M. le président. « Art. 7. - Il est inséré, dans le même titre, un article 1386-6 ainsi rédigé :
« Art. 1386-6. - Est producteur, lorsqu'il agit à titre professionnel, le fabricant d'un produit fini, le producteur d'une matière première, le fabricant d'une partie composante.
« Est assimilée à un producteur pour l'application du présent titre toute personne agissant à titre professionnel :
« 1° Qui se présente comme producteur en apposant sur le produit son nom, sa marque ou un autre signe distinctif ;
« 2° Qui importe un produit dans la Communauté européenne en vue d'une vente, d'une location, avec ou sans promesse de vente, ou de toute autre forme de distribution. »
Par amendement n° 4, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de compléter in fine le texte présenté par cet article pour insérer un article 1386-6 dans le code civil par un alinéa ainsi rédigé :
« Ne sont pas considérés comme producteurs, au sens du présent titre, les professionnels, ainsi que leurs sous-traitants, exposés au régime de responsabilité organisé par les articles 1792 à 1792-6 et 1646-1. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 27, présenté par le Gouvernement, et tendant, dans le texte proposé par l'amendement n° 4 pour compléter l'article 1386-6 du code civil, à remplacer les mots : « les professionnels, ainsi que les sous-traitants, exposés au régime de responsabilité organisé par les », par les mots : « les personnes dont la responsabilité peut être recherchée sur le fondement des ».
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 4.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Il s'agit de préciser la notion de constructeur, que j'ai évoquée tout à l'heure.
Les sous-traitants participent à l'action de construction, bien qu'ils ne soient pas directement visés par les articles 1792 et suivants du code civil. Il nous paraît donc souhaitable de préciser que « ne sont pas considérés comme producteurs, au sens du présent titre, les professionnels, ainsi que les sous-traitants, exposés au régime de responsabilité organisé par les articles 1792 à 1792-6 et 1646-1 ».
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 4 et pour présenter le sous-amendement n° 27.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 4, à moins que la commission accepte le sous-amendement qu'il propose.
J'ai déjà eu l'occasion d'indiquer, lors de l'examen de l'amendement n° 1, que la question de l'assimilation ou non des constructeurs et de leurs sous-traitants aux producteurs relève de l'article 7.
Je ne peux souscrire totalement aux arguments de la commission. En effet, la formulation utilisée à propos des constructeurs me semble de nature, par sa généralité, à susciter des controverses, puisque la responsabilité des constructeurs peut être recherchée sur un autre fondement que la responsabilité de plein droit des articles 1792 et suivants du code civil. En outre, la responsabilité des constructeurs ne vise pas uniquement les professionnels.
Je préfère donc une expression plus précise, de nature à faire apparaître que les constructeurs n'échappent au champ du texte de transposition que lorsque leur responsabilité peut être recherchée sur le fondement des articles 1792 et suivants.
Ensuite, le Gouvernement est opposé à ce que les sous-traitants soient exclus du champ de la responsabilité du fait des produits défectueux, car la responsabilité prévue par les articles 1792 à 1792-6 du code civil, qui seuls justifient cette exclusion en faveur des constructeurs, ne leur est pas applicable. Ils sont en effet soumis à l'égard du maître de l'ouvrage à la responsabilité délictuelle du droit commun, dont la mise en oeuvre suppose la preuve d'une faute.
En outre, cette exclusion se traduirait par une inégalité entre les sous-traitants, puisque seuls les sous-traitants du domaine de la construction se verraient préservés de l'application des dispositions de la présente loi, alors que rien ne justifie cette inégalité de traitement.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a déposé le sous-amendement n° 27, qui est propre à répondre aux deux préoccupations que je viens d'évoquer.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 27 ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Avec ce sous-amendement, le Gouvernement propose, d'une part, une modification d'ordre formel et, d'autre part, une modification de fond consistant à ne pas prendre en compte les sous-traitants dans l'exclusion des professionnels de la construction du régime issu de la directive.
La commission a, pour sa part, souhaité exclure du champ d'application du nouveau régime de responsabilité tous les professionnels de la construction, donc à la fois l'entrepreneur principal et les sous-traitants. Or ceux qui ont la pratique du secteur du bâtiment savent que la plus grande partie des constructions actuellement réalisées en France le sont par des sous-traitants. On ne peut donc pas distinguer ces derniers du constructeur principal, car ce sont bien des constructeurs, exactement comme le titulaire du marché.
Certes, les sous-traitants ne sont pas liés juridiquement avec le maître d'ouvrage et ne sont donc pas tenus à la responsabilité décennale ou biennale. Ils peuvent cependant être appelés en garantie par l'entrepreneur principal. Ainsi, l'appel en garantie a souvent pour objet de faire supporter par le sous-traitant des pénalités de retard encourues par l'entrepreneur principal.
En outre, l'article 1792-4 du code civil prévoit un cas de responsabilité solidaire qui concene certains sous-traitants en visant le « fabricant d'un ouvrage, d'une partie d'ouvrage ou d'un élément d'équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l'avance ».
Si nous avons exclu le secteur du bâtiment, madame le garde des sceaux, ce n'est pas parce que la responsabilité des intéressés n'engage pas la sécurité - au demeurant, les articles visés concernent ce que l'on appelle les garanties biennale et décennale, qui sont des responsabilités techniques à l'égard des malfaçons éventuelles de la construction - mais tout simplement parce que c'est un moyen pratique de définir les personnes en cause.
Par ailleurs, la directive concerne les produits meubles ; or, par définition, la construction n'est pas un meuble, et tous les constructeurs, y compris les sous-traitants, doivent donc être concernés par cette exclusion. Cela me paraît être une question de logique, de clarté et de bonne technique juridique. Ce n'est pas un problème de fond !
Pour ces raisons, la commission a le regret de ne pas pouvoir être favorable au sous-amendement du Gouvernement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 27, repoussé par la commission.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 4.
Mme Odette Terrade. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. L'amendement n° 4 vise à écarter de la définition du producteur les sous-traitants et les professionnels de la construction immobilière. De plus, les articles du code civil qui sont visés dans cet amendement et qui organisent ce secteur apparaissent moins protecteurs pour les consommateurs, et d'application difficile.
Pour ces différentes raisons, le groupe communiste républicain et citoyen votera contre l'amendement de la commission.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 32, M. Charmant et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de compléter le texte présenté par l'article 7 pour l'article 1386-6 du code civil par un alinéa ainsi rédigé :
« Si le producteur ne peut être identifié, chaque fournisseur en sera considéré comme producteur, à moins qu'il n'indique à la victime, dans un délai raisonnable, l'identité du producteur ou de celui qui lui a fourni le produit. »
La parole est à M. Charmant.
M. Marcel Charmant. Cet amendement a pour objet d'introduire dans le texte de la proposition de loi une disposition de la directive qui n'y figure pas et qui prévoit que, lorsque le producteur ne peut être identifié, chaque fournisseur sera considéré comme producteur, à moins qu'il ne fasse connaître à la victime l'identité du producteur ou de celui qui a fourni le produit.
Il s'agit de protéger le consommateur en lui permettant d'atteindre assez facilement le responsable du défaut du produit, que ce soit le producteur ou le commerçant. Nous permettons également au commerçant de se décharger de sa responsabilité sur le producteur en faisant connaître son identité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. La commission comprend les préoccupations de M. Charmant, mais il lui semble que l'article 8 de la proposition de loi y répond : « Le vendeur, le loueur ou tout autre fournisseur professionnel est responsable du défaut de sécurité du produit dans les mêmes conditions que le producteur. »
Je souhaite donc que M. Charmant accepte de retirer son amendement, faute de quoi la commission y serait défavorable, car il est satisfait.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement n'est pas non plus favorable à cet amendement. D'abord, parce qu'il ne paraît pas compatible avec le texte de l'article 8 de la proposition de loi, qui n'établit pas de hiérarchie entre les différents intervenants de la chaîne de production et de distribution. Ensuite, parce que notre droit national permet à la victime de se retourner indifféremment contre l'un quelconque des membres de cette chaîne.
M. le président. Monsieur Charmant, l'amendement est-il maintenu ?
M. Marcel Charmant. Comment ne pas se rallier à deux avis aussi éclairés ? (Sourires.)
Je regrette que le texte de la directive ne soit pas pris en compte, mais je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 32 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 7, modifié.

(L'article 7 est adopté.)

Article 8