M. le président. « Art. 8. - Il est inséré, dans le même titre, un article 1386-7 ainsi rédigé :
« Art. 1386-7. - Le vendeur, le loueur ou tout autre fournisseur professionnel est responsable du défaut de sécurité du produit dans les mêmes conditions que le producteur.
« Le recours du fournisseur contre le producteur obéit aux mêmes règles que la demande émanant de la victime directe du défaut. Toutefois, il doit agir dans l'année suivant le moment où il est lui-même cité en justice. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 5 rectifié, M. Fauchon, au nom de la commission, propose, dans le premier alinéa du texte présenté par cet article pour insérer un article 1386-7 dans le code civil, après les mots : « le loueur », d'insérer les mots : « ; à l'exception du crédit-bailleur ou du loueur assimilé au crédit-bailleur, »
Par amendement n° 24, le Gouvernement propose, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 8 pour l'article 1386-7 du code civil, après les mots : « le loueur », d'insérer les mots : « lorsqu'il a eu la détention matérielle du produit ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 5 rectifié.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. La commission propose, par cet amendement, de ne pas assimiler le crédit-bailleur au producteur. En effet, le crédit-bailleur, dont l'intervention est purement financière, n'a pas à répondre des responsabilités du producteur, du vendeur ou du loueur ; comme on le dit un peu sommairement, le produit ne lui passe pas par les mains : il n'intervient ni dans le choix du matériel, ni dans les pourparlers avec le fournisseur, ni, éventuellement, dans les modalités du contrat. En pratique, la garantie due par le vendeur du matériel est transférée au bénéfice du locataire.
C'est la raison pour laquelle nous proposons - notre rédaction nous paraît préférable, je le dis immédiatement - qu'il y ait une exception pour le crédit-bailleur. De plus, pour éviter que d'autres contrats du même type, que nous aurions omis de mentionner, ne créent le même type de situation, nous ajoutons les mots : « ou du loueur assimilé au crédit-bailleur », afin de couvrir toutes les hypothèses.
Nos intentions sont claires. Je ne prétends pas que notre rédaction soit parfaite, mais, comme nous sommes en première lecture, elle pourra éventuellement être améliorée.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 5 rectifié et pour présenter l'amendement n° 24.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement souhaite exclure les bailleurs qui n'ont qu'un rôle financier. Mais, à cet égard, la référence au crédit-bail proposée par la commission lui paraît trop réductrice.
M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. C'est pourquoi il a déposé un amendement qui vise à étendre l'exception à tous les loueurs qui ne fournissent pas matériellement le produit et qui n'en ont donc jamais eu la détention.
La commission préfère une autre formulation, en raisonnant par analogie à partir du crédit-bail. Je ne suis pas certaine que cette technique d'assimilation soit plus explicite.
Je considère - sur ce point, je suis d'accord avec la commission des lois - que ne peuvent être assimilés à des producteurs les loueurs qui n'ont qu'un rôle purement financier dès lors qu'ils ne fournissent pas la chose.
La commission des lois, je l'ai dit, estime qu'il suffit d'exclure les opérations de crédit-bail. Mais il existe d'autres formes de location financière, et c'est pourquoi le Gouvernement préfère une formule générique qui permet d'exclure l'ensemble des personnes qui n'ont pas eu, à quelque moment que ce soit, la détention matérielle de la chose.
En fait, nous avons la même intention. Il s'agit simplement d'une question de formulation.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 24 ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. La commission, sans y mettre aucun entêtement, bien entendu, préfère sa rédaction. La formulation « lorsqu'il a eu la détention matérielle du produit » lui paraît en effet génératrice de contentieux, la question se posant de savoir si l'on a eu ou non la détention matérielle du produit.
Il semble préférable de se référer à une notion intellectuelle et abstraite, celle de contrat de crédit-bail, qui est plus large et de nature à éviter ce genre de contentieux factuel sur la détention matérielle ou non duproduit.
Comme on nous a fait observer que ce genre de situation pouvait exister dans d'autres contrats qui ne portent pas la dénomination de crédit-bail, nous avons ajouté les mots : « ou du loueur assimilé au crédit-bailleur ». Cette rédaction est plus convenable et répond mieux à la préoccupation qui nous est commune.
M. le président. Les explications de M. le rapporteur sont-elles de nature à modifier l'avis du Gouvernement, madame le ministre ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je m'en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 5 rectifié.
M. Jean-Jacques Hyest. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Le Gouvernement et la commission ont, en fait, la même préoccupation. Hélas ! les deux formules pèchent.
Qu'est-ce qu'un contrat « assimilé » au crédit-bail ? Le crédit-bail est quelque chose de précis. La location avec option d'achat est-elle assimilable au crédit-bail ? J'en doute. De plus, de nouveaux produits vont, à l'évidence, apparaître sur le marché, car les choses évoluent sans cesse. Il ne manquera pas de se poser des problèmes d'interprétation.
La formule proposée par le Gouvernement est un peu large, un peu floue. Elle me paraît toutefois préférable, quitte à y revenir.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je me permets de maintenir le point de vue de la commission.
C'est vrai, on ne peut pas prévoir toutes les formes de contrat qui seront inventées dans le domaine commercial ; on peut en inventer qui correspondront à des interventions uniquement financières, mais ne seront pas du tout du type de celles qui doivent être soumises au régime que nous sommes en train d'instituer.
Mais, précisément, nous avons cru répondre par avance à cette hypothèse en disant : « ou assimilé ». On ne peut pas prévoir autrement des choses qui n'existent pas encore et qui apparaîtront peut-être dans deux ou trois ans !
M. Jean-Jacques Hyest. Je préférerais « assimilable ».
M. Pierre Fauchon, rapporteur. J'accepte, si vous le souhaiter, le terme « assimilable ». J'espère ainsi vous donner satisfaction, monsieur Hyest, puisque nous partageons la même préoccupation et que nous cherchons une rédaction aussi adaptée que possible.
Nous sommes en première lecture, et il est certain que tout cela est perfectible.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 5 rectifié bis, présenté par M. Fauchon, au nom de la commission, et tendant, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 8 pour insérer un article 1386-7 dans le code civil, après les mots : « le loueur », à insérer les mots : « , à l'exception du crédit-bailleur ou du loueur assimilable au crédit-bailleur, ».
Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement n° 5 rectifié bis ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement ne varie pas : il s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 5 rectifié bis.
M. Philippe Marini. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Je persiste à penser, comme notre collègue M. Hyest, que la notion d'assimilé, ou d'assimilable, est génératrice de contentieux. En effet, il s'agira bien de porter un jugement sur la nature d'un produit financier. Or, qui va dire de manière invariable que tel nouveau montage inventé en termes de technique financière est assimilé ou assimilable au crédit-bail ?
Avec une intention identique, le Gouvernement me semble proposer une rédaction plus large, de nature à éviter ces risques de contentieux et de jurisprudence variable d'un tribunal à l'autre.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je continue de penser - on voudra bien m'en excuser - que la notion d'assimilation, parce qu'elle est abstraite, est plus large, et d'application plus aisée que celle de la détention matérielle, qui ne manquera pas, je le répète, d'engendrer un débat factuel qui s'éloigne, me semble-t-il, de nos préoccupations.
En tout cas, soutenant le point de vue de la commission des lois, je ne puis qu'exprimer ma préférence pour sa rédaction.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5 rectifié bis , pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 24 n'a plus d'objet.
Par amendement n° 17, M. Hyest propose, après le premier alinéa du texte présenté par l'article 8 pour l'article 1386-7 du code civil, d'insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Ne sont pas considérés comme producteur, vendeur, loueur ou fournisseur professionnel au sens du présent titre les professionnels exposés au régime de responsabilité organisé par les articles 1792 à 1792-6 du code civil et leurs sous-traitants, ainsi que le vendeur d'immeuble à construire défini par l'article 1646-1 du code civil. »
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Dans la mesure où la disposition qui était prévue par l'Assemblée nationale à l'article 2 a été reportée à l'article 7, mon amendement a moins d'intérêt puisque les articles 7 et 8 se complètent.
L'objectif que je poursuivais était qu'on ne puisse pas considérer comme producteur ou loueur, dans cet article 8, et pour les mêmes motifs, les professionnels exposés au régime de responsabilité organisé par les articles 1792 à 1792-6 du code civil et leurs sous-traitants.
Bien entendu, monsieur le président, je serai sans doute amené à retirer cet amendement si l'on me précise bien que les deux choses sont liées, qu'on ne risque donc pas d'engendrer des contentieux. Bien sûr, cela pourrait favoriser le développer de certaines activités, mais ce n'est pas ce qui est recherché.
Je retirerai donc mon amendement s'il est bien précisé que les professionnels visés à l'article 7 le sont également à l'article 8.
M. le président. La commission peut-elle assurer M. Hyest que tel est bien le cas ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Oui, monsieur le président. Notre collègue peut retirer son amendement en toute sécurité.
M. le président. Est-ce également l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Oui, monsieur le président.
De toute façon, je n'étais pas favorable à cet amendement.
M. Jean-Jacques Hyest. Dans ces conditions, je retire l'amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 17 est retiré.
Par amendement n° 6, M. Fauchon, au nom de la commission, propose, après les mots : « il doit agir dans l'année suivant », de rédiger comme suit la fin de la seconde phrase du second alinéa du texte proposé par l'article 8 pour insérer un article 1386-7 dans le code civil : « la date de sa citation en justice ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Il s'agit d'un amendement purement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 8, modifié.

(L'article 8 est adopté.)

Article 9