N° 799

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 28 juin 2023

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer (1) sur le foncier agricole outre-mer,

Par Mme Vivette LOPEZ et M. Thani MOHAMED SOILIHI,

Sénateurs

(1) Cette délégation est composée de : M. Stéphane Artano, président ; M. Maurice Antiste, Mmes Éliane Assassi, Nassimah Dindar, MM. Pierre Frogier, Guillaume Gontard, Mmes Micheline Jacques, Victoire Jasmin, M. Jean-Louis Lagourgue, Mmes Viviane Malet, Annick Petrus, MM. Teva Rohfritsch, Dominique Théophile, vice-présidents ; M. Mathieu Darnaud, Mmes Vivette Lopez, Marie-Laure Phinera-Horth, M. Gérard Poadja, secrétaires ; Mme Viviane Artigalas, M. Philippe Bas, Mme Agnès Canayer, M. Guillaume Chevrollier, Mme Catherine Conconne, M. Michel Dennemont, Mme Jacqueline Eustache-Brinio, MM. Philippe Folliot, Bernard Fournier, Daniel Gremillet, Mme Jocelyne Guidez, M. Abdallah Hassani, Mme Gisèle Jourda, MM. Mikaele Kulimoetoke, Dominique de Legge, Jean-François Longeot, Victorin Lurel, Mme Marie Mercier, MM. Serge Mérillou, Thani Mohamed Soilihi, Georges Patient, Mme Sophie Primas, MM. Jean-François Rapin, Michel Savin, Mme Lana Tetuanui.

L'ESSENTIEL

À l'issue de quatre mois de travaux, 85 personnes auditionnées et un déplacement en Martinique, l'objectif de souveraineté alimentaire fixé par le président de la République apparaît plus que jamais suspendu à l'enjeu du foncier agricole dans les cinq départements d'outre-mer.

Urbanisation rampante, fléau de l'indivision, prolifération des friches, transmission bloquée, terres difficiles à travailler faute des réseaux essentiels, réchauffement climatique... Les vents contraires s'accumulent, tandis que certains outils essentiels pour inverser la tendance manquent de force.

I. LA SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE SUSPENDUE À LA QUESTION FONCIÈRE

Quels leviers actionner pour inverser le grignotage en cours entre artificialisation des sols et droit de l'environnement toujours plus protecteur ?

Des outils existent mais manquent de force : Safer privées de moyens financiers, police de l'urbanisme indulgente, désordre foncier persistant, dialogue compliqué entre les agriculteurs, les organisations du monde agricole, l'État et les collectivités.

Le rapport de la Délégation sénatoriale aux outre-mer propose de passer d'une posture défensive à une stratégie de reconquête des terres nourricières dans les outre-mer.

Le dernier recensement agricole réalisé en 2020 révèle une évolution préoccupante pour les outre-mer : la surface agricole utile (SAU) a encore continué à reculer depuis 2010 dans les DROM, à l'exception de la Guyane dont la SAU augmente assez régulièrement depuis 1985. Mais ce département ne doit pas être « l'arbre qui cache la forêt ». Hors Guyane, la SAU a régressé de 7,5 % en moyenne sur la décennie.

Chiffres clés du recensement agricole 2020 dans les DROM
SAU totale (en hectares)

La Réunion

Guyane

Guadeloupe

Martinique

Mayotte

Total 5 DROM

Total hors Guyane

2010

2020

2010

2020

2010

2020

2010

2020

2010

2020

2010

2020

2010

2020

42 814

38 650

25 345

36 429

31 400

31 800

24 982

21 860

7 100

6 000

131 641

134 739

106 296

98 310

 

- 10 %

 

+ 44 %

 

+ 1 %

 

- 12 %

 

- 15%

 

+ 2,35%

 

- 7,51%

Source : AGRESTE, ministère de l'agriculture : recensement agricole 2020

Parallèlement, la population des exploitants agricoles est particulièrement âgée. Aux Antilles, plus d'un tiers des exploitants ont aujourd'hui plus de 60 ans, contre 25 % dans l'Hexagone. À Mayotte, cette proportion atteint même 52 %. Et le vieillissement s'accélère. Les chefs d'exploitation ont une moyenne d'âge de près de 53 ans dans les départements d'outre-mer en 2020 contre 49 ans dix années plus tôt.

Les causes sont multiples : un désordre foncier qui bloque les transmissions (occupations sans titre, indivisions non réglées), des retraites agricoles très basses, l'espoir de voir déclasser ses terrains en zone constructible, des jeunes qui manquent de moyens financiers...

Enfin, un dernier facteur déterminant est la prolifération des terres incultes ou friches et les nombreux obstacles à leur remise en culture. D'une part, les procédures qui pourraient contraindre les propriétaires sont peu utilisées. D'autre part, ces friches sont trop souvent requalifiées en espace naturel ou forestier.

La conséquence de cette tendance est implacable : la production agricole a crû moins vite que la population. La production agricole destinée à l'approvisionnement des marchés locaux (hors canne et banane) a diminué d'environ 900 tonnes par an.

En Guyane, malgré une dynamique positive, des difficultés brident encore les résultats : une Safer toujours en attente d'agrément, des attributions foncières lentes à obtenir, des exploitations difficiles d'accès, des organisations professionnelles fragiles.