B. UNE AGENCE DONT LE FONCTIONNEMENT S'EST PROGRESSIVEMENT ADAPTÉ POUR GAGNER EN VIABILITÉ

1. Des efforts d'adaptation indéniables, bien que des évolutions restent nécessaires

La Cour des comptes relève dans son enquête plusieurs dysfonctionnements survenus sur la période 2020-2022. L'agence a pu rappeler lors de l'audition du 14 février 2024 qu'elle avait d'ores et déjà remédié à la plupart d'entre eux, ou qu'elle était actuellement engagée à le faire. Sans nullement les minimiser, le rapporteur spécial constate que l'ANCT apporte systématiquement les corrections nécessaires dès lors que ses moyens matériels et humains le lui permettent. Parmi les exemples cités par la Cour figure « une pratique dysfonctionnelle qui a perduré jusqu'au 1er janvier 2023 s'agissant de l'émission des titres de recettes de l'ANCT. Ce dysfonctionnement a engendré l'émission par l'ANCT de 741 titres de recettes pour un montant global de 338 millions d'euros, en contradiction avec la règle de séparation de l'ordonnateur et du comptable. »

La démarche de contrôle interne et budgétaire, assurée par le secrétariat général, se poursuit, à la suite de l'établissement d'une carte des risques détaillée par un cabinet, en septembre 2021. L'ANCT affirme s'être « à présent donnée les moyens d'assurer ce suivi et poursuivre la formalisation des procédures internes »13(*).

L'enquête de la Cour fait état de plusieurs améliorations réalisées, telles que l'élaboration récente d'un projet de guide interne de la démarche achats au sein de l'établissement, la mise en place d'une comitologie dans le recours aux prestations ainsi que plusieurs embauches de personnels qualifiés dans des secteurs très techniques.

Le rapporteur spécial appuie l'essentiel des recommandations de la Cour dans leur principe afin de poursuivre la démarche engagée de l'organisation interne de l'agence. La Cour y consacre ses recommandations 2 à 714(*).

2. Un meilleur appui des services déconcentrés de l'État aux missions de l'agence

À l'exception d'une antenne à Lille, conservée pour des raisons historiques (l'ancien Epareca y avait une équipe), l'ancrage territorial de l'ANCT repose principalement sur les services déconcentrés des ministères, dont les personnels ne relèvent pas de son autorité. L'interface de l'ANCT dans les territoires s'appuie donc principalement sur le préfet de département désigné15(*) comme délégué territorial de l'ANCT.

La possibilité de désigner le directeur départemental des territoires ou d'autres personnels de l'État en service dans le département comme délégué territorial adjoint a été ouverte, par voie réglementaire, au préfet de département16(*). La Cour des comptes souligne les très grandes disparités dans les pratiques des préfets à cet égard, avec la nomination comme délégué territorial adjoint soit des sous-préfets d'arrondissement, soit des directeurs des territoires et de la mer - les DDT(M) - soit d'une équipe composée à la fois des sous-préfets et du DDT(M).

Le préfet doit réunir au moins deux fois par an un comité local de cohésion territoriale17(*) (CLCT) composé de représentants des collectivités, des acteurs de l'ingénierie locale et de l'État. Le CLCT a vocation à permettre aux élus locaux d'échanger sur leurs projets de revitalisation avec les opérateurs de l'État et constitue un outil de coordination, pour informer les opérateurs des demandes d'accompagnement émanant des collectivités territoriales et de leurs groupements, des suites qui leurs sont données et, le cas échéant, de la mise en oeuvre des projets concernés.

Le préfet de département en tant que délégué départemental et le délégué départemental adjoint sont investis d'un rôle stratégique pour faire connaître l'ANCT, développer ses activités et soutenir les projets présentés par les élus. Le préfet a vocation à être leur point d'accès unique, recueillant leurs demandes et recherchant les solutions adaptées, notamment en matière de soutien en ingénierie. Sollicité par les collectivités, il lui revient de mobiliser l'offre locale puis, en cas d'absence de solution, de mobiliser l'ANCT au niveau national via le chargé de mission territorial de celle-ci.

Globalement, on constate donc un appui réel des services déconcentrés des différents ministères concernés à l'action de l'agence. Toutefois, l'enquête pointe quelques défaillances dans l'association de l'agence à certaines réunions interministérielles. Le rapporteur spécial considère que tous les ministres concernés doivent davantage sensibiliser leur administration à la nécessité de coopérer pleinement avec un opérateur dont l'action est par nature transversale.

3. Une gouvernance viable pouvant encore être consolidée

La gouvernance de l'agence reflète la diversité des acteurs impliqués, des missions menées et des territoires concernés. Le rapporteur invite donc à ne pas précipiter une refonte de la gouvernance nationale d'autant que celle-ci a déjà fait l'objet d'ajustements, ainsi que l'a indiqué son directeur général, Stanislas Bourron, au cours de son audition par la commission des finances :

« En 2023, nous avons travaillé à une nouvelle gouvernance, le deuxième temps de l'agence, comme le souhaitait le Gouvernement. Avec le nouveau président, Christophe Bouillon, nous avons préparé une feuille de route, en lien avec les équipes de l'ANCT, les élus locaux, les préfets, les acteurs associatifs, mais aussi avec notre conseil d'administration, où siègent les associations d'élus et quatre parlementaires. Nous l'avons adoptée à la fin du mois de juin 2023. »

Elle s'appuie sur un conseil d'administration composé de trente-trois membres disposant d'une voix délibérative et de dix membres avec voix consultative, chargé de définir les orientations stratégiques de l'établissement. Il est présidé par Christophe BOUILLON, maire de Barentin en Seine-Maritime et président de l'association des petites villes de France (APVF).

Par ailleurs, l'article L. 1233-4 du code général des collectivités territoriales prévoit qu'un comité national de coordination est chargé de suivre la mise en oeuvre opérationnelle des engagements pris par les opérateurs et l'ANCT dans le cadre des conventions prévues par la loi. Composé des directeurs généraux des cinq opérateurs cités dans la loi, à savoir l'agence nationale pour la rénovation urbaine, l'agence nationale de l'habitat, l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement, la Caisse des dépôts et consignations, il se réunit au moins une fois par mois.

Les comités locaux de cohésion territoriale (CLCT) précités constituent la déclinaison locale du comité national. Le rapporteur spécial appelle à la constitution rapide des deux derniers CLCT toujours non constitués à ce jour (en Seine-Saint-Denis et dans le Val-de-Marne), tout en précisant que Mayotte a bien constitué son comité local le 18 octobre 2023. Cette constitution a eu lieu avec la participation du chargé de mission territorial de l'agence et tardivement car « la multiplication des urgences dans le territoire et les sous-effectifs au sein des services de l'État ne l'avaient pas permis jusqu'à cette date ». Par ailleurs, s'agissant des deux CLCT non constitués, l'ANCT indique au rapporteur qu'« au regard du contexte très urbain de ces départements, du faible nombre de communes, ces outils sont moins adaptés que dans le reste du territoire national ».


* 13 Page 42 de l'enquête mentionnée en annexe.

* 14 Recommandations (...) 2. Se doter d'outils de suivi des emplois et de la masse salariale fiables et élaborer une stratégie commune en matière de ressources humaines (ANCT).

3. Améliorer les outils de gestion comptable afin de connaître avec précision l'utilisation des crédits fléchés, le coût des différents dispositifs et de permettre un suivi pluriannuel des engagements (ANCT).

4. Préciser les dépenses qui relèvent de la subvention pour charges de service public et procéder à un rebasage pour intégrer les conventions de transfert. Évaluer à chaque nouvelle tâche confiée à l'ANCT les moyens humains et financiers nécessaires à son exécution (ministère de l'intérieur et des outre-mer, ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique).

5. Isoler les dépenses et recettes de l'activité d'immobilier commercial dans un budget annexe (ministère de l'intérieur et des outre-mer, ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, ANCT).

6. Définir la stratégie informatique par l'élaboration des documents-clés du SI d'ici fin 2024, et par la cartographie exhaustive des moyens en vue d'une rationalisation des ressources et d'un contrôle accru des outils informatiques (ANCT).

7. S'assurer de la correcte mise en oeuvre de la résilience du système d'information (ANCT).

* 15 Article 4 de la loi n° 2019-753 du 22 juillet 2019 portant création d'une agence nationale de la cohésion des territoires.

* 16 Faculté ouverte à l'article 1er du décret n° 2019-1190 du 18 novembre 2019 relatif à l'agence nationale de la cohésion des territoires et codifiée à l'article R. 1232-9 du code général des collectivités territoriales.

* 17 L'enquête de la Cour des comptes mentionne que tous les départements ont créé un CLCT, à l'exception de ceux de Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne et de Mayotte.

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