H. LE DÉBAT SUR LES CONSÉQUENCES DU BREXIT SUR LES DROITS HUMAINS EN IRLANDE

1. L'intervention de M. Alain Milon, premier vice-président de la délégation française

Merci, Monsieur le Président.

Je veux remercier notre collègue M. George Katrougalos pour la qualité de son rapport, qui appelle avec force et justesse à respecter l'Accord du Vendredi Saint pour préserver la paix dans l'île d'Irlande.

Le Brexit fut un choc pour l'Union européenne, c'est une évidence. Comme dans de nombreux divorces, les négociations furent longues et complexes. Mais s'il y a un point qui a retenu une attention particulière, c'est bien celui de l'Irlande qui a donné lieu à un protocole particulier de la plus haute importance.

Si l'intégrité du marché intérieur de l'Union a évidemment donné lieu à discussion, c'est bien la préservation de la paix qui est en jeu ici. La période des Troubles reste récente et l'on voit la fragilité des équilibres. Les tensions politiques apparues en Irlande du Nord à la suite des dernières élections sont à cet égard symptomatiques. Le blocage de l'exécutif nord-irlandais et les discours virulents rappellent des heures sombres.

Le précédent Premier ministre britannique avait, par son attitude, jeté de l'huile sur les braises : je me réjouis désormais d'entendre des responsables irlandais déclarer que les relations se présenteraient sous les meilleurs auspices avec la nouvelle Première ministre.

Pour autant, le rapport de notre collègue souligne des enjeux très clairs, liés au projet de loi dit « Bill of Rights » qui créerait des obstacles supplémentaires pour ceux qui demandent réparation devant les tribunaux et remettrait en question le rôle de la Cour européenne des droits de l'homme. Nous en avions débattu lors de la dernière partie de session et je regrette cette remise en cause fondamentale de la Cour européenne des droits de l'homme. Le projet de loi présenté le 13 juin dernier par le Gouvernement britannique, qui vise à modifier unilatéralement des éléments essentiels du Protocole, constitue également un enjeu majeur. Ce projet a été qualifié de violation manifeste du droit international par la Commission européenne et risque de déstabiliser encore davantage la situation de l'île. Je veux donc rappeler au Royaume-Uni au respect de sa signature et de ses engagements internationaux.

La paix est un objectif trop important pour prendre le risque de petite instrumentalisation politique. L'Accord du Vendredi Saint est et doit rester une priorité absolue.

2. L'intervention de M. Bertrand Bouyx, président de la délégation française

Monsieur le Président, Chers Collègues,

C'est en voisin français et même en normand que je m'exprime sur ce sujet des droits humains sur l'île irlandaise.

Vu de près, ce sujet est donc extrêmement difficile, car il faut respecter tout à la fois les choix et les intérêts des peuples britannique et irlandais, mais aussi ceux des pays voisins européens pour lesquels ce choix n'est pas neutre.

D'abord, un élément sur lequel tout le monde est d'accord : préserver les Accords dits du Vendredi Saint qui ont mis fin aux troubles en Irlande du Nord. Les droits humains sont l'essence de notre Assemblée et ces accords en sont les garants. Le Brexit ne saurait engendrer aucun recul des droits des Irlandais, quels que soient leur confession et le lieu où ils résident, au nord ou au sud de l'île. C'est en premier lieu aux Britanniques, aux Irlandais et d'abord aux Nord-Irlandais que revient la responsabilité première. Les dernières élections en 2022 ont encore montré un paysage politique polarisé, entre d'un côté le Sinn Féin et, de l'autre côté, le DUP - le parti unioniste. Toutefois, nous assistons à la montée en puissance d'un nouveau parti non confessionnel, ce qui pourrait laisser envisager un effacement progressif des clivages religieux au profit d'un intérêt général nord-irlandais qui les transcenderait ; nous pouvons l'espérer, l'organisation institutionnelle qui en découlera étant bien évidemment de la responsabilité des principaux intéressés.

Je vous le disais, je parle en tant que voisin : la France est historiquement reliée aux îles britanniques et irlandaises par bien des liens et ce qui s'y passe a un impact sur nos vies et nos libertés à tous. Le Brexit nous a tous questionnés, mais nous tenons au moins à une chose : c'est que le choix des Britanniques de sortir de l'Union européenne ne détruise pas ce que nous avons patiemment construit pendant 65 ans. Je veux parler ici de la frontière. En effet, la frontière de la République d'Irlande concerne toute l'Union européenne et assure l'intégrité de notre marché unique et, plus largement, la paix et la stabilité au coeur de l'Europe. Elle ne peut être remise en question.

Voilà, en définitive, la quadrature du cercle. La paix en Irlande n'est pas un sujet technique ou financier, mais humain. Elle est fragile. L'absence de frontières sur l'île est essentielle à la paix. Le contrôle de tout produit entrant, dont les marchandises arrivant de Grande-Bretagne via l'Irlande du Nord, pour assurer le respect du code douanier européen, garantit la sécurité du marché unique. Enfin, la coopération économique entre le Nord et le Sud doit être assurée.

C'est donc au Gouvernement britannique de trouver les voies et les moyens d'assurer le respect des droits des habitants de l'île irlandaise à travers les Accords du Vendredi Saint, tout en prenant en compte la nouvelle situation : le rétablissement des frontières nées du Brexit. Il trouvera bien évidemment en la France un partenaire fidèle pour trouver toute solution mutuellement profitable aux Britanniques, aux Irlandais, mais aussi à l'ensemble des habitants du continent européen.

Je vous remercie.

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