M. le président. « Art. 6. - Il est inséré, dans le même titre, un article 1386-5 ainsi rédigé :
« Art. 1386-5. - Un produit est mis en circulation lorsque le producteur s'en est dessaisi volontairement.
« Un produit ne fait l'objet que d'une seule mise en circulation. »
Par amendement n° 3, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de supprimer le second alinéa du texte présenté par cet article pour insérer un article 1386-5 dans le code civil.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Le second alinéa du texte proposé par l'article 6 pour l'article 1386-5 du code civil prévoit que le produit ne fait l'objet que d'une seule mises en circulation. Or cette disposition est contradictoire avec l'article 8, qui admet la responsabilité non seulement du producteur, qui effectue une première mise en circulation, mais aussi du vendeur, qui en fait une deuxième et, éventuellement, du loueur, qui peut en faire une troisième. Il peut donc, de toute évidence, y avoir plusieurs mises en circulation.
Par conséquent, il me semble nécessaire de supprimer cet alinéa.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. En effet, pour des besoins de sécurité juridique, il lui paraît nécessaire de maintenir la précision qui figure dans cet alinéa.
Comme l'a relevé la commission dans son rapport, la mise en circulation a des effets juridiques importants, notamment en ce qui concerne l'extension, au bout de dix ans, de la responsabilité du producteur, les causes d'exonération de celui-ci, l'obligation de suivi du produit et l'application dans le temps du régime intégrant la directive.
Il faut donc que la mise en circulation corresponde à un moment précis qui ne soit pas susceptible de contestation. La succession de mise, en circulation à chaque désistement d'un des membres de la chaîne de commercialisation conduirait à un système complexe multipliant les difficultés de preuve et pourrait induire la victime en erreur. Elle pourrait viser le fabricant alors qu'il se serait dessaisi depuis plus de dix ans du produit dans les mains du revendeur.
La conservation pendant un certain temps par l'un quelconque des membres de la chaîne de distribution du produit modifierait le délai d'extinction, qui ne répondrait plus alors à des critères objectifs.
Enfin, il est clair que la directive a entendu lier la responsabilité objective qu'elle édicte à une période de durée raisonnable au terme de laquelle la responsabilité doit s'éteindre.
Je voudrais, à cet égard, vous lire un considérant de la directive, qui me paraît dépourvu d'ambiguïté : « Considérant que les produits s'usent avec le temps, que des normes de sécurité plus strictes sont élaborées et que les connaissances scientifiques et techniques progressent,... que la reponsabilité du producteur doit donc s'éteindre après une période de durée raisonnable, sans préjudice toutefois des actions pendantes... »
Compte tenu de cet éclairage et pour des raisons de sécurité juridique, je ne peux être que défavorable à cet amendement.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Madame le garde des sceaux, j'avoue que je suis tout de même un peu surpris !
L'article 8, que nous allons examiner dans un instant, prévoit que « le vendeur, le loueur ou tout autre fournisseur professionnel est responsable du défaut de sécurité du produit dans les mêmes conditions que le producteur ». Or il peut fort bien arriver qu'un produit sorte de l'usine, soit donc mis une première fois en circulation, puis soit livré à un grossiste avant de l'être à un détaillant, et soit ensuite éventuellement loué. Il se sera écoulé alors un certain nombre d'années entre le moment où le produit est sorti de l'usine, date de la première mise en circulation, et le moment où il aura été vendu au client. Or c'est ce dernier moment qui compte pour le client, qui peut être victime d'un éventuel dommage ! Si quatre ou cinq ans se sont déjà écoulés depuis la première mise en circulation, le client voit le délai dans lequel il peut agir considérablement restreint !
Comme je disais tout à l'heure, le délai de dix ans qui est prévu constitue déjà une restriction assez fâcheuse par rapport à notre droit commun. En effet, si un tel délai existe bien dans notre droit, il part du moment où le dommage est connu. Or, ici, ce n'est pas le cas ! En maintenant votre position, madame le garde des sceaux, vous risquez donc de réduire considérablement les possibilités d'action de la victime d'un dommage.
Je ne comprends pas : dès lors que l'on admet la responsabilité du vendeur, du loueur et du fournisseur, il faut admettre qu'il y a une mise en circulation à chaque niveau, étant bien entendu que celle qui compte, pour la victime d'un dommage, c'est la dernière !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 6, ainsi modifié.

(L'article 6 est adopté.)

Article 7