D. LE DÉBAT SUR LE « DÉTOURNEMENT DU SYSTÈME D'INFORMATION SCHENGEN PAR LES ÉTATS MEMBRES DU CONSEIL DE L'EUROPE POUR INFLIGER DES SANCTIONS À MOTIVATION POLITIQUE »

L'intervention de M. Jacques Le Nay

Merci, Madame la Présidente. Mes chers collègues,

Je souhaite tout d'abord remercier notre collègue pour son rapport qui pointe les difficultés soulevées par le système d'information Schengen.

Celui-ci vise à renforcer la protection des frontières extérieures de l'espace Schengen. Il permet aux autorités compétentes d'un État membre de signaler un ressortissant d'un État tiers qui représenterait une menace pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'État.

Les personnes faisant l'objet d'un signalement dans le système d'information Schengen ne remplissent pas, sauf cas particuliers, les conditions d'entrée sur le territoire des États membres.

Le rapport qui nous est présenté aujourd'hui tend à dénoncer une utilisation abusive de ce système pour notamment prendre des sanctions à caractère politique.

Si les États membres de l'espace Schengen restent libres d'accueillir sur leur territoire qui ils souhaitent, ils doivent, en tant que membres du Conseil de l'Europe, respecter le droit à la vie privée et familiale, le droit à la liberté d'expression et l'interdiction de la discrimination.

Toutefois, des divergences d'appréciation peuvent exister entre États membres. Ainsi, au regard de la loi française, certaines situations dénoncées par le rapport ne paraissent pas problématiques alors que d'autres sont dénoncées à juste titre. En effet, le rapport cite le cas d'un pasteur américain connu pour ses « sermons anti-LGBTI » et pour avoir remis en question les preuves de l'Holocauste. Celui-ci s'est vu interdire l'accès à l'espace Schengen par les Pays-Bas, le Royaume-Uni et l'Irlande. Or, en France, l'homophobie et le négationnisme ne sont pas des opinions mais des délits. Il n'est donc pas certain que l'attitude de la France aurait été autre.

En revanche, concernant les discriminations, le rapport cite l'exemple de l'Estonie, qui a interdit à deux journalistes de la chaîne de télévision Russia-1 - notre collègue M. Eerik-Niiles Kross en a parlé - l'entrée dans l'espace Schengen pendant cinq ans, à la suite de l'utilisation de caméras cachées pour filmer des membres de la communauté des Témoins de Jéhovah à Tallinn. Les autorités ont estimé que « les actions des journalistes visaient à se moquer de ce groupe religieux et constituaient une discrimination religieuse susceptible d'aboutir à une incitation à la haine ». Or, pour la France, les témoins de Jéhovah sont une secte et non une religion. Il n'est pas sûr, là encore, que la France aurait adopté la même attitude. Ces exemples illustrent parfaitement les différentes conceptions de ce qui peut présenter ou non un danger pour la sécurité de l'espace Schengen.

Dès lors, il est nécessaire de garantir des possibilités de recours effectif contre les décisions des autorités administratives ou judiciaires nationales qui sont à l'origine du signalement. Nous devons être particulièrement attentifs à ce point. En ce qui concerne la France, il est indiqué dans l'annexe du rapport que les autorités françaises n'ont pas répondu aux questions du rapporteur relatives au droit de recours. Je précise que celui-ci existe bien et qu'il se fait devant la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

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