III. LA FRANCE ET LE LIBAN : UNE VOLONTÉ DE PRÉSENCE

A. LA FRANCOPHONIE AU LIBAN : UN ATOUT EXCEPTIONNEL MAIS FRAGILE

1. Des acquis exceptionnels

La langue française occupe une place singulière au Liban. La familiarité historique entre le Liban et la France a entraîné, au sein d'une large partie de la population, un bilinguisme naturel arabe et français. La présence ancienne et active, au Liban, de congrégations religieuses, dispensant, sans exclusive confessionnelle, un enseignement de qualité en français y a largement contribué. Notre langue est langue d'enseignement dans 70 % des établissements scolaires dans le primaire, pour les établissements privés qui scolarisent les ¾ des élèves, et dans le secondaire pour les établissements publics. C'est également au Liban que notre réseau d'écoles françaises est le plus dense : au total, avec 5 établissements relevant de l'AEFE et 12 établissements homologués, nous scolarisons 30 000 élèves quasi exclusivement libanais. Au total, 770 000 élèves suivent un enseignement en français. Cette tradition perdure mais les acquis du passé sont aujourd'hui menacés.

2. Une évolution défavorable qui nécessite une stratégie linguistique ambitieuse

Le délabrement du système éducatif a pesé sur la qualité de l'enseignement, dont les méthodes sont parfois dépassées. L'augmentation de l'usage de l'anglais est patent dans la sphère économique -il est symptomatique que la très grande majorité des collaborateurs du Premier ministre soient anglophones-. Dans les administrations publiques, de nombreux textes -appels d'offres, rapports- ne sont rédigés qu'en anglais, alors que l'article 11 de la constitution stipule que si l'arabe est bien la langue nationale, il est possible de recourir à ses côtés au français, mais non pas à l'anglais. Il est apparu nécessaire de développer un enseignement spécifique du français des affaires. Un projet d'institut supérieur des affaires , conçu en coopération avec la chambre de commerce et d'industrie de Paris et HEC, pour lequel des financements conjoints français et libanais sont prévus, serait un signe particulièrement fort s'il est mené à bien.

Pour revivifier l'enseignement du français, la France développe sa stratégie autour de la formation des enseignants , leur remise à niveau linguistique et la réforme des programmes, inchangés depuis 25 ans . Cette action, qui est au coeur du problème francophone, repose sur un effectif d'attachés linguistiques manifestement insuffisant , aujourd'hui au nombre de 27, quand ils étaient 46 en 1975.

Notre coopération concerne également les quatre universités francophones : Université libanaise, Université Saint-Joseph, Université St. Esprit et Université de Ballamand. Cette coopération interuniversitaire a ainsi recueilli, en 1995, au titre de la coopération scientifique et technique, 11,5 millions de francs, sur un total de 26 millions de francs, l'ensemble de notre coopération culturelle scientifique et technique au Liban totalisant 86 millions de francs en 1995.

3. L'enjeu audiovisuel

L'enseignement et la pratique d'une langue passent aujourd'hui par l'outil audiovisuel qui, au Liban comme ailleurs, se développe mais dans un cadre légal encore en gestation.

Avant la guerre, la télévision publique libanaise entretenait des liens étroits avec la télévision française : la Sofirad était actionnaire de Télé-Liban et la troisième chaîne, « canal 9 » était francophone. Depuis la guerre, des chaînes confessionnelles, illégales, ont fait leur apparition, remplaçant un secteur audiovisuel public déliquescent.

Cet environnement juridique, il est vrai assez anarchique, fait l'objet, en 1996, d'une rigoureuse réorganisation dont l'élément le plus sensible est le passage probable de 54 chaînes à 6 autorisées . Cette réforme qui illustre une certaine régression dans la liberté d'expression audiovisuelle ne laisse pas l'opinion libanaise indifférente.

Si les attributions définitives ne sont pas encore décidées, le paysage audiovisuel libanais pourrait être , selon ce qu'évoque la presse libanaise à l'heure où sont écrites ces lignes : Télé-Liban (2 canaux), Libanese Broadcasting Corporation International (LBCI), Murr TV (MTV), Future Television (propriété du Premier ministre), Nabih Berry Netwook (NBN, du nom du président chiite de l'Assemblée nationale) enfin une chaîne plus spécifiquement confessionnelle : El Manar (chaîne du Hezbollah).

Dans cet univers réduit, les opérateurs français ont passé, depuis deux ans, des accords avec certains diffuseurs libanais : F2 avec LBCI -dans le cadre de la chaîne largement francophone C.33 qui disparaîtrait prochainement-, TF1 avec Murr Television (MTV), qui diffuse entre 55 et 60 % des programmes francophones. Malgré la regrettable timidité des opérateurs français alors que la demande est forte , la présence audiovisuelle française pourrait bénéficier de la réforme en cours. La France pourrait ainsi contribuer à la renaissance de Canal 9, chaîne totalement francophone de Télé-Liban qui retrouverait le public de C33, et où serait par ailleurs produit et diffusé un journal télévisé, en français, d'informations libanaises.

Des négociations en cours pourraient conduire à développer la part francophone de programmes de Future Télévision, actuellement limitée à 5-6 % maximum des émissions.

Sur les cinq chaînes principales, actuellement, la part francophone des programmes atteint 21 %, 35 % pour les programmes anglophones, 44 % pour les programmes arabophones.

Enfin le satellite Arabsat permet la diffusion au Liban -sous réserve des installations adaptées-, du bouquet ciné-cinémas, ciné-cinéfil, Planète et Télé Monte-Carlo ; ainsi que, par le satellite Hot Bird, de TV5, arte, MCM, Canal Horizon. Les équipements nécessaires ont été fournis pour permettre de recevoir et de capter les programmes proposés par Canal France International.

La radio va connaître une réforme comparable qui verrait passer le nombre de stations de quelque 120 aujourd'hui à 10 ou 12 demain. Une coopération fructueuse entre le gouvernement français et RFI d'une part (fourniture d'un nouvel émetteur et d'un studio), et Radio Liban -chaîne publique- permettrait d'assurer à terme sur cette station totalement francophone 50 % de programmes repris de RFI.

B. PARTICIPER À LA RECONSTRUCTION ÉCONOMIQUE

1. Le dynamisme économique libanais n'est pas sans faiblesse

L'entreprise de reconstruction en cours est à l'origine d'un incontestable « boom » économique au Liban. En quatre ans, le PIB libanais qui a été multiplié par 4, est désormais comparable à celui de la Syrie pour une population trois fois inférieure. Pour la seule année 1995, la croissance a atteint 6,5 %.

Ce dynamisme entraîne cependant quelques effets pervers. Compte tenu de ce que le Liban importe 85 % de ses produits de consommation et de ses biens d'équipement, le déficit de la balance commerciale commence à peser sur l'équilibre de la balance des paiements. Celle-ci, longtemps excédentaire, subit aujourd'hui une inversion de tendance du fait, également, d'un tarissement des rapatriements de capitaux.

Le recours massif à l'emprunt pour financer le processus entraîne une explosion de la dette, en particulier de la dette intérieure évaluée à quelque 60 % du PIB ; le déficit budgétaire atteint désormais un niveau préoccupant à 20 % du PIB ; quant à l'inflation, après une diminution sensible, elle se situe aujourd'hui à 13 %.

C'est dans ce contexte que se développe l'assistance économique française.

2. La participation française à la reconstruction : aide publique et présence commerciale

Seul pays à avoir poursuivi son aide au Liban pendant la guerre, la France a récemment donné une nouvelle impulsion à son assistance financière. Le protocole financier, de 85 millions de francs en 1992, est passé en 1995 à 306 millions de francs. Celui de 1996 atteindra 500 millions de francs dont 50 millions de francs de dons. Les actions entreprises grâce à ces financements français concernent notamment l'aéroport de Beyrouth, l'électricité et le traitement des eaux.

La participation française aux grands projets a représenté 1,8 milliard de francs en 1995 quand elle n'était que de 985 millions de francs en 1994 et 754 millions de francs en 1993. Cela étant la France n'est pas nécessairement privilégiée. Les premiers fournisseurs du Liban sont, de loin, les Italiens, devant la France, que rejoignent rapidement l'Allemagne et les Etats-Unis. Nous perdons d'ailleurs des parts de marché puisque sur les 8 premiers mois de 1995, alors que les importations libanaises ont crû de 30 %, nos exportations au Liban n'ont augmenté que de 9 %.

La reconstruction économique est la condition prioritaire du recouvrement, par le Liban de son rôle spécifique au Proche et Moyen-Orient. Avec une force économique retrouvée, l'Etat libanais peut espérer restaurer à terme une autorité longtemps mise à mal et recréer une convivialité intercommunautaire indispensable. Mais il devra aussi, pour la première fois, affronter la rude concurrence qui ne manquera pas de se dessiner, une fois la paix revenue, avec Israël, voire avec certains autres pays arabes, dans les domaines où le Liban avait acquis une excellence exclusive : activité portuaire, services, finances, tourisme, etc... Le Liban, pour tenter de préserver cette exception, est conduit à mener une course de vitesse entre deux nécessités : la paix et la reconstruction, celle-ci devant lui permettre de profiter pleinement de celle-là.

3. L'appui à la reconstruction administrative

Avec la réforme de l'enseignement du français, la coopération interuniversitaire, la contribution à la réforme administrative est l'une des priorités de l'assistance française. Dans l'attente de réformes fondamentales en ce domaine dans le cadre du National Administrative rehabilitation Program (NARP), voté en mai 1994, la France entend contribuer à cette réhabilitation prioritaire par une coopération accrue entre l'ENA et l'Institut national d'administration et de développement (INAD). Sur 112 000 emplois publics (60 000 militaires, 29 000 enseignants et 3 000 contractuels), l'administration civile emploie 11 000 personnes, dont la moyenne d'âge est de 53 ans, et qui ne bénéficient pas de formation spécifique. Le Programme National de Reconstruction d'Urgence n'a pas accordé une large place à la réforme administrative ni à son financement. La coopération française et celle de l'Union européenne tendent donc de donner à ce thème un caractère prioritaire et d'y consacrer le financement adapté. Au-delà de l'administration centrale, l'accent du programme européen sera mis sur l'administration locale, très rudimentaire (le Liban n'a pas eu d'élections municipales depuis 1967, elles pourraient être organisées à la fin de l'année 1996).

Par ailleurs, une reprise de la coopération militaire serait hautement souhaitable , qu'il s'agisse de stages de personnels militaires libanais en France ou de l'octroi de certains types d'équipements à l'instar de ce qui est proposé par les Etats-Unis. L'armée libanaise, dont la réorganisation est à porter à l'actif du gouvernement et de son chef d'état-major, le général Lahoud 7 ( * ) , tiendra dans un proche avenir un rôle important, comme symbole de souveraineté, lorsqu'elle devra notamment reprendre le contrôle du sud-Liban.

C. L'ACTION POLITIQUE DE LA FRANCE : UNE MARGE ÉTROITE

Le soutien à la francophonie et l'implication dans la reconstruction de l'économie sont deux volets de la politique française à l'égard du Liban. Comme le rappelait M. Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères, lors d'un récent séjour au Liban : « il n'existe pas de présence politique ou culturelle durable d'un pays, qui ne s'appuie sur le dynamisme de ses entreprises, sur la vitalité des ses institutions financières et sur les capacités commerciales de son organisme ».

Au-delà, quelle peut être la nature d'une action proprement politique de la France au Liban ? La diplomatie française privilégie deux approches : faire du Liban une préoccupation européenne, marquer avec insistance la nécessité de l'indépendance et de la souveraineté libanaises dans la perspective d'une paix juste.

1. Impliquer l'Europe au Liban

Notre pays doit continuer d'agir pour impliquer l'Europe au Liban. C'est au Sommet de Cannes, conclusion de la présidence française de l'Union européenne, que fut lancé le projet de conférence de Barcelone qui, les 27 et 28 novembre dernier, a réuni 12 pays méditerranéens, dont la Syrie, le Liban et Israël. C'est aussi au cours de la présidence française que s'est réuni pour la première fois depuis vingt ans, le Conseil de Coopération Union européenne-Liban, qui a ouvert la négociation d'un accord d'association.

Le Liban devrait ainsi bénéficier, pour sa reconstruction, d'une part substantielle des efforts européens consentis dans le cadre du nouveau règlement financier « Meda » destiné à mettre en oeuvre la coopération euro-méditerranéenne (4,7 milliards d'écus pour l'ensemble jusqu'en 1999). Il revient aussi à la France de convaincre ses partenaires européens d'adopter une position unanime à l'égard de l'indépendance et de la souveraineté du Liban.

2. Pour l'indépendance et la souveraineté libanaises

La France entend être l'avocat actif du thème que notre pays est l'un des rares à évoquer systématiquement : le nécessaire recouvrement, par le Liban, de son indépendance et de son intégrité territoriales.

La question fondamentale de l'indépendance politique, de la souveraineté et de l'intégrité territoriale du Liban, met en cause deux éléments : la présence militaire israélienne au sud-Liban d'une part, la présence militaire et l'influence politique syriennes d'autre part.

La présence militaire israélienne , justifiée par l'Etat hébreu pour la sécurité de sa frontière nord concrétise la poursuite d'un état de guerre qui affecte le Liban tout entier. Cette question, qui nourrira l'essentiel des négociations israélo-libanaises à venir -maîtrise du Hezbollah, maîtrise de l'armée du Liban sud, modalités de retrait israélien, conditions de sécurité ultérieure-, question des réfugiés palestiniens, aboutira nécessairement, après accord, au retrait d'Israël d'un territoire qu'il n'a ni revendiqué, ni peuplé. Sur ce point enfin, la résolution 425 du conseil de sécurité , exigeant le retrait israélien, demeure parfaitement opératoire.

Après signature d'un accord entre Israël et le Liban, la France pourrait d'ailleurs, si les parties le souhaitent, envisager de participer, sur le terrain, à une force multinationale chargée de garantir, aux côtés de l'armée libanaise, la sécurité au Sud-Liban et le respect des clauses de paix.

Le deuxième élément ne laisse guère entrevoir, tant s'en faut, d'issue aussi claire . Tout d'abord parce qu'il y a débat sur la genèse respective des deux présences militaires étrangères, syrienne et israélienne. Si Israël demeure perçu comme l'ennemi qui a violé la frontière et occupe une bande territoriale, la Syrie est réputée avoir été appelée en 1976 par les Libanais, en particulier par les chrétiens, alors en situation difficile face aux Palestiniens. Si l'assise juridique ou historique de cette analyse est controversée 8 ( * ) elle est aujourd'hui largement partagée et tend, aux yeux de beaucoup, à donner une apparente légitimité à la présence militaire syrienne actuelle.

En second lieu, la présence syrienne au Liban s'appuie désormais sur des bases juridiques formellement incontestables . Bien que signé en 1989 par une Assemblée peu représentative, le document d'entente nationale de Taef est aujourd'hui une référence ; loin de prévoir un « retrait » des forces syriennes du Liban, il n'évoque que leur « redéploiement » dans la Bekaa ou d'autres points. Par ailleurs, le traité de coopération et de coordination , signé entre le Liban et la Syrie le 22 mai 1991, contient des dispositions qui le rangent parmi les "traités inégaux" du siècle passé. Il crée notamment entre les deux pays un « Conseil supérieur », composé des deux présidents, des deux présidents de chambre et des deux présidents de Conseils des ministres. Appelé à se réunir une fois par an, au moins, il "arrête la politique générale de coopération et de coordination entre les deux Etats dans les domaines politique et économique, de sécurité militaire et autres". Dans cette logique, a été récemment évoquée la création d'une « commission de législation », rapprochant les deux parlements, syrien et libanais, afin de coordonner les législations des deux pays ...

Sauf dénonciation ou renégociation, un seuil d'irréversibilité juridique est donc atteint , que conforte, depuis 4 ans, une pratique sophistiquée de tutorat politique.

Logique historique, logique juridique mais aussi logique politique : la Syrie s'est ainsi appuyée, pour justifier le maintien de ses forces, sur la non-application de certaines des clauses de l'accord de Taef, notamment celle prévoyant l'abolition du confessionnalisme politique.

D'autres arguments existent, exprimés devant votre délégation, selon lesquels, par exemple, même après un accord de paix, la présence syrienne se justifierait pour éviter le retour ou l'émergence des fondamentalistes.

Dans ce contexte, la France n'en rappelle pas moins la corrélation étroite entre les deux situations qui concourent toutes deux à faire du Liban un pays occupé sous influence -comme l'a récemment rappelé le ministre des Affaires étrangères : « la restauration complète de la souveraineté du Liban, dans tous les domaines de la vie publique et sur toute l'étendue de son territoire (...) implique (...) que l'armée du Liban soit en mesure d'assurer elle-même la sécurité intérieure et extérieure du pays et que, par conséquent, toutes les forces étrangères présentes sur son territoire le quittent, le moment venu, conformément aux accords de Taef ».

Notre diplomatie à l'égard du Liban s'inscrit dans une perspective élargie. L'histoire avait fait de la France l'allié, le protecteur des chrétiens du Mont-Liban. C'est elle qui donna vie en 1920 au Liban d'aujourd'hui. Conduite, pour garder une influence au Liban, à rééquilibrer sa sollicitude au delà de la seule communauté maronite, en direction des autres groupes confessionnels, elle propose aujourd'hui de mener une diplomatie qui embrasse et le Liban et la Syrie pour exercer, plus largement encore, un rôle dans un monde arabe en transition. La France entend d'ailleurs poser des principes sans s'opposer à ceux qui en conditionnent la mise en oeuvre : (...) « cette disponibilité de mon pays, sa détermination à soutenir la souveraineté du Liban ne sont dirigées contre personne (...) Nous entendons promouvoir notre politique d'appui au Liban en relation avec l'ensemble des autres parties intéressées ».

Le Liban redevient le point d'ancrage privilégié pour une présence française, européenne, en direction de l'ensemble du monde arabe : présence culturelle et linguistique, présence commerciale qui peuvent être légitimement ambitieuses. D'autant qu'elles relaient une influence politique qui, pour sa part, ne peut désormais que se frayer un chemin étroit entre de solides prééminences , qu'elles soient régionales ou américaines.

Cette limite, reconnue, ne doit pas pour autant atténuer la validité et la nécessité du message que la France se retrouve, trop souvent, seule à proclamer, selon lequel une paix juste est incompatible, à long terme, avec le maintien d'une situation de domination héritée de la guerre et que seule celle-ci "justifiait" ; que cette même paix générera des courants d'échanges économiques, des solidarités politiques, d'autant plus fructueux qu'ils naîtront d'un partenariat égalitaire, respectueux des indépendances.

La France a, à l'égard du Liban, une obligation de moyen qui la conduit, par delà l'assistance économique et la coopération culturelle, à faire en sorte qu' en demeurant grâce à elle à l'ordre du jour des enceintes européennes ou internationales, l'indépendance du Liban ne soit pas la dernière victime de la guerre .

*

* *

La période actuelle, que ponctueront d'importantes échéances économiques et politiques, est l'occasion pour les Libanais, de tenter, par eux-mêmes, de reconstruire une identité libanaise. Le « tout économique » que l'on peut aujourd'hui observer, ne doit pas occulter l'importance d'autres enjeux :

Au-delà d'une appartenance incontestée au monde arabe, la question est posée d'une identité nationale libanaise à redéfinir, à travers le débat sur l'unicité ou la pluralité culturelle ; sur le contenu, à rénover, de l'enseignement de l'histoire : est-ce celle du Mont-Liban, du grand Liban, quelle place ménager au rôle de la Syrie dans le passé libanais ?

Le débat politique libanais saura-t-il se libérer des enjeux strictement confessionnels pour donner naissance grâce à des alliances transconfessionnelles à des programmes politiques consensuels et cohérents, soucieux d'intérêt général et national ? Une éventuelle déconfessionnalisation politique serait-elle articulée, pour être viable, à une sécularisation de la société ?

Ensuite, tout autant que les rivalités communautaires, la faille sociale qui se creuse entre riches et pauvres, le retard mis dans le retour des réfugiés, avivent les rancoeurs et retardent la réconciliation. Certains Libanais ont le sentiment que leur pays se reconstruit sans eux.

Enfin, cette réconciliation, la réduction des fractures qui lézardent la société libanaise, impliquent la renaissance de l'Etat libanais : par la réhabilitation d'une administration aujourd'hui contournée, privée d'autorité ; par l'évolution souhaitable d'un système institutionnel qui brouille et paralyse l'expression politique.

* 7 Voir annexe n° 4 sur l'armée libanaise.

* 8 M. Pierre Gemayel, leader chrétien, a en effet appelé à l'intervention syrienne. Toutefois les autorités légales -le président Souleimane Frangié et le chef du gouvernement Rachid Karamé- n'ont pas, pour leur part, officiellement demandé l'intervention syrienne.

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