposé ce redéploiement. Puisque des crédits étaient gelés, plutôt que de les supprimer, nous les avons utilisés.
Par conséquent, nous nous en sommes bien sortis et, pour la première fois depuis 1997, le budget de la culture ne contribue pas au financement des dépenses interministérielles en cours d'exécution budgétaire. Nous avons trouvé là une nouvelle façon de manifester cette priorité accordée à la culture.
Je reviendrai maintenant sur les interventions concernant l'effort à accomplir pour la restauration et l'entretien du patrimoine.
Si, prise globalement, l'enveloppe « patrimoine », c'est-à-dire les titres V et VI, augmente dans une proportion limitée - 11 millions de francs, soit 0,7 % - les crédits hors opérations portant sur des palais nationaux - le Grand Palais, Versailles, le Palais de Chaillot et le Palais Garnier - enregistrent une forte progression : 108 millions de francs, soit 7,7 %.
Je ne peux m'empêcher d'observer que cette progression est très supérieure à celle à laquelle aurait conduit l'application du coefficient d'actualisation prévu par la loi de programme de 1994, qui se serait élevé à 2,9 %.
On a évoqué l'érosion de ces crédits. Je rappellerai que les lois de finances initiales de 1996 et de 1997, avec, respectivement, 1,663 milliard de francs et 1,174 milliard de francs, avaient enregistré une baisse, par rapport aux objectifs, de 29,3 %. Les crédits de 1998 s'élevaient à 1,646 milliard de francs. Dans le projet de loi de finances initiale pour 2000, ils s'établissent à 1,701 milliard de francs. Les crédits augmentent donc, de 1997 à 1998, de 40,2 % et nous nous situons largement au-delà de la loi de finances initiale de 1996.
Au vu de ces chiffres, les critiques qui ont été exprimées ici ne sont donc pas fondées. En effet, je crois pouvoir montrer qu'il y a non seulement une restauration de ces crédits, mais aussi une forte mobilisation qui permet de répondre à un rythme plus soutenu aux décisions qui sont prises en matière d'entretien et de restauration du patrimoine.
L'augmentation des crédits du patrimoine, hors opérations portant sur des palais nationaux, profitera tout particulièrement aux secteurs sauvegardés et aux espaces protégés : plus 11 millions de francs, soit 31,4 %. La ville est notre premier bien culturel. Je souhaite affirmer la responsabilité particulière de mon département ministériel dans l'amélioration de la qualité du patrimoine urbain.
Cette augmentation concernera aussi les subventions d'investissement pour la restauration de monuments historiques - plus 59,6 millions de francs, soit 24,9 % - pour lesquelles s'est manifestée une forte demande de la part de nos partenaires locaux.
Ce faisant, je n'oublie pas les travaux indispensables à mener sur certains grands édifices publics. Les crédits ouverts dans les deux précédentes lois de finances pour la restauration du Grand Palais vont commencer à être employés en 2000, les difficultés d'application du contrat de maîtrise d'oeuvre étant aujourd'hui entièrement surmontées.
En outre, nous amorçons, dans le projet de loi de finances pour 2000, un changement de dimension de l'effort consacré par l'Etat à la réhabilitation de Versailles. Beaucoup reste à faire pour améliorer les conditions de sécurité des personnes - je pense à celles qui y travaillent et aux visiteurs - et des biens, pour moderniser les réseaux et pour prévoir des conditions d'accueil des visiteurs dignes de ce lieu prestigieux. J'aurai prochainement l'occasion de m'exprimer sur ce sujet dans une communication au conseil des ministres.
En ce qui concerne le Grand Palais, les crédits se sont élevés à 150 millions de francs en 1998, 217 millions de francs en 1999 et 30 millions de francs en 2000, soit près de 400 millions de francs au total. Les travaux de consolidation des fondations et des structures du Grand Palais ont donc été financés au travers de ces crédits.
Je précise, par ailleurs, qu'il n'y a pas de contentieux, et ce grâce à l'intervention d'un médiateur : l'avenant n° 2 du marché de maîtrise d'oeuvre a été signé. C'est la raison pour laquelle nous sommes maintenant, en quelque sorte, sortis des ennuis. J'annoncerai la future destination du Grand Palais d'ici à la fin du premier semestre 2000.
S'agissant des autres points concernant les grands bâtiments, pour les « Bons-Enfants », depuis la prise de fonctions du Gouvernement, ce dossier est de nouveau à l'ordre du jour. Il était plus ou moins enlisé, voire enterré, et j'ai eu beaucoup de peine à le ressortir.
La décision favorable à mon ministère a été prise au printemps 1998. Le marché de maîtrise d'oeuvre a été signé en octobre dernier. Le retard provenait du fait que le concours avait été lancé par mon prédécesseur, sans accord interministériel, d'où les discussions difficiles qui ont eu lieu.
Le maître d'oeuvre est maintenant au travail ; le permis de construire sera demandé au mois de mars prochain ; les travaux commenceront à la moitié de l'année 2001. Le déménagement des services du ministère pourrait donc avoir lieu dix-huit mois plus tard, s'il n'y a pas de retard dans les travaux, soit au début de l'année 2003.
Ainsi, en cessant d'avoir un bâtiment inemployé et dont il faut assurer la sécurité chaque année avec des moyens relativement élevés, nous aurons également pris en compte le souci d'une bonne gestion de la dépense publique.
En ce qui concerne l'auditorium, je mène de front deux actions.
La première consiste à aider les orchestres accueillis salle Pleyel - je fais allusion non seulement à l'Orchestre de Paris, mais aussi à l'orchestre de Radio France, à Colonne et à Padeloup - à travailler dans de bonnes conditions, malgré une nouvelle direction qui a parfois des réactions imprévisibles.
La seconde action vise à poser les jalons d'une nouvelle salle symphonique légitimement implantée à La Villette et attendue de longue date.
Deux rapports devront m'être remis au printemps 2000 : l'un sur le coût et la faisabilité technique du projet, qui approfondira les conclusions rendues par une première mission ; l'autre sur les montages financiers envisagés. Je prendrai donc ma décision en connaissance de cause.
Je suis soucieuse, en effet, de ne pas dégrader de nouveau la répartition des crédits du ministère entre Paris et les régions, sachant que je suis conduite à intégrer, dans les crédits du ministère, le financement du projet de musée des arts premiers, que l'on appelle aujourd'hui le musée des arts et des civilisations.
J'ai également été interrogée sur l'Opéra-Comique. Je m'emploie, en liaison avec l'actuelle et la future direction, à réduire l'important déficit enregistré. Il s'élève encore à plus de 5 millions de francs à la fin de cette année. Cela peut impliquer une activité ralentie au premier semestre de 2000, afin de permettre un nouveau départ sous la responsabilité de Jérôme Savary dès octobre 2000. Quant aux travaux indispensables, ils seront lancés au cours de l'été 2001.
S'agissant de la salle Pleyel, un travail a été engagé pour que des décisions soient prises en ce qui concerne les mesures de protection.
Pour ce qui est du bâtiment de la Gaîté lyrique, pour l'instant, je n'ai pas de projet qui en permettrait l'usage au niveau de l'Etat. Toutefois, comme vous l'avez souligné, madame Pourtaud, la Ville de Paris doit aussi prendre en charge les équipements qui lui reviennent. Il convient d'agir dans les plus brefs délais, qu'il s'agisse de la transformation du Palais de Chaillot ou de la réouverture du Palais de Tokyo. Le bâtiment est fermé depuis des années ! Même s'il n'est pas entièrement occupé, du moins sera-t-il chauffé et gardé si nous l'ouvrons au public. Cela permettra de soutenir les jeunes créateurs. Mais que l'on ne demande pas à l'Etat de se substituer de manière systématique à la Ville de Paris, alors que cette pratique n'a pas cours dans les régions, qui font face, plus ou moins bien, à leurs responsabilités.
Il faut une règle, et cette règle doit valoir pour tous, y compris pour l'Etat, qui doit faire face à ses propres responsabilités et être irréprochable envers ses partenaires, les collectivités locales. Malheureusement, il ne peut pas répondre à toutes les sollicitations. Néanmoins, le devenir du bâtiment nous intéresse forcément.
M. Joly m'a interrogée sur les services départementaux de l'architecture et du patrimoine.
Le précédent gouvernement, celui de M. Juppé, a transféré les services départementaux de l'architecture au ministère de la culture. Toutefois, cette opération n'a pas été accompagnée du transfert des moyens correspondants, ni en effectifs, ni en crédits de fonctionnement, ce qui a posé quelques problèmes.
Depuis mon arrivée rue de Valois, les moyens de fonctionnement des SDAP ont augmenté de 28,6 %. Les moyens informatiques ont été triplés. Les moyens en personnels, avec 750 agents au début de 1999, ont crû de 5 % sur la seule année 1999, car j'ai considéré que ces services départementaux étaient prioritaires. Et tout cela alors que, par ailleurs, les moyens de fonctionnement, vous le savez bien, n'augmentent pas vraiment dans nos administrations. Il s'agit donc bien de décisions qui sont lourdes de conséquences.
En ce qui concerne les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement, le dispositif prévu par la loi du 3 janvier 1977 - je le dis ici tout à fait solennellement - a démontré son efficacité. Ce dispositif obligatoire n'est cependant pas homogène sur notre territoire, puisque treize départements ne l'ont pas mis en place. Cependant, la loi ne prévoit pas les conséquences d'une telle abstention.
C'est dans le cadre de la réflexion sur la profession d'architecte que la mission d'assistance architecturale et de conseil aux collectivités des CAUE est actuellement analysée. A l'occasion de la refonte générale de la loi de 1977, on envisagera une révision de la section relative aux CAUE.
D'ores et déjà, j'ai mis en place un partenariat avec la fédération des CAUE au plan national et au plan local, par le biais des DRAC, pour conforter le rôle de médiation et de conseil complémentaire, rôle distinct de la maîtrise d'oeuvre assurée par ces structures.
Grâce à l'augmentation des subventions d'investissement pour la réalisation d'équipements culturels en région et pour la restauration de monuments historiques n'appartenant pas à l'Etat, le département ministériel de la culture sera, je crois, mieux à même de répondre aux demandes de ses partenaires, notamment dans le cadre des nouveaux contrats de plan Etat-région.
Je tiens à rappeler les chiffres : avec une enveloppe de 2,5 milliards de francs, en hausse de 73 % par rapport à la précédente génération, la culture s'est vu, là aussi, reconnaître le caractère d'un domaine privilégié d'intervention de l'Etat sur le territoire, en partenariat avec les régions.
Evidemment, on peut considérer que les sommes consacrées au patrimoine rural non protégé, soit 35 millions de francs, ne sont pas encore suffisantes. Mais je rappelle que, pour ce qui concerne toute une partie du patrimoine, j'ai débloqué les crédits pour la création de la Fondation du patrimoine, fondation de droit privé qui doit précisément prendre en charge une nouvelle forme de financement. Cette fondation s'est mise en place telle que prévue.
Nous avons aussi réglé la question de l'agrément fiscal pour les travaux labellisés par la fondation. Il reste à convaincre les partenaires privés. Or, ce qui, pour nous, semblait pouvoir aboutir assez facilement dans la perspective de cette fondation, s'avère beaucoup plus difficile que prévu.
J'en viens à la situation de l'archéologie préventive. La faiblesse de sa base légale a entraîné une crise. J'avais décidé de régler définitivement la question. Sur la base du rapport qui m'a été remis en juin 1998, j'ai présenté au conseil des ministres du 5 mai 1999 un projet de loi qui se fonde sur certains principes. Ainsi, l'archéologie est une science composante à part entière de la recherche archéologique ; elle doit intervenir au moindre coût, le plus rapidement possible et de façon égale sur tout le territoire.
J'ai donc proposé la création d'un établissement public administratif, qui fonctionnera grâce au produit d'une redevance acquittée par les aménageurs, en associant le plus largement possible les scientifiques - universités, Centre national de la recherche scientifique, archéologues des collectivités - et les partenaires associatifs, bien évidemment. Les modalités seront précisées dans les décrets d'application actuellement à l'étude et soumis à la concertation.
M. Vidal a évoqué la Maison du cinéma. La réalisation du bâtiment de Franck O. Gehry, pour un montant de 154 millions de francs, permettra une répartition nouvelle des espaces en réunissant la cinémathèque, le musée et la bibliothèque du film, la BIFI, dans des espaces publics d'accueil et de convivialité. Les travaux devraient commencer en 2000 et s'achever dans le courant de 2001. Les services du ministère sont en train de déterminer le coût de fonctionnement de cette future Maison du cinéma mais, bien évidemment, par rapport au Palais de Tokyo, l'ordre de grandeur est nettement inférieur.
Enfin, s'agissant des multiplexes, autres équipements culturels, j'attends les conclusions de M. Delon pour envisager les modifications de la procédure actuelle d'autorisation des équipements. Les pistes qui ont été évoquées à cette tribune sont intéressantes, et nous aurons l'occasion d'en reparler lors de la remise du rapport de M. Delon, à la fin du mois de janvier. Parallèlement, le CNC soumet les grands circuits à des engagements précis de programmation. Nous sommes en train d'en discuter avec les responsables de la distribution. Il est donc possible au CNC de peser sur l'offre cinématographique mise à la disposition du public.
Le projet de budget de la culture pour 2000 comporte également des avancées très sensibles dans le domaine de l'emploi. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez bien voulu le souligner.
Les 295 créations d'emplois - 100 par création nette et 195 par transfert d'agents contractuels de l'Etat affectés dans des établissements publics vers ces établissements - constituent une avancée sans commune mesure avec l'année en cours. En outre, 79 emplois vont être créés dans le budget des établissements publics.
Les créations d'emplois obtenues en 2000 vont permettre d'engager une étape décisive dans la résorption de l'emploi précaire au ministère et dans ses établissements.
L'emploi précaire, qui est occupé par ceux que l'on désigne communément sous le terme, souvent impropre, de « vacataires », s'est généralisé pour pallier l'insuffisance en emplois statutaires de l'Etat. Ce besoin a été évidemment accru par la création et l'ouverture de nouveaux établissements. Certes, les efforts de financement avaient été prévus en investissement, mais le ministère n'avait pas été doté en postes, et ce pour des raisons que l'on connaît.
J'estime avoir aujourd'hui réuni les deux conditions nécessaires à une réduction déterminée de l'emploi précaire.
La résorption de l'emploi précaire n'intervient pas à nombre d'emplois budgétaires constant, sur des emplois budgétaires vacants ; elle repose sur des créations d'emplois au budget du ministère et de ses établissements publics. La titularisation de vacataires n'entraînera donc pas une réduction du volume global des moyens humains disponibles, ce qui ne manquerait pas d'affecter l'étendue et les amplitudes horaires des services ouverts au public, préoccupation que vous avez exprimée.
J'ai la ferme volonté de réduire l'emploi précaire de manière définitive et de prévenir sa reconstitution.
C'est l'objet de la circulaire que j'ai signée le 15 octobre dernier, qui interdit le recours à de nouveaux vacataires pour couvrir les besoins permanents à temps complet du service public de la culture. Cet engagement était au coeur du protocole d'accord de fin de grève négocié avec les organisations syndicales.
En outre, ainsi que le prévoit le projet de loi de finances pour 2000, les budgets de vacation du ministère et de ses établissements publics diminueront, afin de prendre en compte les titularisations qui interviendront sur les emplois nouvellement créés.
Ainsi, la remise en ordre de marche du ministère de la culture et de la communication permet, aujourd'hui, l'affirmation d'une nouvelle dynamique vers l'extérieur, qui s'exprime dans plusieurs directions.
Il s'agit, tout d'abord, d'une démarche d'offre culturelle en direction des publics. Les lieux de culture - musées et monuments historiques - doivent regagner le public qui les a délaissés et en gagner de nouveaux.
Il s'agit, ensuite, d'une offre de partenariat en direction des autres collectivités publiques et des acteurs culturels, qui s'exprime notamment à travers la charte du spectacle vivant, les chartes des enseignements des disciplines du spectacle vivant et des arts plastiques, en cours de préparation, ou le cofinancement d'investissements structurants au plan régional ou local.
Je signale l'installation récente, auprès de mes services, du conseil des collectivités territoriales, représentant donc tous nos élus, avec lequel nous allons travailler en étroite collaboration.
Il s'agit, encore, d'une présence affirmée sur de grands enjeux collectifs de notre temps, avec la préservation des sites naturels - je pense à la mise en valeur de la baie du Mont Saint-Michel - la requalification d'espaces urbains ou de sites anciens, la recherche d'un équilibre sur le territoire entre les sites intéressants ou l'extension du Mémorial du martyr juif.
Il s'agit, enfin, de la recherche systématique de décloisonnements entre les disciplines artistiques, les champs de recherche et de savoir, oppositions souvent stériles. Qu'il s'agisse du centre de la jeune création ou de la cité de l'architecture et du patrimoine, pour ne citer que quelques projets qui vont rassembler chercheurs et conservateurs publics, le dialogue sera donc permanent.
Je remercie le Sénat d'avoir souligné l'intérêt de l'ouverture des espaces cultures multimédias. Ces développements sont extrêmement intéressants. Au-delà, et dans le cadre de la mise en place de la société de l'information, nous avons lancé la numérisation de l'ensemble du patrimoine des collections, qu'il s'agisse de livres ou d'oeuvres de toutes sortes, y compris relevant du patrimoine audiovisuel.
En ce qui concerne la BNF, qui joue un rôle majeur dans le paysage des établissements publics de l'Etat, tout le monde a en mémoire les difficultés rencontrées à l'occasion de l'ouverture des salles de lecture, en particulier pour la communication des documents.
Le système informatique fourni par Cap Gemini ne donnait pas satisfaction. Lorsqu'il a été demandé à Cap Gemini d'apporter toutes les corrections nécessaires, nos interlocuteurs n'ont cessé de repousser le calendrier, pour des interventions qui étaient pourtant indispensables. De plus, l'entreprise n'a pas hésité à faire une demande de complément financier important pour terminer son travail. Malgré une mise en demeure qui a été adressée par la BNF en mai 1999, aucune amélioration n'a été constatée ; il a donc été décidé de résilier le contrat, avec mon accord et celui de Dominique Strauss-Kahn, le 22 juillet dernier.
Actuellement, c'est le service informatique de la BNF qui assure la maintenance de l'informatique et améliore les fonctionnalités du système. J'ajoute que l'établissement fonctionne désormais dans de biens meilleures conditions, aussi bien pour les usagers que pour le personnel.
Dans ce ministère, mon rôle est de rassembler. La culture est un bien commun dont les différentes expressions et composantes méritent d'être soutenues et encouragées plutôt que d'être opposées.
La politique culturelle ne saurait se résumer à l'alternative, que je crois fausse et stérile, entre soutien à la création et conservation du patrimoine.
Gardons-nous d'un patrimoine qui se résumerait à une suite de lieux qui ne parleraient pas à nos contemporains ! Attention à une création dépourvue de public !
M. Ralite a évoqué la conférence de Seattle. Ce fut pour moi l'occasion de rencontrer la représentation parlementaire nationale dans ses différentes composantes ; j'en ai tiré un très grand bénéfice.
Je voudrais dire ici combien je me réjouis de préparer la présidence française de l'Union. Notre action pourra se développer selon deux orientations.
Il s'agira, d'abord, de maintenir notre objectif pour que soit reconnu comme un droit universel le droit de chacun des citoyens du monde à s'exprimer dans sa culture.
Nous devons prouver que notre vision européenne vaut aussi pour les pays en voie de développement. Aussi me suis-je engagée à ce que nous préparions, avec le Maroc et d'autres pays en voie de développement, le débat sur le commerce électronique, afin que le commerce ne se substitue pas à la liberté d'expression et de création même si, bien sûr, le commerce est un échange et permet aussi de faire circuler l'information.
Il s'agira, ensuite, pour nous, de garder, sur cette nouvelle planète qu'est Internet, la possibilité de défendre aussi une exception culturelle. Invitée l'année dernière à Genève par l' Internet Society , j'ai indiqué qu'au fond, si l'on voulait qu'Internet reste fidèle à lui-même, il fallait aussi qu'on le considère comme une exception culturelle, car c'est d'abord un enjeu et un moyen de communication entre les hommes.
Voilà ce que nous continuerons de défendre en défendant aussi nos propres positions, notamment notre industrie du cinéma et nos exportations de programmes audiovisuels.
Mais nous pouvons lier les deux, et c'est d'ailleurs ce qui me paraît constituer la force de la position française. Je crois que c'est le sentiment de tous ici. C'est du moins ainsi que j'interprète les appréciations que vous avez portées sur ce budget : vous vouliez me donner de la force en montrant que le Parlement tenait à s'exprimer uni. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen. - M. André Maman applaudit également.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant la culture et figurant aux états B et C.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 173 840 935 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV : 169 595 432 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits sont adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 2 024 100 000 francs ;
« Crédits de paiement : 515 633 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 1 681 470 000 francs ;
« Crédits de paiement : 900 645 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la culture.

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