Par amendement n° II-68 rectifié, M. Lambert, au nom de la commission des finances, propose de réduire ces crédits de 276 629 821 francs.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Marini, rapporteur spécial. Nous avons tous entendu avec grand intérêt les explications de M. le ministre. Tout n'est pas négatif, loin de là ! Il y a même des éléments de continuité sur certains aspects méthodologiques, notamment en ce qui concerne la réforme de l'Etat.
Il est cependant important de souligner que l'approche de la majorité sénatoriale est différente de celle qui a été exposée par le Gouvernement, en l'occurrence par le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Nous estimons, en effet, qu'un Etat plus efficace, recentré sur ses missions de base, serait encore plus fort qu'il peut l'être aujourd'hui et pourrait exercer encore mieux son rôle d'entraînement de la société.
Le souci qui anime la plupart d'entre nous n'est pas d'affaiblir l'Etat, et nous ne nions ni l'importance du rôle de la fonction publique, ni le caractère essentiel d'une meilleure mobilisation de ses ressources humaines.
Nous pensons toutefois qu'il est indispensable de réformer l'Etat en profondeur et nous estimons que l'approche gouvernementale est trop timide face à un corps social très complexe et qui doit manifestement être réformé de façon substantielle.
L'amendement que je vous présente, et qui concerne le titre III, se situe dans le cadre de la politique fixée par notre commission des finances pour l'examen de ce projet de loi de finances pour 1998.
Vous savez fort bien que l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances ne nous permet pas une grande facilité d'imputation des réductions de dépenses nécessaires pour en rester au solde qui a été fixé, et qui est à peu de chose près le solde déterminé par le Gouvernement pour ce projet de loi de finances.
S'agissant de la fonction publique et dans les services généraux du Premier ministre, mais à l'intérieur de la masse globale de la fonction publique et de la dépense de personnel de l'Etat, nous estimons que la diminution dont il s'agit ici, qui représente 1,34 % du montant des crédits de chacun des chapitres composant le titre III et qui se place dans le cadre de notre approche générale de ce projet de loi de finances, doit être adoptée si nous voulons être cohérents avec nos choix. Pour témoigner de l'importance du vote à intervenir sur ce point, qui est une question de principe, la commission des finances demande un scrutin public.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Cet amendement a pour objet de réduire de 276,6 millions de francs les crédits du titre III du budget des services généraux du Premier ministre.
Le premier volet de cet amendement concerne les crédits sociaux interministériels. J'ai déjà eu l'occasion de dire, voilà quelques instants, ma perplexité face à la démarche de votre commission.
Souhaite-t-on revenir sur un engagement pris par le gouvernement précédent, même s'il n'était pas financé ? Faut-il faire moins de social dans la fonction publique ? Faut-il renoncer à rééquilibrer les prestations entre les ministères ?
Le second volet de l'amendement prévoit la réduction incitative ou indicative de 1,34 % des crédits de chacun des chapitres du titre III. Cette mesure ne me paraît pas davantage justifiée, compte tenu des efforts d'économie déjà accomplis et que M. Christian Pierret vous a exposés mercredi lors de l'examen des budgets du Premier ministre.
En effet, hors crédits sociaux interministériels, les crédits du titre III des services généraux du Premier ministre n'augmentent que de 0,1 %, à savoir une hausse de 1 % pour les rémunérations et charges sociales, une stabilité des subventions aux établissements publics, une baisse de 3,6 % des crédits de fonctionnement et d'informatique et une diminution de 1,7 % des autres dépenses.
La seule augmentation notable tient au transfert de 10,5 millions de francs pour l'Institut des hautes études de défense nationale en provenance du secrétariat général de la défense nationale.
Dans ces conditions, vous pouvez m'accorder que le budget des services du Premier ministre donne l'exemple en matière de maîtrise des dépenses de l'Etat. J'observe, d'ailleurs, que les conséquences concrètes de la réduction forfaitaire proposée ne sont pas tirées : quels emplois supprimer, quelles actions de formation abandonner ?
Pour toutes ces raisons, je souhaite que vous retiriez votre amendement. Si vous deviez le maintenir, je demanderais à la Haute Assemblée de ne pas le voter.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-68 rectifié.
M. Jacques Mahéas. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Par cet amendement, la droite sénatoriale persiste et signe.
M. Emmanuel Hamel. Pas toute la droite, car je voterai contre cet amendement !
M. Jacques Mahéas. Je vous en félicite, mais soyez persuasif en ce qui concerne vos collègues !
Votre attitude à l'égard des fonctionnaires, messieurs de la majorité sénatoriale, ne varie pas d'un iota d'une année sur l'autre. Vous êtes d'accord pour moderniser l'Etat, mais vous voulez réduire les effectifs. Vous faites généralement des fonctionnaires les boucs émissaires et vous les montrez à la vindicte publique. Cela me semble aller à l'encontre de votre idée de faire un Etat moderne, un Etat modernisé, un Etat efficace.
Vous vous obstinez à vouloir réduire des effectifs. Je reprendrai une phrase du rapport de M. Lambert sur le projet de budget pour 1998 dans laquelle il évoque « une priorité inquiétante donnée à l'emploi public ». Cela deviendrait inquiétant et, en conséquence, il faudrait réduire les effectifs, geler les rémunérations des fonctionnaires, supprimer 3 milliards de francs prévus pour les salaires dans le budget des charges communes dans le fascicule des services généraux du Premier ministre et supprimer, par le présent amendement, quelque 276 millions au titre III, et par l'amendement suivant - mon explication de vote vaut pour les deux amendements - 10 millions de francs au titre IV.
Alors, les fonctionnaires sont-ils trop nombreux ?
Vous-mêmes et vos collègues que je connais, qui sont maires et qui ne partagent pas mes opinions, considèrent, dès qu'une difficulté surgit, qu'il n'y a pas assez de policiers sur place et, quand un hôpital fonctionne plutôt mal, qu'il n'y a pas assez d'infirmiers et d'infirmières. Ils dénoncent aussi la lenteur de la justice et les problèmes que connaît l'éducation nationale.
Puisque quelques-uns d'entre vous pensent, me semble-t-il, qu'il y a 10 % de fonctionnaires en trop, dites-nous dans quels secteurs vous voulez réduire les effectifs. Pourquoi ces fonctionnaires qui seraient moins payés seraient-ils plus compétitifs et travailleraient-ils mieux ?
Bien évidemment, notre groupe ne peut souscrire à une telle démarche et nous voterons contre cet amendement.
M. Emmanuel Hamel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel. Quand on a, comme je l'ai, le sens de l'amitié, c'est parfois une véritable souffrance de s'exprimer dans cet hémicycle.
Je regrette que l'éminent rapporteur général du budget ne soit pas là car s'il était au banc des commissions j'aurais plus de facilité pour m'exprimer comme je vais le faire.
Je n'arrive pas à croire que notre collègue Marini, si intelligent, si brillant, ayant une si grande connaissance de la question, de par toutes les fonctions qu'il a déjà assumées, notamment dans la fonction publique, et qui, comme maire d'une ville éminente de France, connaît l'importance de la fonction publique, ait pu suggérer au Sénat ces séries d'amendements systématiques de réduction de crédits.
Certes, il faut gérer au mieux l'Etat, et, Messieurs les commissaires du Gouvernement, vous savez, comme moi, qui fut fonctionnaire, que certains secteurs peuvent être mieux gérés dans l'esprit du respect du service public.
Certes, il faut moins de dette publique pour que le franc soit plus fort, mieux respecté, et la France, en dehors des critères désastreux de Maastricht, plus indépendante et plus puissante.
Certes, il faut tenter de réduire l'augmentation des dépenses publiques pour alléger le poids de l'impôt et, par là même, créer, notamment dans le secteur privé, plus d'emplois.
Cependant, à quoi rime, mes chers collègues, de vouloir demander, dans les proportions suggérées par les auteurs de certains amendements, des réductions de crédits que nous n'appliquerions pas si, demain, nous revenions au pouvoir ?
Monsieur Marini, vos dons sont tels que vous pourriez assumer un jour - pourquoi pas ? - la charge de Premier ministre. Vous voyez-vous, le lendemain de votre arrivée à Matignon, réduire dans la proportion où le prévoit le présent amendement les crédits des services généraux du Premier ministre ? Je ne comprends pas, et c'est avec douleur que je le dis. Je crois pouvoir affirmer, sans avoir mandat de le faire, que nombre de collègues de la majorité sénatoriale, qui n'osent l'exprimer, pensent comme moi.
Je demande à la fonction publique de ne pas croire qu'un amendement comme celui-ci et que d'autres qui suivront sont l'expression de notre pensée sur la mission de la fonction publique dans l'Etat et du service public dans la République.
M. Philippe Marini, rapporteur spécial. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Marini, rapporteur spécial. Mes chers collègues, je répondrai d'un mot pour ne pas abuser de votre patience à cette heure avancée.
Je n'ai pas le dynamisme de M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel. Vous en avez beaucoup plus, vous êtes bien plus jeune !
M. Philippe Marini, rapporteur spécial. En effet, son dynamisme croît au fur et à mesure de l'avancée de la nuit et si nos débats se poursuivaient plus avant, nous aurions, je le crois, encore de belles interventions de sa part, comme celle qu'il vient de faire et dans laquelle il exprime toutes ses convictions.
Je lui rappellerai tout de même que cet exercice est en effet un peu formel, car l'ordonnance du 2 janvier 1959, qu'il connaît, limite assez considérablement les prérogatives du Parlement en ce qui concerne la modification du projet de budget présenté par le Gouvernement - il le sait infiniment mieux que moi.
Les quelque 300 millions de francs dont il s'agit sont à comparer à une dépense de fonction publique de 600 milliards de francs - les chiffres ont été cités tout à l'heure.
Cette réduction est certes localisée sur un titre et sur un chapitre particulier. Mais si nous nous trouvions dans l'hypothèse que vous avez évoquée, c'est-à-dire s'il y avait une nouvelle alternance et si nous étions à nouveau aux affaires, nous ferions, en effet, des économies, nous nous efforcerions de réduire progressivement l'endettement de notre pays, pour toutes les raisons que vous avez signalées,...
M. Jacques Mahéas. Vous avez fait le contraire !
M. Philippe Marini, rapporteur spécial. On ne va pas engager le débat sur l'endettement car, à cet égard, les responsabilités sont assez partagées, compte tenu des alternances successives que nous avons connues. Nous parlons sur des périodes qui sont des séquences de plus en plus brèves. Aussi, retrouver les responsabilités n'est pas si simple. Je crois, mon cher collègue, qu'il ne faut pas trop simplifier les choses.
Les amendements dont il s'agit obéissent à un exercice global. A travers ces amendements, nous voulons dire que le déficit de l'Etat ne doit pas être aggravé par rapport à celui qui est présenté par le Gouvernement, que nous ne partageons pas des choix fiscaux qui désespèrent nombre de Français, découragent l'initiative et pèsent d'un poids considérable dans la compétition internationale, et que nous devons avoir un Etat fort, puissant, qui exerce ses prérogatives, mais un Etat réformé en profondeur.
Tels sont les messages que traduisent ces amendements. Ce n'est pas autre chose. Il ne faut évidemment pas les prendre au pied de la lettre, ou du chiffre. Il est évident que nous ne voulons pas la suppression de l'action sociale interministérielle. Ce sont en effet, et M. le ministre l'a dit tout à l'heure dans un lapsus qui n'en était pas un, des réductions « indicatives » qui témoignent du sens général que nous voulons donner à une politique différente, ce qui est le rôle de l'opposition ; de même, il ne me semble pas être dans le rôle de l'opposition de pousser à la roue du Gouvernement pour demander toujours plus de dépenses alors qu'elle ne prend pas la responsabilité de voter le budget.
Je pense que l'attitude de la majorité sénatoriale est responsable. Nous nous la sommes fixée par un large consensus au sein des groupes de cet hémicycle. Il faut la suivre avec discipline. C'est ce à quoi vous appelle la commission des finances.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-68 rectifié, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 50:

Nombre de votants 318
Nombre de suffrages exprimés 316
Majorité absolue des suffrages 159
Pour l'adoption 218
Contre 98

M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.).
M. le président. « Titre IV, 275 255 388 francs. »