RAPPELS AU RÈGLEMENT

Mme Hélène Luc. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, mon intervention, qui se fonde sur les articles 36 et 39 du règlement, concerne l'organisation de nos travaux.
Je tiens une nouvelle fois à m'élever contre la volonté du Gouvernement de faire passer en force son projet de réforme de la SNCF, malgré l'opposition claire d'organisations syndicales de l'entreprise représentant plus de 70 % des salariés. La déclaration de l'urgence sur ce texte est significative de cette volonté.
Vous avez même refusé jusqu'à présent, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, l'organisation d'une consultation des salariés sur les dispositions que vous proposez. Bien sûr, vous avez reçu les syndicats, monsieur le ministre, mais cela ne remplace pas la consultation demandée par les cheminots.
Rien ne peut motiver un tel refus, si ce n'est la peur du désaveu d'une grande majorité du personnel.
M. Charles Descours. L'Etat, c'est nous !
Mme Hélène Luc. Je sais que vous allez me dire que l'intérêt général doit primer sur l'intérêt d'une corporation.
M. Charles Descours. Exact !
M. Jean-Luc Mélenchon. On va en parler, de l'intérêt général !
Mme Hélène Luc. Ecoutez la suite, mes chers collègues !
En l'occurrence c'est justement le souci de l'intérêt général, mis en cause par cette réforme - nous allons vous le démontrer en détail durant les jours à venir - qui motive les principales organisations de cheminots, et qui nous motive !
Les cheminots, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ont toujours mis en phase leur action revendicative avec le souci de la collectivité : cela a été vrai, qui peut le nier ? durant la Résistance ; cela a été vrai durant le mouvement de novembre et décembre 1995, où la lutte des cheminots a rejoint, soutenu et porté les revendications majoritaires du peuple français à l'égard du plan Juppé de réforme de la sécurité sociale ; cela a été vrai pendant la période de grand froid, où les cheminots n'ont compté ni leur temps ni leur peine.
Le Parlement qui, à notre sens, doit être un lieu de démocratie, peut-il accepter qu'une réforme soit ainsi imposée à la grande majorité du personnel de l'un des principaux services publics de notre pays ?
Nous devons, mes chers collègues, appeler le Gouvernement à écouter les dizaines de milliers de salariés de la SNCF, qui ont déjà demandé l'organisation d'une consultation : à ce jour, on compte près de 40 000 signatures. D'ailleurs, même dans votre majorité, monsieur le ministre, des questions sont posées.
Monsieur le ministre, vous avez indiqué officiellement, le 4 novembre dernier, à l'occasion du report de la discussion du projet de loi, que « la concertation sera approfondie dans les semaines qui viennent ».
Devant l'Assemblée nationale, au même moment, vous avez précisé que l'une des raisons du report de ce texte résidait dans le Livre blanc de la Commission européenne, qui avait « ajouté de l'inquiétude et du doute ».
En quoi cette inquiétude et ce doute sont-ils aujourd'hui levés ?
La pression de la Commission européenne pour la déréglementation du chemin de fer est toujours aussi forte et déterminée.
Pourquoi reprendre aujourd'hui la discussion sur le même texte, alors que la concertation n'a pas été approfondie et alors que les menaces de déréglementation imposées par la Commission sont toujours aussi fortes ? Je vous demande donc, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, de favoriser la consultation des salariés, qui permettra d'éclairer le nécessaire débat de la représentation nationale.
Il faut mettre en accord vos paroles et vos actes, monsieur le ministre ! C'est cela la démocratie ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. Charles Descours. Ce n'est pas un rappel au règlement ! On est dans le débat !
M. le président. Madame Luc, votre intervention n'est pas vraiment un rappel au règlement ! Elle concerne le texte que nous devons examiner à partir d'aujourd'hui. Vous pourrez donc vous exprimer sur cette question autant que vous le voudrez.
Mme Hélène Luc. Si, c'est un rappel au règlement de principe !
M. Ivan Renar. Je demande la parole pour un rappel au règlement. (Protestations sur les travées du RPR.)
M. Josselin de Rohan. Non ! Non !
M. Charles Descours. Ça suffit !
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Mon intervention se fonde sur l'article 29 de notre règlement, qui, je le rappelle, organise les travaux de la conférence des présidents et définit ses compétences.
La conférence des présidents qui s'est tenue ce jour, à midi, a profondément modifié, quelques heures à peine avant le débat, le déroulement de l'ordre du jour de notre assemblée.
M. le président. Monsieur Renar, je ne vous permets pas de dire cela ! Ce matin, s'est tenue une conférence des présidents qui s'est prononcée de façon claire et précise sur l'ordre du jour, lequel a été voté pratiquement à l'unanimité, sauf peut-être par Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Pas à l'unanimité !
M. Ivan Renar. Monsieur le président, ce soir, nous devions siéger jusqu'à vingt heures. Pour ma part, j'avais pris un rendez-vous, comme beaucoup de nos collègues, à vingt heures trente.
M. le président. Toutes les conférences des présidents apportent des modifications ! Sinon, elles seraient inutiles !
M. Josselin de Rohan. On a le droit de le faire ! C'est nous qui décidons !
M. Ivan Renar. Deux séances de nuit ont été ajoutées, mardi et jeudi...
M. le président. C'est normal !
M. Charles Descours. C'est démocratique !
M. Ivan Renar. ... et une séance a été ajoutée mercredi matin, malgré la réunion de nombreuses commissions. (Marques d'approbation sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
Bien entendu, les sénateurs de notre groupe sont prêts à travailler la nuit. Ils l'ont déjà maintes fois prouvé par le passé. Les trois-huit, nous connaissons ! (Sourires.)
Nous estimons indispensable que le Parlement exerce dans toute sa plénitude un contrôle efficace de l'activité gouvernementale. Mais la méthode du Gouverement va totalement à l'encontre d'un renforcement du rôle des assemblées. En effet, la session unique, dont nous avions approuvé le principe de longue date mais dont nous refusons l'actuelle organisation, devait favoriser un travail régulier, serein et, surtout, renforcer la maîtrise par le Parlement de son fonctionnement.
Or, depuis octobre 1995, date de l'entrée en vigueur de la session unique, nous constatons que le fonctionnement haché, marqué par de brusques poussées de fièvre législative, demeure, au détriment du pouvoir de contrôle parlementaire. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur celles du groupe socialiste. - Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et indépendants).
La précipitation reste systématiquement de mise lorsque le Gouvernement entend faire passer en force des textes difficiles pour lui, socialement et politiquement.
Cela a été notamment vrai au printemps dernier pour le statut de France Télécom. Cela est vrai aujourd'hui avec ce que j'appellerai une « précipitation à retardement » ou une « perversion de l'effet TGV ».
En effet, alors que notre collègue Mme Hélène Luc avait interrogé le Gouvernement lors de la dernière conférence des présidents, qui s'est tenue avant les fêtes de fin d'année, sur le devenir du projet de réforme de la SNCF, un silence de bon aloi - ou de mauvais aloi... c'est selon - fut la seule réponse.
Or après quelques rumeurs, au début du mois de janvier, la conférence des présidents a proposé, le 14 janvier, d'inscrire le texte à l'ordre du jour de la séance publique du 21 janvier, l'examen du rapport en commission des affaires économiques intervenant dès le 15 janvier, sans audition - comme il a été dit - de la moindre organisation syndicale par les commissions saisies. Comment ne pas parler de précipitation dans de telles conditions ?
Vous comprendrez les difficultés d'organisation du travail des groupes parlementaires dans une période de reprise de l'activité qui mobilise les élus de manière importante. Ces difficultés sont d'autant plus dommageables qu'il s'agit d'une réforme essentielle pour l'avenir de notre pays et, j'insiste tout particulièrement, essentielle pour l'aménagement de notre territoire.
C'est pourquoi, monsieur le président, nous nous élevons solennellement contre la nouvelle modification de l'organisation de nos travaux qui est intervenue ce midi et qui a pour seul objet l'adoption à marche forcée du projet de loi, cela au détriment du rôle du Parlement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole pour un rappel au règlement. (Protestations sur les travées du RPR.)
M. le président. Madame, il y a déjà eu des observations sur la conférence des présidents et deux rappels au règlement faits par des membres du groupe communiste républicain et citoyen. Il n'y en aura pas d'autre ! (Vives protestations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen. - Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Il est temps d'en venir au projet de loi inscrit à l'ordre du jour.
M. Robert Pagès. Le rappel au règlement de Mme Borvo sur le Crédit foncier, c'est très important !
Mme Nicole Borvo. Je voudrais effectivement parler du Crédit foncier, qui intéresse tout le pays à l'heure actuelle !
M. Ivan Renar. Oui, c'est très important !
Mme Hélène Luc. Vous ne voulez pas laisser parler Mme Borvo sur le Crédit foncier de France ?
M. Charles Descours. Non !
Mme Hélène Luc. C'était pourtant prévu !
Mme Nicole Borvo. Cela a été demandé !
Mme Hélène Luc. Eh bien, on en parlera tout à l'heure !

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