M. le président. Je suis saisi d'une motion n° 57, présentée par Mme Luc, MM. Billard, Leyzour, Minetti et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, de réglementation des télécommunications (n° 357, 1995-1996). »
Je rappelle qu'en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote pour une durée n'excédant pas cinq minutes à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Leyzour, auteur de la motion.
M. Félix Leyzour. Monsieur le ministre, hier, vous nous avez informé qu'Ariane 5 avait explosé en vol soixante-six secondes après son départ. Le mouvement fulgurant de la science et de la technologie n'échappe pas à l'incertain, à l'accidentel.
L'accident n'a, heureusement, pas fait de blessés ; il n'a pas non plus entraîné de conséquences graves pour l'environnement.
Le tribut à payer est, certes, budgétairement lourd, mais il ne s'est trouvé aucune voix autorisée pour réclamer la fin de l'aventure, et c'est heureux. L'épopée d'Ariane, née il y a vingt-trois ans, constitue en effet une réussite exceptionnelle. L'apprivoisement de l'espace n'est ni vain ni fou.
Comme l'écrivait ce matin l'éditorialiste de L'Humanité : « Il fait reculer nos limites matérielles et mentales et change à la fois les données de la vie la plus quotidienne. Il contient comme un appel à une civilisation plus humaine. »
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. Félix Leyzour. La fabrication d'armes toujours plus meurtrières et les obscurs circuits de la spéculation financière nous font payer un tribut autrement plus lourd. L'accident malheureux d'hier est une épreuve dans l'odyssée française de l'espace. Mais aucun échec n'est insurmontable.
Quand vous dites, comme vous l'avez fait hier, que nous allons préparer le deuxième vol d'Ariane 5 et mettre tout en oeuvre pour que la grande aventure spatiale reste celle du succès, nous approuvons.
M. René Trégouët. Très bien !
M. Félix Leyzour. En effet, cette grande aventure spatiale n'est pas sans rapport avec le projet de loi de réglementation des télécommunications que nous examinons aujourd'hui.
En 1973, il fallait passer par les Américains pour envoyer dans l'espace des satellites européens expérimentaux. S'affranchir de cette tutelle permit à la France, en toute indépendance politique et technologique, d'être partie prenante de l'essor des télécommunications et méthodes d'observation spatiale des années quatre-vingt.
Le domaine qui retient notre attention permettant les interconnexions, j'en viens au texte qui nous est soumis. A ce propos, vos dernières réponses ne nous ont pas convaincus.
Depuis des mois, on suit la chronique d'une marche dissimulée vers la privatisation de France Télécom. Cette marche est réglée en tenant compte à la fois de la situation de la France et de la place qu'occupe le service public dans l'esprit de l'ensemble des Français, notamment des salariés.
Un sondage de la SOFRES, réalisé les 8 et 9 septembre 1995, fait ressortir que 92 p. 100 des usagers de France Télécom et 80 p. 100 de ceux de La Poste considèrent que ce service public fonctionne bien.
Mme Hélène Luc. Mais oui !
M. Félix Leyzour. Il est donc difficile, d'emblée, d'en finir avec un tel service public. Alors, on présente les choses comme si l'on voulait presque le sauver en le dégageant du monopole qu'il exerce aujourd'hui.
L'objectif d'étape, avec le présent projet de loi, est donc de circonscrire la place de France Télécom : l'opérateur public serait transformé en société anonyme ouverte au capital privé, l'Etat restant momentanément majoritaire avec 51 p. 100 du capital. Ainsi, France Télécom aurait à assurer, sur l'ensemble du territoire, un service public reposant sur un trépied : le service universel de télécommunications, les services obligatoires de télécommunications, les missions d'intérêt général dans le domaine des télécommunications.
Ce que vous prévoyez est en rupture avec la conception française du service public. C'est, en quelque sorte, le modèle anglo-saxon et américain qui nous vient de Bruxelles.
En réalité, ce service public aux ailes coupées abandonnerait l'essentiel des activités rentables - elles seront très nombreuses - aux opérateurs privés.
Rendu prudent en raison de ce qui s'est passé dans d'autres domaines touchés par la déréglementation, le Gouvernement n'utilise plus ce terme de « déréglementation », pas plus qu'il ne parle d'engagement sur la voie menant à la privatisation.
Il parle de nouvelle réglementation, de fin du monopole du service public et d'ouverture à la concurrence.
Pour parachever la mise en place du nouvel édifice, un projet de loi relatif à l'entreprise nationale de France Télécom viendra en discussion dans le prolongement immédiat de celui-ci.
Tout cela, il faut bien le dire, ne relève pas de l'improvisation, mais est très cohérent. La cohérence qui transparaît est celle de l'exigence des groupes économiques et financiers qui veulent maîtriser à leur profit le secteur des télécommunications, qui se trouve au centre d'enjeux considérables.
Après la séparation de La Poste de France Télécom, la nouvelle étape est celle de la « démonopolisation » du secteur des télécommunications, qui s'accompagne à la fois de la nouvelle définition du secteur public et de la réglementation de la concurrence.
La fin du monopole public est présentée comme étant nécessaire en raison des engagements européens de la France et de la rapidité de l'évolution des technologies. C'est quelque chose d'inéluctable, a-t-on dit ici. S'y plier, ce serait faire preuve de réalisme, ce serait être moderne, ce serait souscrire à la voie du progrès. S'y opposer, ce serait faire preuve de conservatisme. C'est à voir... Et si c'était le contraire !
Votre démarche, monsieur le ministre, a sa logique, mais, à cette logique, nous en opposons une autre : au lieu de limiter le champ d'intervention de France Télécom et de préparer son démantèlement à terme, nous proposons d'adapter l'entreprise publique, de la rénover, de la démocratiser pour qu'elle réponde encore mieux aux besoins d'aujourd'hui et à ceux de demain.
Les échéances européennes ne nous laissent-elles aucune autre issue que celle que vous proposez ? L'argument qui est souvent invoqué est celui de l'échéance de 1998 pour la dérégulation européenne des infrastructures et des services associés.
C'est avec une certaine délectation que vous avez, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, dit et répété, comme pour vous justifier, que le processus que vous voulez achever avec cette réforme a été engagé sous les septennats précédents par deux gouvernements de sensibilité politique différente, et de citer les noms des premiers ministres, MM. Rocard et Balladur.
Le processus auquel vous faites référence, et contre lequel nous nous étions élevés, ne crée pas nécessairement l'obligation d'aller plus loin. A l'échelon européen commencent même à s'exprimer des exigences nouvelles sur lesquelles on peut prendre appui pour corriger des trajectoires qui se révéleraient contraires à nos intérêts et pour contribuer à réviser certaines politiques.
L'échéance de 1996 pour la révision des traités européens offre à la France l'opportunité d'y introduire une définition plus large, plus ouverte et plus riche des services publics. A partir des résultats qui pourraient être obtenus, une révision de la politique européenne en matière de télécommunications deviendrait nécessaire. Notre pays peut jouer un rôle à ce niveau s'il en a la volonté politique.
J'évoquerai également l'argument selon lequel la rapidité de l'évolution des technologies exige qu'il soit mis fin au monopole du service public et qu'il y ait ouverture à la concurrence.
En France, le service public n'est pas sans mérite. Il a répondu à des nécessités économiques et sociales, à des besoins de développement économique, d'aménagement du territoire et de satisfaction à grande échelle des besoins de la population : il avait une obligation de mise à la disposition des populations, aux meilleures conditions, des produits de première nécessité ou socialement indispensables ; il avait une obligation de desserte de l'ensemble du territoire et d'égalité de traitement des usagers. C'est dans ces conditions que France Télécom a su se hisser au quatrième rang mondial.
Ce service public n'a pas été sans subir des contraintes, notamment celle que constitue la double tutelle financière de l'Etat et des banques. Depuis 1982, via des prélèvements divers, France Télécom a versé plus de 160 milliards de francs à l'Etat, tandis que sa dette s'élève à 95 milliards de francs.
De telles contraintes ont privé cette entreprise nationale d'une partie des moyens dont elle aurait eu besoin pour améliorer son fonctionnement, pour satisfaire les revendications de ses personnels et pour l'accomplissement de ses missions.
Pourquoi le monopole du service public se justifierait-il ici ?
A l'origine, le monopole fut un moyen de réserver le service postal et télégraphique au Gouvernement. La justification du monopole public a évolué avec le développement du service public des postes et télécommunications.
Aujourd'hui, il se révèle nécessaire, d'abord pour des raisons économiques. En effet, il garantit des économies d'échelle - on ne finance pas plusieurs fois des réseaux concurrents, ce qui permet de préserver les péréquations tarifaires - et la cohérence de l'offre : un même service est offert partout.
Le monopole permet également de réaliser des économies d'envergure en offrant une gamme élargie de services, car les services rentables financent ceux qui le sont moins.
A y réfléchir, est-il préférable, à l'échelle du pays, de la collectivité nationale, de disposer de monopoles publics nationaux ouverts à la coopération ou de subir la loi de quelques monopoles privés multinationaux ? La question mérite d'être posée !
Si l'on poursuit la logique de la déréglementation, à terme, ne subsisteront que quelques grands coursiers mondiaux à dominante américaine, quelques grands opérateurs de télécommunications. La domination du monde passerait par ces réseaux privés : Etats, gouvernements, peuples seraient dominés par ces quelques multinationales.
Dans une telle perspective, comment s'autoriser à traiter le monopole public de « ringard » ? C'est le contraire qui est vrai ! Il est la condition d'exercice des missions de service public : péréquation tarifaire, aménagement du territoire, maîtrise et cohérence des réseaux, interconnexion.
Pour que la société d'information bénéficie à tous les usagers, il faut un monopole de droit, renforcé.
J'évoquerai une autre question d'importance : la recherche.
En quoi le service public représenterait-il un obstacle à la modernisation ? France Télécom, entreprise exemplaire du service public à l'échelon international, avec un statut du personnel unique en son genre, peut s'enorgueillir d'un réseau de télécommunications les plus modernes du monde.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. Félix Leyzour. Les laboratoires du Centre national d'études des télécommunications, le CNET, notamment à Lannion - mais pas seulement - ont, les premiers, inventés les techniques qui ont permis à France Télécom de se doter d'un réseau à commutation temporelle à 100 p. 100 par une sorte de mariage entre informatique et télécommunications, tous les centraux étant des ordinateurs permettant d'augmenter le nombre de communications sur un même support.
En fait, un opérateur de service public offre la possibilité de procéder à un investissement sur une durée plus longue que le privé.
Dans la perspective de la déréglementation, les recherches sur les équipements comme ceux qui ont permis de créer la commutation temporelle risquent d'être réduites et la priorité pourrait être donnée aux recherches à court terme sur les services, avec une rotation plus rapide des programmes. Bilan : une perte sèche de la recherche industrielle qui n'est pas reprise par l'industriel.
Il est à craindre - de nombreux chercheurs le ressentent ainsi - que ce projet de loi ne programme le recul des investissements dans la recherche et l'industrie, le déclin de l'innovation et de l'emploi qualifié.
Avec un champ d'intervention bloqué, France Télécom aura moins d'ambitions et de possibilités dans le domaine de la recherche, et les réponses que vous avez apportées à l'instant, monsieur le ministre, ne lèvent pas nos inquiétudes.
Le projet de loi que vous nous soumettez n'est pas la seule voie offerte aux télécommunications, et l'engagement sur le chemin de la privatisation des opérateurs publics apparaîtra bientôt comme anachronique.
C'est la raison pour laquelle les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen demandent au Sénat de refuser de discuter de ce projet de loi en adoptant notre motion tendant à opposer la question préalable. Si cette motion est adoptée, nous ne serons pas devant le vide : nous serons en présence d'un service qui existe, qui a fait ses preuves et qui, au lieu d'être affaibli, pourra être développé et modernisé.
C'est une question de choix, une question de volonté politique, et c'est la raison pour laquelle nous demandrons un vote par scrutin public. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. Cette motion tendant à opposer la question préalable ne nous surprend pas.
Mme Hélène Luc. Elle est logique !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Elle s'inscrit en effet dans la ligne des positions prises depuis 1990...
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Gérard Larcher, rapporteur. ... - à l'occasion, alors, de l'examen d'un projet de loi présenté par M. Quilès - par nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen, positions réaffirmées depuis lors de nos discussions sur ce sujet au sein de la commission des affaires économiques et du Plan.
L'objet qui sous-tend sa forme écrite apparaît un peu simplificateur, mais les arguments développés n'en sont pas moins autant d'affirmations péremptoires, et je souhaite y répondre.
Ces arguments, qui sont cinq condamnations articulées dans l'objet de la motion, peuvent-ils être retenus par le Sénat ?
En premier lieu, l'accusation d'atteinte au service public était un peu « téléphonée d'avance », pardonnez-moi cette expression.
M. Félix Leyzour. Vos réponses aussi : elles étaient dactylographiées avant même que j'intervienne !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Mais que prévoit le projet de loi ?
France Télécom demeure l'opérateur du service universel. Le projet comporte, à cet égard, une définition très précise, très complète du service public, avec trois composantes : le service universel, les services obligatoires et les missions d'intérêt général, dont la recherche, que vous avez évoquée, mon cher collègue, à propos du CNET, et pas simplement à Lannion, comme vous l'avez dit.
La discussion de ce projet, dont le groupe communiste républicain et citoyen prétend nous priver cet après-midi, devrait pouvoir l'enrichir autour d'un service universel conforté dans sa dimension sociale et mieux réparti sur l'ensemble du territoire, ainsi que la commission des affaires économiques et du Plan vous les proposera, mes chers collègues.
Seconde affirmation péremptoire en forme d'accusation : l'atteinte au droit des citoyens à communiquer.
Cela me paraît relever un peu d'un procès en sorcellerie. En effet, à quoi aboutira l'ouverture de la concurrence, sinon à une multiplication des moyens de communication dont nous allons disposer ? C'est la diversité qui engendre la richesse !
M. Félix Leyzour. La richesse du capitalisme !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Bien loin d'empêcher les citoyens de communiquer, le projet de loi devrait les y aider.
Quant à l'accusation d'atteinte aux usagers, elle m'apparaît elle aussi relever de la contrevérité. Quand on constate ce qui s'est passé dans les pays étrangers où une démonopolisation des télécommunications a été opérée, on voit bien qu'il n'y a pas d'atteinte aux usagers ! La croissance des télécommunications y a même été plus forte que dans les pays où le monopole a subsisté. Par conséquent, non seulement, les usagers ne sont pas moins bien servis, mais, le plus souvent, ils sont aussi bien, voire mieux que chez nous, notamment en matière tarifaire.
Sans doute fallait-il s'attendre à ce que l'on fasse reproche à ce projet de loi de porter atteinte à l'emploi - nous y reviendrons sûrement au cours du débat - et l'argument mérite réflexion, car il s'agit là d'une question très importante qui nous préoccupe tous, sur quelque travée que nous siégions.
Je ne saurais, au nom de la commission, me dérober à un débat sur ce point.
Il faut d'abord distinguer le cas de France Télécom du secteur des télécommunications en général. Si l'on raisonne par référence à ce qui s'est passé dans des pays comme les Etats-Unis, la Grande-Bretagne ou la Suède, notamment au niveau de la productivité par ligne, on s'aperçoit que France Télécom est en meilleure position que British Telecom près de douze ans après l'évolution de cette dernière, ou encore que ATT aujourd'hui même ; nous avons globalement, par rapport à nos concurrents européens, une productivité qui est de 10 p. 100 supérieure.
Cela étant, on ne peut partir des exemples des opérateurs britanniques ou américains et ne pas prendre en compte la qualité et la fiabilité de France Télécom. Ce serait, pour reprendre ce que disait notre collègue M. Hérisson tout à l'heure, ne pas croire en l'avenir de France Télécom, en sa capacité à conquérir de nouveaux marchés et à se diversifier.
France Télécom et ses fonctionnaires sont-ils pour autant menacés de perte d'emploi, de licenciement dans le présent projet de loi ?
M. Félix Leyzour. Nous en reparlerons la semaine prochaine !
M. Gérard Larcher, rapporteur. La réponse est clairement négative. Dans le plus mauvais des scénarios - c'est-à-dire au cas où cette entreprise ne saurait pas s'adapter à la donne internationale - la stabilisation des effectifs serait opérée au prix du non-remplacement lors des départs à la retraite.
Mais pourquoi cet a priori défaitiste ? Pourquoi continuer à faire nôtre ce que nous trouvons dans les tiroirs de France Télécom depuis 1990, c'est-à-dire un projet de non-remplacement de près de 30 000 agents au cours des années 1990 à 1992 ?
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas une raison pour continuer !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Si France Télécom est pugnace, si nous lui donnons les moyens de la réactivité et les moyens de nouer des alliances internationales, non seulement cette société pourra ne pas perdre d'emplois, mais elle pourra en créer, soit directement, soit indirectement, ainsi que M. le ministre le disait hier en parlant de 70 000 emplois qui pourraient à terme être créés dans le secteur des télécommunications.
M. Guy Fischer. Il faudra le prouver !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Quant au secteur des télécommunications en général, il faut être un économiste pessimiste pour ne pas voir qu'il profitera de la démonopolisation.
M. Robert Pagès. Le privé en profitera !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Reste la question de l'équilibre des finances publiques.
C'est un argument auquel nul parlementaire ne saurait être indifférent. Est-il pour autant opportun de l'invoquer dans le présent débat ?
En quoi la modification de la réglementation des télécommunications et la fin des monopoles peuvent-elles être considérées comme menaçant l'équilibre des finances publiques ? La commission des affaires économiques ne le perçoit pas. Faut-il en effet comprendre que l'entreprise France Télécom pourrait être considérée par nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen comme une « vache à lait budgétaire » ? Souvenons-nous de l'époque où de précédents gouvernements l'ont obligée à investir dans le secteur des assurances, par exemple, la ponctionnant par des décisions budgétaires et la détournant de son objet !
En réalité, si la question financière doit être posée, ce ne peut être qu'à propos du texte relatif à France Télécom, à son statut et à sa transformation en entreprise nationale. Je vous proposerai donc de revenir la semaine prochaine sur cette question.
M. Félix Leyzour. Vous pouvez y compter !
Mme Hélène Luc. Vous ne parlez pas des réalisations techniques des télécommunications ou du service public !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Au total, la motion tendant à opposer la question préalable nous apparaît mal-venue.
La commission y est donc défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre délégué. Je veux d'abord remercier M. Leyzour des mots très justes qu'il a employés au sujet de l'accident d'Ariane 5, que j'ai eu l'occasion de commenter hier dans cet hémicycle.
Il me permettra simplement de lui rappeler que cette grande et belle aventure d'Ariane est une aventure européenne et que nos partenaires y sont très étroitement associés. J'espère d'ailleurs qu'il y demeureront - mais j'en suis sûr - très étroitement attachés.
M. Paul Loridant. Mais la France est chef de file dans Ariane !
M. François Fillon, ministre délégué. Il ne faut pas oublier, surtout en ce moment, la participation capitale de nos partenaires allemands et italiens, par exemple, qui sera bien nécessaire pour nous permettre de poursuivre ce programme, malgré l'incident de parcours que nous venons de rencontrer.
M. Félix Leyzour. Nous sommes toujours pour les coopérations !
M. François Fillon, ministre délégué. Je veux aussi remercier M. Leyzour du soin avec lequel il a rappelé, comme je l'avais fait moi-même avant lui, la très grande continuité de l'action des gouvernements français depuis dix ans au sujet de la libéralisation des télécommunications.
Deux logiques s'affrontent, monsieur Leyzour : la vôtre - vous êtes pour le monopole des télécommunications et vous avez défendu les arguments qui vous conduisent à cette position - et la nôtre - nous sommes pour l'ouverture à la concurrence du secteur des télécommunications, parce que nous pensons que le monopole prive aujourd'hui les Français d'un certain nombre de services de télécommunication avancés auxquels les citoyens d'autres pays développés ont droit et parce que le monopole maintient des tarifs élevés qui ont pour conséquence une moindre consommation de services téléphoniques dans notre pays par rapport aux autres pays développés.
Voilà, monsieur Leyzour, un service public devant lequel chacun s'extasie, mais qui n'est utilisé par les Français que huit minutes par jour quand, aux Etats-Unis, ce même service est utilisé vingt minutes par jour et qu'il l'est, en Grande-Bretagne et en Italie, entre quinze et dix-sept minutes par jour.
Nous pensons qu'il faut renforcer l'offre de services et qu'il faut aboutir à des tarifs beaucoup plus bas pour permettre à chacun de pouvoir utiliser les nouvelles techniques de l'information, en particulier les services en ligne, dont je disais au début de ce débat qu'ils ne se développeront dans ce pays que le jour où les communications locales seront presque gratuites dans le cadre d'un forfait, comme c'est le cas dans un certain nombre de pays libéralisés.
M. Delfau parlait tout à l'heure de mépris, mais j'ai, pour ma part, le plus grand respect pour les personnels de France Télécom, et c'est précisément pour cette raison que je ne veux pas les laisser sans armes devant une concurrence qui, de toute façon, s'installe à la fois du fait des décisions européennes, comme cela a été rappelé, mais aussi du fait des évolutions technologiques.
Et c'est bien parce que j'ai le plus profond respect pour eux que, depuis des mois, monsieur Delfau, je négocie avec leurs organisations syndicales.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 57, repoussée par la commission et par le Gouvernement.
Je rappelle que son adoption entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une du groupe communiste républicain et citoyen, l'autre de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 90:

Nombre de votants 316
Nombre de suffrages exprimés 316159
Pour l'adoption 93
Contre 223


Demande de renvoi à la commission
M. le président. Je suis saisi d'une motion n° 67, présentée par M. Loridant, Mme Beaudeau, MM. Billard, Leyzour et Minetti et les membres du groupe communiste républicain et citoyen et tendant au renvoi à la commission.