M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant la mer.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. René Régnault, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour la marine marchande. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si la mer ne vaut pas une messe, elle vaudra peut-être quelques minutes d'explications de la part du rapporteur spécial !
Le budget de la marine marchande correspond au fascicule « Mer » du budget de l'équipement, des transports et du logement, abstraction faite des crédits consacrés aux ports maritimes, dont mon éminent collègue vous entretiendra dans un instant.
Ainsi définis, les crédits inscrits au budget de la marine marchande pour 1998 s'élèvent à 5,6 milliards de francs ; ils sont donc stables par rapport au budget de 1997.
On peut regretter que, pour 1998, des moyens supplémentaires n'aient pas été attribués au secteur maritime, qui représente un atout essentiel pour la compétitivité mais aussi pour l'équilibre économique et la position stratégique de notre pays. Cependant, ces crédits avaient diminué de 1 % en 1997. Ce budget marque donc une stabilisation.
Les crédits affectés à l'administration générale représentent 8 % du budget de la marine marchande et sont en hausse de 11 % par rapport à 1997.
Cette hausse intervient après une diminution sensible en 1997, résultant principalement de la fusion des services généraux de la mer avec ceux de ses deux ministères d'accueil, à savoir celui de l'équipement et celui de l'agriculture.
Les crédits consacrés aux gens de mer représentent 2 % du budget de la marine marchande. La diminution de 14 % de cet agrégat s'explique entièrement par la diminution des crédits consacrés aux dépenses d'action sociale, qui est elle-même une opération de vérité budgétaire.
En effet, les dépenses engagées au titre de l'allocation compensatrice, qui assure un revenu de remplacement aux marins âgés de plus de cinquante ans licenciés pour raison économique, sont réduites de 45 millions de francs en 1997 à 20 millions de francs pour 1998.
Cette très forte diminution, pour surprenante qu'elle soit, s'explique par l'existence d'une convention entre l'Etat et l'UNEDIC. Elle est justifiée par l'existence prévisible d'un report de 40 millions de francs à la fin de 1997, ce qui permettra d'ajuster convenablement les crédits nécessaires.
D'un montant de 4,6 milliards de francs en 1997, la subvention d'équilibre de l'Etat à l'Etablissement national des invalides de la marine, l'ENIM, représente à elle seule 82 % du budget de la marine marchande.
Les prévisions pour l'exercice 1998 traduisent donc une stabilité de la subvention de l'Etat, qui représentera la moitié du budget de l'ENIM. Le budget global de cet établissement s'élève, lui, à 9,25 milliards de francs pour 1998.
Dans le cadre de la réforme des services de la mer, l'ENIM, qui était jusqu'à présent une direction d'administration centrale gérant un établissement public administratif, devait devenir un établissement public administratif de plein exercice, soumis à la tutelle de l'Etat.
Une nouvelle phase de concertation a été engagée sur ce projet afin de préciser le statut du futur établissement public.
La situation actuelle des personnels de l'établissement demande à l'évidence d'être clarifiée : les 569 emplois de l'ENIM se répartissent en 323 emplois sur le budget général « Mer », 179 emplois sur le chapitre de subvention à l'ENIM et 67 emplois sur le budget de l'ENIM proprement dit.
Monsieur le ministre, je vous remercie de la réponse que vous m'avez transmise il y a quelques jours concernant cet établissement et l'évolution de son statut. Je serais heureux que, tout à l'heure, devant la Haute Assemblée, vous nous disiez quelques mots à ce sujet.
Les crédits consacrés à la signalisation et à la surveillance maritimes représentent 2 % du budget de la marine marchande.
L'année 1998 verra ainsi la modernisation du parc de bouées en métropole et la modernisation de la flottille dans le cadre d'un plan étalé sur huit ans, rendu possible par l'accroissement des moyens d'investissement consacrés à la signalisation.
La subvention de la Société nationale de sauvetage en mer, la SNSM, est maintenue à 4 millions de francs en fonctionnement et à 9,6 millions de francs en équipement. En 1998, la SNSM pourra ainsi poursuivre son plan de modernisation avec la mise en service de quatre canots tout temps et de deux vedettes légères. Entre 1995 et 1997, douze canots et neuf vedettes ont ainsi été mis en service, permettant le renouvellement de la flotte.
Je me réjouis de cet effort de modernisation dans ce domaine très important. En effet, un nombre croissant de nos compatriotes, adeptes de la navigation de plaisance, mais sans être toujours pourvus d'une expérience suffisante de la mer, s'exposent à certains risques, ce qui donne lieu à des interventions de plus en plus fréquentes de la Société nationale de sauvetage en mer.
Les crédits consacrés à la protection et à l'aménagement du littoral représentent seulement 0,3 % du budget de la marine marchande. Cependant, les moyens affectés à la lutte contre la pollution accidentelle du littoral et de la mer s'accroissent.
Les moyens consacrés à la protection des zones littorales contre l'érosion marine sont renforcés grâce à un doublement des autorisations de programme.
Cette dotation devrait permettre la poursuite du contrat de plan concernant la région picarde et de nouvelles opérations de confortation sur le littoral.
Je souhaite toutefois connaître vos intentions, monsieur le ministre, en ce qui concerne les schémas de mise en valeur de la mer, dont un seul, jusqu'à ce jour, est allé à son terme, responsabilité qui ne saurait vous être imputée. Quels sont les projets en cours de finalisation et quels moyens leur seront accordés ?
Enfin, les crédits consacrés à la flotte de commerce représentent 6 % du budget de la marine marchande. Pour 1998, ils diminuent en crédits de paiement, pour s'établir à 283 millions de francs.
Les subventions à la flotte de commerce diminuent de 14 %, pour s'établir à 173 millions de francs.
Il faut noter que ce chapitre fait régulièrement l'objet d'importantes mesures de régulation : l'arrêté du 9 juillet 1997 a annulé 25 % des autorisations de programme et 10 % des crédits de paiement.
Il convient toutefois de rappeler que, comme chaque année, le collectif budgétaire - nous l'examinerons dans quelques jours - propose l'inscription d'une dotation de 97 millions de francs, correspondant au remboursement par l'Etat de la part maritime de la taxe professionnelle.
En conclusion, je formulerai maintenant quelques observations.
Tout d'abord, je me réjouis de constater que l'effort en faveur de la formation maritime se poursuit. Il s'agit d'un effort significatif.
L'an dernier, les crédits consacrés à la formation maritime via l'AGEMA, l'Association pour la gestion des écoles maritimes et aquacoles, ont augmenté de 5,7 %. L'effort devrait se poursuivre puisque les crédits s'établiront à 77 millions de francs, soit une hausse de 3,3 % par rapport à 1997.
L'augmentation des moyens consacrés à la formation maritime s'explique à la fois par la modernisation en cours du réseau scolaire et par la progression continue des effectifs.
En effet, les formations sont en cours de rénovation, car l'année 1998 sera marquée par l'entrée en vigueur des textes réglementaires qui imposent un nouveau système de communication et de sécurité en mer.
Mais, surtout, les effectifs des écoles d'enseignement maritime continuent de croître. Pour 1998, 917 élèves officiers sont attendus dans les quatre écoles nationales de la marine marchande, soit une hausse de 10 % par rapport à 1997. Les effectifs des écoles maritimes et aquacoles connaissent une véritable explosion depuis trois ans, puisqu'ils ont augmenté de 44 %.
Il serait bienvenu, monsieur le ministre, que vous nous indiquiez la politique que vous entendez mener en direction de l'enseignement maritime, notamment si vous envisagez de donner des moyens supplémentaires aux écoles de formation, dont les effectifs sont en très forte progression.
Bien que l'effort réalisé en faveur de la sécurité maritime soit manifeste dans le projet de budget pour 1998, il serait souhaitable qu'il soit maintenu durablement.
Le domaine de la sécurité maritime a, en effet, connu des évolutions majeures depuis quelques années.
Les autorisations de programme pour 1998 connaissent une hausse de 30 %.
De nouvelles dispositions en matière de sécurité des vraquiers devraient être adoptées en novembre prochain lors d'une conférence internationale de l'OMI. Par ailleurs, le code international de la gestion de la sécurité entrera en vigueur à compter de 1998.
Au regard de normes de sécurité exigeantes, le contrôle des navires est assuré par les inspecteurs et contrôleurs des quinze centres de sécurité des navires, avec le concours des unités des affaires maritimes.
Dans le cadre du mémorandum de Paris, vingt-sept postes supplémentaires d'inspecteurs étaient prévus. Si cet objectif n'est pas encore atteint, le projet de budget pour 1998 prévoit la création de cinq postes d'inspecteur et de sept postes de contrôleur.
Votre rapporteur spécial se réjouit des efforts déployés en faveur des gens de mer.
Envisagez-vous, monsieur le ministre, de nouvelles créations d'emplois ou des redéploiements dans ce domaine ?
Comptez-vous poursuivre la généralisation de l'implantation sur le littoral des unités littorales des affaires maritimes qui apportent leur concours au contrôle des navires et de la navigation ?
Enfin, je souhaite aborder un thème plus que jamais à l'ordre du jour : la situation et l'avenir de la flotte de commerce.
Alors que le plan marine marchande s'achève, l'année 1998 doit être celle d'importantes modifications dans les régimes de soutien à la flotte de commerce française.
Le projet de loi de finances pour 1998 supprime le dispositif d'encouragement fiscal en faveur de la souscription de parts de copropriété de navires de commerce, c'est-à-dire le système des quirats.
Je sais, monsieur le ministre, que vous travaillez activement, avec votre collègue de l'économie, des finances et de l'industrie, à la mise en place d'un nouveau dispositif qui permette le redressement de notre flotte de commerce. Nous serons attentifs aux indications que vous voudrez bien nous apporter à cet égard.
Depuis la reprise de la Compagnie générale maritime, la CGM, par la Compagnie maritime d'affrètement, la CMA, pour une somme symbolique de 20 millions de francs, le nouveau groupe se place au quatorzième rang mondial, avec une soixantaine de navires et quelque 17 000 conteneurs.
L'effectif du groupe s'élève à 2 443 personnes, dont 334 pour la CMA, mais il devrait décroître, d'après ce qui est prévu.
Votre rapporteur spécial, se gardant cependant de tout pessimisme, considère, d'une part, qu'il est trop tôt pour dégager un bilan correct de cette mutation, mais d'autre part, qu'il convient d'être vigilant et réaliste.
En conclusion, la commission des finances du Sénat vous demande d'adopter les crédits du projet de budget de la marine marchande pour 1998. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Massion, rapporteur spécial.
M. Marc Massion, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour les ports maritimes. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est non pas l'importance du projet de budget des ports qui, selon moi, justifie un rapport spécial, mais l'importance que ceux-ci doivent revêtir dans l'aménagement du territoire et dans le développement économique de la France, donc de l'emploi.
Ils constituent un atout majeur qui mérite une réelle prise en compte par les pouvoirs publics. En effet, les ports ne sont pas seulement des points de transit. Leur dynamisme génère de nombreuses activités industrielles et commerciales, qui contribuent à l'équilibre des régions dotées d'une façade maritime et à l'essor économique de l'ensemble de notre pays.
Or, depuis plusieurs années, il faut malheureusement constater que l'activité des ports français connaît un déclin significatif, en raison, tant d'une diminution tendancielle du transport maritime au profit du transport routier, que de détournements de trafic au profit des ports de l'Europe du Nord.
Malgré un redressement perceptible en 1996 et surtout visible en 1997, l'ensemble du trafic portuaire français s'élève seulement à 298 millions de tonnes en 1996, c'est-à-dire qu'il représente à peine le trafic du seul port de Rotterdam.
Les ports français subissent les effets à la fois de la concurrence européenne, de la réforme de la politique agricole commune et du développement du trafic lié au tunnel sous la Manche, conduisant à des retournements de situation qui fragilisent l'équilibre financier des ports.
Face à cette situation, l'engagement de l'Etat avait tendu à se réduire, alors que le budget consacré aux ports maritimes, de l'ordre de 600 millions de francs, était déjà fort modeste.
En tant que rapporteur spécial des crédits des ports maritimes, je ne peux dès lors que me réjouir de constater que la loi de finances pour 1998 rompt avec la diminution des crédits accordés aux ports français et je souhaite que ce budget soit l'amorce d'un effort financier continu dans l'avenir.
Je vous exposerai donc les grandes caractéristiques de ce budget avant de faire quelques observations et de formuler quelques interrogations.
Le budget des ports maritimes correspond à l'essentiel de l'agrégat « ports maritimes et littoral » du fascicule mer du budget de l'équipement, des transports et du logement.
Ainsi définis, les crédits inscrits au budget des ports maritimes pour 1998 s'élèvent à 592,7 millions de francs, soit une hausse de 1 % par rapport au budget voté de 1997.
Cette hausse rompt donc nettement avec la diminution de 3,1 % enregistrée l'an dernier, qui faisait elle-même suite à une baisse dans le budget de 1996.
Les dépenses ordinaires du budget des ports maritimes sont en progression de 1,3 % ; elles s'élèvent à 437 millions de francs pour 1998.
Parmi celles-ci, les dépenses de fonctionnement sont destinées aux ports non autonomes directement gérés par l'Etat.
Avec une dotation de 43 millions de francs, ces crédits destinés à l'entretien des chenaux d'accès, des avant-ports et des infrastructures de base des ports d'intérêt national augmentent de 14,2 % par rapport au budget voté en 1997. Ces crédits seront essentiellement consacrés à la réalisation d'opérations de rétablissement de profondeur, indispensables à la sécurité des accès nautiques.
Les dépenses d'intervention sont destinées à l'entretien courant des six plus grands ports de métropole.
Ce chapitre, qui représente à lui seul les deux tiers du budget des ports maritimes, est reconduit en 1998 à son niveau de 1997, soit 394 millions de francs. Il serait souhaitable, monsieur le ministre, que l'engagement budgétaire soit plus significatif dans les années à venir. C'est, en effet, dans ces ports que se réalise l'essentiel du trafic et c'est sur eux que pèse surtout la concurrence européenne.
Les dépenses en capital, de 155 millions de francs, progressent de 13,6 % en moyens d'engagement, mais sont stables en moyens de paiement. Cette revalorisation est donc un gage pour l'avenir et devra être confirmée.
L'essentiel des dépenses en capital est constitué des crédits pour les investissements de capacité et de modernisation dans les ports maritimes de métropole : 25 millions de francs supplémentaires en crédits d'engagement seront destinés à accélérer la mise en oeuvre des opérations inscrites dans les contrats de plan Etat-région.
Enfin, les crédits d'équipement pour les ports maritimes outre-mer s'élèvent à 13,4 millions de francs en crédits de paiement et les crédits consacrés aux études sont stables et s'établissent à 1,18 million de francs en crédits de paiement.
Je ferai maintenant quelques observations sur ce projet de budget.
Tout d'abord, il faut souligner qu'il va dans le bon sens, car il institue une rupture dans le désengagement de l'Etat.
Depuis plusieurs années, l'Etat a diminué ses subventions en se situant nettement en retrait par rapport aux dispositions du code des ports maritimes et en obligeant, en conséquence, les établissements portuaires à substituer au financement par l'Etat un financement par les collectivités locales et leur budget propre.
Par ailleurs, les difficultés financières auxquelles sont confrontés les ports français les ont conduits à réaliser d'importants efforts d'ajustement, qui se traduisent aujourd'hui par un redressement de 20 % de leur capacité d'autofinancement, un aménagement de leur dette et une modération de leurs coûts tarifaires.
Ces efforts sont essentiels pour restaurer leur compétitivité, mais ils seraient insuffisants et vains si l'Etat ne faisait pas face à ses obligations.
Il importe, monsieur le ministre, que l'engagement budgétaire en faveur des ports soit à la hauteur de leurs besoins et de leurs efforts.
Vous aurez à coeur, j'en suis sûr, de donner des engagements afin que la revalorisation des crédits, prévue dans le projet de budget pour 1998, soit effective et que des mesures d'annulation ne viennent pas, en cours d'année, supprimer les augmentations de crédits accordées, comme cela s'est produit régulièrement ces dernières années.
M. Henri Weber. Très bien !
M. Marc Massion, rapporteur spécial. Il est, en outre, nécessaire que ce mouvement se prolonge et amène une véritable rénovation de la politique portuaire française.
En effet, il est certain aujourd'hui que le soutien de l'Etat ne saurait être exclusivement budgétaire. Il importe qu'il engloble des actions déterminées en faveur d'enjeux décisifs pour la compétitivité des ports français.
Je formulerai à ce titre deux interrogations.
Une réforme portuaire doit être menée. Elle passe non pas obligatoirement par une loi, mais plutôt par le souci constant du Gouvernement d'intégrer le nécessaire développement de nos ports dans toutes les initiatives qui les concernent, notamment les réseaux de transport et l'aménagement du territoire.
Je souhaite, monsieur le ministre, que vous nous indiquiez les grands axes de cette réforme, qu'il est indispensable et urgent de concrétiser.
Par ailleurs, l'un des enjeux fondamentaux pour la compétitivité des ports français est la desserte terrestre, en particulier la desserte ferroviaire.
La desserte terrestre des ports maritimes est aujourd'hui plus que jamais essentielle, car c'est sur ce mode de transport que peuvent être réalisés les plus importants gains de productivité. Les autorités publiques ont, en effet, un rôle essentiel à jouer dans la réalisation des infrastructures.
Un certain nombre d'actions ont été engagées en matière de desserte routière. Je souhaite vivement que la construction de la liaison complète Abbeville-Rouen-Alençon-Tours soit le plus rapidement possible réalisée. Vous comprendrez, monsieur le ministre, qu'un parlementaire de Seine-Maritime, élu local de l'agglomération rouennaise, insiste particulièrement sur ce point. Mais j'ai bien entendu les explications que vous avez été conduit à donner, à plusieurs reprises, cet après-midi.
En matière de fret ferroviaire, les retards pris en la matière imposent plus que jamais une politique volontariste du nouvel établissement public Réseau ferré de France et cette politique devra impérativement s'inscrire dans un cadre européen.
En effet, les institutions communautaires envisagent de mettre en place des corridors de fret ferroviaires dès 1998.
Les premiers projets examinés n'incluaient pas les ports maritimes français. Il est donc impératif de développer des propositions qui permettent d'insérer nos ports dans ce nouveau réseau européen de transport de fret et, surtout, d'orienter ce réseau vers un axe ouest-est, reflet des potentialités de développement du trafic portuaire français, alors qu'actuellement c'est l'axe sud-nord qui est priviliégié, y compris dans les transports fluviaux, avec le projet du canal Seine-Nord, ce qui ajoute aux difficultés de nos ports du Nord et du Nord-Ouest.
Je me suis rendu récemment dans les ports de l'Europe du Nord, à Rotterdam et à Anvers, dans le cadre d'une mission d'information sur la situation des ports maritimes français dans la concurrence européenne. Les ports d'Europe du Nord bénéficient d'avantages décisifs par rapport aux ports français.
M. Henri Weber. C'est vrai !
M. Marc Massion, rapporteur spécial. D'abord, ils bénéficient, bien qu'ils s'en défendent, de soutiens publics massifs. Le projet « Rotterdam 2010 » représente ainsi 300 milliards de francs, dont 30 milliards de francs d'investissements de l'Etat en infrastructures portuaires, ferroviaires et routières. Ces chiffres montrent l'écart considérable entre la politique portuaire de la France et celle de nos principaux concurrents européens.
Ensuite, les ports d'Europe du Nord développent des projets d'intégration européenne cohérents. Le Gouvernement néerlandais a fait inscrire la réalisation d'une voie ferrée de fret entre Rotterdam et la Ruhr au titre des quatorze projets d'infrastructures de transports européens prioritaires. Le port belge d'Anvers a fait inscrire un projet de desserte ferroviaire du port d'Anvers vers le Rhin.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer les projets que vous entendez promouvoir dans le cadre du développement des transports de fret ferroviaire à l'échelon européen ?
Je tiens à saluer l'effort réalisé en matière de passage portuaire. Pour 1998, la mise en oeuvre du programme européen « Douane 2000 » d'harmonisation des procédures douanières devrait être une priorité de la direction générale des douanes et des droits indirects.
Il convient également que l'harmonisation des procédures vétérinaires et phytosanitaires, dans le même souci d'efficacité et de sécurité, permette de mettre au même niveau les conditions de concurrence entre les ports européens.
Enfin, monsieur le ministre, j'attire avec insistance votre attention sur les distorsions de concurrence d'origine fiscale en Europe. Une action forte doit être menée à l'échelon européen pour que des règles soient établies et, lorsqu'elles le sont, pour exiger qu'elles soient respectées par tous les pays.
En conclusion, la commission des finances vous propose, mes chers collègues, d'adopter les crédits du budget des ports maritimes pour 1998. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Rocca Serra, rapporteur pour avis.
M. Jacques Rocca Serra, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ne disposant que de cinq minutes pour donner l'avis de la commission des affaires économiques sur le budget de la marine marchande et celui des ports maritimes, je ne reviendrai pas sur les crédits inscrits au titre de ces deux budgets. Ils ont été fort bien et amplement commentés par MM. Régnault et Massion. Je précise simplement que le budget de la mer est pratiquement reconduit pour l'année 1998. En revanche, je formulerai trois observations.
Tout d'abord, permettez-moi de rappeler que la marine marchande et les ports maritimes constituent pour la France, comme l'a indiqué tout à l'heure, monsieur le ministre, un outil stratégique de première importance, notamment pour la préservation de son indépendance nationale, ce dont les précédents budgets n'ont pas su prendre la mesure.
Il importe de redonner à la France une grande ambition maritime. Je rappelle que le Président de la République a déclaré qu'il était « particulièrement et personnellement attaché à une grande politique de la mer ».
Ce budget se révèle donc nettement insuffisant pour atteindre l'objectif fixé.
Il est inutile, par ailleurs, de rappeler à quel point ce secteur est déterminant aussi en termes économiques et en termes d'emploi.
C'est pourquoi la quasi-reconduction des crédits votés l'année dernière témoigne que ce projet de budget est, hélas ! dépourvu de ce « souffle » qui avait fait naître, l'an dernier, l'espoir de le voir nettement augmenter en 1998.
Ma deuxième observation concerne la décision du Gouvernement de supprimer le régime fiscal des quirats, qui avait pour objectif de relancer l'investissement sous pavillon national et d'enrayer le déclin de la flotte de commerce française. Je sais, monsieur le ministre, que vous n'y êtes pour rien dans cette décision, mais je me devais de le rappeler.
Après seulement un an d'existence, le nouveau dispositif fiscal a eu des effets extrêmement encourageants : 10 % de la flotte française ont été renouvelés ; l'investissement maritime a plus que doublé et 550 emplois de navigants et de sédentaires ont été créés, alors que 300 pertes d'emplois de navigants étaient enregistrées chaque année entre 1990 et 1995.
Les commandes induites par la réforme des quirats ont permis de maintenir 4 700 emplois dans la construction navale et neuf navires sont actuellement en construction dans les chantiers navals français.
Tous ces arguments ont été déjà longuement analysés par mes collègues lors de la discussion de l'article 8 de ce projet de loi de finances, et je n'ignore pas que le Sénat a adopté deux amendements de conciliation pour préserver, autant que possible, un soutien impératif et nécessaire à notre flotte de commerce.
Il n'en demeure pas moins que la décision de supprimer les quirats me paraît « gravissime » et obère toute perspective à court terme de voir notre pays doté d'une flotte digne de son rang dans le monde.
Ma troisième observation - et je sais que vous n'y êtes également pour rien - concerne la desserte fluviale puisqu'il s'agit de l'abandon du projet de mise à gabarit européen de la liaison fluviale Rhône-Rhin. Vous savez que j'y tiens beaucoup et j'aborderai ce sujet chaque fois que je serai dans cet hémicycle.
Je ne reviendrai pas sur l'intérêt stratégique, économique, touristique, écologique, sans parler des incidences en termes d'emplois, qu'il y avait d'achever le canal à grand gabarit Rhône-Rhin.
Cette liaison nord-sud est capitale pour notre pays. Après le voeu manifesté par tous les Présidents de la Ve République, sans exception, la représentation nationale l'avait bien compris puisque, à l'unanimité de tous les groupes parlementaires, elle avait décidé, dans la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995, l'achèvement et le financement de cette liaison.
Cette décision avait été prise après une longue réflexion inspirée, en particulier, par l'exemple de la liaison Rhin-Main-Danube qui organise, depuis 1992, toute l'Europe fluviale de Rotterdam à Constanza, isolant la France des grands flux européens. Elle remet en cause l'avenir des ports fluviaux de Strasbourg, de Mulhouse et de Lyon et anéantit toute réelle perspective de développement pour « l'interland » de Marseille. Elle aurait permis, en outre, d'oxygéner l'Arc Latin, à partir duquel la France pouvait conforter sa politique méditerranéenne.
Le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale, a, brutalement et sans aucune concertation, annoncé l'abandon de ce projet remettant ainsi en cause la parole de l'Etat et le vote du Parlement.
S'agissant de cette liaison Rhône-Rhin comme des quirats, il n'est pas bon pour la démocratie que la parole de l'Etat, clairement exprimée selon les procédures légitimes de nos institutions, puisse être remise en cause à chaque changement de majorité. Elle ne peut être sujette à caution ni à réinterprétation permanente au gré des bouleversements politiques.
Telles sont donc, monsieur le ministre, les observations que je souhaitais présenter.
La commission des affaires économiques et du Plan a décidé, contrairement à la commission des finances, d'émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mer dans le projet de budget du ministère de l'équipement, des transports et du logement pour 1998. (MM. Josselin de Rohan et François Trucy applaudissent.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures quarante, est reprise à vingt-trois heures quarante-cinq.)