C. APRÈS UNE PARENTHÈSE SOUS LA PRÉSIDENCE BOLSONARO, DES « RETROUVAILLES » ENTRE LA FRANCE ET LE BRÉSIL

En dépit de liens multiples, historiques et profonds unissant le Brésil et la France, la relation bilatérale a connu d'importantes tensions sous la présidence précédente.

En août 2019, à la suite des incendies qui se sont déclarés en Amazonie, le Président de la République a souhaité mobiliser la communauté internationale afin d'aider les États touchés. Le Brésil a refusé l'aide de la France et du G7, estimant qu'elle serait de nature à remettre en cause sa souveraineté sur ce territoire. La question environnementale a été un sujet de discorde tout au long de la présidence Bolsonaro, lequel a refusé que le Brésil intègre l'Alliance pour la Préservation des Forêts Tropicales et Humides, lancée à l'initiative de Paris.

Ce « gel » des relations diplomatiques s'est notamment traduit par l'absence de visite ministérielle et a fortiori présidentielle entre 2019 et 2023.

L'élection du Président Lula ouvre incontestablement un nouveau chapitre de nos relations diplomatiques. Lors de son déplacement au Brésil en février 2023, la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, Catherine Colonna, a ainsi qualifié de « retrouvailles » cette volonté partagée de tourner la page de la présidence sortante.

Un certain « alignement des planètes » favorable à une relance des relations franco-brésiliennes semble en effet se dessiner, les deux chefs d'État ayant clairement affiché leur proximité à plusieurs reprises. Lula a ainsi appelé à voter pour Emmanuel Macron au second tour de la présidentielle française tandis que le Président de la République, qui l'avait reçu à l'Élysée en novembre 2021, a été parmi les premiers chefs d'État à féliciter le Président Lula pour sa victoire.

Encore récemment, fin juin 2023, les deux chefs d'État se sont rencontrés à Paris en marge du Sommet pour un nouveau pacte financier mondial.

D. UNE MAIN TENDUE QUI DOIT ÊTRE SAISIE RAPIDEMENT

L'ensemble des personnes rencontrées par la mission ont mis en avant la nécessité de renouer des liens nourris et réguliers avec la France.

Plusieurs d'entre elles ont par ailleurs exprimé leur regret que la précédente présidence n'ait dégradé les relations entre nos deux pays.

Randolfe Rodrigues, sénateur de l'Amapá et porte-parole du Gouvernement au Congrès, a par exemple rappeler la nécessiter de retrouver des « rapports civilisés entre deux Nations liées historiquement ».

Entretien avec M. Randolfe Rodrigues, sénateur de l'Amapá

Cette « demande de France », perceptible lors des entretiens, s'est accompagnée de propositions concrètes de coopérations qu'il convient d'explorer.

La secrétaire générale de l'Itamaraty (ministère des affaires étrangères), Maria Laura Rocha, qui a rappelé l'attachement du Brésil à la coopération avec la France, a ainsi proposé une action commune en matière de lutte contre la désinformation ou encore le cyber.

Entretien avec Mme Maria Laura Rocha, secrétaire générale du ministère des Affaires étrangères

Pedro Spadale, conseiller chargé des relations internationales et de la coopération au cabinet d'Eduardo Paes, maire de Rio de Janeiro, a quant à lui estimé que la France pourrait apporter son expertise en matière de mobilités urbaines, d'eau et d'assainissement. Il a par ailleurs proposé que la ville de Rio, qui a accueilli les Jeux Olympiques d'été de 2016, puisse faire bénéficier Paris de son retour d'expérience, y compris dans la gestion de l'après Jeux Olympiques. Enfin, il s'est dit intéressé d'approfondir la coopération avec Nice, ville avec laquelle Rio est jumelée, en matière de développement de l'économie de la mer.

Entretien avec M. Pedro Spadale, conseiller chargé des relations internationales et de la coopération au cabinet de M. Eduardo Paes, maire de Rio de Janeiro

Il convient désormais de saisir cette main tendue alors que plusieurs de nos alliés et compétiteurs ont déjà opéré un rapprochement, parfois plus marqué, avec ce « nouveau Brésil ».

Plusieurs chefs d'État, dont le Roi d'Espagne et les Présidents du Portugal et de l'Allemagne, ou encore le Vice-Président chinois Wang Qishan étaient ainsi présents lors de l'investiture du Président Lula, alors que la France n'y était représentée que par le ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger.

Le Président Lula a par ailleurs accueilli plusieurs visites officielles depuis son élection : le Chancelier allemand Olaf Scholz s'est ainsi rendu à Brasilia dès le mois de janvier 2023, promettant le versement de 200 millions d'euros pour la protection de l'Amazonie.

Le ministre des affaires étrangères russes, Sergueï Lavrov, a également été reçu par son homologue brésilien Mauro Vieira puis le Président Lula en avril 2023.

Si la visite de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères en février 2023 a constitué un important signal, plusieurs interlocuteurs ont estimé que la relance des relations bilatérales devait désormais se concrétiser par un geste fort côté français, avec une visite présidentielle dès 2023.

Or, comme l'a indiqué Gaspard Estrada au cours de son audition, « lors de la visite de Catherine Colonna au Brésil en février dernier, les Brésiliens pensaient obtenir une date pour une visite du Président de la République et des annonces concernant des investissements français dans leur pays. Ils n'ont eu ni l'un ni l'autre ».

Le sommet des pays d'Amazonie, qui se tiendra au mois d'août 2023 et auquel le Président Lula a invité son homologue français, pourrait constituer une opportunité de visite présidentielle, à laquelle devrait rapidement succéder une visite d'État permettant une feuille de route comprenant des engagements concrets, visant en particulier à donner un nouveau souffle au partenariat stratégique de 2006 (cf. infra).

Recommandation : formaliser la reprise des relations bilatérales par une visite présidentielle, par exemple lors du sommet des pays d'Amazonie, voire une visite d'État à l'occasion de laquelle des engagements concrets devront être pris.