M. le président. Par amendement n° 20, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose d'insérer, après l'article 34, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le Gouvernement réunit chaque année une conférence nationale des personnes âgées. Cette conférence a pour objet :
« a) D'analyser les données relatives à la situation des personnes âgées et des régimes de retraite ainsi que l'évolution prévisible dans ces domaines.
« b) De proposer les priorités de la politique en faveur des personnes âgées et des orientations, compte tenu de l'évolution des besoins de celles-ci.
« La conférence nationale des personnes âgées est composée, notamment, des organismes qualifiés, des professionnels et des collectivités territoriales.
« La conférence nationale des personnes âgées fait appel en tant que de besoin, aux services, organismes et personnes compétents dans son domaine d'étude. Elle consulte les organismes gestionnaires des avantages de vieillesse.
« Ses analyses et propositions font l'objet d'un rapport au Gouvernement qui le transmet au Parlement et dont il est tenu compte pour l'élaboration du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article. »
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Monsieur le président, je souhaiterais que les deux amendements n°s 20 et 21 soient discutés en même temps.
M. le président. Comme vous voulez, monsieur le rapporteur.
J'appelle donc l'amendement suivant.
Par amendement n° 21, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose d'insérer, après l'article 34, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 41 de la loi n° 94-629 du 25 juillet 1994 relative à la famille est ainsi rédigé :
« Art. 41. - Il est inséré, avant l'article premier du code de la famille et de l'aide sociale, un article premier A ainsi rédigé :
« Article premier A - Le Gouvernement réunit chaque année une conférence nationale de la famille. Cette conférence a pour objet :
« a) d'analyser les données relatives à la situation de la démographie et des familles, ainsi que l'évolution prévisible des problèmes dans ces domaines.
« b) de proposer les priorités de la politique familiale et des orientations compte tenu de l'évolution des besoins de la société.
« La conférence nationale de la famille est composée, notamment, des représentants du mouvement familial et des collectivités territoriales.
« La conférence nationale de la famille fait appel en tant que de besoin, aux services, organismes et personnes compétents en matière familiale. Elle consulte les organismes gestionnaires des prestations familiales.
« Ses analyses et propositions font l'objet d'un rapport au Gouvernement qui le transmet au Parlement et dont il est tenu compte pour l'élaboration du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article. »
La parole est à M. Descours, rapporteur, pour défendre les amendements n°s 20 et 21.
M. Charles Descours, rapporteur. Ces deux amendements visent à organiser le fonctionnement d'une conférence nationale pour les personnes âgées, d'une part, et de la conférence nationale pour la famille, d'autre part. Ces conférences seraient annuelles, par référence à la conférence pour la famille, qui fut instituée par la loi de 1994.
Les missions et la composition de ces conférences sont inspirées des modalités qui ont été retenues pour la conférence nationale de la santé. Par exemple, c'est le Gouvernement qui réunit ces conférences. Elles ont deux missions essentielles : l'une d'analyse de la situation et de prévision, l'autre de proposition des priorités et d'orientation dans leur domaine de compétence.
Ces conférences doivent donner l'occasion aux représentants des personnes âgées et aux représentants des familles, en présence des représentants d'organismes professionnels et des collectivités territoriales, de débattre de leur situation.
Elles seront dotées de certains pouvoirs afin d'accomplir leur mission. Elles pourront ainsi recourir aux services et organismes compétents dans leur domaine d'études.
Ces analyses et propositions pourraient être contenues dans un rapport qui servirait à l'élaboration du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Au demeurant, si nous concevons bien la nécessité pour les représentants des familles et ceux des personnes âgées de rencontrer les représentants des organismes et collectivités territoriales concernés, nous sommes un peu perplexes dans la mesure où la logique qui préside à l'évolution de la situation des personnes âgées et de la famille n'est pas la même que celle qui préside à l'évolution de la santé. Aussi, avant de poursuivre plus avant mon propos, je souhaiterais entendre M. le ministre.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 20 et 21 ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Le Gouvernement comprend très bien l'esprit qui sous-tend ces amendements.
Il est sûr que, dans notre société où la sécurité sociale est aujourd'hui au coeur du débat national, ce dont je me réjouis, un besoin d'expression et de concertation se fait sentir.
Cela dit, je vous remercie, monsieur Descours, d'avoir admis qu'il ne faut pas pousser trop loin le parallèle entre la définition des priorités en matière de santé et la définition des priorités en matière de famille et de personnes âgées.
En effet, chaque année, apparaissent des pathologies nouvelles, mais aussi des thérapies nouvelles, comme les trithérapies. Les informations émanant du réseau national de santé publique, du conseil national d'hygiène ou du haut comité de la santé publique démontrent la nécessité pour cette conférence annuelle de la santé, qui est régionale et nationale, de surveiller l'évolution des choses en matière sanitaire.
Il n'en va pas de même pour la famille et les personnes âgées, pour lesquelles les évolutions démographiques sont à apprécier sur le moyen terme.
Pour autant, bien sûr, une réflexion permanente s'impose et des instances de concertation sont nécessaires pour permettre aux représentants du mouvement familial et des retraités de faire entendre leur voix.
La loi de 1994 relative à la famille a, comme vous l'avez rappelé, monsieur Machet, instauré cette conférence nationale de la famille, qui s'est réunie une première fois en début d'année, a constitué des groupes de travail, lesquels auront achevé leurs analyses à la fin de 1996.
Les travaux de cette conférence seront exploités, monsieur Machet, à l'occasion de la loi de financement pour 1998, car on ne pouvait pas aujourd'hui prendre acte d'une réflexion qui n'est pas allée jusqu'à son terme.
Par ailleurs, le conseil de surveillance, qui va désormais assurer la liaison entre le Parlement et la caisse nationale d'allocations familiales, sera un moyen extrêmement utile pour transmettre les informations venues de la conférence nationale de la famille en direction du Parlement.
Il me semble donc opportun de laisser aller jusqu'au bout cette conférence nationale de la famille, dont les travaux sont en cours.
Nous en tirerons les leçons pour la loi de financement de 1998.
Nous essaierons ensuite de trouver le dispositif le plus adéquat à mettre en place pour garder sur les problèmes familiaux un regard permanent.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier l'UNAF, union nationale des associations familiales, et donner le sentiment à ses militants et à ses responsables que leur rôle pourrait être amoindri du fait de la création d'autres instances.
L'aspect positif de la conférence nationale réside dans le fait qu'elle a réussi à opérer la jonction entre les milieux familiaux, les milieux syndicaux et les milieux patronaux. Il faudra sûrement que nous continuions dans cette direction, ce qui est, je crois, le véritable motif de votre amendement.
J'en viens aux personnes âgées, monsieur Vasselle.
Là aussi, l'approche est différente de celle de la santé. Nous savons bien que l'évolution des régimes de retraite jouent sur le moyen et le long terme. Vous connaissez trop bien ce secteur pour ne pas être attaché, comme je le suis moi-même, à une stabilité des règles. Il faut faire très attention en ce domaine. Les régimes de répartition - la loi de 1993 a heureusement prévu une réforme très progressive - doivent donner un sentiment de sécurité aux retraités français.
Cela étant, monsieur Vasselle, je vous suggère d'examiner, peut-être avec vos collègues rapporteurs, comment nous pourrions doter le CNRPA, le comité national des retraités et personnes âgées, des moyens nécessaires à la tenue de réunions où seraient abordés des thèmes divers, au-delà des problèmes de retraites.
J'ai participé, lundi soir, à une émission diffusée sur France 2. J'ai été frappé par la capacité des retraités et des personnes âgées qui étaient sur le plateau à s'intéresser à bien d'autres problèmes qu'à ceux de leurs propres revenus financiers et à réfléchir sur leur rôle dans la société. Encore que cette émission leur ait donné l'opportunité de montrer combien étaient fortes les disparités existantes dans le domaine des retraites, il était réconfortant de voir que ces retraités et personnes âgées avaient envie de débattre de leur propre rôle dans la société d'aujourd'hui.
Monsieur Vasselle, j'en déduis que l'on pourrait, à partir du CNRPA ou autour du CNRPA, donner aux retraités et aux personnes âgées la possibilité de s'exprimer.
Je comprends le désir du Sénat de voir s'organiser ces forums dans la société française. Cependant, je ne trouve pas prudent d'imposer, sur les problèmes familiaux et les problèmes de retraites, la tenue d'une conférence annuelle. En effet, ces thèmes ne se prêtent pas à un rendez-vous annuel ; nous risquerions de décevoir ceux qui y participeraient, puisque nous ne pouvons pas modifier chaque année des règles qui ne peuvent être appréciées que sur le moyen terme.
Je ne veux pas, bien sûr, opposer une fin de non-recevoir au souhait du Sénat. Je souhaiterais que nous cherchions ensemble, au vu des résultats de la conférence annuelle sur la famille qui se déroule actuellement et au vu du fonctionnement des institutions existantes, comment nous pourrions fixer des rendez-vous périodiques, sans que ceux-ci deviennent pour autant systématiques et annuels.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. Jacques Machet, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la famille. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Machet, rapporteur.
M. Jacques Machet, rapporteur. Je voudrais remercier M. le ministre pour les explications qu'il vient de nous donner et pour sa foi communicative dans les institutions actuelles. Je connais bien les associations familiales qui travaillent dans ce domaine ; je m'associe donc de tout coeur aux propos de M. le ministre, et je crois que l'amendement pourrait être retiré.
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance vieillesse. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. J'ai écouté attentivement la réponse que vous venez d'apporter, monsieur le ministre, à la brillante explication donnée par notre collègue Charles Descours sur les amendements n°s 20 et 21.
Vous voudrez bien admettre que ces amendements tirent en fait les conséquences des mesures qui ont été prises par le précédent gouvernement et par le gouvernement actuel : celle qui a abouti à la séparation des branches et celle qui a institué les lois de financement de la sécurité sociale.
Il nous a paru logique, conforme au bon sens, de procéder avec la branche famille et la branche vieillesse, par analogie, comme nous l'avions fait pour la branche maladie.
Certes, monsieur le ministre, il convient de préserver une certaine stabilité, voire d'observer une pause quant à l'évolution du système des retraites, de manière que ne soient pas chaque année remises en cause les réformes structurelles décidées antérieurement.
Cependant, vous conviendrez avec nous qu'il faudra bien un jour s'attaquer au problème des régimes spéciaux. D'ailleurs, la démonstration a été faite que vous y étiez prêt à propos d'un amendement relatif à la CNRACL et aux régimes spéciaux, sur lequel vous avez accepté de suivre la commission des affaires sociales, après qu'il eut été fortement défendu par M. Descours et par le président Fourcade.
Quelle est l'institution qui est le plus à même de réfléchir sur les régimes spéciaux ? Est-ce le CNRPA ? Est-ce une conférence annuelle, ou toute autre institution ? Je ne sais !
Je crois en tout cas que ce serait rendre service au Gouvernement que de trouver le bon interlocuteur, de manière que la réflexion puisse au moins s'amorcer. Certes, il n'y a pas véritablement urgence, mais ce n'est pas en 2005 ou en 2010 qu'il faudra songer s'attaquer au problème des régimes spéciaux !
Voilà ce qui a conduit la commission des affaires sociales à présenter ces amendements.
Il ne s'agit pas pour moi de les « défendre mordicus », mais je note, monsieur le ministre, que vous nous avez fait une ouverture. Profitons de cette ouverture pour réfléchir à une formule qui réponde à l'attente qui est aussi bien celle du Gouvernement que celle de la commission des affaires sociales.
Je vais mettre aux voix les amendements n°s 20 et 21.
M. Claude Huriet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. J'avoue que je suis un peu dérouté par les quelques interventions que je viens d'entendre car, finalement, les amendements n°s 20 et 21 pourraient être considérés comme des amendements de cohérence.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Effectivement !
M. Claude Huriet. En effet, compte tenu de ce qu'est la loi de financement, et cela a été maintes fois rappelé, et eu égard à la part très importante qu'occupe, dans le budget social de la nation, ce qui est consacré à la vieillesse et à la retraite, notamment, on est tout de même fondé à considérer que ce qui vaut pour la santé et la maladie doit également valoir pour les autres branches, c'est-à-dire la famille et la vieillesse.
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Pas sous les mêmes modalités !
M. Claude Huriet. Monsieur le ministre, vous nous dites que le problème de la temporalité ne se pose pas vraiment dans les mêmes termes. Je ne suis pas entièrement d'accord avec vous car, même si nous sommes dans une période expérimentale, on peut constater que la plupart des priorités retenues par la conférence nationale de santé s'inscrivent aussi dans le moyen terme.
D'ailleurs, il est fort peu probable que la conférence nationale de santé, lors de sa réunion annuelle, soit amenée à modifier d'une façon significative les priorités qu'elle aura définies l'année précédente. Il s'agit donc bien, en général, de priorités à moyen terme. A moins qu'elle ne se préoccupe davantage des priorités en matière de soins curatifs : pourra alors être retenu votre argument tendant à établir une différence d'échelle temporelle par rapport aux préoccupations concernant la politique familiale et celles qui touchent au domaine de la vieillesse.
Cependant, ne serait-ce que pour que ces conférences sur la famille et la vieillesse confirment et prolongent les orientations retenues l'année précédente, il me semble que leur tenue annuelle serait justifiée ; cela apporterait un « plus » démocratique.
Il reste, monsieur le ministre, que je ne suis pas insensible à vos arguments, vous le savez bien : je suivrai la position des rapporteurs de la commission des affaires sociales.
Cela dit, ces amendements auront au moins eu le mérite de poser un vrai problème, auquel les réponses que vous avez apportées jusqu'à présent, et qui laissent apparaître une certaine ouverture, ne peuvent pas être considérées comme définitivement satisfaisantes.
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Voilà, certes, un débat tout à fait intéressant.
Ce qui est clair, c'est que la loi de financement de la sécurité sociale, elle, est nécessairement placée sous le signe de l'annualité. Par conséquent, s'il apparaît, au cours des réflexions que nous allons mener, que la conférence nationale des personnes âgées et la conférence nationale de la famille parviennent à des conclusions qui ne nous semblent pas de portée annuelle, cela voudra dire qu'elles ne sont pas liées au présent projet de loi.
Aujourd'hui, il me semble que nous ne sommes pas tout à fait « mûrs ». Au cours de l'année, de multiples textes interviendront qui intéresseront soit les personnes âgées soit la famille. Je propose donc que nous poursuivions les réflexions que nous avons commencé à mener. Cela nous permettra, le cas échéant, de présenter des amendements mieux « ficelés », fixant notamment la périodicité de la conférence des personnes âgées et de la conférence de la famille. Nous serons alors en mesure d'envisager toutes les conséquences de telles dispositions.
Voilà pourquoi, à ce stade, mes chers collègues, je crois sage de retirer ces amendements.
M. le président. Les amendements n°s 20 et 21 sont retirés.
Monsieur le ministre, vous demandez la parole ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Non, monsieur le président, pas à ce propos.
M. Emmanuel Hamel. Il est trop heureux qu'on les retire ! Cela lui permet de ne pas mener une politique active de la famille !

Seconde délibération