Rapport d'information n° 354 (2022-2023) de Mme Christine LAVARDE , fait au nom de la commission des finances, déposé le 15 février 2023

Disponible au format PDF (805 Koctets)

Synthèse du rapport (252 Koctets)


N° 354

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 février 2023

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le financement du risque de retrait gonflement des argiles et de ses conséquences sur le bâti ,

Par Mme Christine LAVARDE,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal , président ; M. Jean-François Husson , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet , vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel , secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel .

L'ESSENTIEL

La commission des finances a examiné, le mercredi 15 février 2023, le rapport de Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », à la suite de son contrôle budgétaire sur le financement du risque RGA.

I. LE RÉGIME CATNAT FACE AU RISQUE SÉCHERESSE : UN COLOSSE AUX PIEDS D'ARGILE

A. LE RISQUE « RETRAIT-GONFLEMENT DES ARGILES » TOUCHE PLUS DE LA MOITIÉ DES LOGEMENTS INDIVIDUELS EN FRANCE

Le risque « retrait-gonflement des argiles » (RGA) désigne les dommages causés aux constructions par le phénomène naturel de rétractation des sols argileux, en période de sécheresse, suivi par le gonflement de ces sols lorsque la pluie revient. Le phénomène touche essentiellement les maisons individuelles, et il est très répandu en France : on estime que 48 % du territoire national connaît une exposition moyenne ou forte au RGA. À l'échelle nationale, 10,4 millions de maisons individuelles connaissent un risque RGA fort ou moyen, ce qui représente 54,2 % de l'habitat individuel .

Le risque RGA est intégré au régime des catastrophes naturelles (CatNat) depuis 1989 : les sociétés d'assurances privées se réassurent auprès de la caisse centrale de réassurance (CCR), qui bénéficie d'une garantie intégrale de l'Etat. Jusqu'à présent, le risque RGA n'a jamais conduit à remettre en cause l'équilibre financier du régime CatNat. Cependant, seules 50 % des communes parviennent à obtenir une reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle , et 50 % seulement des dossiers déposés dans ces communes bénéficient d'une indemnisation

B. LE CHANGEMENT CLIMATIQUE MENACE SÉRIEUSEMENT L'ÉQUILIBRE DU RÉGIME CATNAT

La progression de l'exposition au RGA est observable sur la période récente : la charge annuelle liée au risque RGA a atteint plus de 1 milliard d'euros en moyenne entre 2017 et 2020, contre 445 millions d'euros depuis 1982. Le coût de la sécheresse de 2022 est estimé entre 2,4 et 2,9 milliards d'euros.

Or, d'après une étude du Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) de 2018, une sécheresse comparable à celle de 2003 devrait survenir une année sur trois entre 2020 et 2050, une année sur deux entre 2050 et 2080. Il est estimé que le coût cumulé de la sinistralité sécheresse entre 2020 et 2050 , représenterait un coût de 43 milliards d'euros, soit un triplement par rapport aux trois décennies précédentes . Le régime CatNat ne serait ainsi plus en mesure de dégager assez de réserves pour couvrir les sinistres à l'horizon 2040 .

du territoire exposé au risque RGA

de maisons
exposées

par an pour le risque RGA depuis 2017

de sinistres RGA
pour le seul été 2022

II. SI AUCUN DES SCÉNARIOS DE RÉFORME DE L'INDEMNISATION DU RISQUE RGA N'APPARAÎT PLEINEMENT SATISFAISANT, L'ORDONNANCE DU 8 FÉVRIER 2023 NE RÉSOUT PAS LE CoeUR DU PROBLÈME

A. PARMI LES SCÉNARIOS DE RÉFORME DE L'INDEMNISATION ENVISAGÉS AUJOURD'HUI, AUCUN NE S'AVÈRE PLEINEMENT SATISFAISANT

Une chose est sûre : la sortie du risque RGA du régime CatNat serait inopportune et même inopérante à court terme . Dans les conditions actuelles, le risque RGA ne pourrait être couvert par le secteur assurantiel privé de droit commun. Compte-tenu du niveau des primes, beaucoup de particuliers ne pourraient plus s'assurer et, au dire de tous les experts, le risque n'apparaît pas réassurable. La création d'un régime spécifique 100 % public qui reposerait sur les seuls contribuables pèserait très lourd sur les finances publiques et son opérationnalité serait incertaine du fait des capacités limitées de l'administration à se substituer aux assureurs.

Si cette hypothèse est irréaliste à court terme, il n'est en revanche pas exclu que dans un horizon d'une dizaine d'années les conditions d'assurabilité du risque RGA par le secteur privé puissent être réinterrogées . Dans ces conditions, il pourrait alors être envisageable de sortir ce risque du régime CatNat.

Une hypothèse de réforme envisagée au sein même du régime CatNat est celle d'une forme de « révolution copernicienne » de la prise en charge du risque RGA. Il s'agirait de ne plus partir de l'exceptionnalité des causes à l'origine des sinistres mais de prendre le problème à rebours en s'intéressant à l'exceptionnalité des dommages constatés sur le bâti. L'arrêté de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle deviendrait alors superflu. Cette option impliquerait de confier intégralement la gestion du régime aux assureurs . Or, l'instruction des dossiers par les experts mandatés par les assurances suscite d'ores et déjà un sentiment d'insatisfaction du fait de la part significative (plus de 50 %) de dossiers classés sans suite.

Missionnée pour estimer le coût d'une telle réforme, la Caisse centrale de réassurance (CCR) a conclu que sauf à établir des contraintes drastiques qui limiteraient considérablement le nombre de sinistrés éligibles ainsi que les montants d'indemnisations, une telle réforme aurait un coût « propre à porter atteinte à la pérennité du régime CatNat à très court terme » . Selon les scénarios, le surcoût annuel d'une réforme de ce type pourrait dépasser les 850 millions d'euros , impliquant d'augmenter d'au moins 12 points le niveau de la surprime prélevée sur les contrats d'assurance servant à financer le régime.

Une autre option de réforme consisterait à améliorer les critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pour le risque RGA tout en créant, en parallèle, un fonds public ad hoc pour indemniser certains des sinistres non pris en charge dans le cadre du régime CatNat. La création d'un tel fonds, qui devrait éviter les écueils de ses prédécesseurs qui ont été des échecs, nécessiterait cependant de dégager de plusieurs dizaines à plusieurs centaines de millions d'argent public par an selon le périmètre d'indemnisation qui serait défini.

B. ALORS QU'ELLE NE RÉPOND QUE TRÈS IMPARFAITEMENT AUX ENJEUX SOULEVÉS, L'ORDONNANCE POURRAIT REMETTRE EN CAUSE LA LOGIQUE ASSURANTIELLE DU RÉGIME

En application de l'article 161 de la loi « 3DS » , une ordonnance a été présentée en Conseil des ministres le 8 février 2023. L'ordonnance ne change pas la logique de la prise en charge du RGA. Sans que ce soit prévu au niveau législatif dans l'ordonnance en elle-même, le Gouvernement a pris l'engagement de modifier les critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pour le risque RGA par voie réglementaire : simplification du critère météorologique, éligibilité automatique d'une commune limitrophe d'une commune reconnue en état de catastrophe naturelle ou encore reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle en raison d'une succession de sécheresses d'ampleur moyenne. L'ordonnance prévoit aussi d'encadrer l'activité des experts d'assurance, à travers notamment une certaine homogénéisation des rapports d'expertise et un dispositif de sanctions.

Le rapporteur considère que non seulement l'ordonnance n'est pas de nature à résoudre les insuffisances de la prise en charge du risque RGA mais également que certaines de ses dispositions pourraient remettre en cause la nature assurantielle du régime .

L'ordonnance entend ainsi réserver les indemnisations aux sinistres les plus graves . Cette disposition pose une série de difficultés qui inquiètent le rapporteur : fragilité juridique, remise en cause de la nature assurantielle du régime pour les sinistrés qui ne seront plus éligibles à indemnisation à raison de la nature des dommages sur leur bâti ou encore risque que certains « petits » dommages qualifiés « d'esthétiques » dégénèrent en des sinistres beaucoup plus significatifs et coûteux pour le régime.

Une autre disposition prévue par l'ordonnance pose problème : l'obligation d'utiliser le montant de l'indemnisation pour réparer les dommages sur le bâti. Le rapporteur considère qu'une telle disposition est inéquitable dans la mesure où, parfois, la décision de démolir une habitation sinistrée pour reconstruire ailleurs est plus pertinente que d'engager de lourds travaux de réparation.

Enfin, le rapporteur note que l'ordonnance ne règle en rien l'enjeu du financement à moyen - long terme de la prise en charge du risque RGA. La CCR aurait chiffré le coût annuel prévisionnel des dispositions de l'ordonnance pour le régime à 200 millions d'euros . À ce montant annuel, il conviendra d'ajouter le coût ponctuel de l'application rétroactive des dispositions sur le stock des sinistres. Le rapporteur note que, sans même tenir compte des incidences financières de cette ordonnance, la CCR a évalué à 420 millions d'euros le déficit annuel prévisionnel du régime CatNat en 2050 .

III. IL EST NÉCESSAIRE DE METTRE EN PLACE UNE VÉRITABLE POLITIQUE DE PRÉVENTION SUR LE BÂTI EXISTANT

A. LES EXPÉRIMENTATIONS SUR LES TECHNIQUES HORIZONTALES DOIVENT ÊTRE RENFORCÉES ET INTÉGRÉES DANS UNE STRATÉGIE GLOBALE DE PRÉVENTION

Alors que des normes ont été mises en place par la loi Elan du 23 novembre 2018 concernant les constructions nouvelles, les mesures portant sur le bâti existant exposé demeurent le véritable « angle mort » de la politique de prévention et d'indemnisation du risque RGA. Plusieurs techniques de prévention existent , dont les coûts varient fortement, mais beaucoup d'entre elles n'ont pas encore entièrement prouvé leur efficacité, faute d'avoir été déployées à une échelle suffisamment large , et d'avoir fait l'objet d'un véritable suivi sur une période longue.

En particulier, les mesures de prévention dites « horizontales », qui consistent à agir sur l'environnement du bâti, sont moins invasives et bien moins coûteuses que les mesures de reprises de fondation : elles coûtent en moyenne 10 000 euros, contre 21 000 à 76 000 euros pour les techniques portant sur la structure du bâtiment . Les mesures horizontales consistent par exemple à installer des écrans anti-racinaires ou des systèmes de drainage. Cependant, les mesures horizontales doivent encore faire l'objet d'évaluations, afin de confirmer leur efficacité, avant de pouvoir véritablement les généraliser .

Des expérimentations sont aujourd'hui menées par divers organismes publics, mais il n'y a pas de véritable stratégie globale de développement et de financement des techniques de prévention du RGA. Les expérimentations doivent être renforcées, et la mise en place d'une telle stratégie est indispensable pour assurer l'équilibre financier du régime CatNat, et pour protéger le patrimoine de nos territoires .

B. LE FONDS BARNIER DOIT ÊTRE MOBILISÉ POUR FINANCER LES EXPÉRIMENTATIONS LES PLUS ABOUTIES, EN VUE DE PRÉPARER LEUR GÉNÉRALISATION

À l'heure actuelle, le RGA ne fait pas l'objet de financement dans le cadre du fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM - fonds Barnier). Pourtant, les mesures de prévention verticales ont une efficacité avérée, et si des études complémentaires doivent être menées sur les mesures de prévention horizontales, plusieurs d'entre elles sont déjà bien connues et déjà pratiquées par les entreprises du BTP. Le rapport bénéfice/ risque de faire financer des expérimentations et évaluations de mesures horizontales courantes semble donc positif .

Le fonds Barnier pourrait donc être utilisé pour confirmer l'efficacité des mesures horizontales les plus communément pratiquées, tandis que les mesures plus expérimentales , comme l'hydratation des sols et certaines techniques de drainage, pourraient quant à elles être financées via le 4 ème programme d'investissements d'avenir .

Il est proposé de cibler en priorité des communes volontaires, pour lesquelles l'état de catastrophe naturelle a été demandé mais non reconnu . Se focaliser sur les communes qui ont fait une demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle permettra donc à la fois de tester la viabilité de certaines techniques , autant d'un point de vue préventif que curatif, et d'apporter un premier remède à des logements qui ne peuvent pas bénéficier de l'indemnisation dans le cadre du régime CatNat.

Les recommandations du rapporteur spécial

(à l'égard du Gouvernement)

1. Maintenir l'éligibilité au dispositif d'indemnisation des particuliers qui décident d'abandonner leur habitation sinistrée.

2. Conduire une expertise et mettre en oeuvre des contrôles renforcés et systématiques sur les dossiers d'indemnisation dont le montant dépasse le coût moyen de construction d'une maison individuelle.

3. Poursuivre et renforcer les expérimentations de mesures de prévention du risque RGA portant sur l'environnement du bâti.

4. Mobiliser le fonds Barnier pour financer des expérimentations sur les techniques de prévention portant sur l'environnement du bâti les plus abouties, en vue de leur éventuelle généralisation.

5. Mobiliser les financements du 4ème programme d'investissements d'avenir pour développer de nouvelles techniques de prévention du RGA.

6. Financer en priorité des expérimentations de techniques de prévention du risque RGA dans les communes qui ont fait une demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pour cause de sécheresse mais qui ne l'ont pas obtenu.

INTRODUCTION

Le risque « retrait-gonflement des argiles » (RGA) menace l'équilibre financier du régime des catastrophes naturelles toutes choses égales par ailleurs . Avec le dérèglement climatique , les sécheresses sont vouées à devenir de plus en plus fréquentes et intenses, et il est certain que le coût de la sinistralité liée au RGA , déjà en forte augmentation ces dernières années, ne sera plus soutenable en l'état actuel des politiques d'indemnisation et de prévention.

Après les travaux précurseurs du Sénat réalisés en 2019 dans le cadre d'une mission d'information sur la gestion des risques climatiques et l'évolution de nos régimes d'indemnisation 1 ( * ) , puis à l'occasion de l'examen des deux propositions de lois, l'une visant à réformer le régime des catastrophes naturelles 2 ( * ) et l'autre relative à l'indemnisation des catastrophes naturelles 3 ( * ) plusieurs rapports ont récemment renouvelé les alertes sur les conséquences financières de la progression du risque RGA. L'un des plus récents est celui de la Cour des comptes, « Sols argileux et catastrophes naturelles - Des dommages en forte progression, un régime de prévention et d'indemnisation inadapté », de février 2022. De nombreuses études ont également été menées par le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM), le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), et les représentants des assureurs.

En conséquence, le présent rapport ne reviendra pas en détail sur les constats, qui sont désormais bien établis et connus, même s'il est nécessaire de rappeler en introduction les principaux enjeux.

Le présent rapport vise principalement à pointer les insuffisances du régime d'indemnisation actuel, et proposer une nouvelle façon de concevoir les politiques de prévention.

Les politiques de prévention sont encore trop souvent reléguées au second plan dans les réflexions sur le RGA, alors que le coût de l'indemnisation de la sinistralité sécheresse peut être considérable. Le rapporteur spécial écrivait déjà dans son rapport sur la proposition de loi visant à réformer le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles : « En tout état de cause, sur les dommages causés par le retrait-gonflement des argiles, des mesures de prévention avant la construction du bâti sont plus pertinentes que celles financées a posteriori, dont l'ampleur et le coût peuvent être insoutenables . » 4 ( * )

Le risque « retrait-gonflement des argiles » (RGA), désigne les dommages causés aux constructions par le phénomène naturel de rétractation des sols argileux, en période de sécheresse, suivi par le gonflement de ces sols lorsque la pluie revient. Les sols argileux possèdent en effet une structure en « feuillets », qui provoque une variation de leur volume en fonction de leur teneur en eau. Le RGA affecte le sol de manière hétérogène, c'est-à-dire qu'il conduit à la formation de cuves et de bosses, ce qui fragilise les fondations jusqu'à les fracturer.

Le phénomène touche essentiellement les maisons individuelles , dont les fondations sont moins profondes et la structure plus légère que celles des immeubles collectifs.

Illustration du phénomène de retrait-gonflement des argiles

Source : Cour des comptes, Rapport « Sols argileux et catastrophes naturelles », février 2022, page 16, d'après le Guide « le retrait-gonflement des argiles - Comment prévenir les désordres dans l'habitant individuel », ministère de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, 2008

Plusieurs sécheresses importantes à la fin des années 1980 ont causé des dommages exceptionnels aux constructions, ce qui a conduit à intégrer ce risque au sein du régime des catastrophes naturelles CatNat en 1989. La France est le seul pays de l'Union européenne a voir intégré ce risque dans un dispositif assurantiel public.

Le régime des catastrophes naturelles

Le régime CatNat est fondé sur un double système de garantie : les sociétés d'assurance proposent et gèrent les contrats d'assurance contre les dommages aux biens, et elles se réassurent auprès de la caisse centrale de réassurance (CCR), qui elle-même bénéficie d'une garantie intégrale de l'Etat. En contrepartie de cette garantie, la CCR verse à l'Etat environ 100 millions d'euros par an.

Le financement du régime est assuré par une surprime « catastrophe naturelle », prélevée sur l'ensemble des contrats précités, et qui est de 12 % concernant les contrats d'habitation.

La surprime est uniforme sur l'ensemble du territoire, quel que soit le degré d'exposition aux risques, ce qui représente la solidarité nationale face aux catastrophes naturelles, telle qu'elle est affirmée à l'alinéa 12 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : « La Nation proclame la solidarité et l'égalité de tous les Français devant les charges qui résultent des calamités nationales ».

Source : commission des finances

Le risque RGA se distingue toutefois des autres catastrophes naturelles par son ampleur et sa dimension progressive.

Alors que les catastrophes naturelles sont habituellement caractérisées par une cinétique rapide (inondation, tempête, avalanches, etc. ), le RGA est un phénomène qui évolue de manière progressive : la succession des sécheresses conduit le sol à se déformer lentement, et les fissures n'apparaissent pas d'un coup dans les bâtiments, mais se développent de manière graduelle jusqu'à menacer l'intégrité des fondations.

Certaines sécheresses particulièrement intenses peuvent à elles seules être à l'origine de dommages importants, mais la succession de plusieurs sécheresses de taille moyenne peut également occasionner des sinistres majeurs . Par conséquent, contrairement aux autres catastrophes naturelles, il est impossible de considérer les dommages causés par le RGA en prenant comme seule référence un événement précis, comme une sécheresse exceptionnelle. Cette impossibilité à attribuer une cause unique au RGA est l'une des raisons qui expliquent les difficultés à assurer ce risque.

Le risque RGA est également caractérisé par son amplitude géographique. En 2018, on estime que 48 % du territoire national connaît une exposition moyenne ou forte au RGA. Le sud-ouest est particulièrement exposé : dans des départements comme le Tarn ou le Gers, plus de 80 % des communes comprennent des maisons individuelles en zone à risque RGA fort.

À l'échelle nationale, une étude du Commissariat général au développement durable de juin 2021 estime que 10,4 millions de maisons individuelles connaissent un risque RGA fort ou moyen, ce qui représente 54,2 % de l'habitat individuel .

Répartition géographique du risque RGA

Source : BRGM, Exposition au phénomène de RGA, 2018

Note : la répartition géographique de l'exposition au risque RGA peut être visualisée à l'adresse : https://www.georisques.gouv.fr/cartes-interactives#/

La très forte fréquence des phénomènes de retrait gonflement des argiles, conjuguée à la relative prévisibilité du risque, rend le RGA, en l'état actuel des techniques de prévention, très difficilement assurable pour le secteur privé . Pour cette raison, le RGA a été maintenu au sein du régime CatNat, bien que ses caractéristiques diffèrent des autres catastrophes naturelles .

Le risque RGA a pris une place majeure au sein du régime CatNat. Entre 1982 et 2021, la sinistralité sécheresse a représenté 37 % de l'ensemble de la sinistralité sécheresse du régime, derrière les inondations (53 %).

Répartition par péril de la sinistralité
au sein du régime CatNat entre 1982 et 2021

Source : caisse centrale de réassurance

Jusqu'à présent, le risque RGA n'a jamais conduit à remettre en cause l'équilibre financier du régime CatNat. La garantie de l'Etat n'a été activée qu'une fois, en 2000, en raison de la tempête de 1999. Pour autant, le traitement à l'heure actuelle du RGA n'est pas satisfaisant. Lors de l'examen en 2021 de la proposition de loi visant à réformer le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, le rapporteur soulignait que la configuration actuelle du régime CatNat semblait « désormais inadapté à la prise en charge de ces dommages liés à la sécheresse » .

En premier lieu, de nombreuses communes touchées par la sinistralité sécheresse ne bénéficient pas de l'indemnisation au titre du régime CatNat. En effet, seules 50 % des communes ayant déposé une demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle au titre des sécheresses de 2019 et 2020 l'ont obtenue, et au sein de ces communes, la moitié des dossiers d'indemnisation déposés par les personnes victimes d'un sinistre ont été classés sans suite par les experts mandatés par les sociétés d'assurance 5 ( * ) .

Ensuite, sur le temps long, et comme l'avait déjà souligné le rapporteur lors de l'examen en 2021 de la proposition de loi visant à réformer le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles 6 ( * ) , le changement climatique menace sérieusement l'équilibre financier du régime .

La progression de l'exposition au RGA est tout d'abord observable sur la période récente. La charge annuelle liée au risque RGA a atteint plus de 1 milliard d'euros en moyenne entre 2017 et 2020, contre 445 millions d'euros depuis 1982 . Depuis cinq ans, le régime CatNat est déficitaire. En 2017, il a même connu son déficit le plus important depuis sa création : 439 millions d'euros. Sur la période 2015-2019, le déficit cumulé du régime atteignait ainsi près d'un milliard d'euros.

Coût du risque RGA

(en millions d'euros et en % de la sinistralité climatique)

Source : France Assureurs

Plus particulièrement, le coût de la sécheresse de 2022 est estimé entre 2,4 et 2,9 milliards d'euros 7 ( * ) , ce qui la placerait nettement au-dessus du coût de la sécheresse de 2003 (1,6 milliard d'euros), qui est la sécheresse la plus coûteuse sur la période 1989-2021. En conséquence, les réserves de la CCR ont baissé de de 30 % sur les cinq dernières années 8 ( * ) .

Or, les projections les plus récentes montrent que ces tendances vont s'amplifier dans les décennies à venir. D'après une étude du BRGM de 2018, une sécheresse comparable à celle de 2003 devrait survenir une année sur trois entre 2020 et 2050, une année sur deux entre 2050 et 2080, et deux années sur trois entre 2080 et 2100. Une étude de Météo-France pour la Cour des comptes a estimé que le cycle annuel d'humidité des sols moyen entre 2071 et 2100 devrait être comparable aux records de sécheresse que l'on enregistre actuellement.

Une étude de France Assureurs, publiée en octobre 2021, chiffre à 43 milliards d'euros le coût cumulé de la sinistralité sécheresse entre 2020 et 2050 , ce qui représente un triplement du coût par rapport aux trois décennies précédentes (13,8 milliards d'euros entre 1989 et 2019). En audition, la Caisse centrale de réassurance a affirmé devant le rapporteur spécial que, dans le scénario « optimiste », le régime CatNat ne dégagera plus assez de réserves pour couvrir les sinistres à l'horizon 2040 .

Les risques sur l'équilibre financier du régime CatNat sont donc réels et majeurs. Il convient alors d'évaluer la soutenabilité des différents scénarios de prise en charge du RGA. Toutefois, ce travail ne suffit pas. Il est également nécessaire de recentrer la réflexion sur les politiques de prévention menées sur le bâti existant . Celles-ci constituent en effet « l'angle mort » des politiques menées actuellement , alors que le bâti existant concentre la majorité des enjeux, et que la prévention peut conduire à des économies substantielles, qui seront nécessaires pour assurer l'équilibre du régime CatNat.

PREMIÈRE PARTIE

RENDRE L'INDEMNISATION DES SINISTRES PLUS JUSTE

I. SI PLUSIEURS SCÉNARIOS DE RÉFORMES ONT ÉTÉ ENVISAGÉS, AUCUN NE S'AVÈRE PLEINEMENT SATISFAISANT

A. INOPPORTUNE DANS L'IMMÉDIAT, UNE SORTIE DU RÉGIME CATNAT POURRAIT ÊTRE ÉTUDIÉE À PLUS LONG TERME

1. À court terme, une sortie du risque RGA du régime CatNat ne serait pas opérante

La sortie du risque RGA du régime CatNat aurait pour conséquence, si ce risque devait être pris en charge par le système d'assurance privé classique, de perdre la dimension de solidarité permise par ce régime. Le fonctionnement du régime CatNat permet que les surprimes acquittées par les assurés qui résident dans des zones non exposées ou dans des immeubles contribuent à financer les indemnisations versées aux sinistrés. Qui plus est, une telle sortie ne permettrait plus de procéder à la mutualisation financière entre risques qui existe aujourd'hui au sein du régime CatNat au bénéfice du risque RGA.

À court terme, les experts sont unanimes pour considérer que le risque RGA ne pourrait pas être pris en charge par le système assurantiel privé de droit commun. Les primes d'assurance seraient alors prohibitives pour les personnes dont les habitations sont situées en zone à risque, beaucoup de particuliers ne pourraient pas s'assurer , le phénomène d'éviction touchant principalement les foyers les plus modestes. De surcroît, le risque n'apparaît pas réassurable dans les conditions actuelles.

L'option de la création d'un régime spécifique au risque RGA 100 % public présente quant à elle plusieurs inconvénients . Un tel régime serait extrêmement coûteux pour les comptes publics et financé par les contribuables. Ce coût serait accru par la perte de la mutualisation entre risques permise par le régime CatNat actuel. Par ailleurs, l'opérationnalité de cette option apparaît également incertaine dans la mesure où, faute d'une capacité de l'État à accomplir le rôle joué par les assureurs, le régime, bien que public, devrait nécessairement continuer de s'appuyer sur les moyens et l'expertise du secteur des assurances.

2. À plus long terme, il n'est pas exclu que le risque RGA puisse être pris en charge dans le cadre des règles de droit commun du système assurantiel privé

Si, dans la situation actuelle, il apparaît clairement que le risque RGA ne pourrait pas être pris en charge par le système assurantiel privé classique, il n'est pas exclu que cela soit envisageable dans une perspective à plus long terme et ce, en raison de l'évolution prévisible de plusieurs paramètres tels qu'une connaissance plus fine du risque ainsi que le développement, la maturation et la généralisation de nouvelles techniques de prévention et de réparation. Il convient par ailleurs de souligner que ce risque est pris en compte dès la construction pour toutes les habitations construites postérieurement à la promulgation de la loi ELAN. (cf. infr a) Aussi n'est-il pas exclu que dans un horizon d'une dizaine d'années les conditions d'assurabilité du risque RGA par le secteur privé puissent être réinterrogées . Dans ces conditions, il pourrait alors être envisageable de sortir ce risque du régime CatNat.

Quand bien même il semble indispensable de maintenir à court terme le risque RGA dans le régime CatNat, il serait pertinent dans un horizon d'une dizaine d'années, au regard de l'évolution des techniques de construction, des mesures de prévention et des opérations de réparation, de réévaluer l'opportunité de confier la prise en charge du risque RGA au système assurantiel privé de droit commun.

B. PASSER DE L'EXCEPTIONNALITÉ DES CAUSES À L'EXCEPTIONNALITÉ DES CONSÉQUENCES : UN MODÈLE COÛTEUX SAUF À RÉDUIRE DRASTIQUEMENT LE NOMBRE DE PERSONNES INDEMNISÉES

1. Une « révolution copernicienne » au sein même du régime CatNat : la prise en compte de l'exceptionnalité des dommages

Une hypothèse de réforme envisagée, au sein même du régime CatNat mais en décalage avec sa logique interne, est celle d'une forme de « révolution copernicienne » de la prise en charge du risque RGA. Il s'agirait de ne plus partir de l'exceptionnalité des causes à l'origine des sinistres mais de prendre le problème à rebours en s'intéressant à l'exceptionnalité des dommages constatés sur le bâti.

L'arrêté de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle deviendrait alors superflu et la survenance d'un phénomène naturel d'ampleur exceptionnelle ne serait plus considérée comme l'évènement déclencheur de la prise en charge. Le système reposerait entièrement sur les assurances et sur les experts qu'elles mandatent.

Si cette option pourrait permettre, à condition de ne pas limiter le périmètre des dommages éligibles, d'indemniser de façon plus exhaustive les sinistrés concernés par le phénomène de RGA, elle présente, au-delà de ses conséquences financières pour le régime CatNat (présentées infra ), plusieurs limites.

Elle impliquerait de confier l'intégralité de la gestion du régime aux assureurs . Or, l'instruction des dossiers par les experts mandatés par les assurances suscite d'ores et déjà un sentiment d'insatisfaction et d'incompréhension chez certains sinistrés, notamment du fait de la part significative (plus de 50 %) des dossiers classés sans suite sur le territoire de communes pourtant reconnues en état de catastrophe naturelle. Il n'est pas garanti d'ailleurs que le réseau des experts d'assurance puisse absorber de façon satisfaisante le volume de dossiers supplémentaires qu'il aurait à traiter.

La suppression de l'arrêté de catastrophe naturelle priverait la puissance publique d'une capacité de maîtrise et de régulation d'un processus qui repose pourtant sur des logiques de solidarité financière nationale (matérialisée par le prélèvement de la surprime mais aussi par la garantie accordée par l'État à la CCR) et de mutualisation entre les risques couverts par le régime CatNat.

Le déploiement d'un nouveau modèle visant à substituer la notion d'exceptionnalité des causes à celle d'exceptionnalité des conséquences supposerait au moins deux préalables indispensables : une régulation et un encadrement beaucoup plus affirmés de l'action des experts d'assurance et une capacité de contrôle exercée au moins a posteriori par les services de l'État.

2. Un modèle dont les estimations réalisées par la CCR illustrent les lourdes contraintes financières

Si le Gouvernement a pu réfléchir à appliquer une telle réforme, ce n'est qu'au prix d'un encadrement draconien des conditions d'indemnisation, et ce afin d'éviter qu'elle ne bouleverse l'équilibre financier du régime CatNat. Ainsi, pour que la réforme soit le plus neutre possible sur le plan financier, le Gouvernement a-t-il considéré la possibilité de circonscrire les indemnisations aux seuls dommages graves , recherchant le caractère d' « exceptionnalité », non plus dans le phénomène naturel à l'origine des dégâts mais dans l'ampleur des dommages eux-mêmes. Ce faisant, le caractère assurantiel du régime serait sérieusement remis en cause puisqu' une partie potentiellement significative des sinistrés aujourd'hui éligibles à une indemnisation ne le seraient plus dans le nouveau système.

À la demande du Gouvernement, la Caisse centrale de réassurance (CCR) a réalisé des scénarios pour estimer les conséquences d'une réforme de cette nature sur l'équilibre financier du régime CatNat. Les conclusions de ces estimations sont que, sauf à établir des contraintes drastiques conduisant à limiter considérablement le nombre de sinistrés éligibles ainsi que les montants d'indemnisations 9 ( * ) , une telle réforme aurait un coût significatif susceptible de profondément affecter l'équilibre financier du régime .

Ainsi, la CCR estime-t-elle que « le coût pour le régime d'une telle évolution serait considérable et propre à porter atteinte à sa pérennité à très court terme » . Elle souligne par ailleurs qu'établir des conditions très restrictives , notamment, à titre d'exemple, un seuil d'intervention fixé à 50 000 euros de dommages, serait particulièrement contreproductif puisque non seulement ce seuil ne réduirait que modérément le coût financier de la réforme, les sinistres supérieurs à 50 000 euros représentant 75 % du coût total des indemnisations, mais il diminuerait drastiquement le nombre de sinistrés éligibles puisque les dommages inférieurs à ce seuil concernent 79 % des sinistrés.

La CCR estime qu' « aucun scénario ne permet d'indemniser plus de sinistrés tout en ayant peu d'impact sur le régime CatNat » . Ainsi, pour que la mesure soit neutre financièrement pour le régime, serait-il nécessaire, d'après les estimations de la CCR, de fixer un plancher d'indemnisation à 50 000 euros, un seuil plafond à 90 000 euros ainsi qu'une franchise à 7 000 euros, soit des conditions qui limiteraient considérablement le nombre des sinistrés éligibles ainsi que les montants indemnisés.

En se fondant sur la moyenne de sinistralité constatée au cours des vingt dernières années, la CCR a évalué à 491 millions d'euros le coût annuel d'une réforme qui ne fixerait ni seuil plancher, ni seuil plafond et qui conserverait le montant de la franchise à son niveau actuel, soit 1 520 euros. Il est à noter que ce coût est sous-estimé dans la mesure où, compte-tenu de la période considérée, il ne prend que partiellement en compte l'accélération du phénomène de RGA due aux conséquences des dérèglements climatiques .

À titre d'exemple, en se basant cette fois sur la sinistralité constatée au cours des cinq dernières années, la CCR a évalué les conséquences financières d'un scénario visant à fixer un seuil plancher d'indemnisation à 10 000 euros 10 ( * ) . Une telle réforme coûterait plus de 850 millions d'euros par an et nécessiterait, pour équilibrer le régime, de relever le niveau de la surprime sur les contrats d'assurance de 12 points, à 24 %. Il est à noter que la hausse de la surprime devrait peser plus fortement sur les particuliers, seuls concernés par le risque RGA, faute de quoi, les portefeuilles d'assureurs ayant une grande proportion de risques professionnels seraient tentés de ne plus mutualiser leurs risques avec les autres assureurs.

À ce surcoût annuel, il convient d'ajouter le coût , la première année de la réforme, du traitement du stock de sinistres actuellement non éligibles à l'indemnisation dans le cadre du régime CatNat. Cette mesure dite « voiture balai » aurait, selon les hypothèses retenues, un coût estimé par la CCR de un à trois milliards d'euros .

C. UNE AMÉLIORATION DU RÉGIME ACTUEL ET LA CRÉATION D'UN FONDS PUBLIC D'INDEMNISATION AD HOC SUPPOSERAIENT DE DÉGAGER DES DIZAINES VOIRE DES CENTAINES DE MILLIONS D'EUROS SUPPLÉMENTAIRES CHAQUE ANNÉE

1. L'incontournable perfectionnement du critère météorologique permettant de reconnaître l'état de catastrophe naturelle

Un critère météorologique très décrié

S'agissant du phénomène de RGA, la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle est conditionnée à deux critères cumulatifs : un critère dit géotechnique destiné à vérifier la présence de plaques argileuses sur le territoire de la commune à partir des données du bureau des recherches géologiques et minières (BRGM) qui ne pose pas de difficultés particulières et un critère dit hydrique ou « météorologique » qui, malgré des évolutions récentes, suite à la sécheresse de 2003 puis en 2019, concentre les critiques des sinistrés ainsi que des communes dont le dossier de reconnaissance est rejeté.

La contestation de l'évaluation du critère météorologique demeure aujourd'hui la principale source de contentieux. Sa méthode de calcul est décrite dans une circulaire du 10 mai 2019 11 ( * ) .

Déterminé par l'opérateur Météo-France, le critère météorologique consiste à calculer la variation de l'indice d'humidité des sols superficiels (ou SWI pour soil wetness index ). Compte-tenu du maillage de ses stations, Météo-France n'est en capacité de mesurer cet indicateur que sur des surfaces de 64 km 2 , une précision insuffisante pour une approche fine de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle 12 ( * ) . L'indicateur est calculé chaque mois puis lissé par trimestre. Pour caractériser un phénomène de sécheresse qualifié d'anormal au sens du régime CatNat, le critère météorologique doit démontrer que la variation de l'humidité des sols sur le périmètre concerné est la plus significative ou la deuxième plus significative des relevés effectués sur les cinquante dernières années., soit une « période de retour » de 25 ans. En 2019, le rapport de la mission d'information sénatoriale précité considérait cette durée de retour comme « très arbitraire ».

Au-delà même de son insuffisante précision, qui ne peut rendre compte de la diversité des situations géologiques de chaque territoire, le critère météorologique fait l'objet de nombreuses critiques qui l'exposent fortement aux risques contentieux. Il continue notamment de pêcher par une extrême complexité qui le rend peu lisible aux yeux des sinistrés et des communes. Dans son rapport de février 2022, la Cour des comptes souligne ainsi que l'objectif de simplification qui était porté par les évolutions introduites en 2019 « ne paraît pas atteint tant la lecture des critères demeure complexe » . . Par ailleurs, sa modélisation ne prend pas en compte les différences topographiques ou de couverture végétale qui ont pourtant un impact déterminant sur l'exposition au risque RGA. Le rapport de la mission d'information sénatoriale soulignait déjà en 2019 que « le critère météorologique repose toujours sur la simulation réalisée par Météo-France, et non sur une appréciation de la situation à l'échelon local » .

Source : commission des finances

Faute d'une réforme en profondeur, l'amélioration très significative du critère météorologique apparaît incontournable tant il présente de faiblesses . Ce critère, qui détermine le caractère anormal du phénomène naturel et déclenche la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, fortement critiqué, concentre les insatisfactions et les incompréhensions tant il pèche par son imprécision comme par la modélisation de son calcul qui ne tient pas compte des réalités observées.

Le maintien du risque RGA au sein du régime CatNat et de la logique de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle comme préalable nécessaire au déclenchement de la procédure d'indemnisation est conditionné à l'amélioration profonde du critère météorologique.

Le choix de maintenir le risque RGA au sein du régime CatNat ainsi que la logique de reconnaissance de catastrophe naturelle comme préalable aux indemnisations supposeraient de consacrer les moyens suffisants pour améliorer de façon très significative le critère météorologique qui détermine le caractère anormal du phénomène naturel constaté.

Outre l'amélioration indispensable du critère météorologique, d'autres aspects de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pourraient être corrigés pour rendre le dispositif plus équitable et réduire les contestations qu'il génère. L'une des options, notamment pour éviter un effet « limites administratives » souvent aléatoire, pourrait être de reconnaître automatiquement en état de catastrophe naturelle les communes dont le territoire est limitrophe d'une commune elle-même reconnue en état de catastrophe naturelle en vertu des critères retenus dans le cadre du régime. Cette évolution, qui n'aurait qu'une incidence financière limitée sur le régime d'après les estimations de la CCR, permettrait, toujours selon la CCR, de résoudre, selon les années, entre 40 et 65 % des recours intentés par des communes non reconnues en état de catastrophe naturelle. Cette disposition nécessiterait cependant de disposer d'une connaissance fine de la géologie du sous-sol des communes.

2. L'hypothèse d'un fonds public ad hoc pour indemniser des sinistres non couverts par le régime CatNat coûterait de plusieurs dizaines à plusieurs centaines de millions d'euros par an

Afin de ne pas remettre en cause la philosophie et l'équilibre financier du régime CatNat, certains acteurs recommandent de créer, en marge du dispositif, un fonds public pérenne, dédié à l'indemnisation des sinistres liés au phénomène de RGA mais non éligibles dans le cadre du régime car situés sur le territoire de communes non reconnues en état de catastrophe naturelle . D'après les estimations de la CCR et selon les critères d'indemnisation retenus, le coût annuel d'un tel dispositif pourrait se situer entre 60 et 300 millions d'euros.

La CCR a évoqué la possibilité de financer ce fonds par une nouvelle taxe prélevée sur les constructeurs de maisons individuelles. Néanmoins, cette taxe serait susceptible d'augmenter les prix de vente et de peser sur la vitalité économique du secteur de la construction. De plus, alors que la loi ELAN a imposé de nouvelles normes de construction, une éventuelle dimension incitative de cette taxe serait difficile à concrétiser.

Si elle était retenue, la création d'un fonds public d'indemnisation ad hoc devrait, pour atteindre son objectif, se prémunir des écueils qui ont conduit à l'échec des expériences de fonds d'interventions ponctuels d'urgence .

A la suite de l'épisode de sécheresse de 2018, un fonds d'urgence d'indemnisation de 10 millions d'euros avait été voté par le Parlement dans le cadre de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020. Il devait venir en aide aux sinistrés non indemnisés via les dispositions prévues par le régime CatNat. Douze ans plus tôt, la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 avait déjà prévu un dispositif similaire, doté cette fois de 220 millions d'euros, pour traiter les conséquences de la sécheresse exceptionnelle de 2003.

L'efficacité de ces dispositifs a été contestée, et ce pour plusieurs raisons. Parce qu'elle a mis sous tension les moyens humains des administrations publiques concernées, la gestion des dispositifs, en particulier l'instruction des dossiers d'indemnisation, a souffert d'insuffisances notoires.

Les critères visant à circonscrire ces dispositifs ont conduit à générer un sentiment d'inégalité et des incompréhensions entre les sinistrés éligibles aux indemnisations et ceux qui en étaient privés. Aussi, la perception d'iniquité du dispositif actuel n'a en rien été corrigée par ces mesures ponctuelles et circonscrites.

Le dispositif prévu en 2020 s'est révélé particulièrement inopérant dans la mesure où, bien souvent, soit les sinistrés bénéficiaient de revenus qui ne les rendaient pas éligibles au fonds d'aide, soit, s'ils en bénéficiaient, ils ne disposaient pas de moyens financiers suffisants pour assumer les restes à charge des travaux prévus par le dispositif. L'éventuelle création d'un fonds d'indemnisation ad hoc devra absolument éviter de reproduire une situation si ubuesque.

Enfin, les conditions de forme et de délais ont considérablement affecté l'efficacité du dispositif mis en place en 2020, à tel point que, face à la faiblesse de la consommation des crédits ouverts et à l'importance du taux de non-recours, l'échéance initialement fixée a dû être prolongée par décret à trois reprises.

Si la création d'un fonds public d'indemnisation complémentaire au régime CatNat était décidée, les paramètres de ce fonds devraient avoir été définis après une analyse approfondie du bilan des expériences passées de fonds d'interventions ponctuels d'urgence de manière à ne pas reproduire les erreurs qui ont conduit à leurs échecs.

II. ALORS QU'ELLE NE RÉPOND QUE TRÈS IMPARFAITEMENT AUX ENJEUX SOULEVÉS, L'ORDONNANCE POURRAIT REMETTRE EN CAUSE LA LOGIQUE ASSURANTIELLE DU RÉGIME

A. L'ORDONNANCE PRÉVUE PAR LA LOI DITE « 3DS » EST BIEN LOIN DE RÉGLER LA PROBLÉMATIQUE D'ENSEMBLE

Compte-tenu des insuffisances constatées de la prise en charge du risque RGA dans le cadre du régime CatNat, l'article 161 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite loi « 3DS », a prévu qu'une ordonnance réforme cette prise en charge.

I de l'article 161 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale

Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par voie d'ordonnance, dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi afin d'améliorer la prise en charge des conséquences exceptionnellement graves sur le bâti et sur les conditions matérielles d'existence des assurés des désordres causés par le phénomène naturel de mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse ou à la réhydratation des sols :

1° En adaptant aux spécificités de ce phénomène naturel les conditions de prise en compte au titre du régime des catastrophes naturelles et d'indemnisation prévues aux articles L. 125-1 à L. 125-6 du code des assurances. Cette adaptation vise à permettre l'indemnisation des dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante ce phénomène naturel, dès lors qu'il en résulte, pour les assurés, des conséquences directes provoquant des désordres d'une gravité exceptionnelle dans leurs conditions matérielles d'existence ;

2° En conditionnant tout ou partie du droit à indemnisation au titre du régime des catastrophes naturelles au respect de dispositions législatives qui contribuent à prévenir ou à couvrir les dommages matériels directs ayant pour cause déterminante ce phénomène naturel ;

3° En régissant les conditions dans lesquelles les dommages doivent être évalués et pris en charge pour garantir à chaque sinistré une juste réparation du préjudice subi, notamment en encadrant les activités d'expertise ;

4° En adaptant éventuellement aux spécificités de la prise en charge de ce risque les opérations de réassurance réalisées par la Caisse centrale de réassurance et effectuées avec la garantie de l'Etat, prévues à la section II du chapitre Ier du titre III du livre IV du code des assurances ;

5° En adaptant éventuellement le financement de la garantie contre les catastrophes naturelles prévu à l'article L. 125-2 du même code, afin de couvrir les indemnisations résultant des nouvelles conditions d'éligibilité et de prise en charge des dommages causés par le phénomène naturel de mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse ou à la réhydratation des sols ;

6° En définissant les modalités de contrôle et les sanctions permettant d'assurer l'effectivité des dispositions prises sur le fondement de l'ordonnance prévue au présent I ;

7° En prenant toute mesure permettant d'assurer la cohérence entre les dispositions prises sur le fondement de l'ordonnance prévue au présent I et d'autres dispositions législatives ;

8° En adaptant les dispositions prises sur le fondement de l'ordonnance prévue au présent I et, le cas échéant, celles qu'elles modifient aux caractéristiques des collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon, et en étendant ces dispositions, le cas échéant avec les adaptations nécessaires, aux Terres australes et antarctiques françaises et, en tant qu'elles relèvent des compétences de l'État, à Wallis-et-Futuna.

Source : légifrance

Alors que la période de l'habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance s'achevait le 21 février 2023, l'ordonnance a été présentée en Conseil des ministres le mercredi 8 février 2023 13 ( * ) . Il convient de souligner que le Gouvernement devait remettre au Parlement un rapport six mois après la promulgation de la loi n° 2021-1837 du 28 décembre 2021 relative à l'indemnisation des catastrophes naturelles, notamment pour éclairer la représentation nationale sur les enjeux de ce risque. Le rapporteur regrette que ce rapport n'ait pas été remis au Parlement à la date de clôture de ses travaux.

L 'ordonnance ne prévoit ni de sortir le risque RGA du régime CatNat, ni de bouleverser en profondeur la logique de sa prise en charge .

Sans que ce soit prévu au niveau législatif dans l'ordonnance en elle-même, le Gouvernement a pris l'engagement de modifier les critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pour le risque RGA par voie réglementaire . Il s'agirait notamment, pour le critère météorologique qui concentre les critiques, de passer d'une période de retour cinquantennale à une période plus courte, par exemple décennale.

Comme évoqué supra , le rapporteur rappelle l'absolue nécessité , en l'absence d'une réforme d'ampleur de la prise en charge du risque RGA, d'améliorer de façon très significative la précision du critère météorologique . D'autres ajustements, tels que l'éligibilité automatique des territoires de communes limitrophes d'une commune elle-même reconnue en état de catastrophe naturelle, devraient également être mis en oeuvre par voie réglementaire.

Le projet d'ordonnance permet de reconnaître l'état de catastrophe naturelle en raison d'une succession d'épisodes de sécheresse d'une ampleur inférieure au seuil du critère météorologique. Cette évolution , susceptible de mieux prendre en compte la cinétique longue et progressive du phénomène de RGA, va dans le bon sens et devrait améliorer les conditions de prise en charge du risque . Le texte de l'ordonnance prévoit ainsi qu'une « succession anormale d'événements de sécheresse d'ampleur significative ». Les conditions de cette prise en compte doivent, là encore, être précisées par voie réglementaire, l'administration étudiant notamment le scénario d'une succession d'au moins trois sécheresses d'ampleur moyenne sur une période de cinq années.

L'ordonnance prévoit aussi d' encadrer l'activité des experts d'assurance , à travers notamment une certaine homogénéisation des rapports d'expertise et un dispositif de sanctions. Compte tenu du taux de dossiers classés sans suite par les experts d'assurance et des incompréhensions et contentieux que leur intervention génère, cet effort de régulation apparaît bienvenu.

B. LES DISPOSITIONS DE L'ORDONNANCE NE SEMBLENT PAS DE NATURE À RÉSOUDRE LES INSUFFISANCES CONSTATÉES ET POURRAIENT REMETTRE EN CAUSE LA LOGIQUE ASSURANTIELLE DU RÉGIME

Alors que l'évolution des critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle s'agissant du phénomène de RGA est encore incertaine puisque renvoyée à des textes réglementaires, l'ordonnance comporte plusieurs aspects de nature à limiter significativement l'éligibilité des sinistrés au régime d'indemnisation et à remettre en cause sa logique assurantielle.

Ainsi, l'ordonnance entend-elle réserver les indemnisations aux sinistres les plus graves , c'est-à-dire, « aux dommages susceptibles d'affecter la solidité du bâti ou d'entraver l'usage normal du bâtiment » . Les dommages qui ne seraient pas de nature à remettre en cause la solidité et l'utilisation normale du bâtiment, qualifiés « d'esthétiques », ne feraient plus l'objet d'indemnisations.

Le rapporteur note que cette option pose plusieurs difficultés . La définition des critères objectivables des sinistres qui seraient éligibles aux indemnisations ne serait pas sans poser des risques juridiques et fera sans aucun doute l'objet de contentieux.

Par ailleurs, le fait d'exclure potentiellement une partie aussi significative des sinistrés et des dommages tend à remettre en cause la logique assurantielle du régime selon laquelle le versement de la surprime ouvre le droit à une indemnisation en cas de dommage lié à un phénomène qualifié de catastrophe naturelle. Le rapporteur craint qu'un profond sentiment d'inégalité n'anime les sinistrés qui, pensant qu'ils étaient couverts par un dispositif de nature assurantielle et malgré qu'ils aient acquitté la surprime, se verront refuser l'éligibilité à l'indemnisation. Cette solidarité nationale à deux vitesses ne manquera pas de susciter incompréhensions et contentieux.

Enfin, d'un point de vue de l'efficacité même et de l'équilibre financier du régime, exclure les dommages non structurels de l'indemnisation est contestable . En effet, nombre de ces dommages pourront , s'ils ne font pas l'objet d'une prise en charge rapide, dégénérer , au cours d'épisodes de sécheresses ultérieurs, en des sinistres beaucoup plus graves et onéreux pour le régime CatNat. Si le rapporteur prend note que la formulation adoptée par l'ordonnance , qui retient les « dommages « susceptibles » d'affecter la solidité du bâti ou d'entraver l'usage normal du bâtiment », pourrait permettre d'inclure les petits sinistres qui pourraient être amenés à prendre de l'ampleur, cette rédaction ne lui paraît pas être une garantie suffisante dans la mesure où son interprétation et son opérationnalité lui apparaissent particulièrement incertaines. Plutôt que de les exclure du dispositif, le rapporteur considère qu'il serait plus pertinent de rendre éligibles ces dommages aux nouvelles méthodes de réparation dites « horizontales », moins coûteuses que les reprises de fondation actuellement mises en oeuvre.

Si l'ordonnance ne le prévoit pas, le rapporteur craint par ailleurs que le Gouvernement ne prévoie d'augmenter le niveau de franchise pour consolider l'équilibre financier de court-terme du régime. Cette option, que l'exécutif reconnaît comme étant l'un des leviers de financement susceptibles d'être mobilisés, ne doit être activée qu'avec la plus grande prudence afin d'éviter que certains sinistrés ne procèdent pas aux réparations nécessaires de leurs logements. En cas d'augmentation du seuil de franchise, et pour se prémunir du risque d'éviction des foyers modestes, un fonds public pourrait être envisagé pour prendre en charge une partie de son montant sur la base de critères socio-économiques .

De façon générale, le rapporteur considère qu' il n'apparaît pas raisonnable de chercher à résoudre le problème de financement du régime de couverture du risque RGA en raisonnant de façon court-termiste et en remettant profondément en cause la philosophie ainsi que le principe assurantiel de cette prise en charge.

Les limites de l'ordonnance conduisent à ne pas suffisamment prendre en considération la problématique, certes plus difficile à appréhender, profondément humaine, voire affective, posée par le traitement du risque RGA. Des individus et des familles, parfois modestes, ont bien souvent le sentiment d'avoir perdu le fruit d'une vie de travail, leur unique patrimoine matériel. Le désespoir qui peut être généré par ce phénomène est saisissant et ne peut être ignoré par des considérations purement budgétaires.

Une réforme de la prise en charge du risque RGA ne devrait pas, dans une logique d'équilibre financier de court-terme, remettre en cause la logique et le caractère assurantiel du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles.

Une autre disposition prévue par l'ordonnance inquiète le rapporteur . Il s'agit de l'obligation, pour les sinistrés, d'utiliser le montant de l'indemnisation pour réparer les dommages occasionnés sur leur habitation. L'ordonnance prévoit ainsi que, pour les sinistres consécutifs au risque RGA, « l'indemnité due par l'assureur doit être utilisée par l'assuré pour réparer les dommages consécutifs aux mouvements de terrain différentiels » . Cette disposition rendrait inéligible à indemnisation un particulier sinistré qui préférerait changer de lieu de résidence , notamment pour ne plus être exposé au risque RGA. Le rapporteur considère qu'une telle disposition serait inéquitable dans la mesure où, parfois, la décision de démolir une habitation sinistrée serait plus pertinente que d'engager de lourds travaux de réparation, notamment si cette dernière présente un mauvais diagnostic thermique.

Recommandation n° 1 : maintenir l'éligibilité au dispositif d'indemnisation des particuliers qui décident d'abandonner leur habitation sinistrée.

L'obligation faite aux sinistrés d'utiliser l'indemnisation pour réparer les dommages au bâti pourrait même conduire à encourager un phénomène inopportun qui pèse particulièrement lourd sur l'équilibre financier du régime CatNat, à savoir des réparations pour des coûts extrêmement élevés, parfois très supérieurs au coût moyen d'une reconstruction complète . Ainsi, d'après la CCR, sur la période 2011-2020, 1,4 % des sinistres , soit environ 170 dossiers par an, dépassent les 183 000 euros , c'est-à-dire le coût moyen de construction d'une maison individuelle. Toujours selon les données de la CCR, à eux seuls, ces quelques dossiers pèsent 11 % du coût de la sinistralité du risque RGA.

Il semble nécessaire d'expertiser de façon plus fine ces dossiers et de conduire des contrôles a priori et a posteriori dans un objectif de bonne gestion financière du régime CatNat.

Recommandation n° 2 : conduire une expertise et mettre en oeuvre des contrôles renforcés et systématiques sur les dossiers d'indemnisation dont le montant dépasse le coût moyen de construction d'une maison individuelle.

C. L'ORDONNANCE NE RÈGLE EN RIEN L'ENJEU DU FINANCEMENT DE LA PRISE EN CHARGE DU RISQUE RGA ET, PAR EXTENSION, DU RÉGIME CATNAT LUI MÊME

Les incidences financières des dispositions de l'ordonnance sont difficiles à estimer puisqu'elles dépendent entièrement du calibrage des différents critères de la prise en charge du risque CatNat qui doivent être proposés par voie réglementaire.

Au regard du scénario central envisagé par le Gouvernement, qui conduirait à accroître d'environ 15 % le nombre de communes reconnues en état de catastrophe naturelle, la CCR aurait chiffré le coût annuel prévisionnel des dispositions de l'ordonnance pour le régime CatNat à 200 millions d'euros. À ce montant annuel, il conviendra d'ajouter le coût ponctuel du phénomène de « voiture balais », lui aussi dépendant des critères qui seront fixés par l'exécutif et qu'il n'est, à ce stade, pas en mesure de chiffrer.

Sans même tenir compte des incidences financières de cette ordonnance, la CCR a évalué que le déficit annuel prévisionnel du régime CatNat devrait dépasser les 420 millions d'euros à horizon 2050.

Or, le rapporteur souligne qu'en dépit de ce constat, la présente ordonnance n'apporte aucune piste de solution à l'enjeu de soutenabilité financière à moyen - long terme de la prise en charge du risque RGA et du régime CatNat.

DEUXIÈME PARTIE

CONSOLIDER LES FONDATIONS DU RÉGIME CATNAT : POUR UNE VÉRITABLE STRATÉGIE DE PRÉVENTION
SUR LE BÂTI EXISTANT

Jusqu'à récemment, la problématique du RGA a surtout été abordée au travers de la question de l'indemnisation, alors que la politique de prévention du risque est tout aussi fondamentale. Dans son rapport de 2021 relatif à la proposition de loi visant à réformer le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, le rapporteur avait déjà eu l'occasion de soulever cet enjeu déterminant.

À cet égard, la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Elan) a marqué une étape importante , en définissant un certain nombre de règles de prévention pour les constructions nouvelles . L'ordonnance n° 2022-1076 du 29 juillet 2022 prévoit plusieurs dispositions d'application, et il convient désormais de suivre leur mise en oeuvre.

Toutefois, l'édiction de normes à destination des constructions nouvelles ne suffit pas, car c'est en réalité au niveau du bâti existant que se situe l'essentiel des enjeux.

En effet, même si toutes les constructions nouvelles étaient parfaitement immunisées face au RGA, le stock de logements exposés au risque resterait suffisamment important pour mettre en péril de façon certaine l'équilibre du régime CatNat. En outre, l'objectif Zéro artificialisation nette (ZAN) réduit la possibilité d'ériger des constructions nouvelles. Enfin, au-delà du critère purement financier, les logements qui sont aujourd'hui exposés au risque RGA possèdent une valeur personnelle et sentimentale pour leurs occupants.

Or, il apparaît que les mesures portant sur le bâti existant exposé demeurent le véritable « angle mort » de la politique de prévention et d'indemnisation du risque RGA. Plusieurs techniques de prévention existent , dont les coûts varient fortement, mais beaucoup d'entre elles n'ont pas encore entièrement prouvé leur efficacité, faute d'avoir été déployées à une échelle suffisamment large , et d'avoir fait l'objet d'un véritable suivi sur une période longue.

Des expérimentations sont aujourd'hui menées par divers organismes publics, mais il n'y a pas de véritable stratégie globale de développement et de financement des techniques de prévention du RGA. Une telle ambition est indispensable pour assurer l'équilibre financier du régime CatNat, et pour protéger le patrimoine de nos territoires .

I. LES NORMES DE PRÉVENTION POUR LES CONSTRUCTIONS NOUVELLES ONT RÉCEMMENT FAIT L'OBJET DE MESURES D'APPLICATION ET DE CONTRÔLE, QUI DOIVENT ÊTRE SUIVIES

L'article 68 de la loi Elan a introduit une nouvelle sous-section dans le code de la construction et de l'habitation consacrée à la prévention du risque RGA. Désormais, en cas de vente d'un terrain non bâti constructible, le vendeur a l'obligation de fournir une étude géotechnique préalable, qui est annexée à la promesse de vente ou, à défaut, à l'acte authentique de vente.

L'étude doit ensuite être transmise aux personnes réputées constructeurs de l'ouvrage. Le contrat ayant pour objet les travaux de construction doit prévoir que les constructeurs s'engagent à réaliser des travaux qui « intègrent les mesures rendues nécessaires par le risque de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols . » 14 ( * ) Les mesures en question portent sur les fondations, ainsi que sur l'environnement immédiat de l'habitation.

L'ordonnance n° 2022-1076 du 29 juillet 2022 , visant à renforcer le contrôle des règles de construction, a ensuite précisé la mise en oeuvre des dispositions de la loi Elan. L'ordonnance prévoit l'obligation pour le maître d'ouvrage de délivrer à l'autorité qui a donné l'autorisation de construire un document attestant du respect « des règles de prévention des risques liés aux terrains argileux » (article 3 de l'ordonnance - article L. 122-11 du code de la construction et de l'habitation). L'ordonnance prévoit également la création pour 2024 d'une police administrative chargée de contrôler l'ensemble des règles de construction.

D'après les informations qui ont été transmises au rapporteur spécial, le nouveau projet d'ordonnance pris en application de la loi « 3DS » ne prévoit pas de mesures relatives à la prévention.

L'ensemble des dispositions précédentes représentent une avancée significative dans la prévention du risque retrait-gonflement des argiles, et les mesures d'application et de contrôle prévues par l'ordonnance du 29 juillet 2022 étaient nécessaires . Il convient donc désormais de s'assurer qu'elles soient effectivement mises en oeuvre.

Il faut toutefois relever que les résultats de ces dispositions n'auront un impact véritable sur la soutenabilité du régime CatNat que dans de nombreuses années . Ces dispositions sont tournées vers l'avenir, alors que les enjeux de la prévention du RGA se trouvent surtout dans le « passé » : il s'agit du bâti existant . Il est donc indispensable de mettre en place une véritable stratégie de prévention à destination des logements qui sont aujourd'hui exposés au risque RGA.

II. IL EST NÉCESSAIRE DE METTRE EN PLACE UNE VÉRITABLE POLITIQUE DE DÉVELOPPEMENT DES TECHNIQUES DE PRÉVENTION DU RGA SUR LE BÂTI EXISTANT

A. LES MESURES DE PRÉVENTION DITES « HORIZONTALES » ONT UN COÛT INFÉRIEUR AUX MESURES QUI PORTENT SUR LES FONDATIONS, MAIS LEUR EFFICACITÉ DOIT ÊTRE DAVANTAGE ÉVALUÉE

1. Les mesures de prévention sur le bâti existant se distinguent entre mesures « verticales » portant sur les fondations, et mesures « horizontales », portant sur l'environnement du bâti

Les techniques de prévention sur le bâti existant sont distinguées entre les mesures dites « verticales » et les mesures dites « horizontales ».

Les mesures verticales désignent les opérations qui agissent directement sur la structure du bâtiment. Elles peuvent par exemple consister en une rigidification de la structure par l'injection de résine, ou en l'installation de micropieux au niveau des fondations. Ces mesures ont une efficacité prouvée , et elles sont également utilisées pour redresser des bâtiments fragilisés par le RGA.

Les mesures horizontales répondent à une logique différente : elles consistent à agir sur l'environnement du bâtiment, afin de limiter en amont du sinistre la variation de la teneur en eau du sol. Elles peuvent notamment désigner des techniques d'imperméabilisation de la surface du sol aux abords direct de la surface du bâti, afin de limiter l'évaporation sur la surface.

D'autres solutions consistent à agir sur la végétation, avec par exemple l'installation d'écrans anti-racinaires. En effet, les racines soutirent l'eau du sol, et peuvent donc aggraver le retrait des argiles en période de sécheresses. En période sèche, elles peuvent ainsi descendre à une profondeur de 4 à 5 mètres. Enfin, des techniques de gestion de la teneur en eau du sol sont utilisées, comme le drainage des eaux superficielles.

Des mesures plus expérimentales sont également à l'étude. Le procédé « MACH » (maison confortée par humidification), lancé par le Céréma, consiste par exemple à réhumidifier les sols argileux en prélevant les eaux de pluie en période humide, afin de limiter le phénomène de retrait du sol en période de sécheresse.

Une technique de prévention expérimentale :
la maison confortée par humidification

La maison confortée par humidification (MACH) récupère l'eau de pluie ruisselant sur la toiture pour la réinjecter en période de sécheresse et ainsi réhydrater de manière progressive le sol. Toutefois, l'eau disponible à la récupération va dépendre de la surface de la toiture, de la climatologie et des variations annuelles, ainsi que du périmètre de la maison, ceci demandant un espace de stockage suffisant et de bonnes conditions de récupération.

Cette solution interroge particulièrement quant à la bonne gestion de la ressource en eau si elle était mise en place à grande échelle (de surcroit en cette année 2022 qui connait une sécheresse très importante). Ce procédé expérimental a été mis en place lors d'un essai sur une habitation individuelle pour un coût total de 15 000 euros hors taxes.

Source : réponses de la direction générale de la prévention des risques au questionnaire du rapporteur spécial

2. Le coût des mesures horizontales est avantageux par rapport aux mesures verticales, mais leur efficacité doit encore être confirmée

Les coûts de ces deux ensembles de techniques diffèrent sensiblement. La Cour des comptes, qui s'appuie sur des données transmises par le ministère de la transition écologique, évalue que le coût des mesures verticales se chiffre à plusieurs dizaines de milliers d'euros : « la reprise des fondations d'une maison sur sols RGA peut aller de 21 000 € (technique par injection) jusqu'à 76 000 € (techniques des longrines et micropieux) » 15 ( * ) .

Le coût des mesures verticales, lorsqu'elles sont utilisées en prévention est en fait sensiblement similaire à leur coût lorsqu'elles sont utilisées pour réparer des bâtiments endommagés, ce qui limite leur intérêt pour améliorer l'équilibre financier du régime CatNat. Ces mesures ne sont véritablement intéressantes en prévention que dans la mesure où le logement présente un risque important d'être rendu inhabitable à court et moyen terme.

En revanche, les mesures qui portent sur l'environnement du bâti présentent un coût nettement moins élevé que les mesures curatives. La CCR estime que le coût des mesures horizontales varie de 5 000 euros à 35 000 euros , selon le nombre de mesures réalisées, avec une moyenne se situant aux alentours de 10 000 euros. Pour déterminer ces chiffres, la CCR s'est appuyée sur une étude de 200 cas réels de maisons sinistrées par la sécheresse et traitées avec des solutions horizontales au cours des deux précédentes décennies. Les mesures horizontales ont également l'avantage d'être moins invasives que les reprises de fondation.

Cependant, l'efficacité des mesures horizontales est moins bien établie que celles des mesures portant sur la structure du logement . La direction générale de la prévention des risques (DGPR) a ainsi souligné que : « l'efficacité de ces solutions dites « horizontales » [...] reste à confirmer pour passer à une approche opérationnelle . » 16 ( * ) Outre la question de leur efficacité intrinsèque, les techniques qui portent sur la périphérie du logement ont également des effets sur la biodiversité du sol, qu'il reste à évaluer. Inversement, certaines techniques de réhydratation des sols en période de sécheresse peuvent avoir un effet bénéfique sur la biodiversité, ce qui déplace la problématique vers celle de la disponibilité de l'eau.

La vérification de l'efficacité des techniques portant sur l'environnement du bâti est également indispensable pour des questions d'assurabilité . À l'heure actuelle, les sociétés d'assurance ne couvrent pas l'essentiel des techniques horizontales, ou alors à des coûts prohibitifs, car l'efficacité de celles-ci n'est pas encore entièrement confirmée. L'efficacité des mesures ne doit pas être démontrée en théorie, ou sur un nombre limité de logements, mais elle doit également être constatée sur des durées longues. En conséquence, les expérimentations sur les techniques horizontales représentent un enjeu majeur pour la prévention du RGA.

3. Des expérimentations doivent être menées à plus large échelle

La Caisse centrale de réassurance a ainsi lancé au début de l'année 2022 une étude afin de comparer l'efficacité de différentes techniques de prévention agissant sur l'environnement, dont les écrans anti-racinaires et l'imperméabilisation des réseaux et du sol en périphérie, au regard des mesures dites verticales. Selon les informations transmises par la DGPR, des modélisations numériques de l'efficacité de ces différentes techniques ont déjà été réalisées, et les premiers résultats sont « très prometteurs ».

Au regard des bénéfices potentiels de ces mesures, il est indispensable de poursuivre et de renforcer ces expérimentations . L'échelle des expérimentations doit également être élargie , ce qui est une condition indispensable pour disposer d'éléments de comparaison solides, et l'information et la communication sur ces expérimentations doivent être renforcées , afin que le panel de communes candidates soit suffisamment représentatif des différentes formes sous lesquelles se présente le risque RGA.

Il sera nécessaire aussi de délimiter dans le temps ces expérimentations, et de prévoir en amont un scénario de généralisation et de financement des techniques de prévention dont l'efficacité aurait été confirmée.

Recommandation n° 3 : poursuivre et renforcer les expérimentations de mesures de prévention du risque RGA portant sur l'environnement du bâti.

B. LE FONDS BARNIER DOIT ÊTRE MOBILISÉ POUR LES EXPÉRIMENTATIONS LES PLUS ABOUTIES, AFIN DE PRÉPARER LA GÉNÉRALISATION DE CELLES DONT L'EFFICACITÉ SERAIT CONFIRMÉE

1. Le fonds Barnier peut être mobilisé pour évaluer les techniques les plus pratiquées, tandis que les techniques les plus expérimentales peuvent faire l'objet de financements par le 4ème programme d'investissements d'avenir

Le retrait-gonflement des argiles ne fait pas l'objet de financement dans le cadre du fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM - fonds Barnier). Selon la direction générale de la prévention des risques (DGPR), la raison est que le RGA présente des caractéristiques différentes de celles des risques pris en charge par le fonds : « Le RGA n'est pas considéré comme un risque naturel majeur au sens où il ne présente pas d'impact direct sur les vies humaines, ce qui est par essence la philosophie d'intervention première du fonds Barnier . » 17 ( * )

Cette affirmation est contestable. Le fonds Barnier est également employé pour financer des mesures de prévention des biens exposés aux risques naturels majeurs. De plus, si le RGA est maintenu au sein du régime CatNat en raison de ses conséquences exceptionnelles sur le bâti, la même logique pourrait être appliquée pour le fonds Barnier.

Le Fonds de prévention des risques naturels majeurs
(FPRNM - fonds Barnier)

Le Fonds de préventions des risques naturels majeurs (FPRNM), plus communément appelé fonds Barnier, a été créé par la loi n°95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement.

Le champ d'intervention du fonds Barnier comprend les axes majeurs de la prévention des risques naturels, et il est devenu la principale source de financement de la politique de prévention des risques naturels de l'État et un élément central de sa structuration et connu des collectivités. Le FPRNM s'articule avec le régime CatNat.

Le FPRNM soutient également, sous conditions, des mesures de réduction de la vulnérabilité du bâti pour les particuliers (habitations) et les petites entreprises.

Le budget du fonds Barnier a été intégré au programme 181 « Prévention des risques », par loi de finances pour 2021. Jusqu'à cette intégration, le FPRNM était financé par un prélèvement obligatoire de 12 % sur la prime payée par les assurés au titre de la garantie contre les catastrophes naturelles représentant elle-même une « surprime » de 12 % ou 6 % selon qu'il s'agit d'un contrat habitation ou automobile. Avec la budgétisation du fonds, le prélèvement affecté directement au FPRNM a été supprimé et remplacé par un prélèvement annuel d'un taux identique au profit du budget général de l'État.

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial pour l'examen du projet de loi de finances pour 2023

La DGPR souligne également que : « la prévention financée par le FPRNM au-delà de la priorité donnée à la sauvegarde des vies humaines repose sur le principe selon lequel chaque euro investi doit générer « x euros d'économies » » 18 ( * ) ; ce qui signifie que les mesures financées doivent avoir un impact avéré, et que les techniques de prévention doivent être moins coûteuses que le coût des réparations. Les techniques qui sont encore au stade expérimental sont donc exclues des financements octroyés par le fonds.

Il ne faut toutefois pas interpréter cette condition de manière trop stricte. Il faut rappeler que par définition, il n'est pas certain que des mesures de prévention génèrent des économies, puisque dans de nombreux cas la matérialisation des risques n'est pas une certitude.

Dans le cas du RGA, les mesures de préventions « verticales » ont une efficacité avérée. Si leur coût est proche des mesures curatives lorsque les fissures commencent à apparaître, en revanche ces mesures peuvent être plus avantageuses lorsque l'habitation connaît un véritable risque d'effondrement.

Quant aux mesures horizontales, si leur efficacité n'est pas encore complètement évaluée, plusieurs d'entre elles sont bien connues et déjà pratiquées par les entreprises du BTP. La société SMABTP a ainsi affirmé en audition devant le rapporteur que des techniques comme l'imperméabilisation des sols étaient déjà régulièrement utilisées. Des techniques portant sur l'environnement font d'ailleurs partie des recommandations du guide de « bonnes pratiques » du ministère de la transition écologique 19 ( * ) . Le rapport bénéfice/ risque de faire financer des expérimentations et évaluations de mesures horizontales courantes apparaît positif.

Comme le préconisait déjà le rapport précité de la mission d'information sénatoriale en 2019, le fonds Barnier pourrait donc être utilisé pour confirmer l'efficacité des mesures horizontales les plus communément pratiquées, tandis que les mesures plus expérimentales , comme l'hydratation des sols et certaines techniques de drainage, pourraient quant à elles être financées via le 4 ème programme d'investissements d'avenir . La direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) a également signifié au rapporteur spécial la mise en oeuvre d'un appel à projet mené avec l'ADEME dans le cadre de France 2030 , qui consisterait à tester de nouvelles mesures préventives, comme des techniques visant à « cuire » les argiles.

Le fonds Barnier serait ainsi réservé aux mesures de prévention dont la preuve de l'efficacité est la plus avancée, ce qui permettrait à un nombre significatif de logements de bénéficier de ces mesures, et d'accélérer la généralisation de celles dont l'efficacité aura été complètement confirmée. Cet usage serait cohérent avec la compétence de la direction générale de la prévention des risques. L'usage du fonds Barnier permettrait également d'éviter de passer par des fonds ad hoc , dont le pilotage avait posé des difficultés dans le passé, comme supra .

Les mesures plus expérimentales, financées pour le PIA 4, pourraient quant à elles être menées par la DHUP, le BRGM, le Cerema et l'ADEME, comme c'est le cas actuellement.

Recommandation n° 4 : mobiliser le fonds Barnier pour financer des expérimentations sur les techniques de prévention portant sur l'environnement du bâti les plus abouties, en vue de leur éventuelle généralisation.

Recommandation n° 5 : mobiliser les financements du 4 ème programme d'investissements d'avenir pour développer de nouvelles techniques de prévention du RGA.

2. Les financements doivent concerner en priorité les communes ayant fait une demande non satisfaite de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pour cause de sécheresse

Il reste néanmoins à déterminer le champ de ces financements. À ce stade, le fonds Barnier ne peut pas à lui seul financer ces mesures sur l'ensemble des logements exposés. Le rapport CGEDD-IGA-IGF de mars 2021 propose de cibler en priorité des communes volontaires, pour lesquelles l'état de catastrophe naturelle a été demandé mais non reconnu , ce qui est un avis partagé par la Cour des comptes 20 ( * ) . Le rapporteur spécial soutient cette recommandation.

Il faut également noter que certaines mesures horizontales, jusqu'alors considérées seulement comme « préventives », sont susceptibles d'avoir également des effets « curatifs » , c'est-à-dire de favoriser le redressement de la structure des bâtiments. Ces effets ne sont pas prouvés aujourd'hui, et ils diffèrent vraisemblablement selon les techniques utilisées, mais ils peuvent potentiellement avoir des conséquences importantes sur la soutenabilité du régime CatNat.

Se focaliser sur les communes qui ont fait une demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle permettra donc à la fois de tester la viabilité de certaines techniques , autant d'un point de vue préventif que curatif, et d'apporter un premier remède à des logements qui ne peuvent pas bénéficier de l'indemnisation dans le cadre du régime CatNat.

Recommandation n° 6 : financer en priorité des expérimentations de techniques de prévention du risque RGA dans les communes qui ont fait une demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pour cause de sécheresse mais qui ne l'ont pas obtenu.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 15 février 2023 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu une communication de Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial, sur le financement du risque de retrait gonflement des argiles et de ses conséquences sur le bâti.

M. Claude Raynal , président . - Nous allons entendre une communication de notre collègue Christine Lavarde, à la suite du contrôle qu'elle a réalisé sur le financement du risque de retrait gonflement des argiles (RGA) et de ses conséquences sur le bâti.

Vous vous rappelez sans doute que notre commission avait, sur son rapport, et à la suite d'une initiative sénatoriale, instruit la loi du 28 décembre 2021 relative à l'indemnisation des catastrophes naturelles. Ce contrôle s'inscrit donc dans le prolongement de ces travaux. Cette question est de plus en plus prégnante dans les territoires à cause de la répétition des épisodes de sécheresse.

Mme Christine Lavarde , rapporteur spécial . - Mon rapport porte sur le financement du risque de retrait gonflement des argiles (RGA) et de ses conséquences sur le bâti. Nous connaissons bien cette thématique au Sénat : elle faisait partie du champ d'études de la mission d'information sur la gestion des risques climatiques et l'évolution de nos régimes d'indemnisation, dont le président était Michel Vaspart, et la rapporteure Nicole Bonnefoy, et dont les travaux ont abouti à la proposition de loi visant à réformer le régime des catastrophes naturelles, que nous avons adoptée en janvier 2020. On peut aussi citer la proposition de loi visant à réformer le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, déposée par le député Stéphane Baudu, et promulguée le 28 décembre 2021. Le Sénat avait demandé à cette occasion des améliorations au regard du risque RGA.  Le Gouvernement devait ainsi rendre un rapport sur la localisation des risques en juin, mais on l'attend toujours... Cette question a aussi donné lieu à deux autres rapports. L'un de la Cour des comptes en février 2022 et l'autre de l'inspection générale des finances (IGF), de l'inspection générale de l'administration (IGA), et du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) en 2021.

En application de l'article 161 de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite loi « 3DS », une ordonnance a été présentée en Conseil des ministres le 8 février 2023.

Le risque de « retrait-gonflement des argiles » désigne les dommages causés aux constructions par le phénomène naturel de rétractation des sols argileux - qui sont structurés en feuillets - en période de sécheresse, suivi par le gonflement de ces sols lorsque la pluie revient. La succession de petits épisodes de sécheresse accroît le phénomène, qui se traduit par l'apparition de fissures dans les maisons. Le phénomène touche essentiellement les maisons individuelles, car les fondations des immeubles sont plus profondes et plus solides. Le risque RGA est très répandu en France : si les régions aux sols granitiques sont épargnées, on estime que 48 % du territoire national connaît une exposition moyenne ou forte au risque RGA. Dans le Gers et le Tarn, 80 % des maisons sont en zone RGA à aléa fort. À l'échelle nationale, 10,4 millions de maisons individuelles connaissent un risque RGA fort ou moyen, ce qui représente 54,2 % de l'habitat individuel.

Le risque RGA est intégré au régime d'indemnisation des catastrophes naturelles (CatNat) depuis 1989. Pour bénéficier d'une indemnisation, il faut que la commune obtienne une reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. Mais seule la moitié des communes ayant déposé une demande de reconnaissance CatNat au titre des sécheresses de 2019 et 2020 l'ont obtenue, et au sein de ces communes, la moitié des dossiers d'indemnisation déposés par les personnes victimes d'un sinistre ont été classés sans suite par les experts mandatés par les sociétés d'assurance.

À la différence des autres risques intégrés dans le régime des catastrophes naturelles, comme les séismes ou les ouragans par exemple, qui sont à sinistralité immédiate, avec un lien immédiatement constatable entre l'événement et ses conséquences, le risque RGA est un phénomène progressif. Une succession de plusieurs sécheresses de taille moyenne peut occasionner des sinistres majeurs. Ce n'est pas parce qu'il a plu beaucoup que les maisons vont se fissurer immédiatement. Il est donc impossible d'attribuer une cause unique au RGA et c'est l'une des raisons qui expliquent les difficultés à assurer ce risque.

La France est le seul pays de l'Union européenne à avoir intégré ce risque dans un dispositif assurantiel public, le régime CatNat. Celui-ci est financé par une surprime prélevée sur l'ensemble des contrats d'assurance contre les dommages aux biens ; elle s'élève à 12 % sur l'assurance multirisque habitation. Les sociétés d'assurance proposent et gèrent les contrats d'assurance, et elles se réassurent auprès de la Caisse centrale de réassurance (CCR), qui elle-même bénéficie d'une garantie intégrale de l'État. En contrepartie de cette garantie, la CCR verse à l'État environ 100 millions d'euros par an. La garantie de l'État n'a été activée qu'une fois, en 2000, en raison de la tempête de 1999. L'État est donc gagnant avec ce régime.

La charge annuelle liée au risque RGA a atteint plus de 1 milliard d'euros entre 2017 et 2020, contre 445 millions d'euros en moyenne depuis 1982. La Caisse centrale de réassurance (CCR) estime, dans son scénario « optimiste », que le régime CatNat ne dégagera plus assez de réserves pour couvrir les sinistres à l'horizon 2040, en raison notamment du coût du RGA.

Le coût de la sécheresse de 2022 est ainsi estimé entre 2,4 et 2,9 milliards d'euros ce qui la placerait nettement au-dessus du coût de la sécheresse de 2003 (1,6 milliard d'euros), qui est la sécheresse la plus coûteuse sur la période 1989-2021. Selon le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), une sécheresse comparable à celle de 2003 devrait survenir une année sur trois entre 2020 et 2050, une année sur deux entre 2050 et 2080, et deux années sur trois entre 2080 et 2100.

France Assureurs évalue à 43 milliards d'euros le coût cumulé de la sinistralité sécheresse entre 2020 et 2050, ce qui représente un triplement du coût par rapport aux trois décennies précédentes (13,8 milliards d'euros entre 1989 et 2019). L'enjeu est donc la soutenabilité du régime CatNat en raison du risque de sécheresse.

Les sinistres supérieurs à 50 000 euros représentent 75 % du coût total des indemnisations, mais seulement 21 % des sinistrés. Parmi les vingt sinistres qui ont coûté le plus cher en termes de dommages assurés, quinze sont liés à des sécheresses.

Plusieurs pistes de réforme peuvent être envisagées.

La première consisterait à modifier la nature du régime et à sortir le risque RGA du régime des catastrophes naturelles. Mais cela reviendrait à remettre en cause les principes mêmes du régime : le principe de solidarité, d'abord, qui prévoit que les surprimes acquittées par les assurés qui résident dans des zones non exposées ou dans des immeubles contribuent à financer les indemnisations versées aux sinistrés ; le principe de mutualisation financière entre les risques, ensuite, qui existe au sein du régime CatNat au bénéfice du risque RGA et qui permet de réduire le niveau de la surprime pour tous les assurés.

Une hypothèse serait de créer un régime 100 % public, mais cela serait coûteux pour les comptes publics et il faudrait toujours s'appuyer sur les moyens d'expertise des assureurs.

Faut-il alors créer un régime 100 % privé ? Le risque serait alors d'exclure les profils risqués ou de voir les primes d'assurance exploser, écartant les plus pauvres.

Toutefois, cette piste n'est pas exclue à moyen terme. Les nouvelles constructions doivent satisfaire de nouvelles conditions depuis la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi Élan : celle-ci impose d'informer l'acheteur d'un terrain du risque RGA et l'oblige à prévoir des fondations adaptées. La connaissance du risque RGA progresse et on peut mettre en place des mesures de mitigation du risque.

Une dernière possibilité serait de créer un fonds public pour couvrir les dommages dans les communes qui ne sont pas classées en état de catastrophe naturelle. Ce fonds coûterait entre 60 et 300 millions d'euros par an. Il y a un précédent avec le fonds comportant une aide exceptionnelle de 10 millions d'euros voté dans la LFI 2020, à la suite de l'épisode de sécheresse de 2018, pour venir en aide aux sinistrés non indemnisés par le biais du régime CatNat. Mais dans les faits, ce fonds s'est avéré inopérant : soit les sinistrés bénéficiaient de revenus qui ne les rendaient pas éligibles au fonds d'aide ; soit ils ne disposaient pas de moyens financiers suffisants pour assumer le reste à charge des travaux. Les crédits ont été très peu consommés.

Ma conclusion est que le cadre actuel est le moins mauvais possible, même si on pourrait envisager un régime privé dans une dizaine d'années.

La seconde piste de réforme consiste à revoir les critères d'indemnisation.

On pourrait prendre en considération l'exceptionnalité des dommages plutôt que l'exceptionnalité des causes. Il n'y aurait alors plus besoin d'obtenir un arrêté de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. L'apparition d'une fissure dans une maison permettrait automatiquement de demander une indemnisation. Tout reposerait sur les experts d'assurance. Il n'est pas sûr toutefois qu'ils soient assez nombreux pour faire face aux demandes. Ce mécanisme serait très onéreux, avec un coût annuel de 491 millions d'euros par an selon le CCR. Ce chiffre est d'ailleurs sous-estimé dans la mesure où, compte tenu de la période considérée, il ne prend que partiellement en compte l'accélération du phénomène de RGA due aux conséquences des dérèglements climatiques. Un contrôle a posteriori de l'État serait toujours nécessaire. Les sinistrés s'interrogent aussi parfois sur la fiabilité des expertises. Dans certains cas, les experts ne reconnaissent pas les faits, alors qu'ils semblent manifestes.

Pourquoi ne pas réserver alors l'indemnisation aux sinistres les plus graves ? Mais ce serait une remise en cause du caractère assurantiel du régime : une partie potentiellement significative des sinistrés qui sont aujourd'hui éligibles à une indemnisation ne le seraient plus dans le nouveau système. Une partie des cotisants ne bénéficieraient jamais du système.

De plus, selon la CCR, pour que cette mesure soit neutre financièrement pour le régime, il faudrait fixer un plancher d'indemnisation à 50 000 euros, avec un plafond fixé à 90 000 euros, et une franchise de 7 000 euros ! En abaissant le plancher à 10 000 euros, le coût pour le régime serait de 850 millions d'euros, sous réserve d'augmenter la surprime à 12 %. Ce n'est pas satisfaisant.

Il faudrait aussi voir comment traiter les sinistres non indemnisés dans le régime antérieur à cause de l'absence de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, mais qui devraient l'être désormais.

L'ordonnance examinée le 8 février en conseil des ministres prévoit de réserver les indemnisations aux sinistres les plus graves, c'est-à-dire, « aux dommages susceptibles d'affecter la solidité du bâti ou d'entraver l'usage normal du bâtiment ». Mais que signifie le mot « susceptibles » ? Les dommages qui ne seraient pas de nature à remettre en cause la solidité et l'utilisation normale du bâtiment, qualifiés « d'esthétiques », ne feraient plus l'objet d'indemnisations. Une fissure apparue sur une façade est-elle un dommage « esthétique » ou « susceptible » d'endommager la structure du bâtiment ? Cette rédaction exclue certains assurés, car elle ne prend pas en compte la perte de valeur du bien : en effet, une maison fissurée n'a plus aucune valeur de marché, alors qu'elle constitue souvent le patrimoine de toute une vie, notamment pour les plus modestes. La rédaction n'est pas satisfaisante. Le terme « susceptible » doit être précisé par voie réglementaire à l'avenir, et il est dommage que ce texte ne donne pas lieu à un examen parlementaire, nous n'aurions jamais maintenu une telle rédaction.

La dernière piste serait d'améliorer la précision du critère météorologique.

La reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle repose sur la combinaison d'un critère géologique - il faut prouver que le sol est argileux - et d'un critère hydro-météorologique - il faut prouver qu'il y a eu une hydratation intense du sol suivie par un épisode de sécheresse intense, qui doit être parmi les deux plus importants des 50 dernières années. Lorsque l'on sait par ailleurs que la maille météo est de 64 kilomètres carrés, en raison de la localisation des stations de Météo-France, on comprend que tant de communes ne soient pas reconnues en état de catastrophe naturelle ! Une possibilité serait de reconnaître automatiquement en état de catastrophe naturelle les communes dont le territoire est limitrophe d'une commune faisant l'objet d'un classement. L'incidence financière serait limitée sur le régime et cette mesure permettrait de résoudre, selon les années, entre 40 % et 65 % des recours intentés par des communes non reconnues.

L'ordonnance prévoit de réduire la période de temps considérée pour apprécier le caractère exceptionnel des événements climatiques : au lieu de 50 ans, on pourrait prendre en compte une période plus courte, par exemple décennale. Le curseur sera défini par voie réglementaire.

Elle prévoit aussi que l'état de catastrophe naturelle serait reconnu en cas de succession d'épisodes de sécheresse d'une ampleur inférieure au seuil du critère hydro-météorologique. Cette évolution serait susceptible de mieux prendre en compte la cinétique longue du risque RGA.

Le coût de ces mesures est difficile à évaluer, car le calibrage du dispositif n'est pas encore précisé. On attend les mesures règlementaires d'application. Au regard du scénario central envisagé par le Gouvernement, qui conduirait à accroître d'environ 15 % le nombre de communes reconnues en état de catastrophe naturelle, la CCR aurait chiffré le coût annuel des dispositions de l'ordonnance pour le régime CatNat à 200 millions d'euros. L'ordonnance n'apporte donc pas de réponse au défi de la soutenabilité financière du régime à moyen-long terme.

L'ordonnance pose un autre problème : elle rend obligatoire d'affecter les indemnités aux réparations. Mais si la maison est en plus une passoire thermique, est-il pertinent de réparer une fissure, alors qu'il conviendra de procéder à des travaux de rénovation énergétique par la suite ? De même, réparer une fissure peut coûter très cher, parfois plus que le coût de construction d'une maison neuve, soit 183 000 euros en moyenne. Ne faut-il pas laisser aux sinistrés la possibilité de déménager ou de reconstruire in extenso une maison plus performante sur le plan énergétique ?

Une piste de réforme est négligée par tous les rapports : c'est la prévention.

Pour les maisons nouvelles, qui répondent aux normes de la loi Élan, la sinistralité devrait être quasiment nulle. Mais le problème demeure à moyen terme pour le stock de maisons individuelles construites avant l'imposition de ces nouvelles règles.

Il existe deux types de mesures de prévention. Les mesures verticales consistent à agir directement sur la structure du bâtiment. Elles peuvent par exemple consister en une rigidification de la structure par l'injection de résine, ou en l'installation de micropieux au niveau des fondations. Cela suppose des travaux d'ampleur et cela coûte cher, entre 21 000 et 76 000 euros par maison, mais ces mesures sont efficaces.

Les mesures de prévention horizontales, moins coûteuses, visent, quant à elles, à agir sur l'environnement du bâtiment, afin de limiter la variation de la teneur en eau du sol. Il s'agit de mettre en place un système de drainage des eaux pluviales ; ou à installer des écrans anti-racinaires, car les racines de arbres aggravent le problème de sécheresse en pompant l'eau, ou à couper les arbres situés trop près des maisons. Le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) a développé un nouveau système, dit MACH (Maison confortée par humidification), qui permet d'évaluer l'hydratation du dol par des capteurs et de le réhydrater en cas de besoin. Ces mesures de prévention coûtent nettement moins cher, de 5 000 à 35 000 euros par maison, avec une moyenne à 10 000 euros par maison. N'est-ce pas la voie à privilégier ?

La puissance publique doit jouer son rôle. Il est regrettable que le risque RGA soit exclu du fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit fonds Barnier, alors que la vocation de ce dernier est justement de financer la prévention. Le ministère objecte qu'il convient d'être sûr que chaque euro dépensé procure des économies, mais si on ne fait rien, on ne fera aucune économie ! Il importe de soutenir les start-ups qui font de la recherche dans ce domaine, le quatrième programme d'investissements d'avenir (PIA 4) pourrait être mobilisé à cette fin. Nous préconisons enfin de financer en priorité des expérimentations de techniques de prévention du risque RGA dans les communes qui ont fait une demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pour cause de sécheresse, mais qui ne l'ont pas obtenue.

En conclusion, je dois reconnaître ma frustration, car je n'ai pas trouvé de solution optimale pour garantir la soutenabilité dans la durée du régime CatNat. L'ordonnance n'apporte aucune réponse ni quant à la soutenabilité ni quant aux attentes des sinistrés.

M. Claude Raynal , président. - Votre rapport montre la complexité de la question. Comme élus locaux, nous connaissons bien ce régime des catastrophes naturelles. Nous sommes nombreux à avoir dû faire une demande de classement. Même si des règles précises existent, dans la réalité, il y a une part d'aléatoire. Certaines communes sont classées, d'autres pas. Selon le nombre de cas dans l'année ou l'état des caisses, les réponses sont plus ou moins favorables.... Enfin, on ne peut que déplorer nos lacunes en matière de prévention.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Le système manque de lisibilité. Les modalités d'obtention de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle peuvent sembler obscures. Vous montrez bien qu'il faudrait, pour trouver un mécanisme juste, non pas procéder par ordonnance, mais bien plutôt par voie législative.

Il importe aussi de veiller à ce que les normes de construction soient bien respectées, ce qui n'était pas toujours le cas, car certains étaient tentés de les négliger pour obtenir des marchés ! Il faut aussi mettre l'accent sur la prévention, d'autant plus que vos propositions s'inscrivent parfaitement dans la logique de la transition climatique.

Ce rapport pose des jalons en vue d'une évolution du système. Je souligne enfin que, lorsque l'état de catastrophe naturelle est reconnu, le coût des assurances augmente par la suite, car le risque n'est plus incertain, mais avéré.

M. Arnaud Bazin . - Ce sujet est important, tant sur le plan financier qu'humain. Pour la plupart des Français, leur maison représente en effet le fruit du travail de toute une vie. Il faut conserver les principes de mutualisation et de solidarité. Le risque RGA est susceptible d'augmenter à l'avenir, mais il en va de même d'autres phénomènes naturels, comme les tempêtes ou les inondations, dans la mesure où les épisodes climatiques extrêmes devraient se multiplier. Nous aurions tort de séparer les risques.

Ma question porte sur les obligations constructives : je voudrais savoir si leur cartographie correspond à celle des risques géologiques, ou à celle des zones connaissant une sinistralité au titre du régime des catastrophes naturelles. Comment sont traités les sinistres dans le cas où les obligations constructives n'auraient pas été respectées ?

M. Albéric de Montgolfier . - La question du changement climatique et des catastrophes naturelles ne se limite pas à la sécheresse ni au RGA. Elle concerne aussi d'autres phénomènes tels que l'érosion du trait de côte, comme nous le rappelle la destruction de l'immeuble Signal en Gironde, ou les inondations. Il convient donc d'apprécier si on se limite au cas du RGA ou si on adopte une vision plus globale.

Notre rapporteur a raison de souligner qu'obliger les sinistrés à utiliser l'indemnité d'assurance pour réparer les dommages n'a pas de sens, surtout dans une zone à risque. Ne pourrait-on pas prévoir que lorsque le coût des travaux dépasse une certaine part de la valeur vénale de l'immeuble, l'indemnité d'assurance puisse être utilisée pour racheter un autre bien, et non simplement pour faire des réparations ?

M. Vincent Éblé . - Élu d'un département, la Seine-et-Marne, dont le nom comporte, hasard des homonymies, le terme de « marne », j'ai été confronté au problème des catastrophes naturelles.

Vous proposez de reconnaître automatiquement en état de catastrophe naturelle les communes dont le territoire est limitrophe d'une commune qui a obtenu ce classement. Mais la géographie du RGA n'est pas concentrique : dans mon département, la géographie du risque est plutôt linéaire, car ce problème concerne les communes situées le long de la Marne.

Le problème de fond est l'évolution du système assurantiel : celui-ci est menacé dès lors que les connaissances permettent d'avoir une appréciation beaucoup plus fine des risques et de lever la part liée aux incertitudes et aux aléas. C'est le cas en santé par exemple : les assureurs cherchent à apprécier de manière toujours plus fine le risque posé par les assurés au regard de certaines pathologies. Finalement, ceux qui ont un risque élevé paient très cher leurs primes d'assurance, au risque de les exclure du système. Cela met en péril la notion de mutualisation. Peut-être faudrait-il imposer aux assureurs une mutualisation intégrale.

M. Christian Bilhac . - Lorsque les catastrophes naturelles étaient rares, la solidarité pouvait jouer, mais elles se multiplient : RGA, érosion du trait de côté, inondations, etc. La solution, pour l'instant, est de ne pas reconnaître l'état de catastrophe naturelle de manière automatique, en dépit des demandes des maires. J'ajoute que si certains voient leur maison perdre toute sa valeur à cause des fissures, le fisc n'en tient pas compte dans ses évaluations...

Je suis plus dubitatif sur certaines mesures horizontales : à l'heure où l'on cherche à reboiser, est-il pertinent de couper les arbres à proximité des constructions ?

Entre le risque climatique et le risque sociétal, les collectivités territoriales ne trouvent plus d'assureur. Il convient d'être vigilant sur ce point. Il ne faudrait pas que les particuliers soient dans la même situation.

M. Éric Bocquet . - La presse régionale avait recensé 1 600 particuliers concernés par le RGA dans le Nord et le Pas-de-Calais. Combien de particuliers et de communes sont concernés en France ? Vous avez évoqué un fonds public : comment serait-il financé ?

M. Marc Laménie . - Quand une commune n'est pas reconnue en état de catastrophe naturelle, comment peut-on aider les particuliers concernés ? Le risque RGA est-il pris en compte parmi les informations collectées par les notaires lors des ventes de maison ?

Mme Isabelle Briquet . - Notre rapporteur a raison de souligner l'importance de la prévention. Nous avions mis l'accent sur ce point lors de l'examen de la proposition de loi Baudu. L'intégration du fonds Barnier dans le programme budgétaire 181 « Prévention des risques » a-t-elle permis d'améliorer l'indemnisation des sinistrés et la prise en charge des sinistrés ?

M. Jean Pierre Vogel . - Dans la Sarthe, nous avons rencontré des sinistrés dont les maisons avaient des fissures dans les murs porteurs, alors que leur commune n'avait pas été reconnue en état de catastrophe naturelle.

Que se passe-t-il lorsque le sinistre concerne une ancienne exploitation agricole, toujours classée comme siège d'exploitation, qui a été rachetée par des particuliers qui n'ont pas la capacité professionnelle agricole ? Les propriétaires ne sont pas en mesure de réparer leur maison parce qu'ils n'obtiennent pas de permis de construire dans la mesure où ils n'ont pas le statut agricole.

Beaucoup d'entreprises refusent de réaliser des travaux dans une maison sinistrée, car elles ont peur d'être mises en cause en cas de nouveau sinistre et de ne pas être couvertes par leur assurance de responsabilité civile décennale. Dans d'autres cas, l'entreprise ne peut commencer les travaux que plusieurs mois, voire plus, après le sinistre. Les prix peuvent avoir augmenté entre-temps et son devis peut alors être nettement supérieur à l'indemnisation versée par l'assurance, sans qu'il soit possible de la réévaluer. Les propriétaires n'ont parfois plus les moyens alors de faire les travaux.

M. Thierry Cozic . - Le régime de reconnaissance des catastrophes naturelles n'est plus adapté. Dans la Sarthe, la problématique des maisons fissurées est importante : une commune sur deux est touchée. Une fois que la commune est reconnue en état de catastrophe naturelle, une habitation sur deux seulement obtient une indemnisation. Mais selon l'association Urgence maisons fissurées, dans la Sarthe, neuf propriétaires sur dix n'obtiennent pas d'indemnisation. L'association a fait le choix de recruter son propre expert pour aider les particuliers. Les assureurs ont-ils la volonté de ne pas assurer le RGA ? Comment accompagner les sinistrés ?

Mme Christine Lavarde , rapporteur spécial . - En ce qui concerne les normes de construction dans les zones soumises au risque RGA, le cadre est fixé par l'article 68 de la loi Élan. Les caractéristiques techniques ont été précisées dans une circulaire publiée en juillet 2022. En 2024 sera créée une police administrative chargée de vérifier la conformité des fondations des constructions par rapport au cadre réglementaire. Toute nouvelle construction dans une zone d'aléa moyen ou fort devra respecter ces normes techniques. L'ancien n'est pas concerné.

Un certain nombre d'entreprises, effectivement, ne veulent pas intervenir sur ces sinistres de peur d'être mises en cause au motif d'une mauvaise exécution du chantier. Elles craignent, en cas par exemple de réapparition d'une fissure sur une façade, de se voir reprocher d'avoir mal réalisé les réparations précédentes, alors que la fissure peut provenir d'un nouvel événement climatique. Réparer les fissures n'est qu'un palliatif, pour traiter véritablement le problème, il faut souvent reprendre les fondations. Ce problème est vif dans les endroits où la sinistralité est forte.

Je n'ai parlé que du régime RGA. Les dommages provoqués par la grêle et les vents violents, par exemple, sont exclus de la garantie CatNat, car ils relèvent d'un autre régime.

Nous proposons de nous intéresser aux indemnités d'assurance supérieures au prix de construction d'une maison individuelle : 170 dossiers dépassent ce seuil chaque année.

Je vous rassure monsieur Éblé, j'ai évoqué l'extension du périmètre aux communes voisines, mais j'ai bien précisé dans mon rapport qu'il fallait prendre en compte la nature du sous-sol : il faut suivre les limites de la poche d'argile, qui ne suivent pas les limites cadastrales.

Le problème de l'assurance des collectivités déborde la question du RGA. Cette question pourrait d'ailleurs faire l'objet d'un travail de notre commission.

Les particuliers touchés par le RGA, mais qui ne sont pas dans une commune reconnue en zone de catastrophe naturelle n'ont droit à aucune indemnisation. C'est pourquoi nous proposons de réaliser les expérimentations sur les techniques de prévention du risque RGA portant sur l'environnement du bâti dans ces communes pour donner une « seconde chance » à ces sinistrés.

La budgétisation du fonds Barnier est récente. Nous manquons encore de recul pour faire une évaluation, mais on ne constate pas pour le moment une moindre consommation des crédits. Par ailleurs, un problème est que le fonds vert reprend un certain nombre de mesures de prévention alors que celles-ci relèvent aussi du fonds Barnier. On observe ainsi un éclatement des lignes budgétaires. Les donneurs d'ordre ne sont pas les mêmes et cela ne contribue pas à la lisibilité du financement de la prévention.

La question de Jean Pierre Vogel est très spécifique. Je pense que le nombre d'occurrences de reprises d'exploitations agricoles par des particuliers non agricoles est assez réduit, et que personne ne s'est encore vraiment penché sur cette question.

Sur la période 1989-2021, le nombre de sinistres indemnisés était de 972 000, soit une moyenne annuelle de 30 000. Le nombre annuel de communes qui demandent à être reconnues CatNat est de 2 000 en moyenne - jusqu'à 6 000 certaines années. On ne connaît pas encore les statistiques pour l'été 2022. La reconnaissance CatNat passe par une commission interministérielle présidée par le ministère de l'intérieur : je vous invite à lire mon rapport sur la proposition de loi de Stéphane Baudu.

Dans ce texte, nous avions d'ailleurs renforcé la possibilité pour les sinistrés de bénéficier d'une contre-expertise : désormais, l'assuré peut avoir son propre expert d'assurances au moment de la constatation du sinistre. Nous avons aussi amélioré l'information des sinistrés sur l'évolution de leur dossier, afin d'éviter qu'ils aient à attendre des mois pour recevoir les conclusions de l'expert.

L'ordonnance prévoit une harmonisation des rapports d'expertise et un mécanisme de sanction des experts qui ne manifesteraient pas assez d'indépendance par rapport à leur employeur.

Il faudrait envisager de mettre en place dans les départements soumis à de forts aléas le dispositif qui s'applique dans la Sarthe. L'association départementale, à laquelle les maires participent, est d'un grand secours pour aider les sinistrés, auprès desquels elle assure un rôle de conseil dans leurs démarches. Elle permet aussi à un maire qui a déjà vécu une situation de catastrophe naturelle de faire un retour d'expérience auprès d'un autre maire qui doit déposer un dossier RGA.

La commission a adopté les recommandations du rapporteur spécial et autorisé la publication de sa communication sous la forme d'un rapport d'information.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Direction générale du Trésor (DGT)

- M. Martin LANDAIS, sous-directeur des assurances ;

- M. Mayeul TALLON, chef du bureau des marchés et produits d'assurance ;

- M. Édouard JULLIAN, adjoint au chef du bureau des marchés et produits d'assurance.

Direction générale de la prévention des risques (DGPR)

- Mme Véronique LEHIDEUX, cheffe du service des risques naturels ;

- M. Rodolphe VAN VLAENDEREN, chef du bureau des risques naturels terrestres.

Caisse Centrale de Réassurance (CCR)

- M. Bertrand LABILLOY, directeur général.

Fédération Française de l'Assurance - France Assureurs

- M. Franck LE VALLOIS, directeur général ;

- M. Christophe DELCAMP, directeur des assurances dommages et responsabilité ;

- Mme Viviana MITRACHE, responsable des affaires parlementaires ;

- M. Arnaud GIROS, conseiller parlementaire.

Société Mutuelle d'Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics (SMABTP)

- M. Grégory KRON, directeur général adjoint, en charge de l'assurance IARD.

Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP)

- M. François ADAM, directeur.

Déplacement dans la Sarthe

- Rencontre avec M. Frédéric TARANNE, propriétaire sinistré à Thorigné sur Dué ;

- Rencontre avec M. Thierry JURUS, propriétaire sinistré à Yvré l'Évêque ;

- Rencontre avec M. Xavier JAMOIS, maire de Dollon et président de l'association des communes sarthoises sinistrées

- Rencontre avec Agathe CURY, directrice de cabinet du préfet de la Sarthe ;

- Réunion avec des entrepreneurs de la Fédération du Bâtiment et des Travaux Publics.


* 1 Rapport d'information n° 628 (2018-2019) de Mme Nicole Bonnefoy, fait au nom de la mission d'information sur la gestion des risques climatiques et l'évolution de nos régimes d'indemnisation, juillet 2019.

* 2 Proposition de loi sénatoriale déposée par Mme Nicole Bonnefoy et adoptée à l'unanimité par le Sénat le 15 janvier 2020.

* 3 Proposition de loi déposée par le député M. Stéphane Baudu devenue la loi n° 2021-1837 du 28 décembre 2021 relative à l'indemnisation des catastrophes naturelles.

* 4 Rapport fait au nom de la commission des finances du Sénat sur la proposition de loi visant à réformer le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, 13 octobre 2021, page 41.

* 5 Réponses de la direction générale du Trésor au questionnaire du rapporteur spécial.

* 6 Rapport n° 48 (2021-2022) de Mme Christine LAVARDE, fait au nom de la commission des finances (1) sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à réformer le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, octobre 2021.

* 7 Réponses de la Caisse centrale de réassurance au questionnaire du rapporteur spécial.

* 8 Réponses de la direction générale du Trésor au questionnaire du rapporteur spécial.

* 9 Pour ses scénarios, la CCR a fait varier trois paramètres : un seuil plancher en euros à partir duquel les sinistres pourraient faire l'objet d'une indemnisation (de 0 euros à 50 000 euros), un seuil plafond en euros limitant le montant de l'indemnisation (de 70 000 euros à 150 000 euros) et le niveau de la franchise (de 1 520 euros, soit le niveau actuel, à 10 000 euros).

* 10 Sans seuil plafond ni augmentation de la franchise.

* 11 https://www.legifrance.gouv.fr/download/pdf/circ?id=44648.

* 12 En 2019, le rapport de la mission d'information sénatoriale soulignait à quel point ce maillage était « bien trop large pour restituer une image fidèle des conditions météorologiques locales ».

* 13 L'ordonnance n° 2023-78 du 8 février 2023 relative à la prise en charge des conséquences des désordres causés par le phénomène naturel de mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols.

* 14 Article 68 loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, codifié à l'article L. 112-22 du code de la construction et de l'habitation.

* 15 Cour des comptes, Rapport « Sols argileux et catastrophes naturelles », février 2022, page 66.

* 16 Réponses de la DGPR au questionnaire du rapporteur spécial.

* 17 Réponses au questionnaire du rapporteur spécial.

* 18 Réponses au questionnaire du rapporteur spécial.

* 19 « Construire en terrain argileux », La réglementation et les bonnes pratiques, novembre 2021.

* 20 Cour des comptes, Rapport « Sols argileux et catastrophes naturelles », février 2022, page 66.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page