M. le président. Je suis saisi d'une motion n° 138, présentée par M. Delfau, Mme Pourtaud, MM. Charzat, Pastor, Saunier et les membres du groupe socialiste et apparentés, et tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, de réglementation des télécommunications (n° 357, 1995-1996). »
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Delfau, auteur de la motion, pour quinze minutes au maximum.
M. Gérard Delfau. Je suis bâillonné !
M. le président. Je vous fais confiance, on ne bâillonne pas M. Delfau ! (Sourires.)
M. Gérard Delfau. Monsieur le ministre, l'ensemble législatif que vous nous présentez, deux projets de lois, modifie substantiellement l'organisation économique et sociale de la nation, puisqu'il vise à la déréglementation des télécommunications et à la privatisation de l'entreprise publique France Télécom.
Or, l'enjeu n'est pas seulement, ni même d'abord, économique. Privatiser dans les pires conditions les télécommunications, c'est s'attaquer au coeur de notre démocratie et c'est brader un peu de notre histoire. Enfin, c'est enfeindre l'esprit du préambule de la Constitution, confirmé par plusieurs décisions du Conseil constitutionnel, depuis sa création.
Etablissons d'abord l'enjeu du débat. A la veille du xxie siècle, l'information circule à travers de multiples réseaux interconnectés. Elle est à la fois le moyen par excellence du lien social et le moteur du développement économique. Qui détient la propriété des supports - le fil entre les points fixes, c'est-à-dire la téléphonie classique, le câble ; l'hertzien ; le satellite - imposera sa loi à nos sociétés, pour peu que nous ne nous soyons pas prémunis contre les dérives.
Toute position dominante dans ce domaine fait prendre le risque d'un retour à la barbarie, si ces nouveaux maîtres ne sont pas étroitement contrôlés par la puissance publique.
Nos anciens, à la fin du siècle dernier, s'étaient déjà trouvés devant une situation analogue : la mise en place d'un nouveau mode de production - le capitalisme - performant sur le plan technique, engendrait des dégâts humains insupportables. Ils inventèrent en tâtonnant la notion de service public et décidèrent de nationaliser la production des biens chaque fois qu'il y avait une urgence de type stratégique ou social. Cela ne se fit pas sans controverse, comme le montrent les échanges entre juristes éminents et les affrontements politiques.
Parmi ces décisions hautement symboliques, figure la loi de nationalisation des entreprises privées de téléphone, en 1889. Vous nous proposez aujourd'hui de renoncer à cette position en privatisant France Télécom et en déréglementant les télécommunications.
Le voudrions-nous, que nous ne le pourrions pas, mes chers collègues, car nous n'en avons pas le droit. C'est ce que je voudrais démontrer maintenant.
Ce qui est en jeu, en effet, c'est la notion même d'Etat, telle que l'a forgée notre histoire et que les textes fondateurs l'ont constituée, et telle que sur les travées de cet hémicycle nombre d'entre nous et d'entre vous y avons adhéré.
Sur cette histoire qui lie étroitement la mise en place d'un Etat républicain et celle du service public, je ne me lasse pas de revenir à un petit livre remarquable, celui du professeur Jacques Chevallier, dont je pourrais lire, mais je ne le ferai pas, tout un chapitre au titre très révélateur : « Le service public comme soubassement de l'Etat ».
Voilà ce que vos deux projets de loi, inconsidérément, entreprennent d'ébranler. En avez-vous conscience ? Cette conception a mis des décennies pour émerger, et un moment crucial de notre histoire l'a définitivement inscrite dans le coeur des Français et dans le texte constitutionnel qui restaurait, enfin ! la République, je veux parler de la Libération et des premières décisions prises par le général de Gaulle au nom du Conseil national de la Résistance en 1945.
Ces faits que je rappelle sont notre bien commun. En altérer l'esprit reviendrait à une forme de trahison. Or, je le dis avec force, le secteur des télécommunications, c'est-à-dire, de proche en proche et sous l'angle des supports, le téléphone, l'informatique, l'audiovisuel, constitue le système nerveux de notre société.
Le soustraire au contrôle de la puissance publique, c'est modifier radicalement le concept d'Etat qui est le nôtre, c'est même commencer à l'abandonner au profit d'une autre conception jusqu'à présent tenue en lisière chez nous : celle du libéralisme, illustrée par la tradition anglo-saxone.
Avez-vous estimé toutes les conséquences de ce tournant ? Est-ce bien à vous, monsieur Fillon, de tenter de nous le faire prendre ?
Or, vos deux textes respirent cette idéologie libérale et tournent le dos à notre tradition : il est facile de le démontrer. Je pourrais d'abord me reporter à votre intervention liminaire. Vous y répétiez le mot « concurrence » avec une obstination et une application qui faisaient peine à voir, car j'ai de l'estime pour vous, monsieur Fillon, et pour vos proches. La concurrence, disiez-vous, stimulera l'innovation. Cela est contraire à toute notre histoire économique ; il suffit de citer le Minitel et le TGV. Elle fera baisser le coût des télécommunications téléphoniques, ajoutiez-vous. Toute l'expérience prouve l'inverse, chiffres à l'appui quand vous le voudrez. Il suffit d'ailleurs de prendre rendez-vous ici même dans cinq ans si vos projets sont adoptés et mis en oeuvre.
Par ailleurs, vous avez dû péniblement, difficilement défendre l'idée de création d'une autorité de régulation. Outre que l'exemple britannique dans ce domaine n'est guère probant, vous savez qu'en démembrant ainsi l'Etat vous portez atteinte à l'organisation des pouvoirs au sein de la République. Dans le débat ancien entre libéraux et partisans du service public, d'une manière schématique entre Européens du Sud et Anglo-Saxons, l'existence ou non d'un pouvoir indépendant de l'Etat et du Parlement est la pierre de touche. Vous avez choisi votre camp, qui n'est pas celui de la majorité des Français.
Et ne venez pas nous dire que cette autorité de régulation des télécommunications n'aura qu'une influence limitée. Telle que vous l'avez conçue, elle sera forcément le porte-parole des intérêts privés, fussent-ils étrangers, au-delà de l'Europe, contre l'opérateur public France Télécom.
Au coeur, enfin, de notre conception de l'Etat et des services publics, il y a la présence de l'usager. Son existence a mis longtemps à s'affirmer entre le rôle du sujet sous l'Ancien Régime et le statut de client, typique de l'époque moderne. Cette notion a-t-elle d'ailleurs produit tous ses effets ? Je ne le crois pas.
Pour le dire autrement, nos services publics sont-ils des exemples achevés de démocratie participative ? Non, hélas ! Et le syndicalisme au sein des entreprises publiques paie aujourd'hui, quand soufflent les vents contraires, son insuffisante attention à cette dimension consubstantielle du mode d'organisation économique qu'il défend légitimement.
Mais cet inachèvement du modèle ne peut en aucune façon justifier son abandon, ou alors c'est un prétexte qui cache d'autres motivations.
Il faudrait évidemment beaucoup de temps pour approfondir cet échange. Quand on touche ainsi à l'assise même de la nation, il n'est pas facile, ni même pertinent, monsieur le président, de faire bref, de faire vite. Je dois pourtant, faute de temps, m'en tenir là pour ce premier faisceau d'arguments.
Mais il est une deuxième raison qui motive notre position. Vos deux projets de loi, monsieur le ministre, ruinent les bases des trois principes du service public élaboré par notre tradition : égalité des citoyens, continuité et mutabilité du service. Or ces principes forment un droit garanti par le préambule de la Constitution et confirmé par plusieurs décisions non équivoques du Conseil constitutionnel.
Je me référerai de nouveau à l'éminent juriste Jacques Chevallier : « Depuis 1958, le problème se pose en termes différents. D'une part, la création des services publics, ne figurant pas explicitement à l'article 34, ne relève plus de manière générale de la loi : le législateur n'est compétent que dans la mesure où cette création touche à des matières énumérées à l'article 34 », ce qui n'est pas le cas, je le précise. « D'autre part, ajoute le juriste, le Parlement ne dispose plus d'une entière liberté d'appréciation en matière de création, ou de suppression, d'un service public : son pouvoir est désormais limité par l'existence "de principes ou règles de valeur constitutionnelle", dont le Conseil constitutionnel assure le respect ; le Conseil a été ainsi conduit à délimiter un noyau dur d'activité, des services publics "par nature", que l'Etat est constitutionnellement tenu d'assurer. »
Il me serait facile de prouver que les principes d'égalité, de continuité et de mutabilité ne sont pas satisfaits par les dispositions de vos projets de lois. Le cadre horaire qui m'est imposé m'empêchera de reprendre cette argumentation, mais elle fut développée sur toutes les travées, je dis bien « toutes », car la défense et la promotion du service public ne sont pas - heureusement ! - l'apanage de la gauche.
Revenons à la question centrale : avez-vous le droit de nous demander de démanteler le service public des télécommunications, fût-ce au nom de l'Europe ? Je ne le crois pas. Je pense même qu'il y a là conflit de compétence et de légitimité, et je voudrais citer une dernière fois Jacques Chevallier. Nous avons établi avec lui que le Parlement n'est pas totalement souverain s'agissant du domaine protégé par la Constitution.
Réexaminons à présent comment le Conseil constitutionnel a tenu, à trois reprises, y compris après la signature de l'Acte unique, à conforter le service public. « Ce régime de service public, explique l'auteur, s'est trouvé conforté par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui a érigé le principe d'égalité en principe de valeur constitutionnelle s'imposant au législateur lui-même. » - 12 juillet 1979. Il ajoute : « Ainsi le principe bénéficie-t-il d'une double protection, le Conseil constitutionnel interdisant l'institution de discriminations légales, non fondées sur une différence objective de situations, et la juridiction administrative veillant à son respect au niveau et de l'organisation et du fonctionnement concret du service. Quant au principe de continuité, il a été rangé au nombre des "principes fondamentaux reconnus par les lois de la République"- 25 juillet 1979 -, ce qui implique que le droit de grève dans les services publics doit être concilié avec lui, selon la décision du 28 juillet 1987. »
Voilà quelques rappels utiles et quelques faits incontestables !
Vous tenterez sans doute d'invoquer votre bonne foi, monsieur le ministre - elle n'est pas en doute - et les multiples précautions que vous avez prises pour assurer « un minimum de minimum de minimum » de service public. Mais le débat a montré et montrera que ni par le contenu du service dit universel ni par son financement, le fonctionnement stable du service public des télécommunications n'est assuré par vos projets de loi.
Comment, pour le dire d'une autre formule, pourriez-vous nous convaincre que vos propositions permettront de garantir à tous les Français, même aux plus pauvres, même aux plus éloignés des agglomérations urbaines, les deux conditions qui caractérisent un service public, à savoir l'optimum économique et le maximum de cohésion sociale ? Qui pourrait prétendre que ce projet de loi satisfait à ces deux exigences dont dépend la consolidation de la République ?
Telles sont, entre autres, les raisons pour lesquelles le groupe socialiste demande au Sénat de voter cette motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité, sur laquelle il souhaite, pour que chacun prenne ses responsabilités, un vote par scrutin public. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai que sur deux mots utilisés par M. Delfau, à savoir « barbarie » et « barbare ». Or - je parle ici sous le contrôle de personnes beaucoup plus cultivées que moi - selon la première acception de ces mots, étaient barbares ceux qui n'étaient point Grecs ! A priori, le retour de la barbarie était déjà annoncé puisque l'opérateur public grec ne me paraît pas devoir jouer, demain, un rôle dominant sur le marché mondial des télécommunications, bien que, nous le lui souhaitions ! (Sourires.) Je crois donc qu'il faut laisser à ces mots la signification que la démocratie leur a conférée, signification empreinte d'un fort caractère historique ou émotif.
Il faut, tranquillement, replacer les choses à leur niveau et à leur place.
Il est précisé, dans l'objet de la motion n° 138, que « ce projet de loi ne permet pas le respect des principes d'égalité, de continuité et de neutralité ». C'est à cet égard que je souhaite m'exprimer pour justifier l'avis défavorable de la commission des affaires économiques et du Plan.
S'agissant des principes constitutionnels d'égalité et de continuité du service public, l'article 6 du projet de loi dispose, notamment dans le texte proposé pour l'article L. 35 du code des postes et télécommunications, que « le service public des télécommunications est assuré dans le respect des principes d'égalité, de continuité et d'adaptabilité ».
Quant au principe de neutralité, je rappellerai quatre dispositions du texte.
Tout d'abord, à l'article 5, le texte proposé pour l'article L. 34-10 du code des postes et télécommunications dispose que la loi garantit un accès simple et égal au service téléphonique. A l'article 2, dans le texte proposé pour l'article L. 32-1 du même code, il est prévu que « le ministre chargé des télécommunications et l'autorité de régulation des télécommunications veillent... à l'exercice... d'une concurrence effective, loyale ».
L'indépendance de l'autorité de régulation des télécommunications est assurée par le texte proposé pour l'article L. 36-1 du code des postes et télécommunications.
Enfin, le texte proposé pour l'article L. 34-8 de ce même code prévoit que l'interconnexion est de droit ; elle « ne peut être refusée si la demande est raisonnable ».
Voilà pourquoi les principes d'égalité, de continuité et de neutralité inhérents au service public sont clairement présents dans ce projet de loi et pourquoi cette motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité ne nous paraît pas recevable.
La commission, sur un sujet aussi important, demande également un vote par scrutin public.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre délégué. Voilà une étrange motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité ! En effet, elle prétend avec bien de la peine trouver dans la Constitution ou dans notre tradition juridique des arguments ou des contre-indications que la seule lecture du projet de loi permet de dissiper !
Tout d'abord, le projet de loi, loin de remettre en cause le service public, le définit et le conforte. Monsieur Delfau, existait-il, avant ce projet de loi, un texte rappelant aussi clairement les trois principes du service public que sont l'égalité, la continuité et l'adaptabilité ? Ces trois principes sont écrits dans le projet de loi qui vous est soumis.
Y a-t-il, en Europe, un texte qui définisse de manière aussi large, aussi généreuse, aussi ouverte sur l'avenir le contenu du service public et du service universel ?
M. Michel Pelchat. Non !
M. François Fillon, ministre délégué. Existait-il, avant ce projet de loi, un seul texte garantissant à chacun d'entre nous le droit à des tarifs abordables de manière que personne, quels que soient ses ressources ou son handicap, ne soit exclu du droit au téléphone ?
A propos de l'autorité de régulation, il me semble, là encore, monsieur Delfau, que vous n'avez pas lu le projet de loi. Où avez-vous vu que cette autorité de régulation serait dotée de pouvoirs réglementaires ? Vous savez - vous n'ignorez pas, en effet, que vous menez là un combat très largement tactique -...
M. Gérard Delfau. Comment ?
M. François Fillon, ministre délégué. ... que l'autorité de régulation n'a pas d'autre mission que de mettre en oeuvre la réglementation découlant de la législation que le Parlement aura votée et de servir d'instance d'arbitrage. C'est l'Etat qui conserve l'intégralité des pouvoirs législatifs, réglementaires et de contrôle du contenu et des tarifs du service public.
Je considère donc, monsieur le président, qu'il n'y a évidemment pas lieu d'adopter une telle motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
M. le président. Je vais mettre aux voix la motionn° 138.
M. Gérard Delfau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le ministre, il existe au moins un point sur lequel nous sommes d'accord, à savoir le caractère historique de ce texte. Effectivement, tel peut être le cas.
J'ajoute que je n'ai pas l'habitude de faire de la tactique avec l'histoire ! C'est même profondément contraire à ma conception de la vie publique.
Par ailleurs, j'ai trouvé inélégant - je pèse mes mots - que vous preniez en otage les personnels qui n'ont pas fait grève hier. Lorsqu'ils sauront comment vous vous prévalez de leurs hésitations, de leurs souffrances, de leurs difficultés face aux pressions d'une certaine hiérarchie, que vous avez en partie téléguidée pour contrecarrer des consignes de grève, je suis sûr qu'ils n'apprécieront pas la parole malheureuse que vous avez eue, parole aussi malheureuse que celle du Premier ministre, s'agissant de la fonction publique.
En fait, vous exprimez une forme de mépris - mais peut-être n'est-ce pas tout à fait volontaire de votre part - vis-à-vis d'une partie des salariés de ce pays qui donnent le meilleur d'eux-mêmes...
M. Michel Rufin. Propos scandaleux ! C'est n'importe quoi !
M. Gérard Delfau. ... et qui, n'en déplaise aux tenants de la lampe à huile, ont su démontrer qu'ils étaient en avance non seulement en France, mais aussi par rapport aux innovations technologiques du monde entier.
J'en viens maintenant à vos très faibles objections à la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Bien sûr, les principes du service public sont énoncés dans le projet de loi, dites-vous. Mais que valent les énoncés de principes si le fond des procédures ne répond pas à cette formulation, si le fond s'ingénie même à démonter par avance l'application au niveau le plus bas de ce que vous prétendez préserver et parfois même - j'avoue que j'en reste songeur - promouvoir ?
S'agissant de l'Europe, nous n'avons pas attendu la déclaration que vous avez faite voilà quelques instants, monsieur le ministre, pour remarquer que la France est effectivement en avance sur le thème des services publics. Je n'ai pas attendu ce débat pour organiser un groupe interparlementaire composé d'une trentaine de parlementaires européens de toutes formations politiques et de six nationalités, groupe qui a siégé voilà deux mois au Parlement européen. Je m'étais effectivement rendu compte, monsieur le ministre, que nous étions plus exigeants que la moyenne. Comme je ne suis pas complètement analphabète et que l'histoire m'intéresse, je me suis souvenu que la notion de service public - j'ai essayé de le montrer à ma façon tout à l'heure - était liée à notre histoire.
Par conséquent, pourquoi voudriez-vous que nous soyons affectés par le fait que notre conception du service public soit plus exigeante que tout ce que vous avez pu dire et, surtout, faire depuis votre retour à la tête de la France ?
D'ailleurs, monsieur le ministre, puisque vous parlez de l'Europe, voudriez-vous me dire et, au-delà, dire au peuple français, où en est la conférence intergouvernementale ? Où en sont les proclamations martiales sur la protection des services publics, sur votre caractère offensif dans la négociation ? Je crains que le Gouvernement, à moins que ce ne soit le Président de la République - mais là, je ne puis percer ces secrets - n'ait dit à nos partenaires européens que, sur ces questions-là, finalement, la France ne bougerait pas.
Enfin, s'agissant de l'autorité de régulation, j'ai rappelé les débats juridiques qu'a suscités cette question dans notre histoire ; monsieur le ministre, j'ai dit qu'il s'agissait d'un affrontement de civilisations : il y a, d'une part, les Anglosaxons et, d'autre part, l'Europe du Sud, d'autre part. Nous n'avons pas la même conception, je le dis très tranquillement. Et cela vous gêne.
M. le président. Monsieur Delfau, je vous prie de conclure.
M. Gérard Delfau. Sachez, monsieur le ministre, que ce débat rebondira !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 138, repoussée par la commission et par le Gouvernement.
Je rappelle que son adoption entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une du groupe socialiste, l'autre de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 89:

Nombre de votants 315
Nombre de suffrages exprimés 315
Majorité absolue des suffrages 158
Pour l'adoption 94
Contre 221

Question préalable