M. le président. La séance est reprise.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 18 minutes ;
Groupe socialiste, 8 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
La parole est à M. Weber.
M. Henri Weber. Monsieur le ministre, en ce qui concerne le projet de budget de la mer que vous nous présentez aujourd'hui, je voudrais examiner les deux axes essentiels que sont, d'une part, la marine marchande et, d'autre part, les ports maritimes.
S'agissant de la marine marchande - cela a été dit et répété - les crédits sont stables par rapport à 1997 ; 8 % de ce budget sont affectés à l'administration générale, soit une hausse de 11 %. La sécurité en mer est l'objet d'une attention croissante et un effort particulier est fait en ce domaine avec le renforcement en personnel des centres de sécurité des navires et le renouvellement des moyens de signalisation maritime.
La formation et les écoles de marine marchande sont également l'objet d'un soin particulier. En effet, après la hausse de 5,7 % des crédits l'an passé, l'augmentation sera, cette année, de 3,3 %, et les crédits s'établiront à 76,7 millions de francs. La modernisation du réseau scolaire et la progression continue des effectifs justifient ces efforts.
S'agissant du délicat problème des quirats, qui a été évoqué par les orateurs qui m'ont précédé à cette tribune, l'absence de solutions de rechange à ce système est en effet préoccupante quant à l'avenir de la flotte battant pavillon français.
Certes, le repli de notre flotte de commerce, dont les conséquences en termes d'emplois sont évidentes, remonte aux années soixante-dix.
Certes, le système des quirats était loin d'être parfait, c'est un euphémisme, et présentait même d'évidents défauts : son coût est exorbitant - 5 millions de francs par emploi créé ! - le nombre de navires mis en construction dans les chantiers navals français est faible, et il s'agit d'un cadeau fiscal injustifiable accordé aux plus gros contribuables aux dépens des petits épargnants.
Certes, il s'agissait d'un privilège inconciliable avec l'idée que nous nous faisons de la justice. Mais il faut absolument que soit proposé un système de substitution, et ce dans les plus brefs délais, quitte à ce que soit envisagé, à titre transitoire, un soutien fiscal. Hier, lors de l'examen du projet de budget de l'industrie, j'ai évoqué la concurrence venue des pays d'Extrême-Orient. Elle rend ce soutien plus que jamais nécessaire.
Pour en finir sur ce sujet, je tiens à vous rappeler, monsieur le ministre, la proposition de résolution présentée par ma collègue Mme Marie-Madeleine Dieulangard sur la proposition de règlement du Conseil établissant de nouvelles règles pour les aides à la construction navale.
Dans cette proposition de résolution, elle formule trois demandes au Gouvernement. D'abord, elle lui demande de s'opposer à la disparition automatique des aides aux commandes le 31 décembre 2000 ; ensuite, elle lui demande d'obtenir, au sein du Conseil, un réexamen du régime d'aides à la construction navale en l'an 2000, la suppression éventuelle des aides au contrat ne pouvant être décidée qu'après un examen approfondi de la situation de la construction navale européenne et des conditions de concurrence au niveau mondial aura été effectué. Enfin, elle lui demande d'obtenir de la commission européenne la réalisation d'une étude évaluant le montant de l'ensemble des aides publiques, directes ou indirectes, qui sont accordées à l'industrie de la construction navale dans chacun des Etats membres de l'Union.
J'en viens au projet de budget consacré aux ports maritimes. Les crédits inscrits pour 1998 s'élèvent à 592,7 millions de francs, soit une augmentation de 1 % par rapport au budget voté en 1997. Des efforts importants ont été consentis pour la plupart des ports maritimes afin de réduire leur déficit d'exploitation. En regard de ces efforts, je suis heureux de constater, monsieur le ministre, que votre projet de budget marque un arrêt dans la diminution des crédits en faveur des ports enregistrée ces dernières années.
La stabilisation des dotations pour les crédits d'entretien et d'exploitation est également satisfaisante, de même que l'augmentation de 14 % des crédits concernant la rénovation du patrimoine des ports autonomes et des ports d'intérêt national. Cette augmentation des autorisations de programme pour les dépenses d'investissement de capacité et de modernisation des ports répond au voeu de tous ceux qui souhaitent redonner à notre pays une grande ambition maritime.
J'en viens, enfin, à la question qui me préoccupe plus particulièrement, celle des projets de réaménagement du port du Havre.
La croissance rapide et régulière du trafic conteneurs de ce port et la saturation prévisible de ses installations vers 2001 ont conduit à l'élaboration du projet « Le Havre port 2000 », qui prévoit une première tranche de travaux visant à créer 700 mètres de quais en eau profonde avec ses terre-pleins d'accompagnement, puis ultérieurement une seconde tranche identique.
L'importance de ce projet pour l'avenir de la ville du Havre, des régions de Haute-Normandie et de Basse-Normandie et, plus largement, de l'ouest de la France, son impact sur l'emploi dans une région très touchée par le chômage - 35 000 emplois directs et indirects dépendent du port - doivent conduire l'Etat à suivre avec attention et à accompagner avec diligence la réalisation de ce projet crucial.
Je rappelle, à ce titre, que la compétition, déjà évoquée par le rapporteur spécial M. Massion, entre le port du Havre, premier port à l'import ou dernier port à l'export rencontré sur la Manche par les navires desservant l'Europe du nord-ouest, et les ports de la mer du Nord est vive, et que ceux-ci ont également d'ambitieux programmes de développement et qu'ils ont en effet déjà commencé à les réaliser. Soutenir ce projet impose que, à l'issue du débat public de quatre mois qui vient d'être lancé, l'Etat en étudie très vite les résultats afin d'arrêter sa position et de permettre le lancement des études et des réalisations.
Ce projet, monsieur le ministre, d'un coût prévisionnel, oscillant suivant les options entre quelque 1,3 milliard de francs et 2,2 milliards de francs, doit démarrer en 1999.
Nous souhaitons connaître le calendrier des prévisions d'inscription de crédits de financement de l'Etat permettant de réaliser cet équipement.
Pour que ce projet soit parfaitement opérationnel, les dessertes du port du Havre doivent être améliorées. Compte tenu des délais de mise en oeuvre du programme portuaire, la programmation de la réalisation de ces dessertes doit anticiper celle des travaux du port. Il s'agit des liaisons autoroutières A 28 et A 29, dont il a été beauooup question cet après-midi, ainsi que du contournement ferroviaire de Paris par le Nord. Cette desserte permettrait également, comme cela a été dit, d'améliorer la compétitivité du port de Rouen en lui offrant la desserte de Reims, de Metz ou du sud de l'Allemagne. Pouvons-nous, sur ces deux points, connaître l'état d'avancement des dossiers ?
Nous attendons les précisions que vous voudrez bien nous apporter. Cela étant dit, monsieur le ministre, nous voterons votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Vigouroux.
M. Robert-Paul Vigouroux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, responsable de recherche en neurophysiologie pendant dix ans, j'ai pu apprécier le haut degré de la technologie française et son rayonnement mondial, mais, parallèlement, j'ai constaté la progressive disparition du matériel français dans les laboratoires que je fréquentais.
Me consacrant ensuite à la neurochirurgie, je crois pouvoir dire que notre place en cette discipline, comme dans celles qui y étaient associées, figurait dans le groupe de tête, mais alors qu'à mes débuts le matériel français était en pointe dans l'instrumentation, la neuroradiologie, l'électronique, la respiration artificielle et la surveillance informatique, il a disparu de nos hôpitaux et de ceux des pays étrangers, comme les machines-outils en un autre domaine.
Quel rapport ces considérations ont-elles avec notre débat actuel ? J'y viens, monsieur le ministre.
Durant la troisième phase de ma carrière, devenu maire de Marseille, ville portuaire et maritime, j'ai assisté à la poursuite d'un déclin français plus qu'inquiétant en ces activités, comme en celles de la construction et de la réparation navale. Monsieur le ministre, Vous n'êtes évidemment pas responsable...
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. C'est sûr !
M. Robert-Paul Vigouroux. ... de ce véritable effondrement d'un tel secteur économique, pourvoyeurs d'emplois, qui touche non seulement la Méditerranée, mais aussi l'ensemble de nos côtes atlantiques, de la Manche, de la mer du Nord.
On ne peut pas jouer le rouge et le noir, m'a-t-on répondu par le passé ; la France ne peut pas tout conserver, elle doit promouvoir des secteurs florissants, qui la mettent en bonne place s'agissant de la compétitivité.
En matière maritime, la concurrence est devenue trop sévère et les regards se tournent vers les pays d'Extrême-Orient ou d'autres pays à main-d'oeuvre bon marché, qui se sont hissés cependant dans les hautes sphères de la technologie.
Toutefois, ce raisonnement ne tient plus si nous regardons l'essor de pays européens, dont certains, comme l'Allemagne, n'ont pas un réel passé de suprématie maritime.
Il n'est pas dans mes intentions de polémiquer sur le présent projet de budget. Je voudrais plus franchement poser une question de confiance concernant notre avenir maritime. S'il est désiré, comment le défendre réellement ? La réponse devrait être positive sur le devenir de cet ensemble, alors que les échanges commerciaux augmentent sans cesse, selon une courbe impressionnante, que la voie maritime est loin d'être abandonnée et que, à l'intérieur des terres, le rendement de la grande voie fluviale Rhin-Danube a largement dépassé les prévisions les plus optimistes.
Monsieur le ministre, nous parlons sans cesse d'essor économique, de croissance et d'emploi. Nous comptons sur vous pour défendre ce secteur maritime par trop abandonné.
Vous avez augmenté les crédits des ports maritimes et je vous en sais gré. Le soutien à la marine marchande reste en discussion et aboutira, je l'espère, à une meilleure efficacité.
Cependant, les décisions générales dépassent, en réalité, le projet de budget que nous examinons aujourd'hui, car il s'agit d'une option dont les modalités restent à définir.
Cela étant dit, à titre personnel et comme la majorité des membres de mon groupe, je suivrai vos propositions.
M. le président. La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la mer est, comme chacun le sait, essentiellement constitué des dépenses inscrites au titre IV concernant le financement par l'Etat du régime de retraite de la marine marchande.
Sur un volume budgétaire de 6 212 millions de francs, ce sont en effet près de 4 600 millions de francs qui sont dévolus au financement de l'Etablissement national des invalides de la marine.
La discussion du budget de la mer nous offre donc plutôt l'opportunité de nous interroger sur la politique maritime de notre pays et sur les questions posées par le développement éventuel de la filière maritime. Le débat sur ces questions est d'autant plus important que nous sommes, en la matière, un peu à la croisée des chemins.
La première partie du projet de loi de finances comportait en effet, entre autres mesures, la suppression du régime des quirats, dont l'efficacité économique et sociale pour notre filière maritime n'a pas été manifestement prouvée.
Pour autant, la position adoptée par le gouvernement précédent en ce domaine traduisait dans les faits une orientation dont nous avons déjà souligné à de multiples reprises l'aspect contradictoire.
En effet, devant la forte pression des Etats-Unis dans les négociations commerciales internationales, les pays d'Europe acceptent, à notre sens, un peu trop facilement, depuis plusieurs années, de renoncer à l'aide budgétaire directe en faveur de certains secteurs d'activité donnés - la filière maritime n'en étant qu'un parmi d'autres - pour y substituer une aide de caractère fiscal, qui fait s'interroger sur la portée de l'action publique.
En effet, on ne peut plus, dans ce cadre, savoir ce qui est important, si c'est l'aide que cette dépense fiscale apporte au secteur ou si c'est l'aide que cette dépense fiscale apporte aux particuliers qui optimisent ainsi leur déclaration d'impôt.
L'expérience des quirats est assez parlante puisqu'elle a notamment consisté à favoriser le développement de l'emploi dans les chantiers sud-coréens et celui de la marine marchande battant pavillon de complaisance.
M. René Régnault, rapporteur spécial. Très bien !
M. Pierre Lefebvre. En clair, avec ce système, nous avons favorisé la destruction de l'emploi dans les chantiers navals français et la poursuite de la réduction de la part de notre flotte marchande sur les mers du globe !
Cela pose une nouvelle exigence.
Le développement de notre filière maritime est, de notre point de vue, parfaitement justifié. La France est en effet, et de loin, le pays d'Europe ayant la plus grande façade maritime, et ce d'autant plus lorsque l'on y ajoute le domaine maritime situé autour de nos départements et territoires d'outre-mer.
Cet atout doit donc être valorisé, et il importe de poser les conditions nouvelles d'une intervention publique en faveur de la construction navale et de la relance de notre marine marchande.
J'observe d'ailleurs, dans le cadre de ce projet de budget, une première inflexion dans ce sens, puisque de premiers efforts sont par exemple fournis sur les crédits du titre V, notamment en faveur de la sécurité et de la police maritimes ou des infrastructures portuaires.
Nous ne pouvons donc qu'inviter le Gouvernement à prolonger cet effort et à mettre en oeuvre dans les délais les meilleurs, en consultant l'ensemble des parties prenantes - je pense, en particulier, aux élus locaux des zones portuaires, comme aux professionnels et aux gestionnaires d'infrastructures - sur les perspectives et les moyens d'une politique ambitieuse de relance de notre filière.
M. René Régnault, rapporteur spécial. Très bien !
M. Pierre Lefebvre. Le chemin qui s'ouvre devant nous est long. Il passe également par une négociation au plus haut niveau, européen et international, mais il mérite, compte tenu de notre tradition maritime et de la place de notre pays dans le monde, d'être emprunté sans tarder.
Telles sont les observations que je souhaitais formuler à l'occasion de l'examen des crédits de la mer. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. de Rohan.
M. Josselin de Rohan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'année qui s'écoule, comme celle qui s'annonce, est une année sombre pour la communauté maritime française.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Oh !
M. Josselin de Rohan. Le projet de budget du ministère de l'équipement, des transports et du logement, dans son volet consacré à la mer, en est une éloquente illustration.
En termes très justes, M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan a évoqué la nécessité pour la France de nourrir une grande ambition maritime. Il a fort opportunément rappelé l'attachement du Président de la République à cette cause, qui s'est traduit par un certain nombre de décisions telles que la loi du 5 juillet 1996 sur les quirats.
Pour la première fois, nous pouvions espérer enrayer le déclin de notre marine marchande et freiner le « dépavillonnement » et la chute des effectifs. Pour la première fois depuis de nombreuses années, nous entrevoyions la modernisation de notre flotte, grâce à de nouvelles commandes de bâtiments. Cet élan a été brutalement stoppé par la décision de mettre un terme à la procédure des quirats.
En 1980, sous le titre prometteur : La Mer retrouvée, le parti socialiste publiait un manifeste contenant une série de propositions destinées à promouvoir une grande politique de la mer. Qu'est-il advenu de ces nobles intentions ?
M. René Régnault, rapporteur spécial. Vous avez supprimé le secrétariat d'Etat à la mer !
M. Josselin de Rohan. Entre 1980 et 1995, notre flotte de commerce est passée de 412 navires, dont 45 porte-conteneurs de 6,5 années de moyenne d'âge, à 207 navires, dont 20 porte-conteneurs de 12 années de moyenne d'âge. Entre 1984 et 1994, la moyenne d'âge de la flotte française est passée de 9 ans à 14 ans. Son chiffre d'affaires est tombé de 27,5 milliards de francs en 1981 à 21,4 milliards de francs en 1993.
En 1980, 24 000 marins étaient employés sur des bâtiments français ; en 1995, on en comptait moins de 9 000 ; ils sont aujourd'hui moins de 8 000.
A l'exception notable des hydrocarbures, notre pavillon ne transporte que 51 % des marchandises diverses en provenance ou à destination de notre pays et 22 % des vracs secs. Parmi les dix transporteurs mondiaux de conteneurs, on ne trouve aucun armement français. Il est paradoxal et affligeant de constater que le quatrième exportateur mondial est devenu une puissance maritime de second ordre.
Comment ne pas souscrire à cette réflexion de M. Michel Delebarre, ancien ministre chargé de l'équipement et des transports : « Il est indéniable que le fait de transporter 85 % des marchandises transitant par nos ports sur des navires battant pavillon étranger, outre les conséquences directes pour l'emploi à bord des navires, favorise le détournement des trafics vers les ports étrangers et affaiblit l'activité de nos ports maritimes et de leur Hinterland. »
Dans ce contexte, l'abandon des quirats constitue un coup supplémentaire porté à notre marine marchande. Il a suscité une profonde émotion, non seulement parmi les professionnels et les élus qui s'intéressent aux questions maritimes, trop peu malheureusement, mais aussi chez certains responsables syndicaux. Les rapporteurs de l'Assemblée nationale, qu'on ne saurait suspecter d'être hostiles au Gouvernement, ont dénoncé l'absence de concertation préalable avant la décision de suppression.
Comme notre collègue M. Rocca Serra, ils ont démontré que le système mis en place par la loi de 1996 était très prometteur, puisqu'il a conduit au renouvellement, en une année d'application, de 10 % de la flotte, au doublement des investissements - 5 milliards de francs contre une moyenne annuelle de 2 milliards de francs les années précédentes - à la création de 550 emplois de navigants et de sédentaires, qu'il faut comparer à la perte de 300 emplois entre 1990 et 1995.
Nombreux sont les connaisseurs en matière maritime, qu'ils appartiennent à la majorité ou à l'opposition, qui ont dénoncé la mauvaise foi des détracteurs du système quirataire.
On a critiqué le fait que, sur seize navires neufs agréés, six seulement seront construits dans des chantiers français. C'est faire abstraction des engagements que nous avons pris au titre de l'accord OCDE de ne pas réserver exclusivement nos commandes aux chantiers européens ou nationaux. C'est ensuite ne tenir aucun compte du fait que les six navires neufs commandés dans les chantiers français représentent à eux seuls une valeur de 2,33 milliards de francs, contre 2,296 milliards de francs pour les dix bâtiments construits dans les chantiers étrangers qui, par conséquent, représentent une valeur ajoutée par navire très inférieure à celle des bateaux français.
Au demeurant, l'Etat dispose, grâce à la procédure de l'agrément, des moyens de jouer de la façon la plus sélective en faveur des dossiers les plus performants sur le plan économique et social, et il l'a déjà fait.
La meilleure preuve que le système quirataire a eu un impact positif sur la construction navale nationale, je la trouve dans les chiffres : alors qu'en novembre 1996 trois navires étaient en construction dans les chantiers français, on en compte aujourd'hui neuf en commande.
Le Gouvernement est en train de plaider à Bruxelles le maintien de notre système d'aide à la construction navale, qui profitera à tous les armateurs du monde envisageant des commandes aux chantiers français, mais, à le même temps, il démantèle un système qui permet à des armateurs français d'effectuer des commandes à des chantiers français pour exploiter des navires employant des marins français !
Les adversaires des quirats invoquent le coût exorbitant de la dépense, qu'ils chiffrent à 5,4 millions de francs par emploi créé. Là encore, on fait l'impasse sur les emplois maintenus dans les chantiers de construction, estimés par la profession elle-même à 4 200. Quand on sait que chaque emploi directement créé dans la marine marchande en induit trois à terre, on voit le nombre d'emplois qui ont été créés pendant la courte période où les quirats ont été en vigueur...
Le Gouvernement préférera-t-il indemniser des chômeurs ou des préretraités quand, du fait de la réduction des carnets de commande, les chantiers procéderont à des réductions d'effectifs ?
Venons-en à la justification « idéologique » de la mesure de suppression : les quirats, horresco referens, sont des niches fiscales ! Les zones franches ne sont pas des niches fiscales, et les SOFICA et les futures SOFIPECHE pas davantage. Les abattements consentis à un certain nombre de professions, toutes parfaitement méritantes, le sont encore moins. Seuls les quirats méritent cette qualification péjorative... (Sourires.)
Soyons sérieux ; pour financer les investissements dans le secteur de l'armement sans recourir aux crédits publics, il faut attirer et séduire l'épargne ; il n'y a pas d'autre moyen que de l'assortir d'avantages fiscaux. Le reste, c'est de l'hypocrisie.
Un pétrolier de 280 000 tonnes de port en lourd coûte 80 millions de dollars, un porte-conteneur entre 55 millions de dollars et 60 millions de dollars, un vraquier 38 millions de dollars. Le coût de l'investissement est aussi élevé que la rentabilité financière est aléatoire, ce qui explique que d'autres placements soient bien plus attractifs.
Pour cette raison, nombre d'Etats qui sont sévères en matière de fiscalité usent de l'incitation fiscale pour promouvoir l'investissement maritime. Je citerai, par exemple, l'Allemagne et la Norvège, et cette dernière n'est pas réputée pour son laxisme fiscal.
L'Allemagne a rénové sa flotte marchande et l'a hissée au onzième rang mondial - place que nous occupions il y a vingt-deux ans - en recourant pendant dix années au système des quirats. Elle en a fait aujourd'hui une des principales flottes de conteneurs du monde. Si elle y a renoncé, c'est qu'elle a atteint les objectifs qu'elle s'était fixés.
La décision du Gouvernement est, en réalité, d'autant plus surprenante et regrettable qu'il n'a pas de politique alternative.
Les nouvelles orientations communautaires en matière d'aides de l'Etat au transport maritime remettent en cause l'aide à l'investissement dont bénéficient nos armateurs. En particulier, la Commission demande que soit abandonnée la notion de subvention d'investissement assise sur la valeur du navire pour parvenir à une mise à niveau équivalente des charges fiscales et sociales pesant sur les armements. Comment, dans ces conditions, sera compensé à l'avenir le surcoût du pavillon français ?
En rejetant les quirats, le Gouvernement a renoncé à un dispositif qui avait obtenu l'accord de Bruxelles, pour lui substituer un projet d'aide aux contours flous dont l'« eurocompatibilité », pour reprendre une expression de M. Sautter, est probablement nulle.
En fait, il existe une alternative à la situation actuelle : je veux parler du « dépavillonnement » et de la délocalisation. Rien n'empêche la vente et le transfert des bâtiments battant pavillon français à des armements arborant des pavillons de complaisance établis dans des paradis fiscaux qui exploitent, le mot n'est pas trop fort, des navires à des coûts bien inférieurs aux coûts français, parce qu'ils ne supportent pas nos charges et peuvent bénéficier, pour leurs investissements, des meilleures conditions financières offertes par le marché.
On peut parier qu'à plus ou moins long terme la délocalisation des sièges sociaux succédera au dépavillonnement, car quel serait l'intérêt de conserver un établissement en France quand la totalité des navires qu'on possède ou qu'on affrête sont étrangers ? Quel mauvais génie nous pousse sans cesse à faire la promotion de nos concurrents ?
La majorité sénatoriale, dans le débat sur les quirats, ne s'est pas refusée à modifier le système pour remédier à certaines de ses imperfections ou pour éviter des dérives. Elle a réduit l'avantage à 50 % du bénéfice imposable pour les personnes morales, et réduit cet avantage à 250 000 francs pour une personne seule et 500 000 francs pour un couple. Elle a proposé que l'obligation de maintien du navire sous pavillon français passe de cinq à huit ans.
Ces modifications, qui devraient recevoir l'accord de la profession, permettraient de conserver un mode de financement qui a fait la preuve de son efficacité.
Ce n'est pas un hasard si trois anciens ministres socialistes de la mer ont invité le Gouvernement à revoir sa position. Selon les propres termes de M. Jean-Yves Le Drian, « les quirats ne sont plus une affaire d'injustice fiscale mais une solution possible pour résoudre des problèmes d'emploi dans des secteurs géographiques déjà durement touchés par différentes crises, entre autres les restructurations militaires ».
Dans ce débat, qui risque d'entraîner des conséquences « gravissimes » - je reprends à mon compte le terme employé par M. Rocca Serra - pour la flotte de commerce, vous avez été bien silencieux, monsieur le ministre. Nous avons eu le sentiment que vous étiez presque étranger à cette affaire, et pour tout dire aux abonnés absents (M. le ministre fait un signe de dénégation), laissant le soin au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie...
M. René Régnault, rapporteur spécial. C'est tout d'abord une mesure fiscale !
M. Josselin de Rohan. ... de décider du sort de notre marine marchande en vous défaussant sur de hauts fonctionnaires du soin de présenter une très hypothétique solution de remplacement.
Je constate, en outre, que les crédits consacrés à l'aide à l'investissement et à l'aide à la consolidation et à la modernisation des entreprises de transport maritime diminueront, en 1998, respectivement de 14 % et de 4 %.
Ils sont également inférieurs aux crédits disponibles après l'annulation intervenue en juillet. La régulation a représenté 10 % des crédits initiaux et les reports de crédits ont atteint, pour l'exercice 1997, 30 % de la dotation initiale, contre 10 % lors des deux exercices précédents. Gels, annulations et reports font douter de la capacité de l'Etat à tenir ses engagements.
Enfin, je voudrais terminer sur ce point en disant qu'au 1er janvier 1998 les systèmes d'aide à l'investissement ne seront plus pérennes, c'est-à-dire que, pour la première fois dans son histoire, et ce depuis longtemps, seul parmi les pays de l'Union européenne, et même de l'OCDE, notre pays sera privé de dispositif d'aide à l'investissement en faveur de sa marine marchande.
M. René Régnault, rapporteur spécial. Nous ne sommes pas encore au 31 décembre !
M. Josselin de Rohan. Au total, l'impression qui se dégage aujourd'hui est celle d'une occasion perdue et, pour tout dire, d'un vrai gâchis.
Au moment où s'annonçait la perspective d'un nouveau départ pour notre flotte de commerce, le tournant pris par le Gouvernement aura de profondes conséquences. Il constitue un signal fort et négatif pour nos armateurs, dans la mesure où il met en cause la continuité de l'action de l'Etat et révèle son refus de prendre en compte les spécificités du secteur maritime.
En tournant une fois de plus le dos à la mer, la France méconnaît ses intérêts commerciaux et stratégiques. Elle risque aussi la perte de nombreux emplois et la disparition définitive du savoir-faire de nos navigants, dont les capacités sont pourtant universellement appréciées.
Avant de passer condamnation des quirats, il eût été plus sage d'attendre au moins les conclusions du rapport établi à notre demande par le Commissariat général au Plan pour le compte de l'Office d'évaluation des politiques budgétaires. Mais vous ne l'avez pas fait.
On ne saurait, en tout cas, parler de politique à propos de la série de mesures éparses, sans cohérence et mal fondées que l'on relève dans le projet de budget qui nous est soumis. Dans le domaine maritime, le Gouvernement ne fait montre ni de vision, ni de volonté, ni de souffle. C'est pourquoi nous refuserons sans hésitation l'adoption des crédits de la mer. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux d'abord remercier les rapporteurs et les différents orateurs et souligner - chez la plupart d'entre eux en tout cas - le caractère sérieux et objectif de leurs interventions, même s'il existe des éléments de controverse, ce qui est normal.
Ministre de la mer, il s'agit d'abord pour moi de refuser la fatalité du déclin de notre flotte, du pavillon français. Il faut agir, dans une situation qui montre des signes d'amélioration, pour que nos ports cessent de perdre des parts de marché. En somme, il nous faut travailler à redonner vie et confiance au secteur maritime, ainsi qu'une grande ambition maritime à la France, comme l'un de vos rapporteurs l'a dit.
Alors qu'elle est le quatrième exportateur mondial, la France se retrouve au vingt-sixième rang pour le niveau de la flotte, comme plusieurs d'entre vous l'ont évoqué.
En dix ans, on est passé de 300 navires à 200.
En dix ans, on est passé de 14 500 marins à 6 000.
En cinq ans, les dotations pour les investissements dans les ports ont été ramenés de 232 millions de francs à 144 millions de francs, accusant ainsi une diminution de 38 %.
M. Henri Weber. En cinq ans !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Et vous n'étiez pas aux abonnés absents de ce point de vue, monsieur de Rohan !
M. Josselin de Rohan. Vos amis socialistes étaient aux affaires !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. En cinq ans, les crédits de fonctionnement ont été ramenés de 446 millions de francs à 352 millions de francs, enregistrant une diminution de 12 %. Et vous n'étiez pas aux abonnés absents dans ces décisions, monsieur de Rohan !
Ô combien de colloques, combien de rapports, de discours, de manifestes qui, au long de ces dernières années, n'ont rien modifié à cet état de fait !
M. Josselin de Rohan. Ce n'est pas gentil pour les socialistes !
M. René Régnault, rapporteur spécial. Qu'avez-vous fait, monsieur de Rohan, vous et votre gouvernement, au cours de ces cinq dernières années ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Ah ! que de paroles fortes, jusqu'au plus haut niveau de l'Etat, mais si peu suivies d'actes gouvernementaux ! Vous le savez bien, monsieur de Rohan !
M. Josselin de Rohan. Vous accablez vos amis, monsieur le ministre !
M. René Régnault, rapporteur spécial. Et qu'on fait MM. Balladur et Juppé ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Pour ma part, je suis décidé à tout faire pour inverser cette tendance. C'est vrai à travers ce projet de budget.
Pour cette tâche, je dispose d'une administration à la fois profondément ancrée dans l'histoire maritime de notre pays et en pleine transformation.
Une réforme de l'organisation des services déconcentrés des affaires maritimes se met en place progressivement depuis le 1er septembre 1997.
Le processus de simplification et de modernisation des structures administratives qui s'est engagé se double d'une dynamique de réforme statutaire pour l'ensemble des personnels de l'administration de la mer.
Il s'agit tout à la fois de renforcer les qualifications et de faciliter de vrais déroulements de carrière.
En même temps, une réforme de la formation initiale et continue pour les agents des affaires maritimes accompagnera ces évolutions.
Pour ce qui concerne l'ENIM, je vous confirme, monsieur Régnault, que j'ai lancé une concertation avec l'ensemble des intéressés, et notamment avec le Conseil supérieur. Celui-ci m'a fait un certain nombre de propositions, sur lesquelles le Gouvernement se prononcera prochainement en fonction des principes suivants : maintien du régime spécial des marins, modernisation de la gestion afin que l'ENIM soit encore mieux à même de jouer son rôle.
Je veillerai à ce que cet établissement puisse poursuivre sa mission essentielle au service des marins.
Pour assurer une meilleure surveillance de nos côtes, la mise en place des unités littorales des affaires maritimes sera poursuivie. Je souhaite que la totalité du littoral soit couverte en l'an 2000.
M. René Régnault, rapporteur spécial, et Henri Weber. Très bien !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Le domaine de la mer illustre pleinement les grandes priorités qui sont les miennes : l'emploi, la formation des hommes, la sécurité.
L'emploi vient au premier rang de mes préoccupations.
Le dispositif social de la loi d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines, récemment adoptée par le Parlement, a pour objectif de rendre plus attractif l'emploi maritime en supprimant toute discrimination par rapport au droit commun du travail dans les domaines de la protection des jeunes marins, de l'apprentissage, de la protection du contrat d'engagement maritime et de la prévention des risques professionnels.
La mise en place progressive d'une inspection du travail maritime sur le littoral permettra d'accompagner cette politique.
Parallèlement, il est essentiel d'exploiter les gisements d'emplois, de rechercher les métiers nouveaux sur le littoral, directement adossés à l'activité économique. Les dispositions du plan emploi-jeunes doivent y contribuer.
L'éducation maritime a pour finalité de former des marins professionnels, officiers et équipages, grâce à la pédagogie de l'alternance. Il s'agit là d'un enjeu d'avenir essentiel.
Un processus de modification des cursus de formation a été engagé dans les écoles nationales de la marine marchande, afin qu'elles préparent à des brevets reconnus au niveau international, ce qui permettra d'assurer la présence française dans la flotte marchande mondiale.
Pour les écoles maritimes et aquacoles, il s'agit pour moi d'instaurer un véritable service public de l'éducation maritime. A cet égard, j'ai d'ailleurs obtenu, dans le cadre du collectif pour 1997, une provision à valoir sur les financements dont nous aurons besoin pour mettre en place ce service public, lorsque la concertation avec les personnels aura avancé.
Le réseau de l'éducation maritime, ainsi progressivement unifié, accroîtra son efficacité et permettra de mieux répondre aux évolutions de l'emploi et à la promotion professionnelle des gens de mer.
Cette priorité se traduit concrètement par l'augmentation du nombre de professeurs affectés dans les écoles nationales de la marine marchande.
En second lieu, je considère que la sécurité maritime, trop négligée ces dernières années, doit être renforcée.
M. Henri Weber. Très bien !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Il s'agit là d'une exigence incontournable. Hier encore, j'ai présidé une rencontre d'experts et de responsables internationaux qui m'ont renforcé dans cette conviction.
Le contrôle des navires étrangers dans nos ports doit s'intensifier. L'échouage, en définitive fréquent, sur nos côtes, et les accidents nombreux de bateaux sous pavillon de complaisance sont là, malheureusement, pour nous rappeler les retards accumulés.
M. René Régnault, rapporteur spécial. Très bien !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. La surveillance du trafic maritime à l'approche de nos côtes doit être renforcée. A l'inverse des années précédentes, la création, en 1998, de dix-neuf emplois pour les CROSS, les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage, et les centres de sécurité des navires, marque le début du redressement indispensable pour assurer correctement les missions de l'Etat.
Un appel d'offre pour l'achat de sept vedettes côtières sera conclu en 1998.
M. Henri Weber. Bonne nouvelle !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. La continuité du service public nous conduit, en raison de la suppression du service national, à la transformation des emplois d'appelés d'ici à 2002 et, par là, à la professionnalisation de l'emploi dans les CROSS. Une première tranche de transformation est lancée dès 1988.
Les crédits consacrés à la signalisation maritime ne diminuent pas, monsieur le rapporteur pour avis. Il s'agit simplement d'une modification de la nomenclature de la section budgétaire.
Comme l'ont souligné plusieurs d'entre vous, les crédits consacrés à la sécurité maritime augmentent de 5 %...
M. René Régnault, rapporteur spécial. Tout à fait !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. ... et les seules autorisations de programme de plus de 30 %.
M. Henri Weber. C'est la vérité !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. C'est là une inflexion importante, et je n'entends pas en rester là.
Les navires chargés du balisage, âgés de plus de cinquante ans, seront remplacés progressivement. Les dotations d'engagement au titre de la flotte des phares et balises, qui progressent de 17 millions de francs en 1998, le permettront.
Vous vous interrogez à nouveau, monsieur le rapporteur spécial, sur la diminution de 14 % des crédits consacrés aux gens de mer. Cela est dû à la diminution de 25 millions de francs des crédits de l'article 10, chapitre 46-37, en raison de reports constatés sur cette ligne. Abstraction faite de cette opération purement technique, les crédits consacrés aux gens de mer augmentent de 2,8 millions de francs, et les autorisations de programme de 16 %.
J'en viens maintenant à un autre volet important de la politique du Gouvernement en matière maritime, celui des transports maritimes proprement dits, avec les ports, y compris, bien sûr, leur desserte, et la flotte de commerce.
Notre pays a une vocation forte dans ce domaine - et j'y crois - de par son histoire, sa situation géographique, l'importance de son littoral et le volume de ses échanges extérieurs, dont plus de la moitié s'effectue par la mer.
Or force est de constater, depuis de nombreuses années, un déclin marqué de la flotte sous pavillon français.
Ce déclin s'est accompagné d'une perte de trafic de la majorité de nos ports par rapport à leurs concurrents européens. Il est donc indispensable de réagir avec vigueur. C'est là un véritable défi que nous devons relever, par la mobilisation de l'ensemble des partenaires économiques et sociaux aux côtés de l'Etat et des collectivités locales.
Le maintien d'une flotte sous pavillon français est indispensable à notre pays, pour des raisons qui tiennent à la fois à la défense de nos positions commerciales, à la préservation de l'emploi et du savoir-faire de nos marins et à la protection de nos intérêts stratégiques.
C'est la raison pour laquelle ce secteur doit bénéficier d'un soutien important de la part de l'Etat.
M. Henri Weber. Très bien !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Jusqu'à la fin de cette année, le dispositif de soutien comprend des aides à l'investissement, c'est-à-dire des participations à l'acquisition de nouveaux bateaux ; des aides à la consolidation et à la modernisation, ou ACOMO, destinées aux entreprises d'armement opérant sous pavillon français et confrontées à une forte concurrence internationale ; la prise en charge par l'Etat de la part maritime de la taxe professionnelle ; un certain nombre d'allégements des contributions sociales patronales de l'ENIM ; un dispositif permettant les cessations anticipées d'activité ; et, enfin, jusqu'au 15 septembre dernier, le dispositif quirataire.
Cependant, cet effort n'a pas permis d'endiguer le déclin de notre flotte. Il est donc indispensable d'évaluer précisément l'impact des dispositifs existants au cours des années écoulées et de rechercher, dans le respect du cadre communautaire, les moyens d'optimiser l'emploi de ces crédits qui, je le souligne, sont préservés.
C'est pour cela qu'avec mes collègues, M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget, j'ai diligenté une mission chargée à la fois d'évaluer les dispositifs existants et de faire des propositions.
Je ne reviendrai pas sur les raisons, de justice fiscale notamment, qui ont conduit le Gouvernement à ne pas réinscrire ce dispositif dans le projet de loi qui vous est soumis.
J'ai proposé au Premier ministre que soit mis en oeuvre un dispositif de remplacement du système quirataire afin de soutenir efficacement notre flotte marchande.
Comme l'a précisé dernièrement devant votre assemblée le secrétaire d'Etat au budget, M. Christian Sautter, et en fonction des résultats de la mission, je confirme que des dispositions permettant d'aider au renouvellement de la flotte de commerce seront proposées au Parlement avant la fin de cette année.
Les ports sont également un élément-clé pour notre commerce extérieur et pour le développement de l'emploi dans les régions littorales. Comme l'a rappelé M. Massion, leur activité est, elle aussi, soumise à une intense concurrence et aucun trafic n'est véritablement captif. Il faut donc aider les communautés portuaires à retrouver le dynamisme indispensable à leur développement.
Dans cet esprit, j'ai annoncé une relance de la réforme portuaire, pour l'essentiel sur la base des propositions faites par les différents partenaires.
Conscient des enjeux majeurs que représentent les ports maritimes pour le redressement de notre économie et de l'emploi, pour notre commerce extérieur et pour l'aménagement du territoire, j'entends mener une action déterminée afin de les aider à affronter l'intense concurrence dans laquelle ils évoluent.
La desserte terrestre des ports constitue la première priorité à laquelle il convient de s'atteler.
M. Henri Weber. Très bien !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Le récent accord de coopération entre divers réseaux ferrés sur le corridor nord-sud est acté. Il nous faut maintenant agir pour les relations Ouest-Est.
La même démarche est engagée pour la desserte fluviale. C'est dans cet esprit que j'ai demandé que les enjeux portuaires soient pris en compte dans la concertation récemment lancée sur la liaison fluviale « Seine nord ».
Monsieur Weber, vous avez évoqué le grand projet « Le Havre 2000 ». Je l'ai déjà dit sur place, le Gouvernement suit ce projet avec attention. Aujourd'hui, nous en sommes à la phase du débat public, qui doit durer jusqu'à l'été 1998 environ. Sur cette base, des décisions seront prises de manière à préparer le plan de financement.
La réduction des coûts du passage portuaire est aussi un facteur essentiel de la reconquête des trafics. Cet objectif devrait s'appliquer en premier lieu au pilotage et au remorquage, sur la base d'un diagnostic récemment établi avec les différents acteurs de la filière portuaire et en concertation avec eux.
De même, pour le secteur de la manutention, je compte examiner avec Mme Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, les conditions dans lesquelles pourront être facilités les départs de dockers âgés ou inaptes physiquement. Il s'agit de favoriser l'embauche de jeunes ayant reçu une formation appropriée.
Il est également plus que souhaitable d'améliorer le fonctionnement des établissements portuaires. Cela implique la simplification et la concertation des procédures administratives et financières, ainsi qu'une meilleure association des personnels à la vie de ces établissements, avec notamment la démocratisation des conseils d'administration des ports autonomes.
A cet égard, la coordination des actions menées par les différents services de l'Etat, qui, de près ou de loin, concourent au passage portuaire, doit être renforcée.
Dans le prolongement du plan d'action instituant une collaboration accrue entre les ports et les services douaniers pour accélérer le transit des marchandises et favoriser l'implantation de services logistiques, industriels et commerciaux dans les ports français, une démarche analogue vient de s'achever entre le ministère de l'agriculture et de la pêche et mon ministère. Il est en effet nécessaire d'harmoniser à un bon niveau de sécurité les règles et les actions de contrôle dans l'ensemble des ports européens, dans les domaines vétérinaires et phytosanitaires.
Par ailleurs, la préparation des chartes de place portuaire se poursuit. Cette dynamique doit permettre d'officialiser les premières démarches lors du prochain comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire prévu à la mi-décembre.
Enfin, il est bien évident que l'Etat accompagne les efforts de compétitivité des places portuaires, en assurant pleinement ses responsabilités financières à l'égard des établissements portuaires, en particulier pour satisfaire aux exigences de sécurité des infrastructures. Le projet de budget pour 1998 marque clairement la volonté du Gouvernement de contribuer au redressement de nos ports. Il prévoit un relèvement notable des crédits d'investissements, ainsi qu'une première amélioration des dotations affectées à l'entretien des infrastructures portuaires. Cet effort budgéraire devra être poursuivi dans les années à venir.
Le comité interministériel de la mer, que le Premier ministre a prévu de présider au début de l'année 1998, devrait marquer toute l'importance que le Gouvernement attache à cette démarche.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, ce budget marque une volonté de redressement en faveur des ports.
Naturellement, cette action n'a de sens que si elle est partagée. C'est la mobilisation de l'ensemble des acteurs qui conduira au renouveau de nos ports.
Comme vous pouvez le constater, il s'agit là d'un vaste chantier qui témoigne de la volonté du Gouvernement de donner toute sa place à la politique maritime. Les inflexions nécessaires sont engagées. Il nous faudra les poursuivre au long de cette nouvelle législature, afin de mieux affirmer la vocation maritime de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. Je rappelle au Sénat que les crédits concernant la mer, inscrits à la ligne « Equipement, transports et logement » seront mis aux voix le dimanche 7 décembre, à la suite de l'examen des crédits affectés au tourisme.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 218 120 651 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
« Titre IV : 3 829 596 637 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.

ÉTAT C

M. le président. « M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 7 311 176 000 francs ;
« Crédits de paiement : 3 850 677 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 8 264 547 000 francs ;
« Crédits de paiement : 3 122 311 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi concernant la mer.

5